Language of document : ECLI:EU:T:2000:180

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

6 juillet 2000 (1)

«Concurrence - Distribution de véhicules automobiles - Cloisonnement - Article 85 du traité CE (devenu article 81 CE) - Règlement (CEE) n° 123/85 - Divulgations à la presse - Secret professionnel - Bonne administration -

Amende - Gravité de l'infraction»

Dans l'affaire T-62/98,

Volkswagen AG, établie à Wolfsburg (Allemagne), représentée par Me R. Bechtold, avocat à Stuttgart, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Loesch et Wolter, 11, rue Goethe,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. K. Wiedner, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me H. J. Freund, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 98/273/CE de la Commission, du 28 janvier 1998, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/35.733 - VW) (JO L 124, p. 60), ou, à titre subsidiaire, de réduction de l'amende infligée dans cette décision à la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. R. M. Moura Ramos, président, Mme V. Tiili et M. P. Mengozzi, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 7 octobre 1999,

rend le présent

Arrêt

Faits et cadre juridique

1.
    La requérante est la société holding du groupe Volkswagen. Les activités commerciales du groupe comprennent la construction de véhicules des marques Volkswagen, Audi, Seat et Skoda, ainsi que la fabrication de composants et de pièces. Le groupe exerce également d'autres activités dans les domaines des moteurs industriels, des services financiers et de l'assurance. La requérante détient une participation de 98,99 % dans Audi AG (ci-après «Audi»). L'activité commerciale d'Audi, qui est établie à Ingolstadt (Allemagne), porte essentiellement sur la construction et la distribution de véhicules automobiles de la marque Audi, ainsi que sur la production de composants et de moteurs.

2.
    Les véhicules automobiles des marques Volkswagen et Audi sont vendus dans la Communauté par l'intermédiaire de réseaux de distribution sélective . L'importation en Italie de ces véhicules, ainsi que de leurs pièces détachées et de leursaccessoires, est assurée en exclusivité par la société de droit italien Autogerma SpA (ci-après «Autogerma»), établie à Vérone (Italie), qui est une filiale à 100 % de la requérante et qui, de ce fait, constitue avec cette dernière et Audi une unité économique. La distribution en Italie a lieu par l'intermédiaire de concessionnaires juridiquement et économiquement indépendants mais contractuellement liés à Autogerma.

3.
    Les contrats de concession sont, sous certaines conditions, exemptés de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) par le règlement (CEE) n° 123/85 de la Commission, du 12 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles (JO 1985, L 15, p. 16), remplacé, à partir du 1er octobre 1995, par le règlement (CE) n° 1475/95 de la Commission, du 28 juin 1995 (JO L 145, p. 25). Suivant l'article 7 du règlement n° 1475/95, l'interdiction énoncée à l'article 85, paragraphe 1, du traité ne s'applique pas pendant la période du 1er octobre 1995 au 30 septembre 1996 aux accords déjà en vigueur au 1er octobre 1995 et qui remplissaient les conditions d'exemption prévues par le règlement n° 123/85.

4.
    L'article 1er du règlement n° 123/85 dispose:

«Conformément à l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE, l'article 85, paragraphe 1, [du traité] est déclaré inapplicable, dans les conditions fixées par le présent règlement, aux accords auxquels ne participent que deux entreprises, et dans lesquels une partie à l'accord s'engage vis-à-vis de l'autre à ne livrer, à l'intérieur d'une partie définie du marché commun:

1) que, à celle-ci,

ou

2) que, à celle-ci et à un nombre déterminé d'entreprises du réseau de distribution, dans le but de la revente, des véhicules automobiles déterminés à trois roues ou plus destinés à être utilisés sur la voie publique [...]»

5.
    Il est précisé, à l'article 2 du règlement n° 123/85, que l'exemption s'applique également «lorsque l'engagement décrit à l'article 1er est lié à l'engagement du fournisseur de ne pas vendre des produits contractuels à des utilisateurs finals dans le territoire convenu».

6.
    L'article 3 du règlement n° 123/85 dispose: «L'exemption [...] s'applique également lorsque [l'accord de distribution sélective] est lié à l'engagement du distributeur:

[...]

8)    de ne pas, en dehors du territoire convenu:

    a)    entretenir des succursales ou dépôts pour la distribution de produits contractuels et de produits correspondants;

    b)    prospecter la clientèle pour des produits contractuels et des produits correspondants;

9)    de ne pas confier à des tiers la distribution ou le service de vente et d'après-vente de produits contractuels et de produits correspondants en dehors du territoire convenu;

10)    de ne livrer à un revendeur:

    a)    des produits contractuels et des produits correspondants que si ce revendeur est une entreprise du réseau de distribution,

    [...]

11)    de ne vendre les véhicules automobiles [...] à des utilisateurs finals utilisant les services d'un intermédiaire que si ces utilisateurs ont auparavant mandaté par écrit l'intermédiaire pour acheter et, en cas d'enlèvement par celui-ci, pour prendre livraison d'un véhicule automobile déterminé.»

7.
    Le libellé des articles 1er, 2 et 3 du règlement n° 1475/95 est à peu près identique à celui des dispositions correspondantes du règlement n° 123/85. L'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1475/95 prévoit:

«L'exemption ne s'applique pas dès lors:

[...]

3)    que [...] les parties conviennent de restrictions de concurrence qui ne sont pas expressément exemptées par le présent règlement ou

[...]

7)    que le constructeur, le fournisseur ou une autre entreprise du réseau restreint directement ou indirectement la liberté des utilisateurs finals, des intermédiaires mandatés ou des distributeurs de s'approvisionner auprès d'une entreprise du réseau de leur choix à l'intérieur du marché commun en produits contractuels ou en produits correspondants [...], ou la liberté des utilisateurs finals de revendre des produits contractuels ou des produits correspondants, pourvu que la vente ne soit pas réalisée à des fins commerciales, ou

8)    que le fournisseur, sans raison objectivement justifiée, octroie aux distributeurs des rémunérations calculées en fonction du lieu de destination des véhicules automobiles revendus ou du domicile de l'acheteur [...]»

8.
    À partir de septembre 1992 et en 1993, la lire italienne a baissé fortement par rapport au mark allemand. Toutefois, la requérante n'a pas augmenté en proportion ses prix de vente en Italie. Les écarts de prix qui résultaient de cette situation ont créé un intérêt économique à la réexportation, à partir de l'Italie, de véhicules des marques Volkswagen et Audi.

9.
    Au cours des années 1994 et 1995, la Commission a reçu des lettres de consommateurs allemands et autrichiens se plaignant d'obstacles à l'achat de véhicules neufs des marques susvisées en Italie, en vue de leur réexportation immédiate vers l'Allemagne ou l'Autriche .

10.
    Par lettre du 24 février 1995, la Commission a fait savoir à la requérante que, sur la base de plaintes émanant de consommateurs allemands, elle avait constaté que cette dernière ou Autogerma avait imposé aux concessionnaires italiens des marques Volkswagen et Audi, en les menaçant de résilier leur contrat de concession, de vendre des véhicules uniquement à des clients italiens. Par la même lettre, la Commission a mis la requérante en demeure d'arrêter cette entrave à la réexportation et de lui communiquer, dans un délai de trois semaines à compter de la date de réception de ce courrier, les mesures prises à cet égard .

11.
    Par lettre du 30 mars 1995, la requérante a répondu que les difficultés rencontrées par certains consommateurs avaient pu être causées par un problème de communication, notamment entre Autogerma et les concessionnaires italiens. Elle a annexé à cette lettre une copie d'une circulaire qui avait été envoyée le 16 mars 1995 aux concessionnaires italiens pour éliminer toute possibilité de malentendu.

12.
    Par lettre du 2 mai 1995, la Commission a répondu à la requérante que la circulaire du 16 mars 1995 n'avait pas mis fin aux entraves à la réexportation. Elle a fait état, à cet égard, de nouvelles plaintes émanant de plusieurs consommateurs allemands et autrichiens .

13.
    Le 17 octobre 1995, la Commission a adopté une décision ordonnant des vérifications conformément à l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204). Les vérifications ont eu lieu les 23 et 24 octobre 1995 auprès de la requérante et d'Audi, ainsi que, en Italie, auprès d'Autogerma, d'Auto Brenner SpA à Bolzano, d'Auto Pedross Herbert & Co. à Silandro, de Dorigoni SpA à Trente, d'Eurocar SpA à Udine, d'IOB Silvano & C. SRL à Gemona, d'Adriano Mansutti à Tricesimo, de Günther Rabanser à Pontegardena, de Mutschlechner SAS à Brunico et de Franz Nitz à Vipiteno. Par ces vérifications, la Commission cherchait à savoir si la requérante et Audi avaient conclu des accords ou mis en oeuvre des pratiques concertées avec Autogerma et leursconcessionnaires en Italie, visant à ne pas vendre des véhicules neufs à des consommateurs domiciliés dans d'autres États membres .

14.
    Sur la base des documents trouvés lors de ces vérifications, la Commission a estimé que la requérante, Audi et Autogerma avaient mis sur pied avec leurs concessionnaires italiens une politique de cloisonnement du marché . Le 25 octobre 1996, la Commission a notifié une communication des griefs en ce sens à la requérante et à Audi.

15.
    Par lettre du 18 novembre 1996, la requérante et Audi ont demandé à avoir accès au dossier. Elles en ont pris connaissance le 5 décembre 1996.

16.
    Le 19 décembre 1996, Autogerma a, sur la demande expresse de la requérante, adressé une circulaire aux concessionnaires italiens, précisant que les exportations à destination d'utilisateurs finals (le cas échéant, par le biais d'intermédiaires) ainsi que de concessionnaires appartenant au réseau de distribution étaient licites et ne seraient donc pas sanctionnées. Cette circulaire indiquait également que la remise accordée aux concessionnaires sur le prix de vente des véhicules commandés, appelée «marge», et le paiement de leur prime étaient entièrement indépendants de la question de savoir si les véhicules avaient été vendus à l'intérieur ou hors de leur territoire contractuel .

17.
    La requérante et Audi ont envoyé à la Commission leurs observations sur la communication des griefs par lettre du 12 janvier 1997 .

18.
    Elles ont également présenté leur point de vue aux services compétents de la Commission lors d'une audition qui a eu lieu le 7 avril 1997.

19.
    Le 7 octobre 1997, l'avocat de la requérante a encore eu, sur sa demande, un entretien avec le directeur de ces services portant, notamment, sur la question de savoir si la Commission estimait que les infractions constatées avaient pris fin ou si elle considérait qu'elles perduraient.

20.
    Le 28 janvier 1998, la Commission a adopté la décision 98/273/CE, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/35.733 - VW) (JO L 124, p. 60, ci-après la «décision» ou la «décision attaquée»). La requérante y est désignée comme étant le seul destinataire. À cet égard, la Commission expose que la requérante est responsable de l'infraction constatée, au motif qu'Audi et Autogerma sont ses filiales et qu'elle connaissait leurs activités. Quant aux concessionnaires italiens, la Commission indique que ceux-ci n'ont pas participé activement aux entraves à la réexportation, mais qu'ils ont dû, en tant que victimes de la politique restrictive mise en place par les constructeurs et Autogerma, approuver cette politique sous la contrainte.

21.
    Quant aux faits reprochés, la Commission énumère une série de documents visant à prouver, d'une part, que la requérante et Audi ont, par des mesures ciblées et avec des moyens financiers et en personnel propres, empêché la réexportation devéhicules d'Italie vers l'Allemagne ou d'autres États membres et, d'autre part, que, sur instructions de la requérante et d'Audi, Autogerma a procédé à des vérifications rigoureuses auprès des concessionnaires italiens, afin d'enrayer la pratique de quelques-uns d'entre eux consistant à vendre des voitures à des acheteurs étrangers, et a infligé des sanctions sévères à certains de ces concessionnaires.

22.
    En ce qui concerne les mesures prises par la requérante et Audi, la Commission cite l'instauration, par la requérante, d'un «système de marge fractionnée» applicable aux ventes de la nouvelle automobile Volkswagen Polo en Italie. Selon ce système, le concessionnaire, au lieu de bénéficier d'une ristourne globale de 13 % sur le montant facturé pour chaque véhicule commandé, se voit allouer, à l'établissement de la facture, un rabais de 8 % seulement et une remise de 5 % lui est accordée ultérieurement, uniquement en cas d'immatriculation du véhicule sur son territoire contractuel. Selon la décision, Audi a institué un système similaire pour la vente de la voiture Audi A4 en Italie. La Commission mentionne également la réduction par la requérante et Audi des stocks des concessionnaires. Cette mesure, accompagnée d'une politique d'approvisionnement restreint, aurait causé un allongement considérable des délais de livraison et amené certains clients à annuler leur commande. Elle aurait, en outre, permis à Autogerma de refuser les demandes de livraison de concessionnaires allemands (livraisons croisées à l'intérieur du réseau de distribution de Volkswagen). La Commission invoque aussi les conditions fixées par Audi et Autogerma pour le calcul de la prime trimestrielle de 3 %, payée aux concessionnaires sur la base du nombre de véhicules qu'ils ont vendus.

23.
    Parmi les sanctions infligées par Autogerma aux concessionnaires, la Commission mentionne la résiliation de certains contrats de concession et la suppression de la prime trimestrielle de 3 % pour les ventes hors du territoire contractuel .

24.
    Il est souligné dans la décision que les mesures prises par la requérante, Audi et Autogerma visant à encadrer les ventes de véhicules automobiles par les concessionnaires italiens concernaient les livraisons tant à des revendeurs n'appartenant pas au réseau (ci-après les «revendeurs non agréés») qu'à des consommateurs finals et à des concessionnaires des marques Volkswagen et Audi résidant ou établis dans des États membres autres que l'Italie .

25.
    La Commission cite également des documents qui démontreraient que les mesures susvisées ont effectivement restreint le commerce entre l'Italie, d'une part, et l'Allemagne et l'Autriche, d'autre part, en ce que les commandes de nombreux clients résidant dans ces deux derniers États ont été refusées par les concessionnaires italiens .

26.
    La Commission conclut que ces mesures, qui s'inscrivent toutes dans le cadre de la relation contractuelle entre les constructeurs, par l'intermédiaire d'Autogerma,et les concessionnaires italiens de leur réseau de distribution sélective, procèdent d'un accord ou d'une pratique concertée et constituent une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, étant donné qu'elles traduisent la mise en oeuvre d'une politique de cloisonnement du marché . Elle précise que ces mesures ne sont pas couvertes par les règlements n° 123/85 et n° 1475/95 , étant donné qu'aucune disposition de ces règlements ne permet d'exempter un accord destiné à empêcher des exportations parallèles par des consommateurs finals, par des intermédiaires mandatés par ces derniers ou par d'autres concessionnaires du réseau de distribution . Elle précise également que l'octroi d'une exemption individuelle est exclu en l'espèce, étant donné que la requérante, Audi et Autogerma n'ont notifié aucun élément de leur accord avec les concessionnaires et que, en tout état de cause, les entraves à la réexportation constituent une atteinte à l'objectif de protection des consommateurs figurant à l'article 85, paragraphe 3, du traité .

27.
    Dans la mesure où la requérante et Audi avaient souligné, dans leurs observations sur la communication des griefs, que certains documents sur lesquels la Commission se base ne sont que des rapports internes du groupe Volkswagen, qui ne reflètent qu'un débat et parfois des conflits d'intérêt à l'intérieur du groupe, celle-ci expose que les conflits internes du groupe ne sont pas pertinents, étant donné qu'ils ne changent rien au fait que la requérante et ses filiales Audi et Autogerma ont conclu avec leurs concessionnaires un accord qui est incompatible avec les règles communautaires de la concurrence. À l'encontre de l'argumentation développée également dans les observations sur la communication des griefs, selon laquelle, d'une part, une grande majorité des réexportations d'Italie vers l'Allemagne et l'Autriche était constituée par des livraisons illégales à des revendeurs non agréés et, d'autre part, les ventes aux particuliers (le cas échéant, par des intermédiaires) ou à d'autres concessionnaires des marques Volkswagen et Audi étaient négligeables , la Commission retient que, même si une infime partie seulement des ventes empêchées concernaient des consommateurs finals, leurs intermédiaires ou d'autres concessionnaires desdites marques, le commerce entre États membres n'en serait pas moins sensiblement affecté et il y aurait donc infraction aux règles communautaires de la concurrence .

28.
    À l'article 1er de la décision, la Commission constate que la requérante a, conjointement avec ses filiales Audi et Autogerma, «commis des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité en convenant, avec les concessionnaires italiens de son réseau de distribution, d'accords visant à interdire ou à restreindre toute vente à des utilisateurs finals d'autres États membres, - que ceux-ci passent commande personnellement ou utilisent les services d'un intermédiaire mandaté - ainsi qu'à d'autres concessionnaires du réseau dans un autre État membre». À l'article 2 de la décision, elle ordonne à la requérante de mettre fin à ces infractions et, à cet effet, lui enjoint de prendre, entre autres mesures, celles qu'elle énumère.

29.
    À l'article 3 de la décision, la Commission inflige une amende de 102 000 000 écus à la requérante en raison de la gravité de l'infraction constatée. Sur ce point, la Commission considère que le fait d'entraver les exportations parallèles de véhiculespar les consommateurs finals et les livraisons croisées au sein du réseau de concessionnaires est un obstacle à l'objectif de création d'un marché commun, qui est l'un des principes fondamentaux de la Communauté européenne, de sorte que l'infraction constatée est particulièrement grave. À cela s'ajoute le fait que les règles applicables en la matière sont déjà fixées depuis de nombreuses années et la circonstance que le groupe Volkswagen a, de tous les constructeurs de véhicules à moteur dans la Communauté, la part de marché la plus élevée . La Commission cite également des documents afin de prouver que la requérante avait pleinement conscience que son comportement constituait une infraction à l'article 85 du traité. Elle souligne aussi que l'infraction a duré plus de dix ans. Enfin, la Commission a pris en compte, en tant que circonstances aggravantes, le fait que la requérante, d'une part, n'a pas mis fin aux mesures incriminées, bien qu'elle lui ait envoyé deux lettres en 1995, lui signalant que le comportement consistant à empêcher ou à restreindre les exportations parallèles à partir de l'Italie constituait une infraction aux règles de la concurrence , et, d'autre part, a profité de la situation de dépendance existant entre un constructeur de véhicules automobiles et ses concessionnaires, à l'origine, en l'espèce, pour plusieurs distributeurs, de pertes de chiffre d'affaires substantielles. À cet égard, il est expliqué dans la décision que la requérante, Audi et Autogerma ont menacé plus de cinquante concessionnaires de résilier leur contrat dans le cas où ceux-ci continueraient à vendre des véhicules à des clients étrangers et que douze contrats de concession ont effectivement été résiliés, mettant en danger l'existence des entreprises concernées .

30.
    La décision a été notifiée par lettre adressée à la requérante le 5 février 1998 et reçue par celle-ci le lendemain.

31.
    Par lettre du 2 mars 1998, la requérante a informé la Commission des mesures prises en exécution de l'article 2 de la décision et lui a demandé si elles correspondaient bien à celles prévues audit article . Par lettre du 27 mars 1998, la Commission a répondu que les mesures citées étaient, pour l'essentiel, conformes à celles imposées par la décision .

Procédure et conclusions des parties

32.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 avril 1998, la requérante a introduit le présent recours.

33.
    La procédure écrite s'est terminée le 11 janvier 1999.

34.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, au titre des mesures d'organisation de la procédure, a demandé aux parties de répondre à des questions écrites et de produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes.

35.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience publique qui s'est déroulée le 7 octobre 1999.

36.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision;

-    condamner la défenderesse aux dépens.

37.
    La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur le fond

38.
    La requérante invoque, en substance, cinq moyens d'annulation. Les premier et deuxième moyens sont tirés, respectivement, d'erreurs de fait et d'erreurs de droit dans l'application de l'article 85 du traité. Les trois derniers moyens sont tirés d'une violation du principe de bonne administration, de l'obligation de motivation et du droit d'être entendu.

39.
    En outre, la requérante soulève, à titre subsidiaire, un moyen visant à la réduction de l'amende infligée par la décision, tiré du caractère excessif de cette amende.

A - Sur le premier moyen, tiré d'erreurs de fait dans l'application de l'article 85 du traité

Sur les entraves à la réexportation

Constatations liminaires

40.
    La requérante soutient, dans le cadre de ce premier moyen, qu'elle a respecté les principes de la distribution sélective posés par les règlements n° 123/85 et n° 1475/95 . Elle aurait reconnu à tout moment que les ventes, par ses concessionnaires italiens, à des consommateurs finals étrangers et à d'autres concessionnaires de son réseau de distribution étaient licites. Selon elle, toutes les mesures que la Commission a qualifiées, dans la décision attaquée, d'incompatibles avec les règles communautaires de la concurrence avaient, en réalité, pour unique but d'empêcher les ventes illicites, à savoir les ventes aux revendeurs non agréés. L'argumentation de la requérante se base sur l'affirmation que «tous les intéressés savaient que les ventes des concessionnaires italiens à des consommateurs finals étrangers et à d'autres concessionnaires du réseau de distribution étaient licites et ne devaient pas être entravées» et tend, par conséquent, à démontrer que lesentraves alléguées n'ont pas existé (points 13 et 78 de la requête). Plus précisément, la requérante affirme que tous les concessionnaires du groupe avaient, tout au long de la période visée par la Commission, le droit de vendre des véhicules neufs à des consommateurs finals, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de leur territoire contractuel, et d'effectuer des livraisons croisées à d'autres concessionnaires des marques Volkswagen et Audi (point 56 de la requête).

41.
    La requérante ne conteste pas que, si elle avait empêché les réexportations à partir de l'Italie dans les conditions indiquées par la Commission, un tel comportement aurait été incompatible avec les contrats de concession et avec la réglementation communautaire. Elle se serait exposée à des poursuites de la part de la Commission et aurait engagé sa responsabilité contractuelle vis-à-vis des concessionnaires de son réseau de distribution pour non-respect des règlements n° 123/85 et n° 1475/95 (point 4 de la réplique).

42.
    La défenderesse ne conteste pas que l'interdiction des réexportations par des revendeurs non agréés et les dispositions arrêtées à cet effet sont compatibles avec les règles communautaires de la concurrence. Toutefois, elle soutient que les mesures prises par la requérante, Audi et Autogerma portaient, en réalité, sur toutes les réexportations de véhicules automobiles à partir de l'Italie.

43.
    Dans ces circonstances, il convient d'examiner si la Commission a commis des erreurs d'appréciation des faits en concluant, à l'article 1er de la décision, que la requérante a, conjointement avec ses filiales Audi et Autogerma, «commis des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité en convenant, avec les concessionnaires italiens de son réseau de distribution, d'accords visant à interdire ou à restreindre toute vente à des utilisateurs finals d'autres États membres - que ceux-ci passent commande personnellement ou utilisent les services d'un intermédiaire mandaté - ainsi qu'à d'autres concessionnaires du réseau dans un autre État membre». À cette fin, il y a lieu de vérifier si la Commission a réuni des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour fonder la ferme conviction que l'infraction alléguée a eu lieu (arrêt du Tribunal du 21 janvier 1999, Riviera auto service e.a./Commission, T-185/96, T-189/96 et T-190/96, Rec. p. II-93, point 47).

Sur l'entrave résultant du système de prime

- Arguments des parties

44.
    Quant aux mesures concrètes qui auraient été prises par Autogerma à l'égard des concessionnaires qui avaient effectué des ventes en dehors de leur territoire contractuel, la requérante s'oppose, d'abord, aux constatations faites par la Commission concernant les modalités de calcul de la prime trimestrielle de 3 %. Elle explique qu'Autogerma a l'habitude d'accorder aux concessionnaires une prime, définie dans la «convenzione B» (convention jointe en annexe au contratde concession), qui varie au fil des ans quant à son montant et à ses conditions d'octroi, et qui a pour objet de les récompenser pour les résultats obtenus dans le cadre de l'exécution de leurs obligations contractuelles. Étant donné que, parmi ces obligations, celle qui consiste à promouvoir le plus possible les ventes de véhicules neufs dans le territoire contractuel et à offrir un service après-vente de qualité à la clientèle dans ce territoire revêt un caractère important, l'octroi de la prime aurait été, logiquement, en fonction de la bonne exécution de cette obligation . Selon la requérante, du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1990, cette prime de 3 % était octroyée à raison de 2 et de 0,5 % si les quotas de ventes de voitures devant être réalisés, respectivement, dans un délai de quatre mois et d'un an étaient respectés et à raison de 0,5 % si d'autres normes étaient atteintes. Cette répartition aurait été ultérieurement modifiée (du 1er janvier 1991 au 30 avril 1994: 1,5 % pour le quota de vente à atteindre en quatre mois et 1,5 % pour le quota à atteindre en un an; du 1er mai 1994 au 31 décembre 1994: 1,4 % pour le quota à atteindre en quatre mois, 1 % pour le quota à atteindre en un an et 0,6 % pour le degré de satisfaction de la clientèle). Il aurait été explicitement stipulé dans la convenzione B la règle selon laquelle, pour le calcul de la prime, toutes les ventes devaient être prises en compte, mais celles réalisées en dehors du territoire contractuel le seraient uniquement à concurrence d'un maximum de 15 % de la totalité des ventes effectuées par le concessionnaire (ci-après la «règle des 15 %»). En pratique pourtant, la règle des 15 %, en vigueur jusqu'au 30 septembre 1996, n'aurait pas été appliquée. À partir du 1er octobre 1996, toutes les ventes de véhicules neufs auraient été prises en considération pour le calcul de la prime . La requérante explique encore que si, initialement, la quantité de véhicules vendus était déterminée sur la base des livraisons, à partir du 1er janvier 1995 jusqu'au 30 septembre 1996, la prime correspondant au quota des ventes à réaliser dans la période de quatre mois dépendait des immatriculations .

45.
    La requérante expose que les documents cités par la Commission aux fins de démontrer que des sanctions ont été prises au moyen de cette prime sont soit sans rapport avec cette question, soit dépourvus de force probante. Elle souligne que seuls ont été sanctionnés des distributeurs qui avaient violé leur contrat de concession en livrant des automobiles à des revendeurs non agréés . Il ressortirait clairement du libellé et du contexte de tous les documents cités par la Commission que seules les ventes à des revendeurs non agréés étaient visées . En outre, aucun élément ne justifierait la conclusion, tirée par la Commission, selon laquelle le système de prime litigieux a incité de nombreux concessionnaires à renoncer de manière générale à effectuer des ventes hors de leur territoire contractuel . Aussi, contrairement à ce qu'affirme la Commission, l'«Unione Concessionari Audi Volkswagen» (le conseil consultatif des concessionnaires de Volkswagen et Audi en Italie, ci-après l'«UCAV») n'aurait jamais exprimé son désaccord avec ce système . Par ailleurs, la Commission aurait été depuis longtemps informée de son contenu puisqu'elle aurait reçu une copie de la convenzione B en 1988. Elle n'aurait exprimé aucune objection à l'égard de ce système parce que, selon la requérante, l'ensemble de celui-ci, et, en particulier, la règle des 15 %, était compatible avec le règlement n° 123/85.

46.
    La défenderesse précise tout d'abord que, relativement à la voiture Audi A4, le préjudice financier subi par le concessionnaire en cas de dépassement du plafond fixé par la règle des 15 %, en cas de vente puis d'immatriculation de l'automobile en dehors du territoire contractuel, s'élevait à 8 % du prix de facturation de celle-ci, correspondant à la perte de la prime de 3 % et de la marge fractionnée égale à 5 % .

47.
    La défenderesse fait observer ensuite que, dans aucun des documents cités dans la décision, une différenciation n'est faite en ce qui concerne le versement de la prime suivant que les ventes hors du territoire contractuel ont été conclues avec des revendeurs non agréés ou avec des consommateurs finals ou d'autres concessionnaires. La défenderesse fait état d'un document dans lequel il est déclaré que la prime était «bloquée pour toutes les ventes hors du territoire contractuel» . Elle mentionne également des pièces qui démontreraient que le système de prime constituait un moyen de pression visant à décourager les ventes aux étrangers et que les concessionnaires italiens sentaient que leur liberté d'action était restreinte par celui-ci. Enfin, la défenderesse fait valoir que ledit système applicable depuis 1988 a été renforcé à partir de l'automne 1993 en ce que le versement de la prime de 3 % a été subordonné à l'immatriculation des véhicules sur le territoire contractuel du concessionnaire.

- Appréciation du Tribunal

48.
    Il convient d'observer, à titre liminaire, qu'il n'est pas contesté par la requérante que, du 1er janvier 1988 au 30 septembre 1996, le calcul de la prime accordée par Autogerma aux concessionnaires italiens pour récompenser la bonne exécution par ceux-ci de leurs obligations contractuelles était soumis à la règle des 15 %, stipulée dans la convenzione B. Selon cette règle, tant les ventes à l'intérieur que celles en dehors du territoire contractuel étaient prises en compte pour le paiement de la prime, mais ces dernières uniquement à concurrence d'un maximum de 15 % de la totalité des ventes effectuées (voir ci-dessus point 44).

49.
    Force est de constater que cette règle était de nature à inciter les concessionnaires italiens à vendre au moins 85 % des véhicules disponibles à l'intérieur de leur territoire contractuel. Elle restreignait les possibilités pour les utilisateurs finals et les concessionnaires d'autres États membres d'acquérir des véhicules en Italie, et cela, notamment, dans des périodes où, d'une part, de tels achats présentaient un grand intérêt pour eux et, d'autre part, le nombre de véhicules disponibles à la vente dans cet État était limité (à cet égard, voir ci-après points 79 et suivants). Il s'ensuit que la Commission a pu conclure à juste titre, notamment au considérant 181 de la décision, que la règle des 15 % sortait du cadre de l'exemption accordée par le règlement n° 123/85. En effet, bien que le règlement n° 123/85 offre aux constructeurs d'importants moyens de protection de leurs réseaux, il ne les autorise pas à prendre des mesures qui contribuent à un cloisonnement des marchés (arrêtde la Cour du 24 octobre 1995, Bayerische Motorenwerke, C-70/93, Rec. p. I-3439, point 37).

