Language of document : ECLI:EU:T:2023:532

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

13 septembre 2023 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises en raison de la situation en Biélorussie – Gel des fonds – Restriction en matière d’admission sur le territoire des États membres – Inscription et maintien du nom du requérant sur les listes des personnes, des entités et des organismes concernés – Erreur d’appréciation »

Dans les affaires T‑523/21 et T‑216/22,

Alexander Evgenevich Shatrov, demeurant à Minsk (Biélorussie), représenté par Mes G. Lansky et A. Egger, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes T. Haas, J. Haunold et S. Van Overmeire, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, J. Laitenberger et Mme M. Stancu (rapporteure), juges,

greffier : Mme S. Jund, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 17 janvier 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par ses recours, fondés sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Alexander Evgenevich Shatrov, demande l’annulation :

–        de la décision d’exécution (PESC) 2021/1002 du Conseil, du 21 juin 2021, mettant en œuvre la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Biélorussie (JO 2021, L 219 I, p. 70), et du règlement d’exécution (UE) 2021/997 du Conseil, du 21 juin 2021, mettant en œuvre l’article 8 bis, paragraphe 1, du règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2021, L 219 I, p. 3) (ci-après, pris ensemble, les « actes initiaux »), et

–        de la décision (PESC) 2022/307 du Conseil, du 24 février 2022, modifiant la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Biélorussie (JO 2022, L 46, p. 97), et du règlement d’exécution (UE) 2022/300 du Conseil, du 24 février 2022, mettant en œuvre l’article 8 bis du règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Biélorussie (JO 2022, L 46, p. 3) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien »),

en tant que ces actes (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») le concernent.

 Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction des recours

2        Le requérant est un homme d’affaires actif en Biélorussie.

3        Les présentes affaires s’inscrivent dans le cadre des mesures restrictives adoptées par l’Union européenne depuis 2004, en raison de la situation en Biélorussie en ce qui concerne la démocratie, l’État de droit et les droits de l’homme. Ainsi qu’il ressort des considérants des actes initiaux, elles sont plus spécifiquement liées, premièrement, aux élections présidentielles du 9 août 2020 qui ont été jugées incompatibles avec les normes internationales et ternies par l’oppression visant les candidats indépendants et la répression exercée de manière brutale contre des manifestants pacifiques à la suite de ce scrutin ; deuxièmement, à l’escalade des violations graves des droits de l’homme en Biélorussie et à la violente répression qui s’abat sur la société civile, l’opposition démocratique et les journalistes ainsi que sur les personnes appartenant à des minorités nationales ; troisièmement, à l’atterrissage forcé du vol Ryanair à Minsk (Biélorussie), le 23 mai 2021, au préjudice de la sécurité aérienne, ainsi qu’à la détention par les autorités biélorusses de M. Raman Pratassevitch et de Mme Sofia Sapega.

4        Le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 18 mai 2006, sur le fondement des articles [75 et 215 TFUE], le règlement (CE) no 765/2006, concernant des mesures restrictives à l’encontre du président Lukashenko et de certains fonctionnaires de Biélorussie (JO 2006, L 134, p. 1) et, le 15 octobre 2012, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2012/642/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2012, L 285, p. 1).

5        Les critères sur le fondement desquels ont été adoptées les mesures restrictives individuelles à l’égard du requérant sont prévus, d’une part, à l’article 3, paragraphe 1, sous a), et à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la décision 2012/642 ainsi qu’à l’article 2, paragraphe 4, du règlement no 765/2006 et, d’autre part, à l’article 3, paragraphe 1, sous b), et à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642, ainsi qu’à l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 765/2006, dans leurs versions en vigueur au moment de l’adoption des actes attaqués.

6        L’article 3, paragraphe 1, sous a), de la décision 2012/642 prévoit l’interdiction d’entrée et de passage en transit sur le territoire de l’Union européenne pour les personnes qui sont responsables de violations graves des droits de l’homme ou de la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique, ou dont les activités nuisent gravement, d’une autre manière, à la démocratie ou à l’État de droit en Biélorussie, et de toute personne qui leur est associée. En outre, selon l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la décision 2012/642 et l’article 2, paragraphe 4, du règlement no 765/2006, la dernière disposition renvoyant à la première, sont gelés tous les fonds et les ressources économiques possédés, détenus ou contrôlés par des personnes, des entités ou des organismes responsables de violations graves des droits de l’homme ou de la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique, ou dont les activités nuisent gravement, d’une autre manière, à la démocratie ou à l’État de droit en Biélorussie, ainsi qu’à toute personne, toute entité ou tout organisme associé à ces personnes, entités ou organismes.

7        L’article 3, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 prévoit l’interdiction d’entrée et de passage en transit sur le territoire de l’Union européenne pour les personnes qui profitent du régime du président Lukashenko ou le soutiennent. En outre, l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 et l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 765/2006, la dernière disposition renvoyant à la première, énoncent que sont gelés tous les fonds et les ressources économiques possédés, détenus ou contrôlés par, notamment, des personnes, des entités ou des organismes qui profitent du régime du président Lukashenko ou le soutiennent.

8        Par les actes initiaux, le nom du requérant a été inscrit sur les listes des personnes, des entités et des organismes visés par les mesures restrictives qui figurent à l’annexe de la décision 2012/642 et à l’annexe I du règlement no 765/2006 (ci-après, prises ensemble, les « listes en cause »).

9        Dans ces actes, le Conseil a justifié l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause par les motifs suivants :

« En tant que PDG et propriétaire de [Synesis TAA], [Alexander Shatrov] est responsable de la décision de cette entreprise de fournir aux autorités biélorusses une plateforme de surveillance, [KIPOD], qui permet d’analyser les enregistrements vidéo et d’y effectuer des recherches et qui recourt à des logiciels de reconnaissance faciale. Il participe donc à la répression de la société civile et de l’opposition démocratique menée par l’appareil d’État.

[Synesis TAA] et sa succursale Panoptes tirent profit de leur participation au système républicain de surveillance de la sécurité publique. D’autres entreprises détenues ou codétenues par [M. Shatrov], telles que BelBet et Synesis Sport, bénéficient également de contrats publics.

Il a publiquement fait des déclarations dans lesquelles il critiquait les personnes protestant contre le régime [du président Lukashenko] et relativisait l’absence de démocratie en Biélorussie. Il tire donc profit du régime [du président Lukashenko] et le soutient. »

10      Par courriel du 12 juillet 2021, le requérant a demandé à avoir accès aux informations et aux preuves étayant l’inscription de son nom sur les listes en cause.

