Language of document : ECLI:EU:T:2006:287

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

3 octobre 2006(*)

« Refus de remboursement de droits à l’importation – Recours en annulation – Importation d’imprimantes et de cartouches d’imprimante en provenance de Singapour – Situation particulière – Clause d’équité – Article 239 du règlement (CEE) n° 2913/92 »

Dans l’affaire T‑313/04,

Hewlett-Packard GmbH, établie à Böblingen (Allemagne), représentée par Mes F. Boulanger, M. Mrozek et M. Tervooren, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. X. Lewis, en qualité d’agent, assisté de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision REM 06/02 de la Commission, du 7 avril 2004, indiquant aux autorités allemandes qu’il n’y avait pas lieu de rembourser à la requérante les droits à l’importation portant sur des imprimantes et des cartouches d’imprimante en provenance de Singapour,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er février 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre réglementaire

1        L’article 239 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes »), énonce ce qui suit :

« 1. Il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l’importation ou des droits à l’exportation dans des situations autres que celles visées aux articles 236, 237 et 238 :

–        à déterminer selon la procédure du comité,

–        qui résultent de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé. Les situations dans lesquelles il peut être fait application de cette disposition ainsi que les modalités de procédure à suivre à cette fin sont définies selon la procédure du comité. Le remboursement ou la remise peuvent être subordonnés à des conditions particulières.

2. Le remboursement ou la remise des droits pour les motifs indiqués au paragraphe 1 est accordé sur demande déposée auprès du bureau de douane concerné avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date de la communication desdits droits au débiteur.

Toutefois, les autorités douanières peuvent autoriser un dépassement de ce délai dans des cas exceptionnels dûment justifiés. »

2        L’article 239 a été précisé et développé par le règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du code des douanes (JO L 253, p. 1), modifié en dernier lieu, en ce qui concerne le cadre juridique pertinent aux fins de la présente affaire, par le règlement (CE) n° 1677/98 de la Commission, du 29 juillet 1998 (JO L 212, p. 18, ci-après le « règlement d’application »).

3        L’article 905, paragraphe 1, du règlement d’application établit que, lorsque l’autorité douanière nationale, saisie d’une demande de remise de droits, n’est pas en mesure de prendre une décision sur la base de l’article 899 dudit règlement et que la demande est assortie de justifications susceptibles de constituer une situation particulière qui résulte de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé, l’État membre dont relève cette autorité transmet le cas à la Commission.

4        L’article 12 du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1), prévoit que la Commission adopte chaque année un règlement reprenant la version complète de la nomenclature combinée et des taux des droits de douane, telle qu’elle résulte des mesures arrêtées par le Conseil ou par la Commission. Ce règlement est publié au Journal officiel des Communautés européennes au plus tard le 31 octobre et est applicable à partir du 1er janvier de l’année suivante.

 Faits à l’origine du litige

5        Durant la période comprise entre le 21 et le 29 décembre 1995, la requérante a mis en libre pratique dans la Communauté des imprimantes et des cartouches d’imprimante qui se trouvaient dans son entrepôt douanier situé en Allemagne et qui avaient été importées de Singapour.

6        Jusqu’au 31 décembre 1995, ces marchandises étaient assujetties à un taux de droit préférentiel de 2,6 % pour les marchandises relevant de la sous-position 8471 6040 de la nomenclature combinée et de 2,1 % pour les marchandises relevant de la sous-position 8473 3090 de la nomenclature combinée.

7        En vertu du règlement (CE) n° 3281/94 du Conseil, du 19 décembre 1994, portant application d’un schéma pluriannuel de préférences tarifaires généralisées pour la période 1995-1998 à certains produits industriels originaires de pays en développement (JO L 348, p. 1), abrogeant définitivement les taux préférentiels susmentionnés avec effet à compter du 1er janvier 1996, les marchandises considérées auraient dû être assujetties, à partir de cette date, à des taux « pays tiers » de, respectivement, 2,9 et 2,4 %. Ces taux étaient repris dans le règlement (CE) n° 2448/95 de la Commission, du 10 octobre 1995, modifiant l’annexe I du règlement n° 2658/87 (JO L 259, p. 1), qui reprenait la version complète de la nomenclature combinée et des taux des droits de douane, conformément à l’article 12 du règlement n° 2658/87.

