Language of document : ECLI:EU:T:2021:724

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

20 octobre 2021 (*)

« Concurrence – Concentrations – Transport aérien – Décision déclarant une opération de concentration compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE – Marché en cause – Appréciation des effets de l’opération sur la concurrence – Engagements – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑296/18,

Polskie Linie Lotnicze “LOT” S.A., établie à Varsovie (Pologne), représentée par Mes M. Jeżewski et M. König, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme L. Wildpanner, MM. T. Franchoo et J. Szczodrowski, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Deutsche Lufthansa AG, établie à Cologne (Allemagne), représentée par Mes S. Völcker et R. Benditz, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 9118 final de la Commission, du 21 décembre 2017, déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE (affaire COMP/M.8633 – Lufthansa/Certains actifs d’Air Berlin),

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),

composé de MM. M. van der Woude, président, A. Kornezov, E. Buttigieg, Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteure) et M. G. Hesse, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 10 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Air Berlin plc était une compagnie aérienne dont Luftfahrtgesellschaft Walter mbH (ci-après « LGW ») et NIKI Luftfarht GmbH étaient des filiales. Dans le cadre d’un accord dit « wet lease » (ci-après l’« accord wet lease »), LGW louait à Air Berlin des aéronefs régionaux avec leur équipage afin d’alimenter les flux de passagers vers d’autres liaisons opérées par cette dernière.

2        En 2016, à la suite de difficultés financières, Air Berlin a entrepris un plan de restructuration qui devait être en partie financé par des prêts d’un de ses actionnaires, Etihad Airways PJSC.

3        Le 16 décembre 2016, Air Berlin, dans le cadre de son plan de restructuration, a conclu avec l’intervenante, Deutsche Lufthansa AG, un accord (ci-après l’« accord roof wet lease ») par lequel elle sous-louait à deux filiales de cette dernière des aéronefs avec leur équipage. Ces aéronefs avaient préalablement été loués auprès de tiers par Air Berlin dans le cadre d’accords de location sans équipage.

4        Par décision du 30 janvier 2017, le Bundeskartellamt (Office fédéral de la concurrence, Allemagne) a approuvé l’accord roof wet lease.

5        Le 9 août 2017, Etihad Airways n’a pas procédé au versement de la tranche d’un prêt qui était due.

6        Le 11 août 2017, Etihad Airways a annoncé publiquement qu’elle n’apporterait plus son soutien financier à Air Berlin.

7        Le 15 août 2017, d’une part, Air Berlin a engagé une procédure d’insolvabilité devant l’Amtsgericht Charlottenburg (tribunal de district de Charlottenburg, Allemagne), qui l’a autorisée à continuer à administrer et à disposer de ses biens sous la surveillance d’un administrateur provisoire.

8        D’autre part, le gouvernement allemand a notifié à la Commission européenne, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, une mesure d’aide sous la forme d’un prêt garanti d’un montant maximal de 150 millions d’euros en faveur d’Air Berlin (ci-après l’« aide au sauvetage »). Par décision C(2017) 6080 final, du 4 septembre 2017, relative à l’aide d’État SA.48937 (2017/N) – Allemagne, concernant le sauvetage d’Air Berlin (JO 2017, C 400, p. 7, ci-après la « décision déclarant l’aide au sauvetage compatible avec le marché intérieur »), la Commission a déclaré l’aide au sauvetage compatible avec le marché intérieur. À cet égard, elle a précisé que cette aide devait permettre la poursuite des activités d’Air Berlin pour une durée maximale de trois mois au cours desquels il était prévu que les actifs de cette dernière soient vendus.

9        Le 10 octobre 2017, l’intervenante a demandé à la Commission, au titre de l’article 7, paragraphe 3, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations ») (JO 2004, L 24, p. 1), de pouvoir déroger à l’obligation selon laquelle une concentration ne peut être réalisée ni avant d’être notifiée ni avant d’avoir été déclarée compatible avec le marché intérieur. Plus particulièrement, d’une part, elle a demandé de pouvoir se substituer à Air Berlin dans le cadre de plusieurs contrats de location d’aéronefs conclus avec des tiers afin d’éviter la saisie de ces aéronefs du fait de l’impossibilité pour Air Berlin de payer les sommes dues en application de ces contrats. D’autre part, elle a demandé de pouvoir louer des aéronefs avec équipages auprès de LGW et de NIKI Luftfarht, afin de permettre à ces dernières de se substituer à Air Berlin dans le cadre de l’accord roof wet lease.

10      Le 13 octobre 2017, l’intervenante et Air Berlin ont conclu un accord portant sur l’acquisition de l’ensemble des parts de LGW et de NIKI Luftfahrt (ci-après l’« accord du 13 octobre 2017 »). Préalablement à la mise en œuvre de cet accord, Air Berlin devait transférer à LGW certains aéronefs avec leur équipage ainsi que des créneaux horaires pour la période de planification horaire (saison) de l’International Air Transport Association (IATA, association du transport aérien international) pour l’hiver 2017/2018 et la saison d’été IATA 2018 dans huit aéroports allemands (Düsseldorf, Hambourg, Munich, Berlin-Tegel, Cologne-Bonn, Nuremberg, Sarrebruck, Stuttgart), trois aéroports italiens (Bologne, Florence et Venise), deux aéroports suisses (Genève et Zurich), un aéroport tchèque (Prague), un aéroport danois (Copenhague Kastrup), un aéroport espagnol (Barcelone-El Prat), un aéroport autrichien (Salzbourg), un aéroport polonais (Varsovie) et un aéroport suédois (Göteborg).

11      Par décision C(2017) 7355 final, du 27 octobre 2017, la Commission a fait droit, sous conditions, à la demande de dérogation de l’intervenante mentionnée au point 9 ci-dessus (ci-après la « décision du 27 octobre 2017 »).

12      Le 28 octobre 2017, Air Berlin a cessé ses activités sur les marchés de services de transport aérien de passagers. LGW a ainsi cessé de louer des aéronefs avec équipage à Air Berlin au titre de l’accord wet lease, mais a continué à louer des aéronefs avec équipage à l’intervenante au titre de l’accord roof wet lease, en vertu de la décision du 27 octobre 2017.

13      Le 31 octobre 2017, l’intervenante a notifié à la Commission, conformément à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 139/2004, la concentration par laquelle elle acquerrait l’ensemble des parts de LGW et de NIKI Luftfahrt ainsi que certains autres actifs d’Air Berlin qui devaient encore être transférés à LGW, conformément à l’accord du 13 octobre 2017.

14      Par ordonnance du 1er novembre 2017, l’Amtsgericht Charlottenburg (tribunal de district de Charlottenburg) a jugé que l’insolvabilité et le surendettement d’Air Berlin étaient établis.

15      Le 13 décembre 2017, l’intervenante a renoncé à acquérir les parts de NIKI Luftfarht.

16      Le 15 décembre 2017, l’intervenante a proposé à la Commission de réduire de 450 à 108 le nombre de créneaux horaires hebdomadaires qui lui seraient transférés au titre de l’accord du 13 octobre 2017 à l’aéroport de Düsseldorf s’agissant de la saison d’été IATA 2018 (ci-après les « engagements pris par l’intervenante »).

17      Par décision C(2017) 9118 final, du 21 décembre 2017 (affaire COMP/M.8633 – Lufthansa/Certains actifs d’Air Berlin) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a considéré que, compte tenu des engagements pris par l’intervenante, l’acquisition de LGW et des autres actifs qui seraient transférés par Air Berlin à cette dernière (ci-après la « concentration en cause ») était compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement no 139/2004.

18      Plus particulièrement, en premier lieu, la Commission a considéré, d’une part, que la concentration en cause portait principalement sur le transfert de créneaux horaires d’Air Berlin vers l’intervenante et, d’autre part, qu’Air Berlin avait cessé ses activités de transport aérien de passagers antérieurement à ladite concentration et indépendamment de celle-ci. Elle a relevé, à cet égard, que ces créneaux horaires n’étaient rattachés à aucune liaison particulière et qu’Air Berlin n’exploitait plus aucune liaison. Elle en a déduit que, dans ces conditions, l’appréciation des effets de cette concentration sur les marchés de services de transport aérien de passagers définis par paires de villes entre un point d’origine et un point de destination (ci-après les « marchés O & D ») ne permettait pas d’appréhender les « effets structurels » sur la concurrence de pareille concentration. En conséquence, plutôt que d’apprécier, conformément à sa pratique décisionnelle, les effets de la concentration en question sur chacun desdits marchés sur lesquels Air Berlin et l’intervenante étaient présentes, elle a défini les marchés pertinents de services de transport aérien de passagers en agrégeant l’ensemble des marchés O & D au départ ou à destination de chacun des aéroports auxquels étaient rattachés les créneaux horaires d’Air Berlin transférés à l’intervenante. Elle a ainsi défini les marchés pertinents comme étant ceux de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination de ces aéroports.

19      En second lieu, la Commission a considéré que l’intervenante aurait la capacité de verrouiller l’accès aux marchés pertinents de services de transport aérien de passagers lorsque trois conditions seraient réunies. Premièrement, le nombre de créneaux horaires détenus par l’intervenante à l’un des aéroports concernés représenterait une part significative du nombre total de créneaux horaires de cet aéroport, notamment lorsque le taux de congestion maximal de celui-ci serait atteint. Deuxièmement, la concentration en cause augmenterait de manière importante le nombre de créneaux horaires détenu par l’intervenante audit aéroport, notamment lorsque le taux de congestion maximal de celui-ci serait atteint. Troisièmement, la détention de créneaux horaires par l’intervenante affecterait négativement la disponibilité des créneaux horaires à ce même aéroport, compte tenu du taux de congestion élevé de celui-ci et du nombre important de créneaux horaires détenus par l’intervenante.

20      La Commission a ainsi considéré que les trois conditions mentionnées au point 19 ci-dessus ne seraient remplies qu’en ce qui concerne l’aéroport de Düsseldorf lors de la saison d’été IATA 2018. Plus particulièrement, elle a relevé que, en l’absence des engagements pris par l’intervenante, cette dernière acquerrait probablement une position dominante s’agissant de la détention des créneaux horaires qui lui aurait donné la capacité et l’incitation à verrouiller l’accès au marché de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination de cet aéroport. Toutefois, elle a considéré que ces engagements réduisaient suffisamment le nombre de créneaux horaires qui seraient transférés à l’intervenante pour pouvoir constater que la concentration en cause ne soulevait pas de doute sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur.

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mai 2018, la requérante, Polskie Linie Lotnicze “LOT” S.A., a introduit le présent recours.

22      Par courrier du 12 juin 2018, la requérante a, au titre de l’article 88 du règlement de procédure du Tribunal, demandé au Tribunal d’adopter des mesures d’organisation de la procédure et des mesures d’instruction relatives à l’aide au sauvetage, à la cessation des activités d’Air Berlin et à la vente des actifs de cette dernière.

23      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 août 2018, l’intervenante a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 28 novembre 2018, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

24      Par acte du 17 septembre 2018, la requérante a demandé le traitement confidentiel de certaines informations contenues dans ses mémoires et les annexes de ces derniers. Par acte du 21 décembre 2018, l’intervenante a présenté des objections à cette demande de traitement confidentiel.

25      Par ordonnance du 20 mai 2019, le président de la neuvième chambre du Tribunal a partiellement accueilli la demande de traitement confidentiel présentée par la requérante. Par courrier du 26 juin 2019, l’intervenante a réitéré son objection au traitement confidentiel des données à l’égard desquelles ladite demande avait été accueillie.

26      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, la juge rapporteure a été affectée à la dixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

27      Sur proposition de la dixième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

28      Par mesures d’organisation de la procédure des 11 février et 27 avril 2020, adoptées sur le fondement de l’article 89, paragraphe 3, sous b), du règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions à la Commission. La Commission a répondu à ces questions dans le délai qui lui était imparti.