11      Par lettre du 16 juillet 2021, le Conseil a communiqué au requérant les documents WK 749/2021 INIT, WK 749/2021 ADD 1, WK 6186/2021 INIT et WK 8225/2021 EXT 1.

12      Par lettre du 17 janvier 2022, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son égard et lui a transmis les éléments de preuve étayant ces motifs, rassemblés dans les documents WK 15385/2021 REV 1, WK 15436/2021 EXT 3 et WK 15436/2021 ADD 1.

13      Par lettre du 1er février 2022, le requérant a fait part de ses observations sur l’intention du Conseil de maintenir les mesures restrictives à son égard et sur les documents que le Conseil lui avait communiqués à cette fin.

14      Par les actes de maintien, l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause a été prorogée jusqu’au 28 février 2023, sur la base des motifs suivants :

« En tant qu’ancien chef et ancien actionnaire majoritaire de [Synesis TAA], [Alexander Shatrov] a été responsable de la décision de cette entreprise de fournir aux autorités biélorusses une plateforme de surveillance, [KIPOD], qui permet d’analyser les enregistrements vidéo et d’y effectuer des recherches et qui recourt à des logiciels de reconnaissance faciale. Il participe donc à la répression de la société civile et de l’opposition démocratique menée par l’appareil d’État. 

[Synesis TAA] et sa succursale Panoptes tirent profit de leur participation au système républicain de surveillance de la sécurité publique. D’autres entreprises qui ont été détenues ou codétenues par [M. Shatrov], telles que BelBet et Synesis Sport, bénéficient également de contrats publics.

Il a publiquement fait des déclarations dans lesquelles il critiquait les personnes protestant contre le régime [du président Lukashenko] et relativisait l’absence de démocratie en Biélorussie. Il tire donc profit du régime [du président Lukashenko] et le soutient.

Il reste actionnaire de [Synesis TAA]. »

15      Par lettre du 25 février 2022, le Conseil a répondu aux observations du requérant mentionnées au point 13 ci-dessus. Par la même lettre, le Conseil lui a fait part de sa décision de maintenir son nom sur les listes en cause.

 Conclusions des parties

16      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués en ce qu’ils le concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

17      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner le requérant aux dépens ;

–        dans l’affaire T‑523/21, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les actes initiaux en ce qu’ils visent le requérant, ordonner le maintien des effets de la décision d’exécution 2021/1002 en ce qui le concerne jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2021/997 prenne effet ;

–        dans l’affaire T‑216/22, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les actes de maintien en ce qu’ils visent le requérant, ordonner le maintien des effets de la décision 2022/307 en ce qui le concerne jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2022/300 prenne effet.

 En droit

18      Les parties ayant été entendues à cet égard, le Tribunal décide de joindre les présentes affaires aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 68 de son règlement de procédure.

19      Au soutien de ses recours, le requérant invoque un moyen unique, tiré d’erreurs d’appréciation.

20      Dans le cadre du moyen unique qu’il invoque, le requérant soutient, en substance, que les motifs d’inscription et de maintien mentionnés dans les actes attaqués, en ce qu’ils le concernent, sont entachés d’erreurs d’appréciation et ne peuvent donc justifier l’inscription et le maintien de son nom sur les listes en cause.

21      En ce qui concerne le premier motif d’inscription et de maintien, en premier lieu, le requérant fait valoir que le Conseil ne peut pas s’appuyer sur les agissements de Synesis afin d’inscrire et de maintenir son nom sur les listes en cause, au seul motif qu’il y occupe, ou y a occupé, une certaine position. En effet, le Conseil aurait dû produire des éléments de preuve démontrant son implication dans les agissements de Synesis qui lui sont reprochés, ce que le Conseil n’aurait toutefois pas fait en l’espèce.

22      En deuxième lieu, le requérant soutient que le Conseil aurait dû produire des preuves se rapportant à sa qualité de président-directeur général (PDG) de Synesis au moment de l’adoption des actes attaqués, ce qu’il n’aurait pas pu faire étant donné qu’il n’avait pas cette qualité au sein de ladite entreprise.

23      En troisième lieu, le requérant avance qu’il ne saurait être tenu responsable de la répression de la société civile et de l’opposition démocratique par l’appareil d’État en Biélorussie, dès lors qu’il n’existe pas de lien de causalité suffisant entre ses activités et ladite répression.

24      Ainsi, premièrement, le requérant avance que la plateforme de surveillance KIPOD ne peut pas être utilisée et qu’elle n’a pas été utilisée à des fins de répression. En effet, d’une part, elle ne permettrait pas le téléchargement de l’ensemble d’une base de données des passeports pour ensuite rechercher chaque personne qui y est incluse ou, inversement, faire correspondre des images des individus identifiés dans une foule avec celles de l’ensemble d’une telle base de données. D’autre part, KIPOD serait essentiellement utilisée dans le métro ainsi qu’à la gare centrale de Minsk (Biélorussie), à des fins de surveillance de la sécurité dans ces espaces publics, toute utilisation de KIPOD à d’autres fins que celles mentionnées étant contraire à la loi.

25      Deuxièmement, le requérant allègue que Synesis n’exploite pas KIPOD et que, donc, à supposer que KIPOD puisse être utilisée et qu’elle ait été utilisée à des fins de répression par ses utilisateurs, ni Synesis ni encore moins lui-même ne peuvent être tenus responsables des agissements desdits utilisateurs.

26      Troisièmement, le requérant soutient que, en tout état de cause, KIPOD a été mise à la disposition des autorités publiques biélorusses non par Synesis, mais par une entité juridiquement autonome, à savoir OOO 24x7 Panoptes (ci-après « Panoptes »).

27      En ce qui concerne le deuxième motif d’inscription et de maintien, le requérant allègue que c’est à tort que le Conseil l’aurait considéré comme une personne physique qui tire profit du régime du président Lukashenko.

