Language of document : ECLI:EU:T:2000:170

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

27 juin 2000 (1)

«PTOM - Projet financé par le FED - Recours en indemnité - Confiance légitime - Obligation de contrôle pesant sur la Commission»

Dans l'affaire T-72/99,

Karl L. Meyer, demeurant à Uturoa (île de Raiatea, Polynésie française), représenté par Mes J. -D. des Arcis, avocat au barreau de Papeete, et C. A. Kupferberg, avocat au barreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. H. Pakowski, ambassadeur de la République fédérale d'Allemagne, 20-22, avenue Émile Reuter,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. X. Lewis, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet la réparation des dommages prétendument subis par le requérant par suite de l'abstention du Fonds européen de développement de verser une subvention que ce dernier se serait engagé à accorder dans le cadre d'un programme concernant la plantation d'arbres et de plantes fruitiers tropicaux dans l'île de Raiatea,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. K. Lenaerts, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: M. G. Herzig, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 30 mars 2000,

rend le présent

Arrêt

Programme de microréalisations

1.
    La décision 80/1186/CEE du Conseil, du 16 décembre 1980, relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté économique européenne (JO L 361, p. 1) prévoit, en son article 125, que le Fonds européen de développement (FED) peut participer au financement de microréalisations dans les pays et territoires d'outre-mer (PTOM). La décision 80/1186 n'est plus en vigueur. Actuellement, les relations entre l'Union et les PTOM sont régies par la décision 91/482/CEE du Conseil, du 25 juillet 1991, relative à l'association des PTOM à la Communauté économique européenne (JO L 263, p. 1), telle que modifiée par la décision 97/803/CE du Conseil, du 24 novembre 1997, portant révision à mi-parcours de la décision 91/482 (JO L 329 p. 50).

2.
    Le 25 septembre 1987, une convention de financement pour un programme de microréalisations (ci-après la «Convention») à effectuer sur l'île de Raiatea a été conclue entre la Communauté économique européenne et le territoire de la Polynésie française. La Convention est fondée sur la décision 80/1186.

3.
    L'article 3 des clauses particulières de la Convention dispose:

«Le programme comporte la mise en place de 40 plantations, de 1,5 à 2,5 ha chacune, d'ananas et d'autres fruits.

Le FED finance 50 % des frais d'établissement des plantations, ainsi que l'achat de deux véhicules [...]»

4.
    En vertu de la Convention (clauses particulières, article 2 et annexe IB), l'engagement du FED était fixé à 300 000 écus. La même Convention prévoyait une intervention des autorités polynésiennes à concurrence de 380 000 écus et une contribution personnelle, à concurrence de 810 000 écus, de la part des agriculteurs participant au programme (annexe IB des clauses particulières).

5.
    Quant à l'exécution du programme, la Convention prévoyait, en son article 4, sous c), des clauses particulières, que «[l]a maîtrise d'oeuvre [serait] confiée au service de l'économie rurale du territoire».

6.
    L'article VIII des clauses générales de la Convention prévoit:

«Le territoire peut, avec l'accord de la Commission, renoncer partiellement ou totalement à l'exécution d'un programme.

Un échange de lettres règle les modalités de cette renonciation.

Les crédits non encore utilisés afférents au programme abandonné peuvent être affectés à d'autres projets financés par le [FED] dans le territoire.»

Faits à l'origine du litige

7.
    Le requérant exploite une plantation de fruits tropicaux sur l'île de Raiatea.

8.
    En octobre 1991, il a pris part à une réunion organisée sur l'île de Tahaa, à laquelle des représentants de la Commission ont participé, parmi lesquels M. Alexandrakis, chef de délégation, ainsi que cinq ministres du gouvernement de la Polynésie française. Au cours de cette réunion, M. Alexandrakis aurait présenté le programme de microréalisations portant sur la plantation d'ananas et d'autres fruits sur l'île de Raiatea faisant l'objet de la Convention (ci-après le «programme de plantation»).

9.
    Le requérant a fourni la déclaration suivante de M. Tetuanui, conseiller territorial et maire de Tahaa, concernant la réunion d'octobre 1991:

«[...] j'avais invité en octobre 1991, en qualité de conseiller territorial et maire de la commune de Tahaa, [le requérant] à participer à une réunion avec trois fonctionnaires du bureau de la Commission européenne, basés à Suva, Fiji.

Le chef de la délégation, M. Alexandrakis, a été accompagné par cinq ministres du gouvernement du territoire de l'époque. Il a proposé une subvention de 35 millions de francs pacifiques [FCP] aux agriculteurs de Raiatea pour la mise en place d'un mini-projet fruitier, sous le contrôle direct de M. Avaearii Colomes, agent technique du service de l'économie rurale à Uturoa, Raiatea [...]»

10.
    Selon le requérant, «[l]e service de l'économie rurale de Raiatea a été mandaté pour l'exécution et la surveillance de la concrétisation de ce mini-projet. Le requérant, étant propriétaire d'une plantation de 44 hectares, a donné son accord pour y participer. En 1992, il a planté son quota d'arbres fruitiers supplémentaires et le service de l'économie rurale de Raiatea l'a inscrit comme bénéficiaire de 3,3 millions de FCP [= 181 518 francs français (FRF)] sur les 35 millions [de] FCP mis à disposition pour les agriculteurs de Raiatea par le FED».