29      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        condamner l’intervenante à supporter ses propres dépens.

30      La Commission et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

31      À titre liminaire, il convient de relever que l’intervenante conteste la recevabilité du recours. Toutefois, il y a lieu de rappeler à cet égard qu’il n’est pas nécessaire de statuer sur la recevabilité d’un recours dès lors que celui-ci doit, en tout état de cause, être rejeté au fond (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52). Par conséquent, en l’espèce, dans la mesure où, pour les motifs exposés ci-après, le recours doit être rejeté au fond, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de celui-ci.

32      À l’appui du recours, la requérante soulève sept moyens, tirés, le premier, de la mauvaise définition des marchés pertinents, le deuxième, de l’erreur manifeste d’appréciation des effets de la concentration en cause, le troisième, de la violation du règlement (CEE) no 95/93 du Conseil, du 18 janvier 1993, fixant des règles communes en ce qui concerne l’attribution des créneaux horaires dans les aéroports de la Communauté (JO 1993, L 14, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 545/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juin 2009 (JO 2009, L 167, p. 24), le quatrième, de l’omission de l’examen des éventuels gains d’efficacité résultant de cette concentration, le cinquième, du caractère insuffisant des engagements pris par l’intervenante, le sixième, de l’omission de la prise en compte de l’aide au sauvetage dans le cadre de l’appréciation des effets de ladite concentration et, le septième, de la violation de l’article 296 TFUE.

 Sur le premier moyen, tiré de la mauvaise définition des marchés pertinents

33      Dans le cadre du premier moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir retenu une mauvaise définition des marchés pertinents. Ce moyen comporte, en substance, deux branches. Par la première branche, la requérante conteste les prémisses du raisonnement de la Commission selon lesquelles, d’une part, Air Berlin, y compris LGW, avait cessé ses activités antérieurement à la concentration en cause et indépendamment de celle-ci et, d’autre part, l’intervenante acquérait non pas Air Berlin en tant qu’entreprise, mais uniquement des actifs de cette dernière. Par la seconde branche, elle reproche à la Commission de ne pas avoir défini les marchés pertinents de services de transport aérien de passagers par marchés O & D, y compris dans l’hypothèse où Air Berlin serait regardée comme s’étant déjà retirée de certains de ces marchés.

34      La Commission et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée de ce qu’Air Berlin n’avait pas cessé ses activités antérieurement à la concentration en cause et indépendamment de celle-ci et devait être regardée comme une entreprise aux fins de l’appréciation des effets de cette concentration

35      Dans la décision attaquée, la Commission a constaté que, à l’exception de l’application de l’accord roof wet lease autorisée par la décision du 27 octobre 2017, Air Berlin, y compris LGW, avait cessé ses activités le 28 octobre 2017 et s’était, en conséquence, retirée de l’ensemble des marchés O & D sur lesquels cette dernière était présente, antérieurement à la concentration en cause et indépendamment de celle-ci. Dans ces conditions, elle a estimé que cette concentration, en tant que celle-ci portait principalement sur des créneaux horaires, conduirait l’intervenante à reprendre les positions détenues par Air Berlin, non pas spécifiquement sur les marchés O & D sur lesquels cette dernière était présente, mais sur les aéroports auxquels ces créneaux horaires étaient rattachés.

36      En premier lieu, la requérante soutient que la Commission a considéré, à tort, que la cessation des activités d’Air Berlin était indépendante de la réalisation de la concentration en cause. Elle relève que le jour de la demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité, le 15 août 2017, les autorités allemandes ont décidé d’accorder à Air Berlin l’aide au sauvetage. Or, cette aide aurait permis à cette dernière d’éviter le retrait de sa licence d’exploitation et, par conséquent, de poursuivre ses activités et de conserver ses actifs, dont notamment ses créneaux horaires. Ladite aide aurait ainsi eu pour objectif de permettre le transfert d’une partie de ses créneaux horaires à l’intervenante, en application de l’article 8 bis du règlement no 95/93.

37      À cet égard, il est constant que la procédure d’insolvabilité d’Air Berlin a été ouverte le 15 août 2017 et que cette procédure résultait des difficultés financières d’Air Berlin et du refus d’Etihad Airways de procéder au versement de la tranche d’un prêt en faveur de cette dernière. En outre, la requérante ne conteste pas non plus que, ainsi qu’il résulte d’ailleurs de la décision déclarant l’aide au sauvetage compatible avec le marché intérieur, cette aide n’avait pour objectif que de retarder, pour une durée maximale de trois mois, la cessation des activités d’Air Berlin, mais pas de l’empêcher.

38      Par conséquent, il convient de relever qu’Air Berlin aurait cessé ses activités, même en l’absence de la concentration en cause, de sorte que la Commission a considéré, à juste titre, qu’Air Berlin avait cessé ses activités indépendamment de cette concentration.

39      En deuxième lieu, la requérante conteste le fait que la cessation des activités d’Air Berlin fût antérieure à la concentration en cause. Elle soutient que la date de la notification d’une concentration ne peut pas être une date « incontestable et toujours utilisée » en tant que facteur déterminant aux fins de l’appréciation de cette concentration, puisque le choix de cette date appartient à la partie notifiante. Celle-ci pourrait ainsi « fausser » cette appréciation de façon à favoriser ses intérêts. La requérante en déduit que, en l’espèce, la Commission aurait dû prendre en considération une date à laquelle Air Berlin était encore en activité.

40      Plus particulièrement, d’une part, la requérante fait valoir qu’Air Berlin n’a cessé ses activités que le 28 octobre 2017, soit après l’accord du 13 octobre 2017 marquant le début de la concentration en cause. La circonstance que, depuis l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, le 15 août 2017, Air Berlin décourageait activement toute nouvelle réservation pour ses services ne signifierait pas qu’elle était inactive, dans la mesure où, compte tenu de l’aide au sauvetage, elle avait pu maintenir son certificat de transporteur aérien ainsi que sa licence d’exploitation. Par ailleurs, la requérante soutient que, en vertu du règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (JO 2008, L 293, p. 3), un transporteur aérien qui ferait l’objet d’une liquidation devrait restituer ses créneaux horaires. Or, Air Berlin se serait vu attribuer une licence temporaire en vertu de l’article 9 de ce règlement, qui lui aurait permis de garder ses créneaux horaires postérieurement au 28 octobre 2017, de sorte qu’elle ne saurait être regardée comme ayant définitivement cessé ses activités à cette date.

41      D’autre part, la requérante fait valoir, d’abord, que la détérioration de la situation financière d’Air Berlin a permis à l’intervenante de prendre progressivement le contrôle des « capacités » d’Air Berlin dès 2016, notamment par l’accord roof wet lease, ensuite, qu’Air Berlin a, le 1er février 2017, nommé au poste de directeur général un ancien cadre de l’intervenante et, enfin, que cette dernière avait confirmé, le 5 mai 2017, avoir entrepris des négociations en vue de l’acquisition d’Air Berlin.

42      À cet égard, premièrement, il résulte de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 qu’une concentration n’est réputée réalisée que lors d’un changement durable du contrôle des entreprises concernées. À cet égard, il convient de rappeler qu’il est indifférent que les parties, lorsqu’elles notifient une concentration à la Commission, projettent de conclure deux ou plusieurs transactions ou qu’elles les aient déjà conclues préalablement à leur notification. Il revient à la Commission d’apprécier si ces transactions présentent un caractère unitaire de sorte qu’elles constituent une seule opération de concentration au sens de cette disposition. Afin de déterminer le caractère unitaire des transactions en cause, il y a lieu, dans chaque cas d’espèce, d’apprécier si ces transactions sont interdépendantes de sorte que l’une n’aurait pas été réalisée sans l’autre (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, points 105 et 107).

43      En l’espèce, il convient de relever que les liens entre Air Berlin et l’intervenante depuis 2016, allégués par la requérante, ne permettent pas de considérer que l’intervenante avait pris le contrôle d’Air Berlin antérieurement à la concentration en cause au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 139/2004.

44      En effet, d’une part, la circonstance qu’un ancien cadre de l’intervenante a été nommé au poste de directeur général d’Air Berlin le 1er février 2017 ne permet pas de considérer que l’intervenante aurait acquis le contrôle d’Air Berlin à cette date. De même, il ne saurait résulter des négociations en vue de l’acquisition d’Air Berlin par l’intervenante au mois de mai 2017 que l’intervenante aurait pris le contrôle d’Air Berlin à ce moment-là.

45      D’autre part, s’agissant de l’accord roof wet lease, par lequel Air Berlin a transféré à l’intervenante l’exploitation de certains aéronefs avec leur équipage, la requérante se borne à soutenir que l’Office fédéral de la concurrence avait constaté que cet accord permettait de renforcer le développement des activités de l’intervenante et qu’un concurrent avait affirmé qu’il s’agissait, pour cette dernière, d’un moyen dissimulé d’acquérir Air Berlin. Or, il convient de relever que, ayant constaté que cet accord ne soulevait pas de problèmes de concurrence, l’Office fédéral de la concurrence s’était dispensé de se prononcer sur la question de savoir si ledit accord constituait une concentration au sens du droit allemand. En outre, il y a lieu de noter que l’affirmation du concurrent n’est aucunement étayée par la requérante.

46      Par ailleurs, et en tout état de cause, il y a lieu de noter que la requérante n’allègue pas ni, a fortiori, ne démontre que l’accord roof wet lease et la concentration en cause étaient des transactions interdépendantes de sorte que l’une n’aurait pas été réalisée sans l’autre. Au contraire, il ressort de l’annexe C.12 de la réplique que l’intervenante avait annoncé, le 5 mai 2017, qu’elle estimait que la dette d’Air Berlin constituait un obstacle au rachat de cette dernière et qu’elle n’avait, en conséquence, pas encore décidé, à cette date, d’acquérir Air Berlin ou une partie de cette dernière. Par conséquent, il ne ressort pas des éléments produits par la requérante que la conclusion de l’accord roof wet lease le 16 décembre 2016 dépendait de la réalisation de la concentration en cause, de sorte que cet accord et la concentration en cause doivent être regardés comme étant deux transactions distinctes.

47      Deuxièmement, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, une concentration de dimension européenne ne peut être réalisée ni avant d’être notifiée ni avant d’avoir été déclarée compatible avec le marché intérieur, à moins que la Commission n’octroie une dérogation à cette obligation sur le fondement de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement.

48      En l’espèce, il y a certes lieu de relever que la Commission a, par la décision du 27 octobre 2017, octroyé à l’intervenante une dérogation sur le fondement de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 139/2004. Toutefois, cette dérogation portait essentiellement sur des contrats de location d’aéronefs, et non sur les créneaux horaires. En outre, elle était soumise à la condition, notamment, que, dans l’hypothèse où la concentration en cause ne serait pas réalisée, ces contrats puissent être soit transférés à LGW ou à un acquéreur éventuel de cette dernière, soit résiliés à la demande de ceux-ci, sans que l’intervenante puisse s’y opposer ou demander une indemnité. Ainsi, seule une décision de la Commission déclarant cette concentration compatible avec le marché intérieur pouvait entraîner un changement durable du contrôle des aéronefs concernés. Dans ces conditions, il convient de relever que la réalisation complète de ladite concentration n’a pu intervenir qu’après l’adoption de la décision attaquée, le 21 décembre 2017, soit près de deux mois après qu’Air Berlin a cessé ses activités.

49      Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission d’avoir considéré qu’Air Berlin avait cessé ses activités antérieurement à la concentration en cause.

50      Troisièmement, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient, en substance, la requérante, l’appréciation de la concentration en cause, par la Commission, n’a pas été viciée par le choix de l’intervenante de notifier cette concentration, le 31 octobre 2017, après qu’Air Berlin a cessé ses activités.

