Language of document : ECLI:EU:T:2009:314

Affaires T-30/01 à T-32/01 et T-86/02 à T-88/02

Territorio Histórico de Álava Diputación Foral de Álava e.a.

contre

Commission des Communautés européennes

« Aides d’État — Avantages fiscaux octroyés par une entité territoriale d’un État membre — Exemptions fiscales — Décisions déclarant les régimes d’aides incompatibles avec le marché commun et ordonnant la récupération des aides versées — Qualification d’aides nouvelles ou d’aides existantes — Aides au fonctionnement — Principe de protection de la confiance légitime — Principe de sécurité juridique — Décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE — Non-lieu à statuer »

Sommaire de l'arrêt

1.      Procédure — Intervention — Recevabilité — Réexamen après une ordonnance antérieure admettant la recevabilité

(Statut de la Cour de justice, art. 40, al. 2)

2.      Procédure — Intervention — Personnes intéressées — Association représentative ayant pour objet la protection de ses membres — Recevabilité dans des affaires soulevant des questions de principe de nature à affecter lesdits membres

(Statut de la Cour de justice, art. 40, al. 2, et 53, al. 1)

3.      Aides accordées par les États — Aides existantes et aides nouvelles — Qualification d'aide existante — Critères — Mesure non constitutive d'une aide au moment de sa mise en vigueur

(Art. 87 CE et 88 CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 1er, b), v))

4.      Aides accordées par les États — Aides existantes et aides nouvelles — Qualification d'aide existante — Critères — Évolution du marché commun

(Art. 87 CE et 88 CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 1er, b), v))

5.      Aides accordées par les États — Aides existantes et aides nouvelles — Qualification d'aide existante — Critères — Régime général d'aides autorisé par la Commission

(Art. 87 CE, 88 CE et 253 CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 1er, b), ii))

6.      Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Compatibilité d'une aide avec le marché commun

(Art. 87 CE et 88 CE; communication de la Commission 98/C 74/06)

7.      Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Pouvoir d'appréciation de la Commission

(Art. 87, § 3, CE)

8.      Aides accordées par les États — Interdiction — Dérogations — Aides pouvant bénéficier de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE — Aide au fonctionnement — Exclusion

(Art. 87, § 3, c), CE)

9.      Recours en annulation — Moyens — Violation des droits de la défense

(Art. 230 CE)

10.    Droit communautaire — Principes — Droits de la défense — Application aux procédures administratives engagées par la Commission — Examen des projets d'aides — Portée

(Art. 88, § 2, CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 6, § 1)

11.    Aides accordées par les États — Examen par la Commission — Procédure d'examen antérieure à l'adoption du règlement nº 659/1999 — Absence de soumission à des délais spécifiques — Limite — Respect des exigences de la sécurité juridique — Obligation de mener à terme dans un délai raisonnable l'examen préliminaire entamé à la suite d'une plainte

(Art. 88 CE; règlement du Conseil nº 659/1999)

12.    Aides accordées par les États — Récupération d'une aide illégale — Aide octroyée en violation des règles de procédure de l'article 88 CE — Confiance légitime éventuelle dans le chef des bénéficiaires — Protection — Conditions et limites

(Art. 88, § 2, al. 1, CE)

13.    Aides accordées par les États — Récupération d'une aide illégale — Aide octroyée en violation des règles de procédure de l'article 88 CE — Confiance légitime éventuelle dans le chef des bénéficiaires — Protection — Conditions et limites — Circonstances exceptionnelles

(Art. 88 CE; communication de la Commission 83/C 318/03)

14.    Droit communautaire — Principes — Protection de la confiance légitime — Limites

(Art. 88, § 2, al. 1, CE)

15.    Aides accordées par les États — Procédure administrative — Droit des intéressés d'être entendus

(Art. 88, § 2, CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 6, § 1)

16.    Aides accordées par les États — Décision de la Commission d'ouvrir une procédure formelle d'examen d'une mesure étatique — Effets

(Art. 88, § 2, CE)

1.      Le fait que le Tribunal a, par une ordonnance antérieure, admis une personne à intervenir à l'appui des conclusions d'une partie ne s'oppose pas à ce qu'il soit procédé à un nouvel examen de la recevabilité de son intervention.