11.
    Il affirme également que «le service de l'agriculture, dépendant du gouvernement du territoire, lui avait non seulement indiqué les arbres et les fruits à planter [mais il] lui avait également fourni et vendu ces plants, en lui allouant la somme de 3,3 millions de FCP de la subvention accordée par le FED». Ainsi, en exécution du programme de plantation, le requérant aurait planté 380 goyaviers, 65 corossoliers, 280 manguiers, 65 000 ananas et 1 000 papayers.

12.
    Le requérant affirme encore que, «[a]près avoir accompli son obligation de l'accord pris, il a naturellement réclamé le paiement de son allocation sur la subvention du FED».

13.
    Même si, selon le requérant, il «a honoré son obligation du pacte, il n'a jamais été payé». Plusieurs explications lui auraient été avancées pour justifier cette absence de paiement de la subvention, dont celle tirée de l'utilisation des fonds à une autre fin par les autorités locales.

14.
    En septembre 1997, à la suite de contacts avec des représentants de la Cour des comptes des Communautés européennes, le requérant a appris que les fonds mis à la disposition des autorités locales par le FED auraient été utilisés pour l'achat de véhicules et que ce dernier aurait obtenu le remboursement de ces fonds.

15.
    Le requérant n'a jamais perçu la moindre subvention pour les arbres et plantes fruitiers tropicaux qu'il aurait plantés en 1992.

Procédure et conclusions des parties

16.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 mars 1999, le requérant a introduit le présent recours.

17.
    Par mémoire du 4 juin 1999, déposé au greffe du Tribunal le 7 juin 1999, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité en vertu de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

18.
    Par ordonnance du 17 septembre 1999, le Tribunal (troisième chambre) a décidé de joindre au fond l'exception d'irrecevabilité soulevée.

19.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    le recevoir en toutes ses demandes;

-    dire et juger que la prescription n'a commencé à courir qu'à partir de septembre 1997, date de la constatation des faits par la Cour des comptes;

-    dire et juger que la Commission/FED a commis, par abstention, une inexécution fautive d'une obligation, aggravée d'une violation de confiance légitime;

-    dire et juger que la Commission/FED a manqué à son obligation, découlant de l'article 155 du traité CE (devenu article 211 CE), de veiller à l'application des dispositions qu'elle a prises;

-    dire et juger qu'il a subi un préjudice à hauteur de 181 518 FRF et ordonner le paiement de cette somme due depuis 1992, majorée des intérêts de retard;

-    condamner la Commission à lui verser en outre la somme de 20 000 FRF pour les frais irrépétibles qu'il a dû exposer pour la défense de ses intérêts.

20.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme irrecevable;

-    à titre subsidiaire, rejeter le recours comme mal fondé;

-    condamner le requérant aux dépens.

21.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Les parties ont été invitées à répondre par écrit à plusieurs questions et à produire certains documents.

22.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique du 30 mars 2000.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

23.
    Dans son exception d'irrecevabilité, la Commission estime que la requête ne réunit pas les conditions posées par l'article 19 du statut CE de la Cour de justice et par l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal. La requête, qui comporte une demande en dommages et intérêts, n'identifierait ni l'acte fautif ou l'omission fautive reprochée à la Commission, ni le préjudice subi par le requérant, ni le lien de causalité entre une faute et un préjudice. La Commission rappelle à cette occasion les conditions nécessaires à l'engagement de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté (arrêts de la Cour du 17 mai 1990, Sonito e.a./Commission, C-87/89, Rec. p. I-1981, point 16, du Tribunal du 25 juin 1997, Perillo/Commission, T-7/96, Rec. p. II-1061, point 41, et du 29 octobre 1998, TEAM/Commission, T-13/96, Rec. p. II-4073, point 68).

24.
    En premier lieu, s'agissant du fait délictueux, la Commission présente deux arguments.

25.
    D'une part, elle relève que la requête ne contient aucune indication quant à l'implication de la Commission dans la procédure de financement du projet du requérant. Elle souligne que le choix d'un projet pour un financement de la part du FED de même que la gestion concrète et les modalités de paiement au bénéficiaire sont du ressort exclusif des autorités des PTOM. Le requérant se plaindrait en réalité d'une violation d'obligations contractuelles par les autorités des PTOM qui sont le maître d'ouvrage du projet. Or, dans une telle hypothèse, la demande du requérant devrait être considérée comme irrecevable dès lors qu'il n'a pas établi que le comportement de la Commission lui a causé un préjudice non contractuel distinct du préjudice contractuel dont il lui appartient de poursuivre la réparation à l'encontre du maître d'ouvrage (arrêt Perillo/Commission, cité au point 23 ci-dessus, point 45).

