Language of document : ECLI:EU:T:2023:802

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

13 décembre 2023 (*)

« Clause compromissoire – Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) – Convention de subvention – Projet SANAD – Frais de personnel – Charge de la preuve – Coûts éligibles – Demande de recouvrement – Note de débit – Demande reconventionnelle »

Dans l’affaire T‑409/22,

Global Nanotechnologies AE schediasmou anaptyxis paraskevis kai emporias ylikon nanotechnologias (Glonatech), établie à Lamía (Grèce), représentée par Me N. Scandamis, avocat,

partie requérante,

contre

Agence exécutive européenne pour la recherche (REA), représentée par Mmes S. Payan-Lagrou et V. Canetti, en qualité d’agentes, assistées de Me M. Le Berre, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin (rapporteur), président, Mme P. Škvařilová‑Pelzl et M. I. Nõmm, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 272 TFUE, la requérante, Global Nanotechnologies AE schediasmou anaptyxis paraskevis kai emporias ylikon nanotechnologias (Glonatech), demande, d’une part, qu’il soit déclaré qu’elle a correctement rempli ses obligations contractuelles et qu’elle a pleinement droit au paiement des coûts réclamés pour le projet « Synthesis of Advanced top Nano-coatings with improved Aerodynamic and De-icing behavior » (SANAD) et, d’autre part, que la note de débit no 3242113938, du 22 décembre 2021, soit annulée.

2        La demande reconventionnelle de l’Agence exécutive européenne pour la recherche (REA), vise à la condamnation de la requérante à lui rembourser la somme de 202 883,48 euros et à ce que la créance correspondante, telle qu’elle figure dans la note de débit no 3242210194, du 29 septembre 2022 (ci-après la « nouvelle note de débit »), soit rendue exécutoire.

 Antécédents du litige

3        La requérante est une société de droit grec opérant dans le secteur des nanotechnologies.

4        Le 20 décembre 2012, la requérante, agissant en tant que coordinatrice d’un consortium, a conclu avec la REA la convention de subvention no 324443 concernant l’exécution du projet SANAD (ci-après la « convention de subvention »), dans le cadre du septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013). Ladite convention, entrée en vigueur le même jour, prévoyait une contribution financière maximale de l’Union européenne à ce projet de 2 872 668,87 euros (article 5), ledit projet devant être réalisé au cours d’une période de 48 mois, à compter du 1er janvier 2013, divisée en deux périodes de déclaration de 24 mois (articles 3 et 4).

5        L’objectif du projet SANAD était d’améliorer l’efficacité du transport aérien en faisant tester des revêtements sélectionnés pour optimiser le dégivrage et réduire la traînée de condensation des avions par des chercheurs des organisations participantes, en favorisant le transfert de connaissances entre les participants au projet et la collaboration entre universitaires et petites et moyennes entreprises (PME).

6        Les 7, 15, 17 et 28 janvier 2013, quatre autres participants au projet SANAD ont adhéré successivement à la convention de subvention en tant que bénéficiaires, dont une université destinée à accueillir des chercheurs en détachement (ci-après l’« université hôte »).

7        Le 31 décembre 2016, le projet SANAD a été achevé.

8        En application de la convention de subvention, les bénéficiaires du projet SANAD ont perçu de l’Union un préfinancement d’un montant de 1 867 234,77 euros et un paiement intermédiaire de 718 167,21 euros, soit au total 2 585 401,98 euros.

9        Le 8 octobre 2018, dans le cadre du paiement final de la contribution de l’Union au projet SANAD, la REA a soulevé, dans un courriel adressé à la requérante, l’existence d’un certain nombre d’anomalies et de lacunes dans les pièces justificatives produites par cette dernière.

10      Le 21 août 2019, la REA a informé la requérante qu’elle lançait, à son égard, un audit financier de la convention de subvention, qui portait sur la période comprise entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016, avec la référence RAIA 201901 (ci-après l’« audit financier »). La REA a indiqué une liste détaillée de données et de documents à mettre à disposition aux fins de cet audit.

11      L’audit financier a été réalisé entre le 22 et le 24 octobre 2019.

12      Le 22 juillet 2020, la REA a communiqué à la requérante un projet de rapport d’audit présentant les résultats de l’audit financier et couvrant les deux périodes de déclaration du projet SANAD, à savoir la première allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 et la seconde allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. Ledit projet concluait, notamment, que certaines catégories de coûts encourus par la requérante dans le cadre dudit projet devaient être considérées comme étant inéligibles en vertu des dispositions de la convention de subvention, en particulier des indemnités mensuelles de subsistance, à hauteur de 177 074,80 euros, et de mobilité, à hauteur de 22 202,88 euros, afférentes aux détachements de chercheurs auprès de l’université hôte.

13      Le 23 septembre 2020, à la suite d’une prolongation du délai pour fournir des observations, la requérante a contesté les conclusions du projet de rapport d’audit.

14      Le 30 mars 2021, la REA a communiqué à la requérante le rapport d’audit final (ci-après le « rapport d’audit final ») qui mentionnait que la somme de 224 463,00 euros avait été sollicitée en trop par la requérante au regard des stipulations de la convention de subvention. À ce titre, il était précisé que, si la somme de 33 129,76 euros pour les activités de gestion devait être considérée comme étant éligible, en revanche, il y avait lieu de rejeter les frais suivants : 177 074,80 euros pour l’allocation mensuelle de subsistance, 22 202,88 euros pour l’allocation mensuelle de mobilité, 36 840,00 euros pour la contribution aux « dépenses liées au programme de recherche/formation/transfert de connaissances », 1 069,35 euros pour les activités de gestion et 20 405,73 euros pour les contributions aux frais généraux.

15      Ainsi, dans le rapport d’audit final, la REA a maintenu les conclusions issues du projet de rapport d’audit s’agissant, en particulier, des « indemnités de subsistance et de mobilité mensuelles demandées pour des détachements », qui concernaient quatre chercheurs détachés par la requérante auprès de l’université hôte, de même que les conclusions qui portaient sur les « dépenses liées au programme de recherche/formation/transfert de connaissances », qui concernaient les détachements de trois chercheurs de l’université hôte à la requérante. Elle a également indiqué que l’audit financier était considéré comme clos et que les ajustements qui y étaient mentionnés allaient être mis en œuvre, y compris l’ordre de recouvrement des montants payés en trop et le calcul des dommages-intérêts liquidés en vertu de l’article II.24 des conditions générales de la convention de subvention.

16      Le 22 avril 2021, la REA a adopté le rapport d’évaluation de la performance, relatif à la seconde période de déclaration du projet SANAD (années 2015 et 2016).

17      Le 5 mai 2021, la REA a communiqué à la requérante une lettre d’information préalable indiquant qu’elle approuvait le rapport d’audit final et qu’elle procéderait au recouvrement du résultat de l’audit financier concernant les dépenses liées à la convention de subvention et confirmant le montant de 224 463,00 euros comme créance à recouvrer auprès de la requérante. Elle a également invité la requérante à lui faire part, par écrit et dans un délai de deux mois, de toute objection à l’égard des conclusions à la suite de cet audit.

18      Le 17 mai 2021, la requérante a contesté le rapport d’audit final.

19      Le 18 mai 2021, la REA a adressé une réponse à la requérante.

20      Le 28 mai 2021, la requérante a écrit à nouveau à la REA pour exprimer son désaccord avec le rapport d’audit final, en expliquant les raisons pour lesquelles elle considérait avoir rempli ses obligations en vertu de la convention de subvention.

