Language of document : ECLI:EU:T:2008:222

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

25 juin 2008 (*)

« Aides d’État – Aides en faveur des compagnies aériennes en raison des dommages causés par les attentats du 11 septembre 2001 – Décision déclarant le régime d’aides en partie incompatible avec le marché commun et ordonnant la récupération des aides versées – Article 87, paragraphe 2, sous b), CE – Communication de la Commission du 10 octobre 2001, relative aux conséquences des attentats du 11 septembre –Lien de causalité entre l’événement extraordinaire et le dommage – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑268/06,

Olympiaki Aeroporia Ypiresies AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Me P. Anestis, avocat, MM. T. Soames, G. Goeteyn et S. Mavroghenis, solicitors, et Me M. Pinto de Lemos Fermiano Rato, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme E. Righini et M. I. Chatzigiannis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2006) 1580 final de la Commission, du 26 avril 2006, concernant le régime d’aides d’État C 39/2003 (ex NN 119/2002) que la République hellénique a mis à exécution en faveur des transporteurs aériens à la suite des préjudices subis du 11 au 14 septembre 2001,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Papasavvas (rapporteur) et A. Dittrich, juges,

greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 décembre 2007,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par sa communication COM (2001) 574 final, du 10 octobre 2001 (ci-après la « communication du 10 octobre 2001 »), la Commission a informé le Parlement européen et le Conseil de son évaluation relative aux conséquences pour l’industrie du transport aérien des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis.

2        En ce qui concerne l’application des règles en matière d’aides d’État, la Commission a estimé, dans la communication du 10 octobre 2001, que l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE permettait de faire face à certaines difficultés auxquelles étaient confrontées les compagnies aériennes en raison des événements du 11 septembre 2001. Eu égard au caractère extraordinaire des événements en question, les dispositions de cet article pouvaient, selon cette communication, autoriser, sous certaines conditions, l’indemnisation, premièrement, des coûts engendrés par la fermeture de l’espace aérien américain pendant quatre jours (du 11 au 14 septembre 2001) ainsi que, deuxièmement, du surcoût des assurances (points 28 à 41 de la communication du 10 octobre 2001).

3        S’agissant des conditions auxquelles toute indemnisation devrait être soumise, la communication du 10 octobre 2001 expose qu’elle doit être versée de manière non discriminatoire, qu’elle doit concerner les seuls coûts constatés du 11 au 14 septembre 2001 et que son montant doit être calculé de manière précise et objective en suivant la méthodologie spécifique proposée par la Commission.

4        Par lettre du 14 novembre 2001 adressée à tous les États membres, la Commission a fourni des précisions supplémentaires relatives au calcul du montant de l’indemnisation à verser à chaque compagnie aérienne.

5        À la suite de courriers échangés entre décembre 2001 et juillet 2002, les autorités helléniques ont communiqué à la Commission, par lettre du 24 septembre 2002, les modalités du calcul de l’indemnisation de la requérante, Olympiaki Aeroporia Ypiresies AE, en raison des dommages occasionnés à cette dernière par les événements en cause. Dans cette lettre, ladite indemnisation était détaillée ainsi :

–        4 079 237 euros au titre des recettes perdues concernant le transport de passagers pour l’ensemble du réseau de la requérante, dont environ 1 212 032 euros concernaient son réseau hors Atlantique Nord ;

–        278 797 euros au titre des recettes perdues concernant le transport de marchandises ;

–        17 608 euros au titre des frais de destruction de marchandises sensibles ;

–        41 086 euros au titre des frais de contrôle de sécurité supplémentaires pour les marchandises ;

–        37 469 euros au titre des frais de rappel du vol OA 411 à destination de New York (États-Unis) et des frais d’annulation du vol de retour (OA 412) à Athènes (Grèce) le 11 septembre 2001 ;

–        13 550 euros au titre des frais liés à l’atterrissage et au séjour à Halifax (Canada), du 11 au 15 septembre 2001, d’un vol initialement prévu à destination de Toronto (Canada) ;

–        478 357 euros au titre des dépenses pour la mise en place de « ferry flights » (vols extraordinaires effectués les 18, 20 et 26 septembre 2001 aux fins du rapatriement de passagers aux États-Unis et au Canada) ;

–        146 735 euros au titre des frais liés aux heures supplémentaires du personnel, à l’hébergement des passagers et du personnel de sécurité supplémentaire ;

–        14 673 euros au titre des frais liés aux mesures urgentes de sécurité supplémentaires.

6        Du montant total de ces sommes ont été déduits, par la suite, 278 797 euros au titre du carburant qui aurait été consommé si le programme des vols n’avait pas été perturbé. Le montant final de 4 827 586,21 euros avait déjà été versé à la requérante au mois de juillet 2002 en vertu de l’article 45, paragraphe 17, de la loi n° 2992/2002 (FEK A’ 54/20.3.2002) ainsi que de l’arrêté ministériel commun du 27 mai 2002 (FEK B’ 682/31.5.2002).