28      Ainsi, premièrement, le requérant avance que le Conseil n’a produit aucun élément de preuve montrant que, à la date de l’adoption des actes attaqués, Synesis ou Panoptes profitaient de leur participation au système républicain de surveillance. Ainsi, en premier lieu, Panoptes aurait pris des engagements contractuels envers les autorités biélorusses, après avoir remporté une procédure d’attribution de marché public dans le cadre d’un appel d’offres. Or, le Conseil ne pourrait pas considérer qu’une personne morale profite du régime du président Lukashenko lorsque le contrat en cause résulte d’une procédure d’attribution de marché public et que le marché a été attribué en fonction de performances établies dans le cadre de la procédure d’attribution et à l’issue d’une procédure impartiale. En deuxième lieu, Panoptes ne profiterait pas du régime du président Lukashenko ni ne le soutiendrait, dès lors qu’elle ne recevrait que les rémunérations directement versées par les entreprises qui relient leurs caméras au système républicain de surveillance. En troisième lieu, le Conseil ne pourrait pas déduire des activités de recherche et de développement de Synesis que cette dernière et encore moins le requérant soutiendraient le régime du président Lukashenko. Enfin, le requérant affirme que le soutien audit régime devrait être fourni directement par la personne ou l’entité dont le nom est inscrit sur les listes en cause et non par d’autres entités dont ladite personne ou entité serait propriétaire ou qu’elle contrôlerait.

29      Deuxièmement, s’agissant de la référence à BelBet et à Synesis Sport, le requérant fait valoir, en ce qui concerne les actes initiaux, que le Conseil n’a pas apporté la preuve qu’il était propriétaire ou copropriétaire de ces entreprises. Quant aux actes de maintien, il indique que, même s’il a cette qualité à l’égard de BelBet et de Synesis Sport, le Conseil n’a pas fait la preuve que, d’une part, ces entreprises auraient bénéficié de contrats avec le gouvernement et, d’autre part, il aurait été impliqué dans les agissements de ces entreprises.

30      En ce qui concerne le troisième motif d’inscription et de maintien, le requérant fait valoir qu’il est infondé, étant donné qu’il n’aurait pas critiqué les manifestations de protestation organisées en réaction aux élections présidentielles du 9 août 2020. En effet, ce motif reposerait sur un message qu’il a posté sur Facebook le 25 mars 2017, c’est-à-dire bien avant lesdites manifestations de protestation. En outre, par ce message, le requérant aurait simplement fait usage de sa liberté d’expression en affirmant que la loi devait être respectée.

31      En ce qui concerne le quatrième motif, lequel a été ajouté dans les actes de maintien, le requérant ne conteste pas le fait qu’il était encore actionnaire de Synesis au moment de l’adoption desdits actes, mais fait valoir que ce motif d’inscription n’a aucun rapport avec les critères indiqués aux points 6 et 7 ci-dessus.

32      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

33      Il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige notamment que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne déterminée sur les listes en cause, le juge de l’Union s’assure que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne ou cette entité, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

34      Il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée).

35      C’est, en effet, à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

36      Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne concernée à leur sujet (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

37      Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 12 février 2020, Kanyama/Conseil, T‑167/18, non publié, EU:T:2020:49, point 93 et jurisprudence citée).

38      En outre, le juge de l’Union peut également se fonder, tant à charge qu’à décharge, sur un élément produit par le requérant au cours de la procédure judiciaire. En effet, le fait qu’un élément ait été communiqué en tant qu’élément à décharge par la personne visée par les mesures restrictives n’empêche pas que cet élément lui soit éventuellement opposé pour constater le bien-fondé des motifs sous-tendant les mesures restrictives prises à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑166/18, non publié, EU:T:2020:50, point 124 et jurisprudence citée). Il en va de même des éléments communiqués par cette même personne à l’occasion d’une demande de réexamen des mesures restrictives la concernant.

39      Enfin, quant à la fiabilité et à la force probante des éléments de preuve, y compris ceux provenant de sources numériques, il convient de rappeler que l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et que le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 224, et du 12 février 2020, Kande Mupompa/Conseil, T‑170/18, EU:T:2020:60, point 107 (non publié)].

40      C’est au regard de ces principes qu’il convient de vérifier, en l’espèce, si les motifs d’inscription et de maintien du nom du requérant sur les listes en cause reposent sur un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant de le considérer comme une personne responsable de la répression exercée contre la société civile et l’opposition démocratique en Biélorussie, d’une part, et qui tire profit du régime du président Lukashenko et le soutient, d’autre part.

41      Il convient d’examiner d’abord les motifs d’inscription et de maintien du nom du requérant sur les listes en cause relatifs à sa prétendue participation à la répression exercée à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique en Biélorussie.

42      Dans le cadre de l’analyse du bien-fondé de ces motifs, le Tribunal est amené à vérifier, d’abord, si Synesis a fourni aux autorités biélorusses KIPOD, qui permet d’analyser les enregistrements vidéo et d’y effectuer des recherches et qui recourt à des logiciels de reconnaissance faciale et, ensuite, si le requérant, dans un premier temps, en tant que PDG et propriétaire, et, dans un second temps, en tant qu’actionnaire minoritaire et ancien dirigeant et actionnaire majoritaire de Synesis, peut être tenu responsable de la décision de Synesis de fournir KIPOD aux autorités biélorusses et, en conséquence, peut être considéré comme ayant participé à la répression exercée à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique par l’appareil d’État en Biélorussie en raison de ladite décision de Synesis.

 Sur la fourniture par Synesis aux autorités biélorusses de la plateforme de surveillance KIPOD

43      D’emblée, il convient de constater que les parties s’accordent sur le fait que la fourniture de la plateforme de surveillance KIPOD, visée par les actes attaqués, aux autorités biélorusses a pris la forme de son intégration au système républicain de surveillance existant en Biélorussie.

44      Ainsi qu’il ressort des éléments de preuve nos 6 et 7 du document WK 749/2021 INIT, ce système républicain de surveillance a été créé sur la base du décret présidentiel no 187, du 25 mai 2017, relatif au système républicain de surveillance (ci-après le « décret présidentiel no 187 de 2017 ») et de la décision du Conseil des ministres de la République de Biélorussie no 841 du 10 novembre 2017 (ci-après la « décision no 841 du Conseil des ministres de 2017 »). Ce système consiste en un ensemble de caméras de vidéosurveillance, de détecteurs et de chaînes de communication, tous connectés à un centre républicain de traitement des données ayant pour rôle l’accumulation, le stockage et le traitement des données recueillies par le biais des composants du système. Conformément au décret présidentiel no 187 de 2017 et à la décision no 841 du Conseil des ministres de 2017, le ministère de l’Intérieur est l’organe gouvernemental désigné en tant que coordonnateur du système républicain de surveillance.

