Language of document : ECLI:EU:T:2012:512

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

2 octobre 2012 (*)

« Clause compromissoire – Sixième programme-cadre pluriannuel de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et de l’innovation (2002-2006) – Contrat concernant le projet ‘I-Way, Intelligent, co-operative system in cars for road safety’ – Résiliation du contrat – Demande de remboursement de la contribution financière versée – Dommages et intérêts – Recours visant à l’obtention de la totalité de la contribution financière demandée et à la contestation de la demande de remboursement – Demande reconventionnelle »

Dans l’affaire T‑312/10,

Elettronica e sistemi per automazione (ELE.SI.A) SpA, établie à Guidonia Montecelio (Italie), représentée par Mes S. Bariatti, P. Tomassi et P. Caprile, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Aresu et A. Sauka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande tendant au versement de la contribution financière à laquelle la requérante estime pouvoir prétendre aux termes du contrat n° 27195, conclu le 13 décembre 2005 entre la Commission et la requérante, relatif au projet de recherche dénommé « I-Way, Intelligent, co-operative system in cars for road safety », ainsi qu’une demande reconventionnelle tendant au remboursement d’une partie de la contribution financière versée ainsi qu’au paiement de dommages et intérêts,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. J. Azizi, président, S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et Mme M. Kancheva, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 mai 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Présentation de la requérante et du projet subventionné

1        La requérante, ELE.SI.A SpA, est une société de droit italien, constituée au début des années 90 à l’initiative d’entrepreneurs italiens exerçant leurs activités dans le domaine de l’électronique militaire et industrielle et de la recherche.

2        Durant l’année 2005, la requérante ainsi que treize autres sociétés et centres de recherche implantés en Europe ont développé, dans le cadre d’un consortium, un projet visant à augmenter la sécurité des transports routiers (ci-après le « projet »). En mai 2006, le projet, initialement dénommé « Highway, Intelligent co-operative systems in cars for road safety » a été renommé « I-Way, Intelligent co-operative systems in cars for road safety ».

3        Le 28 octobre 2005, la Commission des Communautés européennes a évalué le projet et a estimé que celui-ci pouvait bénéficier d’un financement dans le cadre du sixième programme-cadre pluriannuel de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et de l’innovation (2002-2006). La requérante a été acceptée en tant que coordinateur du projet.

 Présentation du contrat

4        Le 13 décembre 2005, la requérante et la Communauté européenne, représentée par la Commission, ont conclu le contrat n° 27195 (ci-après le « contrat »), ayant pour objet le financement du projet. Le contrat comportait une annexe II, intitulée « Conditions générales » (ci-après les « conditions générales »).

5        En vertu de l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, du contrat, la durée totale du projet stipulée initialement était de 36 mois, à compter du 1er février 2006. Cette durée a été portée à 40 mois, à la demande du consortium et avec l’accord de la Commission (courrier du 23 juin 2008). Le projet devait être divisé en trois périodes de référence (reporting periods) de douze mois, auxquelles a été ajoutée une quatrième période de quatre mois (courrier du 13 octobre 2008). Un rapport devait être remis au terme de chaque période ainsi qu’un rapport final au terme du projet.

6        L’article 5 du contrat fixait à 2 600 000 euros le montant maximal du financement communautaire du projet et prévoyait que la contribution financière de la Communauté prendrait la forme d’une contribution au budget du projet.

7        L’article 8 du contrat prévoyait les modalités de versement de la contribution communautaire, soit une avance de 1 040 000 euros, des versements après chaque rapport scientifique périodique et un paiement final. L’article 8, paragraphe 2, sous d), du contrat stipulait :

« Tout paiement effectué au terme d’une période de référence au vu d’un certificat d’audit sera considéré comme définitif, sous réserve des résultats d’un audit ou d’un contrôle pouvant être diligenté conformément aux stipulations de l’article II. 29. »

8        Selon l’article 12 du contrat, la loi applicable était la loi belge.

9        L’article 13 du contrat comportait une clause compromissoire reconnaissant la compétence du Tribunal pour connaître des litiges entre la Communauté et les contractants quant à la validité, l’application ou l’interprétation du contrat.

10      Conformément au contrat type prévu pour les conventions relevant du sixième programme-cadre [décision C (2003) 3834 de la Commission, du 23 octobre 2003], le contrat comportait plusieurs annexes, dont les conditions générales.

11      En vertu de l’article II. 1, paragraphe 10, des conditions générales, le contrat est soumis aux dispositions du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), et du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1, ci-après le « règlement d’exécution »).

12      L’article II. 1, paragraphe 11, des conditions générales définit la notion d’« irrégularité » comme signifiant « toute méconnaissance d’une disposition de droit communautaire ou toute violation d’une obligation contractuelle résultant d’un acte ou d’une omission par un cocontractant qui porte préjudice, ou serait susceptible de porter préjudice, au budget général des Communautés européennes ou des budgets gérés par les Communautés européennes en entraînant une dépense injustifiée ».

13      En vertu de l’article II. 3, paragraphe 1, sous d), des conditions générales, le consortium doit fournir à la Commission sur sa demande toutes les données documentées nécessaires à une bonne administration du projet.

14      L’article II. 7 des conditions générales décrit les obligations du consortium en matière de remise de rapports à la Commission. L’article II. 7, paragraphe 2, sous b), i), des conditions générales précise que « le consortium est tenu de soumettre […] pour chaque période de référence […] un rapport périodique sur la conduite du projet incluant […] la justification des ressources consacrées par chaque cocontractant, établissant le lien entre celles-ci et les activités mises en œuvre et démontrant leur nécessité ».

15      L’article II. 8, paragraphe 4, des conditions générales stipule que l’approbation d’un rapport par la Commission n’implique aucune exemption des audits ou des contrôles susceptibles d’être conduits conformément à l’article II. 29 des conditions générales.

16      L’article II. 16 des conditions générales énonce ce qui suit :

« 1.      En cas de violation de toute obligation prévue par ce contrat, la Commission exigera du consortium qu’il trouve une solution appropriée pour remédier à cette violation dans un délai maximum de 30 jours.

[…]

2.      La Commission peut mettre fin, avec effet immédiat, à la participation d’un cocontractant :

a)      au cas où ce cocontractant a délibérément ou par négligence commis une irrégularité dans l’exécution de tout contrat conclu avec la Commission ;

[…]

3.      La notification de la résiliation sera adressée au cocontractant, avec copie au consortium.

La résiliation prendra effet lors de la notification au cocontractant, sans préjudice des obligations définies ou mentionnées dans le présent contrat.

[…]

4.      Dans les cas prévus aux paragraphes précédents, la Commission demandera au consortium de continuer la mise en œuvre du projet, et d’apporter la preuve à la Commission de sa capacité à exécuter le projet dans un délai de 30 jours à compter de la réception d’une telle demande.

Si, à la fin de la période définie à l’alinéa précédent, le consortium ne s’est pas conformé à la demande de la Commission, celle-ci résiliera le contrat.

5.      Le cocontractant défaillant dispose d’un délai maximal de 30 jours à compter de la résiliation du contrat à son égard pour fournir à la Commission :

a)      des rapports […] relatifs au travail accompli depuis le début du projet jusqu’à la date d’effet de la résiliation ou pour la période courant depuis le dernier rapport périodique approuvé par la Commission […] ;

b)      un certificat d’audit pour les dépenses exposées depuis le début du projet jusqu’à la date d’effet de la résiliation ou pour la période courant depuis le dernier certificat d’audit approuvé.

En l’absence de réception de tels documents dans les délais, la Commission considérera qu’aucune dépense n’a été exposée par le cocontractant défaillant pour la ou les périodes en cause et qu’aucun remboursement ne peut être accordé au titre de cette ou de ces périodes.

[…]

8.      […]

Les stipulations des articles II. 7, […] II. 29, II. 30, II. 31 [des conditions générales] continuent de s’appliquer au cocontractant défaillant après la résiliation du contrat à son égard ainsi qu’à l’ensemble des cocontractants en cas de résiliation du contrat. »

17      L’article II. 19, paragraphe 1, des conditions générales définit les dépenses éligibles au financement et stipule ce qui suit :

« Les dépenses éligibles exposées pour la mise en œuvre du projet doivent satisfaire aux conditions suivantes :

a)      elles doivent être réelles, économiquement rationnelles et nécessaires à la mise en œuvre du projet et

b)      elles doivent être déterminées conformément au principes comptables habituels du cocontractant et

c)      elles doivent être exposées pendant la durée du projet telle que définie à l’article 4, paragraphe 2 […] et

d)      elles doivent être enregistrées dans la comptabilité du cocontractant qui les a encourues, au plus tard à la date de l’établissement du certificat d’audit prévu à l’article II. 26. Les procédures comptables employées pour enregistrer les dépenses et les recettes doivent respecter les règles comptables de l’État d’établissement du cocontractant ainsi que permettre le rapprochement direct entre les dépenses et les recettes encourues pour la mise en œuvre du projet et les déclarations d’ensemble relatives à l’ensemble de l’activité du cocontractant […] »

18      L’article II. 24 des conditions générales précise les conditions d’octroi de la contribution de la Communauté. Le paragraphe 1, sous a), de cet article prévoit que, lorsqu’elle contribue à un projet sous la forme d’une subvention au budget, le montant du financement accordé par la Communauté est calculé à partir des demandes de remboursement des dépenses éligibles présentées par les cocontractants.

