Language of document : ECLI:EU:T:2022:738

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

30 novembre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale VSL3TOTAL – Marque de l’Union européenne verbale antérieure VSL#3 – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des signes – Similitude des produits – Article 8, paragraphe 1, sous b), et article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑678/21,

Mendes SA, établie à Lugano (Suisse), représentée par Me M. Cavattoni, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Frydendahl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Actial Farmaceutica Srl, établie à Rome (Italie), représentée par Mes M. Mostardini, F. Mellucci et F. Rombolà, avocats,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé, lors des délibérations, de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et M. I. Dimitrakopoulos (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Mendes SA, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 17 août 2021 (affaire R 1568/2020-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 20 juin 2017, l’intervenante, Actial Farmaceutica Srl, a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée par la requérante le 29 mars 2013 pour le signe verbal VSL3TOTAL.

3        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, après une renonciation partielle intervenue le 8 janvier 2019, à la description suivante : « Compositions à base de bactéries lactiques à utiliser comme médicaments et/ou compléments diététiques/alimentaires ».

4        La cause invoquée à l’appui de la demande en nullité était celle visée à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1) [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001]. La demande en nullité était fondée sur la marque de l’Union européenne verbale VSL#3, enregistrée le 5 juillet 2001 sous le numéro 1437789 pour les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés ; produits nutraceutiques ; intégrateurs alimentaires ».

5        Le 26 mai 2020, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité.

6        Le 28 juillet 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif qu’il existait un risque de confusion, y compris un risque d’association, entre les marques en conflit, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’intervenante aux dépens.

9        L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la détermination du règlement applicable ratione temporis

10      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 29 mars 2013, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

11      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par les parties dans leurs écritures à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), et l’article 53, paragraphe 1, sous a), d’une teneur identique du règlement no 207/2009.

 Sur le fond

12      La requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement. À l’appui de ce moyen, elle invoque quatre griefs, tirés, le premier, de l’appréciation erronée en ce qui concerne la détermination du public pertinent et le niveau d’attention dudit public, le deuxième, du faible caractère distinctif de la marque antérieure, le troisième, de l’absence d’identité entre les produits en cause et, le quatrième, de l’absence de risque de confusion.

13      Aux termes de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, la marque de l’Union européenne est déclarée nulle, sur demande du titulaire d’une marque antérieure, lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

14      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

15      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 209/2007, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

16      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union européenne, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

17      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le présent recours.

 Sur le public pertinent et son niveau d’attention

18      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a relevé, en substance, que le territoire pertinent aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b) du règlement no 207/2009 était l’Union et que le public pertinent se composait, d’une part, de consommateurs finals en général et, d’autre part, de professionnels des secteurs pharmaceutique et médical. Ensuite, elle a considéré que le public pertinent était doté d’un niveau d’attention susceptible d’être supérieur à la moyenne.

19      La requérante conteste, en substance, la détermination du public pertinent par la chambre de recours et notamment la prise en compte des critères visant le consommateur moyen aux fins de la comparaison des marques en conflit, alors que la chambre de recours aurait dû prendre en considération un public spécialisé ou averti. Elle considère également que le niveau d’attention du public pertinent ne doit pas être considéré comme supérieur à la moyenne, mais comme élevé pour les produits en cause.

20      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

21      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, doit être pris en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2008, Sanofi-Aventis/OHMI – GD Searle (ATURION), T‑146/06, non publié, EU:T:2008:33, point 21 et jurisprudence citée].

22      Par ailleurs, le public pertinent pour l’appréciation du risque de confusion est constitué des utilisateurs susceptibles d’utiliser tant les produits ou les services visés par la marque antérieure que ceux visés par la marque qui est contestée [arrêts du 24 mai 2011, ancotel/OHMI – Acotel (ancotel.), T‑408/09, non publié, EU:T:2011:241, point 38, et du 26 mars 2020, Alcar Aktiebolag/EUIPO – Alcar Holding (alcar.se), T‑77/19, non publié, EU:T:2020:126, point 28].