21      Le 1er juillet 2021, la requérante a écrit à la REA afin de réitérer, d’une part, sa contestation des conclusions du rapport d’audit final et, d’autre part, sa position selon laquelle les exigences de la convention de subvention avaient été satisfaites et les preuves produites concernant les coûts contestés étaient suffisantes et concluantes.

22      Le 22 décembre 2021, la REA a écrit à la requérante pour répondre aux arguments figurant dans ses lettres des 17 et 28 mai ainsi que 1er juillet 2021 et expliquer que ceux-ci n’étaient pas susceptibles de modifier les conclusions du rapport d’audit final. Elle a joint à son courrier relatif à l’audit financier la note de débit no 3242113938, également datée du 22 décembre 2021, exigeant le paiement d’une somme d’un montant total de 681 364,81 euros au titre du projet SANAD à l’ensemble des participants audit projet, dont 224 463,01 euros incombaient à la requérante.

23      Le 22 juin 2022, la requérante a informé la REA d’une mise à jour de la répartition du montant total de la créance de 681 364,81 euros à recouvrer auprès des différents participants au projet SANAD. Tout en déclarant maintenir sa contestation de principe, elle a indiqué que sa part s’élevait à 202 833,48 euros et celle des deux autres participants à respectivement 211 855,32 et 266 626,01 euros.

24      Le 29 septembre 2022, la REA a communiqué à la requérante, d’une part, la note de crédit no 3234220185 d’un montant total de 681 364,81 euros annulant, notamment, la note de débit no 3242113938 et prenant en compte la répartition de sa créance entre les différents participants au projet SANAD, conformément à la lettre du 22 juin 2022 de la requérante, et, d’autre part, la nouvelle note de débit spécifique à sa créance sur la requérante.

 Conclusions des parties

25      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer qu’elle a correctement rempli ses obligations contractuelles et qu’elle a pleinement droit au paiement des coûts réclamés pour le projet SANAD et annuler la note de débit no 3242113938 ;

–        condamner la REA aux dépens de la procédure devant le Tribunal ou, dans l’hypothèse où il ne serait pas fait droit aux conclusions du présent recours, s’abstenir de la condamner elle-même aux dépens, compte tenu de la complexité de la présente affaire.

26      La REA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son ensemble comme étant non fondé ;

–        déclarer que sa créance d’un montant de 202 883,48 euros à l’égard de la requérante, telle que mentionnée dans la nouvelle note de débit, a été établie conformément à la convention de subvention ;

–        par conséquent, rendre exécutoire la créance de 202 883,48 euros, telle qu’elle figure dans ladite note de débit, qui a été émise dans le cadre de ladite convention ;

–        condamner la requérante à lui payer cette note de débit d’un montant de 202 883,48 euros ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

27      À l’appui du recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés, en substance, premièrement, d’une violation du champ d’application de la convention de subvention, deuxièmement, d’une violation des modalités de contrôle des dépenses, troisièmement, d’une violation du principe de bonne foi ayant concouru à une inversion de l’ordre des preuves et, quatrièmement, d’une violation du principe de proportionnalité.

 Observations liminaires

 Sur le droit applicable

28      Le Tribunal doit trancher le litige sur la base du droit matériel applicable à la convention de subvention. En l’espèce, conformément à l’article 9, premier alinéa, de ladite convention, celle-ci est régie par ses propres stipulations, par les actes du droit de l’Union relatifs au septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013), par le règlement financier applicable au budget général de l’Union ainsi que ses règles d’exécution, par les autres dispositions du droit de l’Union et, à titre subsidiaire, par le droit belge.

29      Les règles matérielles régissant la convention de subvention sont prévues par le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 1605/2002 (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier de 2012 »).

30      En effet, il ressort du point 4 ci-dessus que la convention de subvention a été conclue et est entrée en vigueur le 20 décembre 2012. Or, conformément à l’article 214 du règlement financier de 2012, celui-ci est entré en vigueur le 27 octobre 2012, soit un jour après sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, et il était applicable, sauf exception, à partir du 1er janvier 2013.

31      Les règles procédurales régissant l’audit financier sont issues, quant à elles, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier de 2018 »), dont l’article 282 prévoit une entrée en vigueur et une application à compter du 2 août 2018.

32      S’agissant du droit belge, il y a lieu de se référer au code civil, tel qu’il était en vigueur lors de la conclusion et de l’exécution de la convention de subvention. Ce dernier prévoit, notamment, à son article 1134, troisième alinéa, que les conventions « doivent être exécutées de bonne foi », à son article 1156, qu’« on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes », à son article 1161, que les dispositions contractuelles doivent être interprétées « les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’acte entier », à son article 1162, que, « dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation », à son article 1163, que, « [q]uelque généraux que soient les termes dans lesquels une convention est conçue, elle ne comprend que les choses sur lesquelles il paraît que les parties se sont proposées de contracter » et, à son article 1315, que « [c]elui qui réclame l’exécution d’une obligation, doit la prouver » et que, « [r]éciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».

 Sur le premier chef de conclusions de la requérante, en ce qu’il tend à l’annulation de la note de débit no 3242113938

33      Ainsi qu’il ressort du point 25 ci-dessus, par son premier chef de conclusions, la requérante demande, en substance, non seulement au Tribunal de déclarer éligibles les dépenses dont la récupération est exigée par la REA, mais également qu’il « annule » la note de débit no 3242113938.

34      S’agissant de la seconde partie du premier chef de conclusions, il convient certes de relever qu’elle aurait été recevable en dépit de l’utilisation d’une terminologie propre au contrôle de légalité, dès lors qu’elle constitue également un prolongement de la première partie de ce chef de conclusions avec laquelle elle se confond, dans la mesure où elle vise, en substance, à faire constater l’inexistence de la créance contractuelle réclamée par la note de débit no 3242113938 au titre de la convention de subvention et à conserver dans sa totalité le concours financier qui lui a été alloué en exécution de ses obligations dans le cadre de ladite convention. De ce fait, nonobstant l’usage d’une terminologie caractéristique des recours introduits sur le fondement de l’article 263 TFUE, elle ne vise pas l’annulation d’un acte administratif, mais doit être considérée comme étant clairement fondée sur l’article 272 TFUE et comme relevant du contentieux contractuel et se confondant avec la première partie du premier chef de conclusions (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2022, Green Power Technologies/Entreprise commune « Technologies numériques clés », T‑533/20, non publié, EU:T:2022:805, points 35 à 37 et 39 à 40).

 Sur le premier moyen du recours, tiré, en substance, d’une violation du champ d’application de la convention de subvention

35      La requérante conteste tant les modalités de réalisation que le contenu du rapport d’audit final qui, selon elle, ne relève pas du champ d’application de la convention de subvention, dans la mesure où ce rapport a été ordonné par la REA à titre exceptionnel à l’égard d’un financement à taux forfaitaire qui est propre à une recherche axée sur les résultats et qui n’est donc pas soumis à une vérification ex post.