19      L’article II. 28, paragraphe 7, des conditions générales prévoit que, en cas de paiement tardif, les cocontractants peuvent prétendre au versement d’intérêts dont le taux est égal au taux appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à ses principales opérations de refinancement au premier jour du mois au titre duquel les sommes étaient dues, majoré de 3,5 points de pourcentage.

20      L’article II. 29 des conditions générales est relatif aux contrôles et aux audits dont les cocontractants peuvent faire l’objet. Il stipule :

« 1.      La Commission peut, à n’importe quel moment pendant la durée du contrat et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, organiser des audits, menés ou bien par des réviseurs scientifiques ou techniques ou par des auditeurs externes, ou bien par les services de la Commission elle-même, incluant l’OLAF. De tels audits peuvent porter sur les aspects scientifiques, financiers, techniques ou sur d’autres aspects (incluant les principes de comptabilité et de management) relatifs à la bonne exécution du projet et du contrat. Tous ces audits doivent être réalisés conformément à un principe de confidentialité. Les montants éventuellement dus à la Commission en conséquence des conclusions de ces audits peuvent donner lieu à récupération ainsi qu’il est prévu à l’article II. 31.

[…]

2.      Les cocontractants sont tenus de mettre à la disposition de la Commission l’ensemble des données détaillées qui peuvent lui être demandées par la Commission dans le but de vérifier que le contrat est correctement géré et exécuté.

3.      Les cocontractants sont tenus de conserver l’original ou, dans des cas exceptionnels, des copies authentifiées, de tous les documents relatifs au contrat jusqu’à cinq ans à compter de la fin du projet. Ces documents doivent être mis à la disposition de la Commission sur demande présentée au cours de l’exécution de tout audit prévu par le contrat.

[…]

6.      En outre, la Commission peut procéder à des contrôles sur place et à des inspections, conformément au règlement [(Euratom, CE)] n° 2185/96 […] »

21      L’article II. 30 des conditions générales pose les conditions de la réparation des préjudices financiers subis par la Communauté. Il énonce ce qui suit :

« Sans préjudice des autres mesures prévues par ce contrat, les cocontractants conviennent que la Communauté, dans le but de protéger ses intérêts financiers, est en droit de réclamer des dommages et intérêts à un cocontractant convaincu d’avoir surestimé ses dépenses et, en conséquence, d’avoir reçu de la Communauté une contribution financière non justifiée. Les dommages et intérêts sont dus en plus de la récupération de la contribution financière non justifiée auprès du cocontractant.

1.      Le montant des dommages et intérêts doit être proportionné à l’importance de la surestimation des dépenses et à la part non justifiée de la contribution versée par la Communauté. La formule suivante peut être utilisée pour calculer les dommages et intérêts éventuels :

Dommages et intérêts = contribution non justifiée x (dépenses surestimées/total des dépenses déclarées)

Le calcul des dommages et intérêts prendra en considération la période au titre de laquelle le cocontractant a présenté sa demande de paiement et non le montant de la contribution financière due pour la totalité du projet.

[…]

6.      De plus, ainsi qu’en disposent [le règlement financier et le règlement d’exécution], tout cocontractant auquel il est reproché un manquement grave à ses obligations contractuelles sera redevable de pénalités financières comprises entre 2 et 10 % du montant total de la contribution financière communautaire reçue par ce cocontractant […] »

22      L’article II. 31 des conditions générales traite des remboursements dus à la Commission et des ordres de versements que celle-ci peut émettre à l’encontre des cocontractants. Il précise notamment que la Commission peut émettre des titres exécutoires à l’encontre des débiteurs autres que les États membres et que les sommes non réglées à l’échéance du délai imparti par la Commission portent intérêt dans les conditions définies à l’article II. 28 des conditions générales.

 Exécution et résiliation du contrat en ce qui concerne la participation de la requérante au projet

23      Le 21 décembre 2005, la Commission a versé au consortium une avance, dont la requérante a conservé pour elle-même une somme de 120 000 euros.

24      Le 6 août 2007, la Commission a établi un rapport de consensus (Consensus report) dans lequel il était relevé que la requérante avait rempli ses obligations en ce qui concerne le démarrage du projet. Les services de la Commission ont toutefois insisté sur la nécessité de revoir la description des tâches ainsi que l’échéancier et prévoyaient que des amendements devraient être apportés au contrat.

25      Par courrier du 25 septembre 2007, la Commission a été informée du fait que la fondation IARD, l’un des membres du consortium, avait l’intention de se retirer du projet. Ce courrier portait la signature du vice-président de la fondation.

26      Le 29 novembre 2007, la requérante a présenté à la Commission un premier rapport sur l’état du projet, au titre de la première période de référence, allant du 1er février 2006 au 31 janvier 2007. Selon ce rapport, le montant des dépenses éligibles certifiées par la requérante était de 126 586,60 euros et celui des remboursements dus à la requérante – soit 50 % des dépenses techniques et 100 % des coûts de management – s’élevait à 73 444,57 euros.

27      À compter du 9 septembre 2007, la Commission a mis fin à la participation au projet de la fondation IARD.

28      Par courrier du 31 janvier 2008, le vice-président de la fondation IARD a confirmé la volonté de cette fondation de se retirer du projet, mais a informé la Commission que le courrier qui lui avait été transmis à cet effet (voir point 25 ci-dessus) n’émanait pas de lui. Dans ce même courrier, il se plaignait de ce que certains de ses documents fassent l’objet d’un « filtrage » par le consortium et que le courrier de la Commission mentionné au point 27 ci-dessus, lequel impartissait à la fondation un délai de 45 jours pour transmettre un rapport financier destiné à fonder toute demande finale de subvention, ne lui avait pas été transmis par le coordonnateur du projet.

29      Le 1er avril 2008, la Commission a versé au consortium une avance au titre de la deuxième période de référence, allant du 1er février 2007 au 31 janvier 2008, dont la requérante a conservé pour elle-même une somme de 2 737,59 euros.

30      Le 13 mai 2008, la requérante a présenté un deuxième rapport sur l’état du projet, établi au titre de la deuxième période de référence. Le montant des dépenses dont elle demandait le remboursement pour son propre compte s’élevait à 96 855,05 euros. Ce rapport a été approuvé partiellement par la Commission lors d’une conférence de consensus qui s’est tenue le 20 mai 2008 et dont le résultat a été communiqué à la requérante par lettre du 4 juillet 2008.

31      Le même jour, par un courrier distinct, la Commission a informé la requérante que, en application de l’article II. 29 des conditions générales, elle avait décidé de faire réaliser un audit portant sur les certifications financières présentées au titre de la première période de référence (ci-après l’« audit »).

32      Le 25 août 2008, la Commission a versé au consortium une avance au titre de la troisième période de référence, allant du 1er février 2008 au 31 janvier 2009, dont la requérante a conservé pour elle-même 64 156,04 euros.

33      La Commission a chargé GDA revisori independenti SpA (ci-après « GDA ») de procéder aux opérations d’audit. Les réviseurs de GDA se sont rendus au siège de la requérante du 14 au 22 octobre 2008. Deux agents de la Commission ont également participé aux opérations de contrôle.

34      Les agents de la Commission se sont entretenus en anglais avec les employés de la requérante chargés du projet. Le 15 octobre 2008, ils ont notamment entendu les coordonnateurs successifs du projet. Le 30 octobre 2008, l’un des agents de la Commission et deux réviseurs de GDA ont eu un entretien avec le président-directeur général de la requérante.

35      Par courrier du 24 novembre 2008, la Commission a informé la requérante que les vérifications menées dans le cadre de l’audit la conduisaient à remettre en cause la sincérité des déclarations relatives à la durée du travail effectué par le personnel de cette entreprise au titre de la première période de référence. Selon la Commission, les dates de création des documents relatifs à la comptabilisation des déclarations des heures de travail effectuées par les employés de la requérante pour le projet (ci-après les « fiches horaires ») révélaient que ces documents avaient été établis postérieurement à la période en cause, en septembre et en octobre 2008, pour les besoins de l’audit. De plus, certains de ces documents auraient été signés par d’anciens employés de la requérante après leur départ de la société.

36      En outre, la Commission a reproché à la requérante de lui avoir soumis deux documents dépourvus de signature originale, à savoir, d’une part, une certification des dépenses engagées par la fondation IARD et, d’autre part, une lettre de cette fondation indiquant que celle-ci renonçait à participer au projet.

37      En conséquence de ces irrégularités, la Commission s’estimait fondée à résilier le contrat en application de l’article II. 16, paragraphe 2, sous a), des conditions générales. Un délai de 30 jours a été imparti à la requérante pour présenter ses observations éventuelles sur cette résiliation.