50.
    Par ailleurs, l'argumentation de la requérante selon laquelle la règle des 15 % n'a pas été appliquée en pratique et n'a donc pas été utilisée comme moyen de restreindre les réexportations à partir de l'Italie manque de crédibilité au vu de plusieurs documents du dossier.

51.
    Ainsi, dans une note interne du 28 juin 1994 (note n° 97 de la décision), qui porte comme titre «refus/retenue de la prime pour les ventes hors zone (y compris les exportations parallèles)», M. Schlesinger, président d'Autogerma, s'exprime comme suit:

«Je confirme par la présente, comme je l'ai déjà indiqué verbalement, que je souhaite approuver ou refuser par écrit [...] chaque cas d'octroi éventuel ou de retenue de la prime pour les ventes hors zone/les exportations parallèles.

[...]

Je vous rappelle encore une fois que notre réseau doit vendre nos véhicules en Italie (ne serait-ce que pour 'survivre‘) et ne pas exercer d'activités de 'distribution‘ hors zone.

Comme vous le savez, depuis longtemps Autogerma demande sans cesse à ses propres maisons mères des facilités en matière de fournitures, de prix, d'équipements spéciaux, etc., et nous ne pouvons pas les 'remercier‘ en revendant nos véhicules à l'étranger.»

52.
    Dans une note du 4 juillet 1994 (note n° 97 de la décision), M. Schlesinger indique:

«Je vous rappelle à cet égard, pour la énième fois, que [...] nos concessionnaires doivent totalement cesser leurs ventes hors zone (sauf en ce qui concerne les 15 % de véhicules prévus par le contrat de concession mais devant être 'immatriculés‘); il n'est pas procédé au versement de la prime pour [les ventes] 'hors du territoire contractuel‘ et, désormais, ladite prime ainsi que d'éventuelles autres primes/campagnes promotionnelles de toute nature seront versées sur la base des voitures 'immatriculées‘ (et non plus livrées).»

53.
    Ensuite, le compte rendu de la réunion du 27 juillet 1994 entre l'UCAV et Autogerma (note n° 67 de la décision) fait état de la discussion suivante:

«M. Scarabel:

Souligne que les remises spéciales ont été bloquées chez certains concessionnaires pour des ventes en dehors du territoire contractuel et qu'elles pourraient - du moins en théorie - être légalement réclamées. Il souligne également la nécessité de réexaminer le quota de 15 % toléré pour les ventes à l'extérieur du territoire contractuel.

M. Schlesinger:

[...] la remise spéciale n'est qu'une simple remise supplémentaire - un petit quelque chose en plus. Dans le passé, elle a été attribuée de façon très généreuse et, si aujourd'hui une vingtaine de concessionnaires, sur un total de 234, n'ont pas bénéficié de cette remise spéciale, c'est parce qu'il ne faut pas récompenser des grossistes ou des exportateurs. Autrefois, nous avons fermé un oeil, parfois les deux, mais aujourd'hui, nous avons tendance à refuser la remise spéciale en cas de vente en dehors du territoire contractuel, parce qu'elle est accordée sur la base des immatriculations et non des livraisons.

[...]

M. Schlesinger:

Demande à l'UCAV de sensibiliser la base à [un] bon démarrage de la nouvelle Polo (limitation des remises, pas d'exportations).»

54.
    Un rapport d'Audi sur un contact avec Autogerma le 12 octobre 1994 (note n° 101 de la décision) confirme:

«La vente en dehors de la zone contractuelle est autorisée à concurrence de 15 % maximum (filiales, etc.); au-delà de ce nombre, la prime de 3 % n'est pas accordée.»

55.
    La circulaire du 20 octobre 1994, adressée par Autogerma aux concessionnaires, concernant la facturation de la nouvelle automobile Volkswagen Polo (note n° 85 de la décision) laisse également entendre que la règle des 15 % était appliquée puisqu'elle indique:

«Il reste à examiner s'il est opportun, c'est-à-dire dans notre intérêt commun, de modifier ou non (à la hausse ou à la baisse) la franchise actuelle de 15 % (pour les ventes hors territoire).»

56.
    Ensuite, dans une note interne du 22 novembre 1994 (note n° 91 de la décision), il est déclaré que «la prime trimestrielle est versée sur la base des immatriculations enregistrées sur le territoire contractuel, non en fonction des ventes en général». Selon une circulaire d'Audi du 8 décembre 1994, cette mesure était liée au système de marge fractionnée envisagé et avait pour objet d'obtenir «qu'une marge ou une prime ne soit versée que lorsqu'il a été prouvé que le concessionnaire a traité à l'intérieur du territoire de sa compétence» (note n° 92 de la décision).

57.
    Enfin, dans une note interne de la requérante du 24 mars 1995 (note n° 91 de la décision), il est confirmé:

«Le concessionnaire est autorisé à vendre jusqu'à 15 % à l'extérieur de son territoire contractuel. La prime est versée lorsqu'un objectif de 80 -85 % est atteint.Elle continue actuellement d'être versée en fonction des livraisons, elle ne le sera plus ensuite que sur la base des immatriculations.»

58.
    Ces documents démontrent que la règle des 15 % a été appliquée dans le but explicite de décourager les ventes, par les concessionnaires italiens, à l'étranger. Il ressort, en outre, des déclarations précitées de M. Schlesinger du 4 juillet 1994 et de M. Scarabel du 27 juillet 1994, ainsi que de la circulaire du 20 octobre 1994, du rapport d'Audi sur le contact avec Autogerma le 12 octobre 1994 et de la note du 24 mars 1995, susmentionnés, que la règle des 15 % a été non seulement appliquée comme critère de non-paiement de la prime pour les ventes réalisées hors du territoire contractuel en dépassement du plafond de 15 % de la totalité des ventes effectuées, mais également interprétée comme interdisant de telles ventes.

59.
    Il résulte de tout ce qui précède que l'argumentation selon laquelle la Commission a erronément conclu que la requérante a, conjointement avec ses filiales Audi et Autogerma, visé à entraver les réexportations à partir de l'Italie au moyen du système de prime prévu par la convenzione B doit être rejetée.

60.
    L'argumentation selon laquelle, la convenzione B ayant été notifiée en 1988, la Commission ne pouvait pas sanctionner la requérante pour avoir appliqué la règle des 15 % stipulée dans cette convention sera examinée dans le cadre du moyen subsidiaire visant à obtenir la réduction de l'amende.

Sur l'introduction d'un système de marge fractionnée

- Arguments des parties

61.
    La requérante soutient que, si l'idée d'un système de marge fractionnée a, certes, été discutée en 1994, notamment en ce qui concerne les nouvelles automobiles Volkswagen Polo et Audi A4, et était inspirée par le souhait que chaque concessionnaire concentre son activité sur son propre territoire contractuel, un tel système n'aurait jamais été introduit, contrairement à ce que la Commission prétend. La requérante fait remarquer aussi que cette introduction nécessiterait un avenant au contrat de concession. Or, le document clé en matière de marge, à savoir l'avenant aux contrats passés avec les concessionnaires italiens, communément appelé «allegato A», ne prouverait en rien l'introduction d'une marge fractionnée . La requérante cite plusieurs circulaires d'Autogerma aux concessionnaires. Dans la circulaire du 20 octobre 1994, Autogerma aurait seulement précisé l'état des discussions avec l'UCAV. Dans celles du 2 novembre 1994 et du 9 mai 1995, elle aurait annoncé qu'il ne serait pas question, pour la facturation de la nouvelle automobile Volkswagen Polo, d'une marge fractionnée et qu'une ristourne globale de 13 % serait donc appliquée . La requérante mentionne aussi un document avec un contenu similaire pour ce qui concerne la voiture Audi A4 et produit une déclaration dans le même sens du président de l'UCAV . Elle fait remarquer que la seule personne citée par la Commission, selon laquelle un système de marge fractionnée aurait effectivement été appliqué, est M. Mutschlechner, qui était sous-concessionnaire du concessionnaire Beikircher. À cetégard, la requérante fait observer qu'il n'est pas exclu que certains concessionnaires aient appliqué un tel système à l'égard de sous-concessionnaires, mais que cela ne relève aucunement de la responsabilité des constructeurs ou d'Autogerma. La requérante ne conteste pas, par ailleurs, qu'un système de marge fractionnée comme celui envisagé à l'époque des faits litigieux aurait été incompatible avec le droit communautaire.

62.
    La défenderesse expose, sur la base des documents cités dans la décision, qu'un système de marge fractionnée a été mis en place en octobre/novembre 1994. Elle soutient que le fait que l'UCAV a repoussé une tentative antérieure d'Autogerma d'instauration d'un tel système en mai 1994 ne donne aucune indication sur la question de savoir si cette dernière ne l'a pas, néanmoins, institué à l'automne de 1994 . La circulaire d'Autogerma du 2 novembre 1994 démontrerait, à l'inverse, qu'un système provisoire de marge fractionnée a été introduit jusqu'au 30 avril 1995, en ce qui concerne la nouvelle automobile Volkswagen Polo. Ce système aurait été effectivement appliqué . De même, en ce qui concerne l'automobile Audi A4, la défenderesse fait remarquer que, selon un document interne d'Audi du 25 novembre 1994, l'UCAV a accepté le système proposé de marge fractionnée le 18 octobre 1994, et celui-ci a été appliqué par la suite . Le fait que, plusieurs mois plus tard, en février 1995, l'UCAV n'a plus voulu approuver un tel système n'aurait pas affecté l'application de celui-ci. Du reste, la défenderesse conteste qu'une modification du contrat de concession ait été nécessaire pour instaurer ce système.

63.
    Dans sa réplique, la requérante fait remarquer que, dans son mémoire en défense, la Commission, d'une part, reconnaît que le système de marge fractionnée n'a pas été introduit par la circulaire du 20 octobre 1994 et, d'autre part, prétend qu'il l'a été par celle du 2 novembre 1994. La requérante souligne, en outre, que, contrairement à ce qui était le cas dans la décision, la Commission, devant le Tribunal, défend l'hypothèse que ce système n'a été appliqué que de manière temporaire, à savoir jusqu'au 30 avril 1995 . Or, aucun système de marge fractionnée n'aurait été introduit. La requérante joint à sa réplique un rapport de la société d'expertise comptable Coopers & Lybrand, en date du 30 octobre 1998, selon lequel: «Nos vérifications de toutes les données déterminantes pour l'examen en ce qui concerne la période du 1er juillet 1994 au 31 décembre 1995 ont révélé qu'en aucun cas il n'y a eu de réduction de marge appliquée par [Autogerma] - ni pour la VW Polo ni pour l'Audi A4. Les concessionnaires ont, chaque fois, reçu la marge complète qui leur était due de 13 % (VW Polo) ou de 15 % (Audi A4).»

64.
    La défenderesse conteste qu'il y ait une contradiction entre la décision et le mémoire en défense en ce qui concerne le système de marge fractionnée. En effet, selon la défenderesse, la décision et le mémoire en défense renvoient à la circulaire du 2 novembre 1994 relative à la mise en place de ce système et exposent que, au départ, il devait s'appliquer seulement jusqu'au 30 avril 1995 . Au surplus, la défenderesse fait observer que le rapport de Coopers & Lybrand n'est pas enmesure de mettre en cause la force probante des circulaires adressées aux concessionnaires par Autogerma les 20 octobre et 2 novembre 1994.

- Appréciation du Tribunal

65.
    La thèse de la Commission selon laquelle un système de marge fractionnée a été mis en place en octobre ou novembre 1994 en ce qui concerne les nouvelles automobiles Audi A4 et Volkswagen Polo (voir ci-dessus point 62) n'est pas suffisamment étayée par les documents figurant dans le dossier.

66.
    Ainsi, dans une note du 10 novembre 1994 (note n° 87 de la décision), Autogerma indique qu'il demeurait certains points à régler avec les concessionnaires avant que ce nouveau système puisse effectivement être instauré. En effet, elle expose:

«Les deux parties, Autogerma et les concessionnaires, sont en train de se mettre d'accord pour convenir d'une période de test pour le nouveau régime de marges allant jusqu'au 30 avril 1995.»

67.
    De même, dans un rapport du 10 février 1995 sur un contact avec Autogerma (note n° 42 de la décision), Audi déclare:

«Autogerma énumère les mesures qui ont été prises jusqu'à présent: Marge fractionnée pour l'A4: cette mesure n'a cependant pas encore reçu l'approbation du conseil italien des concessionnaires; dans les faits, elle n'est pas encore applicable, elle le sera probablement dans les prochains mois.»

68.
    Quant à la voiture Volkswagen Polo, certains documents suggèrent qu'un système de marge fractionnée a été proposé par la requérante et Autogerma. En effet, des notes internes du 22 novembre 1994 et du 6 février 1995 (note n° 91 de la décision; note n° 49 de la décision) mentionnent le «fractionnement de la marge des concessionnaires pour la Polo» et, en d'autres mots, la «marge fractionnée en ce qui concerne la Polo A03» comme une mesure prise par Autogerma. En outre, une note interne de la requérante du 24 mars 1995 (note n° 91 de la décision) indique que «le fractionnement de la marge pour la Polo a fait l'objet d'un examen critique». Enfin, lors des vérifications de la Commission, un sous-concessionnaire italien, M. Mutschlechner, aurait déclaré que, «[à] partir de novembre 1994, avec le début de la commercialisation de la nouvelle Polo, il y a eu un accord entre Autogerma et ses concessionnaires (accord dit 'UCAV‘) selon lequel la marge de 9 % [accordée] au [sous-concessionnaire] n'était pas payée intégralement au moment de la vente du véhicule mais une partie (les 4 %) était retenue et son versement était subordonné à la présentation de la preuve que le véhicule avait bien été immatriculé in loco» (note n° 86 de la décision).

69.
    Toutefois, à part ce témoignage de M. Mutschlechner, qui concerne le cas spécifique des sous-concessionnaires, aucun élément de preuve ne permet de conclure à l'évidence que l'instauration de la marge fractionnée en ce qui concerne la nouvelle voiture Volkswagen Polo a fait l'objet d'un accord entre toutes lesparties intéressées, y compris l'UCAV. Une note d'Autogerma du 24 octobre 1994 (note n° 79 de la décision) fait état d'un avis positif de cet organisme, mais indique également que l'accord définitif de celui-ci n'était pas encore obtenu:

«Le résultat de notre réunion avec l'UCAV est qu'en ce qui concerne la nouvelle Polo nous fractionnons la marge de la manière suivante:

- une ristourne immédiate (sur la facture du véhicule),

- une ristourne ultérieure, en cas d'immatriculation du véhicule dans le territoire contractuel du concessionnaire.

Pour les Polos de démonstration, la ristourne est calculée immédiatement. Pour la facturation normale nous planifions d'introduire dans les prochains jours le nouveau régime: 8 + 5 % ou 10 + 3 % après concertation définitive avec l'UCAV.»

70.
    Par ailleurs, il ressort du dossier que le système envisagé d'une marge fractionnée a fait l'objet de critiques à l'intérieur du groupe Volkswagen. En effet, dans une note interne du 23 février 1995 (note n° 80 de la décision), M. Bothe, qui était au service de la requérante, écrit:

«J'ai été informé par l'intermédiaire de BMW qu'Autogerma entend introduire une marge fractionnée. Pour le volume des ventes qui ne sont pas suivies d'une immatriculation sur le territoire commercial d'un concessionnaire, ce dernier ne recevrait que deux tiers de la marge habituelle.

Cette règle, dont M. Bertino m'a déjà informé le 10 février, m'inquiète. Elle contredit l'article 6, [paragraphe 1, 8)] du nouveau projet de [règlement communautaire] [...] et aura pour conséquence le retrait de l'exemption.

Mais déjà aujourd'hui, il est possible que la Commission considère une marge fractionnée comme n'étant pas couverte par l'actuel [règlement communautaire] au motif que l'introduction d'une telle marge aurait pour but de faire obstacle au commerce transfrontalier que la Commission souhaite précisément favoriser.

J'avais dit à M. Bertino que la pratique de la solution proposée constitue un exercice difficile qui n'est défendable qu'aussi longtemps qu'il n'est connu qu'à l'intérieur du groupe. L'information reçue de BMW montre cependant que ce sujet est déjà discuté à l'extérieur. S'ajoute à cela le fait que M. Breitgoff, réimportateur du Nord de l'Allemagne que nous connaissons bien, a dit hier matin dans une interview à la Bayerische Rundfunk: 'VW est fermée en Italie‘. Étant donné que M. Breitgoff s'est déjà plaint de nous à la Commission à plusieurs reprises, ce n'est selon moi qu'une question de temps pour que cette mesure fortement susceptible de faire l'objet d'une amende soit attaquée par la Commission.

Nous devrions par conséquent nous entendre à brève échéance sur une terminologie et un traitement des dossiers qui soient défendables, y compris vis-à-vis de la Commission.»

71.
    Il se déduit de ce document que, vers la fin du mois de février 1995, Autogerma n'avait pas encore mis en oeuvre un système de marge fractionnée («Autogerma entend introduire une marge fractionnée») et que la requérante elle-même hésitait à favoriser l'instauration d'un tel système.

72.
    Il convient de conclure que, en ce qui concerne les nouvelles automobiles Audi A4 et Volkswagen Polo, les documents figurant dans le dossier ne sont pas concordants quant à la question de savoir si les constructeurs, Autogerma et les concessionnaires sont réellement convenus d'un système de marge fractionnée. Dans ces circonstances, la Commission n'a pas établi d'une manière suffisamment précise et concordante la mise en place, sous forme d'accord ou de pratique concertée, d'un tel système. La décision attaquée comporte, par conséquent, une erreur d'appréciation sur ce point.

Sur l'entrave résultant des mesures prises au niveau de l'approvisionnement

- Arguments des parties

73.
    Selon la requérante, la Commission a considéré erronément que les livraisons par Autogerma aux concessionnaires ont été retardées et limitées à cause de l'augmentation des réexportations et que les mesures prises au niveau de l'approvisionnement ont, par conséquent, également constitué une entrave à ces réexportations.

74.
    Sur ce point, la requérante explique tout d'abord que, pendant une certaine période et en raison de difficultés dans le démarrage de la production de modèles particulièrement demandés, comme les nouvelles automobiles Volkswagen Polo et Audi A4, Autogerma n'a pu approvisionner les concessionnaires italiens qu'au prorata, afin d'assurer une distribution équitable de ces modèles . Des réductions de livraison seraient, par ailleurs, inattaquables d'un point de vue juridique . Quant aux mesures qui lui ont été proposées par Autogerma par lettre du 26 septembre 1994 (consistant, notamment, à contrôler la distribution de la nouvelle voiture Volkswagen Polo), la requérante précise que celles-ci n'ont jamais été mises en oeuvre. Cette automobile n'aurait pas encore été commercialisée au moment de la rédaction de cette lettre.

75.
    La requérante présente également une analyse chiffrée visant à démontrer que l'affirmation de la Commission selon laquelle le marché italien a été approvisionné de manière restrictive est dénuée de tout fondement. Elle cite des données en vue de prouver que, vers la fin de l'année 1992, Autogerma et les concessionnaires italiens avaient accumulé des stocks trop importants de véhicules des marques Volkswagen et Audi à cause d'une forte baisse de la demande en Italie. Toutefois, par la suite, la chute de la lire italienne aurait provoqué une forte demande sur lemarché italien de la part d'acheteurs allemands et autrichiens. Par conséquent, durant les années 1994 et 1995, les besoins et les commandes auraient nettement dépassé la production, ce qui aurait occasionné un allongement des délais de livraison. Pour cette raison et à cause du risque de variation des cours de change, certains clients se seraient vus obligés d'annuler leur commande. La requérante précise que, habituellement, ce problème se présente avec le plus d'acuité lors du lancement de nouveaux modèles comme l'automobile Audi A4, étant donné que, dans ce cas, la production ne s'adapte que progressivement à la demande. La requérante souligne que, en tout état de cause, il n'a jamais été appliqué en Italie une politique de distribution différente de celle en vigueur dans les autres pays de la Communauté. La distribution aurait toujours été déterminée par les besoins dans les États membres, d'une part, et les possibilités de production, d'autre part. Les délais de livraison des nouveaux modèles de voiture en Italie et dans d'autres pays de la Communauté auraient donc été similaires .

76.
    Selon la requérante, la circonstance que, au cours des années 1993, 1994 et 1995, au moins 20 000 véhicules par an ont effectivement été réexportés d'Italie prouve qu'il y avait plus de véhicules livrés que ce qui était nécessaire à l'approvisionnement des consommateurs finals italiens.

77.
    Enfin, la requérante expose que la Commission n'a présenté aucun élément de preuve de ce que les constructeurs et Autogerma auraient interdit aux concessionnaires italiens d'approvisionner d'autres concessionnaires du réseau. La requérante reconnaît qu'un concessionnaire allemand, M. Senger, lui avait fait savoir, par une lettre du 26 novembre 1993, qu'un concessionnaire italien lui avait dit que l'approvisionnement des concessionnaires allemands avait été interdit. Elle souligne toutefois qu'elle a immédiatement réfuté cette affirmation en indiquant, par lettre du 7 décembre 1993, qu'il n'existait aucun moyen légal ou contractuel d'interdire les livraisons croisées. La requérante fait remarquer, dans ce contexte, que si un concessionnaire italien a refusé d'approvisionner des concessionnaires allemands, cela s'explique sans doute par la volonté de servir d'abord la clientèle habituelle locale . Au surplus, la requérante estime que les documents sur lesquels la Commission s'est basée démontrent seulement que la pratique répandue de livraisons à des revendeurs non agréés était ressentie comme préjudiciable par les concessionnaires allemands, que certains d'entre eux ont demandé aux constructeurs d'intervenir et qu'Autogerma estimait que les concessionnaires allemands dérangeaient trop les concessionnaires italiens par leurs demandes incessantes de livraisons croisées. Elle souligne cependant que la demande d'Autogerma visant à ce qu'il soit mis fin à ce comportement des concessionnaires allemands n'a pas été satisfaite et ne devait pas l'être.

78.
    La défenderesse fait valoir, en se référant à des documents cités dans la décision, que les longs délais de livraison invoqués par Autogerma dans ses réponses à certains acheteurs potentiels étaient la conséquence même de l'«approvisionnement du marché italien en fonction de ses besoins». Plusieurs documents démontreraient,en effet, qu'il s'agissait d'un véritable contingentement des livraisons aux concessionnaires italiens, destiné à réduire les réexportations à partir de l'Italie . Un tel contingentement aurait bien été mis en oeuvre, notamment pour la livraison des automobiles Audi A4 et Volkswagen Polo, même s'il est vrai que cette dernière n'était pas encore disponible sur le marché au moment où la lettre d'Autogerma du 26 septembre 1994 a été rédigée.

- Appréciation du Tribunal

79.
    Il convient de constater que plusieurs documents saisis par la Commission démontrent qu'une stratégie de contingentement a été mise en oeuvre dans le but de restreindre l'ensemble des réexportations à partir de l'Italie.

80.
    Ainsi, un document interne dénommé «situation des mesures contre le marché gris, 25 novembre 1994», indique que, en ce qui concerne la nouvelle automobile Audi A4, «l'approvisionnement est échelonné de façon à satisfaire uniquement la demande italienne» (note n° 58 de la décision). Il s'en déduit que le but poursuivi était d'éliminer la livraison de véhicules à tout acheteur résidant hors d'Italie, y compris les consommateurs finals et les concessionnaires des marques Volkswagen et Audi. Il est précisé, dans ce même document, que ladite mesure entrera en vigueur en janvier 1995. Selon une lettre adressée par Autogerma à Audi, datée du 13 juin 1994 (note n° 62 de la décision), le contingentement des véhicules Audi était déjà en cours en 1994 pour les anciens modèles. En effet, il est écrit: «Bien que les délais de livraison de l'Audi 80 pouvaient être considérablement réduits (jusqu'à huit mois), les concessionnaires continuent à être contingentés.»

81.
    Par ailleurs, il résulte d'un compte rendu daté du 30 août 1993 d'un contact entre la requérante et Audi que celles-ci envisageaient déjà les mesures propres à réorganiser l'approvisionnement de leurs concessionnaires de telle sorte que le nombre de véhicules disponibles en Italie soit réduit de façon drastique (note n° 105 de la décision). Il est indiqué:

«Mesures pratiques

1. Réduction de la pression sur les stocks en Italie par le détournement du volume de production d'Italie vers d'autres marchés [...]

2. Il est prévu le rachat de véhicules provenant de l'entrepôt de l'importateur Autogerma par l'intermédiaire de VW AG, pour les revendre sur d'autres marchés conformément au point I. Évaluation par contrôle.»

82.
    Apparemment, cette réorganisation a atteint ses objectifs dès 1993. En effet, dans une lettre du 26 novembre 1993 adressée à la requérante (note n° 112 de la décision), un concessionnaire allemand des marques Volkswagen et Audi dénonce les faits suivants:

«D'après les renseignements fournis par notre concessionnaire italien, il lui est dès maintenant, sur instructions de Volkswagen AG, interdit de livrer les concessionnaires allemands VW/Audi. Aucun des véhicules dont la commande a été confirmée ne sera livré.»

83.
    Dans sa réponse, par lettre du 7 décembre 1993, à cette grave accusation d'entrave aux livraisons croisées (note n° 113 de la décision), la requérante ne conteste pas qu'une stratégie d'approvisionnement visant à satisfaire uniquement les demandes des consommateurs italiens est déjà en vigueur et produit ses effets. Elle déclare:

«Nous souhaitons revenir encore sur une des constatations figurant dans votre lettre, selon laquelle le concessionnaire italien concerné aurait indiqué que 'la livraison des concessionnaires allemands VW/Audi a été interdite avec effet immédiat sur instructions de Volkswagen AG‘.

Cela n'est pas exact, d'autant plus qu'il n'y aurait aucune justification juridique ou contractuelle pour cela. Au contraire, les mesures prises à Wolfsburg visant à livrer le marché italien selon ses besoins semblent peu à peu porter leurs fruits avec la conséquence qu'avec le stock disponible les concessionnaires italiens commencent par livrer leur clientèle traditionnelle locale.»

84.
    Il ressort d'une note interne d'Audi du 6 février 1995 que ce constructeur a décidé de répondre négativement à une demande d'approvisionnement émanant de concessionnaires italiens, portant sur 8 000 véhicules. Ce refus d'approvisionnement est motivé comme suit (note n° 109 de la décision):

«En se voyant confirmer la livraison de 8 000 véhicules supplémentaires, les concessionnaires italiens pourraient d'ores et déjà se préparer à la réexportation d'Audi A4 et donner des assurances en ce sens à des importateurs et des concessionnaires indépendants [...] Afin de faire comprendre aux Italiens que les livraisons restreintes et adaptées au marché que vous avez annoncées seront maintenues, la décision prise lors de la réunion du service compétent, selon laquelle les 8 000 véhicules demandés ne seront pas livrés, doit être communiquée immédiatement à l'importateur.»

85.
    Même après la réception, par la requérante, de la lettre de la Commission du 24 février 1995 (voir ci-dessus point 10), Audi, dans un rapport du 15 mai 1995, qualifie la «satisfaction de la demande italienne uniquement» de succès (note n° 104 de la décision).

86.
    Un document d'Autogerma, datant probablement du 31 janvier 1995, concernant des mesures visant à «empêcher les réexportations à partir de l'Italie», mentionne l'«adaptation de l'approvisionnement aux besoins» (note n° 42 de la décision).

87.
    En outre, il résulte d'une télécopie adressée par Autogerma à Audi le 6 octobre 1995 (note n° 111 de la décision) que cette politique d'approvisionnement restreint comme instrument de cloisonnement du marché italien a été maintenue jusque vers la fin de l'année 1995. Il est indiqué:

«Du présent point de vue, il n'est pas réaliste d'espérer atteindre l'objectif souhaité de 36 000 ventes aux consommateurs. L'augmentation de nos efforts (activités) en plus du programme 'forte fin d'année‘ que nous vous avons déjà présenté aurait inévitablement pour conséquence une situation dans laquelle un certain nombre de ces véhicules supplémentaires ne seraient effectivement pas immatriculés en Italie.

Nous nous en tiendrons, pour ces motifs, à un volume total de 35 190 ventes à des clients.»

88.
    Il résulte clairement de l'ensemble de ces documents que la Commission a pu conclure à juste titre que la requérante, avec l'aide de ses filiales Audi et Autogerma, a mis en place une politique de contingentement de l'approvisionnement des concessionnaires italiens, dans le but explicite d'entraver les réexportations à partir de l'Italie et donc de cloisonner le marché italien.

89.
    Étant donné que cette politique tendait ouvertement à entraver les réexportations, sa qualification de mesure visant le cloisonnement du marché italien ne saurait être infirmée par les difficultés de production invoquées par la requérante. Ce contingentement, combiné avec le système de paiement de la prime (la règle des 15 %, voir ci-dessus points 48 à 58), était de nature à inciter les concessionnaires italiens à refuser de vendre des véhicules à des acheteurs d'États membres autres que l'Italie, y compris donc, contrairement à ce que soutient la requérante (voir ci-dessus point 77) à des concessionnaires des marques Volkswagen et Audi.