23      Dans l’hypothèse où les produits visés par les deux marques en conflit s’adressent à un public composé à la fois du grand public et des professionnels, la partie du public qui manifeste le niveau d’attention le moins élevé doit être prise en considération, étant donné qu’elle sera plus encline à la confusion [voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2014, Argo Group International Holdings/OHMI – Arisa Assurances (ARIS), T‑247/12, EU:T:2014:258, points 28 et 29 et jurisprudence citée].

24      À titre liminaire, il y a lieu d’observer que la requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en prenant en compte le « consommateur moyen » des produits en cause, alors que le public pertinent manifeste un niveau d’attention élevé. La requérante semble à cet égard confondre le terme « consommateur moyen » et le concept juridique du consommateur final doté d’un niveau d’attention moyen. Or, force est de constater que le terme « consommateur moyen » est un concept juridique qui s’utilise pour désigner le public pertinent et non pour désigner le consommateur final ou le grand public doté d’un niveau d’attention moyen.

25      En l’espèce, comme l’a à juste titre relevé la chambre de recours dans la décision attaquée, lorsque les produits en cause sont des produits pharmaceutiques ou des substances à usage médical, le public pertinent est constitué, d’une part, des professionnels de la médecine, tels que les médecins qui prescrivent les produits en cause ainsi que les pharmaciens qui les vendent, et, d’autre part, des consommateurs finals desdits produits (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2008, ATURION, T‑146/06, non publié, EU:T:2008:33, point 23 et jurisprudence citée).

26      Ensuite, la requérante avance que l’attention des consommateurs pour les produits en cause est « élevée » et que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant, au point 28 de la décision attaquée, que le niveau d’attention du public pertinent était susceptible d’être « supérieur à la moyenne ».

27      En l’espèce, étant donné qu’il s’agit de produits pouvant affecter la santé des consommateurs finals, leur niveau d’attention est susceptible d’être supérieur à la moyenne ou élevé, c’est-à-dire accru conformément à la jurisprudence constante, même en ce qui concerne les produits pharmaceutiques qui peuvent être achetés sans ordonnance [voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2018, Bayer/EUIPO – Uni-Pharma (SALOSPIR), T‑261/17, non publié, EU:T:2018:710, point 33 et jurisprudence citée]. En effet, il ressort clairement de la jurisprudence que tant le « niveau d’attention élevé » que le « niveau d’attention supérieur à la moyenne » indiquent un niveau d’attention accru de la part du public pertinent [arrêt du 2 mars 2022, UGA Nutraceuticals/EUIPO – Vitae Health Innovation (VITADHA), T‑149/21, non publié, EU:T:2022:103, point 27]. Par ailleurs, la requérante n’a pas exposé, de manière précise et étayée, que le grand public visé était en général un public spécialisé, ayant des connaissances particulières par rapport aux produits en cause. Partant, son grief doit être écarté comme non fondé.

 Sur la comparaison des produits

28      En l’espèce, la marque antérieure a été enregistrée pour des « produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés ; produits nutraceutiques ; intégrateurs alimentaires », relevant de la classe 5, alors que la marque contestée a été enregistrée notamment pour les produits « compositions à base de bactéries lactiques à utiliser comme médicaments et/ou compléments diététiques/alimentaires », relevant de la même classe.

29      La chambre de recours a conclu que les produits en conflit étaient identiques, dans la mesure où les « compositions à base de bactéries lactiques à utiliser comme médicaments » et les « compositions à base de bactéries lactiques à utiliser comme compléments diététiques/alimentaires » étaient respectivement incluses dans les catégories plus larges des « produits pharmaceutiques » et des « substances diététiques à usage médical » désignées par la marque antérieure.

30      La requérante fait valoir que, contrairement à la conclusion de la chambre de recours, les produits visés par les marques en conflit ne peuvent pas être considérés comme identiques, mais tout au plus comme similaires pour certains d’entre eux, dans la mesure où ils relèveraient d’une catégorie plus spécialisée.

31      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

32      En l’espèce, il y a lieu de confirmer la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les produits en cause sont identiques. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, des produits relevant de la même classe sont considérés comme identiques lorsque les produits visés par la marque antérieure incluent les produits visés par la marque contestée [voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2016, Industrias Tomás Morcillo/EUIPO – Aucar Trailer (Polycart A Whole Cart Full of Benefits), T‑613/14, non publié, EU:T:2016:198, point 22 et jurisprudence citée].