38      Par courrier du 19 décembre 2008, la requérante a contesté la position de la Commission. Elle faisait valoir que la date de création des documents établis à partir des fiches horaires était différente de la date de la préparation du contenu de ces documents, lequel aurait été constitué durant la première période de référence et ultérieurement reproduit dans les documents consultés par la Commission. Les heures de travail déclarées sur les fiches horaires établies par le personnel correspondraient aux heures de travail réellement effectuées. Il ne pourrait être exclu que, dans certains cas, certains employés aient oublié de signer certaines fiches horaires le jour même et qu’ils aient régularisé ces oublis le jour suivant, mais de telles irrégularités ne dépasseraient pas les erreurs courantes dans ce genre de pratique administrative. Les signatures figurant sur les fiches horaires seraient des originaux.

39      En ce qui concerne les documents établis par la fondation IARD, la requérante faisait valoir qu’elle s’était bornée à transmettre à la Commission ce qu’elle avait reçu, qu’elle n’avait aucune raison de douter de leur authenticité et qu’elle avait continûment contrôlé l’exactitude des actes établis par les membres du consortium et signalé à la Commission la totalité des anomalies qu’elle avait relevées.

40      Par courrier électronique du 10 janvier 2009, le vice-président de la fondation IARD a répondu à une demande de renseignements qui lui avait été adressée par la même voie par l’un des agents de la Commission ayant participé à l’audit. Dans ce message, il indiquait les raisons pour lesquelles il pensait que la déclaration des dépenses exposées par cette fondation qui avait été transmise à la Commission par la requérante constituait un faux en écritures.

41      Par courrier du 20 janvier 2009, la Commission a confirmé son intention de résilier le contrat en ce qui concerne la participation de la requérante avec effet immédiat.

42      Le 26 janvier 2009, à la demande de la Commission, la requérante a présenté un rapport sur les dépenses engagées au titre de la troisième période de référence, allant du 1er février 2008 au 31 janvier 2009. Selon ce rapport, le montant des dépenses qui devaient lui être remboursées au titre de cette période – correspondant à 50 % des dépenses techniques et à 100 % des coûts de management – s’élevait à 100 221,69 euros. Compte tenu des montants déjà versés par la Commission, la requérante estimait que lui restait dû un montant de 83 627,68 euros.

43      La participation de la requérante au contrat a pris fin le 29 janvier 2009.

44      Par courrier du 4 février 2009, la requérante a pris acte de la décision de la Commission de résilier le contrat, se réservant toute action en vue de la protection de ses droits. Elle a demandé à recevoir la subvention correspondant aux travaux réalisés.

45      Par courrier du 12 mars 2009, la Commission a chargé un autre membre du consortium de reprendre les fonctions de coordonnateur du projet.

46      Par lettre du 12 mai 2009, cependant, en raison des difficultés rencontrées par le consortium, la Commission a décidé de mettre fin au projet en application de l’article II. 16, paragraphe 1, des conditions générales.

47      Le 26 juin 2009, GDA a transmis à la requérante un projet de rapport établi à la suite de l’audit et a invité celle-ci à produire ses observations éventuelles au plus tard le 13 juillet 2009. Dans ce projet de rapport, l’irrégularité des fiches horaires était relevée et une correction de 121 907,77 euros était proposée au titre de la première période de référence.

48      Le 9 juillet 2009, la requérante a présenté des observations sur le projet de rapport.

49      Le 24 novembre 2009, la Commission a transmis à la requérante la version finale du rapport établi par GDA (ci-après le « rapport d’audit »), compte tenu des observations présentées par la requérante. Se fondant sur ce document, elle a remis en cause le montant des dépenses éligibles pour l’ensemble du projet au titre de la première période de référence, ramenant celles-ci de 126 586,60 à 4 678,82 euros. De plus, elle a indiqué qu’elle avait l’intention de considérer comme systématiques les erreurs constatées au titre de la première période de référence, ce qui, selon elle, justifiait que les conséquences tirées à la suite de l’audit soient étendues aux deuxième et troisième périodes de référence. En conséquence, elle a décidé de résilier le contrat en ce qui concerne la participation de la requérante au projet et rejeté les demandes de paiement présentées par cette dernière au titre des deuxième et troisième périodes de référence. Elle a confirmé son intention de lui demander le remboursement des sommes versées ainsi que de lui réclamer des dommages et intérêts.

50      Par courriers des 11 décembre 2009 et 11 janvier 2010, la requérante a contesté les demandes de la Commission.

51      Par courriers des 23 décembre 2009, 16 février et 17 mars 2010, la Commission a maintenu sa position. Rejetant les propositions de transaction qui lui ont alors été faites par la requérante, elle a, d’une part, ramené à un montant de 4 678,82 euros la totalité des financements accordés à celle-ci au titre du projet et, d’autre part, annoncé à celle-ci qu’elle émettrait une note de débit visant au remboursement d’une somme provisoirement fixée à 184 223,21 euros ainsi qu’une note de débit d’un montant de 7 344,46 euros, correspondant aux dommages et intérêts.

52      Par courrier du 31 mars 2010, la requérante a proposé qu’un nouvel audit soit réalisé, aux frais de l’entreprise, par un tiers indépendant choisi d’un commun accord. Elle a également renouvelé sa demande de paiement d’un montant de 83 627,68 euros, correspondant au solde de la subvention qu’elle estimait être en droit de recevoir pour l’ensemble de ses travaux relatifs au projet. Elle fondait cette demande sur son rapport financier relatif à l’ensemble du projet, en date du 7 février 2009. Ce rapport était accompagné d’un certificat d’audit en date du 21 février 2009.

53      Le 1er avril 2010, la Commission a adressé à la requérante une première note de débit, en date du 31 mars 2010, pour un montant de 184 129,74 euros, au titre des montants que la Commission estimait avoir été versés indûment (ci-après la « première note de débit »). Cette note de débit fixait l’échéance du paiement au 17 mai 2010 et a fait l’objet d’un rappel le 2 juin 2010.

54      La Commission a adressé à la requérante une seconde note de débit, en date du 5 mai 2010, pour un montant de 7 334,46 euros, correspondant aux dommages et intérêts prévus à l’article II. 30 des conditions générales du contrat (ci-après la « seconde note de débit »). Cette note de débit fixait l’échéance du paiement au 17 juin 2010 et a fait l’objet d’un rappel le 25 juin 2010.

55      La requérante a contesté les première et seconde notes de débit (ci-après, prises ensemble, les « notes de débit ») par courrier du 29 juillet 2010, indiquant qu’elle se trouvait dans l’incapacité financière de donner suite à cette demande de paiement et qu’elle avait décidé d’introduire un recours devant le Tribunal. Dans sa réponse à ce courrier, datée du 12 août 2010, la Commission a confirmé son intention de réclamer le paiement des sommes demandées, augmentées des intérêts, et a décliné la proposition de la requérante de faire réaliser un nouvel audit.

 Procédure et conclusions des parties

56      Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 28 juillet 2010, la requérante a introduit le présent recours.

57      En cours d’instance, le 27 août 2010, puis, de nouveau, le 1er octobre 2010, la Commission a adressé à la requérante une injonction de payer les sommes figurant dans les notes de débit. Cette dernière a contesté ces injonctions par courrier du 15 octobre 2010.

58      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater et déclarer qu’elle a dûment exécuté ses obligations contractuelles ;

–        constater et déclarer qu’elle n’a commis aucune irrégularité au sens du contrat ;

–        constater et déclarer qu’elle n’a pas commis d’irrégularités systématiques ;

–        constater et déclarer que la Commission a violé ses obligations contractuelles, en omettant de lui verser les sommes dues pour les travaux qu’elle a effectués et en lui demandant le remboursement des sommes déjà versées ;

–        constater et déclarer que la Commission a agi en violation de l’article II. 1, paragraphe 11, de l’article II. 16, paragraphes 1 et 2, et de l’article II. 29 des conditions générales du contrat ainsi que des principes d’équité, de proportionnalité, de bonne administration et de bonne foi dans l’exécution du contrat ;

–        en conséquence, condamner la Commission à lui verser une somme de 83 627,68 euros, majorée des intérêts, correspondant aux dépenses qu’elle a engagées dans le cadre du projet et non encore remboursées par la Commission ;

–        en conséquence, annuler, résilier – y compris par l’émission de notes de crédit correspondantes – ou à tout le moins déclarer l’illicéité des notes de débit ;

–        condamner la Commission aux dépens.

59      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre reconventionnel, condamner la requérante à lui verser une somme de 184 129,74 euros, augmentée des intérêts à compter du 18 mai 2010, correspondant au remboursement d’une partie de la contribution financière dont elle a bénéficié, ainsi qu’une somme de 7 344,46 euros, augmentée des intérêts à compter du 18 juin 2010, correspondant à des pénalités contractuelles ;

–        condamner la requérante aux dépens.