90.
    Contrairement aux arguments de la requérante selon lesquels ces concessionnaires auraient décidé de leur propre gré qu'il n'était pas intéressant pour eux de vendre des véhicules hors de leur territoire contractuel, les documents cités ci-dessus démontrent que leur approvisionnement a été restreint aux fins de les influencer et, notamment, de les décourager de réexporter des véhicules à partir de l'Italie.

91.
    L'efficacité de cette stratégie était renforcée par l'information transmise aux concessionnaires, également mentionnée dans le document d'Autogerma du 31 janvier 1995, «selon laquelle aucune prime ni aide à la vente ne serait accordée pour les véhicules réexportés». Confrontés simultanément à un approvisionnement restreint et à la «règle des 15 %», et sachant que les réexportations étaient très mal perçues par Autogerma et les constructeurs, les concessionnaires italiens avaient manifestement tout intérêt à vendre le nombre limité de véhicules disponibles uniquement ou quasi uniquement à des acheteurs résidant en Italie. Leur comportement commercial a donc été influencé par les constructeurs et Autogerma.

92.
    Cette analyse est encore corroborée par une lettre du 6 octobre 1994, adressée à la société Silemotori Negro à Conegliano (Italie), dans laquelle Autogerma écrit:

«Nous souhaitons attirer votre attention sur le fait que la nouvelle Audi A4 Avant sera lancée environ un an après la nouvelle Audi A4 Limousine (janvier 1995) et qu'il est par conséquent encore plus important de bien vendre les quelques voitures qui restent pour une période aussi longue; en cela, chaque concessionnaire devra être particulièrement attentif aux ventes sur son propre territoire contractuel.»

93.
    Il résulte de l'ensemble des constatations qui précèdent que l'argumentation de la requérante tenant à l'inexistence d'entrave au niveau de l'approvisionnement ne saurait être accueillie.

Sur l'entrave résultant du comportement commercial vis-à-vis des consommateurs

- Arguments des parties

94.
    La requérante reproche également à la Commission d'avoir constaté erronément que le comportement commercial des constructeurs et de leur réseau de distribution en Italie vis-à-vis des consommateurs d'autres États membres constituait une entrave aux réexportations.

95.
    À ce sujet, la requérante fait remarquer, d'abord, que la Commission invoque des plaintes que certains clients auraient adressées aux constructeurs. En réalité, les constructeurs auraient établi une lettre type pour répondre aux acheteurs potentiels qui les interrogeaient sur les raisons pour lesquelles les prix étaient différents d'un pays à l'autre . La requérante souligne que non seulement elle n'a pas donné de fausses informations aux consommateurs, mais, au contraire, elle a aidé les acheteurs potentiels d'États membres autres que l'Italie désireux d'acquérir une voiture de marque Volkswagen ou Audi dans cet État en ordonnant à ses collaborateurs de leur fournir une liste de tous les concessionnaires italiens.

96.
    Quant au comportement d'Autogerma consistant à renvoyer les acheteurs potentiels vers les concessionnaires, il serait tout à fait légitime étant donné que celle-ci ne vend pas directement de voitures aux consommateurs . Les concessionnaires seraient, certes, en droit de livrer des automobiles aux consommateurs finals sans restriction, mais ils n'y seraient pas tenus. Dans un cas particulier, Autogerma aurait effectivement demandé à un acquéreur potentiel de confirmer son intention d'acheter une voiture en Italie mais, contrairement à ce que la Commission a soutenu, elle n'aurait pas exigé la confirmation de ce que le client réalise cette acquisition «soit directement, soit par un intermédiaire fiable». Au surplus, lorsque des clients sollicitaient l'aide d'Autogerma en cas de problème avec un concessionnaire, celle-ci se serait efforcée de les aider . Les constructeurs auraient, eux aussi, fait des efforts pour conseiller les clients allemands qui avaient rencontré des problèmes pour obtenir un véhicule d'un concessionnaire italien.

97.
    La requérante ajoute que, s'il est vrai que certaines lettres rédigées par des clients allemands ou autrichiens font paraître qu'ils se sont vu opposer un refus au seul motif de leur nationalité, il est erroné de conclure que ces refus étaient dus à une interdiction de la part des constructeurs ou d'Autogerma. Elle fait observer que, manifestement, un concessionnaire qui, pour une raison ou pour une autre, ne désire pas vendre préfère prétendre qu'il ne peut pas plutôt que de dire qu'il ne veut pas. En tout état de cause, les lettres citées par la Commission ne démontreraient pas seulement que leurs auteurs se sont heurtés à un refus des concessionnaires italiens. Elles prouveraient également que la requérante, Audi et Autogerma ont, chaque fois qu'un client les contactait, tout de suite expliqué que les livraisons à des consommateurs finals ne devaient pas être refusées et aidé ce client à obtenir un véhicule.

98.
    La requérante soutient que des concessionnaires peuvent avoir intérêt à vendre certains modèles de voiture qui sont particulièrement demandés mais disponibles seulement en quantités limitées, en priorité aux clients de leur territoire contractuel. En effet, de cette manière, ils assureraient la rentabilité de leur service après-vente . Ils éviteraient également les difficultés liées à la récupération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) . Ainsi, les concessionnaires italiens interrogés dans le cadre des vérifications effectuées par la Commission n'auraient pas confirmé avoir refusé de vendre à des consommateurs finals étrangers sous la pression des constructeurs ou d'Autogerma, mais auraient déclaré que, tout simplement, de telles ventes n'étaient pas intéressantes pour eux. Certains d'entre eux auraient même fermement nié l'existence d'une interdiction de vente à l'étranger ou auraient affirmé avoir reçu l'ordre explicite de servir tous les consommateurs finals, indépendamment du domicile de ceux-ci .

99.
    S'agissant de l'engagement que, en vertu d'une circulaire du 15 octobre 1993, Autogerma avait recommandé aux concessionnaires de faire souscrire à certains acquéreurs, la requérante conteste qu'il ait été destiné à empêcher les réexportations. Par cet engagement, l'acquéreur se serait obligé à ne pas revendre le véhicule, sous peine d'une amende équivalente à 10 % du prix d'achat, avant l'expiration d'un délai de trois mois et d'avoir parcouru avec ce véhicule 3 000 kilomètres. En effet, une telle mesure n'aurait gêné en aucune manière les livraisons à des consommateurs finals hors du territoire contractuel. Elle aurait seulement protégé le système de distribution sélective, en permettant au concessionnaire de s'assurer davantage que l'acheteur n'était pas un homme de paille, agissant pour le compte d'un revendeur non agréé. Par ailleurs, selon la lettre du 26 septembre 1994 adressée par Autogerma à la requérante, l'engagement litigieux n'aurait dû être exigé que d'acheteurs étrangers suspects, à savoir des clients dont la qualité de consommateur final était douteuse. Déjà, dans sa circulaire du 15 octobre 1993, Autogerma aurait conseillé aux concessionnaires de ne recourir à cette mesure que dans cette hypothèse. La requérante ajoute qu'elle était en droit d'estimer qu'une telle mesure était licite, du moins jusqu'à l'entrée en vigueur du règlement n° 1475/95. Cela ressortirait d'une lettre de la Commission du 31 mars 1995. Elle précise en outre que, depuis le début de l'année 1996, l'engagement en cause n'a plus été exigé.

100.
    Enfin, dans la mesure où la Commission a conclu qu'Autogerma a voulu entraver les réexportations en facturant tous les véhicules livrés TVA comprise (considérant 42 de la décision), la requérante fait valoir qu'elle n'a fait qu'appliquer la législation selon laquelle des livraisons comme celles d'Autogerma à ses concessionnaires sont assujetties à la TVA .

101.
    La défenderesse rappelle d'abord le contenu d'une note manuscrite, citée au considérant 34 de la décision, selon laquelle la requérante prescrivait à ses services de ne jamais donner l'impression aux consommateurs finals ou aux intermédiaires agréés ayant envoyé une demande de renseignements qu'elle avait donné des instructions afin qu'aucune information ne soit communiquée . Elle expose ensuite que, à de nombreuses occasions, des acheteurs potentiels ont dénoncé des entraves à la réexportation, à tel point que la requérante a établi une lettre type pour leur répondre . Les consommateurs allemands et autrichiens auraient été soumis à une véritable course d'obstacles, dont les délais de livraison faisaient également partie . Le nombre élevé de lettres de réclamation d'acheteurs potentiels serait révélateur de ce phénomène .

102.
    Pour ce qui concerne, plus précisément, la mesure consistant à faire souscrire un engagement aux clients dont la qualité de consommateur final pouvait être mise en doute, après avoir été simplement recommandée aux concessionnaires, elle serait devenue obligatoire par la suite.

103.
    La défenderesse soutient aussi que les déclarations écrites des concessionnaires faites lors des vérifications d'octobre 1995 n'ont pas une grande force probante, compte tenu de ce qu'ils auraient fait l'objet d'avertissements et de menaces de résiliation de leur contrat de concession de la part d'Autogerma. Ces menaces expliqueraient, en outre, les différences entre les déclarations écrites et orales de certains concessionnaires . En tout état de cause, plusieurs documents démontreraient sans équivoque que des refus de vente ont été opposés explicitement à des acheteurs potentiels étrangers .

104.
    Enfin, la défenderesse cite un document duquel il ressortirait sans équivoque que la facturation TVA comprise était un moyen sciemment mis en oeuvre d'entraver les réexportations .

- Appréciation du Tribunal

105.
    Il convient de constater que l'argumentation de la requérante est manifestement contredite par un nombre considérable de plaintes qui ont été envoyées, notamment au cours de l'année 1995, par des consommateurs d'États membres autres que l'Italie et, pour la plupart, de nationalité allemande ou autrichienne, soit à la requérante, à Audi ou à Autogerma, soit à la Commission. Sur la demande du Tribunal de lui communiquer l'ensemble des lettres de consommateurs reçues ou saisies par elle, la Commission a produit plus de 60 courriers ou télécopies qui ontcomme objet commun la dénonciation des obstacles rencontrés par ces consommateurs pour acquérir un véhicule de marque Volkswagen ou Audi en Italie. Il suffit de reprendre, ci-après, certaines des correspondances analysées par la Commission dans la décision attaquée.

106.
    Dans une télécopie du 15 février 1995 adressée à Audi (note n° 33 de la décision), M. Wieser écrit:

«J'ai pris contact avec un concessionnaire Audi établi au Tyrol du Sud en vue d'acquérir une Audi 1,8 A4 et de l'importer en Autriche.

On m'a toutefois informé que, en raison d'instructions formulées par Audi, ce concessionnaire n'avait pas le droit de vendre à des Autrichiens [...]

En réponse à ma remarque selon laquelle ces mesures étaient contraires au droit communautaire, mon partenaire m'a expliqué qu'il le savait mais qu'il craignait des représailles de la part de votre entreprise.»

107.
    Dans une télécopie du 27 avril 1995 adressée à la Commission (note n° 36 de la décision), M. Bernhard écrit:

«Par la présente, je souhaite me plaindre des garages VW suivants [...]: je souhaitais acheter une VW Passat GL au garage Autohaus Lanz; on m'a informé qu'en ma qualité d'Allemand, il n'y avait pas de problème pour me vendre une voiture à l'intérieur de la Communauté. Deux jours plus tard, je m'étais décidé pour un certain type de voiture et d'équipement et j'ai passé la commande. Le lendemain, j'ai reçu du directeur de l'entreprise, par téléphone, l'information selon laquelle il n'était pas autorisé à me vendre une voiture du fait que j'étais allemand (une mesure de Volkswagen AG).

J'ai cherché ensuite à acheter un véhicule au garage Brenner-Garage SpA, concessionnaire et atelier Volkswagen. Cela m'a été également refusé.»

108.
    Dans une télécopie du 27 avril 1995 adressée à la requérante (note n° 132 de la décision), M. Lenz écrit:

«Me référant à mon entretien téléphonique avec vous, je souhaiterais revenir encore une fois sur la situation qui m'a été exposée en Italie et qui est inouïe et pas seulement à mes yeux.

Je m'étais sérieusement informé en vue de l'achat de la Golf précédemment mentionnée (pour mon fils) lors de mon séjour au Tyrol du Sud pendant les vacances de Pâques et trois concessionnaires m'avaient indiqué que toute exportation de véhicules était interdite et qu'il était obligatoire de respecter absolument cette interdiction. Certains concessionnaires se seraient vu retirer leur concession pour avoir méconnu cette consigne.

Les concessionnaires auraient été engagés à faire traîner les clients en fournissant des indications vagues du type délai de livraison d'environ un an, véhicules disponibles déjà vendus ou réservés, etc.

Il n'a manifestement pas été tenu compte à cet égard du fait qu'il ne saurait y avoir de telles interdictions puisque nous vivons sur le territoire de la Communauté. Cette situation devrait entre-temps être connue, même au fin fond de la Communauté. Ou bien?

La télévision allemande a précisément déjà évoqué ce thème dans l'émission de ARD 'Auto und Verkehr‘, le 22 avril 1995, et informé de manière générale sur l'illégalité de telles dispositions. Vous êtes sûrement au courant de cela [...]»

109.
    Dans une lettre du 18 mai 1995 adressée à Autogerma, avec copie à Audi et à la Commission (note n° 39 de la décision), M. Baur écrit:

«Je reviens encore une fois sur mon cas: j'ai commandé le 19 février 1995 au garage Funari une Audi A6 par le truchement d'un intermédiaire à qui j'ai donné procuration pour qu'il agisse en mon nom. Cette commande a été enregistrée chez vous sous le numéro 95/0014. Étant donné que je dispose d'un contrat valable en droit, j'aimerais que vous m'indiquiez rapidement quand ma voiture sera livrée.

Actuellement, il semble que vous fassiez tout ce qui est en votre pouvoir pour refuser les clients d'Audi. J'ai contacté plusieurs concessionnaires italiens qui m'ont répondu qu'ils devaient s'attendre à des représailles (naturellement les menaces ne sont proférées qu'au téléphone) s'ils livraient ne serait-ce qu'une voiture en Autriche [...]»

110.
    Dans une lettre du 8 juin 1995 adressée à la requérante (note n° 36 de la décision), M. Keppler écrit:

«J'ai séjourné du 2 au 4 mai 1995 en Italie. Près de St. Leonhardt, nous avons obtenu du concessionnaire VW local la réponse affligeante que nous ne trouverions dans tout le Tyrol du Sud aucun concessionnaire VW qui vende une VW à des étrangers. Il a motivé cette affirmation en indiquant que VW avait interdit la vente et menacé de retirer sa concession aux concessionnaires s'ils ne respectaient pas cette interdiction. Et effectivement, il ne s'est trouvé dans tout le Tyrol du Sud (au moins à Merano, Bolzano et Schlanders) aucun concessionnaire pour nous vendre une VW [...]

Voir, à cet égard, l'information fournie par le Brenner-Garage à Bolzano et Merano: 'Jusqu'en décembre 1994, nous avons vendu un grand nombre de voitures à des Allemands, mais actuellement Volkswagen refuse de nous livrer. Nous ne recevons de VW qu'un nombre de voitures à peine suffisant pour faire face aux demandes émanant du marché intérieur avec des délais de livraison importants.Nous aimerions vous vendre une VW mais cela nous est empêché par Volkswagen‘.»

111.
    Dans une lettre du 23 juin 1995 adressée à Autogerma (note n° 133 de la décision), M. Schneider, écrit:

«Je souhaite acheter une Audi A4 1.8 en Italie et l'exporter en Autriche.

L'ensemble des revendeurs m'a dit qu'un tel achat n'était pas possible et qu'ils ne recevraient plus de voitures dans l'avenir s'ils commandaient encore, ne serait-ce qu'une voiture pour un Autrichien.»

112.
    Dans une télécopie du 19 juillet 1995 adressée à la requérante (note n° 134 de la décision), M. Mosser, écrit:

«Puisque l'Autriche fait désormais également partie de l'Union européenne, j'ai une question très importante.

Je me trouvais le 8 juin 1995 dans le pays voisin du nôtre, l'Italie, pour acheter une Audi A4 TDI. Je suis d'abord allé à Gémone et par la suite à San Daniele.

J'ai eu toutefois une mauvaise surprise. La direction de Gemone et de San Daniele m'a informé qu'Audi leur avait interdit de vendre des voitures à des étrangers.»

113.
    Dans une télécopie du 3 août 1995 adressée à Audi (note n° 135 de la décision), M. Bilogan écrit:

«J'ai l'intention de m'acheter (une Audi A4) en Italie.

Plusieurs personnes ont attiré mon attention sur le fait que les concessionnaires italiens ne pouvaient vendre aucune voiture à des personnes habitant la République fédérale d'Allemagne ou l'Autriche, soi-disant sur instructions du constructeur automobile.»

114.
    Dans une lettre adressée à la requérante (note n° 136 de la décision), M. Albrecht écrit:

«Européen convaincu, je souhaitais moi aussi bénéficier des avantages de l'Union européenne, comme vous le faites dans votre entreprise; ma femme et moi, nous nous sommes donc rendus en Italie.

Nous nous arrêtions à Milan et visitions un concessionnaire VAG. Notre joie était grande lorsque nous avons vu les voitures que nous projetions d'acquérir dans les salles d'exposition. Ma femme souhaitait acheter une Polo et moi une nouvelle Audi A4.

Mais notre joie s'est bientôt transformée en déception. Il nous a été indiqué sans détours que sur ordre de Wolfsburg, nous ne pouvions pas acheter des voitures de ces modèles parce que nous étions allemands.

Que reste-t-il de nos deux agréables jours de vacances: des frais de voyage et d'hébergement et la constatation que votre entreprise ne souhaite bénéficier que pour elle-même des avantages de l'Union européenne, mais que l'homme de la rue est laissé pour compte comme d'habitude et contraint d'acheter en Allemagne.»

115.
    Il résulte d'une façon suffisamment représentative de ces documents que, pendant la période concernée, un client potentiel domicilié hors d'Italie se heurtait aux plus grandes difficultés pour trouver un concessionnaire italien des marques Volkswagen et Audi disposé à lui vendre un véhicule. Par conséquent, la Commission a pu conclure à juste titre que le comportement commercial des constructeurs et de leur réseau de distribution en Italie vis-à-vis des consommateurs d'autres États membres constituait également une entrave aux réexportations.

116.
    Cette conclusion n'est infirmée ni par les interprétations de chacun de ces documents avancées par la requérante dans ses mémoires, ni par les explications fournies par celle-ci en matière de TVA, ni, enfin, par la réaction des constructeurs et d'Autogerma consistant à répondre systématiquement au plaignant qu'il s'agissait d'un malentendu et à prendre les mesures pratiques pour que celui-ci puisse acheter un véhicule chez un concessionnaire italien. À cet égard, il convient de considérer que, lorsqu'un même refus est opposé d'une façon systématique, il ne saurait être qualifié de malentendu. Ensuite, le fait d'avoir aidé les plaignants à acheter un véhicule en Italie peut s'expliquer par la crainte que ces derniers engagent une action en justice et ne change rien au fait qu'il était devenu difficile pour des clients potentiels d'un autre État membre d'acquérir en Italie un véhicule de marque Volkswagen ou Audi.

117.
    Quant aux critiques formulées par la requérante sur les appréciations portées dans la décision attaquée quant à la mesure consistant à faire souscrire un engagement à certains acquéreurs, il convient d'observer que, certes, cette mesure n'était pas, prise isolément, de nature à empêcher les réexportations par des consommateurs finals. Toutefois, cette constatation n'infirme en rien celle faite ci-dessus, selon laquelle les concessionnaires italiens ont été conduits à refuser systématiquement de vendre des véhicules à des acquéreurs étrangers. Par conséquent, il n'est pas nécessaire d'examiner de quelle façon il faut interpréter la mesure litigieuse. Au surplus, l'argument de la requérante selon lequel elle pouvait déduire de la correspondance avec la Commission que cette dernière considérait la mesure en cause comme licite est contredit par une lettre du 23 novembre 1994 que lui a adressée cette institution et qui sera analysée ci-après dans le cadre du moyen subsidiaire tiré du caractère excessif de l'amende infligée (voir ci-après points 338 et 339).

118.
    Il résulte de tout ce qui précède que l'argumentation de la requérante selon laquelle le comportement commercial des constructeurs et de leur réseau de distribution en Italie vis-à-vis des consommateurs ne constituait pas une entrave aux réexportations ne saurait être accueillie.

Sur l'argumentation de la requérante selon laquelle les mesures prises visaient uniquement à empêcher les ventes aux revendeurs non agréés

- Arguments des parties

119.
    La requérante expose que la constatation, dans la décision attaquée, que l'ensemble des réexportations ont été entravées est également due au fait que la Commission a mal interprété la terminologie utilisée dans la correspondance interne du groupe Volkswagen.

120.
    Ainsi, la Commission aurait erronément interprété l'expression «marché gris» comme désignant, outre les ventes aux revendeurs non agréés, les ventes à des concessionnaires et à des consommateurs finals d'États membres autres que l'Italie. À cet égard, la requérante s'oppose à l'affirmation de la Commission selon laquelle les constructeurs et Autogerma auraient sciemment assimilé le marché gris aux réexportations à partir de l'Italie et évité ainsi de faire une distinction entre les réexportations légales et illégales (considérants 43 à 58 de la décision) . Selon elle, il est évident que l'expression marché gris renvoie à des transactions illégales et non pas à des ventes licites .

121.
    La requérante ne conteste pas que, dans la correspondance au sein du groupe et entre Autogerma et les concessionnaires, des expressions plus générales comme «réexportations», «ventes organisées hors du territoire contractuel», «ventes hors du territoire contractuel» et «revendeurs» sont utilisées mais, dans tous ces cas, il ressortirait du libellé ou du contexte de la correspondance en question, ou d'un document ultérieur, que seules les réexportations illégales, à savoir celles non conformes aux contrats de concession, étaient visées.

122.
    La requérante cite certaines circulaires adressées par Autogerma à des concessionnaires, desquelles il ressortirait clairement que cette dernière leur interdisait uniquement de vendre à des revendeurs non agréés. Elle ne conteste pas qu'Autogerma a recommandé aux concessionnaires, notamment pour ce qui concerne la nouvelle automobile Volkswagen Polo, de concentrer leurs activités de vente sur leur propre territoire contractuel en Italie, mais cela serait licite.

123.
    En tout état de cause, la Commission n'aurait pas apporté la preuve de ce que l'utilisation d'expressions générales dans des communications et des circulaires auraient créé une incertitude chez les concessionnaires, incitant ceux-ci à renoncer à passer des contrats avec des consommateurs finals ou avec des intermédiaires mandatés par ces derniers (considérants 60 et 61 de la décision). La requérante observe, à cet égard, que les concessionnaires, en leur qualité de professionnels, connaissent la législation communautaire en la matière et que, en outre, il estrappelé dans leur contrat de concession la différence existant entre les ventes autorisées à des consommateurs finals et les ventes interdites à des revendeurs non agréés.

124.
    La requérante conteste ensuite l'interprétation faite par la Commission de certains documents, invoqués par celle-ci à titre de preuve de l'existence d'une «stratégie générale» visant à empêcher des exportations légales. Ainsi, la note du 21 septembre 1994, adressée à la requérante par Autogerma (considérant 21 de la décision), ne contiendrait que des réflexions générales sur le genre de mesures à envisager. Par cette note, Autogerma aurait cherché à démontrer à la requérante qu'elle voulait agir activement contre toute réexportation, alors que, en réalité, les seuls instruments dont elle disposait étaient ceux qui résultaient des contrats de concession .

125.
    En ce qui concerne les autres documents, ils ne viseraient que les ventes à des revendeurs non agréés. S'agissant de la note du 26 septembre 1994, adressée également à la requérante par Autogerma (considérant 22 de la décision), cela ressortirait du libellé même de ce document et, notamment, de la référence qui y est faite au règlement n° 123/85 . Cette interprétation serait, par ailleurs, confirmée par une autre note d'Autogerma à la requérante, en date du 24 octobre 1994 .

126.
    Il en serait de même d'une note interne de la requérante du 6 février 1995, à propos de mesures prises par Autogerma pour éviter des réexportations (considérant 23 de la décision), et d'une communication interne d'Audi du 12 décembre 1994 (considérant 24 de la décision), qui concernait seulement un projet de circulaire sur le «marché gris; système de marge en Italie». De plus, la circulaire qui a finalement été envoyée aux concessionnaires allemands sous le titre «marché gris» leur aurait demandé de réunir des informations sur des revendeurs non agréés . Il en irait également ainsi des rapports du 17 décembre 1993 du service chargé par Autogerma de surveiller les concessionnaires italiens sur les pratiques de vente de deux concessionnaires, d'une note d'Autogerma du 15 mars 1995, d'une télécopie de la requérante à Audi du 24 mars 1995, d'une communication d'Audi à ses concessionnaires allemands du 16 mars 1995 et d'une télécopie du 27 mars 1995 de la société Porsche Austria, qui assure l'importation des voitures des marques Volkswagen, Audi et Porsche en Autriche (considérants 25, 28, 31, 41 et 42 de la décision).

127.
    Enfin, la requérante reproche à la Commission de n'avoir tenu compte ni des conflits d'intérêts à l'intérieur du groupe Volkswagen, qui ont parfois mené à des déclarations exagérées dans les notes internes , ni de l'identité des auteurs des documents retenus, alors que ces auteurs étaient parfois des employés subalternes .

128.
    La défenderesse expose que la requérante a omis de s'assurer que les mesures en cause ne visaient effectivement que les réexportations par des revendeurs non agréés et qu'elles n'affectaient pas aussi celles effectuées par les consommateursfinals, les intermédiaires mandatés par ceux-ci et d'autres concessionnaires du même réseau de distribution . Selon elle, la finalité des mesures incriminées dépassait l'objectif prétendument poursuivi par la requérante, à savoir empêcher uniquement les ventes à des revendeurs non agréés. S'il est possible, comme le fait valoir la requérante, qu'Autogerma et les concessionnaires italiens aient su que les ventes à des consommateurs finals étrangers et à d'autres concessionnaires du réseau de distribution étaient autorisées et ne devaient donc pas être entravées, ils n'auraient pas, en tout état de cause, mis cette règle en pratique.

129.
    Selon la défenderesse, il manque une distinction claire entre les réexportations autorisées et les réexportations interdites, tant dans la correspondance entre la requérante, Audi et Autogerma que dans la correspondance entre Autogerma et les concessionnaires. Ainsi, plusieurs documents démontreraient que la notion de «marché gris» ou de «marché gris des réimportations» incluait, pour les personnes concernées, les exportations à des consommateurs finals et à d'autres concessionnaires du réseau. La défenderesse renvoie, à cet égard, à une présentation destinée à la réunion du comité de direction d'Audi du 13 février 1995, qui fait mention d'instructions visant à réduire de 50 % au moins le «volume actuel des réimportations», tout en précisant que ces réimportations peuvent être soit des «achats croisés effectués par des concessionnaires allemands à l'étranger», soit des «livraisons à des revendeurs n'appartenant pas au réseau de distribution (= revendeurs du marché gris)». Elle fait aussi référence à une note interne d'Audi du 12 décembre 1994 et à une lettre écrite par le service chargé du suivi de la clientèle d'Audi à un acheteur potentiel autrichien .

130.
    Quant aux autres termes figurant dans la correspondance du groupe Volkswagen pour indiquer les transactions à empêcher, la défenderesse cite un rapport du 4 juin 1994 sur un contrôle effectué auprès d'un concessionnaire. Il ressortirait clairement de ce rapport que l'expression «activités de vente organisée à l'étranger» englobe toutes les réexportations à partir de l'Italie. La défenderesse fait observer également qu'Autogerma a, dans sa correspondance avec les concessionnaires, parfois omis d'ajouter l'adjectif «organisé» .

131.
    En tout état de cause, il résulterait sans équivoque des notes d'Autogerma que certaines mesures étaient dirigées contre les exportations en général. La défenderesse mentionne encore d'autres documents cités dans la décision qui prouveraient que toutes les réexportations étaient visées .

132.
    Quant aux notes des 21 et 26 septembre et 24 octobre 1994 adressées par Autogerma à la requérante et à la note d'Autogerma du 15 mars 1995, la défenderesse estime que celles-ci témoignent de la confusion créée par la requérante entre les réexportations autorisées et les réexportations interdites. En outre, ces notes porteraient clairement sur des mesures déjà prises . Une autre note d'Autogerma à la requérante, datant du 14 juin 1994, aurait la même portée et démontrerait, en plus, qu'Autogerma s'est fondée abusivement sur le règlement n° 123/85 aux fins d'encadrer l'activité des concessionnaires. La note interne d'Audidu 12 décembre 1994 prouverait, pour sa part, la mise en oeuvre d'un système de marge fractionnée, destiné à empêcher les réexportations autorisées.

- Appréciation du Tribunal

133.
    Au vu de l'ensemble des éléments et documents évoqués ci-dessus, l'argumentation de la requérante selon laquelle les mesures prises par elle, Audi et Autogerma visaient, en réalité, uniquement à empêcher les ventes aux revendeurs non agréés ne saurait être retenue. Comme il vient d'être constaté, le plafond prévu par la règle des 15 % était appliqué par rapport à l'ensemble des réexportations (voir ci-dessus points 48 à 58), l'approvisionnement des concessionnaires italiens était contingenté dans le but explicite de diminuer l'ensemble des réexportations (voir ci-dessus points 80 à 89) et des consommateurs finals d'États membres autres que l'Italie se sont vu opposer des obstacles à l'acquisition d'un véhicule dans cet État (voir ci-dessus points 105 à 115).