26.
    D'autre part, la Commission souligne que la requête n'indique pas en quoi le changement de destination des fonds dénoncé par le requérant constituerait un acte illégal, pas plus qu'elle ne préciserait à quel titre la Commission aurait dû surveiller, voire empêcher, un tel changement. Le fait à l'origine du préjudice allégué par le requérant ne saurait donc être qu'un acte des autorités locales adopté dans le cadre de leurs compétences propres (arrêts du Tribunal du 4 février 1998, Laga/Commission, T-93/95, Rec. p. II-195, et Landuyt/Commission, T-94/95, Rec. p. II-213, point 47).

27.
    En deuxième lieu, la Commission affirme que la requête n'apporte aucun élément de preuve quant à l'existence d'un lien de causalité de quelque nature que ce soit entre une éventuelle absence de surveillance de la part de la Commission et le préjudice allégué. Le requérant n'aurait pas non plus démontré que le préjudice allégué aurait pu être évité si la Commission avait exercé la surveillance qu'il revendique.

28.
    En troisième lieu, s'agissant du préjudice, la Commission explique que, comme le montant des dommages et intérêts réclamé correspond exactement au montant du financement dont il n'aurait pas bénéficié du fait des agissements des autorités nationales, sa demande doit être déclarée irrecevable dès lors que, si un recours en annulation avait été dirigé contre la Commission dans les circonstances de la présente affaire, il aurait été irrecevable, ce qui aurait entraîné l'irrecevabilité du recours en indemnité de la même manière (arrêts Laga/Commission, cité au point 26 ci-dessus, point 48, et Landuyt/Commission, cité au point 26 ci-dessus, point 48).

29.
    Le requérant conteste la thèse défendue par la Commission et revendique la recevabilité de son recours.

Appréciation du Tribunal

30.
    Il doit être rappelé que, selon l'article 19 du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l'article 46, premier alinéa, du même statut, et l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit, notamment, indiquer l'objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation de dommages prétendument causés par une institution communautaire doit contenir les éléments qui permettent d'identifier le comportement que le requérant reproche à l'institution, les raisons pour lesquelles il estime qu'un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu'il prétend avoir subi, ainsi que le caractère et l'étendue de ce préjudice (arrêt TEAM/Commission, cité au point 23 ci-dessus, point 27).

31.
    Or, en l'espèce, la requête comporte les éléments qui permettent d'identifier le comportement reproché à la Commission, le lien de causalité entre ce dernier et le préjudice allégué, ainsi que l'ampleur de celui-ci.

32.
    Ainsi, le requérant reproche d'abord à la Commission d'avoir violé le principe de protection de la confiance légitime en ce que, malgré les assurances qui auraient été données par la Commission, il n'a jamais reçu de subvention de la part du FED pour sa participation au programme de plantation. Il reproche aussi à la Commission de s'être abstenue de surveiller la destination finale des fonds versés par le FED.

33.
    Le requérant soutient que le préjudice qu'il a subi correspond au montant de la subvention qu'il n'a pas perçue, à savoir 181 518 FRF.

34.
    Il prétend aussi que l'intervention d'un fonctionnaire de la Commission au cours de la réunion d'octobre 1991 et l'inaction de la Commission sont à l'origine du préjudice qu'il a subi.

35.
    Il s'ensuit que les exigences posées par les dispositions des articles 19 du statut de la Cour et 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal sont remplies en l'espèce.

36.
    L'argument que la Commission tire de l'irrecevabilité d'un éventuel recours en annulation qui entraînerait l'irrecevabilité du présent recours en indemnité doit également être rejeté. En effet, l'action en indemnité au titre des articles 178 du traité CE (devenu article 235 CE) et 215, deuxième alinéa, du traité CE (devenu article 288, deuxième alinéa, CE) a été instituée comme une voie autonome ayant une fonction particulière dans le cadre du système des voies de recours, de sorte que, en principe, l'irrecevabilité d'un recours en annulation ne saurait entraîner celle d'un recours tendant à la réparation d'un dommage prétendument subi du fait de l'acte dont l'annulation pourrait être demandée. Il en est autrement dans le cas où le recours en indemnité tend en réalité au retrait d'une décision individuelle devenue définitive et où il constitue ainsi un détournement de procédure (arrêt du Tribunal du 24 septembre 1996, Dreyfus/Commission, T-485/93, Rec. p. II-1101, points 67 et 68). Or, le présent recours ne peut être considéré comme tendant à annihiler les effets juridiques d'une décision de la Commission devenue définitive.