60      Après la clôture de la procédure écrite, intervenue le 17 février 2011, la Commission a été autorisée à verser au dossier une première pièce intitulée « Information de garantie et sur le droit de la défense – Avis de conclusions des enquêtes » établie par le procureur de la République près le tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie), en date du 27 avril 2011, et une seconde pièce, intitulée « Ordonnance dans la procédure de référé sur la saisie conservatoire », provenant de la Cour des comptes – Chambre juridictionnelle pour la région Lombardie, en date du 28 juillet 2011.

61      Dans les observations qu’elle a présentées sur ces documents, la requérante conteste la recevabilité de ces éléments de preuve. En outre, elle fait valoir notamment qu’aucune des accusations qui la concernent n’est pertinente pour le présent litige ni n’a fait l’objet d’une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée. Elle demande, au cas où le Tribunal entendrait prendre ces documents en considération, que la présente affaire soit suspendue jusqu’à l’intervention, dans les procédures auxquelles les documents en cause se rapportent, de décisions juridictionnelles nationales définitives.

62      Lors de l’audience, la requérante a confirmé que les cinq premiers chefs de conclusions de la requête se rapportaient plutôt aux moyens qu’aux conclusions du recours. De plus, elle a fourni des précisions en ce qui concerne le sixième chef de conclusions du recours. Enfin, elle a précisé que le septième chef de conclusions du recours devait être interprété comme tendant à contester l’obligation de payer mise à sa charge par les notes de débit.

63      À la lumière des précisions apportées par la requérante lors de l’audience, la Commission a retiré les fins de non-recevoir qu’elle avait opposées aux sixième et septième chefs de conclusions du recours.

 En droit

64      À l’appui de son recours, la requérante soulève six moyens. Le premier tend à établir qu’elle a correctement et constamment rempli ses obligations contractuelles. Le deuxième est tiré de la violation par la Commission de l’article II. 16, paragraphe 2, et de l’article II. 1, paragraphe 11, des conditions générales, dès lors qu’elle-même n’a commis aucune des irrégularités qui lui ont été reprochées. Par le troisième, la requérante allègue la violation de l’article II. 16, paragraphe 1, des conditions générales du contrat. Dans le quatrième, la requérante soutient que la Commission, en retenant à son égard l’existence d’irrégularités systématiques, a violé le contrat ainsi que les principes de proportionnalité et de bonne foi contractuelle. Le cinquième est tiré de la violation de l’article II. 29 des conditions générales et de la violation des droits de la défense. Par le sixième, la requérante allègue la violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement (Euratom, CE) n° 2185/96 du Conseil, du 11 novembre 1996, relatif aux contrôles et vérifications sur place effectués par la Commission pour la protection des intérêts financiers des Communautés européennes contre les fraudes et autres irrégularités (JO L 292, p. 2).

65      Ainsi qu’il a été rappelé aux points 31 à 43 ci-dessus, la Commission a décidé unilatéralement de résilier le contrat en ce qui concerne la requérante et de mettre fin à la participation de celle-ci au projet à la suite d’irrégularités apparues lors de la réalisation d’un audit qui s’est déroulé dans les locaux de la requérante et portait sur la première période de référence, allant du 1er février 2006 au 31 janvier 2007.

66      Il convient donc d’examiner, en premier lieu, les cinquième et sixième moyens du recours, dans le cadre desquels la requérante conteste la régularité des opérations de contrôle dont elle a fait l’objet.

 Sur le cinquième moyen du recours, tiré de la violation de l’article II. 29 des conditions générales et de la violation des droits de la défense, et sur le sixième moyen du recours, tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 2185/96

 Arguments des parties

67      Dans le cadre du cinquième moyen du recours, la requérante soutient que l’article II. 29, paragraphe 1, des conditions générales impose que les audits auxquels sont soumis les cocontractants soient réalisés ou bien exclusivement par des tiers ou bien exclusivement par les services de la Commission, mais que cette stipulation ne permet pas la participation conjointe d’agents de la Commission et de tiers aux activités d’un audit. Or, premièrement, en prenant une part active aux opérations d’enquête, un agent de la Commission aurait porté atteinte à l’objectivité des résultats de l’audit, que visait à garantir la désignation d’un tiers. En effet, en prévoyant qu’ils peuvent être exercés ou par la Commission ou par un tiers, l’article II. 29, paragraphe 1, des conditions générales du contrat aurait pour objet de garantir l’objectivité des contrôles. Deuxièmement, les constatations faites par l’agent de la Commission auraient joué un rôle déterminant dans l’appréciation portée par GDA lors de l’audit, comme en témoigneraient le projet de rapport d’audit ainsi que la version finale de ce rapport. GDA se serait en fait contentée de reprendre à son compte les observations figurant dans la lettre de la Commission du 24 novembre 2008. Le rapport d’audit ferait donc état de la position d’une seule des parties au contrat et ne lui serait pas opposable.

68      Dans le cadre du sixième moyen du recours, la requérante fait valoir en outre que l’audit d’octobre 2008 portait sur des questions étrangères à la seule gestion administrative et comptable du projet. Dans ces conditions, elle estime que les opérations de contrôle en cause constituaient une véritable inspection et que, en conséquence, les dispositions du règlement n° 2185/96 étaient applicables.

69      Or, la requérante. soutient que, en violation de l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 2185/96, les agents de la Commission qui ont procédé aux opérations de contrôle sur place n’ont pas produit d’habilitation ni de document indiquant quel était l’objet de leurs vérifications.

70      En outre, lors de l’audience, la requérante a demandé à être autorisée à verser au dossier la note DPO-338.1 de la direction générale (DG) « Société de l’information et médias » de la Commission, du 2 février 2011, dont il résulterait qu’une déclaration relative à la protection des données personnelles doit être jointe aux lettres par lesquelles la Commission ouvre les procédures d’audit et de contrôle (point 11). Lors de l’audience, elle a soutenu que la Commission ne s’était pas conformée en l’espèce à cette obligation.

71      De plus, les agents de la Commission auraient enfreint les règles de procédure en vigueur en Italie, auxquelles renvoie expressément l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 2185/96, notamment les droits de la défense, tels que prévus à l’article 143 du code de procédure pénale italien et à l’article 122 du code de procédure civile. Les agents de la Commission, en effet, auraient adopté un comportement partial et hostile et l’auraient empêchée de présenter correctement ses observations et de fournir les clarifications nécessaires. En particulier, les agents de la Commission auraient mené les entretiens avec son personnel en anglais, alors que tous les agents de l’entreprise ne maîtrisaient pas cette langue et ils auraient refusé que ceux-ci soient assistés par un interprète.

72      La requérante estime enfin que, en tout état de cause, même à supposer que le règlement n° 2185/96 ne soit pas applicable, la Commission était tenue de se conformer à la législation italienne en vigueur au lieu de l’inspection. Or, la Commission aurait notamment violé les dispositions du décret directorial du ministère du Travail italien, du 20 avril 2006, relatif aux inspections en matière de travail, et l’article 52 du décret du président de la République italienne n° 633, du 26 octobre 1972, relatif à l’institution et au régime de la taxe sur la valeur ajoutée, lesquels imposaient notamment que l’objet du contrôle soit correctement indiqué et que les procès-verbaux soient communiqués à l’entreprise.

73      La Commission conteste l’ensemble de ces arguments.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur la recevabilité de la note de la Commission du 2 février 2011, le caractère opérant de l’argument tiré par la requérante de la violation de l’obligation mentionnée au point 11 de ce document et la recevabilité de l’argument tiré par la requérante de la violation de la réglementation de l’Union relative à la protection des données personnelles

74      Lors de l’audience, la requérante. a demandé à être autorisée à verser au dossier la note de la Commission du 2 février 2011 (voir point 70 ci-dessus). Elle entend tirer argument de ce document, dont le point 11 prévoit qu’une déclaration relative à la protection des données personnelles doit être jointe aux lettres par lesquelles la Commission ouvre les procédures d’audit et de contrôle, et soutient que, en l’absence d’une telle notification, l’audit dont elle a fait l’objet se serait déroulé en méconnaissance des règles relatives à la protection des données personnelles.

75      Il suffit à cet égard d’observer que la note en cause porte la date du 2 février 2011 et que les obligations qu’elle prévoit n’ont pu avoir d’incidence sur la régularité de l’audit, dont les opérations ont débuté le 14 octobre 2008 (voir point 33 ci-dessus). Il s’ensuit que cette offre de preuve est dépourvue de pertinence et qu’il n’y a pas lieu de verser ce document au dossier.

76      Par ailleurs, à supposer que la requérante ait entendu se prévaloir de la violation de la réglementation de l’Union relative à la protection des données personnelles, il convient de relever que ce moyen n’est assorti d’aucune précision de nature à permettre au Tribunal d’en apprécier le bien-fondé. Il est, de ce fait, irrecevable en application de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal.