(cf. point 95)

2.      L'adoption d'une interprétation large du droit d'intervention d'associations représentatives ayant pour objet la protection de leurs membres dans des affaires soulevant des questions de principe de nature à affecter ces derniers vise à permettre de mieux apprécier le cadre des affaires tout en évitant une multiplicité d'interventions individuelles qui compromettraient l'efficacité et le bon déroulement de la procédure.

Justifie d'un intérêt à intervenir dans le cadre des recours en annulation dirigés contre des décisions de la Commission déclarant des régimes d'exonération fiscale illégaux et incompatibles avec le marché commun et ordonnant la récupération des aides versées à ce titre une organisation professionnelle confédérative intersectorielle ayant pour objet, notamment, la représentation et la défense des intérêts d'entreprises dont certaines sont les bénéficiaires effectifs d'aides accordées au titre desdits régimes fiscaux et qui a, par ailleurs, participé à la procédure administrative ayant mené à l'adoption des décisions en cause.

(cf. points 97-104)

3.      Le traité institue des procédures distinctes selon que les aides sont existantes ou nouvelles. Alors que les aides nouvelles doivent, conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE, être notifiées préalablement à la Commission et ne peuvent être mises à exécution avant que la procédure n’ait abouti à une décision finale, les aides existantes peuvent, conformément à l’article 88, paragraphe 1, CE, être régulièrement exécutées tant que la Commission n’a pas constaté leur incompatibilité. Les aides existantes ne peuvent donc faire l’objet, le cas échéant, que d’une décision d’incompatibilité produisant des effets pour l’avenir.

En vertu de l’article 1er, sous b), v), du règlement nº 659/1999, relatif à l'application de l'article 88 CE, constitue une aide existante, notamment, « toute aide réputée existante parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l’évolution du marché commun et sans avoir été modifiée par l’État membre ».

Il ne saurait, dans le cadre du contrôle des aides d'État ainsi établi par le traité et le règlement nº 659/1999, être admis, aux fins de la qualification d'une mesure d'aide existante, que la Commission puisse, par une décision implicite, adopter une position selon laquelle une mesure déterminée, qui n'a pas fait l'objet d'une notification, ne constitue pas une aide d'État au moment de son entrée en vigueur.

En effet, le seul silence d’une institution ne peut produire des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts d'un justiciable, sauf lorsque cette conséquence est expressément prévue par une disposition du droit communautaire. Le droit communautaire prévoit, dans certains cas spécifiques, que le silence d’une institution a valeur de décision lorsque cette institution a été invitée à prendre position et qu’elle ne s’est pas prononcée à l’expiration d’un certain délai. En l’absence de telles dispositions expresses, fixant un délai à l’expiration duquel une décision implicite est réputée intervenir et définissant le contenu de cette décision, l’inaction d’une institution ne saurait être assimilée à une décision, sauf à mettre en cause le système des voies de recours institué par le traité.

Or, les règles applicables en matière d’aides d’État ne prévoient pas que le silence de la Commission vaut décision implicite d’absence d’aide, en particulier lorsque les mesures en cause ne lui ont pas été notifiées. En effet, la Commission, qui possède une compétence exclusive en ce qui concerne la constatation de l’incompatibilité éventuelle d’une aide avec le marché commun, est obligée, au terme de la phase préliminaire d’examen portant sur une mesure étatique, d’adopter à l’égard de l’État membre concerné une décision qui constate soit l’absence d’aide, soit l’existence d’une aide compatible, soit la nécessité d’ouvrir la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Une telle décision ne peut être tacite et résulter du silence de la Commission.

Le simple fait pour la Commission de ne pas avoir, durant une période relativement longue, ouvert la procédure formelle d’examen d'une mesure étatique donnée ne saurait, à lui seul, conférer à cette mesure le caractère objectif d’une aide existante, s’il s’agit d’une aide. Les incertitudes susceptibles d’avoir existé à cet égard peuvent, tout au plus, être considérées comme ayant fait naître une confiance légitime des bénéficiaires empêchant la récupération de l’aide versée par le passé.