37.
    Il s'ensuit que le présent recours est recevable.

Sur le fond

Arguments des parties

38.
    Le requérant fait valoir, en premier lieu, que le fait que M. Alexandrakis ait proposé, en octobre 1991, le programme de plantation lui a conféré une confiance légitime à l'égard de la perception d'une subvention à concurrence de 181 518 FRF (arrêts de la Cour du 4 février 1975, Compagnie Continentale France/Conseil, 169/73, Rec. p. 117, du 14 mai 1975, CNTA/Commission, 74/74, Rec. p. 533, du 12 avril 1984, Unifrex/Commission et Conseil, 281/82, Rec. p. 1969, du 29 septembre 1987, De Boer Buizen/Conseil et Commission, 81/86, Rec. p. 3677, et du 28 avril 1988, Mulder, 120/86, Rec. p. 2321). La partie défenderesse n'aurait toutefois pas honoré l'obligation de subvention contractée en faveur des agriculteurs de Raiatea qui, eux, auraient respecté leur part de l'accord. En outre, la partie défenderesse se serait rendue coupable d'une omission fautive. La Commission aurait manqué à son obligation découlant de l'article 155 du traité de contrôler la correcte utilisation des fonds octroyés (arrêt de la Cour du 13 juillet 1961, Meronie.a./Haute Autorité, 14/60, 16/60, 17/60, 20/60, 24/60, 26/60, 27/60 et 1/61, Rec. p. 319).

39.
    Dans sa réplique, le requérant soutient que la décision 91/482 est basée sur un partenariat entre la Commission et les PTOM. Il se réfère, en particulier, à l'article 145, paragraphe 3, de cette décision qui fait état d'une responsabilité conjointe des autorités compétentes des PTOM et de la Communauté. En vertu des articles 221 et 223 de la décision 91/482, le délégué de la Commission aurait même des pouvoirs d'exécution et de surveillance spécifiques. L'argumentation de la Commission selon laquelle cette dernière n'intervient pas dans les relations entre les autorités locales et les bénéficiaires individuels devrait donc être rejetée. En outre, le requérant souligne que le chef de la délégation de la Commission a, au titre de ses fonctions, personnellement présenté le programme de plantation aux bénéficiaires individuels en présence de cinq ministres du gouvernement du territoire. La Communauté serait responsable des dommages résultant de cette intervention (arrêt de la Cour du 10 juillet 1969, Sayag e.a., 9/69, Rec. p. 329). Les articles 145, paragraphe 3, sous f), et 223 de la décision 91/482 établiraient indiscutablement la responsabilité de la Communauté (arrêts de la Cour du 28 avril 1971, Lütticke/Commission, 4/69, Rec. p. 325, et du 8 avril 1992, Cato/Commission, C-55/90, Rec. p. I-2533). Même après le remboursement des fonds par les autorités locales à la Commission, la Communauté resterait responsable en vertu de l'article 225, paragraphe 8, de la décision 91/482.

40.
    Quant à la violation par la Communauté de son obligation de contrôle, le requérant se réfère encore à un article paru dans les Nouvelles de Tahiti, le 30 septembre 1999.

41.
    Le requérant fait valoir, en deuxième lieu, qu'il existe un lien de cause à effet entre le non-respect de l'engagement du FED et le préjudice, qui correspond au montant de la subvention promise, à savoir 181 518 FRF. Il ajoute que le projet en question relevait, conformément aux dispositions de la décision 91/482, de la responsabilité conjointe de la Commission et des autorités locales. Se référant à l'arrêt de la Cour du 26 février 1986, Krohn/Commission (175/84, Rec. p. 753), il estime que le lien de causalité avec le comportement des autorités communautaires n'est pas rompu.

42.
    La Commission rétorque, en premier lieu, qu'elle n'a, ni par action ni par omission, adopté un comportement susceptible d'être générateur de responsabilité vis-à-vis du requérant. Le choix d'une microréalisation pour un financement de la part du FED serait du ressort exclusif des autorités des PTOM. Les autorités concernées auraient la responsabilité exclusive non seulement de la conclusion des conventions avec les bénéficiaires du projet, mais aussi de la gestion et de l'exécution du projet en cause. Aucun lien juridique n'existerait entre le FED et les bénéficiaires du projet en cause, et la Commission n'interviendrait pas dans les relations entre les autorités locales du PTOM concerné et les bénéficiaires individuels.

43.
    Par leur présence en octobre 1991 à la présentation du programme de plantation, les représentants de la Commission auraient porté assistance aux autorités locales du PTOM concerné qui seraient, toutefois, restées maîtres et responsables des projets individuels.

44.
    Comme le reconnaîtrait le requérant, la subvention en question aurait été accordée par le service de l'agriculture dépendant du gouvernement de la Polynésie française. Le requérant mettrait donc en cause, par le présent recours, une éventuelle violation des obligations contractuelles qui le lient aux autorités du PTOM. Or, il ressortirait d'une jurisprudence constante (arrêt de la Cour du 19 septembre 1985, Murri frères/Commission, 33/82, Rec. p. 2759, point 38, et arrêt Perillo/Commission, cité au point 23 ci-dessus, point 45) que la Commission n'est pas responsable d'une éventuelle violation des obligations contractuelles liant le bénéficiaire d'un projet sélectionné et l'autorité locale.

45.
    La Commission fait encore observer que le requérant n'apporte aucune preuve formelle d'un engagement des autorités de la Polynésie française de lui verser la somme de 181 518 FRF au titre d'un projet financé par le FED.

46.
    En second lieu, la Commission soutient que le requérant n'a apporté aucune preuve d'un lien de causalité direct entre un acte ou une omission de la Commission et le non-paiement de la subvention par les autorités de la Polynésie française.