–       Sur le bien-fondé des cinquième et sixième moyens

77      L’article II. 29, paragraphe 1, première phrase, des conditions générales est ainsi rédigé :

« La Commission peut, à n’importe quel moment pendant la durée du contrat et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, organiser des audits, menés ou bien par des réviseurs scientifiques ou techniques ou par des auditeurs externes, ou bien par les services de la Commission elle-même, incluant l’OLAF. »

78      La conjonction « either … or … » (ou bien … ou bien …), employée dans l’original en anglais de la stipulation reproduite au point 77 ci-dessus, est expliquée comme suit dans l’Oxford English Dictionary (version accessible en ligne) :

« La fonction première de la conjonction […] consiste à mettre l’accent sur l’indifférence qui existe entre deux ou plusieurs termes […] Toutefois, une fonction secondaire consiste à insister sur l’exclusion mutuelle entre les termes, c’est-à-dire l’un des deux termes, mais pas les deux ».

79      De même, le Collins English Dictionary (édition de 2005) indique que le terme « either », lorsqu’il est utilisé en tant que conjonction de coordination, précède l’énoncé de deux ou de plus de deux possibilités réunies par la conjonction « or », sans préciser que le sens de l’alternative ainsi introduite soit nécessairement exclusif.

80      Il est ainsi notoire que le sens exclusif de la conjonction de coordination employée à l’article II. 29, paragraphe 1, première phrase, des conditions générales, à savoir « l’un ou l’autre, mais pas les deux », même si, dans l’usage, il peut s’avérer le plus fréquent, n’en demeure pas moins un sens secondaire. Au contraire, le sens inclusif de cette conjonction, à savoir « l’un ou l’autre, ou les deux », en est le sens premier, lequel doit primer en l’espèce.

81      En effet, une interprétation inclusive de l’alternative envisagée à l’article II. 29, paragraphe 1, première phrase, des conditions générales, à savoir la possibilité pour la Commission de soumettre les cocontractants à des audits réalisés par des consultants extérieurs agissant seuls ou par des agents de la Commission agissant seuls ou encore par des consultants extérieurs et par des agents de la Commission agissant conjointement, se déduit à l’évidence de l’objectif poursuivi par cette stipulation. L’article II. 29 des conditions générales a pour objet de permettre à la Commission de décider, si elle l’estime opportun, de soumettre les cocontractants à des opérations de contrôle conduites par des tiers au contrat – ainsi que d’obliger les cocontractants à se soumettre à ces contrôles. Ainsi, loin d’exclure la participation d’agents de la Commission lors de contrôles confiés à des tiers, ledit article a pour objet de permettre que, outre les contrôles menés par la Commission elle-même, lesquels peuvent, du reste, s’appuyer sur la réglementation de l’Union, des entreprises tierces soient elles aussi investies de pouvoirs de contrôle à l’égard des cocontractants.

82      La requérante, en revanche, soutient que la participation d’agents de la Commission au côté des consultants externes porte atteinte aux droits de la défense et que cette violation des droits de la défense justifie qu’on attribue un sens exclusif à la conjonction « either … or … ». Toutefois, une telle argumentation ne saurait être retenue. En effet, dès lors que, quelle que soit l’interprétation suivie, il est incontestable que la participation des agents de la Commission à des opérations d’audit est prévue à l’article II. 29, paragraphe 1, première phrase, des conditions générales, la participation conjointe d’agents de la Commission et de consultants externes ne saurait, par elle-même, poser problème au regard des droits de la défense.

83      Par ailleurs, les allégations de partialité dont, selon la requérante, les agents de la Commission ont fait preuve ne sont établies par aucune des pièces du dossier. Au contraire, les procès-verbaux des auditions des coordonnateurs du projet pour la requérante, joints par elle en annexe à la requête, démontrent que ses employés ont été soumis à des questions dont la teneur ne permet pas d’établir la partialité qu’elle allègue et dont l’objet portait sur le contenu de leurs activités et leur emploi du temps, ce qui correspond aux vérifications normales dans le cadre d’un tel contrôle. De plus, l’échange d’informations entre les participants aux opérations de contrôle est une pratique indispensable à la régularité de ces opérations et ne constitue nullement une preuve de l’absence d’indépendance à l’égard de la Commission des employés de GDA.

84      Enfin, il est constant que la requérante a disposé de la possibilité de présenter ses observations sur le projet de rapport d’audit et qu’il a été tenu compte de ses objections dans la version finale du rapport (voir points 47 à 49 ci-dessus).

85      Par suite, les allégations tirées par la requérante de la violation de l’article II. 29 des conditions générales et des droits de la défense sont dépourvues de fondement et il s’ensuit que le cinquième moyen doit être écarté.

86      Dans le cadre du sixième moyen, la requérante se prévaut en outre, pour contester les résultats de l’audit, de la violation, au cours des opérations de contrôle, des dispositions du règlement n° 2185/96.

87      Ce règlement régit les pouvoirs d’inspection et de perquisition dévolus aux contrôleurs de la Commission, lesquels peuvent se faire assister par des agents des États membres. Le régime de ces contrôles suppose qu’il existe a priori des raisons de penser que des irrégularités ont été commises et les contrôleurs de la Commission doivent indiquer, au début de leur perquisition, l’objet et le but du contrôle. Ils peuvent exiger la communication de toute information qu’ils estiment utile, ont accès à la documentation des opérateurs et peuvent prendre copie de tous documents. De tels contrôles sont prévus à l’article II. 29, paragraphe 6, des conditions générales.

88      Cependant, l’audit auquel la requérante a été soumise en l’espèce n’a pas pour fondement l’article II. 29, paragraphe 6, des conditions générales, mais le paragraphe 1 de cet article.

89      Pour soutenir que l’audit relèverait en réalité des opérations de perquisition sur place prévues à l’article II. 29, paragraphe 6, des conditions générales, la requérante se fonde essentiellement sur le caractère technique de certaines questions posées à ses employés et sur la circonstance que les techniciens affectés au projet ont été entendus, alors que l’audit aurait dû avoir en principe un caractère exclusivement administratif.

90      Force est pourtant de constater que les domaines sur lesquels peuvent porter les audits décidés en application de l’article II. 29, paragraphe 1, des conditions générales recouvrent les aspects scientifiques, technologiques et tous les aspects nécessaires à l’évaluation de la conduite du projet, tels que la comptabilité et les principes de management mis en œuvre.

91      Ainsi, en l’espèce, l’évaluation de la réalité des dépenses de personnel faisait partie du champ des investigations couvertes par l’article II. 29, paragraphe 1, des conditions générales et présupposait de chercher à déterminer, par des entretiens avec le personnel en cause, le degré de l’implication de celui-ci dans le projet. Partant, le seul fait que des questions ont été adressées dans le cadre de l’audit au personnel technique de la requérante ne suffit pas à établir que celle-ci a fait l’objet d’un contrôle sur place en application du règlement n° 2185/96.

92      Par suite, les allégations de la requérante selon lesquelles les garanties procédurales prévues par le règlement n° 2185/96 ont été violées lors de l’audit doivent être écartées comme inopérantes.

93      En outre, il convient de relever qu’aucun principe général n’imposait, en l’espèce, que les employés de la requérante soient assistés d’un interprète, dès lors que les seules déclarations de membres du personnel et de collaborateurs de celle-ci dont il est fait état dans le rapport d’audit sont celles obtenues lors d’entretiens dont les procès-verbaux démontrent que les personnes entendues maîtrisaient l’anglais.

94      Enfin, il convient d’écarter comme inopérants les arguments tirés par la requérante des codes de procédures civile et pénale italiens, ainsi que du décret directorial du ministère du Travail italien du 20 avril 2006, relatif aux inspections en matière de travail, et de l’article 52 du décret du président de la République italienne n° 633, du 26 octobre 1972, relatif à l’institution et au régime de la taxe sur la valeur ajoutée. Aucune de ces normes, en effet, n’est d’application dans le cadre du présent litige.

95      Il résulte de ce qui précède que le sixième moyen doit être écarté.

 Sur le deuxième moyen du recours, tiré de la violation par la Commission de l’article II. 16, paragraphe 2, et de l’article II. 1, paragraphe 11, des conditions générales, et sur le quatrième moyen du recours, tiré de ce que la Commission, en retenant l’existence d’irrégularités systématiques pour étendre le résultat de l’audit aux périodes postérieures, a violé le contrat ainsi que les principes de proportionnalité et de bonne foi contractuelle

 Arguments des parties

96      Dans le cadre du deuxième moyen du recours, la requérante conteste, en premier lieu, les griefs retenus par la Commission pour justifier la résiliation du contrat. Elle estime, notamment, que c’est à tort que la Commission a remis en cause ses déclarations relatives aux heures de travail que son personnel a effectuées pour le projet.

97      Premièrement, les faits allégués par la Commission seraient matériellement inexacts. Deuxièmement, le mode de comptabilisation des heures de travail qu’elle a mis en place ne serait, en tout état de cause, pas de nature à justifier la résiliation du contrat. Troisièmement, le projet, contrairement à ce que soutient la Commission, devrait être analysé non comme un ensemble de prestations de moyens, justifiant une comptabilité rigoureuse de la quantité de travail fournie par chacun des participants, mais plutôt comme un ensemble de prestations de résultats, ce qui correspondrait à l’approche retenue par la Commission pour les contrats conclus sous l’empire du septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013).