8        Toutefois, l’abaissement des taux des droits de douane pour les pays tiers initialement prévu dans le cadre de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1947 a été avancé, pour l’année 1997, au 1er janvier 1996 par le règlement (CE) n° 3093/95 du Conseil, du 22 décembre 1995, fixant les taux des droits de douane à appliquer par la Communauté, par suite des négociations menées au titre de l’article XXIV, paragraphe 6, du GATT après l’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à l’Union européenne. Ce règlement figure dans le Journal officiel L 334 du 30 décembre 1995, effectivement publié le 20 février 1996. Le règlement (CE) n° 3009/95 de la Commission, du 22 décembre 1995, modifiant l’annexe I du règlement n° 2658/87, a modifié les taux des droits « pays tiers » applicables à partir du 1er janvier 1996 pour les marchandises considérées en l’espèce, en les ramenant respectivement à 2 % et à 1,6 %. Il figure dans le Journal officiel L 319 du 30 décembre 1995, effectivement publié le 8 janvier 1996.

9        La Commission avait, par ailleurs, présenté une proposition de règlement, datée du 6 décembre 1995 et intitulée « Proposition de règlement (CE) du Conseil fixant les droits de douane à appliquer par la Communauté, par suite des négociations menées au titre de l’article XXIV, paragraphe 6, du GATT après l’adhésion de [la République d]’Autriche, de la [République de] Finlande et [du Royaume] de […] Suède » [document COM (1995) 604]. Le Journal officiel C 341 du 19 décembre 1995 a mentionné la transmission de cette proposition au Conseil et indiqué que ce document était disponible auprès des bureaux de vente nationaux.

10      Le 11 novembre 1996, la requérante a sollicité auprès des autorités douanières allemandes compétentes le remboursement d’un montant de 235 489,42 euros. Il s’agit en l’occurrence du montant de droits de douane correspondant à la différence entre les taux préférentiels en vigueur jusqu’au 31 décembre 1995 et les taux qui auraient été applicables si les marchandises avaient été mises en libre pratique après le 31 décembre 1995.

11      Cette demande a été rejetée. Le recours administratif formé par la requérante contre ce rejet a également été rejeté comme étant sans fondement. La requérante a introduit un recours contre cette décision du Hauptzollamt Stuttgart (bureau de douane principal de Stuttgart, Allemagne) auprès du Finanzgericht Baden-Württemberg (tribunal des finances de Bade-Wurtemberg, Allemagne).

12      Lors de la procédure devant le Finanzgericht Baden-Württemberg, la requérante a produit une lettre de l’Office des publications officielles des Communautés européennes du 28 juin 2000, établissant que la publication effective du règlement n° 3009/95 n’avait eu lieu que le 8 janvier 1996.

13      Le Hauptzollamt a alors considéré que la requérante se trouvait dans une situation particulière au sens de l’article 905 du règlement d’application. Le ministère des Finances allemand, appelé à se prononcer, a soumis le cas à la Commission, conformément à l’article 905 du règlement d’application.

14      Par décision REM 06/02, du 7 avril 2004 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a estimé que le remboursement des droits à l’importation n’était pas justifié.

15      Par avis du 16 juin 2004, le Hauptzollamt a transmis à la requérante la décision attaquée et lui a définitivement refusé le remboursement des droits à l’importation.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 juillet 2004, la requérante a introduit le présent recours.

17      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

18      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience publique du 1er février 2006.

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Arguments des parties

21      À l’appui de son recours, la requérante invoque plusieurs griefs qu’il convient d’examiner en les regroupant en un moyen unique, tiré de la violation de l’article 905, paragraphe 1, du règlement d’application, disposition qui précise et développe la règle contenue à l’article 239 du code des douanes. Elle fait valoir que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste de la Commission, en ce qu’elle constate l’absence de « situation particulière » au sens de l’article 905, paragraphe 1, du règlement d’application. Par ailleurs, elle souligne l’absence de manœuvre ou de négligence manifeste de sa part.

22      La requérante rappelle que l’existence d’une situation particulière au sens de l’article 905 du règlement d’application est établie lorsqu’il s’avère que le demandeur se trouve, par rapport aux autres opérateurs économiques exerçant la même activité, dans une position particulière et que ces circonstances se présentent de telle sorte qu’il ne serait pas juste de lui imposer un désavantage qu’il n’aurait normalement pas subi.

23      Elle rappelle que, dans l’arrêt du 15 mai 1986, Oryzomyli Kavallas e.a./Commission (160/84, Rec. p. 1633, points 15 et 16), la Cour a jugé que l’existence d’un cas exceptionnel pouvait être admise lorsque les intéressés et les autorités compétentes n’avaient pas à leur disposition les dispositions douanières pertinentes dans la langue nationale et que les intéressés avaient adapté leur comportement aux informations erronées fournies par les autorités compétentes. Or, dans cette affaire, il aurait été constant que non seulement les requérants mais tous les opérateurs économiques grecs étaient affectés par l’absence de version grecque des règlements communautaires applicables. Il résulterait de cet arrêt que la comparaison avec les autres opérateurs ne doit pas seule être prise en considération. Le comportement des autorités compétentes et le comportement de l’intéressé qui en découle pourraient également caractériser une situation exceptionnelle.