45      Le requérant ne conteste pas les fonctionnalités de KIPOD indiquées dans les actes attaqués, à savoir que celle-ci permet d’analyser des enregistrements vidéo et d’y effectuer des recherches et qu’elle recourt à des logiciels de reconnaissance faciale. En revanche, il allègue que KIPOD ne pouvait pas être et n’a pas été utilisée à des fins de répression, et, que, en tout état de cause, ce n’est pas Synesis qui a fourni KIPOD aux autorités biélorusses, mais Panoptes qui est une entité juridiquement autonome.

46      Il convient dès lors d’examiner si, d’une part, KIPOD peut être et a effectivement été utilisée à des fins de répression et, d’autre part, si Synesis peut être tenue responsable de la fourniture de KIPOD aux autorités biélorusses.

 Sur la possibilité d’utiliser KIPOD à des fins de répression ainsi que son utilisation à ces fins

47      Pour ce qui est, en premier lieu, des arguments du requérant selon lesquels KIPOD ne peut pas être utilisée à des fins de répression, il convient de rappeler que le requérant ne conteste pas que KIPOD permet d’analyser des enregistrements vidéo et d’y effectuer des recherches et que cette plateforme recourt à des logiciels de reconnaissance faciale. Concrètement, ainsi qu’il ressort des éléments de preuve nos 3 et 4 du document WK 749/2021 INIT, dont les sources sont soit Synesis, soit des entités qui lui sont liées, les fonctionnalités de KIPOD permettent notamment d’identifier instantanément une personne et de déterminer où et quand cette personne est allée sur la base du simple téléchargement d’une photo même de mauvaise qualité ou, encore, d’identifier une personne sur la base de l’âge, de la race, du genre et d’autres caractéristiques.

48      Or, force est de constater que, contrairement à ce que prétend le requérant, dans un pays comme la Biélorussie qui se caractérise, ainsi qu’il ressort, notamment, du considérant 4 de la décision 2012/642, depuis l’année 2004, par une répression constante de la société civile et de l’opposition démocratique, les fonctionnalités susmentionnées de KIPOD, exploitées dans le cadre du système républicain de surveillance, sont particulièrement susceptibles d’être utilisées à des fins de répression par le régime du président Lukashenko dès lors que, ainsi qu’il ressort des dispositions du décret présidentiel no 187 de 2017, les deux principaux organes de répression dudit régime, le ministère de l’Intérieur et le comité pour la sûreté de l’État (KGB), figurent parmi les utilisateurs du système républicain de surveillance et, donc, de KIPOD. En outre, ces organes ont accès sans restrictions audit système et, par conséquent, aux fonctionnalités de KIPOD qui y sont intégrées, sans qu’aucune autorisation préalable ou qu’aucun contrôle a posteriori ne soit requis.

49      Certes, le requérant affirme que KIPOD ne permettrait pas l’intégration des bases de données des passeports, ce qui la rendrait insusceptible d’être utilisée à des fins de répression. Toutefois, il convient de rappeler que le motif d’inscription et de maintien en cause ne vise pas une telle fonctionnalité de KIPOD, mais le fait que cette dernière permet d’analyser des enregistrements vidéo et d’y effectuer des recherches, et qu’elle recourt à des logiciels de reconnaissance faciale. Or, ainsi qu’indiqué au point 48 ci-dessus, les organes de répression du régime peuvent exploiter sans aucune restriction les fonctionnalités de KIPOD, lesquelles permettent notamment d’identifier instantanément une personne et de déterminer où et quand cette personne est allée sur la base du simple téléchargement d’une photo même de mauvaise qualité ou, encore, d’identifier une personne sur la base de l’âge, de la race, du genre et d’autres caractéristiques. Partant, KIPOD est particulièrement susceptible d’être utilisée à des fins de répression par le régime du président Lukashenko.

50      En outre et en tout état de cause, force est de constater que, contrairement à ce que soutient le requérant, KIPOD permet l’intégration de bases de données. En effet, dans l’article daté du 20 décembre 2020 et publié sur le site Internet « tvr.by » appartenant à la société de télévision et de radio d’État biélorusse Belteleradio, produit en tant qu’élément de preuve no 8 du document WK 749/2021 INIT, il est indiqué que, dans le cadre du système républicain de surveillance, le ministère de l’Intérieur a créé une base de données comprenant des informations personnelles telles que le genre, l’âge, la région, le lieu de travail, l’éducation et les passions de ceux et de celles qui enfreignent l’ordre dans les rues et qu’il remplit cette base de données méthodiquement. Cela est d’ailleurs confirmé par le rapport d’analyse technique de KIPOD présenté en annexe aux requêtes par le requérant. En effet, ce rapport, sur lequel le Tribunal peut se fonder, conformément à la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus, non seulement à décharge, mais également à charge, indique que KIPOD permet la création de « cartes de personne » prédéterminées comprenant des informations personnelles.

51      En second lieu, s’agissant de l’argument par lequel le requérant conteste l’utilisation de KIPOD à des fins de répression par le régime du président Lukashenko, il importe, d’abord, de souligner que la simple instauration d’un système de surveillance de la population, tel que le système républicain de surveillance existant en Biélorussie, qui intègre une plateforme de surveillance qui permet d’analyser des enregistrements vidéo et d’y effectuer des recherches et qui recourt à des logiciels de reconnaissance faciale, à laquelle le ministère de l’Intérieur et le KGB ont accès sans restrictions, dans un pays comme la Biélorussie, est, en soi, de nature à décourager fortement la société civile et l’opposition démocratique de manifester leurs aspirations à l’exercice de leurs droits et constitue donc un acte de répression.

52      Par ailleurs, et contrairement à ce que prétend le requérant, il ressort des pièces du dossier que les fonctionnalités de KIPOD ont été effectivement utilisées dans le cadre du système républicain de surveillance à des fins de répression par les autorités biélorusses.

53      Ainsi, l’élément de preuve no 10 du document WK 749/2021 INIT, qui est un article daté du 17 août 2020 et issu du site Internet « pramen.io », présente des vidéos de démonstration pour l’utilisation des fonctionnalités de KIPOD aux fins d’identification de personnes par les autorités publiques dans le cadre du système républicain de surveillance et, sur la base de ces démonstrations des capacités de KIPOD, conclut que les autorités peuvent aujourd’hui facilement identifier les participants aux manifestations et réprimer avec précision ceux qu’elles jugent nécessaires.