36      La requérante estime qu’elle a fait l’objet d’un audit en contradiction avec les règles applicables en l’espèce et que les preuves réclamées étaient indues. L’audit financier, exécuté par le personnel de la REA, aurait été mis en œuvre de façon tardive et n’aurait pas été mené de bonne foi, ni conformément à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et à l’article 1134 du code civil belge. À cet égard, l’obligation de conserver des preuves exhaustives aurait été introduite lors de la réalisation du projet SANAD et la distinction entre les indemnités forfaitaires et les événements relatifs à ces indemnités dans le cadre dudit audit ne tiendrait pas compte du chevauchement entre les deux notions. Selon la requérante, seule l’inexistence d’un détachement devait faire l’objet d’un examen dans le cadre de cet audit et un examen plus approfondi des détachements équivaudrait à une évaluation sur le fond qui dépasserait le cadre d’un tel audit. Or, la REA nierait l’existence même des détachements de personnel tout en revendiquant le bénéfice des travaux scientifiques correspondants, et ce, à titre gratuit. L’audit en question correspondrait en outre à une réaction tardive, et donc inappropriée, de la REA et il aurait été établi de manière visiblement inquisitoire, en présumant l’existence d’erreurs présentant un caractère systématique.

37      La requérante soutient en particulier que, dans le cas d’un financement forfaitaire, pour lequel aucune preuve n’est nécessaire, il doit être répondu aux doutes émis a posteriori quant à la réalité des dépenses engagées en procédant à l’examen de tous les éléments disponibles susceptibles d’établir la présence physique des chercheurs détachés, même approximativement, pour autant que ces éléments tendent, cumulativement et individuellement, à dissiper ces doutes. Or, le fait d’exiger a posteriori que chaque type de preuve, comme les cartes d’embarquement, contribue à une preuve complète des dépenses en question serait abusif et relèverait d’un formalisme excessif, par une tentative d’interprétation littérale de la convention de subvention.

38      La REA observe que la requérante ne conteste pas le fait que, en application de l’article II.21 des conditions générales de la convention de subvention, des audits pouvaient être menés sans que cela constitue une violation de ses obligations contractuelles au regard de l’article 1134 du code civil belge ou de l’article 41 de la Charte, ce dernier ne pouvant, au demeurant, pas être invoqué en matière contractuelle. Elle fait valoir qu’elle n’a pas exécuté ses obligations contractuelles de mauvaise foi ou de façon inquisitoriale, une telle allégation n’étant pas démontrée. Selon elle, la requérante ne conteste pas davantage l’obligation de conserver et de mettre à disposition les éléments de preuve conformément aux articles II.21.2 et II.21.3 des conditions générales de ladite convention. En outre, elle considère que, même si les détachements de personnel donnaient lieu à des indemnités basées sur un taux forfaitaire, cela n’aurait pas supprimé la possibilité de procéder à une vérification ex post, par le biais de divers moyens de preuve, de la réalité de ces détachements et de leur conformité aux conditions spécifiques visées aux articles III.2 à III.4 de cette convention, sans se limiter aux engagements unilatéraux de la requérante.

39      Selon la REA, les frais afférents aux détachements litigieux n’ont pas été rejetés dans leur intégralité, contrairement à ce que laisse entendre la requérante. En outre, elle fait valoir que les affirmations tirées d’un enrichissement injuste de sa part ou du caractère inapproprié de l’audit financier seraient non fondées.

40      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que la convention de subvention est d’abord régie par ses propres stipulations. Ces dernières prévoient, à l’article II.17 des conditions générales, sous le titre « La contribution financière de l’Union », que les frais de détachement peuvent donner lieu à un financement forfaitaire, dans les termes suivants :

« 1.      La contribution financière de l’Union au projet est déterminée par activité et par bénéficiaire sur la base des coûts éligibles réels et/ou selon les taux forfaitaires et/ou selon les montants forfaitaires acceptés par la REA.

2.      Les conditions d’application des taux et/ou des montants forfaitaires sont indiquées à l’annexe III. Le montant maximal des taux et/ou des montants forfaitaires est déterminé en fonction des taux de référence établis dans le programme de travail et le montant total estimé de la contribution financière de l’Union est indiqué à l’annexe I.

3.      La contribution financière de l’Union est calculée en se référant au coût global du projet et son remboursement est fondé sur les coûts acceptés de chaque bénéficiaire.

4.      La contribution financière de l’Union ne peut être une source de profit pour un bénéficiaire. À cet effet, à la date de présentation du dernier état financier, le montant final de la contribution financière de l’Union tiendra compte de toutes les recettes du projet perçues par chaque bénéficiaire. Pour chaque bénéficiaire, la contribution financière de l’Union ne peut excéder les coûts éligibles, déduction faite des recettes du projet.

[…]

7.      Les financements sous forme de taux et/ou de montants forfaitaires sont limités aux montants établis à l’annexe I. Si les conditions ou les motifs d’octroi de ces contributions ne sont pas remplis ou ne le sont que partiellement à l’achèvement du projet, la REA retirera ou réduira la contribution en fonction du degré réel de réalisation des conditions ou des exigences. »

41      Par ailleurs, les stipulations de la convention de subvention, à l’article II.21 des conditions générales, sous le titre « Audit et contrôle financiers », prévoient dans quelles conditions des audits financiers peuvent être réalisés :

« 1.      À tout moment de l’exécution du projet et jusqu’à cinq ans après la fin du projet, la REA ou la Commission peut faire procéder à des audits financiers, soit par des auditeurs externes, soit par les services de la REA ou de la Commission eux-mêmes y compris l’OLAF. La procédure d’audit est réputée engagée à la date de réception de la lettre envoyée par la REA ou la Commission à ce sujet. Ces audits peuvent porter sur des aspects financiers, systémiques et autres (tels que les principes de comptabilité et de gestion) se rapportant à la bonne exécution de la convention de subvention. Ils s’effectuent sur une base confidentielle.

2.      Les bénéficiaires mettent directement à la disposition de la REA ou de la Commission toutes les informations et données détaillées qui peuvent être demandées par la REA ou la Commission ou par tout représentant qu’elle mandate, en vue de vérifier si la convention de subvention est bien gérée et si ses dispositions sont respectées du point de vue de son exécution et de l’imputation des coûts. Ces informations et données doivent être précises, complètes et effectives.

3.      Les bénéficiaires conservent, jusqu’à cinq ans après la fin du projet, les originaux ou, dans des cas exceptionnels, les copies certifiées conformes des originaux - y compris des copies électroniques - de tous les documents concernant la convention de subvention. Ces documents sont mis à la disposition de la REA ou de la Commission lorsqu’ils sont demandés durant un audit dans le cadre de [ladite convention].

4.      Pour permettre l’exécution de ces audits, les bénéficiaires veillent à ce que les services de la REA ou de la Commission et tout organisme externe mandaté par eux puissent se rendre sur place à toute heure raisonnable, en particulier dans les bureaux du bénéficiaire, pour y recueillir ses données informatisées, ses données comptables et toutes les informations nécessaires à l’exécution des audits, notamment les informations relatives aux salaires individuels des personnes participant au projet. Ils veillent à ce que les informations soient faciles à obtenir sur place au moment de l’audit et puissent être remises, le cas échéant, sous une forme appropriée.

5. Un rapport provisoire est établi sur la base des constatations effectuées lors de l’audit financier. Il est envoyé par la REA ou la Commission ou par son mandataire au bénéficiaire concerné, qui peut formuler ses observations dans un délai d’un mois à compter de sa réception. La REA ou la Commission peut décider de ne pas tenir compte des observations ou documents communiqués après l’expiration de ce délai. Le rapport final est envoyé au bénéficiaire concerné dans les deux mois qui suivent l’expiration de ce délai.

