Language of document : ECLI:EU:T:2010:441

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

19 octobre 2010 (*)

« Référé – Membre du Parlement européen – Recouvrement d’indemnités versées au titre du remboursement des frais d’assistance parlementaire et de voyage – Demande de sursis à exécution – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑431/10 R,

Riccardo Nencini, demeurant à Barberino di Mugello (Italie), représenté par Me F. Bertini, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. N. Lorenz, A. Caiola et D. Moore, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de plusieurs actes du Parlement relatifs au recouvrement d’indemnités parlementaires qui auraient été indûment perçues,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Le requérant, M. Riccardo Nencini, était membre du Parlement européen durant la législature allant de 1994 à 1999. En décembre 2006, le Parlement a engagé une procédure de vérification en matière de frais d’assistance parlementaire et de frais de voyage.

2        Le 16 juin 2010, le secrétaire général du Parlement a adopté la décision n° 311847, relative à une procédure de recouvrement du paiement indu des frais d’assistance parlementaire et de voyage, qui a été adressée au requérant et que ce dernier a reçue le 28 juillet 2010 (ci-après la « décision attaquée »). Aux termes de cette décision, d’une part, un montant total de 455 903,44 euros a été indûment versé au requérant, au cours de son mandat parlementaire, et ce en vertu de la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement européen, et, d’autre part, des instructions ont été données au service compétent afin qu’il prenne toutes les mesures nécessaires pour le recouvrement de cette somme auprès du requérant.

3        Le requérant s’est, en outre, vu adresser la note de débit n° 312331 du directeur général de la direction générale des finances du Parlement, du 4 août 2010, portant sur le recouvrement de la somme susmentionnée (ci-après la « note de débit »). Cette note a été reçue par le requérant le 16 août 2010.

4        Estimant que l’action du Parlement, intervenue de longues années après la fin de son mandat parlementaire, était frappée de prescription et illégale quant à la forme et quant au fond, le requérant a, par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 septembre 2010, introduit un recours visant, en substance, à l’annulation de la décision attaquée et de la note de débit ainsi que de tout autre acte connexe et/ou préalable.

5        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit la présente demande en référé, dans laquelle il demande au président du Tribunal, en substance, de surseoir à l’exécution de la décision attaquée et de la note de débit ainsi que de tout autre acte connexe et/ou préalable.

6        Dans ses observations écrites, déposées au greffe du Tribunal le 8 octobre 2010, le Parlement conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé comme non fondée ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

7        Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

8        L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

9        En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

10      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

11      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

12      Selon une jurisprudence constante, l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. L’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue ; il suffit, particulièrement lorsque la réalisation du préjudice dépend de la survenance d’un ensemble de facteurs, qu’elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Toutefois, la partie qui s’en prévaut demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance du président du Tribunal du 8 juin 2009, Dover/Parlement, T‑149/09 R, non publiée au Recueil, point 25, et la jurisprudence citée).

13      En vue de pouvoir déterminer si le préjudice redouté en l’espèce est grave et irréparable et justifie dès lors l’octroi du sursis à exécution sollicité, le juge des référés doit ainsi disposer de preuves sérieuses lui permettant de déterminer les conséquences précises que le requérant subirait, selon toute probabilité, si ce sursis n’était pas accordé. En d’autres termes, le requérant doit produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière.

14      Or, dans la présente demande en référé, à laquelle n’est jointe aucune annexe, le requérant se limite à indiquer, au titre de l’urgence, ce qui suit :

« [L]e requérant est une personne qui vit des revenus provenant de ses activités politiques et institutionnelles. Il ne possède pas d’autre source de revenu particulière. La somme réclamée par le […] Parlement […] dans la décision attaquée est donc particulièrement lourde pour [lui], outre qu’elle est importante également en termes absolus. En effet, il convient de rappeler qu’il s’agit d’un montant de 455 903,44 euros. En particulier, [le requérant] n’est pas en mesure de rembourser la somme litigieuse, si ce n’est par de complexes et très onéreuses procédures bancaires. Le préjudice économique qui serait causé au requérant par l’exécution de la décision de remboursement […] serait donc extrêmement grave. »

15      Il s’agit là d’une simple affirmation qui n’est étayée par aucun élément de preuve et qui ne saurait, de toute évidence, être qualifiée d’image fidèle et globale de la situation financière du requérant.

16      Par ailleurs, le requérant semble lui-même reconnaître que le remboursement de la somme litigieuse ne lui causerait pas véritablement un préjudice grave et irréparable. En effet, loin d’alléguer l’impossibilité pour lui de se procurer les fonds nécessaires, il fait état d’un simple désagrément, en ce que le remboursement de la somme litigieuse nécessiterait « de complexes et très onéreuses procédures bancaires ». Or, eu égard au caractère strictement exceptionnel de l’octroi de tout sursis à exécution (voir ordonnance du président du Tribunal du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, non publiée au Recueil, point 31, et la jurisprudence citée), il peut raisonnablement être exigé du requérant de faire toute démarche, même incommode et gênante, afin de se procurer la somme litigieuse, avant de saisir le juge des référés.

17      Il convient d’ajouter que le dispositif de la décision attaquée se limite à constater que la somme de 455 903,44 euros a été indûment versée au requérant et à indiquer que des instructions ont été données au service compétent pour procéder au recouvrement de ce montant auprès du requérant. Il s’ensuit que, à défaut d’ordonner elle-même des mesures de recouvrement ou d’exécution forcée à l’égard du requérant, la décision attaquée ne saurait être considérée comme provoquant, avec un degré de probabilité suffisant, le risque imminent d’un préjudice financier grave.

18      Il en va de même de la note de débit, qui, au vu de son contenu, ne procède pas au recouvrement proprement dit de la somme réclamée par le Parlement, mais se limite à indiquer, en substance, que le requérant risquerait de se voir imposer des intérêts de retard si le remboursement réclamé n’était pas effectué pour le 20 octobre 2010. La note de débit ne saurait donc avoir, en elle-même, l’effet « extrêmement grave » redouté par le requérant.

19      Au demeurant, à l’inverse du Conseil de l’Union européenne, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne, le Parlement n’est pas doté de la compétence d’adopter, en vertu de l’article 299 TFUE, des décisions exécutoires qui comporteraient une obligation pécuniaire à la charge des personnes destinataires. Le Parlement n’a donc pas d’autre choix que d’engager une procédure judiciaire séparée afin d’obtenir une décision exécutoire auprès des juridictions nationales compétentes, qui pourrait lui servir par la suite pour recouvrer la somme réclamée. Or, il ne ressort pas du dossier que le Parlement ait déjà entamé, sur le plan national, une procédure tendant au recouvrement de la somme réclamée au titre de la décision attaquée. Considérée sous cet aspect, la demande en référé apparaît donc prématurée.

20      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée à défaut, pour le requérant, d’avoir établi l’urgence, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le fumus boni juris.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 19 octobre 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’italien.