51      En effet, d’une part, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 139/2004, une concentration de dimension européenne visée par ce règlement doit être notifiée à la Commission avant sa réalisation et après la conclusion de l’accord portant sur cette concentration entre les entreprises concernées.

52      En l’espèce, il y a lieu de constater que l’accord du 13 octobre 2017 a été conclu avant la notification de la concentration en cause, le 31 octobre 2017. Par ailleurs, il n’est pas contesté que cette notification était antérieure à la réalisation complète de cette concentration, à l’exception seulement des éléments faisant l’objet de la décision du 27 octobre 2017.

53      Par conséquent, il convient de relever que, en notifiant la concentration en cause le 31 octobre 2017, l’intervenante s’est conformée à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 139/2004.

54      D’autre part, il convient de noter que le contrôle des concentrations a pour objectif d’éviter, sur la base d’une analyse prospective des structures du marché, la réalisation d’une concentration qui entraverait de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou d’un renforcement d’une position dominante (arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T‑342/07, EU:T:2010:280, point 250). Il ne s’agit donc pas d’examiner des événements du passé, au sujet desquels on dispose souvent de nombreux éléments permettant d’en comprendre les causes, ni même des événements présents, mais bien de prévoir les événements qui se produiront dans l’avenir, selon une probabilité plus ou moins forte, si aucune décision interdisant ou précisant les conditions de la concentration envisagée n’est adoptée. Ainsi, l’analyse prospective consiste à examiner en quoi une concentration pourrait modifier les facteurs déterminant l’état de la concurrence sur un marché donné afin de vérifier s’il en résulterait une entrave significative à une concurrence effective. Une telle analyse requiert d’imaginer les divers enchaînements de cause à effet, afin de retenir ceux dont la probabilité est la plus forte (arrêt du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, EU:C:2005:87, points 42 et 43).

55      À cet égard, il convient de préciser que la légalité d’une décision se prononçant sur la compatibilité d’une concentration avec le marché intérieur doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission disposait au moment où elle l’a arrêtée (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T‑177/04, EU:T:2006:187, point 203, et du 9 juillet 2007, Sun Chemical Group e.a./Commission, T‑282/06, EU:T:2007:203, point 179). Ainsi, l’appréciation, par la Commission, de la compatibilité d’une concentration avec le marché intérieur doit tenir compte des circonstances de fait et de droit existant au moment de la notification de cette concentration et dont la portée économique peut être évaluée au moment où intervient cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 19 mai 1994, Air France/Commission, T‑2/93, EU:T:1994:55, point 70, et du 13 septembre 2010, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑279/04, non publié, EU:T:2010:384, point 327).

56      Toutefois, ainsi que le relève la requérante, la date exacte de la notification d’une concentration n’a pas nécessairement une influence déterminante sur l’appréciation de cette concentration, notamment lorsque, comme en l’espèce, les informations utilisées dans le cadre de l’analyse prospective sont déjà connues antérieurement à cette date.

57      En effet, il convient de constater que les activités d’Air Berlin avaient cessé antérieurement à la notification de la concentration en cause. Toutefois, cette constatation n’était pas déterminante dès lors que, ainsi qu’il résulte du point 37 ci-dessus, Air Berlin était insolvable à la suite du refus d’Etihad Airways, le 9 août 2017, de procéder au versement de la tranche d’un prêt en sa faveur et qu’elle allait, en conséquence, cesser définitivement ses activités. À cet égard, la circonstance, invoquée par la requérante, que le Luftfahrt-Bundesamt (Office fédéral de l’aviation, Allemagne) avait, en vertu de l’article 10, paragraphe 4, sous c), du règlement no 95/93 et de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1008/2008, délivré à Air Berlin, le 25 octobre 2017, une licence temporaire valable jusqu’au 3 janvier 2018 et que cette licence l’autorisait à garder ses créneaux horaires jusqu’à cette date n’était pas suffisante pour lui permettre de reprendre ses activités compte tenu de son insolvabilité. Il s’ensuit que la circonstance que la concentration en cause a été notifiée le 31 octobre 2017, soit trois jours après la cessation effective des activités d’Air Berlin, le 28 octobre 2017, et non antérieurement à ladite cessation, n’était pas, à elle seule, de nature à modifier l’analyse prospective de la Commission, y compris s’agissant de la définition des marchés pertinents.

58      En troisième lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir dissocié artificiellement les actifs d’Air Berlin, qui font l’objet de la concentration en cause, de « l’ensemble de l’entreprise » Air Berlin, qui était une compagnie aérienne concurrente de l’intervenante. Bien que l’intervenante n’ait acquis qu’une partie des actifs d’Air Berlin, la requérante soutient qu’Air Berlin était à la fois le vendeur de ces actifs et une des parties à ladite concentration. Elle ajoute que, contrairement à des ensembles abstraits d’actifs, seules des entreprises peuvent être qualifiées de parties à une concentration. Or, compte tenu du transfert à LGW de créneaux horaires et d’aéronefs en vue de la réalisation de la concentration en cause, l’intervenante aurait effectivement acquis une entreprise dans le cadre de la concentration en cause.

59      À cet égard, premièrement, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004, une concentration est réputée réalisée lorsqu’un changement durable du contrôle résulte de l’acquisition, par une entreprise, du contrôle direct de l’ensemble ou de parties d’une autre entreprise. En outre, s’agissant du calcul du chiffre d’affaires, l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement dispose que, lorsque la concentration consiste en l’acquisition de parties d’une entreprise, seul le chiffre d’affaires se rapportant aux parties qui sont l’objet de la concentration est pris en considération dans le chef du cédant. Il s’ensuit que, ainsi que cela est relevé d’ailleurs à juste titre au paragraphe 136 de la communication juridictionnelle consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement no 139/2004 (JO 2008, C 95, p. 1, et rectificatif JO 2009, C 43, p. 10), les entreprises concernées au sens de ce règlement sont la ou les parties acquéreuses et la ou les parties acquises de l’entreprise cible, mais non les activités conservées par le cédant.

60      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, les activités conservées par Air Berlin ne sont pas considérées comme une entreprise concernée au sens du règlement no 139/2004.

61      Deuxièmement, il convient de noter que la requérante ne conteste pas le fait, relevé par la Commission au point 13 de la décision attaquée, que des actifs peuvent constituer une activité se traduisant par une présence sur un marché et à laquelle un chiffre d’affaires peut être rattaché sans ambiguïté. Elle ne conteste pas non plus qu’une telle activité puisse constituer une entreprise concernée au sens du règlement no 139/2004. En outre, il convient de relever qu’elle n’apporte aucun élément de nature à démontrer que, en l’espèce, les actifs acquis par l’intervenante, tels que définis dans la décision attaquée, ne constituaient pas une activité se traduisant par une présence sur un marché et à laquelle un chiffre d’affaires pouvait être rattaché sans ambiguïté.

62      Il s’ensuit que la Commission a considéré, à juste titre, que les actifs acquis par l’intervenante dans le cadre de la concentration en cause constituaient une entreprise ou une partie d’entreprise au sens du règlement no 139/2004, alors même qu’Air Berlin avait cessé ses activités antérieurement à cette concentration. Par conséquent, dans la mesure où il est constant que l’intervenante n’a acquis qu’une partie des actifs d’Air Berlin, la Commission a constaté, à juste titre, que l’intervenante avait acquis le contrôle d’une entreprise ou d’une partie d’entreprise ne correspondant qu’à certains actifs d’Air Berlin et que ces actifs constituaient une entreprise concernée au sens dudit règlement.

63      Dans ces conditions, il convient d’écarter la première branche du premier moyen de la requérante.

 Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de ce que la Commission aurait dû examiner la concentration en cause sur chacun des marchés O & D pertinents

64      La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir analysé les éventuels effets anticoncurrentiels de la concentration en cause sur les marchés O & D pertinents.

65      D’emblée, il y a lieu de rappeler que, pour déclarer une concentration compatible avec le marché intérieur, la Commission doit, conformément à l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, constater que la réalisation de cette concentration n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante.

66      La définition adéquate du marché pertinent est alors une condition nécessaire et préalable à toute appréciation portée sur l’impact concurrentiel d’une opération de concentration (arrêt du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, EU:C:1998:148, point 143). À cet égard, il convient de rappeler que le marché de produits à prendre en considération comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés (arrêt du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a., C‑179/16, EU:C:2018:25, point 50). Plus particulièrement, la notion de marché pertinent implique qu’une concurrence effective puisse exister entre les produits ou les services qui en font partie, ce qui suppose un degré suffisant d’interchangeabilité en vue du même usage entre tous les produits ou les services faisant partie d’un même marché (arrêt du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a., C‑179/16, EU:C:2018:25, point 51).

67      Toutefois, lorsqu’il est fait grief à la Commission de ne pas avoir pris en compte un éventuel problème concurrentiel sur d’autres marchés que ceux sur lesquels a porté l’analyse concurrentielle, il appartient au requérant d’apporter des indices sérieux venant démontrer de manière tangible l’existence d’un problème concurrentiel qui aurait dû, en raison de son impact, être examiné par la Commission. Aux fins de répondre à cette exigence, il appartient au requérant d’identifier les marchés concernés, de décrire la situation concurrentielle en l’absence de concentration et d’indiquer quels seraient les effets probables d’une concentration eu égard à la situation concurrentielle sur ces marchés (arrêts du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T‑177/04, EU:T:2006:187, points 65 et 66, et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, points 174 et 175).

68      En l’espèce, la Commission a relevé, dans la décision attaquée, que les compagnies aériennes se trouvaient du côté de la demande sur le marché des services d’infrastructures aéroportuaires fournis par les aéroports et du côté de l’offre sur les marchés de services de transport aérien de passagers.

69      S’agissant plus particulièrement des créneaux horaires, la Commission a relevé que, ainsi qu’il résulte de l’article 2, sous a), du règlement no 95/93, ceux-ci étaient des autorisations, accordées par un coordonnateur, d’utiliser toutes les infrastructures aéroportuaires qui étaient nécessaires pour la prestation d’un service aérien dans un aéroport coordonné, à une date et à une heure précises, aux fins de l’atterrissage et du décollage. Elle en a déduit que les créneaux horaires constituaient des intrants nécessaires pour permettre aux compagnies aériennes d’accéder aux services d’infrastructures aéroportuaires fournis par les aéroports et, par voie de conséquence, de fournir des services de transport aérien de passagers au départ ou à destination de ces aéroports. Par suite, dans la mesure où la concentration en cause visait, principalement, à transférer des créneaux horaires d’Air Berlin à l’intervenante, elle a considéré que cette concentration produirait des effets sur la demande dans les marchés de services d’infrastructures aéroportuaires et sur l’offre dans les marchés de services de transport aérien de passagers.

70      Dans ces conditions, aux fins de l’appréciation de la concentration en cause, la Commission a examiné si, du fait de l’accroissement du nombre de créneaux horaires détenus par l’intervenante, cette dernière aurait la capacité ou serait incitée à verrouiller l’accès des autres compagnies aériennes aux services d’infrastructures aéroportuaires et, par voie de conséquence, aux marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports auxquels étaient rattachés les créneaux horaires d’Air Berlin.

71      À cet égard, en premier lieu, d’une part, la requérante soutient que, du point de vue des consommateurs, les services de transport aérien de passagers sont fournis sur des liaisons déterminées et que l’activité exercée par des compagnies aériennes dans un aéroport est subordonnée à la prestation de ces services. Elle en déduit qu’il n’est pas possible de distinguer l’activité exercée par des compagnies aériennes dans un aéroport de la prestation desdits services. Ainsi, la Commission se serait fondée sur la prémisse erronée selon laquelle les compagnies aériennes seraient des exploitants d’aéroports offrant des créneaux horaires, alors même que l’échange de tels créneaux horaires entre compagnies aériennes ne correspondrait pas à leur activité principale.

