Language of document : ECLI:EU:T:2013:465

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

16 septembre 2013 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Mesures de développement rural – Zones défavorisées et agroenvironnement – Correction financière forfaitaire – Dépenses effectuées par la Pologne – Rapports de contrôle – Efficacité des contrôles – Régime de sanctions – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑486/09,

République de Pologne, représentée initialement par M. M. Szpunar, puis par MM. Szpunar et B. Majczyna, et enfin par MM. Majczyna et S. Balcerak, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. P. Rossi et Mme M. Owsiany-Hornung, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2009/721/CE de la Commission, du 24 septembre 2009, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 257, p. 28),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot (rapporteur), président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. A. Popescu, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 mai 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Du 19 au 23 septembre 2005, la Commission des Communautés européennes a effectué une mission de contrôle en Pologne portant sur les dépenses effectuées au titre du développement rural dans le cadre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie » et section « Orientation », au titre des exercices budgétaires 2004 et 2005.

2        Par lettre du 8 février 2006, la Commission a informé les autorités polonaises des résultats de sa mission. Cette lettre contenait des observations et recommandations de la Commission concernant, notamment, les contrôles portant sur les principes relatifs aux bonnes pratiques agricoles et les sanctions appliquées.

3        Par lettre du 30 mars 2006, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural polonais a répondu aux observations et aux recommandations de la Commission.

4        Par lettre du 21 juin 2006, la Commission a indiqué que, après examen de la réponse du ministre de l’Agriculture et du Développement rural polonais, elle maintenait sa position selon laquelle le système de gestion des ressources en faveur du développement rural dans le cadre de l’action de soutien de l’activité agricole dans les zones défavorisées et de l’action de soutien en faveur des mesures agroenvironnementales et de l’amélioration du bien-être des animaux n’était pas conforme au droit de l’Union. La Commission a prié les autorités polonaises de lui fournir des informations complémentaires.

5        Par lettre du 13 juillet 2006, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural polonais a fourni ces informations, en se référant aux observations présentées par la Commission dans sa lettre du 21 juin 2006.

6        La Commission a convoqué une réunion bilatérale, au sens de l’article 8, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement (CE) n° 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement (CEE) n° 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 158, p. 6). Les représentants de la République de Pologne et de la Commission se sont rencontrés le 27 juillet 2006 à Bruxelles. Au cours de cette réunion, les parties ont évoqué l’ensemble des questions qui avaient fait l’objet des observations de la Commission. Le 29 août 2006, la Commission a transmis à la République de Pologne le procès-verbal de la réunion.

7        Le 28 novembre 2007, la Commission a adressé aux autorités polonaises une communication officielle, établie sur la base de l’ article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, et de l’article 16, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 90), tel que modifié. La Commission indiquait qu’elle maintenait sa position selon laquelle la mise en œuvre des systèmes de gestion, de contrôle et de sanctions en ce qui concernait l’action « Zones défavorisées » et l’action « Agroenvironnement » au cours des années 2004 et 2005 n’était pas conforme au droit de l’Union. La Commission a en outre informé les autorités polonaises qu’elle envisageait d’écarter une partie des dépenses déclarées au FEOGA, section « Garantie », d’un montant de 47 152 775 zlotys polonais (PLN).

8        Le 20 décembre 2007, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural polonais a présenté une demande de conciliation au secrétariat de l’organe de conciliation.

9        Le 10 juin 2008, l’organe de conciliation a informé les autorités polonaises et la Commission de la date fixée pour l’audition des parties. Il a donné connaissance aux autorités polonaises de la position prise par la Commission le 4 juin 2008.

10      Par lettre du 11 juin 2008, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural polonais a présenté, en demandant qu’il en soit tenu compte, un bilan de l’utilisation de la base de données du système d’identification et d’enregistrement des animaux lors des contrôles administratifs des demandes d’octroi d’aides dans le cadre de l’action « Zones défavorisées » et de l’action « Agroenvironnement » pour 2006 et 2007.

11      Par lettre du 4 juillet 2008, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural polonais a réagi à la position exposée par la Commission dans sa lettre du 4 juin 2008 et a fourni des précisions complémentaires.

12      Le 31 juillet 2008, l’organe de conciliation a adopté son rapport final. Dans les conclusions de ce rapport, l’organe de conciliation a constaté qu’il lui était impossible de concilier les positions des parties dans le délai prévu. Il a invité les autorités polonaises à transmettre à la Commission des informations détaillées sur les exploitations agricoles pour lesquelles les contrôles administratifs croisés n’auraient eu qu’une importance mineure, voire nulle, quant à l’identification des risques de perte pour le FEOGA.

13      Par lettre du 12 septembre 2008, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural polonais a transmis à la Commission des informations et a fait valoir sa position sur ce sujet.

14      Le 11 février 2009, la Commission a présenté sa position finale, élaborée en tenant compte du rapport de l’organe de conciliation. L’avis de la Commission est demeuré en partie inchangé par rapport à la lettre du 28 novembre 2007. La Commission maintenait sa proposition d’écarter du financement communautaire la somme de 47 152 775 PLN.

15      La Commission a indiqué avoir évalué ce montant sur le fondement des quatre infractions suivantes au droit de l’Union :

–        une violation de l’article 68 du règlement (CE) n° 817/2004 de la Commission, du 29 avril 2004, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le FEOGA (JO L 153, p. 30), tel que modifié, en ce qui concerne l’exercice 2005, consistant en ce qu’aucune vérification croisée n’aurait été effectuée sur la base des données du système d’identification et d’enregistrement des animaux domestiques, contrairement à ce que recommandent les bonnes pratiques agricoles habituelles (ci‑après les « BPAT »). La Commission a proposé l’application d’une correction forfaitaire de 2 % des dépenses effectuées dans le cadre de l’exercice 2005 pour l’action « Zones défavorisées » et l’action « Agroenvironnement » ;

–        une violation de l’article 73 du règlement n° 817/2004, en raison du caractère insuffisamment dissuasif du régime de sanctions. La Commission a proposé l’application d’une correction égale à 2 % des dépenses engagées dans les deux domaines d’action en cause ;

–        une violation de l’article 28 du règlement (CE) n° 796/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, portant modalités d’application de la conditionnalité, de la modulation et du système intégré de gestion et de contrôle prévus par le règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs (JO L 141, p. 18), tel que modifié, résultant du caractère insatisfaisant des rapports de contrôle sur place, compte tenu du fait que ni les rapports de contrôle ni les listes de contrôle correspondantes ne contenaient de preuve démontrant que l’inspecteur avait vérifié le respect des principes de BPAT. La Commission a proposé l’application d’une correction égale à 5 % des dépenses engagées dans les deux domaines d’action en cause ;

–        une violation de l’article 69 du règlement n° 817/2004, concernant l’acuité des contrôles. Eu égard au fait que cette infraction concerne un contrôle secondaire, la Commission a proposé l’application d’une correction de 2 % des dépenses engagées dans les deux domaines d’actions en cause.

16      Se fondant sur le document VI/5330/97, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes FEOGA‑Garantie » (ci-après les « orientations VI/5330/97 »), la Commission a proposé en conséquence l’application d’une correction globale de 5 % des dépenses engagées en 2005 pour l’action « Zones défavorisées » et l’action « Agroenvironnement », compte tenu de la règle imposant d’appliquer le taux le plus élevé retenu pour l’un des manquements reprochés.

17      Par lettre du 19 avril 2009, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural polonais a présenté la position du gouvernement polonais sur le rapport final de l’organe de conciliation.

18      Le 24 septembre 2009, la Commission a adopté la décision 2009/721/CE écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEOGA, section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 257, p. 28, ci‑après la « décision attaquée »).

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 décembre 2009, la République de Pologne a introduit le présent recours.

20      La République de Pologne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

21      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la requête ;

–        condamner la République de Pologne aux dépens.

 En droit

22      A l’appui de son recours, la République de Pologne invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), et de l’article 31, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1290/2005, du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1), ainsi que des orientations VI/5330/97. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, quatrième alinéa, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005 ainsi que des orientations VI/5330/97 et du principe de proportionnalité. Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 253 CE, en ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée.

 Observations liminaires

23      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, seules sont financées par le FEOGA les interventions entreprises selon les règles de l’Union, dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles. À cet égard, il appartient à la Commission, lorsqu’elle refuse de mettre à la charge du budget de l’Union certaines dépenses pour cause de violations des dispositions du droit de l’Union imputables à un État membre, de prouver l’existence desdites violations (voir arrêt de la Cour du 28 octobre 1999, Italie/Commission, C‑253/97, Rec. p. I‑7529, point 6, et la jurisprudence citée). En d’autres termes, la Commission est obligée de justifier la décision par laquelle elle constate l’absence ou la défaillance des contrôles mis en œuvre par l’État membre concerné (voir arrêt de la Cour du 8 mai 2003, Espagne/Commission, C‑349/97, Rec. p. I‑3851, point 46, et la jurisprudence citée).

24      Toutefois, la Commission est tenue non de démontrer de façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les autorités nationales ou l’irrégularité des données transmises, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres (arrêts de la Cour du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C‑263/98, Rec. p. I‑6063, point 36, et Espagne/Commission, point 23 supra, point 47).

25      Il appartient ensuite à l’État membre concerné de démontrer que les conditions sont réunies pour obtenir le financement refusé par la Commission (arrêt Belgique/Commission, point 24 supra, point 36). En d’autres termes, l’État membre concerné ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles‑ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (arrêts de la Cour du 6 octobre 1993, Italie/Commission, C‑55/91, Rec. p. I‑4813, point 7, et Espagne/Commission, point 23 supra, point 48).

26      Cet allégement de l’exigence de la preuve à la charge de la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète des contrôles effectués, de la réalité de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des calculs de la Commission (arrêts de la Cour Belgique/Commission, point 24 supra, point 37 ; du 24 janvier 2002, France/Commission, C‑118/99, Rec. p. I‑747, point 37, et Espagne/Commission, point 23 supra, point 49).

