Language of document : ECLI:EU:T:2008:470

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (Sixième chambre)

3 novembre 2008 (*)

« Recours en annulation – Plainte concernant la publicité trompeuse en Irlande – Défaut d’engagement d’une procédure en manquement – Classement de la plainte – Absence de constatation d’un cas de mauvaise administration de la Commission – Acte du Médiateur – Incompétence manifeste – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T-196/08,

Devrajan Srinivasan, demeurant à Dublin (Irlande), représenté par Me J .B. Morton, avocat,

partie requérante,

contre

Médiateur européen,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du Médiateur de classer la plainte du requérant visant à faire constater un cas de mauvaise administration de la Commission,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (Sixième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij (rapporteur), président, V. Vadapalas et L. Truchot, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Par lettre du 3 juin 2004, la partie requérante a déposé auprès de la Commission une plainte, enregistrée sous le numéro 2004/4490, visant à faire constater, d’une part, des agissements de la Permanent Trustee Savings Bank (« TSB ») commis en violation de la directive 84/450/CEE du Conseil, du 10 septembre 1984, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité trompeuse (JO L 250, p. 17) (« directive 84/450/CEE ») et, d’autre part, un manquement à l’obligation de surveillance, constitutif d’une violation des dispositions de cette même directive, de la part des autorités irlandaises.

2        Par décision du 12 octobre 2005, la Commission a procédé au classement de cette plainte, au motif que les informations qu’elle contenait ne permettaient d’établir aucune violation du droit communautaire par les autorités irlandaises. La proposition de classement de ladite plainte avait été communiquée à la requérante notamment par lettre du 28 juin 2005.

3        Par lettre du 12 juillet 2005, la partie requérante a saisi le Médiateur d’une plainte dénonçant un cas de mauvaise administration de la Commission et une violation de ses obligations prévues à l’article 226 CE lors du traitement de sa plainte.

4        Par lettre du 7 avril 2008, le Médiateur a informé la partie requérante que, sur la base de l’enquête qu’il avait effectuée à la suite de sa plainte, il n’avait pas constaté de mauvaise administration de la part de la Commission et a décidé, en conséquence, de clôre le dossier.

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 mai 2008, la partie requérante a introduit le présent recours.

 Conclusions de la partie requérante

6        La partie requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer que l’Irlande a agi en relation avec la TSB en violation de la directive 84/450/CEE au cours de la période 1958 - 1993;

–        déclarer que la décision de la Commission de classer la plainte n° 4490/2004 est illégale et viole l’article 226 CE ;

–        annuler la décision du Médiateur du 7 avril 2008 ;

–        ordonner au Médiateur qu’il recommande à la Commission ce qui suit :

–        poursuivre l’Irlande pour son implication dans la fraude dénoncée, en violation de la directive 84/450/CEE,

–        informer le Parlement que l’Irlande a collaboré avec la TSB dans ladite fraude ;

–        déclarer que le requérant a qualité pour représenter les victimes de ces agissements ;

–        statuer sur les dépens.

 En droit 

7        Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque ce dernier est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

8        En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur les conclusions en annulation

9        Il convient d’examiner, en premier lieu, la demande tendant à l’annulation de la décision du Médiateur de classer la plainte de la requérante dénonçant un prétendu cas de mauvaise administration de la part de la Commission.

10      À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 138 E du traité, de la décision 94/262, CECA, CE, Euratom, concernant le statut et les conditions générales d’exercice des fonctions du Médiateur, du 9 mars 1994 (JO L 113, p. 15), ainsi que des dispositions d’exécution de celle-ci, que le Médiateur se limite à informer dans les meilleurs délais le plaignant de la suite donnée à sa plainte. Lorsqu’il décèle un cas de mauvaise administration, il informe simplement le plaignant du résultat des enquêtes et de l’avis rendu par l’institution concernée ainsi que de ses éventuelles recommandations (voir l’article 138 E, paragraphe 1, second alinéa, du traité, ainsi que l’article 2, paragraphe 9, et l’article 3, paragraphe 7, de la décision 94/262).

11      En outre, selon la jurisprudence, le Médiateur n’a pas le pouvoir de prendre des mesures contraignantes (voir arrêt de la Cour du 25 octobre 2007, Komninou e.a./Commission, C‑167/06 P, Rec. 2007 p. I‑141, point 44). En particulier, il a été jugé que, lorsque le Médiateur constate un cas de mauvaise administration, le rapport qu’il transmet au Parlement se limite à constater ce cas de mauvaise administration dans l’action d’une institution et, le cas échéant, à formuler des recommandations. En conséquence, le rapport du Médiateur ne produit, par définition, aucun effet juridique à l’égard des tiers, au sens de l’article 230 CE, et ne lie pas non plus le Parlement qui est libre de décider, dans le cadre de l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par le traité, de la suite à y donner. Il en est de même, a fortiori, du rapport annuel que le Médiateur doit également présenter au Parlement à la fin de chaque session annuelle, portant sur l’ensemble des résultats de ses enquêtes (voir ordonnance Associazione delle cantine sociali venete/Médiateur et Parlement, T-103/99, Rec. p.II-4165, point 50).