Appréciation du Tribunal

47.
    Il est constant entre les parties qu'il n'existe aucun lien contractuel entre le requérant et la Commission concernant la participation de celui-ci au programme de plantation. En effet, en vertu de l'article 4, sous c), des clauses particulières de la Convention, l'exécution du programme était confiée aux autorités de la Polynésie française (voir ci-dessus point 5).

48.
    S'il n'existe pas de relation contractuelle entre la Commission et le requérant, il ressort de la jurisprudence que la Communauté peut être tenue, au titre de l'article 215, second alinéa, du traité CE, de réparer le dommage subi par des tiers par suite d'actes commis par elle dans l'exercice de ses fonctions (arrêts de la Cour du 10 juillet 1985, CMC e.a./Commission, 118/83, Rec. p. 2325, point 31, et du Tribunal du 16 novembre 1994, San Marco/Commission, T-451/93, Rec. p. II-1061, point 43).

49.
    Toutefois, la responsabilité de la Communauté suppose que le requérant prouve non seulement l'illégalité du comportement reproché à l'institution concernée et la réalité d'un préjudice, mais également l'existence d'un lien de causalité entre ce comportement et ce préjudice (arrêts de la Cour du 17 décembre 1981, Ludwigshafener Walzmühle e.a./Conseil et Commission, 197/80 à 200/80, 243/80,245/80 et 247/80, Rec. p. 3211, point 18, et du 14 janvier 1993, Italsolar/Commission, C-257/90, Rec. p. I-9, point 33; arrêt Perillo/Commission, cité au point 23 ci-dessus, point 41). En outre, selon une jurisprudence constante, le préjudice doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché (arrêt de la Cour du 4 octobre 1979, Dumortier Frères e.a./Conseil, 64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, Rec. p. 3091, point 21; arrêts du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T-175/94, Rec. p. II-729, point 55, et Perillo/Commission, cité au point 23 ci-dessus, point 41).

Sur le prétendu comportement fautif

50.
    Il y a lieu de rappeler que le requérant reproche deux «fautes» à la Commission. Celle-ci aurait, d'une part, violé le principe de protection de la confiance légitime dans le cadre du programme de plantation et, d'autre part, exercé un contrôle insuffisant sur la correcte utilisation des fonds octroyés par le FED pour l'exécution du programme.

51.
    Le requérant soutient, en premier lieu, que la Commission, représentée par M. Alexandrakis, a violé le principe de confiance légitime en faisant naître en lui, à la réunion d'octobre 1991, l'espérance qu'il allait recevoir une subvention de la part du FED s'il participait au programme de plantation. La Commission n'aurait toutefois pas «honoré [son] obligation de subvention».

52.
    La Commission reconnaît qu'«[i]l est sans doute exact que des employés ou des représentants du FED ont participé à la présentation d'un microprojet de plantation d'arbres fruitiers tropicaux en octobre 1991». En outre, la présence de tels représentants, et notamment de M. Alexandrakis, fonctionnaire à l'époque de la Commission, ressort de la déclaration de M. Tetuanui (voir ci-dessus point 9).

53.
    Il doit être rappelé que la possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur économique dans le chef duquel une institution a fait naître des espérances fondées (arrêt du Tribunal du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, T-481/93 et T-484/93, Rec. p. II-2941, point 148). Cependant, personne ne peut invoquer une violation d'un tel principe en l'absence d'assurances précises que lui aurait fournies l'administration (arrêt du Tribunal du 14 septembre 1995, Lefebvre e.a./Commission, T-571/93, Rec. p. II-2379, point 72).

54.
    Il y a donc lieu d'examiner s'il ressort des éléments du dossier que M. Alexandrakis a donné au requérant au cours de la réunion d'octobre 1991 des assurances précises de nature à faire naître dans son chef des espérances fondées dans l'octroi d'une subvention du FED pour sa participation au programme de plantation.

55.
    Sur la base du seul élément de preuve fourni par le requérant concernant la réunion d'octobre 1991, à savoir la déclaration de M. Tetuanui, il peut être constaté que M. Alexandrakis a fait état, au cours de cette réunion, d'une subvention globale de 35 millions de FCP pour le programme de plantation (voir ci-dessus point 9).

56.
    Cet élément de preuve ne contient toutefois aucun indice de ce que des assurances précises auraient été fournies au requérant par le fonctionnaire de la Commission de ce qu'il allait recevoir une subvention dans le cadre du programme de plantation.

57.
    Au contraire, il ressort de plusieurs éléments du dossier que la Commission n'a pas pu faire naître au cours de la réunion d'octobre 1991 de telles espérances.

58.
    Premièrement, il doit être constaté que la déclaration de M. Tetuanui (voir ci-dessus point 9) démontre que M. Alexandrakis a déclaré au cours de la réunion d'octobre 1991 que le «mini-projet fruitier [était] sous le contrôle direct de M. Avaearii Colomes, agent technique du service de l'économie rurale à Uturoa, Raiatea». Cette déclaration doit être mise en rapport avec l'article 4, sous c), des clauses particulières de la Convention qui prévoit, en conformité avec l'article 90, paragraphe 2, de la décision 80/1186 (actuellement l'article 145, paragraphe 2, de la décision 91/482), que l'exécution du projet était confiée aux autorités de la Polynésie française, notamment au service de l'économie rurale du territoire (voir ci-dessus point 5).