134.
    Il s'ensuit que l'argument de la requérante selon lequel l'expression «marché gris» démontrerait que seules les ventes aux revendeurs non agréés étaient visées ne saurait être accueilli. S'il est vrai que cette expression figure dans un grand nombre de documents saisis par la Commission et qu'elle peut faire penser aux transactions illégales, à savoir les ventes aux revendeurs non agréés, il s'avère également que certaines correspondances au sein du groupe Volkswagen portent sur les réexportations à partir de l'Italie en général (voir, par exemple, les documents cités ci-dessus points 51 et 87) et que la règle des 15 % et les plaintes de clients potentiels ne concernent, de toute évidence, pas spécifiquement les ventes aux revendeurs non agréés.

135.
    En outre, plusieurs des documents portant, selon leur titre, sur le marché gris, les «exportations grises [à partir de l'Italie]» ou les «importations grises [venant d'Italie]», paraissent néanmoins, suivant leur contenu, couvrir les réexportations à partir de l'Italie en général.

136.
    Ainsi, une note interne d'Audi du 12 décembre 1994 (note n° 17 de la décision) est libellée comme suit:

«Importations grises Italie

Comme vous le souhaitiez, je vous transmets ci-joint un projet de lettre destinée au réseau de concessionnaires allemands.

Cette lettre est critique, à cause du règlement applicable en matière d'exemption de groupe. Il y est indiqué clairement que les fabricants ne doivent pas prendre de mesures restreignant les importations parallèles légales. Par conséquent, il y a un certain risque à mettre en relation les mesures que nous avons prises en Italie avec l'interdiction de réimportation et de parler de ces mesures dans une lettre adresséeau réseau allemand de concessionnaires. Il y a lieu de tenir compte de ces considérations dans le cadre de la prorogation litigieuse et de la modification du règlement d'exemption de groupe.

Il y a lieu de communiquer les mesures prises pour l'Italie oralement par l'intermédiaire des régions.»

137.
    Il est ainsi souligné, dans cette note, qu'il valait mieux communiquer oralement les mesures qui avaient été prises en ce qui concerne l'Italie, étant donné que des communications écrites à ce sujet pourraient révéler l'incompatibilité de ces mesures avec le règlement n° 123/85. Cette note démontre l'ambiguïté de l'expression marché gris dans la correspondance interne du groupe Volkswagen. En effet, alors que le titre de cette note indique qu'elle a pour objet les «importations grises Italie», le contenu de ladite note porte sur les importations parallèles en général et non pas seulement sur les importations par des revendeurs non agréés.

138.
    Un autre exemple de cette même ambiguïté est fourni par la télécopie du 27 mars 1995 de la société Porsche Austria à Audi (note n° 31 de la décision). Cette télécopie porte comme titre «importations grises», mais expose ensuite que, grâce aux mesures prises, toutes les réexportations de véhicules Audi A4 à partir de l'Italie vers l'Autriche ont été éliminées. Elle indique:

«Objet: réimportations grises

Enfin une bonne nouvelle à ce sujet!

Les entretiens que nous avons eus récemment avec les concessionnaires des territoires concernés nous ont permis de constater que les importations grises avaient faibli. C'est ainsi que, à l'heure actuelle, aucune A4 n'a encore été importée d'Italie en Autriche.

Les mesures que vous avez prises, conjointement avec l'importateur italien, semblent donc être efficaces.»

139.
    Sur cette même question, il y a lieu également de faire référence au «Marketingplan Deutschland 1995» (note n° 50 de la décision). Dans ce document, la requérante annonce comme stratégie au sujet des réimportations en Allemagne:

«Mesures pour empêcher les réimportations aux moyens d'une analyse permanente des prix et des flux de livraison et d'une influence des concessionnaires.

Mesures ciblées à l'encontre des 'importateurs gris‘.»

140.
    Dans ce document, l'expression «importateurs gris» pourrait signifier «les revendeurs non agréés», mais le paragraphe précédent montre que les réimportations en Allemagne sont également visées dans leur généralité, par des contre-mesures ayant comme objet la restriction de ces réimportations par desadaptations de prix et un contrôle des livraisons ou de l'approvisionnement, et par une influence sur les concessionnaires.

141.
    Il y a lieu de conclure que, à la lumière de l'ensemble de la correspondance interne du groupe Volkswagen, l'expression «marché gris», telle qu'elle y est employée, ne saurait à l'évidence être interprétée comme couvrant uniquement les ventes aux revendeurs non agréés. Cette conclusion n'est pas infirmée par le fait que les circulaires envoyées par Autogerma aux concessionnaires italiens distinguent nettement, en se référant au règlement n° 123/85, les ventes aux consommateurs finals (indépendamment du lieu de résidence), qu'elles qualifient de licites, des ventes aux revendeurs non agréés, qu'elles qualifient d'illicites. Il est, en effet, concevable que, dans la rédaction de telles communications formelles aux concessionnaires, Autogerma se soit soumise à la réglementation communautaire, tout en se réservant la possibilité de donner des instructions illégales à ces derniers par des voies plus informelles.

142.
    La conclusion selon laquelle la requérante, Audi et Autogerma n'ont pas limité leurs actions à la répression des ventes aux revendeurs non agréés est encore corroborée par les notes des 21 et 26 septembre 1994, adressées par Autogerma à la requérante (notes n° 14 et 15 de la décision). Ces notes contiennent la plupart des éléments invoqués par la Commission contre la requérante.

143.
    La note du 21 septembre 1994 indique avoir comme objet les «exportations parallèles» et est libellée comme suit:

«Messieurs,

Nous revenons sur le sujet déjà mentionné en objet et que nous avons déjà longuement traité pour vous exposer la situation actuelle.

L'ensemble du réseau de vente italien est très préoccupé par la réalisation des objectifs de vente et par la nécessité de prolonger les succès déjà obtenus. Cette nécessité a conduit plusieurs partenaires, pressés par des réseaux de vente extérieurs (notamment de nombreux concessionnaires Volkswagen et Audi étrangers), à effectuer des ventes également sur des territoires éloignés de la zone contractuelle, parfois même à l'étranger.

L'intervention d'Autogerma a par conséquent pour but de renvoyer les concessionnaires Volkswagen et Audi à leur territoire contractuel de vente, au moyen de contrôles portant sur le respect du contrat, notamment en ce qui concerne les activités de vente dans le territoire même; ces contrôles sont effectués dans chaque entreprise (ils ont débouché sur la résiliation de six contrats de concession pour non-respect des dispositions contractuelles [...]). Nous avons l'intention, chez d'autres concessionnaires, d'invoquer le non-respect [de leurs obligations], à la suite de certains 'résultats d'audits‘ concernant les livraisons, pourobtenir des informations plus précises sur les consommateurs finals ayant acheté les véhicules en question.

Nous allons développer davantage cette démarche au sein du réseau de vente. Le projet prévoit une nouvelle structure de marge avec une importance encore accrue, dans le cadre de laquelle le taux des 'maggiori-sconti‘ (primes), qui est subordonné au respect des obligations contractuelles sur le plan tant quantitatif que qualitatif, est relevé et la ristourne fixe sur les factures de véhicules réduite, ce qui permet de mieux répartir les marges qui sont à notre charge.»

144.
    Force est de constater que cette note fait état d'une intervention d'Autogerma visant à renvoyer les concessionnaires italiens à leurs territoires contractuels. Compte tenu de l'objet de ladite note et du lien qui y est fait entre, d'une part, la constatation que certains concessionnaires font parfois du commerce avec l'étranger et, d'autre part, l'intervention d'Autogerma («par conséquent»), les termes «renvoyer les concessionnaires Volkswagen et Audi à leur territoire contractuel de vente» doivent être raisonnablement compris comme signifiant l'exercice, par Autogerma, de pressions sur les concessionnaires afin qu'ils cessent les ventes hors de leurs territoires contractuels, notamment aux étrangers.

145.
    Cette note démontre également que, pour réaliser cette intervention, des contrôles systématiques ont été mis en place («au moyen de contrôles ... effectués chez chaque entreprise»).

146.
    En outre, sa rédaction au présent et les termes employés prouvent que l'intervention d'Autogerma était déjà effective. Seules les mesures citées en ce qui concerne la marge sont présentées en tant que projet.

147.
    Enfin, il convient d'observer qu'Autogerma estimait utile de rechercher des «informations plus précises sur les consommateurs finals». Or, étant donné que les ventes aux consommateurs finals sont par définition légales, Autogerma n'avait aucune bonne raison de vouloir connaître l'identité de ces derniers. De même, il convient d'observer que, dans le deuxième paragraphe de sa note, dans lequel elle décrit le problème auquel son intervention répond, Autogerma suggère que les concessionnaires du réseau établis à l'étranger sont des intrus. Cette présentation de la situation paraît exprimer un souhait d'entraver les livraisons croisées. En tout état de cause, la mention des consommateurs finals et des concessionnaires étrangers dans cette note indique que celle-ci ne concerne pas uniquement les ventes aux revendeurs non agréés.

148.
    La liste de mesures communiquées par Autogerma à la requérante quelques jours après, par note du 26 septembre 1994 (note n° 15 de la décision), confirme les considérations qui précèdent.

149.
    Cette note mentionne 19 «mesures prises par Autogerma afin de contrôler et d'empêcher les réexportations». S'il est vrai que la description de plusieurs de ces mesures ne permet pas d'en déterminer la portée (voir ainsi les expressions«contrôles chez les concessionnaires suspects», «les concessionnaires récidivistes recevront un préavis» et «[...] empêcher les concessionnaires de chercher des circuits de vente non souhaités»), la note comporte aussi des phrases qui font clairement entendre que toutes les réexportations sont visées.

150.
    Ainsi, il est mentionné: «La prime trimestrielle, bloquée pour toutes les ventes hors territoire, sera versée, à partir du prochain trimestre, exclusivement sur la base des immatriculations.» L'exigence, comme condition de paiement de la prime, de l'enregistrement du véhicule en Italie, décourage de toute évidence non seulement les ventes aux revendeurs non agréés, mais également les livraisons croisées et les ventes directes à des consommateurs finals d'autres États membres. Par conséquent, cette mesure a clairement pour objet le cloisonnement du marché italien. S'il est vrai que cette mesure est présentée comme ne devant être mise en oeuvre qu'«à partir du prochain trimestre», cela n'est pas le cas pour une autre mesure similaire mentionnée dans la même note, suivant laquelle «pour les actions promotionnelles également, qui visent essentiellement les consommateurs finals, l'immatriculation en Italie est requise pour pouvoir bénéficier des mesures concernées, qui consistent généralement dans des accessoires, une promesse de rachat ou des facilités de financement».

151.
    À ces indices s'ajoute le fait que la note traite en termes généraux de l'empêchement des réexportations comme objectif à poursuivre («mesures ... destinées à contrôler et à empêcher les réexportations», ou encore ... «des lettres individuelles de dissuasion seront envoyées aux concessionnaires concernés par les réexportations»).

152.
    Enfin, la requérante ne saurait non plus reprocher utilement à la Commission de ne pas avoir tenu compte des conflits d'intérêts à l'intérieur du groupe Volkswagen ou de l'identité des auteurs des documents saisis. En effet, ces éléments n'infirment en rien le contenu de ces documents.

Sur les contrôles, les avertissements et les sanctions dont les concessionnaires auraient fait l'objet

- Arguments des parties

153.
    La Commission aurait constaté erronément que la requérante, Audi et Autogerma surveillaient systématiquement les ventes effectuées par les concessionnaires italiens.

154.
    À cet égard, premièrement, la requérante fait observer que la Commission a conclu, sur la base d'un courrier électronique du 26 janvier 1995, qu'une redevance de 150 DEM avait été instaurée pour l'établissement du certificat de conformité (considérant 27 de la décision), alors que cette redevance a, en réalité, été introduite pour une durée de quelques semaines, à la suite de l'entrée en vigueurd'une nouvelle réglementation, et cela pour un nombre de véhicules très réduit. La circonstance que la redevance était présentée, dans ledit courrier, comme destinée à entraver les réexportations serait due au fait que le rédacteur de celui-ci n'était responsable ni de ladite redevance ni de l'établissement des certificats de conformité. Dans la mesure où la Commission a également tenu compte du fait qu'Audi a, en plus d'une redevance, exigé la preuve de l'achat de véhicule (considérant 27 de la décision), la requérante précise qu'une copie du contrat de vente ou de la facture était requise dans le seul but de s'assurer que l'auteur de la demande du certificat de conformité était réellement l'acheteur . La requérante souligne aussi que la redevance était destinée à couvrir les coûts internes et externes liés à l'établissement des certificats et donne un aperçu de ces coûts.

155.
    Deuxièmement, la requérante expose que la Commission a conclu, au vu d'un certain nombre de documents, que les constructeurs avaient chargé Autogerma de surveiller systématiquement les réexportations et de leur transmettre ses observations sur ce point (considérants 28, 29 et 39 de la décision), alors qu'il était manifestement impossible, sur la base des informations contenues par ces documents, de contrôler les ventes de chaque concessionnaire. En effet, les chiffres des réexportations ne permettraient pas de déterminer par quel concessionnaire un véhicule a été vendu. La requérante, Audi et Autogerma auraient procédé uniquement à des contrôles en cas de demande de certificat de conformité par une firme ou une personne manifestement suspecte d'être un revendeur non agréé. Tel aurait été le cas, par exemple, lors des 25 contrôles entrepris par Audi entre les mois de juin 1994 et de février 1995 . Après de tels contrôles, la requérante et Audi auraient communiqué à Autogerma les noms des concessionnaires qui avaient gravement violé leurs obligations contractuelles, ou les numéros de châssis des véhicules achetés par des revendeurs non agréés, afin de permettre à Autogerma d'identifier les concessionnaires qui avaient vendu ces véhicules. L'échange, entre les constructeurs et Autogerma, de telles informations ne constituerait aucunement une pratique illégale mais aurait seulement pour objet de détecter les ventes à des revendeurs non agréés .

156.
    Troisièmement, la requérante soutient que la Commission a affirmé qu'Autogerma surveillait «quotidiennement» les commandes de véhicules (considérant 40 de la décision), alors que le compte rendu du 10 février 1995 sur lequel repose cette affirmation porte sur un contrôle par sondage de ces commandes. Même s'il est vrai que, selon ce compte rendu, Autogerma promettait d'introduire un contrôle permanent, un tel contrôle n'aurait jamais été réalisé. Il ne serait pas non plus avéré qu'Autogerma a obligé les concessionnaires italiens à s'abstenir de vendre des véhicules à des clients ne résidant pas en Italie sans son autorisation préalable (considérant 114 de la décision) . Enfin, la requérante fait observer que, même si Autogerma avait exercé une surveillance permanente des commandes enregistrées, cela n'aurait pas été illicite, étant donné qu'une telle surveillance constitue un moyen de déceler à temps et préventivement les ventes à des revendeurs non agréés.

157.
    Quatrièmement, la requérante fait valoir que le motif dans la décision selon lequel le Kraftfahrt-Bundesamt (l'office fédéral allemand des véhicules à moteur) a aidé à surveiller les concessionnaires italiens (considérants 26 et 28 de la décision) est également erroné. Dans les renseignements qu'il fournissait, le Kraftfahrt-Bundesamt aurait effacé les trois derniers chiffres des numéros de châssis, empêchant ainsi l'identification des véhicules en cause. En outre, cet office n'aurait fait que communiquer des données à des fins statistiques, permettant ainsi à la requérante et à Audi de constater, pour chaque modèle, le nombre total de véhicules réimportés en Allemagne .

158.
    La requérante soutient que, s'il est vrai qu'Autogerma a mis en demeure des concessionnaires de mettre fin «à la vente organisée hors du territoire contractuel», il est également évident que l'expression «vente organisée» signifie des ventes à des revendeurs non agréés. Cela résulterait sans équivoque d'un rapport du 7 décembre 1993 portant, notamment, sur les mises en demeure adressées par Autogerma aux concessionnaires et les réponses envoyées par certains d'entre eux, dans lesquelles ceux-ci s'engageaient à ne plus vendre à des revendeurs non agréés . La requérante cite des documents pour démontrer que les concessionnaires qui étaient ainsi mis en demeure vendaient effectivement des véhicules en grandes quantités à des revendeurs non agréés, de sorte qu'une réaction ferme d'Autogerma était nécessaire, tant juridiquement qu'économiquement . La requérante fait observer également que plus de 90 % des réexportations de véhicules des marques Volkswagen et Audi à partir de l'Italie vers l'Allemagne, estimées par la Commission à 19 000 véhicules en 1993, à 22 000 en 1994 et à 19 000 en 1995 (considérant 11 de la décision), étaient assurées par des revendeurs non agréés . Elle mentionne encore des lettres de concessionnaires allemands dans lesquelles ceux-ci se plaignent du fait que des concessionnaires approvisionnaient, en violation de leur contrat, des revendeurs ne faisant pas partie du réseau et prient la requérante de prendre les mesures nécessaires pour arrêter ces pratiques .

159.
    Pour ce qui concerne les sanctions qui ont effectivement été infligées, la requérante souligne que les résiliations de contrats de concession sur lesquelles se base la Commission concernent toutes des concessionnaires qui avaient vendu à plusieurs reprises des véhicules à des revendeurs non agréés et qui avaient, parfois, également commis d'autres violations graves de leurs obligations contractuelles.

160.
    Selon la défenderesse, il ressort de l'ensemble des documents cités dans la décision que les ventes des concessionnaires italiens, y compris celles aux particuliers, ont été surveillées systématiquement et ont fait l'objet d'un contrôle journalier de la part d'Autogerma . La défenderesse conteste, par ailleurs, qu'il serait affirmé dans la décision qu'Audi a pu exercer une telle surveillance à l'aide des renseignements fournis par le Kraftfahrt-Bundesamt. Elle signale, néanmoins, qu'un collaborateur d'Audi qui avait acheté une automobile Audi A4 en Italie a craint que le véhicule «[soit] signalé comme réimportation, ce qui [aurait créé] des ennuis» lors du contrôle des statistiques du Kraftfahrt-Bundesamt (considérant 30 de la décision).

161.
    Quant aux avertissements et aux sanctions, la défenderesse cite la lettre du 13 juin 1994 dans laquelle Autogerma informe Audi de ce qu'elle a, d'une part, envoyé un avertissement à des concessionnaires, leur enjoignant de limiter leurs ventes exclusivement au marché intérieur italien, et, d'autre part, résilié deux contrats de concession. Par une lettre du 14 juin 1994 adressée à la requérante, Autogerma aurait affirmé avoir, depuis septembre 1993, continuellement exhorté, en les menaçant de résilier leur contrat de concession, une soixantaine de concessionnaires à s'abstenir de toute activité de vente à l'extérieur de leur territoire contractuel. La défenderesse mentionne également une note interne de la requérante du 20 février 1995, selon laquelle, d'une part, le groupe Volkswagen était «en infraction avec la législation en vigueur» et, d'autre part, «très prochainement, plusieurs concessionnaires (dont des entreprises de taille assez importante) [verraient] leur contrat de concession résilié du fait d'importations grises (vis-à-vis de l'extérieur, pour d'autres raisons naturellement)». La défenderesse fait remarquer aussi qu'Autogerma n'a pas spécifiquement fait état, dans les notes de juin 1994 susvisées, de revendeurs non agréés. Bien au contraire, elle y traiterait, de façon générale, de mises en demeure et de la résiliation de certains contrats de concession en raison de ventes hors du territoire contractuel.

- Appréciation du Tribunal

162.
    En premier lieu, il convient de retenir que la décision attaquée comporte des indices pertinents et concordants de ce que la requérante a, notamment avec l'aide de sa filiale Autogerma, systématiquement exercé des contrôles visant à assurer l'efficacité des mesures prises en vue d'entraver les réexportations à partir de l'Italie et adressé des avertissements aux concessionnaires destinés à limiter l'activité commerciale de ceux-ci.

163.
    En effet, comme il vient d'être constaté ci-dessus au point 145, Autogerma a confirmé, dans sa note du 21 septembre 1994 adressée à la requérante, exercer des contrôles auprès de chacun de ses concessionnaires, en vue de s'assurer que ceux-ci n'effectuaient pas des ventes hors de leurs territoires contractuels. De même, il ressort des déclarations de M. Schlesinger, citées ci-dessus au point 51, que celui-ci tenait à vérifier personnellement chaque cas d'octroi éventuel ou de retenue de la prime lorsqu'il y avait lieu d'appliquer la règle des 15 %. Ces indices ne sauraient être contredits par les arguments spécifiques avancés par la requérante (voir ci-dessus points 154 à 157). Par ailleurs, l'affirmation de la requérante selon laquelle un contrôle des concessionnaires permanent et individualisé n'était pas possible n'est pas de nature à infirmer la conclusion qu'une politique de contrôle systématique a été mise en oeuvre par Autogerma et renforçait ainsi les autres mesures prises aux fins d'entraver les réexportations à partir de l'Italie.

164.
    Quant aux avertissements adressés par les constructeurs, il convient d'observer, tout d'abord, que les consommateurs allemands et autrichiens, dans leurs plaintes adressées à ceux-ci ou à la Commission, en font état unanimement, sur la base de déclarations qui leur ont été faites par les concessionnaires italiens. Cela résulte, par exemple, des courriers ou des télécopies cités ci-dessus aux points 106, 107,109, 110 et 112 à 114 (télécopie de M. Wieser: «en raison d'instructions formulées par Audi»; télécopie de M. Bernhard: «une mesure de Volkswagen AG»; lettre de M. Baur: «naturellement les menaces ne sont proférées qu'au téléphone»; lettre de M. Keppler: «... que VW avait interdit la vente et menacé de retirer leur concession aux concessionnaires s'ils ne respectaient pas cette interdiction»; télécopie de M. Mosser: «qu'Audi leur avait interdit»; télécopie de M. Bilogan: «sur instructions du constructeur automobile»; lettre de M. Albrecht: «sur ordre de Wolfsburg»). Ces déclarations sont confirmées par la lettre d'Autogerma adressée à la société Silemotori Negro, citée ci-dessus au point 92, et, pour ce qui concerne plus particulièrement les livraisons croisées, par la lettre du 26 novembre 1993 adressée par un concessionnaire allemand des marques Volkswagen et Audi à la requérante, citée ci-dessus au point 82.

165.
    La note interne d'Audi du 12 décembre 1994, citée ci-dessus au point 136, confirme, quant à elle, que ce constructeur estimait préférable que les mesures prises en ce qui concerne les ventes en Italie soient communiquées oralement. En outre, l'objectif défini dans la note du 21 septembre 1994 adressée par Autogerma à la requérante, citée ci-dessus au point 143, de «renvoyer les concessionnaires Volkswagen et Audi à leur territoire contractuel de vente» fait présumer que des avertissements ont été donnés en ce sens à ces derniers. À cet égard, la lettre adressée par Autogerma à Audi, du 13 juin 1994 (citée ci-dessus au point 80), confirme: «Autogerma a demandé instamment plusieurs fois aux concessionnaires en cause de procéder à des ventes exclusivement sur le marché intérieur italien. Deux concessionnaires se sont même vu retirer leur concession.» De même, dans une lettre en date du 14 juin 1994 adressée à la requérante et portant sur les exportations parallèles, (note n° 65 de la décision), Autogerma écrit: «Depuis septembre 1993, environ 60 concessionnaires ont été avertis instamment de s'abstenir de toute vente en dehors de leur territoire commercial contractuel en Italie et à l'étranger. L'attention de ces concessionnaires a été attirée sur le fait que, s'ils ne respectaient pas cette interdiction, ils devaient s'attendre à ce que leur contrat de concession soit résilié. [...] Autogerma a l'intention d'agir dans l'avenir avec la même énergie pour atteindre l'objectif consistant à interdire les exportations en provenance d'Italie.» Enfin, l'influence sur les concessionnaires était littéralement prévue dans le «Marketingplan Deutschland 1995», cité ci-dessus au point 139 («influence sur les concessionnaires»). Dans le contexte de ce document, cette influence doit être comprise comme l'injonction faite aux concessionnaires allemands de ne plus importer de véhicules.

166.
    En deuxième lieu, il convient, en revanche, de retenir que la décision attaquée ne comporte pas des indices suffisamment pertinents et concordants de ce que la requérante, avec l'aide de sa filiale Autogerma, a effectivement sanctionné des concessionnaires italiens, notamment en résiliant leur contrat de concession, au motif que ceux-ci livraient des véhicules à des consommateurs finals ou à des concessionnaires des marques Volkswagen et Audi d'autres États membres.

167.
    Certes, il ressort de certains documents que la sanction de la résiliation de leur contrat de concession a été infligée à certains concessionnaires italiens pour des motifs tenant à des réexportations. Tel est, par exemple, le cas de la note adressée par Autogerma à Audi, du 13 juin 1994, citée au point 165 ci-dessus, et de la liste communiquée par Autogerma à la requérante par lettre du 7 juin 1994 (note n° 121 de la décision), relative à trois contrats de concession résiliés en 1993 et rédigée comme suit:

«1)    Dino Conti     Trieste

    Motifs:

    a) Exportations grises

    b) Coopération avec d'autres marques

2)    Beretich     Pordenone

    Motifs:

    a) Exportations grises

    b) Couverture du marché

    c) Faible organisation

    d) Problèmes financiers

3)    Autosial     S. Benedetto (AP)

    a) Exportations grises

    b) Problèmes financiers»

168.
    Toutefois, il est parfaitement concevable que ces concessionnaires avaient réellement commis des infractions à leur contrat de concession, notamment en vendant des véhicules à des revendeurs non agréés, ce qui justifierait pleinement la sanction infligée. La déclaration d'Audi dans son rapport du 10 février 1995 sur le contact avec Autogerma (note n° 125 de la décision), selon laquelle «huit concessionnaires ont vu leur concession résiliée» et «les exportations grises n'ont pas été indiquées comme motif pour cette résiliation», n'est pas de nature à infirmer cette considération, dans la mesure où il existe, en tout état de cause, d'autres types d'infractions au contrat de concession que des ventes à des revendeurs non agréés. Le conseil de la défenderesse a, par ailleurs, confirmé lors de la procédure orale, en réponse à une question du Tribunal, que les concessionnaires qui ont fait l'objet d'une résiliation de leur contrat avaient vendu des véhicules à des revendeurs non agréés.

169.
    Par conséquent, les éléments de preuve fournis par la Commission en ce qui concerne les résiliations des contrats de concession ne permettent pas d'exclure que seuls les concessionnaires qui ont, entre autres manquements à leurs obligations contractuelles, vendu des véhicules à des revendeurs non agréés ont effectivement été sanctionnés. Il s'ensuit que la Commission a commis une erreur d'appréciation en considérant comme établi que les résiliations des contrats de concession en cause constituaient une mesure illégale.

Sur les effets des entraves à la réexportation

Arguments des parties

170.
    Selon la requérante, la Commission n'a pas non plus démontré que les prétendues mesures prises par les constructeurs et Autogerma ont influencé les réexportations légales à partir de l'Italie.

171.
    Le fait même que, pendant toutes les périodes où il y avait des disparités importantes entre la lire italienne, d'une part, et le mark allemand et le schilling autrichien, d'autre part, les réexportations d'automobiles à partir de l'Italie étaient nombreuses démontrerait que les mesures prétendument prises par la requérante, Audi et Autogerma n'ont pas eu des effets sensibles. À cet égard, la requérante fait observer que, durant les années 1993 à 1995, les réexportations effectives d'Italie vers l'Allemagne d'environ 20 000 véhicules par an montrent soit que les mesures dirigées contre les ventes à des revendeurs non agréés étaient inefficaces, soit que ces mesures étaient efficaces mais que les achats licites par des consommateurs finals allemands en Italie ont augmenté en proportion. La requérante fait remarquer aussi que, en 1995, par rapport aux 19 338 véhicules réexportés, il n'y a eu que 36 plaintes de personnes qui se décrivent comme des consommateurs finals n'ayant pas réussi à obtenir un véhicule en Italie. Un grand nombre de ces plaintes seraient, par ailleurs, injustifiées. La requérante ajoute que quelques-uns de ces plaignants ont finalement obtenu le véhicule désiré, alors que d'autres étaient en réalité des revendeurs non agréés .

172.
    La requérante fait valoir aussi que, pendant la majeure partie de la période prise en compte par la Commission, à savoir entre 1987 et le début de l'année 1993, il n'y avait aucun intérêt pour des consommateurs ne résidant pas en Italie d'acquérir un véhicule dans cet État. Ce sont plutôt les clients italiens qui auraient eu intérêt à acheter dans un autre État membre.

173.
    Enfin, quant à l'affirmation de la Commission selon laquelle les concessionnaires ont, à la suite de l'interdiction qui leur était imposée, décidé de ne plus effectuer des exportations ou uniquement dans la limite des 15 % des ventes totales, ou pris encore d'autres mesures comme l'immatriculation de tous les véhicules en Italie ou le licenciement de collaborateurs ayant vendu à l'étranger, elle ne serait justifiée par aucun des documents cités à l'appui .

174.
    La défenderesse rappelle, à titre liminaire, que toute mesure ayant pour objet ou pour effet de cloisonner les marchés nationaux en empêchant des importations parallèles est contraire au traité CE dès qu'elle est perceptible. L'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité ne dépendrait pas du succès des tentatives visant à cloisonner les marchés nationaux .

175.
    La défenderesse expose ensuite que, au vu du grand nombre de lettres de réclamation envoyées par des acheteurs potentiels, il ne fait aucun doute que les concessionnaires italiens considéraient avoir reçu l'interdiction de vendre des automobiles à des étrangers. Selon elle, il est évident que cette situation a été provoquée, en grande partie, par le manque de distinction, dans les instructions données par Autogerma à ces concessionnaires, entre les ventes licites et illicites.