12      Dans ce cadre juridique, une décision motivée du Médiateur clôturant l’examen au fond d’une plainte par le classement de cette dernière ne constitue pas un acte attaquable par la voie du recours en annulation, dans la mesure où une telle décision ne produit pas d’effets juridiques vis-à-vis des tiers, au sens de l’article 230 CE.

13      Par ailleurs, il y a lieu d’ajouter que le Médiateur n’est pas une institution communautaire au sens de l’article 7 CE, et ne figure pas parmi les institutions ou organes dont les actes sont visés à l’article 230, alinéa 1, CE. Selon la jurisprudence, il ne dispose dès lors pas de la légitimation passive (voir par analogie, en ce qui concerne un recours en carence fondé sur l’article 232 CE, l’ordonnance Associazione delle cantine sociali venete/Médiateur et Parlement, précitée, points 45 et 46).

14      Pour tous ces motifs, le recours doit être déclaré manifestement irrecevable, pour autant qu’il vise à l’annulation de la décision du Médiateur de classer la plainte de la partie requérante.

15      En second lieu, pour autant que la demande de la partie requérante visant à ce que le Tribunal déclare que la décision de la Commission sur la plainte 4490/2004 est illégale et viole l’article 226 CE puisse être comprise comme tendant à l’annulation de la décision de la Commission de ne pas donner suite à l’invitation de la partie requérante à ouvrir une procédure en constatation de manquement contre l’Irlande, il suffit de constater que, selon une jurisprudence constante, les particuliers ne sont pas recevables à attaquer un refus de la Commission d’engager une procédure en constatation de manquement à l’encontre d’un État membre (ordonnance de la Cour du 12 juin 1992, Asia Motor France/Commission, C-29/92, Rec. p. I-3935, point 21 ; ordonnance du Tribunal du 13 novembre 1995, Dumez/Commission, T‑126/95, Rec. p. II-2863, point 33, et arrêt du Tribunal du 22 mai 1996, AITEC/Commission, T-277/94, Rec. p. II-351, point 55).

16      En effet, dans le cadre de la procédure en manquement régie par l’article 226 CE, les seuls actes que la Commission peut être amenée à prendre sont adressés aux États membres (ordonnances du Tribunal du 29 novembre 1994, Bernardi/Commission, T-479/93 et T-559/93, Rec. p. II-1115, point 31, et du 19 février 1997, Intertronic/Commission, T-117/96, Rec. p. II-141, point 32). En outre, il résulte du système prévu par l’article 226 CE que ni l’avis motivé, qui ne constitue qu’une phase préalable au dépôt éventuel d’un recours en constatation de manquement devant la Cour, ni la saisine de la Cour par le dépôt effectif d’un tel recours ne sauraient constituer des actes concernant de manière directe les personnes physiques ou morales.

17      Il s’ensuit que la demande de la partie requérante comprise comme visant à l’annulation de la décision de la Commission relative à la plainte de la partie requérante et portant refus d’engager une procédure en constatation de manquement au titre de l’article 226 CE contre l’Irlande doit être rejetée comme manifestement irrecevable.

 Sur les conclusions visant à obtenir du Tribunal des déclarations de portée générale

18      Les compétences du Tribunal sont celles énumérées à l’article 225 CE et à l’article 140 A EA, tels que précisés par l’article 51 du statut de la Cour de justice.

19      En ce qui concerne les conclusions de la partie requérante visant à obtenir du Tribunal des déclarations de portée générale relatives, premièrement, au comportement des autorités irlandaises, deuxièmement, à la légalité de la décision de la Commission de classer la plainte de la partie requérante et, troisièmement, à la qualité de la partie requérante pour représenter les déposants qui auraient été victimes des fraudes alléguées de la banque TBS, il convient de rappeler que le contentieux communautaire ne connaît pas de voie de droit permettant au juge de prendre position, par le biais d’une déclaration générale, sur une question dont l’objet dépasse le cadre du litige (voir ordonnance du Tribunal du 7 juin 2004, Segi e.a./Conseil, T-338/02, Rec. p. II-1647, point 48).

20      Les conclusions susvisées doivent dès lors être rejetées pour cause d’incompétence manifeste.

 Sur les demandes d’injonction

21      Dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 230 CE, la juridiction communautaire n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’endroit des institutions et organes communautaires (voir ordonnance de la Cour du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, C-99/94 P et C-200/94 P, Rec. p. I-3709, point 24).

22      En conséquence, le recours doit être rejeté comme manifestement irrecevable en tant qu’il tend à ce que le Tribunal ordonne au Médiateur, d’une part, de recommander à la Commission d’engager une procédure en manquement contre l’Irlande et, d’autre part, d’informer le Parlement des violations alléguées du droit communautaire par l’Irlande.

23      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le présent recours dans son ensemble comme étant manifestement irrecevable, sans qu’il soit nécessaire de le signifier à la partie défenderesse.

 Sur les dépens

24      La présente ordonnance étant adoptée avant la signification de la requête à la partie défenderesse et avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (Sixième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La partie requérante supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 3 novembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. W. H. Meij


* Langue de procédure : l’anglais