59.
    Il doit être constaté ensuite que le requérant affirme que, après la réunion d'octobre 1991, il s'est adressé aux autorités locales. Le service de l'économie rurale de Raiatea l'aurait ainsi inscrit comme bénéficiaire de 3,3 millions de FCP (181 518 FRF) sur les 35 millions de FCP mis à disposition pour les agriculteurs de Raiatea par le FED (voir ci-dessus point 10). Le requérant fait encore valoir que «[l]e service de l'agriculture, dépendant du gouvernement du territoire, lui avait non seulement indiqué les arbres et fruits à planter [mais] lui avait également fourni et vendu ces plants, en lui allouant la somme de 3,3 millions de FCP de la subvention accordée par le FED» (voir ci-dessus point 11).

60.
    Interrogé sur ce point à l'audience, le conseil du requérant a affirmé que bien qu'il n'existât pas de contrat écrit entre son mandant et les autorités de la Polynésie française, ces autorités avaient oralement donné l'assurance à ce dernier, conformément aux usages locaux, qu'il allait recevoir une subvention du FED.

61.
    Il s'ensuit que, si le requérant a reçu, à un moment donné, des assurances précises de ce qu'il remplissait les conditions pour pouvoir bénéficier d'une subvention du FED pour sa participation au programme de plantation, ces assurances ont été données par les autorités de la Polynésie française et non par la Commission.

62.
    Deuxièmement, il ressort de la déclaration de M. Tetuanui que la présentation faite par M. Alexandrakis est restée sans suite pour ce qui concerne 47 des 50 agriculteurs présents. La déclaration mentionne, en effet, qu'«[e]nviron 50 agriculteurs ont manifesté leur intérêt à participer à la concrétisation du projet proposé par M. Alexandrakis, mais seulement trois personnes ont planté les plantes et les arbres, selon les indications de M. Colomes, sans attendre leur subvention: entre eux [le requérant]».

63.
    Cette constatation constitue un indice supplémentaire du fait que M. Alexandrakis n'a fourni aucune assurance précise aux participants à la réunion d'octobre 1991 quant à l'éventuelle subvention qu'ils allaient recevoir pour leur participation au programme de plantation.

64.
    À l'audience, le conseil du requérant a souligné la méfiance de ce dernier vis-à-vis des autorités locales. Ce serait précisément en raison de la participation du FED au programme et de la présence de M. Alexandrakis, fonctionnaire de la Commission, à la réunion d'octobre 1991 que le requérant a conçu l'espoir de recevoir la subvention à laquelle il prétend avoir droit.

65.
    Toutefois, le requérant ne démontre nullement que sa confiance reposait sur des assurances précises qui auraient été données par la partie défenderesse. Le cofinancement par le FED d'un programme de plantation et la présentation de ce programme par un fonctionnaire de la Commission au cours d'une réunion ne suffisent pas, en tant que tels, pour fonder une confiance légitime dans le chef d'un opérateur économique prudent et avisé qui a participé à la réunion dans son droit à une subvention du FED. En effet, comme le démontre le comportement des 47 autres agriculteurs intéressés, un tel opérateur économique n'aurait pas entamé des travaux sans attendre une décision formelle de la part des autorités compétentes lui accordant une subvention dans le cadre du programme (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T-336/94, Rec. p. II-1343, point 34).

66.
    Troisièmement, si M. Alexandrakis avait donné au requérant des assurances précises au sujet d'une subvention du FED, le requérant aurait normalement dû réclamer auprès de la Commission le paiement de la subvention après avoir accompli sa contribution au programme. Toutefois, il doit être constaté que le dossier ne contient aucun indice d'une correspondance entre le requérant et la Commission.

67.
    Enfin, quatrièmement, le fait que les indications avancées par le requérant quant au montant de la subvention qui lui aurait été promise ont varié au cours de la procédure devant le Tribunal constitue un autre indice de ce que la Commission ne lui a jamais donné des assurances précises quant à cette éventuelle subvention.

68.
    Il doit en effet être constaté que le requérant avait d'abord affirmé, sans produire d'éléments de preuve à l'appui de son assertion, qu'il a été «inscrit comme bénéficiaire de 3,3 millions de FCP (= 181 518 FRF) sur les 35 millions de FCP mis à disposition pour les agriculteurs de Raiatea par le FED». Ensuite, en réponse à une question écrite du Tribunal sur ce point, le requérant a expliqué, par lettre du 10 mars 2000, que «l'indication d'une allocation de 3,3 millions de FCP [dans la requête] a été approximative [et] que le calcul exact découle de la note de service de la réunion du 26 novembre 1990».