54      Cet élément est corroboré par l’article, cité au point 50 ci-dessus, daté du 20 décembre 2020 et publié sur le site Internet « tvr.by », qui indique que le système républicain de surveillance a été conçu pour prévenir la commission de crimes et de délits et qu’il permet au ministère de l’Intérieur d’assurer le contrôle et de donner une réponse adéquate à toute manifestation d’une activité destructive. À ce sujet, ledit article explique, en substance, que le système républicain de surveillance permet aux autorités publiques de recueillir en temps réel des informations concernant chacun des participants aux manifestations de protestation dans tout le pays et que les partisans individuels des changements qui créent des canaux de messagerie anonymes au moyen de l’application Telegram tombent de plus en plus souvent entre les mains d’agents de police et se repentent de leurs actes.

55      En outre, dans l’élément de preuve no 11 du document WK 749/2021 INIT, à savoir un article publié le 1er octobre 2020 sur le site Internet « tut.by » – qui est la plus grande entreprise de médias indépendante de Biélorussie, ainsi que le Conseil l’indique dans sa réponse à une mesure d’organisation de la procédure – sont cités plusieurs textos envoyés par le ministère de l’Intérieur à des personnes ayant participé à des manifestations de protestation et dans lesquels cette autorité publique indique aux destinataires qu’ils ont été identifiés comme contrevenant aux dispositions légales relatives aux évènements de masse et que leurs actions ont fait l’objet d’enregistrements photo et vidéo.

56      Enfin, à la date d’adoption des actes de maintien, le Conseil disposait de preuves additionnelles attestant de l’exploitation des fonctionnalités de KIPOD dans le cadre du système républicain de surveillance à des fins de répression à cette date. Ces éléments de preuve incluent les articles publiés le 27 mars 2021 et le 23 décembre 2020 sur le site Internet « euroradio.fm » et contenus respectivement dans les éléments de preuve nos 18 et 14 du document WK 15385/2021 REV 1. Le premier article cite la déclaration d’un ancien officier de police biélorusse confirmant avoir personnellement utilisé les fonctionnalités de KIPOD pour identifier des personnes. Le second présente les résultats d’une enquête menée par d’anciens membres de la police biélorusse qui confirment qu’un opposant au régime a été arrêté en novembre 2020 après avoir été identifié à l’aide des fonctionnalités de KIPOD dans le cadre du système républicain de surveillance.

57      Le requérant conteste ces éléments de preuve.

58      Toutefois, à cet égard, il convient de noter que, en ce qui concerne, en premier lieu, la fiabilité de l’élément de preuve mentionné au point 53 ci-dessus, le requérant se limite à affirmer qu’il ne contient aucune « preuve à l’appui » de l’allégation selon laquelle il démontrerait que KIPOD était utilisée à des fins de répression. Or, ainsi qu’indiqué audit point, il ressort du contenu de l’article daté du 17 août 2020 et issu du site Internet « pramen.io » que les conclusions qu’il contient ne sont pas de simples opinions, mais qu’elles sont basées sur plusieurs vidéos de démonstration pour l’utilisation des fonctionnalités de KIPOD à des fins d’identification de personnes par les autorités publiques dans le cadre du système républicain de surveillance.

59      En deuxième lieu, contrairement à ce que le requérant soutient, les éléments de preuve mentionnés aux points 55 et 56 ci-dessus ne sont pas dépourvus de valeur probante, dès lors que, même si le requérant, Synesis ou KIPOD n’y sont pas expressément mentionnés, il ressort clairement du contexte dans lequel ces éléments de preuve s’insèrent qu’ils font référence au système républicain de surveillance et à KIPOD. En effet, à la date de publication des articles compris dans lesdits éléments de preuve, le système informatique unifié utilisé en Biélorussie par le ministère de l’Intérieur était le système républicain de surveillance et la plateforme qui permettait d’analyser les enregistrements vidéo et d’y effectuer des recherches était KIPOD, laquelle était intégrée dans ledit système.

60      En troisième lieu, il y a lieu de constater que la fiabilité de la déclaration de l’ancien policier biélorusse comprise dans l’élément de preuve no 18 du document WK 15385/2021 REV 1 et mentionnée au point 56 ci-dessus ne saurait être remise en cause uniquement au motif que Synesis a demandé à cet ancien policier d’expliquer publiquement la manière dont il aurait utilisé KIPOD afin d’identifier des personnes, ce que ce dernier n’aurait pas fait.

61      Enfin, quant à l’enquête mentionnée dans l’élément de preuve no 14 du document WK 15385/2021 REV 1 cité également au point 56 ci-dessus, il y a lieu de constater que l’affirmation selon laquelle cet élément de preuve n’a été présenté par le Conseil qu’avant l’adoption des actes de maintien n’est pas de nature à remettre en question sa fiabilité, dès lors que cet élément de preuve fait partie du document susmentionné, lequel a été communiqué au requérant avec la lettre du Conseil l’informant de son intention de maintenir son nom sur les listes en cause avant l’adoption des actes de maintien (voir point 12 ci-dessus). Quant aux prétendues erreurs factuelles qui entacheraient le même élément de preuve, il suffit de constater que le requérant se limite à avancer ces arguments sans aucune preuve à l’appui.

62      Compte tenu des considérations développées aux points 47 à 61 ci-dessus, il convient de conclure que les fonctionnalités de KIPOD pouvaient être et ont été exploitées à des fins de répression dans le cadre du système républicain de surveillance.

63      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments du requérant.

64      En effet, contrairement à ce que prétend le requérant, les fonctionnalités de KIPOD ne sont pas exploitées dans le cadre du système républicain de surveillance essentiellement dans le métro ainsi qu’à la gare centrale de Minsk et exclusivement aux fins de surveillance de la sécurité dans ces espaces publics.

65      À cet égard, il convient de constater que, selon les dispositions du décret présidentiel no 187 de 2017 et de la décision no 841 du Conseil des ministres de 2017, le système républicain de surveillance a été conçu pour couvrir l’ensemble du territoire de la République de Biélorussie. En outre, il ressort de l’article cité au point 50 ci-dessus provenant du site Internet de la société de télévision et de radio d’État biélorusse Belteleradio – qui est l’un des canaux de communication agréés par le régime du président Lukashenko – que le système républicain de surveillance permet aux autorités publiques de recueillir en temps réel des informations concernant chacun des participants aux manifestations de protestation dans tout le pays.