33      Ainsi, le fait que les produits de la marque contestée fassent, selon la requérante, partie d’une « catégorie plus spécialisée » n’est pas de nature à remettre en cause le constat de la chambre de recours selon lequel ces produits étaient inclus dans les catégories plus larges « produits pharmaceutiques » et « substances diététiques à usage médical » [voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2010, Procter & Gamble/OHMI – Prestige Cosmetics (P&G PRESTIGE BEAUTE), T‑366/07, non publié, EU:T:2010:394, points 53 et 54].

34      Partant, le grief de la requérante selon lequel la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en qualifiant les produits en cause d’identiques doit être écarté.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

35      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a estimé, en substance, que les éléments de preuve produits par la requérante étaient insuffisants pour prouver que le degré de caractère distinctif de la marque antérieure était « inférieur à la moyenne » pour le public pertinent.

36      Tout d’abord, la chambre de recours a noté que le Tribunal s’était déjà prononcé sur le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure, dans le cadre d’une autre affaire, en estimant que cette marque exerçait sa fonction d’indication d’origine tant à l’égard des consommateurs finals que des professionnels, c’est-à-dire des pharmaciens et des médecins, et en considérant que la requérante n’était pas parvenue à démontrer que les consommateurs finals et les professionnels des secteurs médical et pharmaceutique percevaient la marque antérieure comme une désignation usuelle des produits concernés compris dans la classe 5 [arrêt du 18 mai 2018, Mendes/EUIPO – Actial Farmaceutica (VSL#3), T‑419/17, EU:T:2018:282, points 45 à 48].

37      Ensuite, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve produits par la requérante ne démontraient pas que les consommateurs finals des produits en cause percevaient l’élément « VSL#3 » comme étant une référence à la désignation commune de leur principe actif. À cet égard, elle a noté que la documentation scientifique spécialisée présentée par la requérante ne ciblait pas les consommateurs finals.

38      Enfin, par souci d’exhaustivité, la chambre de recours est arrivée à la même conclusion concernant le public de professionnels, en s’appuyant sur les considérations du Tribunal dans l’arrêt du 18 mai 2018, VSL#3 (T‑419/17, EU:T:2018:282), après avoir constaté que le contenu des publications scientifiques produites devant elle était en substance analogue à celui des éléments de preuve produits dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à cet arrêt.

39      La requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en estimant que le caractère distinctif de la marque antérieure était normal. En effet, la requérante, s’appuyant sur une liste de publications scientifiques, soutient que la marque antérieure est perçue par la majorité du public pertinent comme un principe actif et non comme une marque, de sorte que son caractère distinctif est bien inférieur au caractère distinctif normal. La requérante invoque, à cet égard, l’existence d’affaires judiciaires dans certains pays en Europe et aux États-Unis qui, selon elle, confirme ses conclusions.

40      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

41      À cet égard, en premier lieu, force est de constater que, en l’espèce, la requérante ne contredit pas l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle, en ce qui concerne les consommateurs finals, la documentation scientifique présentée dans le cadre de la procédure administrative ne cible pas cette catégorie du public, mais se contente de faire à nouveau référence à un grand nombre de publications scientifiques sans démontrer en quoi celles-ci seraient pertinentes en ce qui concerne la perception des consommateurs finals.

42      En second lieu, en ce qui concerne le motif subsidiaire de la décision attaquée concernant la perception du public professionnel, la requérante s’appuie sur une liste de publications scientifiques, sans expliquer en quoi la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant que le raisonnement développé par le Tribunal aux points 46 à 48 de l’arrêt du 18 mai 2018, VSL#3 (T‑419/17, EU:T:2018:282), était transposable dans la présente affaire. En particulier, elle ne démontre pas en quoi cette documentation serait pertinente s’agissant des médecins généralistes et des pharmaciens. Il ressort également des annexes de la requête que l’élément « VSL#3 » est fréquemment présenté comme une marque commercialisée, enregistrée et correspondant à « un mélange probiotique » ou « une combinaison de divers probiotiques », et non comme un principe actif.