27      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens invoqués par la République de Pologne.

 Sur le premier moyen

28      La République de Pologne fait valoir que les montants écartés du financement communautaire par la décision attaquée ont été dépensés de manière conforme aux dispositions du droit de l’Union et que, en conséquence, rien ne justifie la décision attaquée.

29      Les prétendus manquements auraient été établis sur la base d’une interprétation erronée des dispositions du droit de l’Union et de constatations factuelles inexactes.

30      La Commission n’aurait pas prouvé que le régime de contrôles et de sanctions mis en place par les autorités polonaises n’était pas conforme aux dispositions du droit de l’Union. Elle n’aurait même pas démontré l’existence de doutes sérieux et raisonnables. Le système de contrôles et de sanctions mis en place par les autorités polonaises et appliqué, lors de la mise en œuvre de l’action « Zones défavorisées » et de l’action « Agroenvironnement », aurait été à la fois fiable et efficace, tout en fonctionnant de manière régulière.

31      La République de Pologne conteste l’interprétation juridique et les constatations factuelles de la Commission en ce qui concerne chacun des manquements retenus.

 Sur les rapports de contrôle et les listes de contrôle

32      La République de Pologne expose que la position finale de la Commission, relative à la prétendue violation de l’article 28 du règlement n° 796/2004, selon laquelle les rapports de contrôle et les listes de contrôle s’y rapportant ne comportent aucune preuve que l’inspecteur aurait vérifié le respect des principes de BPAT, est en contradiction avec les conclusions du rapport final de l’organe de conciliation.

33      Elle fait valoir que l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004 fixe des exigences en ce qui concerne le contenu des rapports de contrôle, mais ne concerne pas les modalités du contrôle. Le premier des manquements reprochés porterait exclusivement sur le caractère incomplet, selon la Commission, du contenu de ces rapports. Or, le grief de la Commission serait totalement dénué de fondement, eu égard au contenu réel des rapports de contrôle de l’action « Zones défavorisées » et de l’action « Agroenvironnement ».

34      Le grief soulevé par la Commission serait tout aussi dépourvu de fondement en ce qui concerne le contrôle proprement dit du respect de la limite annuelle de fertilisation au moyen d’engrais naturels. La République de Pologne soutient que ce contrôle était réalisé et que les constatations effectuées étaient consignées dans les rapports de contrôle sous forme d’affirmations positives quant au respect ou non du principe visé de BPAT. Selon elle, il n’était pas nécessaire de compléter les rapports par des informations portant sur la densité du cheptel dans l’exploitation du bénéficiaire le jour du contrôle, dès lors que les principes de BPAT ne concernaient pas la densité du cheptel dans l’exploitation le jour considéré, mais le respect de la limite annuelle d’utilisation d’engrais naturels dans l’exploitation du bénéficiaire. En raison du caractère annuel de cette limite, la constatation portant sur la densité du cheptel dans l’exploitation le jour du contrôle n’aurait pas été susceptible de préjuger du respect ou du dépassement de cette limite.

35      Il convient de constater que le présent moyen est tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005 ainsi que des orientations VI/5330/97.

36      Aux termes de l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement n° 1258/1999, « [l]a Commission décide des dépenses à écarter du financement communautaire visé aux articles 2 et 3 lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles [du droit de l’Union] ».

37      Selon l’article 31, paragraphe 1, du règlement n° 1290/2005, qui remplace l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement n° 1258/1999 et qui est rédigé dans des termes proches, « [l]a Commission décide des montants à écarter du financement communautaire lorsqu’elle constate que des dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 4 n’ont pas été effectuées conformément aux règles [du droit de l’Union], selon la procédure visée à l’article 41, paragraphe 3 ».

38      S’agissant des rapports de contrôle, la Commission a constaté, au point 2 de sa position finale, en date du 11 juillet 2009, que « [l]es rapports de contrôle et les listes de contrôle y afférentes ne comport[aient] aucune preuve que l’inspecteur aurait vérifié le respect des principes [de BPAT et que cela] constitu[ait] une violation de l’article 28 du règlement […] n° 796/2004 ».

39      L’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004 est ainsi rédigé :

« Rapport de contrôle

1. Chaque contrôle sur place en vertu de la présente section fait l’objet d’un rapport de contrôle rendant compte avec précision des différents éléments du contrôle. Ce rapport indique notamment :

a)      les régimes d’aides et les demandes contrôlées ;

b)      les personnes présentes ;

c)      les parcelles agricoles contrôlées, les parcelles agricoles mesurées et les résultats des mesures par parcelle agricole mesurée, ainsi que les techniques de mesure utilisées ;

d)      le nombre d’animaux de chaque espèce relevé et, le cas échéant, les numéros des marques auriculaires, les inscriptions dans le registre et dans la base de données informatique relative aux bovins et les documents justificatifs vérifiés, ainsi que les résultats des contrôles et, le cas échéant, les observations particulières concernant les animaux et/ou leur code d’identification ;

e)      si l’agriculteur a été averti de la visite et, dans l’affirmative, quel était le délai de préavis ;

f)      les éventuelles mesures spécifiques de contrôle à mettre en œuvre dans le cadre des différents régimes d’aide ;

g)      toute autre mesure de contrôle mise en œuvre. »

40      L’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004, sur lequel est fondé le présent manquement, pose le principe de l’établissement d’un rapport de contrôle, pour chaque contrôle sur place, et indique de manière non exhaustive le contenu de ce rapport. Cette disposition prévoit, en particulier, que le rapport de contrôle rend compte avec précision des différents éléments du contrôle. Elle précise, en outre, que le rapport de contrôle indique les éventuelles mesures spécifiques de contrôle à mettre en œuvre dans le cadre des différents régimes d’aide.

41      Il en résulte que les rapports de contrôle doivent décrire précisément les modalités des contrôles telles qu’elles sont mises en œuvre par les autorités chargées desdits contrôles.

42      Dans sa position finale, la Commission reproche à la République de Pologne d’avoir établi des rapports de contrôle, accompagnés de leurs listes de contrôle, qui ne comportent aucune preuve que l’inspecteur a vérifié le respect des principes de BPAT, ce qui interdit de s’assurer que les contrôles sur place ont été réalisés conformément aux normes en vigueur.

43      En d’autres termes, les rapports de contrôle examinés par les agents de la Commission n’auraient mentionné aucun élément susceptible d’établir que les inspections réalisées dans les exploitations agricoles ont été consacrées aux principes de BPAT ou, à tout le moins, que le respect de ces principes a été contrôlé. Les rapports n’ont pas davantage décrit avec la précision nécessaire les modalités de réalisation des contrôles. Le manquement ne saurait donc se réduire à l’allégation d’une remise en cause des modalités de réalisation des contrôles, mais consiste bien en une absence de description, dans les rapports de contrôle, des modalités de contrôle mises en œuvre par les autorités nationales.

44      Il convient d’examiner les éléments avancés par la Commission au soutien de sa constatation de la violation de l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004, afin de déterminer s’il existe un doute sérieux quant au respect par la République de Pologne de cette disposition.

45      S’agissant, en premier lieu, de l’invocation, par la République de Pologne, d’une contradiction qui existerait entre la position finale de la Commission et le rapport final de l’organe de conciliation, en ce qui concerne la qualité des rapports de contrôle, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la décision 94/442/CE de la Commission, du 1er juillet 1994, relative à la création d’une procédure de conciliation dans le cadre de l’apurement des comptes du FEOGA, section «Garantie» (JO L 182, p. 45), « la position prise par l’organe de conciliation ne préjuge pas la décision définitive de la Commission en matière d’apurement des comptes ». Il en résulte que la Commission n’est pas liée par les conclusions de l’organe de conciliation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 octobre 1999, Allemagne/Commission, C-44/97, Rec. p. I‑7177, point 18).

46      En deuxième lieu, la République de Pologne prétend que le contenu des rapports de contrôle établis en 2004 et 2005 au titre de l’action « Zones défavorisées » et de l’action « Agroenvironnement » était complet et permettait incontestablement de vérifier en détail le contrôle effectué, conformément à l’article 28 du règlement n° 796/2004.

47      Or, trois éléments décrits par la Commission établissent l’existence d’un doute sérieux et raisonnable à l’égard du contenu des rapports de contrôle.

48      D’abord, la Commission invoque la lettre du 8 février 2006, informant les autorités polonaises des résultats de la mission de contrôle effectuée les 19 et 23 septembre 2005, dans laquelle il est rapporté que, selon les auditeurs de la Commission, au cours de l’inspection, il a été constaté qu’« une partie du contrôle, par exemple la détermination de la quantité de fumier produite dans l’exploitation, repos[ait] sur des déclarations verbales du bénéficiaire, le rapport de contrôle ne contenant pas d’éléments permettant de déterminer le mode de calcul [,et que, e]n fait, il n’appar[aissait] nulle part dans les rapports de contrôles que la quantité de fumier produite [avait] été évaluée de quelque manière que ce [fût] au cours du contrôle sur place ». Cette constatation de l’absence de mention, dans les rapports de contrôle, de vérifications concrètes par les inspecteurs des données présentées par les exploitants agricoles n’a pas été contestée par la République de Pologne dans sa réponse du 30 mars 2006. Il convient d’ajouter que celle-ci ne saurait prétendre, comme elle le fait dans son mémoire en réplique, que cette allégation de la Commission vise exclusivement les modalités du contrôle et non le contenu du rapport, dès lors que l’insuffisance du rapport de contrôle sur ce point a bien été constatée par la Commission.