72      D’autre part, la requérante fait valoir que, en l’absence de la concentration en cause, les créneaux horaires détenus par Air Berlin auraient été mis à la disposition d’autres compagnies aériennes, conformément au règlement no 95/93. Elle soutient ainsi que la concurrence est plus intense sur les marchés O & D lorsqu’une entreprise se retire de ces marchés que lorsque les actifs de cette entreprise sont acquis par un concurrent, comme c’est le cas en l’espèce. Par conséquent, elle considère qu’il ne résulte pas de la circonstance qu’Air Berlin avait cessé ses activités sur les marchés O & D que la concentration en cause n’aurait pas eu d’effets sur ces derniers.

73      À cet égard, il convient certes de relever que, ainsi que le fait, en substance, valoir la requérante, la définition de marchés O & D reflète le point de vue de la demande selon lequel les consommateurs de services de transport de passagers envisagent toutes les options possibles, y compris différents modes de transport, pour se rendre d’une ville d’origine vers une ville de destination (arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 138).

74      Par ailleurs, il convient de relever que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que, en l’absence de la concentration en cause, les créneaux horaires acquis par l’intervenante seraient probablement retournés dans le pool visé à l’article 10 du règlement no 95/93 (ci-après le « pool »). De plus, la Commission a constaté que les créneaux horaires avaient une « importance cruciale » aux fins de la prestation de services de transport aérien de passagers dans la mesure où ils conditionnaient l’accès aux services d’infrastructures aéroportuaires. Elle a ainsi reconnu que ladite concentration était susceptible d’avoir des effets sur les différents marchés O & D au départ ou à destination des aéroports auxquels les créneaux horaires d’Air Berlin étaient rattachés.

75      Toutefois, la Commission a considéré que l’examen des effets de la concentration en cause sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports auxquels les créneaux horaires d’Air Berlin étaient rattachés permettait d’appréhender les effets de ladite concentration sur l’ensemble des marchés O & D au départ ou à destination desdits aéroports. En effet, elle a considéré, à l’instar de la requérante, que, bien que les compagnies aériennes fussent du côté de la demande sur le marché des services d’infrastructures aéroportuaires, l’accroissement du nombre de créneaux horaires détenus par l’intervenante pouvait éventuellement lui permettre de verrouiller l’accès à ces services. Elle a ainsi vérifié si l’accroissement du nombre de créneaux horaires détenus par l’intervenante donnerait à cette dernière la capacité ou l’incitation à verrouiller l’accès aux services d’infrastructures aéroportuaires et, par voie de conséquence, aux différents marchés O & D au départ ou à destination desdits aéroports.

76      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a tenu compte des éventuels effets de la concentration en cause sur les marchés O & D pertinents, bien qu’elle n’ait pas examiné chacun de ces marchés individuellement.

77      En second lieu, la requérante considère que la Commission aurait dû tenir compte des parts de marché d’Air Berlin et de l’intervenante ainsi que de l’effet de la concentration en cause sur leur relation de concurrence, sur leurs clients et sur leurs concurrents dans les marchés O & D pertinents. À cet égard, elle précise que la Commission aurait dû identifier les liaisons opérées par Air Berlin qui seraient reprises par l’intervenante à la suite de cette concentration ainsi que les marchés O & D sur lesquels ladite concentration était susceptible de créer un monopole. Elle ajoute que la Commission aurait également dû procéder à une analyse de la « structure tendancielle de la demande et des flux de passagers » vers les aéroports servant, pour l’intervenante, de plateformes de correspondances (hub).

78      Plus particulièrement, la requérante soutient que, d’une part, la concentration en cause était susceptible d’entraver significativement la concurrence effective sur les marchés Düsseldorf – New York (États-Unis), Düsseldorf – Munich, Hambourg – Munich et Berlin-Tegel – Cologne-Bonn. À cet égard, l’intervenante aurait repris les liaisons opérées par Air Berlin à la suite de la concentration en cause, contrairement à l’affirmation, contenue dans la décision attaquée, selon laquelle « elle ne reprendra[it] en aucun cas les liaisons exploitées précédemment par Air Berlin ». D’autre part, la concentration en cause permettrait à l’intervenante d’accroître le nombre de passagers en transit vers les aéroports de Francfort (Allemagne), de Munich, de Vienne (Autriche) et de Zurich qui lui servent de plateformes de correspondances, de sorte que cette concentration serait également susceptible d’avoir des effets sur les marchés O & D au départ ou à destination de ces aéroports et, notamment, sur les marchés O & D dans lesquels lesdits aéroports servent de plateformes de correspondances dans le cadre de liaisons vers l’Asie ou l’Amérique du Nord. Par ailleurs, la Commission aurait dû examiner les barrières à l’entrée de chacun de ces marchés O & D et, notamment, la disponibilité des différents créneaux horaires dans les aéroports concernés dans la mesure où les compagnies aériennes devraient pouvoir offrir des vols à différents horaires selon le marché O & D considéré, y compris au départ ou à destination d’un même aéroport.

79      Premièrement, il convient de relever que, ainsi qu’il résulte du point 73 ci-dessus, l’examen des marchés O & D peut permettre d’identifier, parmi les services de transport de passagers, ceux que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables. Il s’ensuit que, lorsque les entreprises concernées par une concentration sont des compagnies aériennes encore en activité, la Commission peut identifier les marchés O & D dans lesquels leurs activités se chevauchent. Elle peut ainsi apprécier l’impact concurrentiel de cette concentration sur la prestation de services de transport de passagers sur ces marchés. Plus particulièrement, elle peut notamment déterminer l’ampleur des modifications concernant les parts de marché et les degrés de concentration, en calculant la part de marché cumulée desdites entreprises à l’issue de ladite concentration et celle de leurs concurrents.

80      Toutefois, en l’espèce, compte tenu de la cessation des activités d’Air Berlin, cette dernière s’était retirée de l’ensemble des marchés O & D dans lesquels elle était présente, de sorte que ses activités et celles de l’intervenante ne se chevauchaient plus sur aucun de ces marchés. En outre, dans la mesure où les créneaux horaires d’Air Berlin n’étaient rattachés à aucune liaison, la Commission a relevé, à juste titre, qu’ils pouvaient, en conséquence, être utilisés par l’intervenante sur d’autres marchés O & D que ceux sur lesquels Air Berlin était précédemment présente. En effet, il est constant que l’intervenante était en mesure de redéployer les créneaux horaires sur un grand nombre de marchés O & D, la requérante reconnaissant d’ailleurs, aux points 106 et 115 de la réplique, qu’il était impossible, pour la Commission, d’examiner l’ensemble des marchés O & D dans lesquels les créneaux horaires d’Air Berlin étaient susceptibles d’être réaffectés.

81      Il s’ensuit que, à la différence des concentrations impliquant des compagnies aériennes encore en activité, il n’était pas certain, en l’espèce, que la concentration en cause ait un quelconque effet sur la concurrence sur les marchés O & D dans lesquels Air Berlin était présente avant la cessation de ses activités.

82      Deuxièmement, il convient de relever que la requérante n’apporte aucun élément de nature à démontrer que l’examen des effets de la concentration en cause sur les marchés de services d’infrastructures aéroportuaires ne permettait pas d’identifier d’éventuelles entraves à la concurrence effective sur les différents marchés O & D au départ ou à destination des aéroports auxquels étaient rattachés les créneaux horaires d’Air Berlin.

83      Plus particulièrement, si la requérante identifie des marchés O & D dans lesquels l’intervenante soit aurait repris les liaisons précédemment opérées par Air Berlin, soit serait susceptible d’utiliser les créneaux horaires de cette dernière, notamment afin d’accroître le nombre de passagers en transit vers ses plateformes de correspondances, elle n’allègue pas que la concentration en cause a effectivement constitué une entrave significative à la concurrence effective sur ces marchés. Au contraire, elle prétend qu’elle n’est pas tenue de prouver l’existence d’une telle entrave, mais qu’il appartenait à la Commission d’en démontrer l’absence. Ainsi, elle se borne à soutenir que cette concentration pouvait constituer une telle entrave et que la Commission aurait dû compléter son analyse, sans pour autant apporter, à cet égard, des indices sérieux au sens de la jurisprudence rappelée au point 67 ci-dessus. Elle reste notamment en défaut d’expliquer comment ladite concentration était susceptible d’entraver significativement la concurrence effective sur certains marchés O & D dans l’hypothèse où l’accès des autres compagnies aériennes aux services d’infrastructures aéroportuaires en cause était préservé.

84      En outre, s’agissant, d’une part, des marchés Munich – Düsseldorf et Vienne – Düsseldorf, sur lesquels l’intervenante était, selon la requérante, en situation de monopole à la suite de la concentration en cause, il convient d’ajouter qu’il résulte de l’annexe C.25 de la réplique que cette situation résultait du retrait d’Air Berlin de ces marchés. Or, ce retrait est la conséquence de la cessation des activités d’Air Berlin qui, ainsi qu’il a été relevé aux points 35 à 57 ci-dessus, a eu lieu antérieurement à cette concentration et indépendamment de celle-ci. Quant aux marchés Francfort – Venise et Zurich – Hambourg, également mentionnés par la requérante, il suffit de relever qu’Air Berlin n’était pas présente sur ces marchés, que l’augmentation de la part de marché de l’intervenante alléguée résultait du retrait d’autres compagnies aériennes desdits marchés et que la requérante n’explique pas en quoi ce retrait était lié à ladite concentration. Par conséquent, la circonstance que l’intervenante se trouve, après la réalisation de ladite concentration, en situation de monopole sur ces marchés O & D ne saurait, en tout état de cause, signifier que cette concentration aurait pu significativement entraver la concurrence effective sur ces marchés.

85      S’agissant, d’autre part, des marchés O & D au départ ou à destination des aéroports de Francfort, de Munich, de Vienne et de Zurich ou dans lesquels ces aéroports serviraient de plateformes de correspondances, pris dans leur ensemble, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, qu’il résulte des points 123 à 130 de la réplique que la requérante reconnaît que l’examen de la capacité de l’intervenante, à la suite de la concentration en cause, à verrouiller l’accès aux services d’infrastructures aéroportuaires fournis par un aéroport pouvait permettre de vérifier que cette concentration n’entraverait pas significativement la concurrence effective sur les marchés O & D au départ ou à destination de ces aéroports. En outre, si la requérante se réfère aux nombres de passagers en transit respectivement dans les aéroports de Francfort, de Munich, de Vienne et de Zurich ainsi qu’aux parts de marché de l’intervenante sur les liaisons entre ces aéroports et d’autres aéroports auxquels des créneaux horaires d’Air Berlin étaient rattachés, elle n’explique pas en quoi il résulterait de ces données que la concentration en cause entraverait significativement la concurrence effective sur ces marchés.

86      Troisièmement, il convient de relever, à la suite de la Commission, qu’il résulte de l’allégation de la requérante selon laquelle l’intervenante utiliserait les créneaux horaires d’Air Berlin pour accroître les flux de passagers vers ses plateformes de correspondances que l’intervenante ne reprendrait pas l’ensemble des liaisons qui étaient précédemment opérées par Air Berlin. Par conséquent, il convient de considérer que la Commission a considéré, à juste titre, que la concentration en cause était susceptible d’avoir des effets sur l’ensemble des marchés O & D au départ ou à destination des aéroports auxquels étaient rattachés les créneaux horaires d’Air Berlin, de sorte que l’examen des effets de cette concentration ne pouvait pas se limiter aux marchés O & D identifiés par la requérante.

87      Quatrièmement, il convient de relever que la Commission a constaté, au point 42 de la décision attaquée, que, dans la notification de la concentration en cause, l’intervenante avait indiqué avoir l’intention d’utiliser les créneaux horaires faisant l’objet de cette concentration pour mettre en œuvre ses « plans de croissance » et qu’« elle ne reprendra[it] en aucun cas les liaisons exploitées précédemment par Air Berlin ». Toutefois, ces considérations, invoquées par la requérante, ne constituent qu’un rappel du contenu de cette notification et non un motif de la décision attaquée dont la légalité pourrait être remise en cause par la requérante.