43      En outre, s’agissant des diverses procédures invoquées par la requérante et ayant eu lieu devant certaines juridictions des États membres et des États-Unis, il suffit de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêt du 28 avril 2021, France Agro/EUIPO – Chafay (Choumicha Saveurs), T‑311/20, non publié, EU:T:2021:219, point 40]. En conséquence, le caractère distinctif d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation pertinente. L’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés, même s’ils peuvent les prendre en considération, par des décisions intervenues à l’échelle des États membres, voire d’un pays tiers, et aucune disposition du règlement no 207/2009 n’oblige l’EUIPO ou, sur recours, le Tribunal à parvenir à des résultats identiques à ceux atteints par les administrations ou les juridictions nationales dans une situation similaire.

44      Par conséquent, le grief selon lequel la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en estimant que les éléments de preuve produits par la requérante étaient insuffisants pour établir que le caractère distinctif de la marque antérieure était inférieur à la moyenne doit être écarté comme non fondé.

 Sur la comparaison des signes

45      Afin d’apprécier le degré de similitude existant entre les marques en conflit, il y a lieu de déterminer leur degré de similitude visuelle, phonétique ainsi que conceptuelle et, le cas échéant, d’évaluer l’importance qu’il convient d’attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou de services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, point 85 et jurisprudence citée).

46      Ainsi, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs de ces aspects pertinents [voir arrêt du 30 janvier 2018, Arctic Cat/EUIPO – Slazengers (Représentation d’un félin bondissant vers la droite), T‑113/16, non publié, EU:T:2018:43, point 30  et jurisprudence citée].

47      Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

48      Aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée, et donc à distinguer ces produits de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits pour lesquels la marque a été enregistrée [voir arrêt du 10 mars 2021, Kerry Luxembourg/EUIPO – Ornua (KERRYMAID), T‑693/19, non publié, EU:T:2021:124, point 53 et jurisprudence citée].

–       Sur l’analyse des éléments dominants et distinctifs des marques en conflit

49      La chambre de recours a tout d’abord considéré que la suite de lettres majuscules « VSL » ainsi que le chiffre « 3 » possédaient un caractère distinctif normal. Ensuite, elle a observé que les éléments de différenciation des deux marques, à savoir le symbole « # » et le mot écrit en lettres majuscules « TOTAL », étaient dépourvus de caractère distinctif. S’agissant du symbole « # », la chambre de recours a constaté qu’il était perçu par la majorité des consommateurs de l’Union comme signifiant le mot « numéro », étant placé devant un chiffre. La chambre de recours a également considéré que le Tribunal avait déjà eu l’occasion de préciser que le symbole « # » n’était pas distinctif et n’était pas susceptible de rendre distinctive une marque en se référant à l’arrêt du 5 septembre 2019, C&A/EUIPO (#BESTDEAL) (T‑753/18, non publié, EU:T:2019:560, point 31). S’agissant du mot écrit en lettres majuscules « TOTAL », celui-ci serait associé au concept de « complet [et] absolu » par la grande majorité du public cible dans l’Union et, en tant que tel, il serait perçu comme véhiculant un simple message laudatif en ce qui concerne les produits pertinents, en particulier dans la mesure où il s’agit de compléments alimentaires consistant en une formule complète ou qui peuvent apporter un bénéfice complet ou total à la santé des consommateurs.

50      Il y a lieu d’approuver cette analyse de la chambre de recours qui n’est pas entachée d’une erreur d’appréciation. En effet, s’agissant de la suite de lettres majuscules « VSL » et du chiffre « 3 », la requérante n’apporte aucun élément nouveau qui permettrait de remettre en cause les conclusions du Tribunal dans l’arrêt du 18 mai 2018, VSL#3 (T‑419/17, EU:T:2018:282), et de la chambre de recours dans la décision attaquée, selon lesquelles ces éléments possèdent un caractère distinctif normal. Par ailleurs, l’argument de la requérante selon lequel le symbole « # » est l’élément distinctif et dominant de la marque antérieure, dans la mesure où il s’agissait d’un symbole peu courant pour les marques au moment du dépôt de celle-ci, n’est nullement étayé et, en tout état de cause, n’est pas susceptible d'infirmer le raisonnement de la chambre de recours. En effet, il convient d’observer qu’il ressort de la jurisprudence que le symbole « # » peut être assimilé au point d’exclamation ou au symbole « @ » et il n’est pas susceptible de rendre distinctive une marque (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2019, #BESTDEAL, T‑753/18, non publié, EU:T:2019:560, points 31 à 33). Par conséquent, l’argument doit être rejeté comme étant non fondé.