7        Par lettre du 27 mai 2003, la Commission a informé la République hellénique de sa décision d’entamer la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE en ce qui concerne les mesures en cause et a invité les autorités helléniques à lui fournir certains documents et précisions supplémentaires (ci-après la « décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen »). De plus, elle a invité les parties intéressées à lui présenter leurs observations dans un délai d’un mois à partir de la date de publication de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2003, C 199, p. 3).

8        Les autorités helléniques ont présenté leurs observations à la Commission par lettre du 20 novembre 2003. Selon cette lettre, le dommage réel engendré du fait de l’annulation de sept vols aller-retour planifiés pour la période du 11 au 14 septembre 2001 à destination de New York, de Tel-Aviv (Israël), de Toronto via Montréal (Canada) et de Boston (États-Unis) s’élevait à 1 921 203,20 euros. Ce chiffre n’inclurait pas les pertes enregistrées à la suite de l’annulation des billets sur d’autres vols auxquels les vols annulés servaient de correspondance. S’agissant des frais liés au vol ayant atterri le 11 septembre à Halifax au lieu de Toronto, les autorités helléniques ont présenté une évaluation selon laquelle ils s’élèveraient à 38 056 euros. En ce qui concerne les frais liés au rappel du vol du 11 septembre 2001 à destination de New York, les autorités helléniques les ont réévalués à 3 421 euros. En ce qui concerne l’annulation de trois vols aller-retour à destination de New York et de Toronto via Montréal les 15 et 16 septembre 2001, les autorités helléniques ont souligné que les dommages engendrés étaient directement liés à la fermeture de l’espace aérien du 11 au 14 septembre et qu’ils s’élevaient à 977 257 euros. Quant aux « ferry flights », les autorités helléniques ont précisé qu’il s’agissait d’un vol à destination de New York effectué le 18 septembre 2001 et de deux vols à destination de Toronto, via Montréal, effectués les 20 et 26 septembre 2001. Le dommage engendré du fait du caractère extraordinaire de ces vols, qui aurait entraîné l’absence de passagers pour les vols de retour à Athènes, se serait élevé à 487 312,17 euros. Selon les autorités helléniques, ce dommage devrait être considéré comme étant directement lié aux événements du 11 septembre 2001.

9        Dans ces conditions, le ministère des Transports et des Communications grec a demandé à la Commission d’approuver un montant de 3 770 717,70 euros ainsi que les montants mentionnés au point 5, deuxième à neuvième tiret ci-dessus, à titre d’indemnisation pour les dommages directement liés aux attentats du 11 septembre 2001. S’agissant de ces derniers, les autorités helléniques ont annoncé qu’elles produiraient prochainement des pièces justificatives.

10      Par lettre du 15 mars 2004, la Commission a rappelé aux autorités helléniques qu’elles n’avaient pas encore soumis les informations supplémentaires annoncées dans leur lettre du 20 novembre 2003 et leur a octroyé un délai de deux semaines à cet effet.

11      Les autorités helléniques n’ont pas donné suite à cette demande.

 Décision attaquée

12      Par sa décision C (2006) 1580 final, du 26 avril 2006, concernant le régime d’aides d’État C 39/2003 (ex NN 119/2002) que la République hellénique a mis à exécution en faveur des transporteurs aériens à la suite des préjudices subis du 11 au 14 septembre 2001 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a clos la procédure formelle d’examen et a décidé, notamment, que l’aide d’État mise en œuvre par la République hellénique en faveur de la requérante était compatible avec le marché commun en ce qui concerne l’indemnisation versée pour la période du 11 au 14 septembre 2001 à concurrence d’un montant maximal de 1 962 680 euros. Ce montant correspond à 1 921 203 euros au titre de l’annulation des sept vols aller-retour à destination de New York, de Tel-Aviv, de Toronto via Montréal et de Boston, à 38 056 euros au titre de l’atterrissage et du séjour à Halifax du vol initialement prévu à destination de Toronto et à 3 421 euros au titre du rappel du vol du 11 septembre 2001 à destination de New York (considérants 49 et 50 de la décision attaquée).

13      S’agissant, en revanche, des frais liés à l’annulation des trois vols aller-retour dont un à destination de New York le 15 septembre 2001 et deux à destination de Toronto via Montréal les 15 et 16 septembre 2001, s’élevant à 977 257 euros, ainsi que des frais concernant les « ferry flights » s’élevant à 487 312 euros, la Commission indique qu’ils n’étaient liés qu’à des répercussions indirectes des attentats du 11 septembre 2001 ressenties dans plusieurs domaines de l’économie mondiale (considérant 58 de la décision attaquée).