176.
    De même, les lettres envoyées par des concessionnaires aux acheteurs potentiels, les informant d'un délai de livraison de plus d'une année et de changements probables de prix, auraient eu comme conséquence évidente que, pour la plupart, ces derniers se seraient abstenus d'acheter un véhicule en Italie. Le fait d'exiger de l'acheteur qu'il s'engage, sous peine d'une sanction grave, à ne pas revendre le véhicule au cours des trois premiers mois suivant l'achat ou avant que le véhicule ait parcouru 3 000 kilomètres serait également de nature à décourager les acquisitions dans cet État.

177.
    La défenderesse cite, enfin, un document qui démontrerait un recul des réexportations de véhicules de marque Audi à partir de l'Italie .

Appréciation du Tribunal

178.
    Selon une jurisprudence constante, aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue, dès lors qu'il apparaît que celui-ci a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun. Par conséquent, la démonstration d'effets anticoncurrentiels réels n'est pas requise, alors même que l'objet anticoncurrentiel des comportements reprochés est établi (voir arrêts de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429, 496, et du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C-219/95 P, Rec. p. I-4411, points 12 à 14). Or, comme il vient d'être constaté, la Commission a prouvé que la requérante a pris des mesures ayant pour objet le cloisonnement du marché italien (voir ci-dessus, notamment, points 88 et 89). La Commission n'était donc pas tenue de rechercher les effets concrets de ces mesures sur le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.

179.
    En outre, de telles mesures étaient, par nature, susceptibles d'affecter le commerce entre les États membres au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité (arrêt de la Cour du 12 juillet 1979, BMW Belgium e.a./Commission, 32/78, 36/78 à 82/78, Rec. p. 2435, point 32). En effet, pour être susceptible d'affecter le commerce entre États membres, un accord ou une pratique doit, sur la base d'éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilitésuffisant qu'il peut exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur le courant d'échanges entre États membres. Sur ce point, il convient précisément d'examiner si les mesures en question sont susceptibles de cloisonner le marché de certains produits entre États membres et de rendre ainsi plus difficile l'interpénétration économique voulue par le traité (arrêt de la Cour du 30 juin 1966, Société technique minière, 56/65, Rec. p. 337, 359; arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission, T-77/92, Rec. p. II-549, point 39). Cela est manifestement le cas en l'espèce. La règle des 15 % et le contingentement de l'approvisionnement des concessionnaires italiens équivalent chacun à une protection territoriale, notamment pour les concessionnaires allemands et autrichiens, et à une réduction de la liberté d'action commerciale des concessionnaires italiens. Ces mesures liaient l'ensemble des concessionnaires des marques Volkswagen et Audi dans une partie substantielle du marché commun (l'Italie) et contribuaient, ce faisant, au cloisonnement du marché italien. En effet, des pratiques restrictives de la concurrence qui s'étendent à l'ensemble du territoire d'un État membre sont, par leur nature même, susceptibles de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, Rec. p. 2545, point 22, et Bayerische Motorenwerke, précité, points 19 et 20).

180.
    Enfin et en tout état de cause, les plaintes des consommateurs allemands et autrichiens, analysées ci-dessus aux points 105 à 116, démontrent que les mesures prises par la requérante, Audi et Autogerma ont eu des effets réels. Audi ne cachait pas, au demeurant, qu'il s'agissait d'un «succès» (voir le document cité ci-dessus au point 85; voir également la télécopie de la société Porsche Austria citée ci-dessus au point 138).

181.
    Pour l'ensemble de ces motifs, l'argumentation de la requérante au sujet des effets des entraves à la réexportation ne saurait être accueillie.

Sur la durée des entraves à la réexportation

Arguments des parties

182.
    La requérante expose que les comportements qui lui sont reprochés n'ont, en aucun cas, débuté en 1987 ni continué après octobre 1995. Elle fait remarquer, à cet égard, que les documents saisis par la Commission ne se rapportent qu'aux années 1993 à 1995 .

183.
    Pour ce qui concerne la date du commencement de ces comportements, la requérante précise que la Commission l'a fixée au 30 décembre 1987, en se fondant sur la date d'une version de la convenzione B (considérant 202 de la décision). Étant donné que ce document prouve seulement l'accord des concessionnaires et d'Autogerma sur le système de prime et qu'il ne porte pas sur les autres mesuresreprochées dans la décision, l'affirmation de la Commission selon laquelle l'infraction traitée dans la décision est, de manière générale, prouvée à compter du 30 décembre 1987 ne serait pas cohérente .

184.
    Pour ce qui concerne la date de cessation des comportements reprochés, la requérante fait observer que, à la lumière de la circulaire envoyée aux concessionnaires en décembre 1996, la conclusion au considérant 216 de la décision, selon laquelle à ce moment-là, «[l'infraction] n'[était] pas complètement terminée», est erronée . Par conséquent, même si la constatation faite à l'article 1er de la décision était exacte, l'article 2 de la décision devrait être annulé, parce qu'il ordonne à la requérante de prendre certaines mesures que celle-ci aurait déjà prises .

185.
    La défenderesse expose d'abord que, au considérant 202 de la décision, elle a fixé la date du début de l'infraction au 30 décembre 1987 en se fondant uniquement sur le système de prime, de sorte qu'aucun malentendu n'est possible quant à l'objet ou à l'étendue de l'infraction incriminée au cours de la période en cause. Selon elle, le fait que les autres mesures n'ont été prises que plus tard n'interdisait pas de qualifier l'ensemble de ces mesures, y compris le système de prime, de stratégie globale .

186.
    Ensuite, la défenderesse fait observer qu'une infraction commence toujours avec le premier accord ou la première pratique concertée et qu'elle continue tant que le dernier accord ou la dernière pratique concertée n'a pas été supprimé ou autrement arrêté . Selon elle, la circulaire du 16 mars 1995 n'a pas fait disparaître l'infraction parce que cette circulaire n'a pas été mise en oeuvre. Cela serait démontré par plusieurs documents. En outre, ladite circulaire n'aurait pas modifié les mesures visant à sanctionner financièrement les ventes opérées hors du territoire contractuel, telles que le blocage de la prime de 3 % . La circulaire de décembre 1996 n'aurait pas non plus mis complètement fin à l'infraction.

187.
    Enfin, la défenderesse affirme que le fait que la gravité de l'infraction s'est atténuée en 1997 a été pris en compte, lors de la fixation de l'amende, par la détermination dégressive des majorations applicables au cours de la durée des faits incriminés.

Appréciation du Tribunal

188.
    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que l'exigence de sécurité juridique, dont doivent bénéficier les opérateurs économiques, implique que, lorsqu'il y a litige sur l'existence d'une infraction aux règles de la concurrence, la Commission avance des éléments de preuve qui se rapportent à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu'il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43/92, Rec. p. II-441, point 79).

189.
    En premier lieu, en l'espèce, il convient d'observer qu'il ressort clairement du fait que la règle des 15 % a été en vigueur de façon ininterrompue entre le 1er janvier 1988 et le 30 septembre 1996 (voir ci-dessus point 48) que la requérante a été en infraction avec les règles communautaires de la concurrence durant toute cette période (voir ci-dessus point 49). S'il est vrai que, comme il a également été indiqué ci-dessus au point 49, cette règle était susceptible de jouer un rôle plus sensible dans des périodes où il existait un grand intérêt pour des consommateurs d'autres États membres de venir acheter un véhicule en Italie (en l'espèce, à partir de 1993), il n'est pas moins vrai que la règle en cause a pour objet d'assurer une certaine protection territoriale et donc, dans cette mesure, le cloisonnement du marché en ce qu'elle incite les concessionnaires italiens à réserver chaque année au moins 85 % des véhicules disponibles à la vente à la clientèle italienne. Enfin, s'il est vrai que la Commission a fait une délimitation légèrement imprécise en situant la date de l'entrée en vigueur de la règle des 15 % en 1987 (considérant 75 de la décision), le 30 décembre (considérants 202 et 216 de la décision) ou le 31 décembre (considérant 215 de la décision), il s'avère également que cela n'a aucune incidence sur l'économie de la décision et ne saurait donc mener à l'annulation de celle-ci, la Commission n'ayant pas pris en compte l'année 1987 pour fixer le montant de l'amende (considérant 217 de la décision).

190.
    En second lieu, il y a lieu de relever que le seul élément de preuve avancé par la Commission de ce que la requérante était toujours, dans une certaine mesure, en infraction dans la période allant du 1er octobre 1996 jusqu'à la date d'adoption de la décision attaquée est l'affirmation que la requérante n'a pas, après la réception de la communication des griefs en octobre 1996 et durant toute cette période, fait une déclaration nette selon laquelle les mesures de cloisonnement de marché étaient abrogées. Cela est confirmé par les points 27, 28 et 348 du mémoire en défense et par le point 126 de la duplique. Dans ce dernier point, la Commission a expliqué que, à la fin de l'année 1996 et durant l'année 1997, il n'était pas possible de considérer qu'il avait été mis fin à l'infraction, parce que la requérante n'avait pas justifié avoir supprimé «toute restriction territoriale également dans les accords». Dans sa réponse à une question du Tribunal lors de la procédure orale, le conseil de la défenderesse a confirmé cette explication.

191.
    Force est de constater que cette appréciation des faits est contredite par certaines pièces du dossier. Ainsi, au point 48 de la réponse de la requérante et d'Audi à la communication des griefs, il est indiqué clairement que «la règle des 15 % [...] a été supprimée avec effet au 1er octobre 1996». En plus, lors de l'audition du 7 avril 1997, la requérante a souligné: «Les contrats des concessionnaires Volkswagen et Audi, tout comme les contrats d'importateurs sur le territoire de l'Union européenne [...] ont été modifiés avec effet au 1er octobre 1996 de telle sorte qu'ils correspondent maintenant aux nouvelles conditions de base fixées par la Commission dans le règlement n° 1475/95.» En outre, dans la circulaire du 19 décembre 1996 envoyée à la demande de la requérante aux concessionnairesitaliens, Autogerma a clairement exposé à ces derniers les droits commerciaux dont ils jouissent en vertu de la réglementation communautaire, dans les termes suivants:

«Messieurs,

En octobre 1996, la Commission de l'Union européenne nous a reproché formellement le fait que nous vous aurions empêché à partir de 1987, par diverses mesures, de vendre des véhicules Volkswagen et Audi en Allemagne et en Autriche. Comme Volkswagen AG et Audi AG, nous considérons que ces critiques ne sont pas justifiées. Nous souhaitons cependant clarifier ce qui suit:

1.    Vous êtes autorisés, sans restriction, à vendre des véhicules automobiles à des consommateurs finals dans tous les États membres de l'Union européenne et de la zone européenne de libre-échange. Cela s'applique aussi dans le cas où l'utilisateur final passe par un intermédiaire.

    Vous êtes par ailleurs autorisés, sans restriction, à vendre des véhicules automobiles à d'autres concessionnaires du réseau Volkswagen et Audi dans les États membres de l'Union européenne et de la zone européenne de libre-échange.

    Si vous concluez de telles ventes, vous n'encourrez aucune sanction, directe ou indirecte, ni de notre part ni de la part de Volkswagen AG et d'Audi AG.

2.    Vous n'êtes pas, par contre, autorisés à vendre des véhicules automobiles à des entreprises qui ne sont pas membres du réseau Volkswagen-Audi.

3.    Les ristournes qui vous sont consenties par Autogerma et l'attribution ainsi que le calcul des primes ne dépendront en aucune manière, directement ou indirectement, en tout ou en partie, du volume de ventes que vous réalisez en dehors de votre territoire contractuel.»

192.
    Faute d'avoir avancé des éléments de preuve, la Commission n'a pas établi à suffisance de droit que la requérante se trouvait toujours en infraction entre le 1er octobre 1996 et le mois de janvier 1998.

Conclusions

193.
    Les documents, pertinents et concordants, saisis par la Commission démontrent que la requérante a pris des mesures ayant pour objet le cloisonnement du marché italien des véhicules neufs des marques Volkswagen et Audi, en la forme d'un contingentement de l'approvisionnement des concessionnaires italiens, une politique selon laquelle la prime habituelle de 3 % n'est que partiellement accordée aux concessionnaires qui effectuent plus de 15 % de leurs ventes à des personnes résidant hors de l'Italie, et de contrôles et d'avertissements. En outre, il est établi que ces mesures se sont traduites par des obstacles à l'acquisition en Italie devéhicules de marques Volkswagen et Audi par des consommateurs et des concessionnaires desdites marques d'autres États membres.

194.
    Il résulte donc de l'examen de ce premier moyen que la Commission a pu conclure à juste titre que la requérante a, conjointement avec ses filiales Audi et Autogerma, commis des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité. La question de savoir si la Commission a commis une erreur de droit en qualifiant les mesures illégales d'«accords» entre la requérante, Audi et Autogerma, d'une part, et les concessionnaires italiens, d'autre part (voir le libellé de l'article 1er de la décision attaquée, cité ci-dessus au point 28), sera examinée ci-après dans le cadre du deuxième moyen.

195.
    Par ailleurs, les éléments de preuve fournis par la Commission et cités ci-dessus ont une telle valeur probante que les données chiffrées et les arguments de la requérante relatifs aux quantités considérables de véhicules qui auraient néanmoins été réexportés à partir de l'Italie vers l'Allemagne dans la période examinée en l'espèce (voir ci-dessus point 76) ne peuvent, en tout état de cause, affecter les conclusions relatives à l'existence de l'infraction. En effet, ces éléments montrent, tout au plus, que les mesures prises par la requérante et ses filiales n'ont pas permis d'atteindre le but fixé (voir également ci-dessus point 178). En tout état de cause, même s'il s'avérait que le nombre de réexportations empêchées est peu élevé par rapport à celui des réexportations réalisées malgré les mesures prises en vue de les entraver, cela ne pourrait pas infirmer le caractère systématique des comportements infractionnels dûment constatés par la Commission et analysés ci-dessus (voir arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, points 45 et 46).

196.
    Il convient de constater ensuite que, si la requérante a établi que certains considérants de la décision sont entachés d'une erreur de fait, en ce que la Commission a tiré ses conclusions quant au système de marge fractionnée et aux résiliations de certains contrats de concession sans avoir à sa disposition des indices suffisamment précis, pertinents et concordants (voir ci-dessus points 65 à 72 et 166 à 169), cela ne saurait toutefois mener à l'annulation de la décision dans son intégralité. En effet, comme il vient d'être constaté ci-dessus aux points 193 et 194, la Commission a conclu à juste titre que la requérante a commis des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

197.
    Néanmoins, lesdites erreurs de fait commises par la Commission entachent dans une certaine mesure le dispositif de la décision. En particulier, comme il ressort des considérants 214 et 220 de la décision, le système de marge fractionnée et la résiliation de certains contrats de concession ont été pris en considération, même si ce n'est que d'une façon mineure, dans la détermination de la gravité de l'infraction et donc dans la fixation de l'amende, dont le montant figure à l'article 3 de la décision.

198.
    Il en résulte que la décision attaquée doit être annulée pour autant qu'elle constate qu'un système de marge fractionnée et la résiliation de certains contrats de concession à titre de sanction constituaient des mesures prises afin d'entraver les réexportations de véhicules des marques Volkswagen et Audi à partir de l'Italie par des consommateurs finals et des concessionnaires desdites marques d'autres États membres.

199.
    Quant au manque de preuve en ce qui concerne la période allant du 1er octobre 1996 jusqu'à la date d'adoption de la décision attaquée, force est de constater que celui-ci n'entache pas la légalité de l'article 1er de la décision dans la mesure où la Commission y constate que la requérante a violé les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Il ne met pas non plus en cause la légalité des articles 2 et 5 de la décision, dans lesquels la Commission enjoint à la requérante de prendre, notamment, certaines mesures pour qu'il soit mis fin à l'infraction et fixe une astreinte afin de garantir l'exécution de ces instructions. À cet égard, il convient de constater que le fait que la Commission a manqué de fournir des indices pertinents et concordants de la persistance de l'infraction après le 1er octobre 1996 ne mène pas en soi à la certitude que celle-ci a effectivement cessé. Par conséquent, s'il doit être reproché à la Commission d'avoir fixé l'amende sur la base, entre autres éléments, de l'affirmation non prouvée que l'infraction avait continué entre le 1er octobre 1996 et la date d'adoption de la décision, il ne saurait, en revanche, lui être fait grief d'avoir donné dans le dispositif de la décision, afin d'assurer avec certitude la fin de tout comportement infractionnel, certaines instructions à la requérante, assorties d'une astreinte. Par ailleurs, à supposer que l'infraction ait effectivement cessé, cela priverait, en tout état de cause, les articles 2 et 5 de la décision d'effet.

200.
    Néanmoins, l'erreur commise par la Commission en matière de durée de l'infraction entache dans une certaine mesure le dispositif de la décision. En particulier, comme il ressort du considérant 217 de la décision, la fin de l'année 1996 et l'année 1997 ont été prises en compte dans la fixation de l'amende, dont le montant figure à l'article 3 de la décision.

201.
    Par conséquent, la décision attaquée doit être annulée également en ce qu'elle constate que l'infraction en cause n'était pas complètement terminée dans la période allant du 1er octobre 1996 jusqu'à l'adoption de la décision.

202.
    Il résulte de tout ce qui précède que la décision attaquée doit être annulée en ce qu'elle constate, d'une part, qu'un système de marge fractionnée et la résiliation de certains contrats de concession à titre de sanction constituaient des mesures prises afin d'entraver les réexportations à partir de l'Italie de véhicules des marques Volkswagen et Audi par des consommateurs finals et des concessionnaires desdites marques d'autres États membres et, d'autre part, que l'infraction en cause n'était pas complètement terminée dans la période allant du 1er octobre 1996 jusqu'à l'adoption de la décision.

B - Sur le deuxième moyen, tiré d'erreurs de droit dans l'application de l'article 85 du traité

Arguments des parties

203.
    La requérante soutient que la Commission a commis plusieurs erreurs de droit dans l'application de l'article 85 du traité.

Sur l'absence de délimitation du marché

204.
    La requérante fait observer que la Commission a examiné dans la décision les critères d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité les plus faciles à vérifier comme celui de savoir si les constructeurs, Autogerma et les concessionnaires sont des entreprises, mais n'a pas, contrairement à ce qui était le cas dans la communication des griefs, abordé du tout la façon dont le marché sur lequel se serait déroulé la violation du traité doit être défini. La requérante reconnaît que la délimitation matérielle du marché est évidente dans le cas d'espèce (marché des voitures automobiles), mais estime que l'absence de délimitation géographique de celui-ci entache la légalité de la décision .

205.
    Sur ce point, la requérante rappelle que ce n'est que lorsque le marché est défini qu'il est possible de déterminer avec exactitude si l'accord ou la pratique concertée dont il est question est susceptible d'affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun . Elle fait remarquer, en outre, que la position défendue par la Commission dans la communication des griefs, selon laquelle le marché géographique pertinent est le marché commun, a été fermement contredite par les constructeurs dans leurs observations sur cette communication . Selon elle, le marché commun n'est pas le marché géographique pertinent, étant donné qu'il existe des différences juridiques (en matière de fiscalité) et économiques (disparités monétaires, différences dans les préférences d'achat) importantes entre les États membres.

206.
    Selon la défenderesse, une délimitation géographique du marché n'était pas nécessaire en l'espèce. Elle expose qu'une délimitation du marché ne s'impose, en règle générale, que dans le cadre de contrôles de fusions ou de procédures visant à constater un abus de position dominante. Dans le cas d'une application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la seule question impérative qui se poserait sur le plan géographique serait celle de savoir si l'accord ou les pratiques concertées en cause sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres .

Sur l'appréciation erronée des entraves dans leur ensemble

207.
    La requérante rappelle que, lors de l'appréciation d'un accord au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité, il y a lieu de distinguer les parties de cet accord quisont réellement frappées par l'interdiction édictée par cet article de celles qui ne le sont pas. Dans le cas d'espèce, la Commission aurait méconnu cette règle en déduisant une interdiction ou une restriction des exportations d'un «ensemble de mesures» (considérants 112 et 131 de la décision).

208.
    Par ailleurs, les mesures alléguées par la Commission ne formeraient pas un ensemble, étant donné qu'il n'existe pas de lien entre elles .

209.
    La défenderesse oppose que, manifestement, les mesures traitées dans la décision, telles que les systèmes de prime et de marge fractionnée, le contingentement de l'approvisionnement et l'engagement exigé des acquéreurs, forment une stratégie globale visant à amener les concessionnaires italiens à renoncer à exercer toute activité en dehors de leur territoire contractuel. Au surplus, la défenderesse fait valoir qu'elle a fait la distinction entre les mesures autorisées et celles interdites, étant donné qu'elle a critiqué uniquement les mesures qui avaient pour objet ou pour effet d'entraver ou d'empêcher les ventes à des consommateurs finals (le cas échéant par le biais d'intermédiaires) et à des concessionnaires d'États membres autres que l'Italie.

Sur la qualification erronée des entraves, prises dans leur ensemble, d'accords

210.
    La requérante estime que la Commission a erronément qualifié les mesures prises par les deux constructeurs en cause et Autogerma d'accords passés entre ces trois entreprises et les concessionnaires italiens. Elle reconnaît, certes, qu'il y a eu accord en ce qui concerne le système de prime, qui est expressément stipulé dans la convenzione B, annexée au contrat de concession, et qu'il en aurait été de même à propos du système de marge fractionnée si celui-ci avait été introduit. Toutefois, les autres mesures, telles qu'une interdiction des livraisons croisées à l'intérieur du réseau de distribution et une restriction de l'approvisionnement sur le marché italien, ne peuvent pas, selon la requérante, recevoir une telle qualification. La décision serait, par ailleurs, contradictoire sur ce point, étant donné qu'il y est affirmé, d'une part, que lesdites mesures «ont été prises d'un commun accord pour faire partie intégrante du contrat de concession» (considérant 128) et, d'autre part, qu'il «suffi[t], pour qu'il y ait pratique concertée, qu'une entreprise indépendante adapte consciemment et volontairement son comportement aux voeux exprimés par une autre entreprise» (considérant 129).

211.
    La requérante ajoute encore que l'engagement exigé de certains clients, que la Commission a également qualifié d'incompatible avec les règles communautaires de la concurrence, ne peut pas constituer un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, étant donné que les clients ne sont pas des entreprises.

212.
    La défenderesse précise, tout d'abord, que les différentes mesures traitées dans la décision présentent, à des degrés divers, des éléments d'un accord, ou représentent, à tout le moins, des pratiques concertées. Une délimitation détaillée entre ces deux notions ne serait pas utile étant donné que le traité interdit pareillement les accords et les pratiques concertées.

213.
    La défenderesse reconnaît, ensuite, qu'il ne peut y avoir ni accord ni pratique concertée au sein d'une seule entité économique. Elle ajoute, toutefois, que cela n'empêche pas que des documents internes soient susceptibles de prouver que des mesures ayant été discutées aient ensuite été mises en oeuvre et aient fait l'objet d'accords ou de pratiques concertées . Ainsi, l'approvisionnement restrictif du marché italien se serait inséré dans les relations contractuelles entre Autogerma et les concessionnaires, dans la mesure où le contrat de concession aurait subordonné les livraisons d'Autogerma aux concessionnaires à l'approvisionnement de cette dernière par les constructeurs.

214.
    En tout état de cause, il y aurait eu accord en ce sens que de nombreux concessionnaires auraient accepté d'appliquer l'interdiction des livraisons croisées à l'intérieur du réseau de distribution .

215.
    Enfin, l'argument selon lequel l'acheteur du véhicule n'est pas une entreprise ne serait pas pertinent. À cet égard, la défenderesse fait observer que ce n'est pas l'engagement exigé du client par le concessionnaire qui est contraire au traité, mais l'accord conclu entre Autogerma et les concessionnaires relatif à l'obligation d'exiger un tel engagement.

Sur la méconnaissance des règlements n° 123/85 et n° 1475/95

216.
    La requérante reproche également à la Commission de ne pas avoir dûment tenu compte du règlement n° 123/85, qui définit, dans son considérant 1, les accords dans le système de distribution sélective de véhicules automobiles comme des accords «par lesquels le cocontractant fournisseur charge le cocontractant revendeur de promouvoir dans un territoire déterminé la distribution et le service de vente et d'après-vente de produits déterminés du secteur des véhicules automobiles et par lesquels le fournisseur s'engage envers le distributeur à ne livrer dans le territoire convenu des produits contractuels en vue de la revente qu'au distributeur ou, outre le distributeur, qu'à un nombre limité d'entreprises du réseau de distribution». Selon le considérant 9 du même règlement, des restrictions pourraient être imposées aux activités du distributeur en dehors du territoire convenu, dans la mesure où celles-ci «l'amènent à mieux assurer la distribution et le service dans un territoire convenu et contrôlable, à connaître le marché d'une manière plus proche de l'optique de l'utilisateur et à orienter son offre en fonction des besoins». En plus, l'article 4, paragraphe 1, point 3, du règlement n° 123/85 prévoirait que le concessionnaire peut devoir s'engager «à s'efforcer d'écouler dans une période déterminée à l'intérieur du territoire convenu un nombre minimal de produits contractuels». La Commission aurait méconnu le règlement n° 123/85, notamment dans son appréciation du système de prime. Selon la requérante, la règle des 15 % était parfaitement justifiée par les termes suscités du règlement n° 123/85. Chaque concessionnaire est, en effet, censé concentrer son activité sur son territoire contractuel. Il en résulte que le système de prime n'était restrictif de concurrence ni dans son objet ni dans ses effets.

217.
    La requérante précise que, pour ce qui concerne l'appréciation juridique de ce système, seul le règlement n° 123/85 est déterminant, étant donné que, pour la période postérieure à l'entrée en vigueur du règlement n° 1475/95, il n'était plus applicable. Elle ajoute, néanmoins, que même après l'entrée en vigueur du règlement n° 1475/95, le système de prime aurait été légal, étant donné que ce règlement autorise une différenciation dans l'octroi de la rémunération «en fonction du lieu de destination des véhicules automobiles revendus ou du domicile de l'acheteur».

218.
    La Commission aurait également omis de tenir compte des règlements n° 123/85 et n° 1475/95 dans son appréciation des prétendus efforts des constructeurs pour limiter l'approvisionnement des concessionnaires en Italie à hauteur du nombre de véhicules effectivement requis sur place. Sur ce point, la requérante souligne que, dans le système créé par lesdits règlements, le constructeur n'est pas tenu de livrer aux importateurs et aux concessionnaires autant de véhicules que ces derniers en ont commandés. Bien au contraire, chaque constructeur serait en droit d'appliquer une politique de vente qui, dans le cadre de possibilités de livraison éventuellement réduites, ait pour objet d'approvisionner un marché national selon les besoins de celui-ci.

219.
    La requérante s'oppose, en outre, à la thèse de la Commission selon laquelle la mesure consistant à exiger un engagement de certains clients est incompatible avec l'article 3, point 11, du règlement n° 123/85. Selon cette disposition, il ne serait pas permis de restreindre les possibilités d'un concessionnaire de vendre à des consommateurs finals utilisant les services d'un intermédiaire si ces consommateurs ont auparavant mandaté ce dernier par écrit pour acheter un véhicule déterminé. Or, en l'espèce, des engagements auraient été exigés, précisément, dans une autre hypothèse, à savoir celle où un client achète sans intermédiaire.

220.
    Au surplus, la requérante souligne qu'elle-même, Audi et Autogerma sont toujours restées dans le cadre de l'article 3, point 10, sous a), du règlement n° 123/85, en respectant le droit des concessionnaires de livrer des véhicules à des revendeurs qui sont des entreprises du réseau de distribution .

221.
    La requérante invoque les textes mêmes des contrats de concession pour étayer les arguments résumés ci-dessus. Elle cite, notamment, le contrat de concession des marques Volkswagen et Audi dans la version de janvier 1989, qui a été d'application en Allemagne jusqu'à la date d'échéance du règlement n° 123/85, le 30 septembre 1996. Selon ce contrat, «[l]e concessionnaire n'est pas autorisé à vendre les articles du programme de livraison à des personnes ou à des firmes extérieures au réseau de distribution VW et Audi qui revendent [...] des véhicules automobiles et/ou des pièces détachées sans accord écrit préalable de VW AG». Elle cite aussi le «contrat de transition» qui a été appliqué du 1er octobre 1996 jusqu'au 31 décembre 1997, qui contenait la même règle . Elle renvoie également au contrat en vigueur en Allemagne depuis le 1er janvier 1998, qui reprend la règle susvisée et ajoute que «[l]e concessionnaire ne peut vendre des automobiles neuves [...] à des consommateurs finals qui ont fait intervenir un intermédiaire que lorsquece dernier a été, au préalable, mandaté par écrit pour l'achat d'un véhicule déterminé et, en cas d'enlèvement du véhicule par un intermédiaire, que si ce dernier a également été mandaté pour ce faire». Elle cite, ensuite, le contrat de concession applicable en Italie du 30 décembre 1987 jusqu'au 30 septembre 1996. Ce contrat prévoit: «Le concessionnaire peut vendre les produits contractuels à tous les consommateurs finals indépendamment de leur domicile. Si le consommateur final fait intervenir un intermédiaire pour l'achat d'un véhicule contractuel, le concessionnaire n'exécutera pas la livraison si l'intermédiaire en question n'est pas en mesure de produire un mandat écrit du consommateur final; en cas de livraison directe à l'intermédiaire, cette dernière doit expressément être prévue dans le mandat. Le concessionnaire n'est pas autorisé à vendre des produits contractuels à des revendeurs qui ne font pas partie du réseau tandis que des pièces détachées peuvent être vendues à des tiers pour effectuer des réparations.» Elle cite, enfin, le contrat en vigueur en Italie depuis le 1er octobre 1996, selon lequel: «Le concessionnaire n'est pas autorisé à distribuer et à vendre des produits contractuels à des revendeurs extérieurs au réseau de distribution [...] Selon le contrat, le concessionnaire peut vendre des véhicules neufs à des consommateurs finals qui ont fait intervenir un intermédiaire que lorsque ce dernier a été, au préalable, mandaté par écrit pour l'achat d'un véhicule déterminé et, en cas d'enlèvement du véhicule par un intermédiaire, que si ce dernier a également été mandaté pour ce faire.» Selon la requérante, toutes ces dispositions prouvent que les règlements n° 123/85 et n° 1475/95 étaient bien respectés.