98      En deuxième lieu, la requérante estime que, en tout état de cause et même à les supposer fondés, aucun des griefs formulés par la Commission ne constitue des irrégularités au sens de l’article II. 1, paragraphe 11, des conditions générales.

99      En troisième lieu, la requérante affirme que les motifs réels pour lesquels la Commission a décidé de résilier le contrat sont étrangers aux prétendues irrégularités qui lui ont été reprochées ainsi qu’aux résultats de l’audit confié à GDA en octobre 2008. Selon elle, les véritables motifs expliquant l’attitude de la Commission à son égard, lesquels s’inscriraient dans une démarche générale de remise en cause des relations contractuelles existant entre la Commission et ses cocontractants à la suite de l’ouverture d’une enquête par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et les autorités nationales en 2008, seraient dépourvus de fondement.

100    En quatrième lieu, la requérante fait valoir qu’elle disposait de l’ensemble des compétences techniques requises et qu’elle a été choisie comme coordonnateur du projet en raison de la capacité qui est la sienne – et qui lui a été reconnue lors de la conclusion du contrat – à intégrer l’ensemble des éléments du projet en vue de réaliser un prototype.

101    Dans le cadre du quatrième moyen du recours, la requérante soutient en outre que la Commission ne pouvait étendre les conclusions de l’audit de GDA, lequel a exclusivement porté sur la première période de référence, aux périodes postérieures sans violer les principes de proportionnalité et de bonne foi contractuelle ainsi que les stipulations du contrat.

102    La Commission conteste l’ensemble de ces allégations.

 Appréciation du Tribunal

103    En vertu de l’article II. 16, paragraphe 2, sous a), des conditions générales, la Commission peut mettre fin immédiatement à la participation d’un cocontractant lorsque celui-ci a délibérément ou par négligence commis une irrégularité dans l’exécution de tout contrat passé avec la Commission.

104    Les conditions d’application du pouvoir unilatéral de résiliation avec effet immédiat dévolues à la Commission par l’article II. 16, paragraphe 2, sous a), des conditions générales comprennent donc, premièrement, une condition objective, à savoir l’existence d’une irrégularité et non d’un simple manquement du cocontractant à ses obligations contractuelles, et, deuxièmement, une condition subjective, à savoir la possibilité d’imputer pleinement cette irrégularité au cocontractant, ce qui implique ou bien que celui-ci ait commis cette irrégularité en connaissance de cause (deliberately) ou bien que cette irrégularité soit le résultat de sa négligence.

105    Les parties s’opposent sur le contenu de la notion d’irrégularité, la requérante faisant valoir que ne peut être qualifié d’irrégularité qu’un manquement particulièrement grave et de nature à entraîner un préjudice sérieux pour le budget de l’Union.

106    À cet égard, la notion d’irrégularité correspond, selon l’article II. 1, paragraphe 11, à la définition suivante :

« Irrégularité : désigne toute violation d’une disposition du droit communautaire ou d’une obligation contractuelle résultant d’un acte ou d’une omission de la part d’un cocontractant qui entraîne ou est susceptible d’entraîner un préjudice pour le budget général des Communautés européennes ou des budgets gérés par les Communautés européennes en imposant une dépense injustifiée. »

107    Force est de constater que la notion d’irrégularité est ainsi définie uniquement par deux critères cumulatifs : une violation d’une règle de droit ou d’une stipulation contractuelle et le fait pour celle-ci d’entraîner ou d’être susceptible d’entraîner des conséquences financières en mettant à la charge des budgets gérés par l’Union des dépenses injustifiées. Une telle définition ne comporte, en revanche, aucun seuil de gravité.

108    Partant, il résulte du rapprochement des stipulations de l’article II. 1, paragraphe 11, et de l’article II. 16, paragraphe 2, sous a), des conditions générales que, lorsqu’elle constate qu’un cocontractant a commis, de manière délibérée ou par simple négligence, une violation de ses obligations contractuelles ou de la réglementation ayant pour effet de mettre ou de risquer de mettre à la charge du budget de l’Union une dépense injustifiée, la Commission est fondée à procéder à la résiliation immédiate du contrat à l’égard de ce cocontractant, et ce indépendamment de la gravité de l’infraction et de l’importance des conséquences financières de celle-ci.

109    En l’espèce, la Commission reproche à la requérante d’avoir commis deux irrégularités distinctes. La première concerne la comptabilisation des heures de travail de son personnel et la seconde est relative à l’incapacité de la société, dans son rôle de coordonnateur du consortium, de justifier avoir transmis des documents authentiques à la Commission. Il convient donc d’examiner, en premier lieu, la question de savoir si les fautes contractuelles alléguées par la Commission sont établies et, en second lieu, si ces fautes peuvent être qualifiées d’irrégularités au sens du contrat.

110    En premier lieu, en ce qui concerne la question de savoir si les dépenses de personnel ont été justifiées, la requérante soutient que les données qu’elle a déclarées sont sincères et constituent un reflet exact de la réalité. Elle admet cependant n’avoir été en mesure de produire, lors de l’audit, que des documents présentant ces données de façon agrégée et indique, dans la réplique, que les fiches horaires établies par chaque employé ont « malencontreusement été perdues un raison d’un dysfonctionnement imprévu du système d’exploitation et de sauvegarde des données ». Enfin, elle estime que la Commission n’est pas fondée à lui reprocher son système d’enregistrement des heures de travail, dès lors que l’article II. 19, paragraphe 1, des conditions générales n’impose aucune méthode de comptabilisation déterminée.

111    À cet égard, il convient d’observer que l’article II. 19 des conditions générales définit les critères auxquels doivent satisfaire les dépenses déclarées par un cocontractant pour être considérées comme éligibles, c’est-à-dire prises en compte pour le calcul de la subvention due à ce cocontractant. Pour être éligibles, les dépenses déclarées doivent, notamment, représenter des charges réelles, correspondre à la rationalité économique et être nécessaires à la réalisation du projet [article II. 19, paragraphe 1, sous a), des conditions générales], être établies conformément aux principes comptables habituellement appliqués par le cocontractant [article II. 19, paragraphe 1, sous b), des conditions générales] et avoir été enregistrées en comptabilité selon les procédures comptables en vigueur dans l’État membre où le cocontractant est établi, de manière à permettre d’identifier immédiatement les charges et les produits afférents à l’exécution du projet dans les comptes généraux afférents à l’ensemble des activités du cocontractant [article II. 19, paragraphe 1, sous d), des conditions générales].

112    La requérante est ainsi fondée à soutenir que le contrat se limite à imposer des principes généraux et laisse libres les cocontractants de déterminer les procédures concrètes d’enregistrement comptable des charges dont ils estiment qu’elles constituent des dépenses éligibles pour le calcul de la subvention de l’Union. Cependant, ainsi que le fait valoir la Commission dans le mémoire en défense, il n’a été nullement reproché à la requérante de ne pas avoir utilisé une méthode déterminée d’enregistrement et de comptabilisation des heures de travail de son personnel, mais de ne pas avoir utilisé une méthode lui permettant de justifier le montant des dépenses de personnel qu’elle a déclarées à la Commission.

113    En effet, il est constant que, lors de l’audit, la requérante n’a produit que des tableaux agrégeant le nombre d’heures de travail consacrées par ses employés au projet ainsi que seulement quelques-unes des fiches horaires, en principe établies en temps réel par chaque employé. Certaines fiches horaires ont été écartées par les auditeurs en raison de leur établissement à une période manifestement postérieure à celle sur laquelle portait la déclaration, ou de leur signature par des employés qui ne travaillaient plus pour la requérante à la date de ces signatures, ou encore de divergences entre le nombre d’heures indiquées dans les fiches horaires et les déclarations des coordonnateurs du projet entendus lors de l’audit. Enfin, la requérante a admis ne pouvoir produire les fiches horaires relatives à la période sur laquelle l’audit a porté en raison d’un dysfonctionnement qu’elle qualifie, elle-même, de malencontreux.

114    Il s’ensuit que ni lors du contrôle ni à la suite de la lettre de la Commission l’informant de son intention de résilier le contrat en conséquence, notamment, de son incapacité à justifier la réalité et le caractère éligible au financement par l’Union des dépenses de personnel qu’elle a déclarées, la requérante n’a présenté de justifications de nature à établir que les dépenses de personnel qu’elle a déclarées correspondaient à des heures de travail réellement effectuées et consacrées au projet. En conséquence, il convient de constater que la requérante n’a pas satisfait à l’obligation prévue à l’article II. 19, paragraphe 1, des conditions générales.