24      En l’occurrence, la requérante estime que la Commission aurait dû apprécier l’ensemble des faits et mettre en balance l’intérêt de la Communauté et l’intérêt des opérateurs économiques à ne pas subir de désavantages allant au-delà du risque commercial normal. Elle aurait, en particulier, dû apprécier les effets de son propre comportement fautif et de celui des autres institutions communautaires sur la situation en cause (arrêt du Tribunal du 17 septembre 1998, Primex Produkte Import-Export e.a./Commission, T‑50/96, Rec. p. II‑3773, point 116). La requérante fait valoir que l’article 905, paragraphe 1, premier tiret, du règlement n° 2454/93, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1335/2003 de la Commission, du 25 juillet 2003 (JO L 187, p. 16), vise notamment les manquements de cette institution à ses obligations. Lors de l’audience, elle a expliqué que, même en l’absence d’entrée en vigueur du règlement n° 1335/2003 à l’époque de la transmission de son cas à la Commission, cette dernière était tenue de prendre en considération les effets de ses manquements.

25      En l’espèce, en premier lieu, l’existence d’une situation particulière résulterait de ce que la Commission aurait violé le principe de prévisibilité de l’action des organes communautaires et le principe de sécurité juridique en procédant tardivement à la publication effective du règlement n° 3009/95 et en omettant de le notifier à temps, en antidatant intentionnellement ce règlement et en renvoyant au règlement n° 3093/95, rendu public, comme indiqué au point 8 ci-dessus, le 20 février 1996. Or, dans la décision attaquée, la Commission aurait dû tenir compte de ces circonstances et de leur incidence sur le comportement de la requérante.

26      À cet égard, la requérante fait valoir qu’elle n’aurait jamais mis les marchandises concernées en libre pratique dans la Communauté avant le 1er janvier 1996, si elle avait été au courant de la modification des taux des droits de douane. Le comportement illégal de la Commission l’aurait conduite à effectuer ces importations avant cette date.

27      En effet, jusqu’au 31 décembre 1995, la requérante n’aurait pas pu prendre connaissance du règlement n° 3009/95 et donc des taux inférieurs, applicables à partir du 1er janvier suivant. Elle aurait fondé ses décisions économiques sur le règlement n° 2448/95, du 10 octobre 1995, applicable à partir du 1er janvier 1996, qui fixait, pour les produits concernés, un taux plus élevé que le taux applicable jusqu’au 1er janvier 1996.

28      La Commission aurait intentionnellement antidaté le Journal officiel L 319 au 30 décembre 1995, afin de garantir que le règlement n° 3009/95 entre en vigueur à la date prévue à son article 2, à savoir le 1er janvier 1996. Ce règlement n’a cependant été rendu public que le 8 janvier 1996, comme indiqué au point 12 ci-dessus.

29      En outre, le règlement n° 3009/95 ferait référence au règlement n° 3093/95, qui a été publié au Journal officiel disponible le 20 février 1996. La Commission aurait ainsi procédé à la modification des taux applicables, en renvoyant à un règlement du Conseil qui, au moment de cette modification, n’existait pas.

30      De plus, la Commission aurait violé l’obligation énoncée à l’article 12 du règlement n° 2658/87. Cet article concrétiserait les dispositions de l’article 254 CE et le principe de sécurité juridique. Il aurait pour objet d’informer de manière fiable les opérateurs économiques des conséquences économiques à leur égard des mesures à venir et de leur fournir ainsi une base sûre pour la planification de leurs actions.

31      En publiant le règlement n° 3009/95 au Journal officiel du 30 décembre 1995, la Commission n’aurait pas respecté le délai expirant le 31 octobre, prévu par l’article 12 du règlement n° 2658/87. À cet égard, lors de l’audience, la requérante a précisé que la Commission ne pouvait adopter un règlement modifiant les taux de droits de douanes après le 31 octobre 1995 qu’en cas d’événements inattendus imposant une intervention d’urgence. Un tel cas ne se serait pas présenté en l’espèce.

