Language of document : ECLI:EU:T:2021:652

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

6 octobre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale JUVEDERM – Usage sérieux de la marque – Usage pour les produits pour lesquels la marque est enregistrée – Usage avec le consentement du titulaire – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑372/20,

Dermavita Company S.a.r.l., établie à Beyrouth (Liban), représentée par Me D. Todorov, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme K. Zajfert, MM. J. Crespo Carrillo et V. J. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Allergan Holdings France SAS, établie à Courbevoie (France), représentée par M. J. Day, solicitor, et Me T. de Haan, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 14 avril 2020 (affaire R 877/2019‑4), relative à une procédure de déchéance entre Dermavita Company et Allergan Holdings France,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, V. Kreuschitz et Z. Csehi (rapporteur), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 15 juin 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 3 septembre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 2 septembre 2020,

vu les questions écrites du Tribunal aux parties et leurs réponses à ces questions déposées au greffe du Tribunal les 30 mars, 2 et 5 avril 2021,

à la suite de l’audience du 1er juin 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 18 avril 2001, Allergan Inc., le prédécesseur en droit de l’intervenante, Allergan Holdings France SAS, a déposé une demande de marque de l’Union européenne auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal JUVEDERM.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 10 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Appareils et instruments médicaux et chirurgicaux, implants dermiques, substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride, peau artificielle à usage chirurgical, prothèses ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 102/2001, du 26 novembre 2001, et, le 25 juin 2002, le signe en cause a été enregistré en tant que marque de l’Union européenne sous le numéro 2196822.

5        Le 25 octobre 2016, Dermavita Co. Ltd. Parseghian & Partners, le prédécesseur en droit de la requérante, Dermavita Company S.a.r.l., a déposé une demande en déchéance de la marque contestée, au motif que celle-ci n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période continue de cinq ans, conformément à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001].

6        Les 18 avril, 15 juin et 24 octobre 2017 et le 30 mai 2018, la titulaire de la marque contestée a présenté des éléments de preuve de l’usage de cette marque.

7        Le 4 avril 2019, la division d’annulation a accueilli la demande en déchéance dans son intégralité et a déclaré la déchéance de la marque contestée, au motif que les produits pour lesquels l’usage sérieux de cette marque avait été prouvé relevaient de la classe 5 et qu’aucun élément de preuve ne démontrait son usage pour les produits pour lesquels elle avait été enregistrée, relevant de la classe 10.

8        Le 18 avril 2019, l’intervenante a formé un recours, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 14 avril 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours en ce qui concerne les « appareils et instruments médicaux et chirurgicaux », « implants dermiques », « peau artificielle à usage chirurgical » et « prothèses », mais l’a accueilli en ce qui concerne les « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride ». La demande en déchéance a donc été rejetée en ce qui concerne ces derniers produits.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée, en ce que la demande en déchéance a été rejetée pour les « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride » ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés par la requérante devant les instances de l’EUIPO.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      L’intervenante conclut en substance, ainsi qu’elle l’a confirmé lors de l’audience, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par l’intervenante devant la chambre de recours.

 En droit

13      À titre liminaire, il convient de relever que, compte tenu de la date d’introduction de la demande en déchéance en cause, en l’occurrence le 25 octobre 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 et du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement délégué (UE) 2017/1430 de la Commission, du 18 mai 2017, complétant le règlement no 207/2009 et abrogeant les règlements no 2868/95 et (CE) no 216/96 (JO 2017, L 205, p. 1), lui-même remplacé par le règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)] (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C‑223/18 P, non publié, EU:C:2019:471, point 2, et du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 3). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

14      La requérante invoque un moyen unique, tiré, en substance, d’une violation de l’article 15 du règlement no 207/2009 [devenu article 18 du règlement 2017/1001], qui s’articule en deux branches. Dans le cadre de la première branche, elle soutient que la marque contestée n’a pas été utilisée pour les « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride » pour lesquelles ladite marque avait été enregistrée en tant que produits relevant de la classe 10. La seconde branche est tirée de l’absence de preuve démontrant que la marque contestée a été utilisée par des tiers avec le consentement de la titulaire de celle-ci.