49      Ensuite, le compte rendu élaboré à la suite de la rencontre bilatérale du 27 juillet 2006 entre les représentants des autorités polonaises et les services de la Commission mentionne, au point 2.5.1, que, dans certains cas, les contrôles menés « n’avaient pas été consignés dans les rapports de contrôle des inspections ». La République de Pologne a répondu à cette constatation que les contrôles avaient bien été faits, même s’ils n’étaient pas visibles, ce qui revient à admettre que des rapports de contrôle étaient lacunaires. Il résulte en effet de ce compte rendu que les autorités polonaises ont reconnu que, si les contrôles avaient été réalisés de manière approfondie, cela n’apparaissait pas dans les rapports. Il en résulte également que les inspecteurs se contentaient de contrôles visuels, en ce qui concerne les vérifications de l’usage d’engrais, et que les autorités polonaises n’étaient pas en mesure de prouver que les vérifications établies à partir du nombre d’animaux de chaque catégorie présente dans l’exploitation avaient été effectivement faites durant le contrôle sur place.

50      Enfin, la Commission invoque, à titre d’exemple, un rapport de contrôle, annexé au mémoire en défense, dont le contenu serait insuffisant, faute d’indication, sur ce document, des méthodes de comptage et de quantification employées par les inspecteurs et en raison du fait que l’effectif annuel des animaux aurait été déterminé d’après les déclarations du bénéficiaire de l’aide. Il suffit de constater que ce rapport ne décrit pas la méthode employée par l’inspecteur pour vérifier la densité du cheptel autrement qu’en recueillant les déclarations de l’exploitant. La République de Pologne se borne d’ailleurs à affirmer, sans plus de précision sur la méthode employée par l’inspecteur pour évaluer la densité du cheptel, qu’« il résulte du contenu du rapport de contrôle que la déclaration faite par l’agriculteur a été vérifiée sur la base de la densité du cheptel qu’avait constatée l’inspecteur dans l’exploitation ainsi que sur la base de la documentation susmentionnée », à savoir le plan d’activités agroenvironnementales, le certificat attestant la production par des méthodes écologiques pour 2004 et le procès-verbal de contrôle effectué par l’organisme de certification le 25 mai 2005.

51      Ces éléments, qui sont de nature à caractériser l’existence d’un doute sérieux et raisonnable, ne peuvent être écartés au motif, invoqué par la République de Pologne, que les rapports de contrôle de l’action « Zones défavorisées » et de l’action « Agroenvironnement » ont un contenu réel.

52      En effet, la République de Pologne affirme, en se référant aux listes de contrôle accompagnant les rapports de contrôle établis en 2004 et 2005, que le contenu de ces listes faisait clairement ressortir les principes de BPAT soumis à contrôle, ceux d’entre eux qui concernaient le bénéficiaire, ainsi que ceux qui avaient été respectés et ceux qui avaient été violés et en quoi consistait la violation. Elle ajoute que les instructions à suivre pour la réalisation du contrôle précisaient la façon dont chacun desdits principes devait être contrôlé.

53      Or, de telles affirmations générales et abstraites ne permettent pas à la République de Pologne de démontrer que les rapports de contrôle identifiés par la Commission comme étant lacunaires quant aux méthodes de contrôle ou aux contrôles eux-mêmes étaient, en définitive, réguliers. En particulier, la constatation de l’existence d’instructions à suivre pour la réalisation du contrôle ne démontre en rien que ces instructions précisaient les méthodes d’évaluation ni que ces méthodes avaient été suivies.

54      La République de Pologne ne saurait davantage soutenir que le nombre d’animaux de chaque espèce présents dans les exploitations a fait l’objet d’une vérification. Comme l’indique la Commission et comme l’a admis la République de Pologne lors de l’audience, l’obligation de faire figurer dans les rapports de contrôle le nombre d’animaux de chaque espèce présents dans l’exploitation puis de convertir ce nombre en charge animale appréciée selon la densité d’UGB/ha (unité de gros bétail par hectare), qui permet de calculer la quantité d’azote d’origine naturelle au regard de la superficie, a été introduite en Pologne à la suite des inspections effectuées par les services de la Commission. Il résulte, en effet, de la lettre du ministre de l’Agriculture et du Développement rural polonais adressée à la Commission le 30 mars 2006 que les autorités polonaises se sont efforcées de rendre les rapports de contrôle plus précis et ont introduit une annexe plus détaillée, à la suite de la recommandation de la Commission, et que, en conséquence, le formulaire produit en annexe à la requête, dont la République de Pologne soutenait qu’il permettait de vérifier en détail que l’ensemble des exigences relatives aux principes de BPAT avaient été respectées, est un document qui a été introduit postérieurement à 2006, de sorte que son existence n’est pas de nature à remettre en cause le doute exprimé par la Commission quant à l’insuffisance du contenu des rapports de contrôle. Il y a lieu de rappeler, en outre, que l’obligation d’inscrire dans les rapports de contrôle le nombre d’animaux de chaque espèce est prescrite par l’article 28, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 796/2004.

55      La République de Pologne ne peut non plus opposer à la Commission que le calcul des plafonds à ne pas dépasser pour la fertilisation aux moyens d’engrais naturels était réalisé sur le fondement des « registres existants ». En effet, il résulte des conclusions du contrôle des services de la Commission figurant au point 2.5.1 de la lettre du 8 février 2006 que, au cours de la période couverte par la décision attaquée, les bénéficiaires de l’action de soutien en faveur de l’activité agricole dans les zones défavorisées n’étaient pas tenus de tenir des registres comportant l’indication du type et de la quantité d’engrais ainsi que de sa date d’achat. La République de Pologne n’a pas contesté ce point dans sa réponse à la lettre du 8 février 2006.

56      Il y a lieu d’ajouter que la République de Pologne ne saurait soutenir que les réserves exprimées par la Commission ne concernent que l’un des 33 principes de BPAT et qu’elle aurait donc, de manière illégitime, choisi de retenir un grief marginal pour l’étendre à l’ensemble des autres principes de BPAT et appliquer une correction forfaitaire de 5 %.

57      En effet, le présent manquement est caractérisé par la violation de l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004, qui prescrit que chaque contrôle sur place fait l’objet d’un rapport de contrôle rendant compte avec précision des différents éléments du contrôle. La méthode utilisée par les inspecteurs pour procéder au dénombrement des animaux de chaque espèce, qui constitue l’un de ces éléments, vise à recueillir des informations relatives aux conditions d’attribution des aides, dont les vérifications physiques et administratives constituent des contrôles clés. Il en résulte que les irrégularités qui peuvent affecter les rapports de contrôle sur place, comme celles caractérisées par l’omission de procéder à un dénombrement du cheptel ou de décrire la méthode employée pour procéder à un tel dénombrement, ont une incidence directe sur l’efficacité des vérifications physiques et administratives constitutives des contrôles clés. Elles doivent donc être considérées elles-mêmes comme portant atteinte à la régularité de contrôles clés, indépendamment de l’objet même du contrôle, tels que la BPAT relative aux engrais naturels, qui, même à supposer celle-ci marginale, ne fait pas obstacle à ce que la Commission caractérise le présent manquement.

58      Enfin, s’agissant de l’argument de la République de Pologne selon lequel, en raison du caractère annuel de la limite d’utilisation d’engrais naturels dans une exploitation, la vérification de la densité du cheptel dans cette exploitation le jour du contrôle n’était pas susceptible de préjuger le respect ou le dépassement de cette limite, en premier lieu, il convient de constater que, ainsi qu’il a été rappelé précédemment (point 54 ci-dessus), l’obligation d’inscrire dans les rapports de contrôle le nombre d’animaux de chaque espèce est prescrite par l’article 28, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 796/2004. Le défaut d’inscription du nombre des animaux présents dans l’exploitation le jour de l’inspection constitue donc, en tout état de cause, un manquement aux règles applicables en matière de contrôles des exploitations agricoles par les autorités nationales. En second lieu, la République de Pologne a reconnu, lors de l’audience, que le dénombrement des animaux présents dans l’exploitation le jour du contrôle constituait l’une des circonstances prises en compte aux fins de déterminer si le principe en cause avait ou non été respecté. En conséquence, le dénombrement des animaux à la date du contrôle doit être considéré comme l’un des éléments du contrôle dont le défaut de mention sur les rapports de contrôle est constitutif de la présente infraction.

59      Il résulte de ce qui précède que le grief invoqué par la République de Pologne à l’encontre du manquement fondé sur la violation de l’article 28 du règlement n°796/2004, relatif aux rapports de contrôle sur place, doit être rejeté.

Sur les vérifications croisées

60      La République de Pologne fait valoir que, conformément à l’article 68 du règlement n° 817/2004, l’obligation d’effectuer des vérifications croisées n’est pas absolue, mais est subordonnée au caractère approprié de ces contrôles.

61      Or, en l’absence, en Pologne, en 2005, d’une base de données externe, distincte de la documentation soumise à contrôle, qui aurait permis une vérification croisée du respect des principes de BPAT par les bénéficiaires, dont celui afférent à la limite de fertilisation au moyen d’engrais naturels, la condition tenant au caractère approprié des vérifications croisées ne serait pas remplie.

62      L’article 68 du règlement n° 817/2004 n’exigerait pas de constituer des bases de données spécialement destinées à permettre des vérifications croisées. Cette disposition n’imposerait des vérifications croisées que dans les cas où il serait approprié d’en réaliser au moyen de bases de données déjà existantes et fonctionnant en vertu d’autres dispositions.

63      La République de Pologne expose que le système d’identification et d’enregistrement des animaux a été établi en pleine conformité avec la directive 92/102/CEE du Conseil, du 27 novembre 1992, concernant l’identification et l’enregistrement des animaux (JO L355, p. 32), et le règlement (CE) n° 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juillet 2000, établissant un système d’identification et d’enregistrement des bovins et concernant l’étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine, et abrogeant le règlement (CE) nº 820/97 du Conseil (JO L 204, p. 1). Il aurait comporté l’ensemble des données nécessaires pour garantir l’identification et la traçabilité des animaux de certaines espèces, sans toutefois pouvoir servir de base de référence à des vérifications croisées portant sur le respect de la limite annuelle de fertilisation au moyen d’engrais naturels, car il ne comportait pas d’informations relatives à la densité moyenne globale du cheptel d’une exploitation donnée.