222.
    La requérante en déduit que, dans la mesure où le Tribunal constaterait qu'il a existé une incompatibilité avec l'article 85, paragraphe 1, du traité, l'article 85, paragraphe 3, du traité aurait dû être appliqué par la Commission par le biais du règlement n° 123/85 et, le cas échéant, du règlement n° 1475/95.

223.
    La requérante insiste toutefois sur le fait que tous les comportements constatés par la Commission sont antérieurs au mois d'octobre 1996 et soutient que le règlement n° 1475/95 n'est donc pas applicable en l'espèce. En effet, pour ce qui concerne la période postérieure au 1er octobre 1996, la Commission n'aurait pas avancé un seul élément qui permette de conclure que la prétendue infraction se soit poursuivie. Pour cette raison, la requérante estime que la Commission a affirmé erronément dans la décision l'inapplicabilité en l'espèce de l'exemption formulée par le règlement n° 1475/95. Elle ajoute que des tiers intéressés pourront invoquer ce considérant devant les juridictions nationales. En outre, selon l'article 6, paragraphe 3, du règlement n° 1475/95, l'inapplicabilité de l'exemption vaudrait seulement tant que dure le comportement incriminé. Pour cette raison également, il ne pourrait être question d'inapplicabilité de l'exemption, car le comportement incriminé aurait cessé d'exister . La requérante signale que la Commission s'est aussi fondée, dans la décision, sur l'article 6, paragraphe 1, point 3, du règlement n° 1475/95, selon lequel l'exemption ne s'applique pas si «les parties conviennent de restrictions de concurrence qui ne sont pas expressément exemptées par le présent règlement», alors que cette disposition n'était pas visée dans la communication des griefs etque, en tout état de cause, elle ne peut s'appliquer au cas d'espèce étant donné que les constructeurs, Autogerma et les concessionnaires ne sont convenus d'aucune restriction de concurrence. La requérante estime que l'exemption du réseau de distribution du groupe Volkswagen est donc toujours d'application . Selon elle, l'article 6 du règlement n° 1475/95 ne saurait être interprété en ce sens que l'adoption de mesures de restriction prive entièrement et durablement le réseau de distribution concerné du bénéfice de l'exemption. Dans ce contexte, la requérante fait encore remarquer que l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 1475/95, selon lequel l'exemption ne s'applique plus dès qu'une des conditions de fait énumérées au paragraphe 1 du même article est remplie, est incompatible avec l'article 7 du règlement n° 19/65/CEE du Conseil, du 2 mars 1965, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords et de pratiques concertées (JO 1965, 36, p. 533), qui habilite la Commission à retirer le bénéfice de l'application de l'exemption dans un cas individuel seulement après une procédure diligentée conformément au règlement n° 17 .

224.
    La défenderesse conteste, d'abord, l'argument de la requérante selon lequel la règle des 15 % était autorisée par les considérants et par l'article 4, paragraphe 1, point 3, du règlement n° 123/85. Elle rappelle qu'il y a infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité lorsque les parties à un accord de distribution exclusive conviennent ou pratiquent des prix, ristournes ou déductions de nature à rendre les réexportations plus difficiles. Or, cela serait manifestement le cas lorsqu'un accord subordonne l'octroi de primes à la non-exportation des produits faisant l'objet du contrat. Le fait que le concessionnaire est en premier lieu responsable de son propre territoire contractuel ne justifierait pas des mesures destinées à entraver les ventes à l'extérieur dudit territoire. Le considérant 9 du règlement n° 123/85, cité par la requérante, serait révélateur précisément sur ce point. La défenderesse fait remarquer aussi que l'octroi d'une rémunération meilleure pour les ventes effectuées à l'intérieur du territoire contractuel entraîne indirectement une limitation territoriale non prévue par l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 123/85. Enfin, elle expose que la règle des 15 % ne pouvait être justifiée par l'article 6, paragraphe 1, point 8, du règlement n° 1475/95, étant donné que cette règle, loin d'avoir un but objectif, était destinée à restreindre les réexportations .

225.
    La défenderesse fait valoir ensuite que le fait de retarder et de contingenter, comme en l'espèce, l'approvisionnement des concessionnaires afin d'entraver des exportations autorisées n'est certainement pas compatible avec les règlements n° 123/85 et n° 1475/95.

226.
    La défenderesse expose également que la mesure consistant à imposer aux concessionnaires italiens de faire souscrire un engagement à certains clients, en ce qu'elle rend la vente de véhicules plus difficile, constitue une restriction de la liberté d'action de ces concessionnaires et est, par conséquent, contraire à l'article 3, point 11, du règlement n° 123/85.

227.
    Quant à l'applicabilité du règlement n° 1475/95, la défenderesse réaffirme que l'infraction en cause n'a pris fin qu'avec les mesures prises par la requéranteconformément à l'article 2 de la décision. Par conséquent, ce règlement aurait également été applicable . Au surplus, la défenderesse conteste avoir affirmé dans la décision que l'exemption au titre du règlement n° 1475/95 était inapplicable. Elle se serait bornée à reproduire certains passages de l'article 6 du règlement n° 1475/95 .

228.
    La défenderesse en déduit que les limites des obligations qu'il est permis d'imposer aux concessionnaires conformément à l'article 3, point 10, sous a), et point 11 du règlement n° 123/85 ont été dépassées et qu'il en va de même du cadre de l'exemption prévue à l'article 3 du règlement n° 1475/95, pour autant que les accords et les pratiques concertées critiqués dans la décision n'ont pas été résiliés ou arrêtés avant le 1er octobre 1996 .

229.
    Quant aux dispositions des contrats de concession citées par la requérante, la défenderesse fait remarquer que celles-ci sont restées lettre morte. Elle souligne qu'elle ne refuse pas à la requérante le droit de prendre des mesures destinées à empêcher des livraisons à des revendeurs non agréés, mais que les mesures prises en l'espèce allaient au-delà de cet objectif. Manifestement, les dispositions des contrats de concession ne sauraient être utilisées pour justifier des infractions aux règles de concurrence . Elle fait remarquer aussi que le contrat de concession du 30 décembre 1987 subordonne la livraison de véhicules neufs commandés par les concessionnaires italiens à l'approvisionnement d'Autogerma par les constructeurs et que c'est au niveau de cet approvisionnement que la requérante a pris une des mesures destinées à empêcher les réexportations à partir de l'Italie.

Appréciation du Tribunal

Sur l'absence de délimitation du marché

230.
    Aux fins de préciser la portée de l'obligation de la Commission de définir le marché pertinent avant de constater une infraction aux règles communautaires de la concurrence, il convient de rappeler que la délimitation du marché ne joue pas le même rôle selon qu'il s'agit d'appliquer l'article 85 du traité ou l'article 86 du traité CE (devenu article 82 CE). Dans le cadre de l'application de l'article 86 du traité, la définition adéquate du marché en cause est une condition nécessaire et préalable au jugement porté sur un comportement prétendument anticoncurrentiel, puisque, avant d'établir l'existence d'un abus de position dominante, il faut établir l'existence d'une position dominante sur un marché donné, ce qui suppose que ce marché ait été préalablement délimité. En revanche, dans le cadre de l'application de l'article 85 du traité, c'est pour déterminer si l'accord, la décision d'association d'entreprises ou la pratique concertée en litige est susceptible d'affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun qu'il faut, le cas échéant, définir le marché en cause (arrêt du Tribunal du 21 février 1995, SPO e.a./Commission, T-29/92, Rec. p. II-289, point 74). Parconséquent, l'obligation d'opérer une délimitation de marché dans une décision adoptée en application de l'article 85 du traité s'impose à la Commission lorsque, sans une telle délimitation, il n'est pas possible de déterminer si l'accord, la décision d'association d'entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d'affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T-374/94, T-375/94, T-384/94 et T-388/94, Rec. p. II-3141, points 93 à 95 et 105).

231.
    Or, comme il vient d'être constaté dans le cadre du premier moyen (voir ci-dessus points 179, 193 et 194), la Commission a dûment démontré, dans la décision, que la requérante a commis une infraction ayant pour objet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun et étant, par nature, susceptible d'affecter le commerce entre États membres. La Commission ayant pu constater à juste titre que la requérante avait, conjointement avec ses filiales Audi et Autogerma, cloisonné le marché italien, il s'ensuivait intrinsèquement que les transactions à partir de l'Italie vers l'ensemble des autres États membres étaient susceptibles d'être affectées. Par conséquent, l'application faite par la Commission de l'article 85 du traité n'exigeait pas, en l'espèce, une définition préalable du marché géographique.

232.
    Il en résulte que cette première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

Sur l'appréciation des entraves dans leur ensemble

233.
    Il convient d'observer que, dans la mesure où la requérante expose que la Commission a omis de distinguer les comportements qui sont interdits en vertu de l'article 85, paragraphe 1, du traité de ceux qui ne le sont pas, son argumentation se confond, pour l'essentiel, avec celle qui est développée dans le cadre du premier moyen, tirée d'appréciations erronées des faits dans l'application de cet article. Le Tribunal ayant déjà constaté, d'une part, que l'introduction d'un système de marge fractionnée n'avait pas été démontrée et que la résiliation de certains contrats de concession avait fait l'objet d'une appréciation erronée et, d'autre part, que tous les autres comportements infractionnels reprochés à la requérante visaient le cloisonnement du marché italien, la présente branche du deuxième moyen n'a plus de valeur autonome.

234.
    Au surplus, rien ne s'oppose à ce que les indices retenus par la Commission aux fins de prouver l'existence d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité soient appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (voir arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48/69, Rec. p. 619, point 68, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T-311/94, Rec. p. II-1129, point 201). Il ne saurait donc être reproché à la Commission d'avoir associé, en l'espèce, les différents éléments de preuve saisis lors des vérifications, afin de parvenir à des conclusions globales en ce qui concerne les comportements de la requérante. Cette méthode de recherche et d'interprétation était d'autant plusjustifiée que tous les documents saisis par la Commission avaient comme objet commun les réexportations de véhicules à partir de l'Italie. À la lumière de cette circonstance, l'argument de la requérante selon lequel il n'existe pas de lien interne entre les différentes mesures alléguées par la Commission n'est pas non plus convaincant. Bien au contraire, les différentes mesures prises par la requérante s'inscrivent dans une série d'agissements ayant un seul objectif économique, à savoir le cloisonnement du marché italien. Il serait donc artificiel de subdiviser strictement cette conduite caractérisée par une seule finalité (voir arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7/89, Rec. p. II-1711, point 263).

235.
    Il en résulte que cette deuxième branche du deuxième moyen doit également être rejetée.

Sur la qualification des entraves, prises dans leur ensemble, d'accords

236.
    Selon une jurisprudence constante, une invitation adressée par un constructeur automobile à ses revendeurs sous contrat constitue non pas un acte unilatéral qui échapperait au champ d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, mais un accord au sens de cette disposition, lorsqu'elle s'insère dans un ensemble de relations commerciales continues régies par un accord général préétabli (arrêts de la Cour du 17 septembre 1985, Ford/Commission, 25/84 et 26/84, Rec. p. 2725, point 21, et Bayerische Motorenwerke, précité, points 15 et 16). Cette jurisprudence s'applique en l'espèce. En effet, comme il ressort de l'examen du premier moyen (voir ci-dessus, en particulier, points 49, 58, 89 à 92 et 162 à 165), la règle des 15 %, le contingentement de l'approvisionnement, les contrôles et les avertissements visaient tous à influencer les concessionnaires italiens dans l'exécution de leur contrat avec Autogerma.

237.
    Par ailleurs, dans le cadre d'une infraction constituée de plusieurs comportements liés, il ne saurait être exigé de la Commission qu'elle qualifie précisément les différents éléments de l'infraction d'accord ou de pratique concertée. En effet, en tout état de cause, l'une et l'autre de ces formes d'infraction sont visées à l'article 85 du traité (voir arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C-49/92 P, Rec. p. I-4125, points 132 et 133).

238.
    Pour ce qui concerne, enfin, l'argument de la requérante selon lequel les engagements exigés de certains clients ne peuvent pas constituer des accords au motif que ces clients ne sont pas des entreprises, il suffit de constater que, comme l'a fait observer à juste titre la Commission, ce ne sont pas les engagements en tant que tels qui ont été qualifiés ainsi, mais la position arrêtée au sein du groupe Volkswagen de les faire souscrire.

239.
    Il s'ensuit que cette troisième branche du deuxième moyen doit également être rejetée.

Sur la prétendue méconnaissance des règlements n° 123/85 et n° 1475/95

240.
    Il convient de relever, tout d'abord, qu'il n'y a plus lieu de statuer sur cette quatrième branche du deuxième moyen, en ce qu'elle porte sur la méconnaissance du règlement n° 1475/95. En effet, il a déjà été constaté par le Tribunal que la Commission n'a pas prouvé l'existence d'une infraction au-delà du 30 septembre 1996 (voir ci-dessus points 190 à 192). Par conséquent, l'appréciation de la Commission, notamment au considérant 191 de la décision, selon laquelle, pour la période à partir du 1er octobre 1996, les entraves à la réexportation imposées par Volkswagen, Audi et Autogerma ne sont pas couvertes par le règlement n° 1475/95, perd automatiquement sa valeur au vu de la constatation susvisée.

241.
    Pour ce qui concerne ensuite la prétendue méconnaissance du règlement n° 123/85, il convient de souligner à nouveau que la Commission a démontré que la requérante a, conjointement avec ses filiales Audi et Autogerma, entravé les réexportations à partir de l'Italie (voir ci-dessus les analyses et conclusions dans le cadre du premier moyen). Or, selon une jurisprudence constante, l'article 85, paragraphe 1, du traité ne peut, en aucun cas, être déclaré inapplicable dès lors que les parties à un contrat de distribution sélective se comportent de façon à restreindre les importations parallèles (arrêt de la Cour du 21 février 1984, Hasselblad/Commission, 86/82, Rec. p. 883, point 35; arrêts du Tribunal Dunlop Slazenger/Commission, précité, point 88, et du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T-49/95, Rec. p. II-1799, point 35). En effet, l'esprit même d'un règlement d'exemption de catégories d'accords de distribution est de subordonner l'exemption qu'il prévoit à la condition que, par la possibilité d'importations parallèles, les utilisateurs se verront réserver une partie équitable des avantages résultant de la distribution exclusive (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, T-141/89, Rec. p. II-791, point 119).

242.
    Par conséquent, il ne saurait en aucun cas être reproché à la Commission d'avoir méconnu le règlement n° 123/85, en refusant de déclarer inapplicable l'article 85, paragraphe 1, du traité aux comportements dûment constatés en l'espèce (voir ci-dessus, pour la règle des 15 %, les points 49 à 58, 179 et 189, pour le contingentement de l'approvisionnement, les points 79 à 92, et pour les contrôles et les avertissements, les points 162 à 165). Bien que le règlement n° 123/85 offre aux constructeurs d'importants moyens de protection de leurs réseaux, il ne les autorise pas à cloisonner leurs marchés (arrêt Bayerische Motorenwerke, précité, point 37). Certes, ce règlement exempte des accords par lesquels le fournisseur charge un revendeur agréé de promouvoir sur un territoire déterminé la distribution et le service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles et s'engage à lui réserver sur ce territoire la livraison des produits contractuels. Il exempte donc, notamment, l'obligation imposée au revendeur agréé de ne pas vendre à des revendeurs non agréés (article 3, point 10), à moins qu'ils ne soient des intermédiaires, c'est-à-dire des opérateurs qui agissent au nom et pour le compte de consommateurs finals et qui reçoivent, à cette fin, un mandat écrit (article 3, point 11) (arrêt de la Cour du 15 février 1996, Grand garage albigeois e.a., C-226/94, Rec. p. I-651, points 13 et 14). Toutefois, il n'en reste pas moins que,selon l'article 10 du règlement n° 123/85, la Commission peut retirer le bénéfice de l'application dudit règlement si elle constate qu'un accord exempté en vertu de ce règlement a cependant certains effets qui sont incompatibles avec les conditions prévues par l'article 85, paragraphe 3, du traité, et notamment «lorsque le constructeur ou une entreprise du réseau de distribution empêche d'une manière continue ou systématique, débordant le cadre de l'exemption accordée par le présent règlement, des utilisateurs finals ou d'autres entreprises du réseau de distribution d'acquérir à l'intérieur du marché commun des produits contractuels ou des produits correspondants».

243.
    Il ressort de ce qui précède qu'il n'y a plus lieu de statuer sur cette quatrième branche du deuxième moyen en ce qu'elle porte sur la méconnaissance du règlement n° 1475/95 et que cette branche doit être rejetée pour le surplus.

244.
    Il résulte de tout ce qui précède que le deuxième moyen ne saurait prospérer.

C - Sur le troisième moyen, tiré d'une violation du principe de bonne administration

Arguments des parties

245.
    La requérante reproche à la Commission d'avoir méconnu des principes procéduraux élémentaires. La Commission aurait, notamment, fait preuve d'un manque d'objectivité et d'impartialité dans le déroulement de la procédure et aurait procédé à des choix et à des appréciations partiales en ce qui concerne les éléments de preuve. Les observations en réponse à la communication des griefs n'auraient, pour la plupart, pas été prises en considération. Surtout, les éléments apportés par la requérante et Audi auraient été appréciés avec parti pris. En menant l'enquête d'une telle façon, la Commission aurait violé son obligation de loyauté, à savoir son obligation d'examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d'espèce .

Sur la violation du principe de bonne administration dans l'interprétation des documents saisis lors des vérifications

246.
    La Commission se serait comportée d'une façon déloyale en opérant des choix parmi les documents saisis lors des vérifications et en interprétant ceux-ci avec partialité. En particulier, elle n'aurait pas sérieusement envisagé la possibilité que la requérante, Audi et Autogerma aient tenté d'empêcher uniquement les ventes aux revendeurs non agréés. Voulant à tout prix prouver sa thèse, la Commission aurait dénaturé plusieurs documents et tiré des conclusions sur la base de présomptions gratuites. En revanche, elle n'aurait voulu tenir compte ni des éléments de preuve à décharge, tels que des procès-verbaux rédigés lors des vérifications effectuées auprès des concessionnaires italiens et des informations fournies par Autogerma sur le système de prime, ni de certaines données commerciales pertinentes apportées par la requérante et Audi en réponse à lacommunication des griefs, comme le fait que l'Italie est le marché d'exportation le plus important d'Europe pour les marques Volkswagen et Audi. Selon la requérante, si le contenu de quelques documents dépassait la mesure de ce qui est légal du point de vue du droit communautaire, la Commission aurait pu envisager qu'il s'agissait d'initiatives intempestives qui ne sont jamais à exclure au sein d'une grande organisation de distribution.

247.
    La défenderesse fait valoir que l'argumentation de la requérante ne se fonde sur aucun élément. Elle ajoute que les preuves de ce que la requérante a empêché l'ensemble des réexportations étaient tout simplement trop abondantes pour que les comportements de cette dernière puissent être interprétés dans un autre sens .

248.
    La défenderesse ajoute que, pour ce qui concerne les vérifications auprès des concessionnaires, elle a tenu compte non seulement des déclarations écrites de ceux-ci, mais également de leurs déclarations orales. Elle fait observer, à cet égard, que les secondes différaient logiquement des premières, compte tenu de ce que les concessionnaires avaient été menacés de la résiliation de leur contrat. Par ailleurs, les compte rendus des déclarations écrites des concessionnaires, considérés par la requérante comme étant à sa décharge, seraient bien des documents à charge, s'ils sont lus «entre les lignes» .

Sur la violation du principe de bonne administration, en relation avec l'article 89 du traité CE

249.
    La Commission se serait comportée d'une façon déloyale en omettant de prendre position, avant l'adoption de la décision, sur la question de savoir si les mesures prises par la requérante à la suite de la communication des griefs étaient aptes ou non à mettre fin à la prétendue violation des règles communautaires de la concurrence. La requérante souligne, à cet égard, qu'elle a communiqué à la Commission le texte de la circulaire envoyée aux concessionnaires en décembre 1996 et qu'elle a expressément évoqué à nouveau ce document lors de l'audition du 7 avril 1997. Selon la requérante, au terme de cette audition, son représentant légal a demandé au chef d'unité compétent de la Commission de lui confirmer que l'envoi aux concessionnaires de ladite circulaire avait mis fin aux prétendues infractions et a proposé d'avoir un entretien sur ce point, qui a eu lieu le 7 octobre 1997. Or, tant à l'audition du 7 avril 1997 qu'à l'entretien du 7 octobre 1997 et en dépit des demandes expresses de la requérante, la Commission ne serait pas parvenue à se prononcer sur la question de savoir si la requérante et Audi avaient effectivement mis fin à la prétendue infraction, mais aurait conclu, au considérant 216 de la décision, qu'à ce moment-là «[l'infraction] n'[était] pas complètement terminée.»

250.
    La requérante estime que ce comportement est incompatible avec l'obligation de loyauté. Elle fait observer, en outre, que ladite obligation doit être interprétée à la lumière de l'article 89, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 85, paragraphe 1, CE) selon lequel la Commission, lorsqu'elle constate une infraction aux articles 85 ou 86 du traité, doit proposer les «moyens propres à ymettre fin». En l'espèce, la Commission aurait méconnu cette disposition, en omettant de prendre position sur les mesures prises par la requérante à la suite de la communication des griefs .

251.
    La défenderesse soutient que les mesures prises par la requérante après la communication des griefs n'ont pas mis un terme à l'infraction. Ni les explications données dans la réponse à cette communication et au cours de l'audition ni la circulaire envoyée aux concessionnaires en décembre 1996 n'auraient été suffisantes, étant donné que ces mesures se seraient limitées à une injonction d'éliminer les entraves aux réexportation dans la pratique, alors que la requérante aurait également été mise en demeure, dans la communication des griefs, de résilier l'accord prévoyant ces entraves. À cet égard, la défenderesse fait remarquer que la circulaire en cause n'a pas modifié le système de prime. C'est seulement dans la requête que la requérante aurait expliqué, en présentant le contrat de concession en vigueur depuis le 1er octobre 1996, que ce système n'était plus en cours depuis cette date. Dans sa réponse à la communication des griefs, la requérante se serait bornée à déclarer que la règle des 15 % était supprimée à compter du 1er octobre 1996 .

252.
    La défenderesse précise que ladite circulaire, tout comme celle envoyée aux concessionnaires au cours de l'année 1995 à la suite de sa lettre de mise en demeure du 24 février 1995, contenait seulement des «clarifications», alors qu'elle avait insisté sur la suppression des restrictions mises en place .

253.
    Enfin, la défenderesse expose que le représentant de la requérante était informé de ce que le but de l'entretien du 7 octobre 1997 n'était pas de réitérer ou de poursuivre l'audition, étant donné que le projet de la décision était déjà au stade de la consultation interne. Il n'aurait, pour cette raison, pas été possible de répondre à la question de savoir si les mesures prises pour mettre fin à l'infraction étaient suffisantes.

Sur la violation du principe de bonne administration, en relation avec l'article 191 du traité CE

254.
    La requérante qualifie de déloyal le refus de la Commission, communiqué par courrier du 26 février 1998, de transmettre à son représentant légal des copies des documents probants dans l'ordre des notes de la décision, en réponse à une demande de ce dernier formulée par lettre du 18 février 1998. La requérante expose que ce refus lui a causé un surcroît de travail considérable, alors que la Commission a l'obligation, en vertu de l'article 191, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 254, paragraphe 3, CE), de notifier l'ensemble de la décision, y compris, donc, les documents auxquels renvoient les notes de celle-ci .

255.
    La défenderesse estime que la requérante confond l'étendue de la notification requise et l'objet de l'accès au dossier. Elle expose que ce n'est pas parce que desdocuments sont cités dans le texte ou les notes de bas de page de l'acte attaqué que ceux-ci en font partie intégrante. En tout état de cause, le refus contesté ne saurait entacher la légalité de la décision étant donné qu'il est intervenu après l'adoption de celle-ci .

256.
    La défenderesse ajoute que les actes administratifs, y compris les éléments de preuve, sont transmis au Tribunal par ses services lorsqu'une mesure d'instruction en ce sens est ordonnée en application de l'article 49 du règlement de procédure du Tribunal. Tant qu'une telle mesure n'est pas intervenue, une demande visant à obtenir encore une fois, après consultation du dossier et adoption de la décision finale, la mise à disposition des éléments de preuve classés dans un ordre différent ne saurait être fondée.

Sur la violation du principe de bonne administration, en relation avec l'article 214 du traité CE

257.
    La requérante reproche à la Commission d'avoir donné, avant l'adoption de la décision, publicité à ses appréciations et à ses intentions en matière d'amende.

258.
    En effet, le 6 janvier 1998, le Westdeutsche Rundfunk aurait diffusé un reportage sur les infractions reprochées à la requérante et sur l'amende envisagée qui se serait chiffrée en «centaines de millions». Ce reportage aurait été repris par la presse écrite et la requérante fait observer qu'il n'aurait pas été possible sans le concours d'un fonctionnaire de la Commission.

259.
    En outre, le 26 janvier 1998, la Commission aurait confirmé à la Deutsche Press Agentur qu'une amende de centaines de millions serait infligée à la requérante.

260.
    En plus, dans la matinée du 28 janvier 1998 au plus tard, le service de presse de la Commission aurait fait parvenir aux rédactions des principaux quotidiens une version de la communication de presse préparée pour une diffusion postérieure à l'adoption de la décision.

261.
    Enfin, dans un entretien accordé à l'hebdomadaire Die Zeit, le membre de la Commission compétent, M. Van Miert, aurait affirmé que la requérante devrait désormais s'acquitter d'une amende qui s'élèverait à environ 200 millions de DEM. Cet entretien aurait été publié le 29 janvier 1998, mais un compte rendu de celui-ci aurait déjà été diffusé dans la matinée du 28 janvier 1998 .

262.
    La requérante expose que ces faits démontrent non seulement une méconnaissance de l'article 214 du traité CE (devenu article 287 CE) qui impose l'obligation de confidentialité, mais également que la réunion du comité consultatif du 26 janvier 1998, la réunion préparatoire des chefs de cabinet du 27 janvier 1998 et la réunion plénière de la Commission menant à l'adoption de la décision dans l'après-midi du 28 janvier 1998 n'ont pas pu avoir lieu dans des circonstances normales et sans parti pris. Elle fait observer, en outre, qu'une telle façon d'agir de la Commission lèse nécessairement l'entreprise concernée sans que celle-ci puisse se défendreutilement, étant donné qu'elle ne dispose pas encore de la motivation exacte de la décision finale .

263.
    Cette situation aurait, par ailleurs, persisté pendant la semaine qui a suivi l'adoption de la décision. La requérante expose que, malgré sa demande d'avoir à l'avance le texte complet de la décision, elle n'a reçu, le 28 janvier 1998 à 16h42, que le dispositif et a dû attendre la notification le 6 février suivant pour avoir en main l'exposé des motifs, alors que M. Van Miert a organisé une conférence de presse le 28 janvier 1998 à 17 heures, au cours de laquelle il a commenté ces motifs de manière détaillée. Le 2 février 1998, un magazine aurait publié un reportage ayant pour thème la décision, dans lequel plusieurs documents étaient cités .

264.
    La défenderesse fait remarquer, à titre liminaire, que la procédure engagée contre la requérante a suscité un vif intérêt dans le public.

265.
    Elle expose, ensuite, que, pour autant que ses services ont communiqué des informations à la presse avant l'adoption de la décision, celles-ci n'ont porté que sur l'état d'avancement de la procédure administrative et n'ont pas influencé les délibérations au sein de l'institution (comité consultatif siégeant le 26 janvier 1998; réunion préparatoire de la réunion des chefs de cabinet du 27 janvier 1998; réunion plénière de la Commission du 28 janvier 1998).

266.
    En outre, contrairement à ce qu'affirme la requérante, M. Van Miert ne se serait pas prononcé, dans l'entretien accordé à un journaliste de l'hebdomadaire Die Zeit, sur le montant probable de l'amende. Interrogé sur ce point, le journaliste concerné aurait déclaré qu'il lui avait été indiqué, dans l'après-midi du 27 janvier 1998, que le montant de l'amende serait probablement d'environ 200 millions de DEM. Ayant demandé le 28 janvier 1998 des précisions par téléphone, il aurait eu confirmation de ce montant par le porte-parole de M. Van Miert. Ce porte-parole, également interrogé à ce sujet, aurait déclaré qu'il avait expressément attiré l'attention du journaliste en cause sur le fait que la réunion de la Commission était suspendue au moment de leur entretien téléphonique et que le montant de l'amende n'était donc pas encore fixé.