6. Sur la base des conclusions de l’audit, la REA ou la Commission prend les mesures appropriées qu’elle estime nécessaires, y compris l’établissement d’ordres de recouvrement portant sur tout ou partie des paiements qu’elle a effectués et l’imposition des sanctions applicables.

[…] »

42      La lecture des stipulations de la convention de subvention permet de constater que la prise en charge forfaitaire des coûts éligibles, notamment les frais de détachement, n’emporte aucune conséquence sur la faculté de la REA ou de la Commission de mettre en œuvre un audit financier et, dans ce cadre, de demander à la requérante, en tant que bénéficiaire, de présenter des justificatifs afin de démontrer la réalité des dépenses engagées afin de vérifier que « [ladite convention] est bien gérée et [que] ses dispositions sont respectées du point de vue de son exécution », ainsi que cela est prévu à l’article II.21, paragraphe 2, des conditions générales de cette convention.

43      Ce faisant, la demande de tels justificatifs, dont rien ne permet en l’espèce de considérer qu’elle est intervenue tardivement, ne revient pas, contrairement à ce que soutient la requérante, à remettre en cause le caractère forfaitaire de la prise en charge des coûts en question, mais a uniquement pour objectif de démontrer que ces coûts, en particulier ceux relatifs aux détachements de chercheurs, ont effectivement été engagés, ce qui ouvrait le droit à leur prise en charge forfaitaire.

44      Les arguments de la requérante tendant à contester cette approche ne peuvent qu’être rejetés.

45      Tout d’abord, s’agissant de la violation alléguée de l’article 1134 du code civil belge, il convient de rappeler que, selon la Cour de cassation (Belgique), le principe consacré par cet article, en vertu duquel les contrats de subvention doivent être exécutés de bonne foi, interdit à une partie d’abuser d’un droit qui lui est reconnu par le contrat. L’abus de droit consiste à exercer un droit d’une manière qui excède manifestement les limites de l’exercice normal de ce droit par une personne prudente et diligente. Or, il ne peut être exclu que constitue un abus de droit le fait pour le titulaire d’un droit de s’en prévaloir après avoir créé, chez l’autre partie, la confiance légitime dans le fait qu’il ne l’exercera pas par un comportement objectivement incompatible avec l’exercice normal de ce droit (voir arrêt du 21 décembre 2021, Datax/REA, T‑381/20, non publié, EU:T:2021:932, point 122 et jurisprudence citée).

46      Or, la requérante, qui se prévaut principalement du fait que le caractère forfaitaire de la prise en charge serait incompatible avec des demandes de justificatifs formulées ex post, méconnaît à l’évidence la formulation claire et non équivoque des stipulations contractuelles qui n’excluent nullement une telle possibilité et prévoient, en particulier, l’obligation pour le bénéficiaire du financement de conserver, jusqu’à cinq ans après la fin du projet, les originaux ou, dans des cas exceptionnels, les copies certifiées conformes des originaux, y compris des copies électroniques, de tous les documents concernant la convention de subvention. En outre, cette dernière stipule que les audits financiers peuvent être diligentés par le personnel de la REA ou de la Commission, ce que la requérante remet désormais en cause par principe, en invoquant un manque d’impartialité dudit personnel, mais sans apporter le moindre élément de preuve à cet égard, de sorte que son argumentation sur ce point est infondée.

47      La requérante ne démontre pas davantage qu’elle aurait reçu de la part de la REA des assurances susceptibles de faire naître chez elle la confiance légitime que dans le cadre d’un audit financier, des pièces justificatives susceptibles de démontrer l’engagement de dépenses liées au détachement de chercheurs auprès de l’université hôte ne pourraient pas lui être demandées.

48      Ensuite, s’agissant de l’argument de la requérante tiré, en substance, du fait que toutes les dépenses prises en charge à titre forfaitaire seraient justifiées dans la mesure où elle a mené à bien le projet SANAD, voire du fait que l’achèvement dudit projet aurait été impossible si les détachements n’avaient jamais eu lieu ou n’avaient eu lieu que très partiellement, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 121 du règlement financier de 2012, applicable à la date de signature de la convention de subvention, une telle convention a, en substance, pour objectif de promouvoir une certaine activité auprès du bénéficiaire et non pas d’obtenir la propriété ou une partie du projet subventionné. Ce principe est expressément rappelé à l’article II.25.1 des conditions générales de ladite convention, selon lequel la propriété des résultats du projet en question est détenue par le bénéficiaire de celui-ci (voir, par analogie, arrêt du 14 décembre 2022, Green Power Technologies/Entreprise commune « Technologies numériques clés », T‑533/20, non publié, EU:T:2022:805, point 106).

49      Ainsi, dès lors que, dans le cadre d’une convention de subvention, il ne s’agit pas d’avancer des fonds en échange de la réalisation d’un projet, la contribution financière de l’Union ne représente pas la contrepartie du projet SANAD, mais vise à promouvoir la réalisation dudit projet (voir, par analogie, arrêt du 14 décembre 2022, Green Power Technologies/Entreprise commune « Technologies numériques clés », T‑533/20, non publié, EU:T:2022:805, point 107).

50      Il s’ensuit qu’il ne suffit pas que le projet SANAD ait été bien exécuté sur le plan technique et de manière conforme à ce qui était stipulé dans la convention de subvention pour que la requérante ait droit aux concours financiers prévus. Il faut également que la requérante ait bien exécuté les obligations qui lui incombaient en vertu de ladite convention, de manière à permettre à la REA, conformément à l’article II.21 de ses conditions générales, de vérifier, notamment lors d’un audit financier, que les coûts déclarés sont éligibles et justifiés (voir, par analogie, arrêt du 14 décembre 2022, Green Power Technologies/Entreprise commune « Technologies numériques clés », T‑533/20, non publié, EU:T:2022:805, point 108 et jurisprudence citée).

51      Dès lors, en cas de violation des obligations financières stipulées dans la convention de subvention, le bénéficiaire de l’aide financière perd le droit au paiement des subventions et, partant, au titre de l’article II.21, paragraphe 6, des conditions générales de ladite convention, le cocontractant de la requérante est tenu de prendre toutes les mesures appropriées à cet égard, y compris la récupération intégrale ou partielle de la subvention, indépendamment du fait que le projet SANAD ait été bien exécuté sur le plan technique (voir, par analogie, arrêt du 14 décembre 2022, Green Power Technologies/Entreprise commune « Technologies numériques clés », T‑533/20, non publié, EU:T:2022:805, point 109).

52      Ainsi, le fait que le projet SANAD ait pu être mené à son terme avec succès ne permet pas de remettre en cause la mise en œuvre de l’audit financier ou les conditions de cette mise en œuvre par la REA.

53      Enfin, s’agissant de la violation alléguée de l’article 41 de la Charte, il y a lieu de rappeler qu’une telle violation ne peut, en principe, être valablement invoquée dans un litige qui, comme en l’espèce, est de nature contractuelle et relève de la mise en œuvre de l’article 272 TFUE, dans la mesure où la requérante ne peut invoquer que des violations des stipulations contractuelles ou du droit applicable au contrat lorsque, comme en l’espèce, le Tribunal n’est pas saisi simultanément, en application de l’article 263 TFUE, d’un recours en annulation contre une décision de la Commission formant titre exécutoire formalisant une créance contractuelle. Or, il y a lieu de constater qu’il n’a pas été établi, la requérante ne l’ayant au demeurant pas soutenu, que la note de débit no 3242113938, dont l’annulation était sollicitée, constituait un titre exécutoire (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 88).