 Sur la première branche du moyen unique, tirée de ce que la chambre de recours aurait conclu à tort que la marque contestée a été utilisée pour les « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride » pour lesquelles ladite marque avait été enregistrée en tant que produits relevant de la classe 10

15      La requérante avance que la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la marque contestée a été utilisée pour les « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride » n’est pas motivée à suffisance de droit. En outre, elle fait valoir qu’une telle conclusion est erronée.

 Sur le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation

16      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation, découlant aussi de l’article 296 TFUE, a fait l’objet d’une jurisprudence constante selon laquelle la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de manière à permettre, d’une part, aux intéressés un exercice effectif de leur droit à demander un contrôle juridictionnel de la décision attaquée et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2017, Cipriani/EUIPO – Hotel Cipriani (CIPRIANI), T‑343/14, EU:T:2017:458, point 34 et jurisprudence citée]. La question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Sony Interactive Entertainment Europe/EUIPO – Vieta Audio (Vita), T‑690/18, EU:T:2019:894, point 47 et jurisprudence citée].

17      En outre, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés des parties devant elles. Il suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. Par ailleurs, la motivation peut être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [voir arrêt du 12 mars 2020, Maternus/EUIPO – adp Gauselmann (Jokers WILD Casino), T‑321/19, non publié, EU:T:2020:101, points 16 et 17 et jurisprudence citée].

18      En l’espèce, il ressort du point 34 de la décision attaquée que les éléments de preuve produits par l’intervenante démontraient que la marque contestée a été utilisée comme une marque ombrelle pour des produits de comblement à base de gel injectables contenant de l’acide hyaluronique, utilisés pour lisser les rides du visage et ajouter du volume à certaines parties du visage dont la peau s’affaisse (ci-après les « produits de comblement dermique injectables »).

19      La chambre de recours a relevé, au point 62 de la décision attaquée, que les « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride », pour lesquelles la marque contestée avait été enregistrée, décrivaient correctement les produits de comblement dermique injectables pour lesquels ladite marque avait été utilisée.

20      Bien que le point 62 de la décision attaquée ne comporte pas d’autre précision à cet égard, il découle d’autres points de cette décision que les produits de comblement dermique injectables en cause sont des produits pharmaceutiques injectables consistant en un gel d’acide hyaluronique destiné au comblement des rides qui est présenté dans une seringue préremplie (voir point 45 de la décision attaquée). Ensuite, les explications figurant aux points 43 et 60 de la décision attaquée permettent de comprendre qu’il s’agit, selon la chambre de recours, de seringues préremplies à usage médical. En outre, il ressort de la décision attaquée que les produits pour lesquels la marque contestée a été utilisée ne sont pas composés de matériaux artificiels ou synthétiques, mais sont des produits de comblement dermique injectables pour tissus mous, contenant de l’acide hyaluronique qui est produit naturellement (voir point 48 de la décision attaquée). Au point 49 de la décision attaquée, référence est faite, sur la base des éléments de preuve produits par l’intervenante, à la « biocompatibilité », à une « bonne intégration dans les tissus » et à une « substance biodégradable naturellement présente dans l’organisme ». Par ailleurs, il ressort du point 35 de la décision attaquée que l’usage de la marque contestée pour les produits de comblement dermique injectables n’a pas fait l’objet du litige entre les parties devant l’EUIPO.

21      Ces précisions, prises dans leur globalité, permettent de comprendre les raisons pour lesquelles la chambre de recours a estimé que les produits de comblement dermique injectables pour lesquels ladite marque a été utilisée sont des « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride ».

22      En outre, la chambre de recours a considéré, au point 62 de la décision attaquée, que l’enregistrement de la marque contestée pour des « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride » présentées comme relevant de la classe 10, au lieu de la classe 5, n’était pas une raison pour accueillir la demande en déchéance pour ces produits, au motif que la classification des produits et des services servait exclusivement à des fins administratives.