267.
    Quant aux communications au public faites le 28 janvier 1998, la défenderesse expose que, conformément à sa pratique courante, elle a transmis à la requérante le dispositif de la décision le jour de l'adoption de celle-ci et a procédé à la notification du texte complet quelques jours plus tard. En effet, selon la défenderesse, la décision devait être préalablement authentifiée par les signatures du président et du secrétaire exécutif, et aucune disposition ne prévoit la notification ou la communication d'un tel acte, de manière informelle, aux représentants du destinataire . Au surplus, la défenderesse souligne que ses services savent qu'un acte comme la décision ne saurait être remis à des tiers qu'après avoir été notifié à l'entreprise concernée et après que celle-ci a déclaré qu'il ne contient pas de secrets d'affaires. En l'espèce, la Commission aurait reçu ladite déclarationle 24 février 1998 et, avant cette date, la décision n'aurait, ni dans sa totalité ni en partie, été communiquée à des tiers. Par ailleurs, la requérante aurait connu les faits qui lui étaient reprochés et aurait pu, si elle l'avait souhaité, prendre position sur les reportages parus dans la presse avant le 6 février 1998.

268.
    En tout état de cause, la requérante aurait omis d'indiquer en quoi les communications faites par la Commission avant et après l'adoption de la décision auraient pu entacher la légalité de celle-ci.

Appréciation du Tribunal

269.
    Il convient de constater, à titre liminaire, que la requérante formule un certain nombre de critiques à l'encontre de la procédure ayant conduit à l'adoption de la décision. Elle reproche à la Commission, notamment, un manque d'impartialité et de soin dans les choix et les appréciations des éléments de preuve. Selon la requérante, les manquements commis par la Commission constituent, dans leur ensemble, une violation de l'obligation de loyauté. Or, à la lumière de la jurisprudence, les vices invoqués par la requérante doivent être analysés comme des atteintes au principe de bonne administration, auquel se rattache l'obligation pour la Commission d'examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d'espèce (arrêts de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C-269/90, Rec. p. I-5469, points 14 et 26, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 62; arrêts du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T-44/90, Rec. p. II-1, point 86, et du 11 juillet 1996, Métropole télévision e.a./Commission, T-528/93, T-542/93, T-543/93 et T-546/93, Rec. p. II-649, point 93). À cet égard, la requérante a, au point 22 de sa requête, lié son argumentation concernant l'obligation de loyauté à cette jurisprudence.

Sur la prétendue violation du principe de bonne administration dans l'interprétation des documents saisis lors des vérifications

270.
    Il convient de relever que l'argumentation présentée par la requérante à l'appui de cette branche du troisième moyen, selon laquelle la Commission aurait fait preuve de partialité et omis de tenir compte de certains éléments à décharge, se confond avec la question de savoir si les constatations de fait opérées dans la décision sont dûment étayées par les éléments de preuve que l'institution a produits (voir arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Atochem/Commission, T-3/89, Rec. p. II-1177, point 39). En effet, la matérialité d'une infraction effectivement établie au terme de la procédure administrative ne saurait être mise en cause par la preuve d'une manifestation prématurée par la Commission, au cours de cette procédure, de sa croyance en l'existence de ladite infraction.

271.
    Or, comme il vient d'être exposé dans le cadre du premier moyen, les éléments de fait retenus par la Commission dans la décision attaquée sont, pour l'essentiel, établis à suffisance de droit. Par conséquent, dans cette mesure, la requérante ne saurait utilement avancer que la Commission a apprécié les documents saisis avecpartialité ou a tiré des conclusions sur la base de présomptions gratuites. En ce qu'elle constatait des faits qui n'étaient pas suffisamment prouvés, le Tribunal a déjà constaté que la décision doit être annulée (voir ci-dessus point 202).

272.
    En outre, les arguments de la requérante procèdent de simples affirmations et ne sont pas de nature à démontrer que la Commission aurait effectivement préjugé la décision attaquée ou enquêté avec parti pris.

273.
    Il résulte de l'ensemble de ces considérations que cette première branche du troisième moyen doit être rejetée.

Sur la prétendue violation du principe de bonne administration, en relation avec l'article 89 du traité

274.
    Il y a lieu de rappeler que l'article 89 du traité prévoit que la Commission doit veiller à l'application des principes fixés par les articles 85 et 86 du traité et mettre en oeuvre l'orientation de la politique communautaire de la concurrence (arrêts de la Cour du 28 février 1991, Delimitis, C-234/89, Rec. p. I-935, point 44, et du 4 mars 1999, Ufex e.a./Commission, C-119/97 P, Rec. p. I-1341, point 88). Comme la requérante le fait valoir à juste titre, l'obligation de la Commission de mener ses enquêtes avec soin et impartialité doit s'interpréter également à la lumière dudit article.

275.
    Toutefois, la requérante n'a pas démontré que la Commission a omis d'examiner si l'infraction avait pris fin ou non. Bien au contraire, le considérant 216 de la décision, selon lequel à ce moment-là, «[l'infraction] n'[était] pas complètement terminée», et le considérant 219, qui motive cette appréciation (voir ci-après point 300), bien qu'ils soient entachés d'un manque de preuve (voir ci-dessus points 190 à 192), indiquent que la Commission a traité cette question. Au surplus, le fait que la Commission n'a pas encore voulu se prononcer sur ce point lors de l'audition du 7 avril 1997 et de l'entretien du 7 octobre 1997 ne saurait être considéré comme un manquement à l'obligation de mener l'enquête avec soin, interprétée à la lumière de l'obligation de veiller au respect, par la requérante, des principes fixés par l'article 85 du traité. À cet égard, il suffit de constater que, au point 203 de sa communication des griefs, la Commission a indiqué que, selon ses analyses, l'infraction commise était de nature à obliger la requérante, Audi et Autogerma à «[supprimer] sur l'ensemble de la Communauté la totalité des restrictions territoriales résultant de leurs accords et pratiques concertées». Au vu de cette information claire sur les mesures à prendre pour le rétablissement d'une situation conforme au droit communautaire, il ne saurait être soutenu que la Commission devait prendre à nouveau formellement position sur le respect, par la requérante, des principes fixés par l'article 85 du traité, entre la communication des griefs et la décision adoptée plus d'une année après.

276.
    Il s'ensuit que cette branche du troisième moyen doit également être rejetée.

Sur la prétendue violation du principe de bonne administration, en relation avec l'article 191 du traité

277.
    Force est de constater que la demande de la requérante de lui transmettre les copies des documents probants a été adressée à la Commission le 18 février 1998, à savoir après l'adoption et la notification de la décision. Il s'agit donc d'un élément postérieur à l'adoption de la décision et, par conséquent, la légalité de cette dernière ne peut, en aucun cas, être affectée par le refus de la Commission opposée à ladite demande (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 40, et arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Baustahlgewebe/Commission, T-145/89, Rec. p. II-987, point 30, et du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T-229/94, Rec. p. II-1689, point 102).

278.
    Par conséquent, cette branche du troisième moyen doit également être rejetée.

Sur la prétendue violation du principe de bonne administration, en relation avec l'article 214 du traité

279.
    Il convient de rappeler que l'article 214 du traité fait obligation aux membres, fonctionnaires et agents des institutions de la Communauté «de ne pas divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, et notamment les renseignements relatifs aux entreprises et concernant leurs relations commerciales ou les éléments de leur prix de revient». Si cette disposition vise surtout les renseignements recueillis auprès d'entreprises, l'adverbe «notamment» montre qu'il s'agit d'un principe général qui s'applique aussi bien à d'autres informations confidentielles (arrêt de la Cour du 7 novembre 1985, Adams/Commission, 145/83, Rec. p. 3539, point 34; arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996, Postbank/Commission, T-353/94, Rec. p. II-921, point 86).

280.
    En l'espèce, il ressort du dossier que, avant l'adoption de la décision attaquée, un élément essentiel du projet de décision soumis au comité consultatif puis, pour approbation définitive, au collège des commissaires a fait l'objet de plusieurs divulgations à la presse. Dès le début du mois de janvier 1998, la presse a obtenu l'information selon laquelle la requérante serait prochainement sanctionnée par une amende élevée. Par la suite, il a été publié: «Volkswagen AG, Wolfsburg devra verser une amende d''environ‘ 200 millions de DEM en raison d'infractions au droit de l'Union européenne. C'est ce qu'a annoncé le commissaire européen, M. Karel van Miert dans une interview à l'hebdomadaire de Hambourg Die Zeit. Jusqu'à présent, seuls les cercles bien informés confirmaient qu'une telle amende serait infligée. Il paraît que la décision sera prononcée ce mercredi à Bruxelles.» De même, l'hebdomadaire Der Spiegel annonçait: «Ce mercredi, la situation deviendra à nouveau désagréable pour le patron du groupe VW, M. Piëch: la Commission infligera à M. Piëch et au patron du groupe Audi, M. Herbert Demel, une amende de l'ordre de centaines de millions de DEM .» Par ailleurs, comme il ressort d'une réponse à une question posée par le Tribunal lors de la procédure orale, le fait qu'un journaliste du journal Die Zeit a obtenu, avant l'adoption de ladécision, l'information selon laquelle l'amende prévue était d'environ 200 millions de DEM n'est pas contesté par la défenderesse.

281.
    Force est de constater que ces divulgations à la presse ne se limitaient pas à exprimer le point de vue personnel du membre de la Commission en charge des questions de concurrence sur la compatibilité des mesures examinées avec le droit communautaire, mais informaient également le public, à un haut degré de précision, sur le montant envisagé de l'amende. Or, il convient de souligner que, dans des procédures contradictoires susceptibles d'aboutir à une condamnation, la nature et le quantum de la sanction proposée sont, par nature, couverts par le secret professionnel, tant que la sanction n'a pas été définitivement approuvée et prononcée. Ce principe découle, notamment, de la nécessité de respecter la réputation et la dignité de l'intéressé tant que celui-ci n'a pas été condamné. En l'espèce, il y a lieu de considérer que la Commission a porté atteinte à la dignité de l'entreprise incriminée en provoquant une situation dans laquelle celle-ci a appris par la presse le contenu précis de la sanction qui devait, selon toute probabilité, lui être infligée. Dans cette mesure, le devoir de la Commission de ne pas divulguer à la presse des informations sur la sanction précise envisagée ne coïncide pas seulement avec son obligation de respecter le secret professionnel, mais également avec son obligation de bonne administration. Enfin, il est utile de rappeler que le principe de la présomption d'innocence s'applique aux procédures relatives à des violations des règles de la concurrence par les entreprises et susceptibles d'aboutir à la prononciation d'amendes ou d'astreintes (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C-199/92 P, Rec. p. I-4287, point 150; Cour eur. D. H., arrêts Öztürk du 21 février 1984, série A n° 73, et Lutz du 25 août 1987, série A n° 123-A). Cette présomption n'est manifestement pas respectée par la Commission lorsque celle-ci, avant de condamner formellement l'entreprise qu'elle accuse, communique à la presse le verdict soumis au délibéré du comité consultatif et du collège des commissaires.

282.
    En outre, en provoquant la divulgation par la presse d'éléments aussi sensibles du délibéré, la Commission a porté atteinte aux intérêts d'une bonne administration communautaire dans la mesure même où elle a permis au grand public d'avoir accès, au cours du processus d'enquête et de délibéré, à de telles informations, internes, de l'administration.

283.
    Selon une jurisprudence constante, une irrégularité du genre de celle constatée ci-dessus peut entraîner l'annulation de la décision en cause s'il est établi que, en l'absence de cette irrégularité, ladite décision aurait eu un contenu différent (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 91; arrêt Dunlop Slazenger/Commission, précité, point 29). Or, en l'espèce, la requérante n'a pas apporté une telle preuve. En effet, rien ne laisse supposer que, si les informations litigieuses n'avaient pas été divulguées, le comité consultatif ou le collège descommissaires aurait modifié le montant de l'amende ou le contenu de la décision proposés.

284.
    Par conséquent, cette branche du troisième moyen doit également être écartée. Le troisième moyen doit donc être rejeté dans son intégralité.

D - Sur le quatrième moyen, tiré d'une insuffisance de motivation

Arguments des parties

285.
    La requérante expose que les objections soulevées par elle-même et par Audi au cours de la procédure administrative ont été examinées insuffisamment. Ainsi, la Commission aurait omis de prendre en considération l'analyse de documents présentée en réponse à la communication des griefs. La requérante fait remarquer, à cet égard, que la décision attaquée est la reprise, presque mot à mot, de la communication des griefs, à l'exception de quelques paragraphes . Étant donné que l'exigence de motivation doit être appréciée en fonction du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les intéressés peuvent avoir à recevoir des explications, la Commission aurait dû, dans le cas d'espèce, qu'elle-même a qualifié de particulièrement important et dans lequel il est question de la plus haute amende infligée à ce jour, examiner soigneusement les objections de l'entreprise intéressée. Selon la requérante, ce n'est que dans son mémoire en défense dans la présente affaire que la Commission a réellement examiné les observations sur la communication des griefs.

286.
    La requérante donne quelques exemples afin de démontrer que les objections soulevées par elle-même et par Audi n'ont pas été soigneusement examinées.

287.
    Premièrement, dans la décision, la Commission aurait constaté, sous le titre «politique de marge» (considérants 62 et suivants), que, à partir de la fin de l'année 1994, Autogerma a mis sur pied un système de marge fractionnée sans évoquer aucune des objections détaillées soulevées par la requérante, selon lesquelles un tel système a été discuté mais n'a jamais été mis en oeuvre.

288.
    Deuxièmement, au considérant 56 de la décision, la Commission exposerait qu'Autogerma a interdit aux concessionnaires toute vente aux «salonisti» et que cette consigne s'appliquait également aux ventes à des consommateurs finals par le biais d'intermédiaires, sans fournir un seul exemple d'un cas concret et sans répondre aux objections soulevées par la requérante selon lesquelles, d'une part, les «salonisti» sont des revendeurs non agréés (des revendeurs indépendants possédant des locaux d'expositions communément appelés «salons») et, d'autre part, l'interdiction ne visait pas les cas où les «salonisti» avaient été mandatés par des consommateurs finals .

289.
    Troisièmement, le considérant 216 de la décision, selon lequel à ce moment-là «[l'infraction] n'[était] pas complètement terminée», serait également une illustration parfaite de la violation de l'obligation de motivation .

290.
    Quatrièmement, la partie de la décision dans laquelle la Commission détermine le montant de l'amende serait également entachée d'un grave défaut de motivation. Ainsi, au considérant 213 de la décision, la Commission écrirait que les réexportations par les consommateurs finals ont «temporairement» été rendues «impossibles», sans aucune justification. Au même considérant, la Commission affirmerait que l'infraction a eu des effets sur les marchés des véhicules à moteur neufs, particulièrement en Allemagne et en Autriche, et « également sur les marchés dans tous les autres États membres», sans étayer cette affirmation. La requérante fait remarquer également que la Commission a déterminé le montant de l'amende en s'appuyant sur les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les «lignes directrices»). Elle estime que les lignes directrices, publiées au Journal officiel des Communautés européennes deux semaines avant l'adoption de la décision attaquée, ont précisément été formulées au regard de la procédure engagée contre elle et souligne que, en violation de l'obligation de motivation, la Commission ne les a pas visées expressément .

291.
    La requérante ajoute que la Commission a renvoyé, dans de nombreuses notes de la décision, à des documents qu'elle ne reproduit pas ou seulement partiellement.

292.
    Enfin, la requérante réaffirme que les documents cités dans la décision ne démontrent pas l'existence de mesures individuelles ou générales prises contre les réexportations licites à partir de l'Italie.

293.
    La défenderesse soutient que la décision ne présente aucun défaut de motivation. Elle prétend avoir exposé les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans la motivation de la décision et fait apparaître les éléments qui l'ont amenée à prendre celle-ci . Chaque constatation faite dans la décision serait justifiée par le renvoi, dans une note, aux documents sur lesquels elle est fondée. De même, les différentes mesures qualifiées d'infraction seraient décrites et analysées en détail, et les effets de ces mesures seraient également indiqués, notamment par des citations de lettres émanant de consommateurs finals. L'appréciation juridique serait, elle aussi, fortement motivée. Par ailleurs, tous les arguments principaux présentés par la requérante lors de la procédure administrative seraient analysés et réfutés dans la décision .

294.
    Pour ce qui concerne, en particulier, la question de savoir si la prétendue infraction avait pris fin ou non, la défenderesse fait valoir qu'une motivation adéquate peut être trouvée au considérant 219 de la décision, selon lequel la requérante n'a pas apporté les modifications requises, notamment aux contrats de concession, à la suite des mises en demeure de février et mai 1995, et aux considérants 202 et 203 de la décision, selon lesquels l'infraction persistait tant que le système de prime n'était pas modifié . L'appréciation de la durée de l'infraction serait dûment justifiée .

295.
    Quant au grief de la requérante tiré du fait que la décision renvoie, dans de nombreuses notes, à des documents qui ne sont pas du tout ou seulement partiellement reproduits, la défenderesse expose qu'il a été présenté pour la première fois au stade de la réplique et qu'il est, par conséquent, irrecevable. En tout état de cause, ce grief serait également non fondé, parce que l'obligation de motivation n'imposait aucunement de reproduire intégralement tous les éléments de preuve invoqués à l'appui de la décision .

296.
    Enfin, la défenderesse fait remarquer que le fait que la décision correspond dans une large mesure à la communication des griefs n'équivaut pas à une violation de l'obligation de motivation.

Appréciation du Tribunal

297.
    La motivation de la décision attaquée a, conformément aux exigences de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE), fait apparaître d'une façon claire et non équivoque le raisonnement de la Commission et ainsi permis, d'une part, à la requérante de connaître les motifs de ladite décision, afin de défendre ses droits, et, d'autre part, au Tribunal d'exercer son contrôle sur le bien-fondé de celle-ci (voir arrêt de la Cour du 15 mai 1997, Siemens/Commission, C-278/95 P, Rec. p. I-2507, point 17, et arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150/89, Rec. p. II-1165, point 65, et Deutsche Bahn/Commission, précité, point 96).

298.
    En effet, il est expliqué clairement dans la décision attaquée, et cela pour les divers comportements incriminés, le motif pour lequel la Commission a estimé que la requérante avait enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité. Les analyses opérées par la Commission ont permis au Tribunal d'exercer son contrôle de légalité. De même, tant dans sa requête que pendant la suite de la procédure, la requérante a répondu aux raisonnements développés par la Commission dans la décision quant à la constatation d'une infraction, ce qui démontre que la décision lui a fourni les indications nécessaires lui permettant de défendre ses droits.

299.
    Par ailleurs, dans la décision et, plus précisément, aux considérants 194 à 201 de celle-ci, la Commission a, comme il est exposé au point 27 ci-dessus, expressément répondu à certaines des observations présentées par la requérante et Audi en réponse à la communication des griefs. Il convient d'ajouter, à cet égard, qu'il n'incombait pas à la Commission de répondre aux objections détaillées de la requérante, comme celles avancées quant à sa politique en matière de marge. Il suffisait que la Commission explique clairement et sans équivoque, comme elle l'a fait aux considérants 62 à 66 de la décision, pourquoi elle estimait qu'un système de marge fractionnée avait été mis en oeuvre (voir arrêt Siemens/Commission, précité, points 17 et 18). De même, la Commission a dûment motivé ses analyses des documents saisis en expliquant amplement pour quels motifs elle estimait que ces documents étaient de nature à démontrer l'existence de l'infraction alléguée, sans répondre point par point aux interprétations différentes de ceux-ci défendues par la requérante dans la réponse à la communication des griefs. Enfin, laCommission a clairement expliqué, au considérant 56 de la décision, pourquoi elle a qualifié l'interdiction de vente aux «salonisti», qu'elle a déduite des documents cités à la note 68 de la décision, d'élément à charge, en exposant que ce terme n'opérait aucune distinction entre revendeurs indépendants et intermédiaires et que, par conséquent, ces derniers étaient également visés par l'interdiction ainsi énoncée.

300.
    Dans la mesure où la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir spécifié les raisons pour lesquelles elle estimait que l'infraction n'était pas complètement terminée au moment de l'adoption de la décision, il convient de constater que cette argumentation n'est pas non plus fondée. S'il est vrai que ladite affirmation n'est pas démontrée et constitue donc une erreur de fait, de sorte que la décision attaquée doit être annulée en ce qu'elle contient cette affirmation (voir ci-dessus point 202), il n'en reste pas moins que la Commission a exposé ses motifs sur ce point, en expliquant, au considérant 219 de la décision: «Rien n'a été mis en oeuvre pour éliminer les restrictions de vente aux consommateurs finals et aux intermédiaires qui avaient été précédemment imposées. En particulier, les contrats de concession n'ont pas été modifiés en conséquence.»

301.
    Quant à la fixation de la sanction, il suffit de constater que la Commission a expliqué de façon circonstanciée, aux considérants 215 à 222 de la décision attaquée, les critères pris en compte et le mode de calcul de l'amende infligée à la requérante. La Commission ayant indiqué, au considérant 213 de la décision, au titre des éléments conférant à l'infraction une gravité particulière, que «les ventes de véhicules pour exportations parallèles par les consommateurs finals» ont été rendues «substantiellement difficiles, voire temporairement impossibles», et que l'infraction a eu des effets «sur les marchés des véhicules à moteur neufs, particulièrement en Allemagne et en Autriche, mais également sur les marchés dans tous les autres États membres», il convient d'admettre que ces considérations découlent logiquement des constatations faites antérieurement dans la décision, selon lesquelles la requérante et ses filiales ont entravé l'ensemble des réexportations à partir de l'Italie, et cela avec succès (voir, par exemple, le considérant 146 de la décision). En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a, au considérant 217 de la décision, expressément visé les lignes directrices, sur lesquelles elle s'est fondée, et a indiqué leurs références au Journal officiel.

302.
    Enfin, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la Commission n'était pas tenue de reproduire les documents auxquels elle renvoie dans les notes de la décision, dès lors que la requérante ou ses filiales disposent de ceux-ci (arrêt du Tribunal du 24 avril 1996, Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, T-551/93, T-231/94 à T-234/94, Rec. p. II-247, point 144).

303.
    Il résulte de tout ce qui précède que le quatrième moyen doit être rejeté.

E - Sur le cinquième moyen, tiré d'une violation du droit d'être entendu

Arguments des parties

304.
    La requérante fait observer que, par lettre de la Commission du 29 novembre 1996, sa demande de prolongation du délai qui lui était imparti pour présenter ses observations sur la communication des griefs a été rejetée. Ce délai était de deux mois, alors que, au regard de l'importance de la communication des griefs, du nombre des intéressés et des pièces à examiner dans différentes langues, le temps nécessaire à l'établissement des observations était manifestement plus long.

305.
    La requérante précise que, s'il est vrai que l'urgence de l'affaire est un élément à prendre en compte, il est manifeste également que le cas d'espèce ne présentait pas un tel caractère aux yeux de la Commission, étant donné que celle-ci s'est donnée plus d'un an pour mener son enquête avant la communication des griefs et qu'elle a pris le même délai pour adopter la décision attaquée après avoir reçu les observations sur cette communication.

306.
    La défenderesse fait remarquer que le délai accordé, de deux mois et deux semaines (incluant les congés de Noël), est considérablement plus long que le délai minimal de deux semaines prévu par l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268). Selon elle, il n'y avait aucune raison valable de le prolonger. Elle fait remarquer, à cet égard, que la plus grande partie des éléments de preuve provenait des établissements de la requérante et de ses filiales Audi et Autogerma, que ces documents étaient rédigés dans les langues habituellement utilisées par celles-ci pour communiquer et que, à l'exception des concessionnaires italiens qui n'avaient pas participé à l'infraction activement, toutes les personnes concernées appartenaient au même groupe.

307.
    Par ailleurs, la requérante n'ayant pas expliqué sur quels points elle aurait voulu faire des observations plus détaillées, elle n'aurait pas démontré en quoi son droit d'être entendue a été affecté .

308.
    La défenderesse soutient, enfin, que l'affaire était urgente, compte tenu du grand nombre de réclamations émanant de consommateurs. Elle ajoute que, s'il est regrettable que la procédure administrative ait pris du retard et que la décision n'ait pu intervenir rapidement, cela ne rend pas illégal a posteriori le refus de prolongation contesté.

309.
    Dans sa réplique, la requérante fait remarquer que la défenderesse invoque dans son mémoire en défense l'urgence du cas d'espèce pour justifier le refus de prolongation du délai, alors que, dans la lettre de refus, le motif avancé était tout à fait différent, à savoir que l'affaire n'était pas «exceptionnellement complexe». Outre cette contradiction manifeste, la requérante constate que les mémoires déposés devant le Tribunal et, notamment, la demande de prorogation du délaipour le mémoire en défense prouvent que ce dossier est «exceptionnellement complexe».

310.
    La défenderesse rétorque que le volume et le contenu du mémoire en défense correspondent logiquement à ceux de la requête.

Appréciation du Tribunal

311.
    Selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense dans une procédure susceptible d'aboutir à des sanctions exige que l'entreprise concernée soit mise en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 11; arrêt du Tribunal du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T-39/92 et T-40/92, Rec. p. II-49, point 48).

312.
    Pour ce qui concerne, en particulier, la fixation du délai pour le dépôt des observations sur la communication des griefs, l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 99/63 exige que la Commission prenne en considération le «temps nécessaire à l'établissement des observations» et l'«urgence de l'affaire».

313.
    Or, s'il est vrai que le délai imparti en l'espèce était bref par rapport au volume du dossier et au nombre de comportements illégaux reprochés au groupe Volkswagen, il est constant également que la requérante a réussi néanmoins à faire connaître utilement son point de vue. Il ressort en effet des observations sur la communication des griefs, exposées par lettre du 12 janvier 1997, que la requérante a exprimé très en détail son point de vue sur chaque allégation essentielle formulée par la Commission. La requérante n'a, par ailleurs, pas indiqué sur quel aspect du dossier elle aurait présenté des observations encore plus développées si le délai qui lui avait été accordé avait été prolongé.

314.
    Il n'est, par conséquent, pas établi que le délai imparti en l'espèce pour présenter les observations sur la communication des griefs était excessivement bref et que la Commission a manqué de tenir dûment compte du temps nécessaire à l'établissement desdites observations.

315.
    En tout état de cause, un moyen d'annulation tiré d'une violation des droits de la défense ne saurait être accueilli que dans le cas où la violation alléguée a été susceptible d'affecter réellement la défense de la partie requérante (voir arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, ICI/Commission, T-37/91, Rec. p. II-1901, points 59, 66 et 70). Or, comme il est exposé aux points précédents, tel n'est pas le cas en l'espèce.

316.
    Il convient, en outre, de constater que le motif du refus opposé par la Commission à la demande de prorogation du délai, à savoir que l'affaire n'était pas exceptionnellement compliquée, n'est pas erroné. En effet, le dossier, bien que volumineux, ne présentait pas une grande complexité pour la requérante, étant donné que celle-ci était censée être bien informée tant des comportements du groupe Volkswagen que de la réglementation et de la jurisprudence communautaires en matière d'importations parallèles.

317.
    Enfin, dans la mesure où l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 99/63 exige également la prise en considération de l'urgence de l'affaire, il convient de constater que la Commission, du fait qu'elle a estimé se trouver en présence d'une atteinte particulièrement grave aux règles de la concurrence, a pu être amenée à faire avancer cette procédure administrative rapidement, en vue de pouvoir mettre fin le plus vite possible aux comportements incriminés. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, cette considération n'est pas contredite par le fait qu'il s'est écoulé un an entre les vérifications et l'envoi de la communication des griefs et un délai identique entre la réception des observations sur cette communication et l'adoption de la décision. En effet, la Commission a dû analyser un nombre très élevé de documents, alors que la requérante et Audi n'ont eu à s'expliquer, pour l'essentiel, que sur leur propre comportement tel qu'il ressortait de ceux-ci (voir arrêt Suiker Unie e.a./Commission, précité, points 97 et 98).

318.
    Il résulte de tout ce qui précède que le cinquième moyen doit également être rejeté.

F - Sur le moyen subsidiaire, tiré du caractère excessif de l'amende infligée

Arguments des parties

319.
    La requérante expose que, même dans l'hypothèse où les constatations matérielles et juridiques de la Commission seraient fondées, l'amende infligée est tout à fait disproportionnée . D'abord, les effets concrets de la prétendue infraction sur le commerce entre les États membres auraient été négligeables. Ensuite, la requérante n'aurait jamais eu l'intention de commettre des infractions, et les documents cités dans la décision pour démontrer le contraire (considérant 214 de la décision) auraient été interprétés d'une façon complètement erronée par la Commission. La requérante n'aurait pas non plus abusé de la situation de dépendance existant entre les concessionnaires et les constructeurs. Bien au contraire, seuls les concessionnaires qui ne respectaient pas leur contrat auraient été mis en demeure et sanctionnés.

320.
    La requérante estime également que les lignes directrices ont été méconnues, parce que la Commission n'a pas délimité le marché géographique pertinent, alors que celles-ci prévoient de «prendre en considération [...] l'étendue du marché géographique concerné» .

321.
    Ensuite, la requérante réaffirme que certains éléments pris en compte pour fixer l'amende n'ont nullement été démontrés dans la décision et que la durée de l'infraction retenue par la Commission est inexacte. Elle rappelle également qu'Autogerma a notifié la convenzione B à la Commission par lettre du 20 janvier 1988, alors que celle-ci déduit de ce document l'existence d'une infraction à partir de la fin de l'année 1987. Par conséquent, si cet accord avait réellement violé l'article 85 du traité, la Commission aurait méconnu son obligation, découlant de l'article 89 du traité, de proposer, lorsqu'elle constate qu'il y a infraction, les moyens propres à y mettre fin. Le fait que la Commission n'a adopté la décision qu'en 1998 justifierait une diminution de l'amende . En plus, selon l'article 15, paragraphe 5, du règlement n° 17, aucune amende ne pourrait être infligée pour des accords notifiés. Cette règle aurait donc dû être appliquée pour la convenzione B et également pour les versions ultérieures de celle-ci, qui restaient toujours dans le cadre de la version notifiée.