54      Le présent moyen n’apparaît donc pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen du recours, tiré, en substance, d’une violation des modalités de contrôle des dépenses

55      La requérante fait valoir que, dans l’hypothèse où le contrôle ayant abouti au rapport d’audit final devrait néanmoins être considéré comme relevant du champ d’application de la convention de subvention, il aurait dû être effectué par l’ordonnateur des concours financiers au titre d’une vérification ex ante, sur la base de preuves tirées de mécanismes de contrôle électronique, en particulier le « Reporting and Participants Portal » (portail de reporting et des participants), établis au sein de l’université hôte, qui était spécifiquement chargée de collecter périodiquement les données de détachement dans ses propres locaux, et il aurait dû donner lieu à une surveillance par la REA qui aurait également dû fournir en temps utile une information sur la nature des preuves requises, et non in extremis lors de l’audit financier. En ne procédant pas de la sorte, cette dernière aurait violé les conditions de la convention de subvention telles qu’elles auraient dû être appréciées au regard du droit applicable.

56      La REA expose en réponse que, en vertu de l’article II.21.3 des conditions générales de la convention de subvention, la requérante était tenue de conserver pendant cinq ans les originaux ou des copies des documents justificatifs. Compte tenu des lacunes dans les preuves produites initialement, elle estime qu’elle était tenue de demander des preuves telles que les cartes d’embarquement. À cet égard, elle relève que les rapports périodiques sur l’avancement du projet n’étaient pas destinés à fournir des preuves sur la fiabilité des coûts encourus et que l’objectif de l’audit financier était de rechercher des preuves pouvant attester que les coûts déclarés avaient été encourus conformément aux informations déjà fournies par les bénéficiaires dans le cadre des rapports périodiques. Or, ledit audit aurait mis en évidence des divergences entre les rapports périodiques et les documents soumis ultérieurement, ce qui aurait conduit au rejet partiel des frais de détachement de certains chercheurs.

57      Il convient de relever que, par son argumentation, la requérante invoque, en substance, un renversement indu de la charge de la preuve par la REA, dans la mesure où il aurait incombé à cette dernière, en utilisant les informations auxquelles elle pouvait avoir directement accès pendant l’exécution du projet SANAD, de vérifier par elle-même la conformité des détachements des quatre chercheurs concernés auprès de l’université hôte avec les règles issues de la convention de subvention, ce qui aurait rendu inutile la demande ex post, et au demeurant tardive, de pièces justificatives.

58      Ainsi, sans contester que, à l’issue de l’audit financier, la REA nourrissait des doutes sur la conformité des détachements des quatre chercheurs en question auprès de l’université hôte, la requérante se limite à soutenir qu’il appartenait à la REA de dissiper elle-même ces doutes en analysant les informations issues du « Reporting and Participants Portal ».

59      À cet égard, ainsi que le fait valoir la REA, il y a lieu de rappeler que, en vertu des stipulations de l’article II.21.2 de ses conditions générales, la convention de subvention, de même que le droit d’audit qui va avec, exigent du bénéficiaire qu’il soit en mesure de produire « toutes les informations et données détaillées » pour prouver les coûts et les activités ainsi que la conformité de ceux-ci avec ladite convention (voir point 41 ci-dessus).

60      Or, l’audit financier avait mis en lumière certains manques, voire des incohérences, dans la demande de prise en charge des détachements litigieux. Il était notamment relevé dans le rapport d’audit final que, en ce qui concerne un des chercheurs concernés, la durée de son détachement, inférieure à deux mois, n’ouvrait pas droit à une prise en charge, tandis que, s’agissant des trois autres chercheurs concernés, seule une partie de leurs détachements était étayée par des preuves cohérentes avec les rapports périodiques du projet et avec les états financiers qui avaient été produits.

61      Dès lors que de telles irrégularités dans la demande de prise en charge, fût-elle forfaitaire, avaient été relevées, il était du devoir de la REA de solliciter des éléments justificatifs qui pouvaient prendre la forme, s’agissant de la preuve des voyages à destination de l’université hôte, de billets de transport, de cartes d’embarquement ou autres, et s’agissant des séjours sur place, de reçus de frais d’hébergement ou autres. De tels éléments justificatifs apparaissaient, en l’espèce, tout à fait pertinents au regard de la nature des dépenses qu’il convenait de justifier et, ainsi que le fait valoir, en substance, la REA, ils pouvaient être considérés comme très probants dans la mesure où, à la différence des déclarations issues du « Reporting and Participants Portal », ils n’étaient pas établis à partir de simples déclarations sur l’honneur des participants au projet SANAD.

62      En effet, selon un principe fondamental régissant les concours financiers de l’Union, celle-ci ne peut subventionner que des dépenses effectivement engagées. Il découle de ce principe qu’il ne suffit pas pour le bénéficiaire de l’aide de démontrer qu’un projet a été réalisé pour justifier l’attribution d’une subvention spécifique. Celui-ci doit, de surcroît, apporter la preuve qu’il a exposé les frais déclarés conformément aux conditions fixées pour l’octroi de la subvention ou du concours financier concerné, seuls des frais dûment justifiés pouvant être considérés comme éligibles. Son obligation de respecter les conditions financières fixées constitue un engagement essentiel et, de ce fait, conditionne l’attribution de la subvention de l’Union (voir arrêt du 21 décembre 2021, Datax/REA, T‑381/20, non publié, EU:T:2021:932, point 52 et jurisprudence citée).

63      Par ailleurs, pour autant que la requérante soutienne que la charge de la preuve doit être renversée au regard du standard fixé par l’article 1315 du code civil belge, il doit également être rappelé que, dans la mesure où la répartition de la charge de la preuve quant à l’éligibilité des coûts exposés par le bénéficiaire d’une subvention est régie par cet article, ce dernier énonce que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

64      Or, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d’une convention qui contient une clause compromissoire au sens de l’article 272 TFUE, il incombe à la partie qui, en vue de l’attribution d’une contribution financière de l’Union, a déclaré les coûts à l’entité qui octroie le financement d’apporter la preuve que lesdits coûts satisfont aux conditions financières de la convention de subvention en vigueur (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2022, Sieć Badawcza Łukasiewicz – Port Polski Ośrodek Rozwoju Technologii/Commission, T‑4/20, EU:T:2022:242, point 114 et jurisprudence citée).

65      Ainsi, il apparaît que, par son argumentation, la requérante soutient à tort que, en ce qui concerne les modalités de contrôle des dépenses, la REA a procédé à un renversement indu de la charge de la preuve lorsque, afin de compléter les preuves produites initialement, elle a sollicité de la requérante des preuves supplémentaires telles que des cartes d’embarquement ou des reçus de frais d’hébergement.

66      Il y a donc lieu de rejeter le présent moyen comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen du recours, tiré, en substance, d’une violation du principe de bonne foi

67      Dans le cadre du présent moyen, qui comporte quatre branches, la requérante fait valoir que, même s’il devait être considéré que l’audit financier relevait du champ d’application de la convention de subvention et que la charge de la preuve lui incombait par principe, elle a communiqué à temps tous les documents demandés et que le rejet, au motif d’erreurs systématiques, des coûts de détachement dans le cadre d’une vérification ex post impropre à une telle vérification, dès lors qu’il s’inscrivait dans un financement à taux forfaitaire, a été effectué en violation du principe de bonne foi.