64      Dans sa position finale du 11 février 2009, la Commission constate que, « [p]our l’exercice budgétaire 2005, et du point de vue [des principes de BPAT], aucune vérification croisée n’a été effectuée avec la base de données du système d’identification et d’enregistrement des animaux, ce qui constitue une violation de l’article 68 du règlement […] n° 817/2004 ».

65      Eu égard à la violation de cette disposition, la Commission a proposé l’application d’une correction forfaitaire de 2 %, compte tenu du fait qu’« il n’y avait aucun animal dans près de la moitié des exploitations ».

66      Aux termes de l’article 68 du règlement n° 817/2004 :

« Le contrôle administratif est exhaustif et comporte des vérifications croisées avec, entre autres, dans tous les cas appropriés, les données du système intégré de gestion et de contrôle. Ces vérifications portent sur les parcelles et les animaux faisant l’objet d’une mesure de soutien afin d’éviter tout paiement injustifié de soutiens. Le respect des engagements de longue durée doit également être contrôlé. »

67      La République de Pologne ne conteste pas ne pas avoir procédé à des vérifications croisées destinées à vérifier le respect de la limite de fertilisation au moyen d’engrais naturels. Toutefois, elle soutient, en substance, que l’article 68 du règlement n° 817/2004 subordonne l’obligation de procéder à des vérifications croisées au caractère approprié de ces vérifications, lequel dépendrait principalement de l’existence d’une base de données externe qui aurait permis une vérification croisée du respect des principes de BPAT par les bénéficiaires. Or, une telle base de données n’aurait pas existé, en 2005, en Pologne.

68      Il convient de relever qu’il existe des différences entre les versions linguistiques de la première phrase de l’article 68 du règlement n° 817/2004, s’agissant de la question de savoir si la condition exprimée par les mots « dans tous les cas appropriés » se rapporte aux vérifications croisées ou à l’utilisation des données du système intégré de gestion et de contrôle. En effet, dans les versions allemande, grecque, française, italienne ou roumaine, par exemple, l’expression « dans tous les cas appropriés » se rapporte aux « données du système intégré de gestion et de contrôle », de sorte que, selon ces versions linguistiques, la première phrase de cet article doit être interprétée en ce sens que les contrôles administratifs comportent toujours des vérifications croisées, mais que celles-ci ne sont réalisées, à partir des données du système intégré de gestion et de contrôle, que dans les cas appropriés. Selon cette interprétation, ce ne sont donc pas les vérifications croisées elles-mêmes qui ont lieu « dans tous les cas appropriés », mais leur réalisation au moyen des données du système intégré de gestion et de contrôle. Elles constituent, en conséquence, dans cette hypothèse, une obligation inconditionnelle résultant du caractère exhaustif du contrôle administratif, tel qu’il est énoncé par le même texte. En revanche, dans les versions tchèque, danoise, anglaise ou polonaise, par exemple, l’expression « dans tous les cas appropriés » doit être rattachée aux vérifications croisées elles-mêmes, de sorte que, selon ces versions, l’obligation de procéder à des vérifications croisées présuppose que celles-ci soient appropriées, au sens de l’article 68 du règlement n° 817/2004.

69      Selon une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer, à cet égard, un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques. Une telle approche serait en effet incompatible avec l’exigence d’uniformité d’application du droit de l’Union (voir arrêt de la Cour du 25 avril 2013, Bark, C‑89/12, non encore publié au Recueil, point 36, et la jurisprudence citée).

70      La République de Pologne fonde le présent grief sur une interprétation de la première phrase de l’article 68 du règlement n° 817/2004, qui subordonnerait la réalisation de vérifications croisées à la condition que ces vérifications soient appropriées.

71      Si la première phrase de l’article 68 du règlement n° 817/2004 doit être interprétée en ce sens que les contrôles administratifs comportent toujours des vérifications croisées, le grief invoqué par la République de Pologne doit être rejeté pour la seule raison qu’il n’est pas contesté qu’aucune vérification de cette nature n’a été réalisée par la requérante, peu important qu’une base de données externe permettant de procéder aux vérifications croisées n’ait pas existé, en 2005, en Pologne.

72      À supposer même qu’il y ait lieu d’interpréter cette disposition ainsi que le propose la requérante, ce grief, en ce qu’il se fonde sur l’absence de base de données externes, en 2005, en Pologne, rendant possible la réalisation de vérifications croisées, doit également être rejeté.

73      Il convient en effet de rappeler que l’article 66, paragraphe 4, du règlement nº 817/2004 prévoit que l’identification des animaux et des surfaces se fait conformément aux articles 18 et 20 du règlement (CE) nº 1782/2003 du Conseil, du 29 septembre 2003, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs et modifiant les règlements (CEE) n° 2019/93, (CE) n° 1452/2001, (CE) n° 1453/2001, (CE) n° 1454/2001, (CE) n° 1868/94, (CE) n° 1251/1999, (CE) n° 1254/1999, (CE) n° 1673/2000, (CEE) n° 2358/71 et (CE) n° 2529/2001 (JO L 270, p. 1), et que, en particulier, l’article 18, paragraphe 2, de ce dernier règlement prévoit que le système intégré de gestion et de contrôle comprend un système d’identification et d’enregistrement des animaux établi conformément à la directive 92/102 et au règlement n° 1760/2000.

74      La République de Pologne admet que le système intégré de gestion et de contrôle (ci-après le « SIGC ») et le système d’identification et d’enregistrement des animaux fonctionnaient en Pologne en 2005 et que ces deux systèmes avaient été constitués conformément aux dispositions du droit de l’Union.

75      Elle ne conteste pas que la base de données du système d’identification et d’enregistrement des animaux polonais (ci-après l’« IRZ ») contenait des informations sur la présence, à une date et dans une exploitation données, d’animaux soumis à ce système d’identification et d’enregistrement.

76      Selon elle, cependant, ces informations étaient inutiles pour la réalisation de vérifications croisées portant sur le respect par les bénéficiaires de la limite de fertilisation au moyen d’engrais naturels, car, ayant été créée à des fins de surveillance vétérinaire, la base de données IRZ n’était pas munie d’un système de gestion des données utilisable à cette fin.

77      La République de Pologne se borne donc à soutenir que le traitement de ces données, pourtant de nature à permettre la réalisation de vérifications croisées, était impossible, faute de système de gestion des données adapté, sans apporter la preuve d’une telle impossibilité.

78      Il en résulte que le grief invoqué par la République de Pologne à l’encontre du manquement fondé sur la violation de l’article 69 du règlement n° 817/2004, relatif à l’absence de vérifications croisées, doit être rejeté.

 Sur les sanctions

79      La République de Pologne fait valoir que le régime de sanctions appliqué en cas de violation des principes de BPAT par les bénéficiaires de l’action « Agroenvironnement » et de l’action « Zones défavorisées » était efficace, proportionné et dissuasif, et qu’il protégeait dûment les intérêts financiers de l’Union, de sorte qu’il était pleinement conforme aux exigences fixées à l’article 73 du règlement n° 817/2004.

80      En premier lieu, la République de Pologne expose qu’un régime de sanctions doit faire l’objet d’une appréciation complète. Or, la Commission se serait concentrée sur un seul élément, à savoir les informations mentionnées dans le rapport de contrôle en cas de premier manquement aux principes de BPAT, sur la base duquel elle aurait tiré des conclusions à l’égard du système dans son ensemble.

81      Selon la République de Pologne, un avertissement officiellement consigné au rapport de contrôle a le caractère d’une sanction, même si un tel avertissement n’est pas une sanction de nature financière. La seule perspective d’un avertissement officiellement consigné au rapport de contrôle aurait sans aucun doute exercé dans la majorité des cas un effet dissuasif.

82      La République de Pologne ajoute que l’article 73 du règlement n° 817/2004, qui ne fait qu’évoquer les sanctions de manière générale sans envisager leur caractère financier ou non, n’obligeait pas les États membres à fixer des sanctions financières, mais à instituer des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. Elle considère qu’un avertissement consigné au rapport de contrôle et s’accompagnant d’un nouveau contrôle obligatoire présente le caractère d’une sanction assimilable à une peine disciplinaire.

83      En deuxième lieu, la République de Pologne relève que les griefs de la Commission portent sur la première année de mise en œuvre de l’action « Agroenvironnement » et de l’action « Zones défavorisées », et donc sur une période au cours de laquelle l’expérience des bénéficiaires quant aux obligations liées à la jouissance d’une aide communautaire était très limitée.

84      En troisième lieu, la République de Pologne soutient que l’efficacité du régime des sanctions nationales doit être comparée à celle des sanctions communautaires appliquées dans des circonstances analogues. Or, les sanctions nationales contestées par la Commission, qui ont été appliquées en 2004 et en 2005 en cas d’infraction aux principes de BPAT, auraient été plus sévères que les sanctions communautaires qui ont été appliquées à partir de 2007, sur la base des articles 66 et 67 du règlement n° 796/2004, en cas de violation des bonnes conditions agricoles.

85      En quatrième et dernier lieu, la République de Pologne reproche à la Commission de contester la légalité d’un système de sanctions qu’elle avait pourtant approuvé, en tant que partie du plan de développement rural qui lui avait été transmis, au regard du droit de l’Union.