32      Selon la requérante, les listes de concessions douanières introduites par la Communauté européenne dans le cadre du GATT étaient, durant la période comprise entre l’année 1995 et l’année 2000, échelonnées annuellement. Néanmoins, avec le règlement n° 3009/95, la Commission aurait décidé d’établir des nouveaux taux, à partir du 1er janvier 1996, alors qu’une version complète de la nomenclature combinée qui aurait dû entrer en vigueur le 1er janvier 1996 avait déjà été adoptée avec le règlement n° 2448/95, du 10 octobre 1995, publié au Journal officiel L 259 dans le délai prévu à l’article 12 du règlement n° 2658/87. Le règlement n° 2448/95 aurait déjà pris en considération la deuxième baisse des droits de douane résultant du GATT et prévue pour l’année 1996. Dès lors, la requérante n’aurait pas pu prévoir que la Commission avancerait la troisième étape de la réduction des droits de douane, prévue pour 1997, et qu’il y aurait en 1996 une double modification des droits de douanes.

33      La requérante conteste la thèse de la Commission selon laquelle la modification du règlement n° 2448/95 était prévisible, au vu de l’annonce de la proposition COM (1995) 604 de la Commission dans le Journal officiel C 341 du 19 décembre 1995, et elle aurait dû se tenir informée des négociations dans le cadre du GATT. L’intitulé de la proposition, seul publié, aurait uniquement fait référence à une décision et à un règlement du Conseil. Il n’aurait pas comporté d’indication sur le point de savoir comment les taux de droits de douane seraient modifiés.

34      En outre, on ne retrouverait aucun indice dans l’intitulé de la proposition suggérant qu’il pouvait s’agir d’une anticipation non prévue de la troisième phase de la baisse des droits de douane dans le cadre du GATT. De plus, la proposition n’aurait pas été disponible auprès du Bundesanzeiger Verlag (éditeur des communications officielles fédérales allemandes) avant le 31 décembre 1995. Lors de l’audience, la requérante a cependant indiqué, en réponse à une question du Tribunal, qu’elle n’avait pas été informée de l’existence de ladite proposition et qu’elle n’avait, de ce fait, entrepris aucune démarche afin de se procurer le texte de cette proposition.

35      En second lieu, la requérante fait valoir que l’existence d’une situation particulière découle, en outre, du fait qu’elle a eu et qu’elle pouvait avoir une certaine confiance légitime concernant le maintien des taux de droits de douane prévus par les règlements n° 3281/94 et n° 2448/95, le premier ayant été adopté, comme indiqué plus haut, par le Conseil le 19 décembre 1994 et le second par la Commission le 10 octobre 1995. Elle aurait procédé au dernier moment à la mise en libre pratique des marchandises.

36      À cet égard, la requérante conteste l’argument de la Commission selon lequel les opérateurs économiques ne seraient pas fondés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante, qui peut être modifiée par des décisions prises par les institutions communautaires dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation. La marge d’appréciation dont dispose la Commission ne la dispenserait pas de respecter les obligations découlant de l’article 254 CE et des principes généraux du droit communautaire.

37      Or, en l’espèce, la requérante, lorsqu’elle a pris la décision d’importer les marchandises concernées avant le 31 décembre 1995, n’aurait pas été en mesure de tenir compte d’une nouvelle modification de la législation, car ni la proposition de la Commission de modification des taux applicables à partir du 1er janvier 1996 ni les règlements qui ont modifié ces taux à partir du 1er janvier 1996 n’avaient été notifiés aux opérateurs. De plus, elle n’aurait pu se fonder sur l’existence d’une telle proposition de modification, dans la mesure où cette proposition pouvait encore être modifiée, adaptée ou rejetée par le Conseil (arrêt de la Cour du 12 juillet 1989, Binder, 161/88, Rec. p. 2415, point 22).

38      La Commission soutient, pour sa part, que l’examen comparatif de la situation des différents opérateurs économiques représente une étape essentielle dans l’application du critère juridique relatif à l’existence d’une situation particulière. Néanmoins, elle admet que l’existence d’une situation exceptionnelle ne doit pas être examinée exclusivement par comparaison avec la situation d’autres opérateurs économiques.

39      En l’espèce, la Commission estime que la requérante, afin de démontrer qu’elle se trouvait dans une situation particulière, aurait dû établir une comparaison entre, d’une part, la situation d’autres opérateurs économiques ayant exercé la même activité qu’elle au cours de la période comprise entre le 21 et le 29 décembre 1995 et, d’autre part, sa situation propre pendant cette même période. Or, elle se limiterait à faire état de considérations concernant sa situation individuelle pendant la période susvisée et n’aurait pas mentionné la situation d’autres opérateurs économiques.

40      Par ailleurs, la Commission conteste l’allégation de la requérante, selon laquelle elle aurait intentionnellement antidaté au 30 décembre 1995 le Journal officiel L 319. Ce Journal officiel n’aurait été effectivement publié que le 8 janvier 1996 en raison des congés de fin d’année.