–       Sur la similitude visuelle

51      La chambre de recours a estimé que les signes en conflit présentaient un degré de similitude visuelle supérieur à la moyenne pour le public pertinent, dans la mesure où ils coïncidaient par les éléments distinctifs « VSL » et « 3 », placés au début. La chambre de recours a également estimé que la présence de deux éléments de différenciation, à savoir le symbole « # » et le mot écrit en lettres majuscules « TOTAL » ne suffisait pas à neutraliser cette similitude, étant donné que ces éléments étaient dépourvus de caractère distinctif et que le public pertinent identifierait plutôt les signes par leurs éléments distinctifs.

52      La requérante estime que, si les deux marques en conflit coïncident par la suite de lettres majuscules « VSL », la marque antérieure se distingue néanmoins grâce à l’élément distinctif et dominant que constitue le symbole « # », qui la rend plus distinctive sur le plan visuel et « plus dominante » que la marque contestée. Par ailleurs, la requérante souligne que la marque contestée comporte un nombre de lettres bien supérieur à la marque antérieure du fait de l’apposition du mot écrit en lettres majuscules « TOTAL » qui est absent dans la marque antérieure. Enfin, elle soutient que la suite de lettres majuscules « VSL » et le chiffre « 3 » feraient référence aux trois espèces de lactobacilles présentes dans la composition.

53      Or, ces arguments ne sont pas susceptibles de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours sur la similitude visuelle des marques en conflit, qui doit être confirmée. En effet, comme cela est indiqué au point 50 ci-dessus, le symbole « # » est dépourvu de caractère distinctif et n’est pas de nature à dominer l’image que le public garde de la marque antérieure. En outre, en ce qui concerne la longueur de la marque contestée, la chambre de recours a à juste titre souligné que celle-ci était principalement due à la présence du mot écrit en lettres majuscules « TOTAL », dépourvu de caractère distinctif, et que, par conséquent, la différence de longueur entre les signes ne devait pas être surestimée.

54      Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que les signes en conflit possédaient un degré de similitude visuelle supérieur à la moyenne.

–       Sur la similitude phonétique

55      La chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient un degré de similitude supérieur à la moyenne sur le plan phonétique. À cet égard, elle a estimé que la prononciation des marques en conflit coïncidait en ce qui concernait les éléments distinctifs, à savoir « VSL » et « 3 ». En ce qui concerne l’élément « #3 », selon la chambre de recours, il sera probablement simplement lu comme le chiffre « 3 » par le public pertinent. En ce qui concerne la prononciation du mot « total », elle a estimé qu’il ne fallait pas accorder trop d’importance à celui-ci, dans la mesure où il s’agissait d’un élément dépourvu de caractère distinctif.

56      La requérante conteste cette analyse et soutient que les signes en conflit sont suffisamment différents dans leur composition et leur prononciation, en ce que la marque antérieure devrait être lue par les consommateurs anglophones de l’Union comme « vslnumberthree », et la marque contestée comme « vslthreetotal ».

57      L’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit présentent un degré de similitude supérieur à la moyenne sur le plan phonétique doit être approuvée. La requérante n’apporte pas d’éléments venant remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la prononciation des signes en conflit coïncide dans leurs éléments distinctifs, à savoir « VSL » et « 3 ». En effet, le symbole « # » constitue un élément non distinctif, qui peut être assimilé au point d’exclamation et ne sera probablement pas prononcé par le public pertinent. Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel la marque antérieure serait prononcée « vslnumberthree » et non « vsl three » doit être écarté. De même, le mot « total », qui se situe à la fin de la marque contestée, est dépourvu de caractère distinctif, de sorte que, comme la chambre de recours l’a observé au point 50 de la décision attaquée, il n’est pas en principe de nature à engendrer une différence marquante à la prononciation.