115    En second lieu, en ce qui concerne la question de savoir si la déclaration à la Commission de dépenses de personnel non justifiées constitue une irrégularité au sens de l’article II. 16, paragraphe 2, sous a), des conditions générales, premièrement, il convient de rappeler que les cocontractants de la Commission sont soumis à l’obligation d’être en mesure de justifier de la réalité des dépenses qu’ils déclarent comme éligibles à un financement par le budget de l’Union. En effet, ainsi qu’il vient d’être relevé, cette obligation découle de la nécessité, qui leur incombe, de prouver que la condition de l’éligibilité des charges, visée à l’article II. 19, paragraphe 1, des conditions générales, est remplie. Cette obligation trouve également sa source dans celle, prévue à l’article II. 3, paragraphe 1, sous d), et à l’article II. 29, paragraphes 2 et 3, des conditions générales, de conserver pendant une durée de cinq ans et de produire, à la demande de la Commission, les originaux ou, du moins, des copies authentifiées de toutes les pièces justificatives nécessaires pour démontrer la bonne exécution du contrat.

116    Dans ces conditions, l’incapacité de la requérante à produire les pièces justificatives des dépenses de personnel qu’elle a déclarées au titre de la première période de référence constitue une violation de ses obligations contractuelles.

117    Deuxièmement, cette violation par la requérante de ses obligations contractuelles a eu une incidence sur le budget de l’Union, puisque, en conséquence de la déclaration de dépenses non justifiée, la Commission a versé à la requérante une contribution financière. En effet, il résulte de l’article 5 du contrat que la subvention accordée devait prendre la forme d’une contribution au budget du projet. Or, en vertu de l’article II. 24, paragraphe 1, des conditions générales, dans le cas d’une contribution au budget, celle-ci devait être fondée sur le remboursement des dépenses éligibles déclarées par les cocontractants. Partant, les deux critères de l’irrégularité au sens de l’article II. 1, paragraphe 11, des conditions générales (voir point 107 ci-dessus) sont remplis.

118    Troisièmement, en l’absence de circonstances exceptionnelles dont la réalité n’a pas été établie en l’espèce, l’incapacité d’un cocontractant à fournir les pièces justificatives afférentes aux dépenses déclarées constitue une négligence au sens de l’article II. 16, paragraphe 2, sous a), des conditions générales.

119    Or, la seule explication avancée par la requérante consiste en un dysfonctionnement de son système informatique dans lequel les pièces justificatives en cause étaient prétendument enregistrées. Ces allégations ne sont nullement établies. En tout état de cause, même à les supposer exactes, elles sont insuffisantes pour écarter la négligence. En effet, d’une part, les cocontractants sont soumis à l’obligation de conserver les originaux des pièces justificatives pendant une durée de cinq ans. D’autre part, une panne des systèmes informatiques ne saurait constituer une circonstance exceptionnelle irrésistible, en raison de la possibilité de mettre en place des systèmes de sauvegarde des données que la requérante, en sa qualité de spécialiste de l’intégration de systèmes informatiques, ne pouvait pas ignorer.

120    Il résulte de ce qui précède que la Commission a démontré que l’impossibilité dans laquelle la requérante se trouve depuis l’audit de justifier de la réalité des dépenses de personnel qu’elle a déclarées au titre de la première période de référence – à savoir la quasi-totalité de ces dépenses – constitue une irrégularité au sens de l’article II. 1, paragraphe 11, des conditions générales et révèle un cas de négligence au sens de l’article II. 16, paragraphe 2, sous a), des conditions générales. Dans ces conditions, en application de cette dernière stipulation, la Commission était fondée à résilier unilatéralement le contrat à l’égard de la requérante avec effet immédiat.

121    Dès lors, puisque ce motif suffit à lui seul à justifier la résiliation du contrat, le deuxième moyen doit être écarté, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le bien-fondé des arguments des parties en ce qui concerne les autres griefs retenus par la Commission ni de se prononcer sur la recevabilité des documents produits par la Commission après la clôture de la procédure écrite.

122    La requérante soutient, néanmoins que l’audit n’a porté que sur la première période de référence, allant du 1er février 2006 au 31 janvier 2007, et que la Commission ne pouvait étendre les conséquences des manquements qu’elle a observés lors des opérations de contrôle aux dépenses déclarées au titre des deuxième (1er février 2007-31 janvier 2008) et troisième (1er février 2008-31 janvier 2009) périodes de référence.

123    Tout d’abord, il convient de rappeler, que si, à la suite des opérations de contrôle, la Commission a décidé de résilier le contrat en ce qui concerne la participation de la requérante au projet, ce n’est qu’après l’adoption du rapport d’audit définitif que la Commission a tiré les conséquences financières des irrégularités qu’elle avait observées, en ne retenant que les dépenses justifiées au titre de la première période de référence et en refusant d’admettre les dépenses déclarées au titre des deuxième et troisième périodes de référence.

124    À cet égard, les obligations de nature comptable qui incombaient à la requérante au titre des deuxième et troisième périodes de référence ne différaient pas de celles dont le manquement lui a été reproché au titre de la première période. Or, il résulte du rapport d’audit que les réviseurs indépendants ont présenté, durant les opérations de contrôle, des observations relatives à l’absence de système fiable de comptabilisation des dépenses de personnel à la date du contrôle, c’est-à-dire à la fin de l’année 2008, et qu’ils ont fait des recommandations visant à la mise en place d’un tel système.

125    La requérante, pour sa part, prétend avoir mis en œuvre ces recommandations. La réalité de ces allégations n’est nullement établie. En tout état de cause, même à supposer qu’elles soient exactes, elles ne pourraient avoir d’effet que pour la période postérieure au contrôle et antérieure à la résiliation, soit pour la période allant, au plus tôt, du 14 octobre 2008 au 29 janvier 2009 inclus.

126    Par ailleurs, la requérante n’a présenté ni à la Commission ni au Tribunal de justification des dépenses qu’elle a prétendument encourues postérieurement au 31 janvier 2007. Or, la réalité de ces dépenses a été remise en cause par la Commission (voir point 49 ci-dessus) et l’obligation pour les cocontractants de justifier de l’éligibilité des dépenses qu’ils déclarent (voir point 115 ci-dessus) leur incombe indépendamment de la question de savoir si ceux-ci font ou non l’objet d’un audit.

127    En l’espèce, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la Commission ne s’est pas bornée à constater que les irrégularités décelées au titre de la première période de référence revêtaient un caractère systématique, bien qu’elle ait relevé que tel était le cas, mais elle s’est fondée sur l’absence de justification des dépenses déclarées pour la totalité de la durée d’exécution du contrat.

128    Dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la Commission a méconnu le contrat et violé le principe de bonne foi contractuelle en refusant de considérer comme justifiées les dépenses déclarées au titre des périodes postérieures au 31 janvier 2007.

129    Ensuite, contrairement à ce que soutient la requérante, la remise en cause des dépenses de personnel non justifiées ne présente pas un caractère disproportionné, eu égard à l’économie du contrat.

130    En effet, il convient d’observer que les réviseurs de GDA ont proposé à la Commission de remettre en cause le caractère éligible des dépenses de personnel (soit le principal poste de coûts directs et la totalité des coûts indirects) déclarées par la requérante au titre de la première période de référence, au motif que, à défaut de justification appropriée, la réalité de ces dépenses ne pouvait être établie. Les réviseurs ont également estimé que seule une partie des frais de déplacement était justifiée. La correction financière adoptée par la Commission au titre de la première période de référence est ainsi strictement égale au montant des dépenses non justifiées par la requérante au titre de cette même période.

131    En outre, il y a lieu de constater que l’ampleur des redressements proposés par GDA au titre de la première période de référence concerne plus de 96 % du montant des dépenses déclarées. Un tel constat crée un doute sérieux quant à la sincérité des déclarations souscrites par la requérante au titre des périodes ultérieures. Or la requérante, alors qu’elle a été avertie le 24 novembre 2009 de l’intention de la Commission de remettre en cause l’intégralité des dépenses déclarées au titre de ces périodes, est restée depuis en défaut de justifier la réalité de celles-ci.

132    Dans ces conditions, ni la remise en cause des dépenses non justifiées qui avaient été déclarées au titre de la première période de référence ni celle de la totalité des dépenses déclarées au titre des périodes postérieures ne méconnaissent le principe de proportionnalité.

133    Enfin, dès lors que la Commission était en droit de résilier le contrat à l’égard de la requérante, cette résiliation ayant pris effet le 29 janvier 2009, il s’ensuit que les dépenses éventuellement exposées par la requérante depuis cette date l’ont été par sa seule volonté et que celle-ci ne peut prétendre, de ce fait, à un financement.

134    Il résulte de ce qui précède que la Commission était en droit de rejeter l’ensemble des demandes de financement présentées par la requérante au titre des périodes postérieures à la première période de référence et que, en conséquence, le quatrième moyen doit être écarté.