322.
    La requérante rappelle que la Commission savait depuis des années qu'un engagement était exigé de certains clients et que celle-ci a toléré cette mesure et affirmé qu'une clarification sur ce point était nécessaire dans le règlement n° 1475/95 .

323.
    La requérante fait remarquer aussi que la défenderesse admet, en réponse au moyen tiré d'une violation des droits de la défense, qu'il y a eu un retard regrettable dans le déroulement de la procédure administrative. Or, manifestement, ce retard aurait augmenté la période prise en compte par la Commission pour la fixation de l'amende et, donc, également le montant même de cette sanction .

324.
    La Commission aurait, encore, considéré erronément comme une circonstance aggravante le fait qu'elle avait signalé, par la lettre du 24 février 1995, avoir été informée de l'existence d'entraves aux réexportations à partir de l'Italie, lesquelles constituaient une infraction aux règles communautaires de la concurrence, et que la requérante et Audi n'avaient pas tiré les conséquences de cet avertissement. Or, la requérante souligne qu'une circulaire a été envoyée aux concessionnaires le 16 mars 1995 . Au cours de l'enquête menée par la Commission, la requérante aurait pris plusieurs mesures pour mettre fin à toutes les prétendues infractions .

325.
    Enfin, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir pris en compte, en tant que circonstance atténuante, les dévaluations fortes de la lire italienne à partir de septembre 1992, alors que cette institution a reconnu elle-même dans une communication du 31 octobre 1995 sur l'impact des fluctuations monétaires sur le marché intérieur que les fluctuations monétaires suscitent certaines difficultés pour l'économie de l'Union. Dans ce contexte, la requérante souligne qu'il n'existe pas encore de marché européen unique dans lequel un constructeur d'automobiles pourrait vendre les mêmes produits partout selon une seule stratégie. En effet, selon elle, les États membres ont des systèmes fiscaux et des monnaies différents, ce qui, en réalité, limite bien plus le commerce intracommunautaire que nepourraient le faire des restrictions à la concurrence mises sur pied par les constructeurs eux-mêmes. À cause de ces différences, les constructeurs n'auraient pas la possibilité de vendre dans tous les États membres aux mêmes prix . La requérante cite, à cet égard, une lettre du 25 février 1998 adressée par M. Van Miert, à l'ancien président du Zentralverband des deutschen Kraftfahrzeuggewerbes (Association nationale des distributeurs automobiles allemands), dans laquelle il est admis que, «en l'absence d'harmonisation et en raison des fluctuations monétaires intervenant régulièrement entre les États membres, le marché intérieur n'est pas encore achevé en ce qui concerne la distribution automobile».

326.
    Selon la défenderesse, la requérante a pris, de mauvaise foi, des mesures affectant sans distinction tant les réexportations interdites que celles autorisées. Par conséquent, l'amende serait proportionnelle à la gravité de l'infraction. Le caractère intentionnel de cette dernière serait, par ailleurs, prouvé par certaines notes de la requérante et d'Autogerma, dans lesquelles celles-ci déclarent être en infraction .

327.
    La défenderesse expose, ensuite, qu'elle a fait savoir à la requérante, par lettre du 8 mai 1987, que les «notifications» relatives aux différents contrats de concession ainsi qu'à leurs versions révisées et à leurs annexes étaient sans objet, tant qu'il n'était pas précisé, pour les dispositions contractuelles non exemptées par le règlement n° 123/85, les raisons pour lesquelles une exemption était demandée. En outre, la Commission l'aurait aussi informée, par lettre du 25 novembre 1988, que l'envoi de certaines annexes, dont la convenzione B, ne saurait être qualifié de «notification», étant donné que la lettre d'accompagnement comportait seulement six lignes. Or, la requérante n'aurait jamais réagi à ces courriers . Dans le même contexte, la défenderesse fait valoir que l'allégation selon laquelle elle aurait considéré l'engagement exigé de certains acheteurs comme licite est erronée et fallacieuse. Elle cite une correspondance avec la requérante dans laquelle elle qualifie expressément l'exigence d'un tel engagement d'incompatible avec les principes du marché unique . Enfin, elle fait remarquer que l'article 89, paragraphe 1, troisième phrase, du traité n'est qu'une disposition transitoire, qui a été remplacée par le règlement n° 17 et qui est donc devenue sans objet.

328.
    La défenderesse souligne également que les accords contraires aux règles communautaires de la concurrence ont été nombreux, que l'infraction a duré de nombreuses années (un des éléments de celle-ci, à savoir le système de prime, ayant commencé dès la fin de l'année 1987), que trois entreprises du groupe de la requérante, plusieurs services et de nombreux collaborateurs intervenant à différents niveaux de la hiérarchie ont été associés à ces accords, que l'infraction a été causée par un ensemble de mesures différentes, prises dans le cadre d'une stratégie globale et, enfin, que cette infraction a eu des effets sensibles sur les marchés de tous les États membres. En effet, le système de prime aurait été dirigé, d'une façon générale, contre les réexportations à partir de l'Italie et les autres mesures n'auraient pas été non plus limitées au commerce entre cet État, d'une part, et l'Allemagne et l'Autriche, d'autre part .

329.
    Ensuite, la défenderesse précise que, dans le calcul des majorations applicables compte tenu de la durée de l'infraction (considérant 217 de la décision), elle a fait la différence entre, d'une part, la période de 1988 à 1992 ainsi que l'année 1997 et, d'autre part, la période de 1993 à 1996. Pour cette dernière, le montant de base de l'amende aurait été majoré de 10 %. Toutefois, pour la période de 1988 à 1992 et pour l'année 1997, la majoration appliquée n'aurait été que de 5 % . Le montant intégral de l'amende correspondrait à environ 0,25 % du chiffre d'affaires enregistré par le groupe Volkswagen dans l'Union européenne au cours de l'exercice 1997 et à environ 0,5 % du chiffre d'affaires que ce groupe a réalisé au cours du même exercice dans les pays qui ont été exposés de manière directe ou plus spécifique aux effets induits par l'infraction, à savoir l'Italie, l'Allemagne et l'Autriche.

330.
    La dévaluation de la lire italienne ne peut, selon la défenderesse, constituer une circonstance atténuante, parce que, de tous les constructeurs d'automobiles établis dans des États membres autres que l'Italie, seules la requérante et Audi ont réagi par une stratégie globale d'entraves à la réexportation.

331.
    La défenderesse fait observer, enfin, qu'elle s'est référée expressément aux lignes directrices (considérant 217 de la décision) pour expliquer de manière détaillée comment le montant de base initialement fixé en fonction du degré de gravité de l'infraction a été majoré en considération de la durée de celle-ci. Elle ajoute qu'un des critères qui déterminent la gravité de l'infraction est l'extension géographique du marché sur lequel ladite infraction a eu une incidence et que, contrairement à ce qu'expose la requérante, il n'est pas question dans les lignes directrices d'une délimitation géographique du marché.

Appréciation du Tribunal

332.
    Selon l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises ayant commis, de propos délibéré ou par négligence, une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité des amendes de mille unités de compte au moins et d'un million d'unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction. Le montant de l'amende est déterminé en considération à la fois de la gravité de l'infraction et de sa durée.

333.
    Il résulte des termes clairs et précis de cette disposition que celle-ci traite de deux questions distinctes. D'une part, elle détermine les conditions qui doivent être remplies pour que la Commission puisse infliger des amendes (conditions d'ouverture). Parmi ces conditions figure celle relative au caractère délibéré de l'infraction ou à l'existence d'une négligence à l'origine de celle-ci (premier alinéa). D'autre part, elle réglemente la détermination du montant de l'amende, laquelle est fonction de la gravité et de la durée de l'infraction (second alinéa) (ordonnancede la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 53).

334.
    Pour ce qui concerne la première question, il est constant que, en l'espèce, la Commission a retenu le caractère délibéré de l'infraction et non la simple négligence (considérant 214 de la décision). Cette appréciation s'avère entièrement justifiée. En effet, comme il a été constaté ci-dessus dans le cadre du premier moyen, la requérante a pris des mesures ayant pour objet le cloisonnement du marché italien et donc d'entraver le jeu de la concurrence (voir ci-dessus, notamment, points 88, 89 et 193). Par ailleurs, pour qu'une infraction aux règles de la concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre ces règles; il suffit qu'elle n'ait pu ignorer que sa conduite avait pour objet de restreindre la concurrence (voir arrêts du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T-61/89, Rec. p. II-1931, point 157, et du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, T-143/89, Rec. p. II-917, point 41). Or, compte tenu de l'existence d'une jurisprudence bien établie selon laquelle des comportements de cloisonnement de marchés sont incompatibles avec les règles communautaires de la concurrence (voir ci-dessus point 179), la requérante ne pouvait pas ignorer que sa conduite entravait le jeu de la concurrence.

335.
    Quant à la seconde question, il convient de rappeler, tout d'abord, que le choix du montant de l'amende constitue un instrument de la politique de concurrence de la Commission afin d'orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles en cette matière (arrêts Martinelli/Commission, précité, point 59, et Van Megen Sports/Commission, précité, point 53), mais qu'il incombe néanmoins au Tribunal de contrôler si le montant de l'amende infligée est proportionné par rapport à la gravité et à la durée de l'infraction (arrêt Deutsche Bahn/Commission, précité, point 127). Le Tribunal doit, notamment, mettre en balance la gravité de l'infraction et les circonstances invoquées par la requérante (arrêt de la Cour du 14 novembre 1996, Tetra Pak/Commission, C-333/94 P, Rec. p. I-5951, point 48).

336.
    Comme il ressort de l'examen du premier moyen, la Commission disposait d'éléments de preuve abondants de ce que l'infraction visant le cloisonnement du marché italien était établie. Or, une telle infraction est, par nature, particulièrement grave. Elle contrarie les objectifs les plus fondamentaux de la Communauté et, en particulier, la réalisation du marché unique (arrêt du Tribunal du 22 avril 1993, Peugeot/Commission, T-9/92, Rec. p. II-493, point 42). La requérante a, en effet, conjointement avec ses filiales, empêché des consommateurs de jouir sans obstacle des libertés du marché commun établies par le traité, troublant ainsi une des plus importantes réalisations de la construction européenne. L'infraction revêt, en l'espèce, un caractère de gravité encore accru par la taille du groupe Volkswagen (voir arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 120) et par le fait qu'elle a été commise malgré l'avertissement que constituait la jurisprudence communautaire constante en matière d'importations parallèles dans le secteur automobile (voir arrêt duTribunal du 14 mai 1998, Europa Carton/Commission, T-304/94, Rec. p. II-869, point 91). Au regard de ces différents éléments, l'absence d'harmonisation monétaire et fiscale (voir ci-dessus point 325) ne saurait, bien qu'elle ait pu engendrer des difficultés commerciales pour la requérante, constituer une justification de l'infraction en cause, ni même une circonstance atténuante. En effet, cette absence d'harmonisation n'exemptait pas la requérante de son obligation de respecter les règles les plus essentielles du marché commun, telle que l'interdiction de cloisonnement.

337.
    Par ailleurs, la Commission n'était pas obligée de fixer l'amende à un montant plus modéré au motif qu'elle a tardé à agir contre les comportements du groupe Volkswagen, contrairement à ce que soutient la requérante. Certes, lorsque la gravité d'une infraction justifie une amende importante, il y a lieu de prendre en considération que sa durée aurait pu être abrégée si la Commission était intervenue plus rapidement (arrêt de la Cour du 6 mars 1974, Istituto chemioterapico italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, Rec. p. 223, point 51). Toutefois, en l'espèce, la Commission a adressé une première lettre d'avertissement à la requérante en février 1995, soit peu de temps après avoir reçu une première série de plaintes de consommateurs. Il ne saurait, dans ces conditions, être reproché à la Commission un manque de diligence qui aurait pu contribuer à prolonger la durée de l'infraction prise en compte dans le cadre de la détermination du montant de l'amende. Dans la mesure où la requérante prétend que la Commission a aussi augmenté la période prise en compte pour la fixation de l'amende en retardant le déroulement de la procédure administrative, il suffit de constater à nouveau que la durée de ladite procédure n'a pas été excessivement longue (voir ci-dessus point 317).

338.
    L'argumentation de la requérante, selon laquelle la Commission savait depuis des années qu'un engagement était exigé de certains acheteurs et a toléré cette mesure, ne saurait non plus être accueillie en faveur d'une réduction de l'amende. D'abord, la lettre citée par la requérante à l'appui de cette thèse (point 220 de la requête; annexe 220 à la requête) porte la date du 31 mars 1995 et est donc postérieure à la lettre d'avertissement que lui a envoyée la Commission le 24 février 1995 (voir ci-dessus point 10). Ensuite, il ressort du dossier que la Commission, lorsqu'elle a pris connaissance de cette mesure telle qu'elle était appliquée par les concessionnaires des marques Volkswagen et Audi à la fin de l'année 1994 dans plusieurs États membres, a adopté une position négative. En effet, dans une lettre du 23 novembre 1994, elle a écrit à la requérante:

«Nous disposons de formulaires provenant du Danemark et de Belgique qui imposent aux acheteurs de voitures neuves des marques VW/Audi de n'acquérir ces véhicules que pour leurs propres besoins et de ne pas les revendre avant l'expiration d'un délai de trois ou six mois après l'immatriculation ou d'avoir parcouru 3 000 ou 6 000 kilomètres. Si le véhicule est vendu prématurément,l'acheteur s'engage à verser un montant de 10 % du prix de vente à l'importateur danois, ou, pour la Belgique, au concessionnaire en cause.

De tels engagements ne sont pas compatibles avec les principes du marché intérieur, puisqu'elles visent clairement les importations parallèles. Elles ne sont pas non plus couvertes par les règles de la concurrence. Veuillez nous faire savoir si des engagements analogues existent dans d'autres États membres.

Si ces engagements ne devaient pas être supprimés, vous devez vous attendre à ce que nous engagions une procédure. Nous attendons votre prise de position dans les deux semaines qui suivront l'envoi du présent courrier.»

339.
    Certes, il ressort de la réponse de la requérante à cette lettre qu'elle avait envoyé en 1979 à la Commission le formulaire contenant l'engagement exigé des acquéreurs à cette époque (annexe 5 au mémoire en défense). Toutefois, il ne saurait être reproché à la Commission de n'être pas intervenue, en 1979, après qu'elle a eu connaissance de cette seule mesure, ni d'avoir été trop sévère en sanctionnant néanmoins la requérante en 1998, sans admettre de circonstances atténuantes, pour un ensemble de mesures visant le cloisonnement du marché italien, parmi lesquelles figurait la pratique d'exiger un engagement. En outre, cet engagement différait de celui communiqué en 1979 en ce qu'il permettait au groupe Volkswagen d'en vérifier plus aisément le respect et, éventuellement, d'appliquer les sanctions prévues en cas d'inexécution, parce qu'il imposait à l'acquéreur d'être en mesure de justifier, en cas de contrôle par le groupe, de l'utilisation du véhicule et de la durée de celle-ci (note 128 de la décision; annexe 218.1 à la requête: «l'acquéreur s'engage en outre, sur demande de l'organisme susmentionné, à produire une documentation prouvant qu'il se sert du véhicule en cause en tant qu'utilisateur final ainsi que la durée de la période pendant laquelle il possède ladite voiture»).

340.
    Ensuite, c'est à bon droit que la Commission n'a pas retenu, en tant que circonstance atténuante, l'envoi d'une circulaire aux concessionnaires italiens en mars 1995. En effet, comme il vient d'être constaté ci-dessus aux points 57, 58, 88 et 107 à 113, l'infraction a persisté après l'envoi de cette circulaire.

341.
    Pour ce qui concerne l'argument de la requérante selon lequel la Commission aurait méconnu les lignes directrices, il suffit d'observer qu'elles n'exigent pas que la Commission délimite formellement le marché géographique pertinent. La Commission a donc pu se borner à constater, au considérant 213 de la décision:«L'infraction a eu des effets directs sur le marché italien pour la vente de véhicules à moteur neufs [...] En parallèle, l'infraction a également eu des effets sur les marchés des véhicules à moteur neufs, particulièrement en Allemagne et en Autriche, mais également sur les marchés dans tous les autres États membres.» Cette constatation est par ailleurs, comme il a déjà été constaté ci-dessus (point 231), bien fondée.

342.
    Quant à l'argumentation selon laquelle la convenzione B avait été notifiée en 1988 et, par conséquent, la Commission ne pouvait pas sanctionner la requérante pour la règle des 15 % convenue dans ledit accord, il convient de rappeler, tout d'abord, que l'interdiction imposée par l'article 15, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 17 d'infliger des amendes pour des agissements «postérieurs à la notification à la Commission et antérieurs à la décision par laquelle elle accorde ou refuse l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, pour autant qu'ils restent dans les limites de l'activité décrite dans la notification», ne joue que pour des accords effectivement notifiés selon les formalités requises (arrêt de la Cour du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission, 240/82 à 242/82, 261/82, 262/82, 268/82 et 269/82, Rec. p. 3831, point 77; arrêt SPO e.a./Commission, précité, point 342; voir également arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, Distillers Company/Commission, 30/78, Rec. p. 2229, points 23 et 24). Il convient d'observer, ensuite, que par une lettre datant du 25 novembre 1988 (annexe 3 au mémoire en défense) la Commission a fait savoir à Autogerma que la communication par celle-ci de la convenzione B ne constituait pas une notification au sens du règlement n° 17:

«Par votre communication du 20 janvier 1988, vous avez porté à ma connaissance le contrat type de concession proposé par Autogerma à ses concessionnaires en Italie.

À ce propos, je vous transmets copie de la lettre que cette direction a envoyée le 8 mai 1987 à la société Volkswagen [...]

Par cette lettre, on a pris acte de l'attestation donnée par la société Volkswagen d'avoir adapté tous les contrats de distribution dans les différents pays européens au règlement n° 123/85, et on a communiqué à la même société la liste des contrats de distribution du groupe Volkswagen qui, en conséquence, avaient été classés.

Parmi ces contrats figurait aussi le contrat type de distribution pour l'Italie (votre notification du 31 janvier 1963).

En présence d'une telle procédure, une simple communication, même si elle est faite, comme vous dites, à titre de notification, ne peut pas remplacer une notification au sens du règlement n° 17 [...] et de l'article 8 du règlement n° 123/85 [...]

La Commission n'est donc pas en mesure de se prononcer sur la conformité de votre contrat type de distribution avec le règlement n° 123/85. Cela ne signifie pas que ce dernier n'est pas conforme avec ledit règlement, mais plutôt qu'il incombe aux parties intéressées de tirer les conséquences du règlement d'exemption et de prendre leurs responsabilités en passant des contrats satisfaisant les conditions requises. De tels contrats n'ont pas à être notifiés dès lors qu'ils sont déjà exemptés par le règlement [...]

Sur la base de ce qui précède, cette affaire est donc classée sans autre suite.»

343.
    Indépendamment de la question de savoir si la communication de la convenzione B constituait ou non une notification au sens du règlement n° 17, le fait même que cette convention ait été communiquée à la Commission déjà en 1988 aurait dû conduire celle-ci à ne pas considérer que ladite convention constituait, à elle seule, un élément justifiant la majoration du montant fixé pour la gravité de l'infraction (considérant 217 de la décision). Par conséquent, la période de 1988 à 1992, pendant laquelle la règle des 15 % stipulée dans la convenzione B constitue le seul acte incriminé (voir considérant 202 de la décision), ne doit pas être prise en compte pour la fixation de l'amende, même si ladite règle a, à juste titre, été qualifiée d'incompatible avec le traité (voir, sur ce dernier point, ci-dessus points 49 et 189).

344.
    En revanche, la règle des 15 % pouvait être prise en compte, en vue de la fixation de l'amende, pour la période de 1993 à 1996. En effet, comme il a été constaté ci-dessus (notamment aux points 79 à 90 et 162 à 165), pendant ladite période, le plafond prévu par la règle des 15 % a été combiné et ainsi renforcé, en vue d'entraver les réexportations, avec d'autres mesures. En outre, des documents internes du groupe Volkswagen démontrent que la règle des 15 % a, dans cette période, été interprétée et appliquée d'une façon extensive, à savoir comme une règle interdisant toute vente hors du territoire contractuel au-delà de 15 % de la totalité des ventes effectuées (voir ci-dessus point 58). Par conséquent, même s'il était établi que la convenzione B a été notifiée, il conviendrait toujours de constater que, depuis 1993, l'application de la règle des 15 % est sortie des limites de l'activité telle que décrite dans le texte de la convention communiquée à la Commission, de sorte que, en vertu du libellé clair de l'article 15, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 17, l'exemption d'amende ne jouerait plus. Il s'ensuit qu'il aurait été approprié de retenir comme date de départ de la période à prendre en compte pour la fixation de l'amende le 1er septembre 1993 (voir, à cet égard, ci-dessus points 81 à 83 ainsi que le considérant 202 de la décision).

345.
    Ainsi que le Tribunal l'a déjà établi, la Commission a également tenu compte, lors de la fixation de l'amende, de sa conclusion non démontrée que l'infraction s'était poursuivie après le 30 septembre 1996 (voir ci-dessus point 200) et a aussi mentionné, pour déterminer la gravité de l'infraction, ses constatations erronées selon lesquelles un système de marge fractionnée et la résiliation de certains contrats de concession à titre de sanction constituaient des mesures prises afin d'entraver les réexportations (voir ci-dessus point 197).

346.
    Il résulte des considérations qui précèdent que la durée de l'infraction à prendre en compte pour la fixation de l'amende est réduite à une durée de l'ordre de trois ans et que la description de l'infraction telle que faite par la Commission pour mesurer la gravité de l'infraction n'est pas intégralement exacte. Dans ces circonstances, il y a lieu pour le Tribunal de procéder, dans le cadre de son pouvoir de pleine juridiction, à la réformation de la décision et de réduire le montant del'amende infligée à la requérante (voir, par analogie, arrêt Dunlop Slazenger/Commission, précité, point 154).

347.
    Toutefois, la réduction de l'amende ne doit pas nécessairement être proportionnelle à la réduction de la durée que la Commission avait prise en compte ni correspondre à la somme des pourcentages de majoration calculés par la Commission au titre de la période allant de 1988 à août 1993, du dernier trimestre de l'année 1996 et de l'année 1997 (voir, par analogie, arrêt Dunlop Slazenger/Commission, précité, point 178). En effet, il appartient au Tribunal, dans le cadre de sa compétence en la matière, d'apprécier lui-même les circonstances de l'espèce afin de déterminer le montant de l'amende (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 111; arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Preussag Stahl/Commission, T-148/94, Rec. p. II-613, point 728). En l'espèce, l'importante gravité intrinsèque de l'infraction commise, telle que mise en évidence ci-dessus au point 336, d'une part, et la façon intensive avec laquelle les mesures illicites ont été mises en oeuvre, comme le démontre la correspondance abondante discutée ci-dessus dans le cadre du premier moyen, d'autre part, nécessitent une amende réellement dissuasive (voir arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12/89, Rec. p. II-907, point 309, et arrêt du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, précité, point 33). À la lumière de ces considérations, l'amende infligée de 102 000 000 écus, qui correspondait approximativement, comme la requérante l'a confirmé en réponse à une question écrite du Tribunal, à 0,5 % du chiffre d'affaires réalisé en 1997 par le groupe Volkswagen dans les trois États Italie, Allemagne et Autriche et à 0,25 % de celui qu'il a réalisé dans l'Union européenne la même année, ne présente pas un caractère anormalement élevé. Enfin, le fait que les conclusions de la Commission en ce qui concerne le système de marge fractionnée et la résiliation de certains contrats de concession ont été jugées non suffisamment démontrées, ne diminue pas la gravité importante de l'infraction en cause, dûment établie par la preuve des autres comportements incriminés (voir ci-dessus points 193 et 194).

348.
    Au vu de l'ensemble des circonstances et considérations susmentionnées, le Tribunal, statuant dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction au sens des articles 172 du traité CE (devenu article 229 CE) et 17 du règlement n° 17 (voir arrêts de la Cour du 15 décembre 1994, Finsider/Commission, C-320/92 P, Rec. p. I-5697, point 46, et du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185/95 P, Rec. p. I-8417, point 129), estime justifié de ramener le montant de l'amende, libellé en euros par application de l'article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1103/97 du Conseil, du 17 juin 1997, fixant certaines dispositions relatives à l'introduction de l'euro (JO L 162, p. 1), à 90 000 000 euros.

Sur les dépens

349.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Le recours n'ayant été que très partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supportera ses propres dépens ainsi que 90 % des dépens exposés par la Commission et que cette dernière supportera 10 % de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision 98/273/CE de la Commission, du 28 janvier 1998, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/35.733 - VW), est annulée en ce qu'elle constate:

    a)    qu'un système de marge fractionnée et la résiliation de certains contrats de concession à titre de sanction constituaient des mesures prises afin d'entraver les réexportations de véhicules des marques Volkswagen et Audi à partir de l'Italie par des consommateurs finals et des concessionnaires desdites marques d'autres États membres;

    b)    que l'infraction n'était pas complètement terminée dans la période allant du 1er octobre 1996 jusqu'à l'adoption de la décision.

2)    Le montant de l'amende infligée à la requérante par l'article 3 de la décision attaquée est ramené à 90 000 000 euros.

3)    Le recours est rejeté pour le surplus.

4)    La requérante supportera ses propres dépens et 90 % des dépens exposés par la Commission.

5)    La Commission supportera 10 % de ses propres dépens.

Moura Ramos

Tiili
Mengozzi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juillet 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

V. Tiili

Table des matières

     Faits et cadre juridique

II - 2

     Procédure et conclusions des parties

II - 9

     Sur le fond

II - 10

         A - Sur le premier moyen, tiré d'erreurs de fait dans l'application de l'article 85 du traité

II - 10

             Sur les entraves à la réexportation

II - 10

                 Constatations liminaires

II - 10

                 Sur l'entrave résultant du système de prime

II - 11

                     - Arguments des parties

II - 11

                     - Appréciation du Tribunal

II - 13

                 Sur l'introduction d'un système de marge fractionnée

II - 16

                     - Arguments des parties

II - 16

                     - Appréciation du Tribunal

II - 17

                 Sur l'entrave résultant des mesures prises au niveau de l'approvisionnement

II - 20

                     - Arguments des parties

II - 20

                     - Appréciation du Tribunal

II - 22

                 Sur l'entrave résultant du comportement commercial vis-à-vis des consommateurs

II - 25

                     - Arguments des parties

II - 25

                     - Appréciation du Tribunal

II - 27

                 Sur l'argumentation de la requérante selon laquelle les mesures prises visaient uniquement à empêcher les ventes aux revendeurs non agréés

II - 32

                     - Arguments des parties

II - 32

                     - Appréciation du Tribunal

II - 35

                 Sur les contrôles, les avertissements et les sanctions dont les concessionnaires auraient fait l'objet

II - 39

                     - Arguments des parties

II - 39

                     - Appréciation du Tribunal

II - 42

             Sur les effets des entraves à la réexportation

II - 45

                 Arguments des parties

II - 45

                 Appréciation du Tribunal

II - 46

             Sur la durée des entraves à la réexportation

II - 47

                 Arguments des parties

II - 47

                 Appréciation du Tribunal

II - 48

             Conclusions

II - 50

         B - Sur le deuxième moyen, tiré d'erreurs de droit dans l'application de l'article 85 du traité

II - 53

             Arguments des parties

II - 53

                 Sur l'absence de délimitation du marché

II - 53

                 Sur l'appréciation erronée des entraves dans leur ensemble

II - 53

                 Sur la qualification erronée des entraves, prises dans leur ensemble, d'accords

II - 54

                 Sur la méconnaissance des règlements n° 123/85 et n° 1475/95

II - 55

             Appréciation du Tribunal

II - 59

                 Sur l'absence de délimitation du marché

II - 59

                 Sur l'appréciation des entraves dans leur ensemble

II - 60

                 Sur la qualification des entraves, prises dans leur ensemble, d'accords

II - 61

                 Sur la prétendue méconnaissance des règlements n° 123/85 et n° 1475/95

II - 62

         C - Sur le troisième moyen, tiré d'une violation du principe de bonne administration

II - 63

             Arguments des parties

II - 63

                 Sur la violation du principe de bonne administration dans l'interprétation des documents saisis lors des vérifications

II - 63

                 Sur la violation du principe de bonne administration, en relation avec l'article 89 du traité CE

II - 64

                 Sur la violation du principe de bonne administration, en relation avec l'article 191 du traité CE

II - 65

                 Sur la violation du principe de bonne administration, en relation avec l'article 214 du traité CE

II - 66

             Appréciation du Tribunal

II - 68

                 Sur la prétendue violation du principe de bonne administration dans l'interprétation des documents saisis lors des vérifications

II - 68

                 Sur la prétendue violation du principe de bonne administration, en relation avec l'article 89 du traité

II - 69

                 Sur la prétendue violation du principe de bonne administration, en relation avec l'article 191 du traité

II - 70

                 Sur la prétendue violation du principe de bonne administration, en relation avec l'article 214 du traité

II - 70

         D - Sur le quatrième moyen, tiré d'une insuffisance de motivation

II - 72

             Arguments des parties

II - 72

             Appréciation du Tribunal

II - 74

         E - Sur le cinquième moyen, tiré d'une violation du droit d'être entendu

II - 76

             Arguments des parties

II - 76

             Appréciation du Tribunal

II - 77

         F - Sur le moyen subsidiaire, tiré du caractère excessif de l'amende infligée

II - 78

             Arguments des parties

II - 78

             Appréciation du Tribunal

II - 81

     Sur les dépens

II - 88


1: Langue de procédure: l'allemand.