23      Dans ces conditions, la requérante était en mesure de comprendre les motifs soutenant le rejet par la chambre de recours de la demande en déchéance pour autant qu’elle concernait les « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride » ainsi que de contester leur bien-fondé devant le Tribunal. Il s’ensuit que le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours

24      La requérante soutient, en substance, que la marque contestée n’a pas été utilisée pour les « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride » et que ladite marque n’a pas été utilisée pour des produits relevant de la classe 10.

25      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

26      Il résulte du considérant 10 du règlement no 207/2009 (devenu considérant 24 du règlement 2017/1001) que le législateur a considéré que la protection d’une marque enregistrée n’était justifiée que dans la mesure où cette marque est effectivement utilisée. En conformité avec ce considérant, l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 dispose que le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, notamment sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour son non-usage.

27      Selon l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 207/2009, « [s]i, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque de l’Union européenne n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque de l’Union européenne est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage ».

28      La règle 22, paragraphe 3, du règlement no 2868/95, applicable mutatis mutandis dans les procédures de déchéance conformément à la règle 40, paragraphe 5, dudit règlement (ces dispositions étant devenues, respectivement, l’article 10, paragraphe 3, et l’article 19, paragraphe 1, du règlement délégué 2017/1430, eux-mêmes devenus, respectivement, l’article 10, paragraphe 3, et l’article 19, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625), dispose que les indications et les preuves à produire afin de prouver l’usage de la marque comprennent des indications sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée. En outre, selon la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95, dans le cadre d’une telle procédure, l’EUIPO demande au titulaire de la marque de l’Union la preuve de l’usage de la marque au cours d’une période qu’il précise et, si la preuve n’est pas apportée dans le délai imparti, la déchéance de ladite marque est prononcée.

29      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 4 avril 2019, Hesse et Wedl & Hofmann/EUIPO (TESTA ROSSA), T‑910/16 et T‑911/16, EU:T:2019:221, point 29 et jurisprudence citée].

30      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante tirés de la nature de l’usage de la marque contestée et visant à remettre en cause les constatations de la chambre de recours relatives à la démonstration par l’intervenante d’un usage de ladite marque en rapport avec les « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride » pour lesquelles elle a été enregistrée en tant que produits relevant de la classe 10.

31      Dans un premier temps, il convient d’examiner si les produits de comblement dermique injectables pour lesquels la marque contestée a fait l’objet d’un usage relèvent des « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride » pour lesquelles elle avait été enregistrée. Ensuite, dans un second temps, il y a lieu de se prononcer sur la désignation de telles substances en tant que produits relevant de la classe 10.

–       Sur l’usage de la marque contestée pour les « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride »

32      Selon la requérante, tout d’abord, le produit final de l’intervenante, un produit de comblement dermique, n’est pas une substance, mais un injecteur prérempli. Ensuite, la marque contestée n’aurait été utilisée pour aucune substance à usage médical. Enfin, l’intervenante n’aurait pas apporté de preuve concernant le caractère biocompatible d’une substance et l’expression « substance biocompatible » n’indiquerait pas clairement la nature des produits concernés.

33      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante ne conteste pas que la marque contestée a été utilisée pour des produits de comblement dermique injectables, ce qui, par ailleurs, ressort du point 35 de la décision attaquée. Elle ne conteste pas non plus que ces produits visent à la réduction des rides.