(cf. points 133-134, 148-153)

4.      La notion d'« évolution du marché commun » figurant à l'article 1er, sous b), v), du règlement nº 659/1999, relatif à l'application de l'article 88 CE, peut être comprise comme une modification du contexte économique et juridique dans le secteur concerné par la mesure en cause. Une telle modification peut, en particulier, résulter de la libéralisation d’un marché initialement fermé à la concurrence. En revanche, cette notion ne vise pas l'hypothèse dans laquelle la Commission change son appréciation sur le seul fondement d'une application plus rigoureuse des règles du traité en matière d'aides d'État. À cet égard, le caractère d’aide existante ou d’aide nouvelle d’une mesure étatique ne saurait dépendre d’une appréciation subjective de la Commission et doit être déterminé indépendamment de toute pratique administrative antérieure de la Commission.

Il s’ensuit que le seul constat d’une évolution de la politique en matière d’aides d’État ne saurait, en soi, suffire à constituer une « évolution du marché commun » au sens de l’article 1er, sous b), v), du règlement nº 659/1999, dès lors que la notion objective d’aide d’État, telle qu’elle découle de l’article 87 CE, n’est pas elle-même modifiée.

(cf. points 173-175, 186)

5.      L'article 1er, sous b), ii) du règlement nº 659/1999, relatif à l'application de l'article 88 CE, qui prévoit que, par aide existante il convient d'entendre « toute aide autorisée, c'est-à-dire les régimes d'aides et les aides individuelles autorisés par la Commision ou le Conseil », vise notamment les mesures d'aide ayant fait l'objet d'une décision de déclaration de compatibilité de la part de la Commission, décision qui est nécessairement explicite. En effet, la Commission doit se prononcer sur la compatibilité des mesures en cause au regard des conditions posées par l'article 87 CE et, en application de l'article 253 CE, motiver une telle décision.

En outre, lorsqu’il est allégué que des mesures individuelles sont octroyées en application d’un régime préalablement autorisé, la Commission doit, avant d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, déterminer si ces mesures sont ou non couvertes par le régime en cause et, dans l’affirmative, si elles satisfont aux conditions fixées dans la décision d’approbation de celui-ci. Ce n’est qu’en cas de conclusion négative à l’issue de cet examen que la Commission peut considérer les mesures en cause comme des aides nouvelles. En revanche, en cas de conclusion positive, la Commission doit traiter ces mesures en tant qu’aides existantes selon la procédure prévue à l’article 88, paragraphes 1 et 2, CE. Afin de pouvoir déterminer si les mesures individuelles satisfont ou non aux conditions fixées dans la décision d’approbation du régime en cause, cette décision d’approbation doit nécessairement être explicite.

(cf. points 194-197)

6.      La Commission est tenue par les encadrements ou les communications qu'elle adopte en matière de contrôle des aides d'État dans la mesure où ils ne s'écartent pas des normes du traité.

Dès lors que les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale de 1998 prévoient que la Commission appréciera la compatibilité des aides à finalité régionale avec le marché commun sur la base de celles-ci dès leur adoption, sauf en ce qui concerne les projets d’aides notifiés avant leur communication aux États membres et pour lesquels la Commission n’a pas encore adopté une décision finale, l'application par la Commission desdites lignes directrices dans des décisions constatant l'illégalité et l'incompatibilité avec le marché commun de régimes généraux d'aides qui ont été mis en oeuvre, sans avoir été notifiés, avant cette adoption ne saurait constituer une violation du principe de sécurité juridique.

En tout état de cause, à supposer qu'il puisse être considéré qu'une irrégularité puisse résulter de l'application desdites lignes directrices, elle n'emporterait l'illégalité des décisions en cause et, partant, leur annulation que dans la mesure où cette irégularité serait susceptible d'avoir des conséquences sur leur contenu. En effet, s’il était établi que, en l’absence de cette irrégularité, la Commission serait parvenue à un résultat identique, dans la mesure où le vice en question n’était, en tout état de cause, pas susceptible d’influencer le contenu des décisions attaquées, il n’y aurait pas lieu d’annuler ces dernières.