58      Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que les marques en conflit possédaient un degré de similitude supérieur à la moyenne sur le plan phonétique.

–       Sur la similitude conceptuelle

59      La chambre de recours a estimé que les signes en conflit présentaient un faible degré de similitude conceptuelle, dans la mesure où ils contenaient tous deux une référence au chiffre « 3 ». Le concept supplémentaire véhiculé par le mot « total », qui est dépourvu de caractère distinctif, ne constituerait pas une différence pertinente sur le plan conceptuel.

60      La requérante estime que les signes en conflit sont conceptuellement différents, notamment en raison du mot « total », présent dans le signe contesté, qui a la signification de « complet [et] entier ».

61      L’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit présentent un faible degré de similitude conceptuelle doit être approuvée. L’argumentation de la requérante concernant la signification du mot « total » n’est pas de nature à remettre en cause l’appréciation susmentionnée de la chambre de recours. En effet, comme cela est indiqué au point 49 ci-dessus, le mot « total » est un élément dépourvu de caractère distinctif et n’a pas, dès lors, la capacité de créer une différence pertinente sur le plan conceptuel.

62      Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que les marques en conflit possédaient un faible degré de similitude sur le plan conceptuel, eu égard à l’élément « 3 » commun.

63      Eu égard aux considérations précédentes, le grief de la requérante tiré de ce que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant que les signes en conflit présentaient un degré de similitude visuelle et phonétique supérieur à la moyenne et un faible degré de similitude conceptuelle doit être rejeté comme non fondé.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

64      La chambre de recours a confirmé l’existence d’un risque de confusion, y compris un risque d’association, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Elle a conclu, en substance, qu’il était concevable que le public pertinent, même s’il était très attentif, perçoive la marque contestée comme une variante de la marque antérieure, indiquant la même origine commerciale. À cet égard, la chambre de recours a considéré que les produits désignés par les marques en conflit étaient identiques et que les signes présentaient un degré de similitude supérieur à la moyenne sur les plans visuel et phonétique ainsi qu’un faible degré de similitude sur le plan conceptuel.

65      La requérante conteste tout risque de confusion. À cet égard, d’une part, elle reprend, en substance, ses arguments tirés de ce que le niveau d’attention élevé du consommateur, s’agissant des produits en cause, l’amène à percevoir davantage les différences entre les signes et, d’autre part, elle soutient que le caractère distinctif de la marque antérieure est bien inférieur à la normale.

66      Eu égard à l’ensemble des éléments pertinents pris en compte par la chambre de recours dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion entre les marques en conflit et, en particulier, l’identité des produits en cause (voir point 32 ci-dessus), le niveau d’attention élevé ou supérieur à la moyenne du public concerné (voir points 24 à 27 ci-dessus), le degré de similitude supérieur à la moyenne des signes en conflit sur les plans visuel et phonétique, la faible similitude conceptuelle (voir points 54, 58 et 62 ci-dessus) et le caractère distinctif intrinsèque moyen de la marque antérieure (voir point 36 ci-dessus), la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en concluant à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent.

67      L’argumentation de la requérante ne saurait ainsi être accueillie. Cette argumentation repose sur la prémisse d’erreurs d’appréciation relatives au niveau d’attention du public pertinent et au caractère distinctif de la marque antérieure. Toutefois, le Tribunal a constaté dans les développements qui précédaient que de telles erreurs n’étaient pas établies, si bien que l’analyse du risque de confusion ne saurait davantage en être entachée. Par ailleurs, la reconnaissance du caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’est pas susceptible d’empêcher, en elle-même, de constater l’existence d’un risque de confusion [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, EU:T:2007:387, point 70 et jurisprudence citée].

68      Il y a lieu, par conséquent, d’écarter le moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, et, partant, de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

69      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

70      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mendes SA est condamnée aux dépens.

Costeira

Kancheva

Dimitrakopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 novembre 2022.

Signatures



*      Langue de procédure : l’anglais.