68      Par la première branche, la requérante soutient, en substance, que la REA a violé le principe de bonne foi en s’abstenant, de manière injustifiée et arbitraire, d’autoriser les versements litigieux lorsque des réalisations ou des résultats concrets étaient atteints, alors même que cela était possible et approprié au regard de l’article 181, paragraphe 2, du règlement financier de 2018.

69      Par la deuxième branche, la requérante fait valoir, en substance, que la REA a violé le principe de bonne foi en modifiant unilatéralement et tardivement les termes de la convention de subvention, en violation de l’article 1134 du code civil belge. En particulier, elle affirme que, par une lettre du 8 octobre 2018, qui doit être considérée comme une ligne directrice, la REA lui a indiqué, en tant que coordinatrice du consortium, que, s’agissant des frais de déplacement, il n’était pas nécessaire de recueillir toutes les preuves, alors que, dans une note antérieure du 6 mai 2015, il lui avait été préconisé de conserver les pièces justificatives démontrant l’éligibilité des détachements et que, dans une lettre du 22 décembre 2021, la REA a finalement considéré que la majorité des pièces justificatives étaient manquantes, ce qui a rendu inéligibles les dépenses en question.

70      Par la troisième branche, la requérante expose, en substance, que la REA a violé le principe de bonne foi en se focalisant dans le cadre de son appréciation des éléments de preuve, en particulier, sur l’absence de certains des titres de transport, ce qui l’a privée du droit de définir l’étendue de ses obligations dans un contexte où les conditions de mise en œuvre de l’audit financier et les stipulations contractuelles étaient imprécises, en violation des articles 1162 et 1163 du code civil belge.

71      Par la quatrième branche, la requérante estime, en substance, que la REA a violé le principe de bonne foi en faisant abstraction de toute autre forme de preuve que les titres de transport, en violation de l’article 1161 du code civil belge. Elle précise qu’il ne saurait être remédié à ce type de comportement abusif qu’en reprenant la solution adoptée dans le nouvel article 8.4 du code civil belge, à savoir en renversant la charge de la preuve pour des motifs exceptionnels, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce et l’a privé du droit d’interpréter ses obligations contractuelles à son avantage.

72      La REA estime que l’argumentation de la requérante doit être rejetée comme étant inopérante ou, subsidiairement, non fondée, en ce que, sans plus de précisions, celle-ci se borne à contester la convention de subvention ou l’interprétation qu’elle en a faite.

73      En premier lieu, la REA soutient que l’article 181, paragraphe 2, du règlement financier de 2018 n’est pas pertinent, car cette disposition concerne l’application du taux forfaitaire et non les contrôles qui peuvent être appliqués. La vérification ex post réalisée en l’espèce trouverait sa base juridique dans l’article 183 dudit règlement financier, qui autoriserait les contrôles ex post même pour les subventions sous forme de taux forfaitaire.

74      En deuxième lieu, la REA fait observer que, dans son courrier du 21 août 2019 annonçant l’audit financier, elle a confirmé les dispositions applicables de la convention de subvention, mais sans introduire de nouvelles exigences en matière de preuves. En outre, à cette date, elle affirme qu’elle ignorait que les détachements déclarés ne correspondaient pas aux décomptes horaires présentés au cours de l’audit, de sorte que des éléments de preuve tels que des cartes d’embarquement s’avéraient nécessaires. Elle conteste ainsi avoir agi de mauvaise foi, puisqu’elle était tenue au principe de bonne gestion financière prévu par l’article 317 TFUE, et elle estime avoir respecté les dispositions de ladite convention. Enfin, la requérante ne démontrerait pas que, au regard des articles 1134, 1156 et 1163 du code civil belge, le sens et la portée des dispositions pertinentes de cette convention auraient été méconnus.

75      En troisième lieu, la REA fait valoir que la requérante tente de se référer à des dispositions de la convention de subvention qui ne sont pas pertinentes. Elle indique que, si elle a demandé des pièces complémentaires, cela visait à combler les lacunes par rapport aux exigences de l’audit financier, afin de confirmer les dates de détachement des chercheurs telles que la requérante les avait déclarées, et ce en l’absence de conventions de détachement pourtant obligatoires. Elle souligne également que la requérante n’a étayé par aucune preuve son allégation selon laquelle elle a agi de mauvaise foi ou abusé de ses droits contractuels. Elle maintient donc sa position selon laquelle, malgré l’obligation qui pesait sur la requérante, celle-ci n’a pas fourni les accords de détachement ou les contrats de travail satisfaisant aux conditions de la convention de subvention. La demande de production de documents de voyage n’aurait pas présenté un caractère excessif, étant précisé que la requérante ne pouvait se constituer des preuves à elle-même.

76      En quatrième lieu, la REA conteste tout renversement de la charge de la preuve. Elle expose que, selon l’article 8.4. du livre 8 du nouveau code civil belge, il est exigé que la partie qui revendique le financement d’une activité soit en mesure de prouver que l’activité en question satisfait aux conditions de la convention de subvention.

77      En l’espèce, en ce qui concerne la première branche du troisième moyen, il y a lieu de rappeler que, sous le titre « Montants forfaitaires, coûts unitaires et financements à taux forfaitaire », l’article 181, paragraphe 2, du règlement financier de 2018 dispose que « [q]uand cela est possible et approprié, les montants forfaitaires, coûts unitaires ou taux forfaitaires sont déterminés de manière à permettre leur versement lorsque des réalisations et/ou des résultats concrets sont atteints ».

78      Ainsi, l’article 181, paragraphe 2, du règlement financier de 2018, comme le fait valoir la REA, concerne la possibilité de déterminer un taux forfaitaire pour le versement du concours financier de l’Union et n’est donc pas pertinente s’agissant de la détermination des contrôles pouvant être effectués ex post dans le cadre d’un audit financier.

79      En revanche, de tels contrôles peuvent parfaitement être effectués dans un contexte de financement forfaitaire et ils disposent d’une base légale à l’article 183 du règlement financier de 2018, en vertu duquel « [l]’ordonnateur compétent vérifie, au plus tard avant le versement du solde, le respect des conditions qui déclenchent le paiement des montants forfaitaires, des coûts unitaires ou des taux forfaitaires, y compris, le cas échéant, les réalisations et/ou résultats atteints[, l]e respect de ces conditions [pouvant] aussi faire l’objet de contrôles ex post] ».

80      Au demeurant, il doit être rappelé que, ainsi que cela résulte du point 50 ci-dessus, il ne suffit pas que des « réalisations [ou] des résultats concrets [aient été] atteints » dans le cadre du projet SANAD sur le plan scientifique ou technique et de manière conforme à ce qui était stipulé dans la convention de subvention pour permettre le versement automatique du concours financier forfaitaire de l’Union ou pour rendre inutile un audit financier qui, comme en l’espèce, était destiné à vérifier non pas la mise en œuvre des objectifs concrets assignés audit projet, mais l’exactitude des informations ouvrant droit au versement dudit concours.

81      Par conséquent, la première branche du troisième moyen doit être écartée, à titre principal comme étant inopérante et, à titre subsidiaire, comme étant non fondée.

82      En ce qui concerne la deuxième branche du troisième moyen, il convient de relever que, à son appui, la requérante invoque une modification unilatérale et tardive des termes de la convention de subvention, en particulier parce que la REA lui a transmis, au cours de l’exécution de cette convention, des informations contradictoires concernant les pièces justificatives destinées à démontrer l’exécution correcte de ladite convention.