69.
    Or, ladite note de service fait ressortir que les autorités de la Polynésie française avaient calculé que, en moyenne, les 40 agriculteurs qui participeraient au programme de plantation allaient recevoir une subvention de 750 000 FCP. Comme cette moyenne était calculée sur la base de 2 hectares de plantations subventionnées, le requérant a calculé, dans sa lettre du 10 mars 2000, que son préjudice réel s'élèverait à 5 325 000 FCP, soit 292 743 FRF, dès lors qu'il avait effectué des plantations sur une surface totale de 14,2 hectares.

70.
    Toutefois, à l'audience, le conseil du requérant a affirmé que ce dernier avait reçu un engagement que sa participation au programme de plantation lui donnerait droit à une subvention de 181 518 FRF, ce qui contredit les calculs du montant du préjudice que le requérant avance dans sa lettre du 10 mars 2000.

71.
    En outre, en ce qui concerne le contenu de la note de service, visée au point 69 ci-dessus, il doit être souligné que le programme de plantation portait, en vertu de l'article 3 de la Convention, sur des plantations sur une surface maximale de 2,5 hectares. Contrairement à ce que prétend le requérant, la liste annexée à sa lettre du 10 mars 2000, faisant apparaître, en face de 30 noms, les surfaces plantées, ne constitue pas un indice de ce que le plafond de 2,5 hectares avait été supprimé. Il n'est en effet nullement démontré que le document en question présente un quelconque rapport avec le programme de plantation. À défaut d'éléments démontrant que le plafond de l'article 3 de la Convention a été modifié, les affirmations, par ailleurs non établies du requérant, selon lesquelles il a effectué des plantations sur une surface de 14,2 hectares ne sont pas de nature à démontrer qu'une quelconque autorité lui aurait promis une subvention de 181 518 FRF, ou éventuellement de 292 743 FRF, dans le cadre de l'exécution du programme de plantation.

    .

72.
    Il y a donc lieu de conclure que le requérant n'a pas démontré que la Commission a fait naître dans son chef des espérances fondées dans l'octroi d'une subvention de la part du FED pour sa participation au programme de plantation.

73.
    En deuxième lieu, le requérant se fonde sur une violation par la Commission de son obligation de contrôle. Il se réfère, à cet égard, à l'article 155 du traité ainsi qu'aux articles 145, paragraphe 3, sous f), 221 et 223 de la décision 91/482, qui souligneraient la responsabilité de la Communauté dans l'exécution de projets financés par le FED.

74.
    Il doit toutefois être rappelé que la Convention est fondée sur la décision 80/1186. L'article 90, paragraphe 2, sous e), de cette décision dispose que les autorités du PTOM concerné ont la responsabilité d'«exécuter les projets et programmes d'actions financés par la Communauté». En pleine conformité avec cette disposition, l'article 4, sous c), des clauses particulières de la Convention mentionne: «La maîtrise d'oeuvre sera confiée au service de l'économie rurale du territoire.»

75.
    La Polynésie française étant responsable de l'exécution du programme de plantation, c'est à elle qu'il incombait de nouer des relations contractuelles avec des agriculteurs intéressés par le programme en question.

76.
    Ensuite, il ressort de plusieurs documents fournis par la Commission en réponse aux questions écrites du Tribunal que cette dernière a contrôlé l'état d'avancement de l'exécution du programme de plantation. Ainsi, le compte rendu d'une mission de la Commission en Polynésie française, qui s'est déroulée du 2 au 7 avril 1990, mentionne: «À part [..] l'achat des véhicules prévus, ce projet n'a pas encore démarré.»

77.
    Par lettre du 14 novembre 1990, M Alexandrakis a fait savoir au président du gouvernement de la Polynésie française: «Dans ma lettre n° 134 du 27.07.90 j'avais [...] demandé un rapport sur le programme [de plantation]. J'avais rappelé ceci à vos services lors de ma mission le mois dernier. Bien que le projet ne soit guère commencé il nous faut au moins un rapport qui explique ce qui a été effectué, qui explique pourquoi il y a tant de difficultés pour le faire démarrer et, enfin, qui indique si le projet peut continuer ou doit être abandonné.»

78.
    Il ressort du rapport de la Polynésie française du 26 février 1991 satisfaisant à la demande exprimée dans la lettre du 14 novembre 1990 que, dans le cadre du programme de plantation, les autorités de la Polynésie française ont acheté trois véhicules, au lieu des deux initialement prévus dans la Convention, et que cette modification des termes de la Convention a été acceptée par le délégué de la Commission. Le rapport expose ensuite les raisons pour lesquelles le programme de plantation n'a pas encore été réalisé.

79.
    Par lettre du 7 mai 1991, M. Alexandrakis a fait des propositions «pour sortir de l'impasse».

80.
    Dans un rapport du 16 septembre 1991, qui renvoie à la lettre du 7 mai 1991, les autorités de la Polynésie française informent la Commission de ce qui suit: «Actuellement 51 agriculteurs (dont 25 sur le domaine de Faaroa) sont prêts à s'engager dans le programme de [plantation]. Il est toujours prévu, comme dans le dossier précédemment transmis, 86 ha de plantations fruitières.»