88      Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que la définition de marché retenue par la Commission ne permettait pas d’identifier les éventuelles entraves significatives à la concurrence effective résultant de la concentration en cause, y compris sur les marchés O & D qu’elle avait identifiés.

89      Par conséquent, il convient d’écarter la seconde branche du premier moyen de la requérante et, par voie de conséquence, ledit moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation des effets de la concentration en cause

90      Le deuxième moyen comporte, en substance, deux branches. Par la première branche, soulevée formellement dans la requête dans le cadre du premier moyen, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation s’agissant des effets des accords roof wet lease et wet lease dans l’appréciation de cette concentration. Par la seconde branche, elle soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation s’agissant des effets de ladite concentration, notamment sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports de Düsseldorf, de Zurich, de Hambourg, de Munich, de Stuttgart et de Berlin-Tegel.

91      La Commission et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

92      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que les règles de fond du règlement no 139/2004, et en particulier l’article 2 de celui-ci, confèrent à la Commission un certain pouvoir discrétionnaire, notamment pour ce qui est des appréciations d’ordre économique, et que, en conséquence, le contrôle par le juge de l’exercice d’un tel pouvoir, qui est essentiel dans la définition des règles en matière de concentrations, doit être effectué compte tenu de la marge d’appréciation que sous-tendent les normes de caractère économique faisant partie du régime des concentrations (arrêts du 18 décembre 2007, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, C‑202/06 P, EU:C:2007:814, point 53, et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 85). Ainsi, il est de jurisprudence constante que le contrôle que les juridictions de l’Union européenne exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation des faits et de détournement de pouvoir (arrêts du 7 mai 2020, BTB Holding Investments et Duferco Participations Holding/Commission, C‑148/19 P, EU:C:2020:354, point 56 ; du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 137, et du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T‑691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, point 1374).

93      Toutefois, bien qu’il n’appartienne pas au Tribunal de substituer sa propre appréciation économique à celle de la Commission, laquelle en a la compétence institutionnelle, il ressort d’une jurisprudence désormais bien établie que le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêts du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 39, et du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 46).

 Sur la première branche du deuxième moyen, tirée des effets des accords roof wet lease et wet lease

94      En premier lieu, la Commission a relevé dans la décision attaquée que, en application de l’accord roof wet lease, Air Berlin louait à deux filiales de l’intervenante des aéronefs avec leur équipage. En outre, elle a constaté que la substitution d’Air Berlin par LGW dans le cadre de cet accord, qu’elle avait autorisée par la décision du 27 octobre 2017, visait à maintenir les effets de cet accord après la cessation des activités d’Air Berlin. Elle en a déduit que cette substitution n’aurait, en tant que telle, qu’un effet limité sur les marchés de services de transport aérien de passagers. De manière analogue, elle a considéré que l’« intégration » de ces aéronefs avec leur équipage au sein de l’intervenante, par le biais de la concentration en cause, aurait des effets limités sur ces marchés dans la mesure où cette intégration succèderait à l’accord roof wet lease. Par ailleurs, elle a constaté que l’Office fédéral de la concurrence avait approuvé cet accord le 30 janvier 2017.

95      À cet égard, la requérante ne remet pas en cause la décision de l’Office fédéral de la concurrence d’approuver l’accord roof wet lease. Toutefois, elle fait valoir que cet accord ne constituait qu’un élément « prétransactionnel » de la concentration en cause dont la Commission devait tenir compte. Elle fait ainsi valoir que l’Office fédéral de la concurrence s’était contenté d’examiner isolément ledit accord et qu’il appartenait à la Commission d’apprécier cette concentration dans son ensemble.

96      Dans ces conditions, la requérante soutient que la Commission aurait dû « évaluer l’importance » des actifs concernés par l’accord roof wet lease pour le fonctionnement des marchés respectivement de services de transport aérien de passagers et de location d’aéronefs. Elle ajoute que la concentration en cause a permis à l’intervenante d’acquérir des aéronefs avec équipage plus rapidement que ne l’auraient permis des conditions normales de marché, compte tenu, notamment, de la difficulté à recruter des pilotes. Enfin, elle fait valoir que, en l’absence de la concentration en cause, ces aéronefs et leur équipage auraient pu être acquis par des concurrents de l’intervenante.

97      À cet égard, il y a lieu de relever, ainsi qu’il a été mentionné au point 46 ci-dessus, que l’accord roof wet lease et la concentration en cause doivent être regardés comme étant deux transactions distinctes. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’accord roof wet lease ne saurait être regardé comme constituant un élément de cette concentration.

98      Par ailleurs, il convient de relever que l’accord roof wet lease avait été conclu pour une période de six ans, prolongeable sous certaines conditions. Il s’ensuit que, aux termes de cet accord, l’intervenante pouvait utiliser les aéronefs avec leur équipage visés par cet accord au moins jusqu’au mois de décembre 2022. Par conséquent, le fait, allégué par la requérante, que l’accord du 13 octobre 2017, portant sur la concentration en cause, a permis à l’intervenante d’acquérir plus rapidement ces aéronefs et de reprendre leur équipage ne permet pas, en soi, de démontrer que cette concentration était susceptible d’entraver significativement la concurrence effective sur les marchés respectivement de services de transport aérien de passagers et de location d’aéronefs.

99      Dans ces conditions, la Commission n’a pas manifestement méconnu les effets de l’accord roof wet lease dans le cadre de son appréciation de la concentration en cause.

100    En second lieu, la Commission a relevé que LGW louait, dans le cadre de l’accord wet lease, des aéronefs avec équipage à Air Berlin et que cette dernière détenait les créneaux horaires nécessaires pour l’utilisation de ces aéronefs et commercialisait les billets d’avion s’agissant des vols opérés par le biais desdits aéronefs. Elle en a déduit qu’Air Berlin était présente sur les marchés de services de transport aérien de passagers et que LGW était présente sur le marché de la location d’aéronefs, bien qu’uniquement au sein du groupe Air Berlin. Enfin, elle a constaté que la cessation des activités d’Air Berlin avait conduit LGW à se retirer du marché de la location d’aéronefs antérieurement à la concentration en cause et indépendamment de celle-ci.

101    À cet égard, la requérante soutient que la Commission a eu tort de considérer que LGW était présente sur le marché de la location d’aéronefs dans la mesure où cette dernière se contentait de louer des aéronefs à sa société mère, Air Berlin. Elle en déduit que les activités de LGW étaient indissociables de celles d’Air Berlin et que la Commission aurait dû, en conséquence, procéder à un examen spécifique de l’accord wet lease dans le cadre de son appréciation de la concentration en cause.

102    Il y a lieu de constater que la requérante considère, à l’instar de la Commission, que LGW ne louait des aéronefs qu’à Air Berlin, de sorte que la Commission a constaté, à juste titre, que l’application de l’accord wet lease avait pris fin avec la cessation des activités d’Air Berlin, laquelle était antérieure à la concentration en cause et indépendante de celle-ci, ainsi qu’il a été relevé aux points 38 et 49 ci-dessus. Or, la requérante n’explique pas comment cet accord, dont l’application a cessé antérieurement à cette concentration et indépendamment de celle-ci, était susceptible de révéler l’existence d’une entrave significative à la concurrence effective dans le cadre de l’appréciation de ladite concentration par la Commission.

103    En outre, si la requérante entendait reprocher à la Commission de ne pas avoir tenu compte, dans son analyse, des éventuels effets de l’acquisition, par l’intervenante, des aéronefs régionaux dont la location faisait l’objet de l’accord wet lease, il suffit de constater qu’elle n’explique pas de quelle façon, ni sur quel marché, cette acquisition était susceptible de constituer une entrave significative à une concurrence effective.

104    Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que la Commission aurait dû procéder à un examen spécifique des effets de l’accord wet lease, de sorte qu’il convient d’écarter la première branche du deuxième moyen de la requérante.

 Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée des effets de la concentration en cause sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports de Düsseldorf, de Zurich, de Hambourg, de Munich, de Stuttgart et de Berlin-Tegel

105    En premier lieu, la requérante soutient que la concentration en cause produit des effets anticoncurrentiels. En effet, en l’absence de cette concentration, une partie importante des créneaux horaires transférés à l’intervenante aurait été attribuée à d’autres compagnies aériennes. La requérante fait valoir, à cet égard, que 14 des 19 aéroports concernés par ladite concentration sont des aéroports coordonnés au sens du règlement no 95/93, dont les aéroports de Düsseldorf, de Zurich, de Hambourg, de Munich, de Stuttgart et de Berlin-Tegel. En conséquence, conformément à l’article 10 de ce règlement, jusqu’à la moitié des créneaux horaires précédemment détenus par Air Berlin auraient été attribués à de « nouveaux arrivants » en l’absence de cette concentration, ce qui aurait réduit les barrières à l’entrée sur les marchés en cause.

106    À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004, seules les concentrations qui entraveraient de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées incompatibles avec le marché intérieur.

107    Par conséquent, ainsi que le fait valoir, à juste titre, la Commission, la circonstance qu’une concentration produirait des effets anticoncurrentiels n’est pas, en soi, suffisante pour considérer que cette concentration serait incompatible avec le marché intérieur, dès lors qu’elle n’entrave pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci.

108    Dans ces conditions, la seule circonstance que, en l’absence de la concentration en cause, certains des créneaux horaires transférés à l’intervenante auraient pu être attribués à d’autres compagnies aériennes, réduisant ainsi, pour ces dernières, les barrières à l’entrée s’agissant des aéroports concernés, ne permet pas, en tant que telle, de démontrer que cette concentration était susceptible d’entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci.

109    En second lieu, la requérante soutient que la concentration en cause entraverait significativement la concurrence effective sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports de Düsseldorf, de Zurich, de Hambourg, de Munich, de Stuttgart et de Berlin-Tegel. À cet égard, elle fait valoir que, d’une part, cette concentration créerait ou renforcerait la position dominante de l’intervenante sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports de Düsseldorf et de Zurich. D’autre part, ladite concentration porterait la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante dans les aéroports de Hambourg, de Munich, de Stuttgart et de Berlin-Tegel significativement au-delà de 25 % alors que ces aéroports ont des taux de congestion élevés.

110    À cet égard, la Commission a examiné la capacité de l’intervenante à verrouiller l’accès aux services d’infrastructures aéroportuaires et, par suite, aux marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination notamment des aéroports de Düsseldorf, de Zurich, de Hambourg, de Munich, de Stuttgart et de Berlin-Tegel. Ainsi qu’il résulte du point 19 ci-dessus, elle a tenu compte, d’une part, de la congestion de ces aéroports et, d’autre part, de la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante et de l’effet de la concentration en cause sur cette part de créneaux horaires.

111    S’agissant, d’une part, de la congestion des aéroports, la Commission a constaté que, ainsi qu’il résulte de l’article 3, paragraphe 5, du règlement no 95/93, la capacité des aéroports coordonnés n’était pas suffisante pour satisfaire toutes les demandes des transporteurs aériens sur la base d’une coopération volontaire entre ceux-ci. Toutefois, elle a relevé qu’un aéroport pouvait être qualifié de coordonné au sens de ce règlement sans que l’intégralité des créneaux horaires de cet aéroport soient utilisés. Elle a ainsi calculé, lorsqu’elle l’a estimé nécessaire, le taux de congestion des aéroports concernés en divisant, pour chacune des heures d’ouverture, le nombre de créneaux horaires attribués à toutes les compagnies aériennes par le nombre total de créneaux horaires disponibles. Elle a considéré, sans que cela soit contesté par la requérante, que l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective pouvait, en principe, être exclue lorsque le taux de congestion moyen d’un aéroport était inférieur à 60 %.