86      Dans sa position finale du 11 février 2009, la Commission a exposé ce qui suit :

« La Commission reste convaincue que le principe fixé à l’article 73 du règlement […] n° 817/2004 et tenant au caractère dissuasif des sanctions a été violé, de sorte que le fonds a été exposé à un risque. Selon la DG [ Agriculture ] le régime des sanctions n’a présenté un caractère dissuasif que pour 5 % des bénéficiaires, qui ont fait l’objet d’un contrôle la première année, à l’inverse des 95 % restants, qui ont eu la possibilité de violer les principes [de BPAT] la deuxième année. »

87      S’agissant de l’exercice budgétaire 2005, la Commission a proposé l’application à ce titre d’une correction financière de 2 % en ce qui concernait l’action « Zones défavorisées » et l’action « Agroenvironnement », « car, bien qu’imparfait, le régime des sanctions n’en était pas moins appliqué ».

88      Aux termes de l’article 73 du règlement n° 817/2004 :

« Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions du présent règlement, et prennent toute mesure nécessaire pour en assurer la mise en œuvre. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. »

89      La République de Pologne rappelle que le régime de sanctions des violations des principes de BPAT adopté le 14 avril 2004, au titre de l’action « Zones défavorisées », et le 20 juillet 2004, au titre de l’action « Agroenvironnement », prévoit que les manquements aux principes de BPAT constatés à l’issue d’un premier contrôle sur place sont consignés dans le rapport de contrôle et donnent lieu à une information de l’exploitant agricole sur les conséquences qu’emporte la poursuite de la violation desdits principes, avec inscription au rapport de contrôle de la mention de cette information.

90      Elle indique que ces régimes prévoient que, si de nouveaux manquements aux principes de BPAT sont constatés lors du contrôle suivant, le paiement agroenvironnemental dû au titre de l’année considérée :

–         est diminué de 7 % pour chaque manquement autre que ceux constatés lors du contrôle antérieur ;

–         est supprimé en cas de manquement déjà constaté lors du contrôle antérieur.

91      La République de Pologne considère qu’un tel régime de sanctions est effectif, proportionné et dissuasif.

92      Il convient de constater que les mesures prévues par le système de sanctions mis en place par la République de Pologne, en cas de manquement constaté à l’issue d’un premier contrôle sur place, ne peuvent être qualifiées de sanctions. En effet, ces mesures, qui se limitent à l’inscription, dans le rapport de contrôle, du manquement relevé et à une information donnée à l’exploitant agricole sur les conséquences qu’emporterait la poursuite du manquement, ainsi qu’à l’inscription au rapport de contrôle de cette information, présentent le caractère d’une simple information objective sur les conséquences engendrées par l’absence de cessation du manquement. Il ne saurait, en conséquence, leur être attribué le caractère de peine habituellement attaché aux réprimandes ou aux blâmes prononcés dans les systèmes disciplinaires auxquels fait référence la République de Pologne.

93      Il y a lieu, de surcroît, de relever que, contrairement à ce que soutient la République de Pologne, les mesures en cause sont, à supposer qu’elles puissent être qualifiées de sanctions, dépourvues du caractère dissuasif qui doit caractériser, aux termes de l’article 73 du règlement n° 817/2004, les sanctions prévues par ce texte.

94      La perspective, pour un exploitant agricole, d’être exposé, à la suite de la constatation d’un premier manquement, à l’inscription de cette constatation dans le rapport de contrôle, à être destinataire d’une information sur les conséquences qu’emporterait la poursuite de ce manquement et à la mention de cette information sur le rapport de contrôle ne peut être considérée comme dissuasive, dès lors qu’une violation des obligations soumises à ce régime juridique ne se traduit par aucune conséquence de nature patrimoniale, ni même aucune réprobation de nature symbolique à l’égard du contrevenant. Il en résulte qu’en l’absence de conséquences autres que l’annonce de l’application d’une sanction pécuniaire, en cas de poursuite ou de réitération du manquement, les exploitants agricoles ne sont pas incités à observer les règles applicables tant qu’un premier manquement ne leur aura pas été reproché.

95      En conséquence, ainsi que le relève la Commission, le régime litigieux ne présente de caractère dissuasif que pour les bénéficiaires qui ont été soumis à un premier contrôle, lesquels ne représenteraient que 5 % des bénéficiaires, selon la Commission, non démentie par la République de Pologne sur ce point, et à l’égard desquels un manquement a été constaté.

96      En outre, les imperfections affectant le régime de sanctions mis en place par la République de Pologne ne sauraient être justifiées par l’allégation selon laquelle l’exploitant agricole auquel la violation d’un principe de BPAT a été reprochée a été obligatoirement soumis à un nouveau contrôle sur place. Outre que la République de Pologne n’apporte aucun élément de preuve au soutien de cette affirmation, la certitude d’un nouveau contrôle, à la supposer établie, ne saurait pallier l’absence de sanction prononcée dès le premier manquement constaté et le défaut de caractère dissuasif du régime de sanctions qui en résulte.

97      Il convient d’ajouter que la République de Pologne ne saurait, au soutien du présent grief, invoquer l’existence d’une plus grande sévérité des sanctions nationales par rapport aux sanctions communautaires appliquées à partir de 2007. En effet, l’appréciation de la conformité du régime de sanctions mis en place par la République de Pologne avec le droit de l’Union doit être réalisée au regard de l’article 73 du règlement n° 817/2004, seule norme de droit invoquée et applicable en l’espèce, laquelle impose aux États membres de prévoir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, et non avec un régime de sanctions communautaires ultérieurement institué.

98      En tout état de cause, il convient d’écarter comme erronée l’allégation d’une plus grande sévérité du régime polonais de sanctions par rapport au régime communautaire institué par le règlement n° 796/2004. Il suffit, en effet, de constater que, ainsi qu’il a été relevé précédemment (voir point 92 ci-dessus), les mesures prévues par le système de sanctions mis en place par la République de Pologne, en cas de manquement constaté à l’issue d’un premier contrôle sur place, ne peuvent être qualifiées de sanctions et n’entraînent, de surcroît, aucune conséquence de nature financière à l’égard des personnes mises en cause, contrairement au régime communautaire invoqué par la République de Pologne, qui prévoit, en cas de premier manquement, la possibilité d’appliquer une réduction des paiements de 1, 3 ou 5 %. Il y a lieu d’observer que la preuve n’a pas été rapportée que les sanctions prononcées contre les auteurs de manquements ininterrompus ou réitérés qui auraient été constatés lors d’un nouveau contrôle sur place compensent l’impunité consécutive au premier contrôle sur place.

99      En outre, la République de Pologne ne saurait invoquer l’existence d’un système de sanctions générales, principalement de nature pénale, ayant complété les sanctions propres aux aides de l’action « Agroenvironnement » et de l’action « Zones défavorisées », dès lors qu’elle n’a démontré ni que ces sanctions visaient l’ensemble des manquements au règlement n° 817/2004 susceptibles d’être reprochés aux exploitants agricoles, ni, dans cette hypothèse, qu’elles avaient été effectivement prononcées dès la constatation d’un premier manquement.

100    Par ailleurs, le caractère dissuasif des sanctions prévues par un État membre en application de l’article 73 du règlement n° 817/2004 doit être apprécié de manière objective. Il ne saurait être modulé en fonction de l’inexpérience des exploitants quant aux obligations auxquelles est subordonné l’octroi des aides, dès lors que cette disposition impose l’adoption de sanctions effectives et dissuasives et ne fait pas de distinction selon la date de mise en œuvre de ces actions ou la familiarité que les bénéficiaires de celles-ci peuvent ou non avoir avec les obligations qui leur sont imposées.

101    Enfin, l’argument de la République de Pologne selon lequel la Commission n’est pas habilitée à contester la légalité d’un système de sanctions dont elle a antérieurement apprécié de façon positive la conformité au droit de l’Union et qu’elle a approuvé, tel qu’il figurait dans le Plan de développement rural 2004-2006 (ci-après le « PDR »), doit être écarté.

102    Il y a lieu de rappeler les termes du point 11.11.2 du PDR, relatifs à l’action « Agroenvironnement » :

« Si les opérations de contrôle conduisent à suspecter le bénéficiaire de ne pas respecter les bonnes pratiques agricoles habituelles, l’organisme en informe alors les autorités compétentes afin de lancer la procédure prévue par les dispositions en vigueur. En cas de récidive concernant la même faute, les primes versées au titre de l’ensemble des paquets de mesures agroenvironnementales mises en œuvre dans l’exploitation sont suspendues l’année en question. Lorsque le contrôle établit que les engagements inhérents aux différentes mesures agroenvironnementales ne sont pas correctement remplis, les sanctions sont proportionnelles à la gravité du manquement constaté. Celles-ci se présentent sous forme de déduction à hauteur d’un pourcentage du montant de la prime versée au titre de la mise en œuvre d’un paquet de mesures agroenvironnementales donné. La liste détaillée des sanctions figure dans le règlement du conseil des ministres.

En cas de non-respect par le bénéficiaire des recommandations émises dans le rapport consécutif au contrôle et s’il est établi que le bénéficiaire n’a volontairement pas tenu les engagements qu’il a pris, il perd tout droit aux primes versées au titre de chacun des paquets de mesures agroenvironnementales d’une année donnée et subordonnées à leur mise en œuvre les années suivantes. »

103    Il ne résulte pas de la description des procédures consécutives à la constatation de manquements réalisée dans cette partie du PDR que la constatation d’un premier manquement ne donnerait lieu à aucune sanction financière ou aboutirait à l’émission d’une simple information à destination de l’exploitant agricole concerné sur les conséquences d’une éventuelle poursuite du manquement, assortie d’une inscription de cette information sur le rapport de contrôle sur place. En effet, il apparaît que, en cas de suspicion de manquement, il est prévu que l’organisme informe les autorités compétentes en vue de recourir à « la procédure prévue par les dispositions en vigueur », expression qui ne permet pas d’exclure avec certitude l’hypothèse d’un prononcé de sanctions. En outre, en précisant que, « lorsque le contrôle établit que les engagements inhérents aux différentes mesures agroenvironnementales ne sont pas correctement remplis, les sanctions sont proportionnelles à la gravité du manquement constaté », le PDR laisse supposer que chaque manquement donne lieu à une sanction.