66      Enfin, et en tout état de cause, à supposer même que le système républicain de surveillance n’ait pas encore été déployé à l’échelle nationale à la date d’adoption des actes attaqués, force est de constater que, conformément à l’article 20 du décret présidentiel no 187 de 2017, les lieux de rassemblements de masse de personnes dans la ville de Minsk sont obligatoirement dotés d’équipements de vidéosurveillance connectés au système républicain de surveillance, et ce, depuis 2014. En outre, selon la même disposition, la liste de ces lieux, approuvée en 2014 par le Conseil des ministres, doit faire l’objet d’une révision au moins une fois par an, par le comité exécutif de la ville de Minsk, en vue d’adresser des propositions de mises à jour au Conseil des ministres. Par conséquent, contrairement à ce que prétend le requérant, les fonctionnalités de KIPOD sont exploitées non seulement dans les stations de métro et dans la gare centrale de Minsk, mais, à tout le moins, également dans les lieux de rassemblements de masse de personnes dans la ville de Minsk, qui sont les endroits où les manifestations contre le régime du président Lukashenko ont principalement lieu.

67      S’agissant de l’argument du requérant selon lequel l’utilisation des fonctionnalités de KIPOD dans le cadre du système républicain de surveillance à des fins de répression serait contraire à la loi, il convient de constater que, selon l’article 3 de la décision no 841 du Conseil des ministres de 2017, les objectifs poursuivis par la création du système républicain de surveillance sont, notamment, la surveillance de l’état de la sécurité publique afin d’assurer l’ordre public, la prévention, l’identification (découverte) et la répression de crimes et d’autres délits. Or, il ressort du considérant 2 de la décision d’exécution 2021/1002 que les manifestations pacifiques à la suite des élections présidentielles organisées en Biélorussie le 9 août 2020 ont été brutalement réprimées par le régime du président Lukashenko. Ainsi, l’allégation du requérant tirée de ce que la répression des manifestations de protestation contre le régime du président Lukashenko et, donc, l’utilisation des informations recueillies par le système républicain de surveillance, dont KIPOD fait partie intégrante, à de telles fins, serait contraire aux dispositions de la législation biélorusse ne peut prospérer.

 Sur la responsabilité de Synesis pour la fourniture de KIPOD aux autorités biélorusses

68      À cet égard, d’emblée, il convient de constater que le requérant a confirmé dans ses écritures que Synesis était l’entité qui a développé KIPOD et, donc, la propriétaire de celle-ci.

69      Or, l’intégration de KIPOD au système républicain de surveillance a nécessairement eu lieu avec l’accord de Synesis en tant que propriétaire de KIPOD.

70      Certes, l’entité qui a effectivement intégré KIPOD au système républicain de surveillance était Panoptes lorsqu’elle est devenue l’opérateur technique dudit système.

71      Toutefois, Panoptes n’aurait pas pu procéder à l’intégration de KIPOD au système républicain de surveillance sans l’accord de Synesis en tant que propriétaire de KIPOD. Ceci est, d’ailleurs, confirmé par le rapport financier de l’activité de Synesis, produit par le requérant en annexe aux requêtes. En effet, dans ce rapport, sur lequel le Tribunal peut se fonder, conformément à la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus, non seulement à décharge, mais également à charge, il est précisé que, le 25 juin 2018, Synesis a accordé à Panoptes des droits d’exploitation de KIPOD.

72      En outre, les éléments de preuve nos 3 et 7 du document WK 6186/2021 INIT révèlent que, à l’époque de l’intégration de KIPOD au système républicain de surveillance, Panoptes était une filiale de Synesis. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient le requérant, même si elle était une entité juridiquement distincte, à l’époque de l’intégration de KIPOD au système républicain de surveillance, Panoptes n’était pas une entité autonome par rapport à Synesis, dès lors que cette dernière contrôlait et, donc, assumait nécessairement, en tant qu’unique propriétaire, la responsabilité des agissements de Panoptes.

73      Dès lors, contrairement à ce que prétend le requérant, Synesis est directement responsable de la fourniture de KIPOD aux autorités biélorusses.

 Sur la participation du requérant à la répression exercée à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique par l’appareil d’État en Biélorussie en raison de la décision de Synesis de fournir KIPOD aux autorités biélorusses

74      En ce qui concerne le rôle revêtu par le requérant au sein de Synesis en ce qui concerne la décision de cette dernière de fournir KIPOD aux autorités biélorusses et sa participation, en raison de ce rôle, à la répression exercée à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique en Biélorussie, il convient de faire une distinction entre, d’une part, les actes initiaux et, d’autre part, les actes de maintien, dans la mesure où la qualification retenue par le Conseil dans ces actes a subi, ainsi qu’il ressort des points 9 et 14 ci-dessus, une modification.

 Sur les actes initiaux

75      Il convient de rappeler que, dans le cadre du premier motif d’inscription figurant dans les actes initiaux, le Conseil reproche au requérant d’avoir participé à la répression de la société civile et de l’opposition démocratique menée par l’appareil d’État en Biélorussie au motif que, en tant que PDG et propriétaire de Synesis, il est responsable de la décision de cette dernière de fournir KIPOD aux autorités biélorusses.

76      S’agissant, en premier lieu, de la qualification du requérant de « propriétaire » de Synesis, il convient de relever que celui-ci ne conteste pas, dans ses écritures, qu’il était, au moment de l’adoption des actes initiaux, le propriétaire unique de cette entreprise. Ceci est également confirmé par l’article publié le 8 avril 2021 sur le site Internet « belsat.eu » et produit en tant qu’élément de preuve no 5 du document WK 6186/2021 INIT.

77      Par ailleurs, le requérant ne conteste pas cet élément de preuve et confirme cette information par les documents qu’il a présentés dans le cadre des présentes procédures juridictionnelles, notamment l’annexe A.8 de la requête dans l’affaire T‑523/21, qui contient un extrait du registre national unifié des personnes morales et des entrepreneurs individuels en relation avec une personne morale montrant que le requérant était, au 31 décembre 2020, actionnaire unique de Synesis.

78      En second lieu, en ce qui concerne les fonctions de direction du requérant au sein de Synesis, premièrement, il convient de relever que, même si celui-ci conteste avoir exercé la fonction formelle de PDG de cette société retenue par le Conseil, force est de constater qu’il ne nie pas sérieusement être impliqué dans la direction de Synesis, pas plus qu’il n’explique pour quelle raison, en tant que propriétaire unique de cette entreprise, il n’avait aucun pouvoir décisionnel sur les décisions prises par cette dernière ou que ce pouvoir n’incombait qu’au PDG formellement désigné.