34      S’agissant, en premier lieu, des arguments de la requérante visant à établir que les produits pour lesquels la marque contestée a été utilisée ne sont pas des « substances », il convient de rappeler, ainsi que l’avance l’EUIPO, que les produits de comblement dermique injectables en cause relèvent de la catégorie des produits pharmaceutiques administrés par injection pour hydratation de la peau et réduction des rides et que de tels produits ont des effets pharmacologiques sur la peau [voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, Dermavita/EUIPO – Allergan Holdings France (JUVÉDERM), T‑104/19, non publié, EU:T:2020:283, points 29 et 30]. En outre, comme le soutient l’EUIPO, le fait que de tels produits sont vendus dans un contenant, en l’espèce dans des seringues préremplies, ne permet pas de considérer, compte tenu de la nature de ces produits, qu’il ne s’agit pas de « substances ». En effet, la finalité de l’achat des seringues préremplies est l’usage du produit contenu dans ces seringues (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, JUVÉDERM, T‑104/19, non publié, EU:T:2020:283, point 29), qui est, en l’occurrence, un gel injectable contenant de l’acide hyaluronique.

35      S’agissant, en deuxième lieu, des arguments visant à établir que la marque contestée est utilisée pour des produits qui ne relèvent pas de la définition d’une substance à usage médical, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la décision attaquée que les produits de comblement dermique injectables en cause sont des produits pharmaceutiques injectables consistant en un gel d’acide hyaluronique destiné au comblement des rides (voir point 45 de la décision attaquée) ainsi que des seringues préremplies à usage médical (voir points 43 et 60 de la décision attaquée).

36      Les arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause ces constats, dont il ressort que la marque contestée a été utilisée pour des substances à usage médical.

37      Premièrement, la requérante fait valoir que les produits en question ne sont pas des médicaments au sens de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), et du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1). Selon elle, il s’agit plutôt des produits règlementés par la directive 93/42/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, relative aux dispositifs médicaux (JO 1993, L 169, p. 1), et définis comme étant des produits sans usage médical dans le règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2017, relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83, le règlement (CE) no 178/2002 et le règlement (CE) no 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE (JO 2017, L 117, p. 1).

38      À cet égard, il convient de relever que la classification d’un produit en application d’autres règles du droit de l’Union n’est en principe pas déterminante pour sa classification aux fins de l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne. En effet, d’une part, il ressort, en substance, de l’article 28, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 33, paragraphe 1, du règlement 2017/1001) que, aux fins de l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, les produits et les services sont classés selon la classification de Nice. D’autre part, si les actes législatifs de l’Union cités par la requérante revêtent une importance primordiale pour le secteur, étant donné qu’ils préservent le processus de fabrication, d’étiquetage et de distribution des médicaments, ils n’ont toutefois pas nécessairement une influence sur la manière dont les produits et les services sont classés dans la classification de Nice. À cet égard, il importe de ne pas confondre la fonction essentielle de la marque avec les autres fonctions que la marque peut aussi le cas échéant remplir, telles que celle consistant à garantir la qualité du produit en cause [arrêts du 25 juin 2020, JUVÉDERM, T‑104/19, non publié, EU:T:2020:283, points 26 à 28, et du 18 novembre 2020, Dermavita/EUIPO – Allergan Holdings France (JUVEDERM ULTRA), T‑643/19, non publié, EU:T:2020:549, points 26 à 28].

39      Deuxièmement, dans la mesure où la requérante avance que les produits de comblement dermique injectables en cause n’ont qu’un usage esthétique et sont présentés dans la publicité comme des produits destinés à des fins cosmétiques et esthétiques, il convient de rappeler qu’il s’agit des produits contenant de l’acide hyaluronique qui ont des effets pharmacologiques sur la peau (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, JUVÉDERM, T‑104/19, non publié, EU:T:2020:283, point 30). En outre, il y a lieu de relever que l’acide hyaluronique possède plusieurs applications médicales et est notamment utilisé en tant que produit de comblement dermique, administré par injection par des médecins et des centres médicaux (voir, en ce sens, arrêts du 25 juin 2020, JUVÉDERM, T‑104/19, non publié, EU:T:2020:283, point 29, et du 18 novembre 2020, JUVEDERM ULTRA, T‑643/19, non publié, EU:T:2020:549, point 32). Enfin, les produits en question relèvent des produits pharmaceutiques de la classe 5 (voir, en ce sens, arrêts du 25 juin 2020, JUVÉDERM, T‑104/19, non publié, EU:T:2020:283, points 29 et 30, et du 18 novembre 2020, JUVEDERM ULTRA, T‑643/19, non publié, EU:T:2020:549, point 32). Par ailleurs, dans ses observations produites devant la chambre de recours, la requérante a expressément approuvé l’appréciation de la division d’annulation selon lesquelles la finalité de l’achat des produits en cause réside dans l’utilisation d’un produit pharmaceutique contenu dans une seringue.