104    Les mêmes constatations s’imposent à la lecture des termes du point 11.11.2 du PDR, relatifs à l’action « Zones défavorisées » :

« Si le contrôle du respect d’une bonne pratique agricole habituelle conduit à soupçonner que celle-ci ne l’est pas, la sanction est alors appliquée en vertu de la législation en vigueur.

En cas de récidive concernant la même faute, le versement de la prime correspondant à cette mesure est suspendu pour l’année concernée.

L’utilisation, par le bénéficiaire, de substances hormonales, thyréostatiques ou bêta-agonistes interdites entraîne la suspension du versement de la prime correspondant à cette mesure pour l’année concernée. »

105    Il résulte en effet de ce passage du PDR que tout manquement donne lieu à une sanction et que, prévoyant une « sanction appliquée en vertu de la législation en vigueur », il n’existe pas de raison de supposer que la République de Pologne envisageait de recourir, en cas de premier manquement, à une simple information de l’exploitant agricole concerné sur les conséquences d’une éventuelle poursuite du manquement assortie d’une inscription de cette information sur le rapport de contrôle sur place.

106    Il résulte de ce qui précède que le grief invoqué par la République de Pologne à l’encontre du manquement fondé sur la violation de l’article 73 du règlement n° 817/2004, relatif aux sanctions, doit être rejeté.

Sur l’exhaustivité des contrôles

107    En premier lieu, la République de Pologne fait valoir que l’article 69, troisième alinéa, du règlement n° 817/2004, selon lequel le contrôle porte sur la totalité des engagements et des obligations d’un bénéficiaire qu’il est possible de contrôler au moment de la visite, doit être interprété en combinaison, d’une part, avec l’article 69, premier alinéa, dudit règlement, qui définit le pourcentage minimal des bénéficiaires de l’activité considérée qui doivent être contrôlés, et, d’autre part, avec l’article 69, deuxième alinéa, du même règlement, qui concerne la répartition au cours de l’année des contrôles dont font l’objet les bénéficiaires de l’action considérée, conformément à une analyse des risques présentés par cette action. La République de Pologne considère que les deux premiers alinéas se rapportent nécessairement aux actions particulières et définissent les règles du contrôle des bénéficiaires dans le cadre de ces actions.

108    Il en résulterait que, l’article 69, troisième alinéa, du règlement n° 817/2004 se référant ainsi nécessairement aux actions particulières, le contrôle du bénéficiaire des actions « Zones défavorisées » et « Agroenvironnement » doit porter sur l’ensemble des engagements et obligations contractés dans le cadre de chacune de ces actions et il doit donc, dans ce cadre, présenter un caractère exhaustif.

109    En revanche, selon la République de Pologne, il ne résulte pas du libellé de l’article 69, troisième alinéa, du règlement n° 817/2004 que le contrôle du bénéficiaire de l’action considérée devait également porter sur les autres engagements et obligations du bénéficiaire, sans qu’ils soient plus précisément définis, qui découlent de l’ensemble des actions restantes du PDR, des autres mesures de soutien dans le cadre de la politique agricole commune, voire des autres programmes d’aides communautaires. En tout état de cause, une telle conclusion ne ressortirait pas expressément du libellé de cette disposition. Or, conformément aux orientations VI/5330/97, l’application d’une correction financière ne serait possible qu’en cas de manquement à l’application de règles du droit de l’Union expressément prévues.

110    En deuxième lieu, la République de Pologne soutient que le lien entre les contrôles sur place concernant l’action « Zones défavorisées » et le contrôle de l’action « Agroenvironnement » a été garanti, dans toute la mesure du possible, compte tenu des dates différentes de réalisation des deux actions lors de la première année de la mise en œuvre du PDR, de sorte que le présent manquement serait fondé sur des constatations factuelles erronées. Selon la République de Pologne, les périodes de mise en œuvre des deux actions étant différentes, les bénéficiaires de l’action « Zones défavorisées » ne savaient pas encore précisément, lors des contrôles sur place, s’ils pourraient également bénéficier de l’action « Agroenvironnement ». La République de Pologne ajoute que, lorsque les contrôles visant les bénéficiaires de l’action « Agroenvironnement » ont été effectués, c’est-à-dire principalement en novembre 2004, toutes les constatations opérées en ce qui concerne le non-respect des principes de BPAT ont eu une incidence sur l’établissement des droits de ces mêmes bénéficiaires aux paiements au titre de l’action « Zones défavorisées ». Le lien entre les résultats des deux contrôles aurait donc été respecté sur ce plan.

111    En troisième lieu, la République de Pologne relève que, conformément aux orientations VI/5330/97, l’application d’une correction financière ne peut être justifiée que par l’existence d’une carence significative dans l’application des règles du droit de l’Union. Or, l’éventuelle carence relative à l’exhaustivité des contrôles ne présenterait pas, de l’aveu même de la Commission, de caractère significatif, de sorte que l’application d’une correction forfaitaire de 2 % serait dénuée de fondement.

112    Dans sa position finale du 11 février 2009, la Commission a indiqué que « [l]’établissement d’un lien entre les contrôles concernant l’action ‘Zones défavorisées’ et le contrôle des actions ‘Agroenvironnement’ constitu[ait] un élément secondaire du système de contrôle, de sorte que son absence, combinée à d’autres déficiences, entraîn[ait], en vertu des orientations VI/5530/97, l’application d’une correction financière de 2 % en ce qui concern[ait] les deux mesures ».

113    Aux termes de l’article 69 du règlement n° 817/2004 :

« Les contrôles sur place s’effectuent conformément au titre III du règlement (CE) n°2419/2001. Ils portent chaque année sur au moins 5 % des bénéficiaires et couvrent l’ensemble des types de mesures de développement rural prévus dans les documents de programmation. En ce qui concerne la mesure ‘préretraite’ visée au chapitre IV du règlement (CE) n° 1257/1999 et la mesure ‘boisement des terres agricoles’ visée à l’article 31 dudit règlement, ce taux peut être diminué jusqu’à 2,5 % à partir de la sixième année de l’octroi du soutien pour ces mesures sans augmentation du taux de contrôle pour les autres mesures.

Les contrôles sur place sont répartis sur l’année conformément à une analyse des risques présentés par chaque mesure de développement rural. Pour ce qui concerne les mesures de soutien aux investissements relevant du titre II, chapitres I, VII, VIII et IX, du règlement (CE) nº 1257/1999, les États membres peuvent prévoir que les contrôles sur place ne portent que sur les projets en voie d’achèvement.

Le contrôle porte sur la totalité des engagements et des obligations d’un bénéficiaire qu’il est possible de contrôler au moment de la visite. »

114    La République de Pologne ne conteste pas ne pas avoir procédé, lors de tous les contrôles effectués auprès des bénéficiaires d’aides, au contrôle de la totalité des engagements et des obligations d’un bénéficiaire qu’il est possible de contrôler au moment de la visite.

115    Elle soutient que l’obligation de contrôle, à laquelle elle est soumise en application de l’article 69, troisième alinéa, du règlement n° 817/2004, doit être définie par la combinaison de cette disposition avec les deux premiers alinéas du même article, de sorte que le contrôle du bénéficiaire de chaque action doit porter sur l’ensemble des engagements et obligations contractés dans le cadre de chaque action et être exhaustif dans ce seul cadre, ce qui a été le cas en 2004 et 2005.

116    Il suffit de constater que, comme le fait valoir la Commission, une telle interprétation de l’article 69, troisième alinéa, du règlement n° 817/2004 est contraire à la lettre de ce texte.

117    Par son libellé même, l’article 69, troisième alinéa, du règlement n° 817/2004 définit clairement l’objet des contrôles en se référant à « la totalité des engagements et des obligations d’un bénéficiaire », excluant par là même un contrôle qui serait limité à quelques-uns ou à une partie seulement des engagements et des obligations du bénéficiaire, l’exigence d’exhaustivité des contrôles étant confirmée par la précision selon laquelle l’obligation de contrôle couvre la totalité des engagements et des obligations « qu’il est possible de contrôler au moment de la visite ».

118    Une telle limite ne saurait être interprétée comme autorisant les États membres à apprécier l’obligation d’exhaustivité des contrôles en se plaçant au niveau de chaque type d’actions. En effet, il ne résulte pas de l’article 69, premier et deuxième alinéas, du règlement n° 817/2004, dont le premier définit la proportion minimale de bénéficiaires qui doivent être contrôlés chaque année et le deuxième prévoit une répartition dans le temps de ces contrôles, en fonction d’une analyse des risques présentés par chaque mesure de développement rural, que les termes généraux de l’article 69, troisième alinéa, du règlement n° 817/2004 doivent être interprétés, de manière restrictive, comme limitant l’obligation de contrôle de la totalité des engagements et obligations d’un bénéficiaire au contrôle d’une action à l’exclusion de l’autre.

119    S’agissant de l’argument invoqué par la République de Pologne selon lequel, en 2004, les demandes de paiement formées dans le cadre de l’action « Zones défavorisées » et celles formées dans le cadre de l’action « Agroenvironnement » ont été admises à des périodes différentes, il y a lieu de constater que cette allégation n’est pas démontrée par la République de Pologne.

120    La République de Pologne soutient également que, à le supposer caractérisé, le présent manquement ne présenterait pas de caractère significatif justifiant la présente correction financière forfaitaire de 2 %, ainsi que la Commission elle-même l’aurait reconnu, comme en témoignerait le rapport final de l’organe de conciliation.

121    Il résulte de l’annexe 2 des orientations VI/5330/97 que, lorsqu’un État membre effectue correctement les contrôles clés, mais a omis complètement d’effectuer un ou plusieurs contrôles secondaires, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 2 %, compte tenu du risque plus faible de pertes pour le FEOGA et de la gravité moindre de l’infraction.