112    S’agissant, d’autre part, de l’effet de la concentration en cause sur la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante, la Commission a constaté, ainsi qu’il a été mentionné au point 74 ci-dessus, que, en l’absence de la concentration en cause, les créneaux horaires d’Air Berlin, y compris ceux de Niki Luftfahrt, seraient retournés dans le pool avant d’être redistribués aux autres transporteurs aériens qui en feraient la demande. À cet égard, elle a précisé, ainsi que le fait valoir la requérante, que, conformément à l’article 10, paragraphe 6, du règlement no 95/93, 50 % de ces créneaux horaires auraient été attribués aux nouveaux arrivants, à moins que les demandes de ces derniers n’aient représenté moins de 50 % desdits créneaux horaires. Par conséquent, au moins 50 % des créneaux horaires d’Air Berlin auraient été transférés aux autres compagnies aériennes, dont l’intervenante, qui détenaient déjà suffisamment de créneaux horaires dans les aéroports concernés.

113    Dans ces conditions, la Commission a examiné dans la décision attaquée ce qu’elle a qualifié d’« augmentation nette », à savoir la différence entre la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante à l’issue de la concentration en cause et la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante en l’absence de cette concentration, en tenant compte des créneaux horaires d’Air Berlin, y compris ceux de Niki Luftfahrt, qui lui seraient, le cas échéant, transférés par l’intermédiaire du pool.

–       Sur les effets de la concentration en cause sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports de Düsseldorf et de Zurich

114    Premièrement, s’agissant de la saison d’hiver IATA 2017/2018 à l’aéroport de Düsseldorf, la Commission a relevé que la part moyenne de créneaux horaires détenue par l’intervenante passerait de 26 % à 39 % ou à 42 %, selon que les créneaux horaires détenus par Niki Luftfahrt seraient transférés à une autre compagnie aérienne ou seraient retournés dans le pool, que l’augmentation nette moyenne serait de 4 % et que le taux de congestion moyen serait de 73 %. Par ailleurs, la part maximale de créneaux horaires détenue par l’intervenante serait portée de 46 % à 58 %, entre 17 heures et 17 h 59, selon le temps universel coordonné (UTC), lorsque le taux de congestion maximal de 99 % serait atteint. L’augmentation nette serait alors de 6 %.

115    Deuxièmement, s’agissant de la saison d’été IATA 2018 à l’aéroport de Düsseldorf, la Commission a relevé que la part des créneaux horaires détenue par l’intervenante serait portée de 39 % à 52 % ou à 54 %, selon que les créneaux horaires détenus par Niki Luftfahrt seraient transférés à une autre compagnie aérienne ou seraient retournés dans le pool, et que l’augmentation nette moyenne serait de 5 %. En tenant compte des engagements pris par l’intervenante, la Commission a relevé que l’intervenante ne se verrait transférer qu’un nombre réduit de créneaux horaires, de sorte que la part de créneaux horaires détenue par cette dernière ne dépasserait pas 50 % et que l’augmentation nette serait limitée à 1 %. Par ailleurs, elle a constaté que le taux de congestion moyen de l’aéroport de Düsseldorf était de 91 % au cours de la saison d’été IATA 2017 et que seuls deux créneaux horaires seraient transférés à l’intervenante lorsque le taux de congestion maximal de 100 % serait atteint, entre 12 heures et 12 h 59 UTC.

116    Troisièmement, s’agissant de l’aéroport de Zurich, la Commission a constaté que l’intervenante ne se verrait transférer des créneaux horaires que pour la saison d’été IATA 2018. Plus particulièrement, elle a relevé que la part moyenne de créneaux horaires détenue par l’intervenante passerait de 51 % à 52 %, que l’augmentation nette moyenne serait proche de 0 % et que le taux de congestion moyen de l’aéroport de Zurich était de 69 %. En ce qui concerne la part maximale de créneaux horaires détenue par l’intervenante, celle-ci serait portée de 81 % à 84 %, entre 4 heures et 4 h 59 UTC, lorsque le taux de congestion maximal de 94 % serait atteint, mais l’augmentation nette serait alors de 0 %.

117    En premier lieu, la requérante rappelle qu’une part de marché supérieure à 50 % crée une présomption de position dominante. À cet égard, d’une part, elle en déduit que, en l’espèce, la concentration en cause conférait à l’intervenante une telle position s’agissant de l’aéroport de Düsseldorf et renforcerait cette position s’agissant de l’aéroport de Zurich. D’autre part, elle soutient que la création et le renforcement de la position dominante de l’intervenante constituent, en tant que tels, des entraves significatives à une concurrence effective en permettant à celle-ci de verrouiller l’accès aux services de transport aérien de passagers au départ ou à destination de ces aéroports. Elle fait ainsi valoir que la part des créneaux horaires détenue par l’intervenante à l’aéroport de Düsseldorf s’élèverait à 42 % et à 54 % pendant les saisons respectivement d’hiver IATA 2017/2018 et d’été IATA 2018 et que le taux de congestion de cet aéroport atteint 91 %. Elle précise par ailleurs que les engagements pris par l’intervenante seraient insuffisants dans la mesure où la part de créneaux horaires que celle-ci détiendrait atteindrait encore 50 % de créneaux horaires pendant la saison d’été IATA 2018. S’agissant de l’aéroport de Zurich, elle relève que la part des créneaux horaires détenue par l’intervenante s’élèverait en moyenne à 52 % et au maximum à 84 % au cours de la saison d’été IATA 2018 et que celle de son concurrent le plus proche ne s’élèverait qu’à 6 %.

118    À cet égard, il résulte de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004 qu’une concentration peut, dans certains cas, constituer une entrave significative à une concurrence effective lorsqu’elle conduit à la création ou au renforcement d’une position dominante (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, point 87).

119    De plus, ainsi que le fait valoir la requérante, si la signification des parts de marché peut différer d’un marché à l’autre, il peut être considéré à juste titre que des parts de marché extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante. Tel peut être le cas d’une part de marché de 50 % ou plus (voir arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T‑342/07, EU:T:2010:280, point 41 et jurisprudence citée).

120    Toutefois, en l’espèce, s’agissant, d’une part, de la saison d’hiver IATA 2017/2018 à l’aéroport de Düsseldorf, il convient de relever que l’intervenante ne détiendrait, en moyenne, que 42 % des créneaux horaires. Par conséquent, ainsi que cela ressort d’ailleurs de l’argumentation de la requérante, il ne saurait être présumé que l’intervenante posséderait une position dominante dans la mesure où sa part de créneaux horaires détenue à l’issue de la concentration en cause resterait inférieure à 50 %. Or, il y a lieu de constater que, aux fins de démontrer l’existence de la position dominante de l’intervenante, la requérante se borne à invoquer le fait que la part de créneaux horaires que celle-ci détient est supérieure à 40 % et le fait que le taux de congestion de cet aéroport est élevé. Toutefois, en l’absence notamment d’informations relatives à la part de créneaux horaires détenue par les autres compagnies aériennes, ces faits ne suffisent pas, à eux seuls, à démontrer que l’intervenante posséderait une telle position. Enfin, la circonstance que la part maximale de créneaux horaires détenue par l’intervenante puisse atteindre 58 % entre 17 heures et 17 h 59 UTC ne permet pas de conclure que l’intervenante posséderait une position dominante pour la saison d’hiver IATA 2017/2018, prise dans son ensemble. En tout état de cause, une telle circonstance ne suffit pas pour établir que la concentration en cause serait manifestement susceptible de constituer une entrave significative à une concurrence effective en application de la jurisprudence citée au point 118 ci-dessus, compte tenu notamment de la disponibilité des créneaux horaires à l’aéroport de Düsseldorf lors de cette saison, ainsi que l’a constaté la Commission au point 214 de la décision attaquée.

121    S’agissant, d’autre part, de la saison d’été IATA 2018 aux aéroports de Düsseldorf et de Zurich, il résulte de la décision attaquée que, à la suite des engagements pris par l’intervenante, l’augmentation nette serait de 0 % ou proche de 0 %, de sorte que la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante serait la même, ou presque la même, que la concentration en cause soit ou non mise en œuvre. Par conséquent, la création ou le renforcement de la position dominante qu’allègue la requérante ne résulterait pas de la concentration en cause, en tant que telle, mais uniquement de la cessation des activités d’Air Berlin. Dans ces conditions, il ne saurait être déduit du seul fait que la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante à l’issue de la concentration en cause serait supérieure ou égale à 50 % que cette concentration constituerait une entrave significative à une concurrence effective.

122    En second lieu, la requérante soutient que, compte tenu de sa part importante de créneaux horaires et du taux de congestion, notamment des aéroports de Düsseldorf et de Zurich, l’intervenante pourrait adopter diverses stratégies d’éviction. Celle-ci pourrait ainsi, premièrement, augmenter le nombre de vols aux horaires des vols envisagés par un nouvel entrant ou sur les lignes déjà exploitées par celui-ci de façon à rendre moins rentables les activités de ce dernier, deuxièmement, utiliser de manière plus efficace ses créneaux horaires en les redéployant, au besoin, sur ses différentes liaisons et, troisièmement, offrir des programmes de fidélité plus avantageux à ses clients.

123    À cet égard, premièrement, dans la décision attaquée, la Commission a relevé, à l’instar de la requérante, que le fait de détenir un nombre important de créneaux horaires pouvait permettre aux compagnies aériennes d’offrir des vols à un horaire proche de celui envisagé par une autre compagnie aérienne afin, notamment, de rendre plus difficile l’entrée de cette dernière sur le marché des services de transport aérien de passagers au départ ou à destination de l’aéroport concerné.

124    Toutefois, d’une part, il importe de relever que l’augmentation nette du nombre de créneaux horaires dans les aéroports de Düsseldorf et de Zurich lors de la saison d’été IATA 2018 serait de 0 % ou proche de 0 %. Il s’ensuit que le fait que l’intervenante pourrait, compte tenu de son nombre accru de créneaux horaires, plus facilement augmenter le nombre de vols aux horaires des vols envisagés par un nouvel entrant ou sur les lignes déjà exploitées par celui-ci ne résulterait pas de la concentration en cause, mais de la cessation des activités d’Air Berlin. D’autre part, s’agissant de la saison d’hiver IATA 2017/2018 à l’aéroport de Düsseldorf et de la saison d’été IATA 2018 à l’aéroport de Zurich, la Commission a relevé, dans la décision attaquée, que le taux de congestion moyen de ces aéroports, respectivement de 73 % et de 69 %, serait suffisamment bas pour permettre le développement des activités des concurrents à l’issue de la concentration en cause, nonobstant la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante. Or, la requérante n’apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette appréciation.

125    Deuxièmement, il convient de rappeler que la circonstance que les concurrents puissent être lésés du fait qu’une concentration génère des gains d’efficacité ne peut pas, en soi, constituer une entrave à la concurrence. Or, la requérante n’explique pas en quoi l’utilisation plus efficace par l’intervenante de ses créneaux horaires ainsi que la mise en place de programmes de fidélité plus avantageux en faveur de ses clients ne reflèteraient pas des gains d’efficacité qui, s’ils peuvent léser des concurrents, n’en constitueraient pas pour autant une entrave significative à une concurrence effective.

126    Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la concentration en cause n’entraverait pas significativement la concurrence effective sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports de Düsseldorf et de Zurich.

–       Sur les effets de la concentration en cause sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports de Hambourg, de Munich, de Stuttgart et de Berlin-Tegel

127    Premièrement, s’agissant de la saison d’été IATA 2018 à l’aéroport de Hambourg, la Commission a relevé que la part moyenne de créneaux horaires détenue par l’intervenante serait portée de 30 % à 33 %, que l’augmentation nette moyenne serait de 1 % et que le taux de congestion moyen serait de 54 %. La part maximale de créneaux horaires détenue par l’intervenante passerait de 39 % à 43 %, entre 16 heures et 16 h 59 UTC, lorsque le taux de congestion maximal de 75 % serait atteint. L’augmentation nette serait alors toutefois contenue à 1 %.