40      Troisièmement, la requérante fait valoir, en renvoyant à des courriels produits en tant qu’annexe 9 à la requête, que les produits de comblement dermique injectables en cause ne sont pas considérés par les médecins comme étant des médicaments, et donc des produits à usage médical. Toutefois, la classification d’un produit en application d’autres règles du droit de l’Union n’est en principe pas déterminante pour sa classification aux fins de l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne (voir point 38 ci-dessus). Partant, le fait que plusieurs médecins ou d’autres personnes indiquent que les produits en question ne sont pas de médicaments aux fins de leur classification règlementaire ou fiscale ne saurait en soi remettre en cause les appréciations de la chambre de recours.

41      S’agissant, en troisième lieu, des arguments tirés du caractère biocompatible des produits pour lesquels la marque contestée a été utilisée, il convient de rappeler qu’il ressort de la décision attaquée que les produits de comblement dermique injectables en cause ne sont pas composés de matériaux artificiels ou synthétiques, mais sont des produits injectables pour tissus mous contenant de l’acide hyaluronique qui est produit naturellement (voir point 48 de la décision attaquée). En outre, ainsi qu’il a été déjà mentionné, au point 49 de la décision attaquée, concernant le gel d’acide hyaluronique contenu dans les produits de comblement dermique injectables, la chambre de recours a fait état, sur la base des éléments de preuve produits par l’intervenante, d’une biocompatibilité semblable à celle de l’acide hyaluronique présent dans le derme humain. Au même point, la chambre de recours se référait au matériel publicitaire produit par l’intervenante, dans lequel il était fait référence à une « bonne intégration dans les tissus » et à une « substance biodégradable naturellement présente dans l’organisme ».

42      Selon la requérante, l’intervenante n’a pas établi en quoi consiste le caractère biocompatible d’une substance, l’expression « substance biocompatible » n’indiquant pas clairement la nature des produits concernés. Partant, l’intervenante n’aurait pas prouvé l’usage sérieux de la marque contestée en rapport avec de telles substances.

43      Ces arguments ne sauraient prospérer.

44      D’une part, la notion « substance biocompatible » est suffisamment claire et vise une substance qui est compatible avec un organisme vivant, ainsi que le soutient, en substance, l’EUIPO. Cela ressort, à tout le moins implicitement, des points 48 et 49 de la décision attaquée, où sont décrites les caractéristiques de l’acide hyaluronique contenu dans les produits de comblement dermique injectables en cause. D’autre part, la requérante ne saurait utilement soutenir qu’un tel caractère de ces produits n’a pas été prouvé. En effet la chambre de recours a mentionné explicitement, au point 49 de la décision attaquée, des éléments de preuve produits par l’intervenante qui font allusion au caractère biocompatible de l’acide hyaluronique contenu dans les produits de comblement dermique injectables, éléments qui, par ailleurs, n’ont pas été remis en cause par la requérante de manière précise.

45      Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de rejeter les arguments de la requérante visant à établir que la marque contestée n’a pas été utilisée pour des « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride ».

–       Sur la désignation des « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride » en tant que produits relevant de la classe 10

46      La requérante avance que les produits pour lesquels l’usage de la marque contestée a été démontré ne font pas partie des produits relevant de la classe 10 pour lesquels cette marque avait été enregistrée. Elle précise que l’EUIPO a commis une erreur dans l’application des critères de classement des produits selon la classification de Nice. Elle fait valoir que la liste alphabétique de cette classification contient des produits de comblement dermique tels que ceux pour lesquels la marque contestée a été utilisée et que ces produits sont classés dans la classe 5, alors que cette marque aurait été enregistrée pour des produits différents en tant que produits relevant de la classe 10.