83      Il y a toutefois lieu de rappeler que les relations entre les parties sont régies, à titre principal, par les stipulations de la convention de subvention, dont l’article II.21, paragraphes 2 et 3, des conditions générales prévoit la faculté pour la REA ou pour la Commission, dans le cadre de la mise en œuvre d’un audit financier, de demander à la requérante, en tant que bénéficiaire, de présenter des justificatifs, jusqu’à cinq années après la fin du projet SANAD, afin de démontrer la réalité des dépenses engagées.

84      Or, il apparaît que, contrairement à ce que soutient la requérante, la REA n’a jamais entendu modifier les droits qu’elle tirait de la convention de subvention, ni renoncer à une partie de ceux-ci, s’agissant de la faculté dont elle disposait d’exiger la production de pièces justificatives de la part de la requérante.

85      À cet égard, le courrier du 8 octobre 2018 adressé par la REA à la requérante, qui, selon cette dernière, devrait être qualifié de « lignes directrices sur la conservation des preuves », se limite à mentionner, en substance, que les actions du projet SANAD comprennent une catégorie de coûts, intitulée « Frais de déplacement », qui correspond « à une contribution forfaitaire (allocation) au bénéfice des chercheurs bénéficiaires d’une bourse et qui n’est, en tant que telle, pas soumise à un contrôle portant sur les coûts réels, mais qui permet seulement de contrôler que les chercheurs ont reçu cette contribution en totalité moins les impôts et les cotisations sociales connexes ».

86      Contrairement, à ce que soutient la requérante, il n’est pas possible de considérer que les termes du courrier de la REA du 8 octobre 2018 présentent des contradictions avec ceux qui figurent, notamment, dans le courrier ultérieur de la REA du 21 août 2019, qui annonçait la mise en œuvre de l’audit financier et comportait, en annexe, la liste des documents requis à cette fin. Si le premier courrier mentionne qu’un contrôle n’est pas destiné à vérifier les coûts réels exposés dans le cadre des déplacements, puisque les coûts correspondants font l’objet d’une prise en charge forfaitaire, en revanche, il n’est aucunement exclu que les documents requis permettent de vérifier les dates effectives des détachements. À cet égard, la vérification des dates des vols qui ont été empruntés par les chercheurs en détachement, par le biais, notamment, des cartes d’embarquement, permet de vérifier que ces derniers se sont effectivement rendus auprès de l’université hôte et que les détachements ont bien eu lieu selon les stipulations de la convention de subvention.

87      Par ailleurs, s’agissant de l’obligation de la requérante de conclure avec les chercheurs détachés des conventions de détachement afin de répondre aux exigences des articles III.1.1, III.2.2, III.2.3(a) et III.4 des conditions générales de la convention de subvention, elle était destinée, ainsi que l’explique à juste titre la REA, à prouver l’existence des détachements en question.

88      S’il est exact que la requérante a produit des contrats de travail qui avaient été conclus avec les chercheurs concernés, ces contrats ne permettent pas de constater que lesdits chercheurs avaient été réellement détachés, en particulier parce que, comme le relève la REA et ainsi que cela ressort de l’audit financier, les dates auxquelles renvoient lesdits contrats ne correspondent pas spécifiquement aux dates des détachements, de sorte que la production de pièces supplémentaires, telles que des cartes d’embarquement, apparaissait tout à fait nécessaire pour démontrer l’existence de ces détachements.

89      Ainsi, la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

90      En ce qui concerne la troisième branche du troisième moyen, il convient de relever que, à son appui, la requérante invoque la focalisation de la REA dans le cadre de son appréciation des éléments de preuve, en particulier, sur l’absence de certains des titres de transport, ce qui l’a privée du droit de définir l’étendue de ses obligations dans un contexte où les conditions de mise en œuvre de l’audit financier et les stipulations contractuelles étaient imprécises, en violation des articles 1162 et 1163 du code civil belge.

91      Toutefois, bien que les stipulations contractuelles ne prévoient pas expressément l’obligation pour la requérante de produire des justificatifs de transport et d’hébergement des chercheurs détachés, il ressort notamment des conditions générales de ventes que les parties ont entendu mettre à la charge de la requérante la preuve de l’existence des détachements en question. L’argumentation de la requérante tirée d’une violation de l’article 1162 du code civil belge doit donc être rejetée comme inopérante. Par ailleurs, dans la mesure où, ainsi qu’il a été constaté dans le cadre de la deuxième branche du troisième moyen, les contrats de travail produits par la requérante ne permettaient pas de vérifier la réalité des dépenses engagées, il ne saurait être reproché à la REA d’avoir demandé, à cette fin, la production d’éléments complémentaires afin de démontrer l’existence de ces détachements, de sorte qu’aucune violation de l’article 1163 du même code ne peut être constatée en l’espèce.

92      Partant, il y a lieu de rejeter la troisième branche du troisième moyen comme étant non fondée.

93      En ce qui concerne la quatrième branche du troisième moyen, il convient de relever que, à son appui, la requérante invoque le fait que la REA a fait abstraction de toute autre forme de preuve que les titres de transport, en violation de l’article 1161 du code civil belge, alors même que le fait que la convention de subvention soit orientée vers l’atteinte d’objectifs scientifiques ou techniques aurait dû conduire la REA à renverser la charge de la preuve pour des motifs exceptionnels.

94      Or, il y a lieu de rappeler, à cet égard, qu’il ne suffit pas que le projet SANAD ait été bien exécuté sur le plan technique et de manière conforme à ce qui était stipulé dans la convention de subvention pour que les coûts déclarés soient éligibles et justifiés et que le droit aux concours financiers prévus soit automatiquement acquis en faveur de la requérante (voir point 50 ci-dessus).

95      En outre, l’affirmation de la requérante selon laquelle la REA a fait abstraction de tout autre forme de preuve que les titres de transport manque en fait. En effet, la REA a pris en considération les contrats de travail des chercheurs détachés produits par la requérante et ce n’est que parce que ceux-ci ne permettaient pas de vérifier la réalité des dépenses engagées qu’elle a demandé la production d’éléments complémentaires afin de démontrer l’existence de ces détachements conformément au sens qu’il convient de donner à l’obligation de la requérante de conclure avec les chercheurs détachés des conventions de détachement dans le but de répondre aux exigences des articles III.1.1, III.2.2, III.2.3(a) et III.4 des conditions générales de la convention de subvention, telle qu’elle résulte de ladite convention examinée dans son intégralité. Aucune violation de l’article 1161 du code civil belge ne saurait donc être constatée. Enfin, le nouvel article 8.4 du code civil belge, en vertu duquel, selon la requérante, un renversement de la charge de la preuve aurait dû intervenir pour des motifs exceptionnels, n’était en tout état de cause pas applicable en l’espèce.

96      Il y a donc lieu de rejeter la quatrième branche du présent moyen comme étant non fondée et, par conséquent, ledit moyen dans sa totalité.

 Sur le quatrième moyen du recours, tiré, en substance, d’une violation du principe de proportionnalité

97      La requérante fait valoir que, lorsque la variété des preuves concordantes tant internes qu’externes, mais également les orientations trompeuses avant et pendant la mise en œuvre de la convention de subvention sont correctement examinées, les inadéquations et les lacunes ayant pu être détectées dans les preuves doivent être ignorées ou, à tout le moins, ramenées à leur dimension appropriée. En revanche, ces inadéquations et ces lacunes, au motif qu’elles seraient systématiques, ne sauraient conduire à un rejet des dépenses en question, en particulier lorsque, conformément au principe général de proportionnalité, elles seraient dénuées de fondement ou d’un effet négligeable.