 Sur le troisième moyen du recours, tiré de la violation par la Commission de l’article II. 16, paragraphe 1, des conditions générales

 Arguments des parties

135    La requérante soutient que, dès lors qu’aucune irrégularité au sens de l’article II. 1, paragraphe 11, des conditions générales ne pouvait lui être reprochée, la Commission ne pouvait résilier le contrat qu’en application de l’article II. 16, paragraphe 1, des conditions générales du contrat. Or, la Commission aurait violé l’obligation qui résulte de cette disposition d’enjoindre à un cocontractant défaillant de trouver une solution appropriée pour remédier aux manquements qu’elle constate et de lui impartir, à cette fin, un délai de 30 jours avant de pouvoir procéder à la résiliation unilatérale du contrat. Une telle obligation ainsi que celle de tenir compte du fait que la requérante avait coordonné les travaux du consortium et exécuté la partie du projet qui lui incombait constitueraient en outre une application, dans le cadre du contrat, du principe général d’équité, mentionné à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1), ainsi que des principes de bonne foi contractuelle et de proportionnalité.

136    La Commission conteste l’ensemble de ces allégations.

 Appréciation du Tribunal

137    Conformément à l’article II. 16, paragraphe 1, des conditions générales, en cas de manquement d’un cocontractant à ses obligations contractuelles, la résiliation du contrat à son égard ne peut survenir qu’à l’issue d’une procédure contradictoire, pouvant impliquer non seulement la Commission et le cocontractant défaillant, mais également l’ensemble du consortium, et la résiliation ne peut intervenir qu’au cas où aucune solution satisfaisante ne peut être trouvée par les parties et au terme d’un délai de 30 jours. Dans le cadre du troisième moyen, la requérante se prévaut de la violation de cette stipulation, en ce que la Commission n’aurait pas respecté l’obligation de recourir à la procédure contradictoire qui y est prévue.

138    Toutefois, il résulte de l’analyse des deuxième et quatrième moyens du recours (voir points 103 à 134 ci-dessus) que la Commission était fondée, en vertu de l’article II. 16, paragraphe 2, sous a), des conditions générales, à mettre fin immédiatement à la participation de la requérante au projet. Il s’ensuit que le troisième moyen du recours doit être écarté comme inopérant.

 Sur le premier moyen du recours, tiré de ce que la requérante a rempli ses obligations contractuelles

 Arguments des parties

139    La requérante fait valoir qu’elle a toujours correctement respecté ses obligations contractuelles. Elle aurait fait le nécessaire pour réaliser les travaux programmés, tenu la Commission informée de leur avancement ainsi que des dépenses engagées. Ce faisant, elle aurait respecté les stipulations du contrat, en particulier celles prévues à l’article II. 7 des conditions générales. La Commission, d’ailleurs, ne contesterait pas avoir mené à bien l’ensemble des tâches qui lui avaient été confiées, ce qui devrait donc être considéré comme établi. Dès lors, la Commission ne pourrait lui refuser toute compensation financière pour les travaux qu’elle a réalisés sans entacher son comportement d’illicéité.

140    Contrairement à ce qu’estime la Commission dans le mémoire en défense, puisque l’une des raisons mises en avant pour justifier la résiliation du contrat serait constituée par les doutes éprouvés par l’institution quant à sa capacité à diriger et à coordonner les travaux de recherche relatifs au projet, le premier moyen serait opérant.

141    La Commission conteste la pertinence et le bien-fondé de ces allégations.

 Appréciation du Tribunal

142    Dans le cadre du premier moyen, la requérante fait valoir qu’elle a correctement exécuté la part du projet qui lui revenait et qu’elle s’est ainsi conformée à ses obligations contractuelles.

143    Il convient à cet égard de rappeler qu’il résulte de l’analyse du deuxième moyen du recours (voir points 110 à 116 ci-dessus) que c’est à bon droit que la Commission avait constaté que la requérante avait manqué à plusieurs de ses obligations contractuelles.

144    Il s’ensuit que c’est à tort que la requérante estime s’être conformée à l’ensemble de ses obligations et que la distinction qu’elle prétend faire entre les obligations de nature comptable et administrative, d’une part, et les obligations de nature scientifique et technique, d’autre part, ne trouve aucune base dans le contrat.

145    Il découle, de plus, du rejet du deuxième moyen du recours que la résiliation du contrat à l’égard de la requérante est étrangère à la question de savoir si celle-ci a correctement exécuté la part du projet qui lui revenait et que, en conséquence, le premier moyen du recours doit être écarté comme inopérant.

146    Il résulte de tout ce qui précède que l’ensemble des moyens du recours doit être écarté.

 Sur la demande reconventionnelle

 Arguments des parties

147    La Commission demande, à titre reconventionnel, que la requérante soit condamnée à lui verser une somme de 184 129,74 euros, augmentée des intérêts à compter du 18 mai 2010, correspondant aux montants antérieurement versés, ainsi qu’une somme de 7 344,46 euros, augmentée des intérêts à compter du 18 juin 2010, correspondant à des dommages et intérêts.

148    La Commission fonde sa demande de remboursement sur l’article II. 31 des conditions générales du contrat. Les observations faites durant l’audit de 2008 justifient, selon elle, le remboursement de l’intégralité des sommes versées à la requérante, à l’exception des dépenses que celle-ci a été en mesure de justifier.

149    La Commission s’estime également fondée à demander, en application de la clause pénale stipulée à l’article II. 30, paragraphe 6, des conditions générales du contrat, des dommages et intérêts correspondant à 10 % de la contribution demandée.

150    Enfin en vertu des stipulations combinées de l’article II. 28, paragraphe 7, et de l’article II. 31, paragraphe 2, des conditions générales du contrat, la Commission demande que les sommes en cause portent un intérêt fixé à 3,5 points de base en sus du taux de refinancement appliqué par la BCE le premier jour calendaire du mois au cours duquel les sommes en cause étaient dues.

151    La requérante conteste l’ensemble des demandes reconventionnelles dans leur principe. Elle fait valoir que, au contraire de la Commission, laquelle aurait agi en violation du contrat ainsi que des principes de proportionnalité et de bonne foi contractuelle, elle a respecté l’ensemble de ses obligations et n’a pas commis les irrégularités graves et systématiques qui lui sont reprochées.

152    La requérante fait valoir de plus que la Commission n’est pas fondée à exiger le paiement de dommages et intérêts, dès lors qu’elle a dûment mené les travaux de recherche contractuellement prévus et que la Commission n’a subi aucun préjudice.

 Appréciation du Tribunal

–       En ce qui concerne la répétition de l’indu

153    La requérante se borne à contester le principe de la demande reconventionnelle, au motif qu’il devrait être fait droit à son recours. En revanche, elle ne conteste pas les éléments de calcul de la Commission.

154    Ainsi qu’il vient d’être jugé, l’ensemble des moyens du recours de la requérante doit être rejeté. Les éléments de calcul présentés par la Commission n’étant ni contestés par la requérante ni contredits par aucune des pièces du dossier, il y a lieu de faire droit aux demandes de la Commission tendant à la condamnation de la requérante à lui rembourser une somme de 184 129,74 euros, à titre de répétition de la subvention indûment versée, conformément à l’article II. 31 des conditions générales.

–       En ce qui concerne le versement de dommages et intérêts

155    La requérante, sans contester les calculs effectués par la Commission, se borne à faire valoir que celle-ci n’est pas fondée à exiger le paiement de dommages et intérêts, dès lors qu’elle a dûment mené les travaux de recherche contractuellement prévus et que la Commission n’a subi aucun préjudice.

156    Il résulte de l’article II. 30 des conditions générales que les cocontractants encourent des dommages et intérêts du seul fait que, à la suite de déclaration de dépenses injustifiées, ils ont bénéficié de subventions indues. L’argument tiré par la requérante de ce qu’elle a mené à bien les tâches qui lui étaient imparties par le contrat est donc inopérant. Le préjudice financier subi par l’Union ayant été démontré (voir point 154 ci-dessus), c’est donc à bon droit que la Commission a estimé que la requérante était passible des dommages et intérêts qu’elle lui réclame.

157    Dès lors, il y a lieu de faire droit à la demande de la Commission tendant à ce que la requérante soit condamnée à lui verser une somme de 7 344,46 euros à titre de dommages et intérêts.

–       En ce qui concerne les intérêts

158    Il résulte des stipulations combinées de l’article II. 28, paragraphe 7, et de l’article II. 31, paragraphe 2, des conditions générales que toute somme due par un cocontractant en vertu du contrat porte intérêt à compter de l’échéance fixée par la Commission pour le paiement. Il convient donc de condamner la requérante à verser les intérêts prévus à l’article II. 28, paragraphe 7, des conditions générales à compter des échéances prévues dans les notes de débit.

 Sur les dépens

159    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours introduit par Elettronica e sistemi per automazione (ELE.SI.A) SpA est rejeté.

2)      ELE.SI.A est condamnée à verser à la Commission européenne une somme de 184 129,74 euros, augmentée des intérêts à compter du 18 mai 2010, ainsi qu’une somme de 7 344,46 euros, augmentée des intérêts à compter du 18 juin 2010.

3)      ELE.SI.A est condamnée aux dépens.

Azizi

Frimodt Nielsen

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 octobre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.