47      À titre liminaire, il convient de rappeler (voir points 19 et 22 ci-dessus) que la chambre de recours a considéré, au point 62 de la décision attaquée, d’une part, que les « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride », pour lesquelles la marque contestée avait été enregistrée, décrivent correctement les produits de comblement dermique injectables pour lesquels ladite marque avait été utilisée et, d’autre part, que l’enregistrement de la marque contestée pour de telles substances en tant que produits relevant de la classe 10, au lieu de la classe 5, n’était pas une raison pour accueillir la demande en déchéance pour ces produits, au motif que la classification des produits et des services servait exclusivement à des fins administratives.

48      Il ressort, en outre, des points 40 à 45 de la décision attaquée que les produits pour lesquels la marque contestée a été utilisée correspondent à des produits figurant dans la liste alphabétique de la classification de Nice portant sur la classe 5, à savoir des « produits de comblement dermique injectables » (numéro de base 050489) et des « seringues préremplies à usage médical » (numéro de base 050462), ce qui exclut, selon la chambre de recours, qu’ils puissent être classés dans une autre classe, et que, par ailleurs, il s’agit des produits ayant une fonction et une destination claires et uniques.

49      Il s’ensuit que la chambre de recours a estimé que la marque contestée a été utilisée pour des « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride », que ces substances relevaient de la classe 5 et que l’enregistrement de ladite marque pour de telles substances en tant que produits relevant de la classe 10 était erroné, sans pour autant que cette erreur soit suffisante pour déclarer la déchéance de cette marque pour ces produits.

50      À cet égard, il convient de relever qu’il ressort de l’intitulé de la classe 10 de la classification de Nice, dans sa septième édition, de 1997, en vigueur à la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée, que cette classe regroupe les « appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires, membres, yeux et dents artificiels ; articles orthopédiques ; matériel de suture ». Selon la note explicative de ladite édition, la classe 10 comprend essentiellement les appareils, instruments et articles médicaux. En revanche, la classe 5 est intitulée, dans la même édition de la classification de Nice, « produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants ; produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides, herbicides ». Selon la note explicative de ladite édition, la classe 5 comprend essentiellement les produits pharmaceutiques et les autres produits à usage médical.

51      Il est constant entre la requérante et l’EUIPO que les produits de comblement dermique injectables pour lesquels la marque contestée a été utilisée relèvent de la classe 5. En outre, il a déjà été jugé que la seule fonction des produits de comblement dermique injectables en question est celle de combler les rides de la peau par du gel d’acide hyaluronique et que cette fonction est propre des produits pharmaceutiques au sens large, qui relèvent de la classe 5, et non des appareils médicaux au sens large, qui relèvent de la classe 10 [voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2020, Allergan Holdings France/EUIPO – Dermavita (JUVEDERM ULTRA), T‑664/19, non publié, EU:T:2020:547, point 19].

52      Néanmoins, des divergences persistent entre la requérante et l’EUIPO en ce qui concerne, d’une part, la question de savoir si les produits de comblement dermique pour lesquels la marque contestée a été utilisée peuvent être qualifiés des « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride » ainsi que, d’autre part, les conséquences de l’enregistrement de la marque contestée pour de tels produits en tant que produits relevant de la classe 10.

53      S’agissant de la première question, il suffit de renvoyer à l’analyse figurant aux points 32 à 45 ci-dessus, à l’issue de laquelle il a été conclu que la requérante n’a pas réussi à remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque contestée avait été utilisée pour des « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride ».