122    Sans qu’il soit besoin de se prononcer, aux fins de statuer sur le présent grief, sur la question de savoir si la République de Pologne a effectué correctement les contrôles clés qui lui incombaient par ailleurs, il suffit de constater que la qualification de contrôle secondaire attribuée au lien existant entre les contrôles relatifs à l’action « Zones défavorisées » et ceux relatifs à l’action « Agroenvironnement », lequel est caractérisé par la réalisation simultanée de ces contrôles auprès d’un même bénéficiaire d’aides, n’est contestée que par la simple affirmation selon laquelle le présent manquement ne présenterait pas de caractère significatif justifiant la présente correction financière forfaitaire de 2 %.

123    Or, dans sa position finale, la Commission a qualifié d’élément secondaire du système de contrôle le lien devant exister entre les contrôles relatifs à l’action « Zones défavorisées » et les contrôles relatifs à l’action « Agroenvironnement ». Le caractère non significatif d’un manquement n’étant pas exclusif de sa qualification de contrôle secondaire, laquelle peut conduire à l’application d’une correction financière forfaitaire de 2 %, le grief invoqué de ce chef doit être écarté.

124    Il suit de ce qui précède que le grief invoqué par la République de Pologne à l’encontre du manquement fondé sur la violation de l’article 69 du règlement n° 817/2004, relatif à l’exhaustivité des contrôles sur place, doit être rejeté, de même que le premier moyen dans son ensemble.

Sur le deuxième moyen

125    La République de Pologne fait valoir que, à supposer établie l’existence de certaines carences dans le système de contrôle et de sanctions mis en place par les autorités polonaises, ces carences n’en sont pas moins si négligeables qu’elles ne peuvent exposer le budget de l’Union à un risque de pertes.

126    En tout état de cause, selon la République de Pologne, le montant de la correction forfaitaire appliquée par la Commission excède plusieurs fois la perte maximale éventuelle qu’aurait pu subir l’Union. En adoptant la décision attaquée, la Commission aurait commis une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences financières et n’aurait tenu compte ni de l’importance marginale des éventuelles carences, ni du risque mineur de pertes financières pour le budget de l’Union.

127    La République de Pologne invoque, s’agissant de chacun des manquements reprochés, l’absence de risque de perte financière pour le budget de l’Union ainsi que l’importance excessive de la correction appliquée.

Sur l’absence de risque de pertes financières pour l’Union résultant du manquement relatif aux rapports de contrôle sur place

128    Selon la République de Pologne, l’absence de prise en compte, dans les rapports de contrôle utilisés en 2004 et 2005 pour l’action « Zones défavorisées » et l’action « Agroenvironnement », du tableau déterminant la densité du cheptel dans l’exploitation du bénéficiaire n’était pas susceptible d’entraîner un risque de perte financière pour le budget de l’Union.

129    D’une part, la République de Pologne expose que le nombre d’animaux présents dans l’exploitation du bénéficiaire le jour du contrôle, dont la Commission demande qu’il soit mentionné dans les rapports de contrôle, ne faisait pas l’objet des contrôles concernant les principes de BPAT, mais constituait simplement l’un des nombreux éléments pris en compte dans le cadre du contrôle du respect de la limite annuelle de fertilisation au moyen d’engrais naturels.

130    D’autre part, elle ajoute, se fondant sur des données comparatives chiffrées au titre des années 2004 à 2006, que les précisions qui ont été ajoutées aux rapports de contrôle en 2006 n’ont aucunement contribué à renforcer l’efficacité des contrôles, le taux de détection des violations des principes de BPAT le plus élevé ayant été obtenu pour les demandes déposées en 2004, à une période où les rapports de contrôle n’étaient pas encore aussi détaillés.

131    La République de Pologne fait valoir que, en tout état de cause, le risque de violation de la limite annuelle de fertilisation au moyen d’engrais naturels était marginal compte tenu de la spécificité de l’action « Zones défavorisées » et de l’action « Agroenvironnement », puisque ces deux actions visaient à octroyer un soutien à des producteurs se livrant à une agriculture de semi-subsistance, dans le cadre de laquelle l’élevage intensif de bétail n’était pas pratiqué.

132    Il résulte de l’article 7, paragraphe 4, quatrième alinéa, du règlement n° 1258/1999 et de l’article 31, paragraphe 2, du règlement n° 1290/2005, rédigés en des termes similaires, que la Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée et qu’elle tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à l’Union.

133    Les orientations VI/5330/97 indiquent comment la Commission se propose d’appliquer les corrections financières dans le cadre de la procédure d’apurement des comptes du FEOGA.

134    Selon l’annexe 2 de ce document, lorsque le niveau réel des dépenses irrégulières résultant de carences des contrôles effectués par les États membres ne peut pas être déterminé et que, par conséquent, il n’est pas possible de quantifier le montant exact des pertes financières subies par l’Union, la Commission applique des corrections forfaitaires s’élevant à 2 %, 5 %, 10 % ou 25 %, voire 100 %, des dépenses déclarées, en fonction de l’ampleur du risque de perte.

135    Selon la même annexe, l’État membre a toujours la possibilité de démontrer, au moyen de vérifications supplémentaires ou de suppléments d’informations, que la carence n’était pas aussi sérieuse qu’elle le paraissait ou que le risque de pertes réelles était moins important que le montant de la correction proposée. Ces arguments doivent être soigneusement étudiés et commentés avant de prendre les décisions finales concernant le taux de correction à appliquer. Si les éléments objectifs présentés par l’État membre montrent que la perte maximale probable est limitée à un montant inférieur à celui de la correction proposée, la perte maximale doit être prise en compte.

136    La République de Pologne ne conteste pas que la Commission n’a pas été en mesure de quantifier le montant exact des pertes financières que cette dernière estimait que l’Union avait subies. En revanche, par le présent moyen, la République de Pologne soutient, en substance, d’une part, que les manquements reprochés, à les supposer établis, sont si négligeables qu’ils ne peuvent exposer le budget de l’Union à un risque de pertes et, d’autre part, que le montant de la correction forfaitaire appliquée par la Commission excède sensiblement les pertes qu’aurait pu subir l’Union.

137    Il convient de constater que la République de Pologne ne démontre pas, par la production d’éléments objectifs, que la carence relevée par la Commission, en ce qui concerne le contenu des rapports de contrôle et des listes de contrôle, n’était pas aussi sérieuse qu’elle le paraissait ou que le risque de pertes réel était moins important que le montant de la correction proposée.

138    En soutenant que l’absence de prise en compte, dans les rapports de contrôle, du tableau déterminant la densité du cheptel dans l’exploitation du bénéficiaire n’était pas susceptible d’entraîner un risque de perte financière pour le budget de l’Union, dès lors que le dénombrement des animaux le jour du contrôle ne constituait qu’un élément parmi de nombreux autres pris en compte dans le cadre du contrôle de la limite annuelle de fertilisation au moyen d’engrais naturels, la République de Pologne conteste la réalité du manquement reproché et non les effets de ce manquement sur le budget de l’Union.

139    Or, il résulte des termes employés par la République de Pologne elle-même pour la formulation du présent moyen qu’elle entend se placer, pour les besoins de sa propre démonstration, dans l’hypothèse où les manquements reprochés seraient établis (voir point 125 ci-dessus). En conséquence, cet argument, qui, au surplus, a été précédemment rejeté par les motifs figurant au point 59 ci-dessus et n’est étayé par aucun élément objectif de nature à établir que la perte maximale probable résultant des carences constatées par la Commission est limitée à un montant inférieur à celui de la correction proposée, doit être écarté comme n’étant pas pertinent aux fins du présent moyen.

140    Doit également être rejeté l’argument selon lequel les précisions qui ont été apportées aux rapports de contrôle, en 2006, par les autorités polonaises, n’ont pas contribué à renforcer l’efficacité des contrôles. Cet argument ne porte pas sur le caractère incomplet des rapports de contrôle, tel que constaté par la Commission à l’issue de la mission de contrôle effectuée au mois de septembre 2005. Il vise à remettre en cause l’utilité des améliorations prescrites par le droit applicable aux modalités d’élaboration des rapports de contrôle et à démontrer ainsi que les insuffisances affectant ces rapports en 2004 et 2005 n’engendraient aucun risque de perte financière pour le budget de l’Union, dès lors que le contenu défaillant des rapports ne reflétait aucune violation d’un principe de BPAT. Or, il résulte du point 59 ci-dessus que le manquement en cause, relatif au contenu des rapports de contrôle et des listes de contrôle, doit être rejeté.

141    Surtout, l’invocation par la République de Pologne de l’absence d’effets, sur l’efficacité des contrôles, des changements apportés au contenu des rapports de contrôle ne comporte aucune offre de preuve du caractère excessif ou disproportionné du montant de la correction proposée.

142    Ne comporte pas davantage d’offre de preuve l’argument selon lequel le risque de violation de la limite annuelle de fertilisation au moyen d’engrais naturels était marginal, dès lors que l’action « Zones défavorisées » et l’action « Agroenvironnement » visaient à octroyer un soutien à des producteurs se livrant à une agriculture de semi-subsistance.

143    En conséquence, il convient de rejeter le présent grief, tiré du défaut de conséquences financières sur le budget de l’Union du manquement relatif aux rapports de contrôle et aux listes de contrôle, invoqué par la République de Pologne.

144    Avant de statuer sur les griefs tirés du défaut de conséquences financières sur le budget de l’Union des manquements relatifs aux vérifications croisées, aux sanctions et à l’exhaustivité des contrôles, il convient de déterminer si le manquement en cause justifie l’application d’un taux de correction financière de 5 %.

145    En effet, si, comme le soutient la Commission, seul l’examen du montant de la correction imputable au manquement relatif aux rapports de contrôle et aux listes de contrôle est susceptible d’influer sur le montant définitif de la correction financière retenue dans la décision attaquée, les griefs afférents aux trois autres manquements visés par le présent moyen devraient être déclarés inopérants.