98      La REA rétorque, tout d’abord, que l’affirmation de la requérante selon laquelle les preuves fournies n’ont pas été traitées en toute bonne foi et en équité n’est pas étayée. Au contraire, ces preuves auraient été dûment analysées, ce qui aurait d’ailleurs permis de considérer que le détachement de certains chercheurs concernés était conforme à la convention de subvention. Par ailleurs, à supposer que le projet SANAD ait été correctement exécuté d’un point de vue technique, cela n’aurait pas suffi pour permettre au bénéficiaire audité de bénéficier de la contribution prévue par ladite convention. Encore fallait-il pouvoir justifier que les coûts avaient été exposés conformément à ladite convention. La REA fait valoir, ensuite, que, s’agissant du détachement de trois chercheurs concernés par ce projet, les preuves soumises n’ont pas permis de confirmer les dates réelles de détachement, telles qu’elles ont été avancées par la requérante, ni de vérifier que les dispositions spécifiques régissant ces détachements avaient été respectées. Enfin, au regard de la jurisprudence, la notion de « financement forfaitaire » ne pourrait pas être interprétée comme un argument pour être exempté des exigences spécifiques d’éligibilité des dépenses, ce qui rendrait inopérante l’argumentation de la requérante tirée de la violation du principe de proportionnalité.

99      En l’espèce, il y a lieu de rappeler qu’il n’y a pas de violation du principe de proportionnalité lorsqu’un ordonnateur de dépenses, qui prennent la forme d’un concours financier de l’Union, considère qu’il est insuffisant que le bénéficiaire d’un tel concours, pour pouvoir justifier de l’octroi de celui-ci, démontre qu’un projet a été réalisé et exige que ledit bénéficiaire apporte la preuve que les coûts déclarés ont été supportés conformément aux conditions fixées pour l’octroi du concours concerné (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, ADR Center/Commission, C‑584/17 P, EU:C:2020:576, point 109).

100    Or, si la requérante allègue en substance que les objectifs techniques et scientifiques du projet SANAD ont été atteints, en revanche, ainsi que cela résulte de l’examen des trois premiers moyens du recours, la REA a considéré à juste titre que les éléments de preuve produits initialement par la requérante et qui se rapportaient aux frais de déplacement et de séjour de plusieurs chercheurs en détachement ne répondaient pas aux exigences de la convention de subvention. En outre, à la suite de l’audit financier, la REA n’a pas commis d’erreur en estimant qu’il appartenait à la requérante de fournir des pièces supplémentaires. Or, ces dernières n’ont pas davantage permis d’établir que la requérante avait perçu la totalité du concours financier dans le respect des stipulations de ladite convention.

101    Au regard des obligations qui lui incombaient en sa qualité d’ordonnateur de dépenses (voir point 99 ci-dessus), la REA n’avait donc d’autre choix que de solliciter de la requérante le remboursement d’une partie du concours financier indûment perçu.

102    Ainsi, il ne saurait être reproché à la REA une violation du principe de proportionnalité alors qu’elle s’est uniquement conformée à son obligation de réclamer le remboursement du concours financier octroyé à la requérante, en proportion de la méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles. En effet, seuls les frais de séjour et de déplacement dont il ne pouvait être justifié qu’ils avaient effectivement été engagés ont été rejetés.

103    Par ailleurs, il doit également être rappelé, ainsi que cela résulte de l’examen de la deuxième branche du troisième moyen et contrairement à ce que soutient la requérante, qu’il ne saurait être reproché à la REA d’avoir fourni à la requérante des orientations trompeuses sur la mise en œuvre de la convention de subvention.

104    La requérante n’ayant pas démontré une violation par la REA du principe de proportionnalité, il y a lieu de rejeter le présent moyen comme étant non fondé.

105    Eu égard aux considérations qui précèdent, dans la mesure où aucun moyen de la requérante n’a été accueilli, il convient de rejeter son recours et d’analyser la demande reconventionnelle introduite par la REA dans le cadre de la présente procédure sur le fondement de l’article 272 TFUE.

 Sur la demande reconventionnelle

106    Par sa demande reconventionnelle, la REA demande au Tribunal qu’il déclare que sa créance d’un montant de 202 883,48 euros, telle qu’elle est mentionnée dans la nouvelle note de débit, a été établie conformément à la convention de subvention et que, par conséquent, il la rende exécutoire.

107    Dans le mémoire en duplique, la REA fait observer que, dans ses écritures en réponse, la requérante n’a pas contesté la demande reconventionnelle et que, par défaut, il y a lieu de considérer qu’elle l’a acceptée, par analogie avec la règle découlant de l’article 123 du règlement de procédure qui consacre la possibilité pour le Tribunal de rendre un jugement par défaut.

108    En l’espèce, dans la mesure où aucun des moyens soulevés par la requérante n’a été accueilli, il y a lieu de considérer que l’éligibilité des coûts dont la REA a refusé la prise en charge dans le cadre du projet SANAD et dont la récupération est demandée est fondée.

109    Il y a donc lieu de condamner la requérante à verser à la REA le montant litigieux, conformément aux conclusions de cette dernière.

110    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 280 TFUE, « [l]es arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne ont force exécutoire dans les conditions fixées à l’article 299 TFUE ».

111    L’article 299 TFUE dispose, quant à lui, que « [l]es actes du Conseil, de la Commission ou de la Banque centrale européenne qui comportent, à la charge des personnes autres que les États, une obligation pécuniaire forment titre exécutoire ».

112    En l’espèce, il suffit de constater que, conformément à l’article 280 TFUE, le présent arrêt a force exécutoire dans les conditions fixées à l’article 299 TFUE [voir, par analogie, ordonnance du 25 mai 2023, Classen Holz Kontor/EUIPO – Deutsche Steinzeug Cremer & Breuer (DRYTILE), T‑307/21 DEP, non publiée, EU:T:2023:290, point 48].

113    Il n’y a donc pas lieu de statuer formellement sur la demande tendant à ce que le Tribunal rende exécutoire la créance de la REA.

 Sur les dépens

114    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

115    Il s’ensuit que, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la REA.

116    S’agissant de la demande de la requérante visant à ce qu’elle ne soit pas condamnée aux dépens en raison de la complexité que présenterait cette affaire, il suffit d’observer, en tout état de cause, que les points tranchés dans le présent arrêt ne soulèvent pas de questions de droit nouvelles ou particulièrement complexes et sont aisément traités sur la base d’une jurisprudence claire et constante. Il en va de même en ce qui concerne les faits de l’espèce, lesquels ne soulèvent pas de difficultés d’appréciation particulières. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure dont entendrait se prévaloir la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La demande reconventionnelle de l’Agence exécutive européenne pour la recherche (REA) est accueillie.

3)      Global Nanotechnologies AE schediasmou anaptyxis paraskevis kai emporias ylikon nanotechnologias (Glonatech) est condamnée à verser à la REA la somme en principal de 202 883,48 euros, réclamée par cette dernière dans le cadre de la demande reconventionnelle.

4)      Glonatech est condamnée aux dépens.

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.