54      S’agissant de la seconde question, il convient de relever que, selon la règle 2, paragraphe 2, du règlement no 2868/95 (reprise, en substance, à l’article 33, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), la liste des produits et des services doit être établie de manière à faire apparaître clairement leur nature et à ne permettre la classification de chaque produit et de chaque service que dans une seule classe de la classification de Nice. Selon la règle 2, paragraphe 4, du règlement °2868/95 (devenue article 33, paragraphe 7, du règlement 2017/1001), la classification des produits et des services est effectuée à des fins exclusivement administratives, de sorte que des produits ou des services ne peuvent être considérés comme semblables au motif qu’ils figurent dans la même classe de la classification de Nice et ne peuvent être considérés comme étant différents au motif qu’ils figurent dans des classes différentes de cette classification. Celle-ci ne vise en effet qu’à faciliter la rédaction et le traitement des demandes de marque, en proposant certaines classes et catégories de produits et de services. Au demeurant, la classification de Nice ne saurait déterminer en soi la nature et les caractéristiques des produits en cause [voir arrêt du 28 mai 2020, Korporaciya « Masternet »/EUIPO – Stayer Ibérica (STAYER), T‑681/18, non publié, EU:T:2020:222, point 40 et jurisprudence citée].

55      Dans ces conditions, compte tenu notamment des fins poursuivies par la classification de Nice, la seule circonstance que la marque contestée a été enregistrée pour des « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride » désignées de manière erronée en tant que produits relevant de la classe 10, au lieu de la classe 5, ne saurait avoir pour conséquence la déchéance de ladite marque pour de tels produits dès lors que cette marque a été effectivement utilisée pour ces produits, ce qui est le cas en l’espèce.

56      En outre, il ressort de la jurisprudence qu’il incombe à celui qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne d’indiquer, dans sa demande, la liste des produits pour lesquels l’enregistrement est demandé et de fournir, pour chacun desdits produits, une description faisant apparaître clairement sa nature. Si les dispositions de l’article 26, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94 [devenu article 26, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lui-même devenu article 31, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001] et celles de la règle 2, paragraphe 2, du règlement n° 2868/95, applicables au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, exigent que les produits pour lesquels la protection par la marque de l’Union européenne est demandée soient identifiés par le demandeur avec suffisamment de clarté et de précision, c’est afin de permettre à l’EUIPO et aux opérateurs économiques, sur cette seule base, de déterminer l’étendue de la protection demandée [voir arrêt du 28 avril 2016, Zehnder Group International/EUIPO – Stiebel Eltron (comfotherm), T‑267/14, non publié, EU:T:2016:252, point 34 et jurisprudence citée].

57      En l’espèce, rien ne permet de conclure que les termes « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride », décrivant les produits pour lesquels la marque contestée a été utilisée, n’étaient pas suffisamment clairs.

58      Pour autant que la requérante avance que des produits de comblement dermique injectables sont expressément visés dans la liste alphabétique de la classification de Nice relative à la classe 5 sous le numéro de base 050489, il y a lieu de constater que la liste alphabétique relative à la classe 5 figurant dans la septième édition de la classification de Nice, qui était en vigueur à la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée, ne comporte pas de tels produits, ainsi que cela a été confirmé par l’EUIPO et l’intervenante en réponse à une question écrite du Tribunal. Partant, le choix d’un autre libellé pour la dénomination des produits en cause au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée ne saurait être reproché à l’intervenante.

59      Par ailleurs, dans la mesure où la requérante se réfère à plusieurs décisions des chambres de recours et de la division d’opposition, il convient de relever que la requérante ne présente pas d’arguments concrets, tirés de ces décisions, permettant de comprendre en quoi, sur la base de celles-ci, les appréciations figurant dans la décision attaquée ou les principes appliqués par la chambre de recours dans cette dernière seraient erronés.

60      En tout état de cause, si, au regard des principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’EUIPO doit prendre en considération les décisions déjà adoptées et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que les marques ne soient enregistrées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 à 77).