(cf. points 214-220)

7.      La Commission bénéficie, pour l'application de l'article 87, paragraphe 3, CE, d'un large pouvoir d'appréciation dont l'exercice implique des évaluations complexes d'ordre économique et social, qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire. Le contrôle juridictionnel appliqué à l'exercice de ce pouvoir d'appréciation se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu'au contrôle de l'exactitude matérielle des faits retenus et de l'absence d'erreur de droit, d'erreur manifeste dans l'appréciation des faits ou de détournement de pouvoir.

(cf. point 223)

8.      Les aides au fonctionnement visent à libérer une entreprise des coûts qu'elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales. Des régimes fiscaux qui déchargent partiellement les entreprises bénéficiaires de l'impôt sur les bénéfices présentent le caractère d'aide au fonctionnement, et non le caractère d'aide à l'investissement ou à l'emploi, nonobstant le fait que l'accès auxdits régimes est subordonné à des obligations de réaliser un investissement minimal et de créer un nombre minimal d'emplois, dès lors que les exemptions fiscales en cause sont calculées sur la base des bénéfices réalisés par les entreprises bénéficiaires et non en fonction du montant des investissements réalisés ou du nombre d'emplois créés.

(cf. points 226-229)

9.      Dans la mesure où elle constitue une illégalité subjective par sa nature, la violation des droits de la défense d'un État membre ne peut, dans le cadre d'un recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission constatant l'illégalité et l'incompatibilité avec le marché commun de mesures d'aide et adressée audit État membre, être invoquée que par ce dernier.

(cf. points 238-239)

10.    Dans le cadre d'une procédure d'examen par la Commission de projets d'aides, le principe du respect des droits de la défense exige que l'État membre en cause soit mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les observations présentées par des tiers intéressés, conformément à l'article 88, paragraphe 2, CE, et sur lesquelles la Commission entend fonder sa décision, et que, dans la mesure où l'État membre n'a pas été mis en mesure de commenter de telles observations, la Commission ne peut les retenir dans sa décision contre cet État. Cependant, pour qu'une telle violation entraîne une annulation, il faut que, en l'absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent.

Ne saurait constituer une telle irrégularité le fait pour la Commission de ne pas avoir pris en compte des observations d'un État membre, répondant à une demande, émanant d'un tiers intéressé, tendant à la récupération d'aides indûment octroyées, dès lors que ladite décision ne se fonde pas sur la revendication portée par lesdites observations et que l'ordre de récupération des aides est la conséquence logique, nécessaire et exclusive de la démonstration préalable par la Commission du caractère illégal et incompatible avec le marché commun des aides en cause.

(cf. points 241-244)

11.    Si, jusqu'à l'adoption du règlement nº 659/1999, relatif à l'application de l'article 88 CE, la Commission n'était pas soumise à des délais spécifiques pour l'examen de mesures d'aides, elle devait néanmoins veiller à ne pas retarder indéfiniment l'exercice de ses pouvoirs afin de respecter l'exigence fondamentale de la sécurité juridique.

En effet, dans la mesure où elle possède une compétence exclusive pour apprécier la compatibilité d'une aide d'État avec le marché commun, la Commission est tenue, dans l'intérêt d'une bonne administration des règles fondamentales du traité relatives aux aides d'État, de procéder à un examen diligent et impartial d'une plainte dénonçant l'existence d'une aide incompatible avec le marché commun. Il s'ensuit que la Commission ne peut prolonger indéfiniment l'examen préliminaire de mesures étatiques ayant fait l'objet d'une plainte. Le caractère raisonnable de la durée de l'examen d'une plainte doit s'apprécier en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, des différentes étapes procédurales que la Commission doit suivre et de la complexité de l'affaire.