81.
    Il doit être constaté ensuite que, par lettre du 11 septembre 1992, les autorités de la Polynésie française ont demandé à la Commission, conformément à l'article VIII des clauses générales de la Convention, «de procéder à la clôture définitive [du programme de plantation]» et d'affecter les crédits non utilisés à un autre projet.

82.
    Par lettre du 4 décembre 1992, la Commission s'est déclarée favorable à la clôture du projet et à la réaffectation des crédits à condition que les autorités de la Polynésie française procèdent au remboursement de la subvention qu'elles avaient reçue pour le financement de l'achat des trois véhicules. Il ressort, en outre, de cette lettre que le financement de l'achat des trois voitures a constitué «la seule dépense effectuée [par le FED] au sein d'un projet qui n'a jamais démarré». Il est constant entre les parties que le remboursement de la subvention reçue par les autorités de la Polynésie française pour l'achat des véhicules en question a effectivement eu lieu.

83.
    Il résulte de ce qui précède que le requérant ne saurait reprocher à la Commission un manque de contrôle concernant l'utilisation des fonds du FED. En effet, la Commission s'est informée de l'état d'avancement du programme de plantation et a constaté que, à part l'achat de trois véhicules, le programme n'a jamais démarré et n'a donné lieu à aucune dépense.

84.
    Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que le requérant, à la suite d'une question écrite du Tribunal, n'ait pu produire aucun élément de preuve démontrant qu'il aurait conclu un contrat avec les autorités de la Polynésie française concernant la participation à l'exécution du programme de plantation.

85.
    Le requérant affirme toutefois qu'il a reçu un engagement verbal de la part des autorités locales selon lequel sa participation au programme de plantation lui donnerait droit à une subvention de 181 518 FRF. Il aurait donc existé un contrat verbal entre le requérant et les autorités de la Polynésie française, dont il aurait appartenu à la Commission de contrôler la bonne exécution.

86.
    En supposant qu'un tel contrat verbal ait existé entre le requérant et les autorités de la Polynésie française, il doit être examiné si les dispositions pertinentes, correspondant à celles invoquées à tort par le requérant - à savoir l'article 155 du traité et les articles 145, paragraphe 3, sous f), 221 et 223 de la décision 91/482 -, prévoient dans le chef de la Commission un devoir de contrôle portant sur l'exécution des contrats individuels conclus par le PTOM concerné dans le cadre d'un programme financé par le FED et si, le cas échéant, la Commission n'a pas respecté ce devoir de contrôle.

87.
    Il doit être constaté que les dispositions invoquées par le requérant prévoient seulement un contrôle, par la Commission, de la bonne utilisation des deniers communautaires par les autorités du PTOM concerné. Ainsi, l'article 90, paragraphe 4, sous d), de la décision 80/1186, qui est la disposition correspondant à l'article 145, paragraphe 3, sous f), de la décision 91/482 actuellement en vigueur,fait état de ce que «[l]es autorités compétentes des pays et territoires et la Communauté ont la responsabilité conjointe de s'assurer que la réalisation des projets et programmes d'actions financés par la Communauté est conforme aux affectations décidées ainsi qu'aux dispositions de la présente décision». Les articles 103 et 104 la décision 80/1186 - matières actuellement régies par les articles 221 et 223 de la décision 91/482, auxquels se réfère le requérant - concernent respectivement les rôles de l'ordonnateur territorial et du délégué de la Commission, qui n'exercent, dans le cadre des programmes financés par le FED, que les compétences respectives des PTOM et de la Commission. Quant à l'article 155 du traité, cette disposition a pour objet de fixer, de manière générale, les compétences de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, T-371/94 et T-394/94, Rec. p. II-2405, point 453). En l'espèce, l'article 155 du traité n'impose, dans les relations de l'Union avec les PTOM, aucune obligation allant au-delà des obligations de contrôle prévues dans le cadre de la décision 80/1186.

88.
    Il s'ensuit que, même dans l'hypothèse où le requérant aurait démontré, ce qui n'est pas le cas, qu'il avait conclu un contrat avec les autorités de la Polynésie française concernant sa participation au programme de plantation, le requérant n'a pas démontré l'existence d'un comportement fautif dans le chef de la Commission. Celle-ci, d'une part, a exercé un contrôle suffisant sur la bonne utilisation par les autorités de la Polynésie française des deniers communautaires octroyés dans le cadre du programme de plantation (voir ci-dessus points 76 à 83) et, d'autre part, elle n'a aucune obligation de veiller à ce que chaque projet éventuellement sélectionné et approuvé par les autorités locales d'un PTOM soit exécuté conformément aux stipulations négociées entre ces autorités et les personnes morales ou privées participant à la réalisation du programme financé par le FED.

89.
    Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'a pas établi l'existence d'un comportement fautif dans le chef de la Commission.

90.
    Sans qu'il y ait besoin d'examiner si le requérant a démontré la réalité du préjudice allégué et s'il pouvait exister un lien de causalité entre le préjudice et le comportement fautif allégués, il y a lieu de rejeter le présent recours.

Sur les dépens

91.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Le requérant est condamné aux dépens.

Lenaerts

Azizi
Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 juin 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts


1: Langue de procédure: le français.