79      Deuxièmement, les éléments de preuve versés au dossier montrent que, à la date de l’adoption des actes initiaux, le requérant se présentait et était perçu publiquement comme étant le dirigeant de Synesis, au nom et pour le compte de laquelle il s’exprimait dans des entretiens publics. En effet, ainsi qu’il ressort des éléments de preuve nos 1, 4 et 8 du document WK 6186/2021 INIT qui sont issus d’entretiens du requérant publiés, en ce qui concerne les premier et troisième éléments, sur la plateforme YouTube et, en ce qui concerne le deuxième, sur le site Internet « sevreality.com », le requérant est identifié comme le « co-fondateur » ou « chef » de Synesis, s’identifie à cette dernière et emploie le pronom personnel « nous » lorsqu’il se réfère à Synesis et fait preuve d’une connaissance détaillée des projets menés par cette dernière, notamment celui concernant KIPOD. En outre, dans l’entretien publié le 24 décembre 2020 au sujet de l’inscription de Synesis sur les listes en cause et produit en tant qu’élément de preuve no 8 du document WK 6186/2021 INIT, le requérant se réfère à KIPOD en employant l’expression « notre système ».

80      Troisièmement, il n’apparaît pas que le requérant, en tant que propriétaire de Synesis, s’est désolidarisé à un moment ou à un autre des décisions prises par cette dernière ni qu’il a émis la moindre protestation, réserve ou nuance en ce qui concerne l’accord de Synesis, en tant que propriétaire de KIPOD, pour l’intégration de celle-ci au système républicain de surveillance (voir, par analogie, arrêt du 23 septembre 2014, Ipatau/Conseil, T‑646/11, non publié, EU:T:2014:800, point 144). Au contraire, ainsi qu’il ressort des éléments de preuve mentionnés au point 79 ci-dessus, le requérant a soutenu publiquement les agissements de Synesis relatifs à la fourniture de KIPOD aux autorités biélorusses.

81      Ainsi, il peut être déduit des considérations exposées ci-dessus que, en tant que dirigeant et propriétaire unique de Synesis, le requérant assumait nécessairement la responsabilité des agissements de cette entreprise (voir, par analogie, arrêt du 12 décembre 2013, Nabipour e.a./Conseil, T‑58/12, non publié, EU:T:2013:640, point 110).

82      Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a considéré, dans les actes initiaux, que le requérant était propriétaire de Synesis, qu’il occupait la principale fonction de direction de cette entreprise et que, par conséquent, il était responsable de la décision prise par cette dernière de fournir KIPOD aux autorités biélorusses.

83      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument du requérant selon lequel le Conseil n’aurait pas prouvé à suffisance de droit que, au moment de l’adoption des actes initiaux, il était formellement le PDG de Synesis.

84      En effet, à cet égard, il importe de relever que, à supposer même que le Conseil ait commis une erreur d’appréciation en considérant que le requérant était formellement le PDG de Synesis ou qu’il existe une certaine ambiguïté dans la formulation des actes initiaux à cet égard, un tel constat n’est pas à même de remettre en cause l’appréciation du Conseil selon laquelle le requérant était responsable des décisions prises par Synesis en tant que propriétaire unique de cette dernière et, donc, de sa décision de fournir KIPOD aux autorités biélorusses.

85      Or, à tout le moins en sa qualité de propriétaire unique de Synesis, le requérant connaissait nécessairement les conséquences de la décision de Synesis de fournir KIPOD aux autorités biélorusses, à savoir le fait que, conformément au décret présidentiel no 187 de 2017 et à la décision no 841 du Conseil des ministres de 2017, le ministère de l’Intérieur et le KGB notamment auraient accès sans restrictions en termes de sources ou de quantité à l’exploitation de KIPOD dans le cadre du système républicain de surveillance. En effet, ce décret et cette décision font partie du cadre juridique applicable en Biélorussie.

86      En outre, il ne pouvait pas raisonnablement ignorer, dans le contexte sociopolitique de la Biélorussie, caractérisé, ainsi qu’indiqué au point 48 ci-dessus, depuis l’année 2004, par la répression de la société civile et de l’opposition démocratique, que la possibilité pour les organes de répression du régime d’exploiter sans aucune restriction les fonctionnalités de KIPOD mentionnées au point 47 ci‑dessus rendrait cette plateforme particulièrement susceptible d’être utilisée à des fins de répression par le régime du président Lukashenko.

87      Enfin, il est difficilement contestable que le requérant connaissait l’exploitation des fonctionnalités de KIPOD par les autorités biélorusses à des fins de répression dans le cadre du système républicain de surveillance, dès lors que Synesis, dont il était l’unique propriétaire, contrôlait et, donc, assumait nécessairement, en tant qu’unique propriétaire de Panoptes, la responsabilité des agissements de cette dernière.

88      En effet, il ressort des articles publiés le 5 novembre 2020 et le 8 avril 2021 sur les sites Internet « euroradio.fm » et « belsat.eu » et produits, respectivement, en tant qu’éléments de preuve nos 7 et 5 du document WK 6186/2021 INIT, que, depuis 2018, Panoptes était l’opérateur technique du système républicain de surveillance, ce que d’ailleurs le requérant ne conteste pas.

89      Or, conformément aux dispositions de l’article 11 du décret présidentiel no 187 de 2017, en sa qualité d’opérateur technique du système républicain de surveillance, Panoptes avait non seulement la responsabilité d’intégrer les fonctionnalités de KIPOD au système républicain de surveillance, mais elle devait également assurer les conditions permettant aux autorités publiques indiquées dans le décret présidentiel no 187 de 2017, dont le ministère de l’Intérieur et le KGB, d’accéder sans restrictions tant au système lui-même qu’aux informations recueillies par celui-ci. De plus, ainsi qu’il ressort des considérations exposées aux points 47 à 61 ci-dessus, ces autorités publiques ont exploité les fonctionnalités de KIPOD à des fins de répression dans le cadre du système républicain de surveillance.

90      Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de conclure que, à tout le moins en sa qualité de propriétaire unique de Synesis, le requérant ne pouvait pas raisonnablement ignorer les conséquences de la décision de Synesis de fournir KIPOD aux autorités biélorusses, dont il était responsable, à savoir la contribution à la répression exercée à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique en Biélorussie.

91      Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a considéré que, à la date de l’adoption des actes initiaux, à tout le moins en tant que propriétaire de Synesis, le requérant était responsable de la décision de cette entreprise de fournir KIPOD aux autorités biélorusses et que, en raison des conséquences de cette décision qu’il ne pouvait pas raisonnablement ignorer, il a participé à la répression exercée contre la société civile et l’opposition démocratique par l’appareil d’État en Biélorussie.