128    Deuxièmement, s’agissant de la saison d’hiver IATA 2017/2018 à l’aéroport de Munich, la Commission a relevé que la part moyenne de créneaux horaires détenue par l’intervenante passerait de 39 % à 41 %, que l’augmentation nette moyenne serait de 0 % et que le taux de congestion moyen serait de 60 %. Elle a également relevé que la part maximale de créneaux horaires détenue par l’intervenante serait de 78 %, entre 13 heures et 13 h 59 UTC, lorsque le taux de congestion maximal de 93 % serait atteint. Elle a toutefois constaté que l’augmentation nette demeurait à 0 %.

129    Troisièmement, en ce qui concerne l’aéroport de Stuttgart, la Commission a relevé que, d’une part, s’agissant de la saison d’hiver IATA 2017/2018, la part moyenne de créneaux horaires détenue par l’intervenante passerait de 15 % à 17 %, que l’augmentation nette moyenne serait de 1 % et que le taux de congestion moyen serait de 30 %. Elle a également relevé que la part maximale de créneaux horaires détenue par l’intervenante serait de 33 %, entre 17 heures et 17 h 59 UTC, lorsque le taux de congestion maximal de 59 % serait atteint. Elle a toutefois constaté que l’augmentation nette resterait contenue à 1 %. D’autre part, s’agissant de la saison d’été IATA 2018, la part moyenne de créneaux horaires détenue par l’intervenante passerait de 30 % à 33 %, l’augmentation nette moyenne serait de 1 % et le taux de congestion moyen serait de 43 %. En outre, la part maximale de créneaux horaires détenue par l’intervenante serait de 46 %, entre 16 heures et 16 h 59 UTC, lorsque le taux de congestion maximal de 74 % serait atteint. L’augmentation nette serait alors de 2 %.

130    Quatrièmement, en ce qui concerne l’aéroport de Berlin-Tegel, la Commission a relevé que, d’une part, s’agissant de la saison d’hiver IATA 2017/2018, la part moyenne de créneaux horaires détenue par l’intervenante passerait de 16 % à 25 %, que l’augmentation nette moyenne serait de 4 % et que le taux de congestion moyen serait de 54 %. Elle a également relevé que la part maximale de créneaux horaires détenue par l’intervenante serait de 40 %, entre 19 heures et 19 h 59 UTC, alors que le taux de congestion maximal de 73 % serait atteint entre 7 heures et 7 h 59 UTC. Elle a par ailleurs constaté que l’augmentation nette serait de 11 % entre 19 heures et 19 h 59 UTC. D’autre part, s’agissant de la saison d’été IATA 2018, la part moyenne de créneaux horaires détenue par l’intervenante passerait de 28 % à 35 %, l’augmentation nette moyenne serait de 3 % et le taux de congestion moyen serait de 62 %. En outre, la part maximale de créneaux horaires détenue par l’intervenante serait de 52 %, entre 16 heures et 16 h 59 UTC, alors que le taux de congestion maximal de 83 % serait atteint entre 10 heures et 10 h 59 UTC. L’augmentation nette entre 16 heures et 16 h 59 UTC resterait contenue à 1 %.

131    La requérante soutient que, ainsi qu’il est indiqué au paragraphe 18 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, C 31, p. 5, ci‑après les « lignes directrices relatives aux concentrations horizontales ») et au considérant 32 du règlement no 139/2004, une concentration ne constitue pas une entrave significative à une concurrence effective lorsque la part de marché des entreprises concernées ne dépasse pas 25 %. Or, elle fait valoir que la part de marché de l’intervenante à l’issue de la concentration en cause dépasserait de manière significative 25 %, premièrement, au cours de la saison d’été IATA 2018 à l’aéroport de Hambourg, deuxièmement, au cours de la saison d’hiver IATA 2017/2018 à l’aéroport de Munich et, troisièmement, au cours des saisons d’hiver IATA 2017/2018 et d’été IATA 2018 aux aéroports de Stuttgart et de Berlin-Tegel. Elle en déduit que, compte tenu du taux de congestion élevé de ces aéroports, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la concentration en cause ne constituait pas une entrave significative à une concurrence effective dans les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination desdits aéroports.

132    À cet égard, en premier lieu, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si la concentration en cause constitue une concentration horizontale au sens des lignes directrices relatives aux concentrations horizontales, il résulte du paragraphe 18 de ces lignes directrices et du considérant 32 du règlement no 139/2004 que le fait que la part de marché des entreprises concernées ne dépasse pas 25 % constitue une indication permettant de présumer qu’une concentration est compatible avec le marché intérieur. Toutefois, il ne saurait en être déduit qu’une concentration ne serait pas compatible avec le marché intérieur du seul fait que la part de marché des entreprises concernées dépasserait 25 %.

133    En deuxième lieu, si la requérante fait référence aux taux de congestion des aéroports qu’elle a identifiés, elle n’allègue pas ni, a fortiori, ne démontre que ces taux l’empêcheraient d’accéder aux marchés des services de transport aérien de passagers au départ ou à destination de ces aéroports. En outre, d’une part, il convient de relever que les taux de congestion moyens de ces derniers resteraient proches ou en dessous du taux de 60 %, mentionné au point 111 ci-dessus, en dessous duquel la Commission a considéré, sans être contestée par la requérante, que l’existence d’une entrave significative à la concurrence pouvait, en principe, être exclue.

134    D’autre part, il y a lieu de relever que les taux de congestion maximaux des aéroports en cause sont atteints à différents horaires. Or, si, comme le fait valoir la requérante, l’horaire auquel les compagnies aériennes peuvent faire décoller ou atterrir leurs avions constitue un élément important aux fins de la prestation de services de transport aérien de passagers, la requérante n’identifie pas les créneaux horaires qui seraient nécessaires dans chacun des aéroports qu’elle a identifiés pour développer de tels services. Plus particulièrement, elle n’explique pas comment les créneaux horaires d’Air Berlin permettraient à l’intervenante de verrouiller l’accès aux services d’infrastructures aéroportuaires et, par suite, aux marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination de chacun de ces aéroports.

135    En troisième lieu, il ressort de la décision attaquée que l’augmentation nette serait nulle à l’aéroport de Munich et ne dépasserait pas 1 % à l’aéroport de Hambourg. Elle n’atteindrait, au maximum, que 2 % à l’aéroport de Stuttgart, entre 16 heures et 16 h 59 UTC lors de la saison d’été IATA 2018 et demeurerait, en moyenne, à 1 % toutes saisons confondues. Enfin, s’agissant de l’aéroport de Berlin-Tegel, elle atteindrait, en moyenne, respectivement 3 % lors de la saison d’été IATA 2018 et 4 % lors de la saison d’hiver IATA 2017/2018 et, au maximum, 11 % entre 19 heures et 19 h 59 UTC, lors de cette dernière saison. Toutefois, le taux de congestion moyen ne serait que de 62 % lors de la saison d’été IATA 2018 et de 54 % lors de la saison d’hiver IATA 2017/2018.

136    Dans ces conditions, il convient de relever que l’augmentation nette resterait limitée en ce qui concerne les aéroports de Hambourg, de Munich et de Stuttgart, de sorte que les éventuelles difficultés d’accès aux marchés des services de transport aérien de passagers au départ ou à destination de ces aéroports ne résulteraient pas de la concentration en cause. S’agissant de l’aéroport de Berlin-Tegel, l’augmentation nette serait légèrement plus élevée. Toutefois, compte tenu du taux de congestion et de la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante à l’issue de cette concentration, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, d’établir que ladite concentration constituerait manifestement une entrave significative à une concurrence effective.

137    Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la concentration en cause n’entraverait pas significativement la concurrence effective sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports de Hambourg, de Munich, de Stuttgart et de Berlin-Tegel.

138    Dès lors, il convient d’écarter la seconde branche du deuxième moyen de la requérante et, par voie de conséquence, ledit moyen dans son intégralité.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du règlement no 95/93

139    La requérante soutient que la Commission a violé l’article 8 bis, paragraphe 2, sous a), du règlement no 95/93 ainsi que les principes de neutralité, de transparence et de non-discrimination qui résultent de ce règlement. Plus particulièrement, elle fait valoir qu’il ne serait pas possible de transférer des créneaux horaires dans le cadre d’une concentration lorsqu’un tel transfert risquerait de porter préjudice aux opérations d’un aéroport. Or, la concentration en cause causerait un tel préjudice, notamment aux aéroports de Düsseldorf et de Zurich, en créant ou en renforçant la position dominante de l’intervenante.

140    La Commission et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

141    À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 121 ci-dessus, la création ou le renforcement de la position dominante qu’allègue la requérante ne résulterait pas de la concentration en cause.

142    En second lieu, d’une part, il a été mentionné au point 106 ci-dessus que, conformément à l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004, seules les concentrations qui entraveraient de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées incompatibles avec le marché intérieur. D’autre part, il résulte de l’article 8 bis, paragraphe 2, du règlement no 95/93 qu’il appartient au seul coordonnateur des aéroports concernés de refuser de confirmer les transferts de créneaux horaires qui lui sont notifiés s’il n’est pas convaincu que les opérations aéroportuaires ne subiront pas de préjudice. Par conséquent, il convient de relever que la Commission n’était pas compétente pour faire application de cette disposition.

143    Dans ces conditions, il convient d’écarter le troisième moyen de la requérante.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’omission de l’examen des éventuels gains d’efficacité résultant de la concentration en cause

144    La requérante soutient que la Commission a violé les lignes directrices relatives aux concentrations horizontales en omettant d’examiner les éventuels gains d’efficacité qui pourraient résulter de la concentration en cause.

145    La Commission et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

146    En premier lieu, il convient de relever que, ainsi qu’il résulte d’ailleurs des termes de la section 9 du formulaire CO relatif à la notification d’une concentration conformément au règlement no 139/2004, figurant à l’annexe I du règlement (CE) no 802/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 139/2004 (JO 2004, L 133, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 172, p. 9), et du paragraphe 78 des lignes directrices relatives aux concentrations horizontales, les gains d’efficacité induits par la concentration doivent être de nature à favoriser la concurrence au profit des consommateurs. Le considérant 29 du règlement no 139/2004, auquel se réfère la requérante, rappelle ainsi que de tels gains résultant d’une concentration peuvent contrebalancer les effets sur la concurrence, et notamment le préjudice potentiel pour les consommateurs, que cette concentration aurait sinon pu avoir et que, de ce fait, elle n’entrave pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci.

147    En l’espèce, il convient de relever que la Commission a considéré, en se fondant sur l’article 6, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement no 139/2004, que, compte tenu des engagements pris par l’intervenante, la concentration en cause n’était pas susceptible de constituer une entrave significative à une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, sans qu’il soit besoin que l’intervenante démontre des gains d’efficacité. Par conséquent, dès lors que, ainsi qu’il a été mentionné aux points 126 et 137 ci-dessus, la requérante n’est pas fondée à soutenir que ladite concentration serait manifestement susceptible de constituer une telle entrave, il n’y avait pas lieu, pour la Commission, d’examiner des gains d’efficacité qui auraient pu contrebalancer les effets sur la concurrence de cette concentration.

148    En second lieu, il résulte du considérant 29 du règlement no 139/2004 et des paragraphes 84 à 87 des lignes directrices relatives aux concentrations horizontales, invoqués par la requérante, qu’il appartient aux parties à la concentration de démontrer les éventuels gains d’efficacité résultant de cette concentration, ainsi que le reconnaît d’ailleurs la requérante. Par conséquent, la requérante ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir recherché l’existence de gains d’efficacité qui n’auraient pas été préalablement démontrés par l’intervenante.