Un délai de six ans et demi entre le moment où la Commission a eu connaissance de régimes d'aides et celui de l'ouverture de la procédure formelle d'examen prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE ne constitue pas, eu égard au contexte dans lequel lesdits régimes s'inscrivent, un délai déraisonnable entachant la procédure préliminaire d'examen d'une violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration, dès lors que, d'une part, les mesures en cause nécessitaient un examen approfondi de la législation nationale ainsi qu'un travail considérable de collecte et d'analyse tant du système fiscal de l'État membre considéré que des régimes d'autonomie fiscale en vigueur dans d'autres États membres et, d'autre part, la durée de la procédure est largement imputable aux autorités nationales qui, ayant omis de notifier les régimes en cause, ont en outre refusé de fournir les renseignements utiles à la Commission, et dans la mesure où la Commission a pu, durant cette période, dans le cadre de sa marge d'appréciation en matière d'aide d'État, estimer devoir traiter plus rapidement d'autres procédures concernant des mesures, certes différentes, mais adoptées par les mêmes autorités et susceptibles de poser le même type de problématiques juridiques.

(cf. points 259-277)

12.    Une confiance légitime en la régularité d'une aide ne saurait être invoquée que si cette aide a été accordée dans le respect de la procédure prévue par l'article 88 CE. En effet, une autorité régionale et un opérateur économique diligents doivent, normalement, être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée. Ces principes sont d’application y compris en cas de régimes d’aides, dès lors que l’article 88 CE ne distingue pas selon qu’il s’agit de régimes d’aides ou d’aides individuelles.

Cependant, ne saurait être exclue la possibilité pour les bénéficiaires d’une aide illégale, car non notifiée, d’invoquer des circonstances exceptionnelles, qui ont légitimement pu fonder leur confiance dans le caractère régulier de cette aide, pour s’opposer à son remboursement.

(cf. points 278-282)

13.    L'absence de publication au Journal officiel de l'Union européenne d'un avertissement spécifique mettant en garde les bénéficiaires d'une aide qui aurait été octroyée illégalement, c'est-à-dire sans que la Commission ait abouti à une décision définitive sur sa compatibilité avec le marché commun, telle que prévue par la communication de la Commission sur les aides illégales de 1983, ne saurait constituer une circonstance exceptionnelle de nature à fonder quelque confiance que ce soit dans la régularité de l'aide ainsi octroyée sans notification préalable.

Toute autre interprétation reviendrait à donner à cette communication une portée contraire à l’article 88, paragraphe 3, CE.

En effet, si la Commission peut s’imposer des orientations pour l’exercice de ses pouvoirs d’appréciation par des actes tels que les lignes directrices, c'est dans la mesure où ces actes contiennent des règles indicatives sur l’orientation à suivre par cette institution et où ils ne s’écartent pas des normes du traité.

Or, le caractère précaire des aides octroyées illégalement découle de l’effet utile de l’obligation de notification prévue par l’article 88, paragraphe 3, CE et ne dépend pas de la publication ou non, au Journal officiel, de l’avertissement prévu par ladite communication. En particulier, la récupération des aides octroyées illégalement ne saurait être rendue impossible du seul fait de l’absence de publication d’un tel avertissement par la Commission, sous peine de porter atteinte au système de contrôle des aides d’État, institué par le traité.

(cf. points 305-308)

14.    Si le principe du respect de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de la Communauté, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante, qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions communautaires. Ce principe s’applique clairement dans le cadre de la politique de la concurrence, qui est caractérisée par un large pouvoir d’appréciation de la Commission. Tel est le cas de la question de savoir si les conditions pour renoncer à la récupération des aides octroyées illégalement, tenant à l’existence de circonstances exceptionnelles, sont réunies. Ainsi, des décisions concernant d’autres affaires en la matière ne revêtent qu’un caractère indicatif et ne sauraient fonder une confiance légitime, dès lors que les circonstances sont propres à chaque affaire.

(cf. points 310-312)

15.    Dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d'État, les intéressés au sens de l'article 88, paragraphe 2, CE ne sauraient prétendre eux-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission, tel que celui ouvert au profit de l'État membre responsable de l'octroi de l'aide.

(cf. point 332)

16.    La décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue par l'article 88, paragraphe 2, CE ne produit, en elle-même, aucun effet irréversible quant à la légalité des mesures qu’elle vise. En effet, c’est uniquement la décision finale qui, qualifiant définitivement d’aides ces mesures, a pour effet d’établir leur illégalité.

(cf. point 349)