146    L’inopérance de ces griefs résulterait de ce que chacun d’eux vise à démontrer que la correction forfaitaire de 2 % que la Commission a considérée comme justifiée pour chacun de ces autres manquements, même si elle ne l’a finalement pas retenue, est excessive par rapport au risque de préjudice financier encouru par l’Union. Or, ce raisonnement ne serait pas de nature à affecter la légalité de la décision attaquée, qui applique une correction financière de 5 % à l’ensemble des dépenses engagées, en 2005, pour les deux actions. Dans un tel cas, en effet, où le niveau de la correction financière appliquée est déterminé par la gravité d’un seul manquement, il importe peu que le préjudice financier encouru par l’Union du fait des autres manquements soit inférieur au montant des autres corrections financières effectuées au titre de ces manquements. Quand bien même une telle erreur d’évaluation du préjudice devrait être constatée, il n’en demeurerait pas moins que, si le manquement relatif à l’insuffisante qualité des rapports de contrôle sur place est caractérisé et si la Commission n’a pas commis d’erreur en fixant à 5 % le niveau de la correction financière correspondante, celle-ci serait applicable à l’ensemble des dépenses considérées.

147    Il résulte, en effet, de l’annexe 2 des orientations VI/5330/97 que, lorsqu’un même système recèle plusieurs carences, les taux forfaitaires de correction ne sont pas cumulatifs, la carence la plus grave étant considérée comme indicative des risques présentés par le système de contrôle dans son ensemble.

148    Dans sa position finale, la Commission a considéré que la République de Pologne avait violé l’article 28 du règlement n° 796/2004 en raison du caractère insatisfaisant des rapports de contrôle sur place et elle a proposé l’application, retenue dans la décision attaquée, d’une correction égale à 5 % des dépenses engagées dans les deux domaines d’action.

149    La République de Pologne conteste qu’une violation de l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004 puisse donner lieu à l’application d’une correction de 5 %.

150    L’annexe 2 des orientations VI/5330/97 définit les contrôles clés et les contrôles secondaires comme suit :

« –      Les contrôles clés sont les vérifications physiques et administratives requises pour contrôler les éléments quant au fond, en particulier la réalité de l’objet de la demande, la quantité et les conditions qualitatives, y compris le respect des délais, les exigences de récolte, les délais de rétention, etc. Ils sont effectués sur le terrain et par recoupement avec des informations indépendantes, telles que les registres cadastraux.

–        Les contrôles secondaires sont les opérations administratives nécessaires pour traiter correctement les demandes, telles que la vérification du respect des délais de soumission, l’identification de demandes similaires pour un même objet, l’analyse du risque, l’application de sanctions et la supervision adéquate des procédures. »

151    Selon l’annexe 2 des orientations VI/5330/97, une correction forfaitaire de 5 % des dépenses est appliquée lorsque tous les contrôles clés sont effectués, mais sans que soient respectés le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par la réglementation du droit de l’Union, et qu’il peut donc raisonnablement être conclu que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de perte pour le FEOGA est significatif.

152    Il y a lieu de constater que, selon l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004, chaque contrôle sur place fait l’objet d’un rapport de contrôle sur place rendant compte avec précision des différents éléments du contrôle. Ainsi qu’il a été exposé précédemment (voir point 57 ci-dessus), ces éléments, tels que le nombre d’animaux de chaque espèce relevé, constituent des informations relatives aux conditions d’attribution des aides dont les vérifications physiques et administratives constituent des contrôles clés. Il en résulte que les irrégularités qui peuvent affecter les rapports de contrôle sur place, comme celles caractérisées par l’omission de procéder à un dénombrement du cheptel ou de décrire la méthode employée pour procéder à un tel dénombrement, ont une incidence directe sur l’efficacité des vérifications physiques et administratives constitutives des contrôles clés, de sorte qu’elles doivent être considérées elles-mêmes comme des contrôles clés qui n’ont pas été effectués avec toute la rigueur exigée par la réglementation du droit de l’Union.

153    En conséquence, la Commission n’a pas commis d’erreur en appliquant une correction forfaitaire de 5 % au titre de la violation de l’article 28, paragraphe 1, du règlement n° 796/2004.

Sur l’absence de risque de pertes financières pour l’Union résultant des manquements relatifs aux vérifications croisées, aux sanctions et à l’exhaustivité des contrôles

154    La République de Pologne fait valoir que, à les supposer démontrés, les manquements relatifs aux vérifications croisées, aux sanctions et à l’exhaustivité des contrôles n’auraient pu tout au plus entraîner que des conséquences financières marginales, bien inférieures aux corrections forfaitaires de 2 % décidées par la Commission à ce titre.

155    Il convient de constater que, dans la mesure où les insuffisances affectant l’élaboration des rapports de contrôle sur place portent atteinte à la rigueur de contrôles clés, justifiant ainsi l’application d’une correction financière de 5 %, tandis que les autres manquements sont considérés par la Commission comme justifiant l’application d’une correction financière de 2 %, ce premier manquement, étant le plus grave, doit être considéré comme indicatif des risques présentés par le système de contrôle dans son ensemble et la correction financière qui lui est appliquée doit, en raison même de son caractère forfaitaire, être appliquée à toutes les dépenses auxquelles ce système de contrôle était applicable, conformément aux orientations énoncées dans les orientations VI/5330/97 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 décembre 2011, Luxembourg/Commission, T-232/08, non publié au Recueil, point 73).

156    En l’espèce, l’ensemble des dépenses effectuées au titre des mesures de développement rural concernant les zones défavorisées et les mesures agroenvironnementales en 2005 a été affecté par la carence de certains contrôles clés, qui justifiaient, à eux-seuls, la correction forfaitaire de 5 %.

157    En conséquence, les griefs de la République de Pologne selon lesquels, quand bien même les manquements relatifs aux vérifications croisées, aux sanctions et à l’exhaustivité des contrôles seraient caractérisés, ils n’auraient pu entraîner que des conséquences financières inférieures à la correction forfaitaire de 2 % appliquée par la Commission, doivent être déclarés inopérants.

 Sur le troisième moyen

158    La République de Pologne fait valoir que la Commission a violé l’obligation de motivation qui lui incombait, en ce qu’elle ne lui a ni exposé ni permis de connaître les raisons de la modification substantielle de la portée des griefs à laquelle elle a procédé.

159    Elle indique que la Commission a critiqué, dans sa position finale, l’absence de vérifications croisées avec la « base animaux » sous l’angle des principes de BPAT, sans préciser ceux de ces principes qui auraient été méconnus à ce titre. L’absence de telles précisions laisserait supposer que la Commission a en définitive soulevé le grief tiré de l’absence de vérifications croisées sous l’angle de l’ensemble des principes de BPAT. Un grief aussi largement formulé serait incompréhensible dans la mesure où, lors des précédentes étapes de la procédure, la Commission n’aurait soulevé la question de l’absence de vérifications croisées que sous l’angle du respect de la limite annuelle de fertilisation au moyen d’engrais naturels. La République de Pologne ajoute que, comme la modification des griefs ne serait intervenue qu’à la dernière étape de la procédure qui a précédé l’adoption de la décision attaquée, elle a été privée de la possibilité de prendre connaissance des raisons de cette modification et d’exposer sa position à ce sujet.

160    La République de Pologne expose, en outre, que, dans sa position finale, la Commission a fait valoir que les rapports de contrôle sur place ne comportaient aucune preuve attestant du contrôle du respect des principes de BPAT. Selon elle, ce grief, qui ne concernait à l’origine que la documentation du contrôle du respect de la limite de fertilisation au moyen d’engrais naturels, a été étendu, à la fin de la procédure, à l’ensemble des principes de BPAT, sans autre précision et sans que la Commission fournisse le moindre éclaircissement.

161    Selon une jurisprudence constante, la mesure de l’obligation de motiver, consacrée par l’article 253 CE, dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir arrêt de la Cour du 14 avril 2005, Portugal/Commission, C-335/03, Rec. p. I-2955, point 83, et la jurisprudence citée).

162    Dans le contexte particulier de l’élaboration des décisions relatives à l’apurement des comptes, la motivation d’une décision doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration de cette décision et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du FEOGA la somme litigieuse (voir arrêt Portugal/Commission, point 161 supra, point 84, et la jurisprudence citée).

163    En l’espèce, il résulte de la position finale de la Commission que celle-ci s’est référée de façon générale aux « principes relatifs aux bonnes pratiques agricoles habituelles » et non, comme le soutient la République de Pologne, à l’ensemble des principes de BPAT, sans autre précision.

164    Surtout, il ressort clairement des étapes antérieures de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, au cours desquelles la République de Pologne a été étroitement associée au processus d’élaboration de celle-ci, que la Commission entendait fonder cette décision sur la BPAT relative au plafond fixé pour l’utilisation d’engrais naturels. Il résulte, en effet, des points 48 et 49 ci-dessus ainsi que des éléments fournis par la Commission en réponse à la question écrite du Tribunal relative aux étapes de la procédure administrative au cours desquelles il aurait été fait référence au contrôle de la BPAT ayant trait à l’utilisation des engrais naturels que, dès l’envoi par la Commission de la lettre du 8 février 2006, la République de Pologne avait été informée que la Commission avait fait porter ses investigations sur la quantité d’engrais naturels produite et l’usage qui en avait été fait, ainsi que sur le dénombrement des animaux présents dans les exploitations des bénéficiaires, dont il n’est pas contesté qu’il constitue l’une des données permettant d’apprécier le respect de cette pratique, grief faisant l’objet des courriers échangés et des réunions organisées entre la Commission et les autorités polonaises.

165    En conséquence, le présent moyen doit être rejeté comme non fondé, de même que le recours de la République de Pologne dans son intégralité.

 Sur les dépens

166    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République de Pologne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République de Pologne est condamnée aux dépens.

Truchot

Martins Ribeiro

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : le polonais.