41      Elle ajoute que, en tout état de cause, la date du Journal officiel L 319 (30 décembre 1995) et la date d’entrée en vigueur du règlement n° 3009/95 se situent toutes deux après la période pendant laquelle la requérante a mis les marchandises concernées en libre pratique (à savoir du 21 au 29 décembre 1995).

42      La Commission estime que la requérante, qui était en mesure de savoir que des négociations au sein du GATT étaient en cours, pouvait, en consultant le Journal officiel C 341 du 19 décembre 1995, avoir connaissance de l’existence d’une proposition de règlement du Conseil fixant les taux de droits de douane à appliquer par la Communauté à la suite de ces négociations. Un changement de la réglementation en vigueur aurait alors été prévisible.

43      En outre, elle souligne que la requérante pouvait, à la lecture de l’annonce publiée dans le Journal officiel C 341 du 19 décembre 1995, relative à la proposition figurant dans le document COM (1995) 604, être informée que la Commission avait présenté la proposition de règlement du Conseil concernant les taux des droits de douane en vigueur dans la Communauté, à la suite des négociations menées au titre de l’article XXIV, paragraphe 6, du GATT, après l’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède. Il aurait été clair que cette proposition pouvait être de nature à affecter les intérêts économiques de la requérante.

44      Dès lors, la Commission estime que la requérante avait toutes les raisons, en sa qualité d’opérateur économique prudent et avisé, de solliciter tous les renseignements nécessaires sur le contenu de la proposition de règlement susvisée, avant de choisir une date pour mettre en libre pratique les marchandises concernées.

45      Selon la Commission, la requérante ne saurait se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime. Elle n’aurait, en effet, ni indiqué ni prouvé que la Commission lui avait permis de nourrir des espoirs fondés ou qu’elle lui avait donné certaines assurances concernant l’absence de modification des taux concernés en 1996. Lors de l’audience, la Commission a souligné, notamment, qu’elle n’avait jamais fourni d’informations erronées qui auraient pu donner lieu à un malentendu.

46      La Commission conteste que la requérante ait pu légitimement croire que, à la suite de l’adoption du règlement n° 2448/95 reprenant la version complète de la nomenclature combinée et des taux des droits de douanes – plus élevés que les taux en vigueur en 1995 – qui auraient dû entrer en vigueur le 1er janvier 1996, l’article 12 du règlement n° 2658/87 s’opposait à toute modification ultérieure de ces taux. À cet égard, la Commission disposerait d’un large pouvoir d’appréciation, notamment en raison des engagements internationaux souscrits par la Communauté dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (arrêt de la Cour du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C‑37/02 et C‑38/02, Rec. p. I‑6911, point 71).

47      En conséquence, la requérante n’aurait, pas plus que d’autres opérateurs économiques exerçant la même activité, pu légitimement s’attendre à ce que la Commission n’use pas de son large pouvoir d’appréciation relativement à une période déterminée.

48      Par ailleurs, la Commission conteste qu’elle ait été tenue de signaler à la requérante la modification résultant du règlement n° 3009/95. Elle ne serait tenue que de publier les règlements au Journal officiel.

49      La Commission conclut que le fait que les taux des droits en vigueur à partir du 1er janvier 1996 aient été plus bas et non pas plus élevés que ceux en vigueur du 21 au 29 décembre 1995, relevait d’un risque habituel pesant normalement sur tout opérateur économique.

 Appréciation du Tribunal

 Observations liminaires

50      Il est constant que la mise en libre pratique dans la Communauté des marchandises concernées a eu lieu entre le 21 et le 29 décembre 1995. Selon la réglementation en vigueur à cette époque, les marchandises en cause étaient assujetties à des taux préférentiels de 2,6 et 2,1 %. Les taux applicables aux importations effectuées durant cette période n’ont pas été contestés par la requérante.

51      Il y a lieu de relever que la demande de remboursement, au titre de la clause d’équité de l’article 239 du code des douanes et de l’article 905 de son règlement d’application, doit être examinée au regard des règles en vigueur à l’époque de la mise en libre pratique des marchandises concernées et des circonstances caractérisant alors la situation de la requérante. Dès lors, la circonstance que les taux applicables auraient été moins élevés si la requérante avait mis ses produits en libre pratique après le 1er janvier 1996 n’est pas en soi pertinente aux fins de l’application de l’article 239 du code des douanes.