61      Or, force est de constater que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque contestée a été effectuée en prenant en compte les circonstances de l’espèce. En outre, il ne ressort pas de l’analyse qui précède que l’approche de la chambre de recours en l’occurrence serait contraire au droit applicable. Partant, la requérante ne saurait utilement invoquer les décisions des chambres de recours et de la division d’opposition auxquelles elle se réfère.

62      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que la marque contestée a été utilisée pour des « substances biocompatibles à usage médical destinées au comblement de la ride » et que l’enregistrement de ladite marque pour ces substances de manière erronée en tant que produits relevant de la classe 10, au lieu de la classe 5, n’était pas une raison pour accueillir la demande en déchéance pour ces produits. Il s’ensuit que la première branche du moyen unique de la requérante doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la seconde branche du moyen unique, tirée de l’absence de preuve démontrant que la marque contestée a été utilisée par des tiers avecle consentement de la titulaire de celle-ci

63      La requérante avance que la chambre de recours n’a pas tenu compte de son argument relatif à l’absence de preuve de l’usage de la marque contestée par des tiers avec le consentement de la titulaire de cette marque. En outre, il n’y aurait pas suffisamment d’éléments de preuve, explicite ou implicite, à cet égard.

64      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

65      Aux termes de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 18, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), l’usage de la marque de l’Union européenne avec le consentement du titulaire est considéré comme fait par le titulaire.

66      En outre, si l’usage de la marque contestée avait été fait sans le consentement de la titulaire de celle-ci, et dès lors en violation du droit des marques, les entités ayant fait un tel usage auraient eu un intérêt à ne pas révéler les preuves de celui-ci à ladite titulaire [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 25]. Il est également peu probable que la titulaire de la marque contestée ait pu disposer de ces documents et les soumettre comme preuves de l’usage de cette marque si cet usage avait été fait contre son gré [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 22 mars 2017, Windrush Aka/EUIPO – Dammers (The Specials), T‑336/15, EU:T:2017:197, point 56].

67      En l’espèce, il convient de relever que la question du consentement de l’intervenante n’a pas été abordée dans la décision attaquée. Néanmoins, un tel argument n’a pas été soulevé par la requérante lors de la procédure devant la chambre de recours, ce qu’elle a confirmé lors de l’audience. Partant, et compte tenu également du fait que la marque contestée a été utilisée par des sociétés appartenant au même groupe que l’intervenante, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, il ne saurait être reproché à la chambre de recours de n’avoir pas examiné cette question dans la décision attaquée, étant précisé que, selon une jurisprudence constante, l’usage d’une marque par une société économiquement liée au titulaire de cette marque est présumé être un usage de ladite marque fait avec le consentement de son titulaire et doit donc être considéré comme fait par ledit titulaire, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2015, Now Wireless/OHMI – Starbucks (HK) (now), T‑278/13, non publié, EU:T:2015:57, point 38 et jurisprudence citée].

68      Dans la mesure où la requérante vise à remettre en cause la valeur probante des deux déclarations de témoins produites par l’intervenante, il suffit de constater que la requérante ne présente pas d’argument, ou à tout le moins d’indice, qui feraient douter de l’authenticité des informations qui y sont contenues.

69      Dans ces conditions, la seconde branche du moyen unique doit également être rejetée comme non fondée et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

71      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente procédure, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

72      En ce qui concerne les conclusions de l’intervenante ayant trait aux dépens devant la chambre de recours, il suffit de relever que ceux-ci restent régis par la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêts du 10 novembre 2016, Polo Club/EUIPO – Lifestyle Equities (POLO CLUB SAINT-TROPEZ HARAS DE GASSIN), T‑67/15, non publié, EU:T:2016:657, point 120, et du 21 avril 2021, Chanel/EUIPO – Huawei Technologies (Représentation d’un cercle contenant deux courbes entrelacées), T‑44/20, non publié, EU:T:2021:207, point 57], dans laquelle la chambre de recours a condamné chaque partie à supporter ses propres frais.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Dermavita Company S.a.r.l. est condamnée aux dépens afférents à la présente procédure.

Collins

Kreuschitz

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.