149    Dans ces conditions, il convient d’écarter le quatrième moyen de la requérante.

 Sur le cinquième moyen, tiré du caractère insuffisant des engagements pris par l’intervenante

150    La requérante soutient que, malgré les engagements pris par l’intervenante, la part de créneaux horaires détenue par cette dernière à l’aéroport de Düsseldorf s’élèverait à 50 % lors de la saison d’été IATA 2018, ce qui indiquerait que cette dernière détiendrait une position dominante. Par ailleurs, ces engagements ne porteraient pas sur les créneaux horaires de la saison d’hiver IATA 2017/2018, alors que l’intervenante détiendrait, également durant cette saison, une telle position et que le taux de congestion dudit aéroport serait élevé.

151    La Commission et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

152    Aux termes de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, si la Commission constate que, après modifications apportées par les entreprises concernées, une concentration notifiée ne soulève plus de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle déclare la concentration compatible avec celui-ci.

153    À cet égard, il convient de rappeler que les engagements pris en vue de l’adoption d’une décision au titre de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 ont pour objet de dissiper tous doutes sérieux quant à la question de savoir si la concentration entraverait de manière significative une concurrence effective dans un marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante (arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 297).

154    En l’espèce, premièrement, il a été relevé au point 121 ci-dessus que, s’agissant de la saison d’été IATA 2018 à l’aéroport de Düsseldorf, la part de créneaux horaires détenue par l’intervenante resterait, compte tenu des engagements pris par cette dernière, presque la même, que la concentration en cause soit ou non mise en œuvre. Il s’ensuit que la position dominante alléguée par la requérante ne résulterait pas de la concentration en cause, en tant que telle, mais de la cessation des activités d’Air Berlin. Par conséquent, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que les engagements pris par l’intervenante étaient suffisants pour dissiper les doutes quant à la compatibilité de la concentration en cause avec le marché intérieur.

155    Deuxièmement, il a été relevé aux points 120 et 123 ci-dessus que, s’agissant de la saison d’hiver IATA 2017/2018, la requérante n’avait pas établi que, à l’issue de la concentration en cause, l’intervenante posséderait une position dominante ou aurait la capacité de mettre en œuvre des stratégies d’éviction. Dans ces conditions, dans la mesure où la requérante n’est pas fondée à soutenir que ladite concentration est manifestement susceptible de constituer une entrave significative à une concurrence effective, il n’y avait pas lieu, pour la Commission, d’examiner des engagements qui auraient pu prévenir cette entrave.

156    Troisièmement, il résulte de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 et de l’article 19 du règlement no 802/2004 qu’il appartient, le cas échéant, aux parties à la concentration de proposer, sous forme d’engagements, des modifications à cette concentration. Il s’ensuit que la requérante ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir imposé des engagements s’agissant de la saison d’hiver IATA 2017/2018 que l’intervenante n’aurait pas proposés au préalable.

157    Par conséquent, il convient d’écarter le cinquième moyen de la requérante.

 Sur le sixième moyen, tiré de l’omission de la prise en compte de l’aide au sauvetage dans le cadre de l’appréciation des effets de la concentration en cause

158    La requérante soutient que l’aide au sauvetage a été octroyée à Air Berlin en vue de réaliser la concentration en cause. À cet égard, elle fait valoir que cette aide n’était pas compatible avec le marché intérieur, que certaines informations relatives à cette aide ne seraient pas accessibles au public et que les négociations relatives à ladite concentration entre l’intervenante et Air Berlin se sont déroulées à huis clos. Elle en déduit que l’aide au sauvetage a empêché d’autres « opérateurs plus efficaces » d’acquérir les actifs d’Air Berlin. Par ailleurs, elle considère que cette aide a modifié la capacité de financement d’Air Berlin, de sorte que la Commission devait en tenir compte, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004.

159    La Commission et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

160    À cet égard, en premier lieu, il résulte de la décision déclarant l’aide au sauvetage compatible avec le marché intérieur que cette aide avait notamment pour objectif de permettre la vente « ordonnée » des actifs d’Air Berlin de façon à limiter les conséquences négatives pour le personnel de cette dernière.

161    Toutefois, premièrement, il ne saurait résulter de la prétendue incompatibilité de l’aide au sauvetage avec le marché intérieur, du fait que certaines informations relatives à cette aide ne soient pas accessibles au public et que les négociations relatives à la concentration en cause entre l’intervenante et Air Berlin se soient déroulées à huis clos, que cette aide avait spécifiquement pour objectif l’acquisition, par l’intervenante, des actifs d’Air Berlin visés par la concentration en cause.

162    Deuxièmement, la requérante n’allègue pas ni, a fortiori, ne démontre que les « opérateurs plus efficaces » auxquels elle fait référence ne pouvaient pas déposer une offre de rachat d’actifs d’Air Berlin dans le cadre de la procédure d’insolvabilité de cette dernière.

163    Troisièmement, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été mentionné au point 108 ci-dessus, la seule circonstance que, en l’absence de la concentration en cause, les créneaux horaires d’Air Berlin transférés à l’intervenante auraient, pour partie au moins, été attribués à des concurrents de cette dernière n’est pas suffisante, à elle seule, pour considérer que cette concentration entrave de manière significative une concurrence effective, de sorte qu’elle aurait dû être déclarée incompatible avec le marché intérieur par la Commission.

164    En second lieu, il résulte de l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004 que, dans son appréciation des concentrations, la Commission doit tenir compte notamment de la position sur le marché des entreprises concernées et de leur puissance économique et financière. Toutefois, il convient de relever que la requérante n’apporte aucun élément susceptible de démontrer que le montant du prêt accordé à Air Berlin en vertu de l’aide au sauvetage avait été transféré à LGW en vue de son acquisition par l’intervenante.

165    Dans ces conditions, il n’est pas établi que le montant du prêt accordé à Air Berlin faisait partie de la concentration en cause, de sorte qu’il y a lieu de considérer que l’aide au sauvetage n’était pas de nature à affecter la position sur le marché ou la puissance économique et financière de LGW ou des actifs d’Air Berlin acquis par l’intervenante. Il s’ensuit que cette aide n’était pas susceptible de modifier l’appréciation, par la Commission, de cette concentration.

166    Par conséquent, il convient d’écarter le sixième moyen de la requérante.

 Sur le septième moyen, tiré de la violation de l’article 296 TFUE

167    La requérante soutient que la Commission a violé l’article 296 TFUE au motif que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée. Elle reproche plus particulièrement à la Commission de ne pas avoir analysé de façon exhaustive le cadre factuel de la concentration en cause. Elle fait ainsi valoir que la Commission n’a pas examiné les effets de cette concentration sur les marchés O & D pertinents, qu’elle n’a pas tenu compte d’un « certain nombre d’éléments […] sur l’état de la concurrence dans les aéroports couverts par [cette concentration] », qu’elle n’a pas vérifié si les gains d’efficacité résultant de ladite concentration compensaient les effets anticoncurrentiels produits par celle-ci, qu’elle n’a pas examiné si les engagements pris par l’intervenante pouvaient permettre d’éliminer l’entrave significative à une concurrence effective résultant de ladite concentration et, enfin, qu’elle n’a pas pris en considération l’aide au sauvetage.

168    La Commission et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

169    Aux termes de l’article 296 TFUE, les actes juridiques adoptés par les institutions de l’Union sont motivés.

170    À cet égard, il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Ainsi, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 ; du 22 juin 2004, Portugal/Commission, C‑42/01, EU:C:2004:379, point 66, et du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 79).

171    Ainsi, la Commission ne viole pas son obligation de motivation si, lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des concentrations, elle n’inclut pas dans sa décision une motivation précise quant à l’appréciation d’un certain nombre d’aspects de la concentration qui lui semblent manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires pour l’appréciation de cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 64). Une telle exigence serait en effet difficilement compatible avec l’impératif de célérité et les brefs délais de procédure qui s’imposent à la Commission lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des opérations de concentration et qui font partie des circonstances particulières d’une procédure de contrôle de ces opérations. Il en résulte que, lorsque la Commission déclare une concentration compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004, l’exigence de motivation est satisfaite si cette décision expose clairement les raisons pour lesquelles la Commission considère que la concentration en question, le cas échéant après modifications apportées par les entreprises concernées, n’entrave pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante (voir, par analogie, arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T‑162/10, EU:T:2015:283, point 100).

172    En l’espèce, premièrement, il y a lieu de constater, ainsi qu’il résulte des points 35 et 69 ci-dessus, que la Commission a exposé, dans la décision attaquée, la raison pour laquelle elle n’avait pas apprécié la concentration en cause sur chacun des marchés O & D pertinents. En effet, d’une part, elle a expliqué que, ayant cessé ses activités antérieurement à la concentration en cause et indépendamment de celle-ci, Air Berlin n’opérait plus sur aucun des marchés O & D sur lesquels cette dernière était présente antérieurement. D’autre part, elle a fait valoir qu’il convenait d’apprécier les effets de cette concentration sur les marchés de services de transport aérien de passagers au départ ou à destination des aéroports auxquels étaient rattachés les créneaux horaires d’Air Berlin au motif que ces créneaux horaires n’étaient affectés à aucun marché O & D particulier.

173    Deuxièmement, il convient de relever que la requérante n’identifie pas les « éléments […] sur l’état de la concurrence dans les aéroports couverts par [cette concentration] » sur lesquels elle considère que la Commission aurait dû se prononcer.

174    Troisièmement, ainsi qu’il résulte des points 147 et 155 ci-dessus, il n’y avait pas lieu, pour la Commission, d’apprécier d’éventuels gains d’efficacité qui résulteraient de la concentration en cause ou d’envisager d’éventuels engagements supplémentaires qu’aurait pu proposer l’intervenante. De même, ainsi qu’il résulte du point 165 ci-dessus, il n’y avait pas lieu, pour la Commission, de prendre en considération l’aide au sauvetage aux fins de l’appréciation de la concentration en cause. Il s’ensuit que ces différents éléments, invoqués par la requérante, pouvaient, à juste titre, sembler à la Commission manifestement hors de propos, de sorte que, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 171 ci-dessus, il ne saurait lui être reproché d’avoir violé son obligation de motivation en ne les mentionnant pas dans la décision attaquée.

175    Dans ces circonstances, il ne saurait être considéré que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation, de sorte qu’il convient d’écarter le septième moyen de la requérante.

 Sur la demande de la requérante d’adopter des mesures d’organisation de la procédureet des mesures d’instruction

176    Par courrier du 12 juin 2018, la requérante a, au titre de l’article 88 du règlement de procédure, demandé au Tribunal d’adopter des mesures d’organisation de la procédure et des mesures d’instruction relatives à l’aide au sauvetage, à la cessation des activités d’Air Berlin et à la vente des actifs de cette dernière.

177    Toutefois, il convient de relever, d’une part, que, en méconnaissance de l’article 88, paragraphe 2, du règlement de procédure, la requérante n’a pas indiqué, de façon suffisamment circonstanciée, les raisons de nature à justifier l’ensemble des mesures d’organisation de la procédure et les mesures d’instruction qu’elle sollicitait et, d’autre part, que, ainsi qu’il résulte notamment des points 36 à 49 et 161 à 165 ci-dessus, ces mesures d’organisation de la procédure et ces mesures d’instruction ne sont pas nécessaires pour statuer sur le recours.

178    Par conséquent, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction sollicitée par la requérante.

179    Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de l’annexe C.2 de la réplique, contestée par la Commission. En outre, dès lors que les conclusions de l’intervenante sont accueillies, il n’y a plus lieu de statuer sur l’objection, formulée par cette dernière en vue de l’exercice de ses droits procéduraux, au traitement confidentiel des données à l’égard desquelles la demande de traitement confidentiel de la requérante avait été accueillie par l’ordonnance du 20 mai 2019 du président de la neuvième chambre du Tribunal.

 Sur les dépens

180    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Polskie Linie Lotnicze “LOT” S.A. est condamnée aux dépens.

Van der Woude

Kornezov

Buttigieg

Kowalik-Bańczyk

 

      Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.