52      En particulier, il est à noter que le remboursement demandé par la requérante, portant sur le montant des droits de douane correspondant à la différence entre les taux préférentiels en vigueur jusqu’au 31 décembre 1995 et les taux qui auraient été applicables si les marchandises avaient été mises en libre pratique après le 31 décembre 1995, équivaudrait à l’application du nouveau taux de droits de douane, moins élevé, à des opérations effectuées avant même la date d’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation. Or, en l’absence de circonstances particulières justifiant l’application de la clause d’équité, un tel remboursement aboutirait à traiter d’une manière différente des opérations de mise en libre pratique comparables du point de vue technique et temporel, ce qui serait incompatible avec le principe d’égalité de traitement (voir l’arrêt de la Cour du 12 novembre 1981, Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 14, et l’arrêt du Tribunal du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, Rec. p. II‑401, point 51).

53      Dans ce contexte, il convient de relever par ailleurs que, si les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, il n’en est pas de même des règles de fond. Au contraire, ces dernières sont habituellement interprétées comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, finalités ou économie qu’un tel effet doit leur être attribué (arrêts Salumi e.a., point 52 supra, point 9, et Eyckeler & Malt/Commission, point 52 supra, point 55). Or, il ne ressort ni du règlement n° 3009/95 ni du règlement n° 3093/95 qu’un effet rétroactif puisse leur être attribué.

54      C’est à la lumière de ces considérations liminaires qu’il convient d’examiner l’argumentation des parties relative aux conditions d’application de l’article 905 du règlement d’application et, en particulier, à l’existence d’une situation particulière.

 Sur l’existence d’une situation particulière

55      Il convient de rappeler que l’article 905 du règlement d’application, disposition qui précise et développe la règle contenue à l’article 239 du code des douanes, constitue une clause générale d’équité destinée, notamment, à couvrir des situations exceptionnelles, qui, en soi, ne relèvent pas de l’un des cas de figure prévus aux articles 900 à 904 du règlement d’application (arrêt de la Cour du 25 février 1999, Trans-Ex-Import, C‑86/97, Rec. p. I‑1041, point 18).

56      Il ressort du libellé dudit article 905 que le remboursement des droits à l’importation est subordonné à la réunion de deux conditions cumulatives, à savoir, premièrement, l’existence d’une situation particulière et, deuxièmement, l’absence de négligence manifeste et de manœuvre de la part de l’intéressé. En conséquence, il suffit que l’une des deux conditions fasse défaut pour que le remboursement des droits doive être refusé (arrêt de la Cour du 7 septembre 1999, De Haan, C‑61/98, Rec. p. I‑5003, point 42, et arrêt du Tribunal du 18 janvier 2000, Mehibas Dordtselaan/Commission, T‑290/97, Rec. p. II‑15, point 87).

57      L’existence d’une situation particulière est établie lorsqu’il ressort des circonstances de l’espèce que le redevable se trouve dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant une même activité (arrêts Trans-Ex-Import, point 55 supra, points 21 et 22, et De Haan, point 56 supra, points 52 et 53).

58      Il n’en résulte cependant pas qu’une situation exceptionnelle affectant l’ensemble des opérateurs d’un secteur déterminé ne puisse pas justifier une remise ou un remboursement de droits en application de l’article 905 du règlement d’application.

59      En effet, l’article 905 est destiné à être appliqué lorsque les circonstances qui caractérisent le rapport entre l’opérateur économique et l’administration sont telles qu’il ne serait pas équitable d’imposer à cet opérateur un préjudice que, normalement, il n’aurait pas subi (arrêts de la Cour du 26 mars 1987, Coopérative agricole d’approvisionnement des Avirons, 58/86, Rec. p. 1525, point 22, et du 29 avril 2004, British American Tobacco, C‑222/01, Rec. p. I‑4683, point 63).

60      Afin de déterminer si les circonstances de l’espèce sont constitutives d’une situation particulière, la Commission doit apprécier l’ensemble des données de fait pertinentes (arrêts du Tribunal du 9 novembre 1995, France-aviation/Commission, T‑346/94, Rec. p. II‑2841, point 34, et du 11 juillet 2002, Hyper/Commission, T‑205/99, Rec. p. II‑3141, point 93). Or, si la Commission jouit d’une marge d’appréciation en ce qui concerne l’application d’une clause d’équité, elle est tenue d’exercer ce pouvoir en mettant réellement en balance, d’une part, l’intérêt de la Communauté à s’assurer du respect des dispositions douanières et, d’autre part, l’intérêt de l’opérateur de bonne foi à ne pas supporter des préjudices dépassant le risque commercial ordinaire (arrêt Hyper/Commission, précité, point 95).

61      En outre, le remboursement ou la remise des droits à l’importation, qui ne peuvent être accordés que sous certaines conditions et dans des cas spécifiquement prévus, constituent une exception au régime normal des importations et des exportations. Il en résulte que les dispositions prévoyant un tel remboursement ou une telle remise sont d’interprétation stricte (arrêt de la Cour du 11 novembre 1999, Söhl & Söhlke, C‑48/98, Rec. p. I‑7877, point 52).