 Sur les actes de maintien

92      À titre liminaire, il y a lieu d’indiquer que, en l’espèce, une lecture de l’ensemble des motifs sur la base desquels le nom du requérant a été maintenu sur les listes en cause fait apparaître de manière suffisamment claire que les premier et quatrième motifs figurant dans les actes de maintien doivent être lus conjointement et sont à considérer notamment dans le cadre du critère mentionné au point 6 ci-dessus.

93      En effet, il ressort desdits motifs que le Conseil reproche au requérant d’avoir participé à la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique en Biélorussie aux motifs que, en tant qu’ancien dirigeant et propriétaire de Synesis, il avait été responsable de la décision de cette dernière de fournir KIPOD aux autorités biélorusses et qu’il était resté actionnaire minoritaire de Synesis.

94      À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal a déjà décidé qu’il n’est pas nécessaire que chaque élément mentionné dans les motifs soit explicitement lié aux critères pertinents de l’acte sur lequel le Conseil a fondé l’inscription du nom de la partie requérante sur une liste de personnes faisant l’objet de mesures restrictives, dès lors que les motifs, pris dans leur ensemble, font apparaître de manière suffisamment claire les critères sur la base desquels le nom de cette personne a été inscrit sur la liste (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, points 51 à 59).

95      En l’espèce, si les parties s’accordent sur le fait que le requérant était resté, au moment de l’adoption des actes de maintien, actionnaire minoritaire de Synesis, elles ne s’entendent pas sur les conséquences à tirer de ce changement d’actionnariat en ce qui concerne la participation du requérant à la répression exercée à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique en Biélorussie en raison des décisions prises par Synesis quant à la fourniture de KIPOD aux autorités biélorusses.

96      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la circonstance qu’une personne a cessé d’exercer ses fonctions au sein d’une structure n’implique pas, à elle seule, que ces anciennes fonctions sont dénuées de pertinence, dans la mesure où ses activités passées pourraient influencer son comportement. La jurisprudence a cependant précisé que, prises isolément, les anciennes fonctions d’une personne ne sauraient justifier l’inscription du nom de cette dernière sur les listes en cause. Si le Conseil entendait se fonder sur les activités passées de ladite personne, il lui incomberait en effet d’avancer des indices sérieux et concordants permettant raisonnablement de considérer que cette dernière maintient des liens avec la structure où elle exerçait ces fonctions à la date d’adoption de l’acte en cause, justifiant l’inscription de son nom sur les listes, après la cessation de ses activités au sein de cette structure (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, Assi/Conseil, T‑256/19, EU:T:2021:818, point 128 et jurisprudence citée).

97      Or, en l’espèce, force est de constater que les liens que le requérant a conservés avec Synesis n’ont pas sensiblement changé. En effet, le fait que le requérant soit demeuré dans l’actionnariat de Synesis, fût-ce en tant qu’actionnaire minoritaire, montre à suffisance de droit qu’il gardait, à la date d’adoption des actes de maintien, des liens économiques et capitalistiques avec cette société qui lui permettaient toujours d’avoir une influence dans le processus décisionnel au sein de Synesis.

98      Il ressort des éléments de preuve du dossier, notamment les extraits du site Internet de KIPOD produits en tant qu’élément de preuve no 2 du document WK 15385/2021 REV 1, que Synesis était toujours la propriétaire de KIPOD à la date d’adoption des actes de maintien, ce que le requérant n’a d’ailleurs pas contesté dans ses écritures. Or, il importe de souligner que le requérant n’a jamais affirmé que, en tant que propriétaire de KIPOD, Synesis, dont il est resté actionnaire, se serait opposée à l’exploitation de cette plateforme dans le cadre du système républicain de surveillance et à l’utilisation, par les autorités publiques biélorusses, de ses fonctionnalités à des fins de répression dans le cadre de ce système.

99      En outre, il convient de constater qu’il ressort des éléments de preuve à la disposition du Conseil au moment de l’adoption des actes de maintien que, même s’il est devenu actionnaire minoritaire de Synesis, le requérant avait conservé ses liens avec cette entreprise en qualité de propriétaire unique de Panoptes, la société qui exploite KIPOD dans le cadre du système républicain de surveillance. En effet, il ressort de l’élément de preuve no 7 du document WK 15385/2021 REV 1 que, quelques mois après l’inscription de Synesis sur les listes en cause, le requérant était devenu le propriétaire unique de Panoptes – qui était l’opérateur technique du système républicain de surveillance – et que ce changement d’actionnariat avait été effectué afin d’éviter que Panoptes ne soit affectée par les mesures restrictives adoptées à l’encontre de Synesis.

100    Dans ce contexte, le Conseil pouvait raisonnablement considérer que les activités passées du requérant au sein de Synesis étaient pertinentes pour justifier le maintien de son nom sur les listes en cause étant donné que les liens qu’il avait gardés avec cette société étaient susceptibles d’influencer son comportement en tant qu’actionnaire minoritaire de Synesis, notamment en ce qui concerne l’exploitation de KIPOD, dont Synesis a conservé la propriété, par Panoptes, qui est l’opérateur technique du système républicain de surveillance utilisé par les autorités biélorusses à des fins de répression.

101    Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a considéré dans les actes de maintien que le requérant participait à la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique en Biélorussie.

102    Eu égard à tout ce qui précède, il convient de conclure que le premier motif d’inscription et les premier et quatrième motifs de maintien ne sont pas entachés d’erreurs d’appréciation.

 Sur les autres motifs d’inscription

103    Selon une jurisprudence constante, eu égard à la nature préventive des décisions adoptant des mesures restrictives, si le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72 et jurisprudence citée).

104    Or, dans la mesure où les faits allégués dans le premier motif d’inscription et les premier et quatrième motifs de maintien sont avérés à suffisance de droit et où ces motifs justifient en soi l’inscription et le maintien du nom du requérant sur les listes en cause, il n’y a pas lieu de vérifier le caractère suffisamment précis et concret des deuxième et troisième motifs d’inscription et de maintien ni de contrôler si ces motifs sont étayés et peuvent constituer, en soi, une base suffisante pour soutenir les actes attaqués.

105    Compte tenu de ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter le moyen unique comme étant non fondé et, avec lui, les recours dans leur totalité.

 Sur les dépens

106    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

107    En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T523/21 et T216/22 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      Les recours sont rejetés.

3)      M. Alexander Evgenevich Shatrov est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

Svenningsen

Laitenberger

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.