62      C’est au vu de ces principes qu’il y a lieu d’examiner si la Commission a commis une erreur d’appréciation en considérant, dans la décision attaquée, que les circonstances invoquées par la requérante n’étaient pas constitutives d’une situation particulière.

63      En l’occurrence, la requérante se fonde essentiellement sur l’arrêt Oryzomily Kavallas e.a./Commission, point 23 supra, dans lequel la Cour a considéré que l’ensemble des éléments de fait exceptionnels de l’espèce était constitutif de « circonstances particulières » au sens de l’article 905 du règlement d’application. Dans cette affaire, les sociétés requérantes ne pouvaient pas disposer, à la date à laquelle elles avaient présenté leur demande de certificats d’importation, du texte en langue grecque des règlements en vigueur, applicables en la matière. Les services du ministère compétent n’ayant pas reçu l’édition grecque concernée du Journal officiel des Communautés européennes, ils utilisaient d’autres versions linguistiques ou des traductions destinées à leur usage interne, réalisées par des fonctionnaires grecs.

64      En l’espèce, les faits ne sont cependant pas comparables à ceux en cause dans l’affaire ayant conduit à cet arrêt et ne permettent pas d’arriver à la même conclusion, étant donné que la requérante disposait, au moment de la mise en libre pratique des marchandises concernées, de la réglementation en vigueur, à l’instar des autres opérateurs économiques. S’il est vrai, comme l’allègue la requérante, que, même en l’absence d’entrée en vigueur du règlement n° 1335/2003 au moment des faits de l’espèce, la Commission ne pouvait se contenter de tenir compte des agissements des importateurs, mais devait également évaluer l’incidence de son propre comportement, le cas échéant fautif, sur la situation créée (arrêt Hyper/Commission, point 60 supra, point 95), il n’a pas été établi, ni même allégué, qu’en l’espèce un droit douanier a été imposé en application d’un texte législatif non disponible dans la langue de l’État membre où les opérations de mise en libre pratique ont eu lieu.

65      Dans ce contexte, en premier lieu, il convient d’examiner les circonstances spécifiques invoquées par la requérante pour démontrer l’existence d’une situation particulière résultant de la violation par la Commission de l’article 254 CE et du principe de sécurité juridique.

66      À cet égard, il y a lieu de souligner qu’il ressort de la jurisprudence que la législation communautaire doit être certaine et son application prévisible pour les justiciables. Le principe de sécurité juridique exige que tout acte des institutions qui produit des effets juridiques soit clair, précis et porté à la connaissance de l’intéressé de telle manière que celui-ci puisse connaître avec certitude le moment à partir duquel ledit acte existe et commence à produire ses effets juridiques. Cet impératif de sécurité juridique s’impose avec une rigueur particulière lorsqu’il s’agit d’un acte susceptible de comporter des conséquences financières, afin de permettre aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’il leur impose (arrêts de la Cour du 9 juillet 1981, Gondrand, 169/80, Rec. p. 1931, point 17 ; du 22 février 1984, Kloppenburg, 70/83, Rec. p. 1075, point 11, et du 15 décembre 1987, Irlande/Commission, 325/85, Rec. p. 5041, point 18 ; arrêts du Tribunal du 7 février 1991, Tagaras/Cour de justice, T‑18/89 et T‑24/89, Rec. p. II‑53, point 40, et du 22 janvier 1997, Opel Austria/Conseil, T‑115/94, Rec. p. II‑39, point 124).

67      En l’occurrence, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la circonstance que l’article 12 du règlement n° 2658/87 prévoit, en particulier, la publication, chaque année, au plus tard le 31 octobre, d’un règlement qui reprend la version complète de la nomenclature combinée et des taux des droits de douane et est applicable à partir du 1er janvier de l’année suivante, ne saurait limiter le pouvoir discrétionnaire des institutions communautaires en ce qui concerne la modification des taux applicables, laquelle peut être décidée au moment qu’elles estiment le plus approprié, eu égard en particulier aux engagements internationaux de la Communauté. Ces institutions étaient, dès lors, en droit de modifier les taux applicables à partir du 1er janvier 1996, qui avaient été fixés par le règlement n° 3281/94 et repris dans le règlement n° 2448/95, en avançant au 1er janvier 1996, à la suite des négociations au titre de l’article XXIV, paragraphe 6, du GATT, consécutives à l’adhésion à l’Union européenne de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède, l’abaissement des taux des droits pour les pays tiers initialement prévue pour 1997.

68      Par ailleurs, ni l’article 254 CE ni le principe de sécurité juridique n’imposaient à la Commission, en tout état de cause, de publier avant le 30 décembre 1995 le règlement n° 3009/95, fixant des taux inférieurs applicables à partir du 1er janvier 1996, lequel règlement figure dans le Journal officiel L 319 daté du 30 décembre 1995. Il en est de même du règlement n° 3093/95, figurant dans le Journal officiel L 334 également daté du 30 décembre 1995, qui avançait au 1er janvier 1996 l’abaissement des droits de douane initialement prévu dans le cadre du GATT pour 1997.

69      Or, en l’occurrence, les importations litigieuses ont été effectuées avant le 30 décembre 1995, à savoir entre le 21 et le 29 décembre 1995. À supposer même que la nouvelle réglementation ait été publiée tardivement, cette publication n’était donc pas susceptible de placer la requérante dans une situation particulière au sens de l’article 905 du règlement d’application. Il s’ensuit que les irrégularités alléguées par la requérante sont, en toute hypothèse, privées de pertinence, en l’espèce, dans la mesure où elles sont postérieures aux importations considérées et n’ont donc pu exercer aucune incidence sur la situation litigieuse.

70      En conséquence, l’argumentation de la requérante fondée sur la violation de l’article 254 CE, ainsi que du principe de sécurité juridique, doit être rejetée, sans qu’il soit besoin de statuer sur les griefs selon lesquels, d’une part, le Journal officiel L 319 publié effectivement le 8 janvier 1996 aurait été antidaté et, d’autre part, les taux considérés auraient été modifiés par le règlement n° 3093/95, qui, publié ultérieurement, n’aurait pas encore existé.

71      En second lieu, il convient d’examiner l’argument de la requérante selon lequel elle se serait trouvée dans une situation particulière, dans la mesure où elle pouvait se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime.

72      Selon une jurisprudence constante, la possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur économique dans le chef duquel une institution a fait naître des espérances fondées. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure communautaire de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d’un tel principe lorsque cette mesure est adoptée (arrêts de la Cour du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products/Commission, 265/85, Rec. p. 1155, point 44, et du 15 avril 1997, Irish Farmers Association e.a., C‑22/94, Rec. p. I‑1809, point 25). À cet égard, il y a lieu de souligner que nul ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration.

73      De plus, si le principe de protection de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de la Communauté, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante, qui peut être modifiée par des décisions prises par ces institutions dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation (arrêts de la Cour du 15 juillet 1982, Edeka, 245/81, Rec. p. 2745, point 27 ; du 28 octobre 1982, Faust/Commission, 52/81, Rec. p. 3745, point 27 ; du 7 mai 1987, Koyo Seiko/Conseil, 256/84, Rec. p. 1899, point 20, et Nippon Seiko/Conseil, 258/84, Rec. p. 1923, point 34).

74      En l’espèce, il convient de vérifier si, par son attitude, la Commission a conduit la requérante à escompter de manière fondée l’absence de modification des taux prévus par le règlement n° 2448/95 à partir du 1er janvier 1996 (voir, en ce sens, arrêts Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Foods Products/Commission, point 72 supra, point 44, et Irish Farmers Association e.a., point 72 supra, point 25).

75      À cet égard, force est de constater que la requérante n’allègue pas que la Commission lui avait fourni une quelconque assurance qu’elle n’allait plus modifier les taux prévus par le règlement n° 2448/95 à partir du 1er janvier 1996. Elle fait uniquement valoir, en substance, que la Commission a omis de l’avertir de la modification du règlement n° 2448/95 et qu’elle pouvait, dès lors, légitimement s’attendre au maintien des taux considérés fixés dans les règlements n° 3281/94 et n° 2448/95. Or, il convient de relever qu’aucune disposition du droit communautaire n’oblige la Commission à avertir au préalable les opérateurs économiques de la modification des taux des droits de douane. Le fait que la requérante n’en a pas été avertie ne lui permettait donc pas d’espérer légitimement qu’il n’y aurait plus de changements au cours de l’année considérée.

76      Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant, dans la décision attaquée, que les circonstances de l’espèce n’étaient pas de nature à créer une situation particulière.

77      En conséquence, l’une des conditions cumulatives prévues par l’article 905 du règlement d’application pour le remboursement des droits à l’importation faisant défaut, le moyen tiré de la violation de l’article 239 du code des douanes n’est pas fondé. Dans ces circonstances, il n’y a plus lieu d’examiner l’absence de négligence manifeste et de manœuvre de la part de l’intéressé.

78      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

79      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La partie requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission.

Pirrung

Meij

Pelikánová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 octobre 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Pirrung


* Langue de procédure : l’allemand.