14      En ce qui concerne plus particulièrement le vol du 15 septembre 2001 à destination de New York, les considérants 53 à 55 de la décision attaquée sont ainsi libellés :

« 53) La Commission constate […] que la situation, après le 14 septembre, n’était plus caractérisée par une perturbation du trafic mais bien par une exploitation plus limitée des lignes aériennes par les compagnies concernées.

54)      C’est le cas pour les mesures présentées par la [République hellénique] en faveur [de la requérante] et qui concernent en premier lieu trois vols transatlantiques aller-retour qui n’ont pas été opérés les 15 et 16 septembre, dont un à destination des États-Unis et deux à destination du Canada, représentant pour [la requérante] un dommage de 333 000 000 drachmes grecques (GRD), c’est-à-dire environ 977 257 euros.

55)      En effet, concernant tout d’abord l’absence de créneaux horaires à New York, la [République hellénique] confirme que l’aéroport JFK était bien ouvert à nouveau le 14 septembre à 23 heures, heure d’Athènes, et [que] seule la demande élevée de créneaux horaires n’a pas permis à [la requérante] d’en réserver un. La Commission n’a pas reçu d’autres informations concernant la raison de la non-obtention de créneaux horaires alors que d’autres compagnies en ont obtenu. En tout état de cause, l’impossibilité générale de voler vers les États-Unis n’était alors plus constituée. »

15      Quant à l’annulation des deux vols à destination de Toronto via Montréal, elle proviendrait du choix de la requérante, en ce sens que soit cette dernière n’aurait pas disposé d’autres aéronefs disponibles et aurait choisi d’assurer d’autres vols planifiés, soit les actions relatives aux vérifications techniques et à la réservation de créneaux horaires n’auraient pu être réalisées à temps par la requérante (considérant 56 de la décision attaquée).

16      Quant aux « ferry flights », la Commission souligne que leur mise en place a résulté du choix de la requérante, à laquelle il incombait de solliciter une indemnisation de la part des gouvernements des États-Unis et du Canada, puisque ces vols auraient été effectués à leur demande (considérant 57 de la décision attaquée).

17      Ainsi, les frais en question ont été considérés comme étant inéligibles pour une indemnisation au titre de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE.

18      Dans ces conditions, la Commission a considéré que tout montant versé à la requérante au-delà de la somme de 1 962 680 euros constituait une aide incompatible avec le marché commun (article 2 de la décision attaquée) et a enjoint à la République hellénique de procéder à sa récupération (article 4 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 septembre 2006, la requérante a introduit le présent recours.

20      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er de la décision attaquée dans la mesure où il fixe à un montant maximal de 1 962 680 euros l’indemnisation compatible avec le marché commun pour la période du 11 au 14 septembre 2001 ;

–        annuler les articles 2 et 4 de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

23      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE et, le second, d’un défaut de motivation. Le premier moyen comporte, en substance, deux branches, tirées, la première, d’une erreur manifeste dans l’appréciation relative aux dommages liés au réseau de l’Atlantique Nord de la requérante et, la seconde, d’une erreur manifeste dans l’appréciation relative aux dommages liés au reste de son réseau.

1.     Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE

 Arguments de la requérante

24      Selon la requérante, la Commission a apprécié les faits de l’espèce de façon manifestement erronée et a, dès lors, violé l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, en considérant que les dommages subis du fait, premièrement, de l’annulation des trois vols aller-retour à destination de New York et de Toronto via Montréal et, deuxièmement, de la mise en place des « ferry flights » ne présentaient pas de lien de causalité direct avec les attentats du 11 septembre 2001 ayant provoqué la fermeture de l’espace aérien des États-Unis et du Canada. De plus, en ne prenant pas en compte les pertes consécutives aux attentats du 11 septembre 2001 concernant le reste de son réseau, la Commission aurait commis une erreur dans l’appréciation du dommage né entre le 11 et le 15 septembre 2001.

25      La requérante estime que le fait que la communication du 10 octobre 2001 exclut du champ d’application de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE tout dommage né après le 14 septembre 2001 ne saurait définir la nature du lien de causalité direct requis par cette disposition ni ne peut, par conséquent, dispenser la Commission de son obligation d’examiner les circonstances du cas d’espèce sous l’angle dudit article. En effet, la Commission serait tenue par les encadrements et les communications qu’elle adopte en matière de contrôle des aides d’État, dans la mesure où ils ne s’écartent pas des normes du traité et où ils sont acceptés par les États membres. En tout état de cause, la communication du 10 octobre 2001 devrait être interprétée en ce sens qu’elle ne vise pas seulement les dommages engendrés durant la fermeture de l’espace aérien mais également ceux qui ont un lien de causalité direct avec sa fermeture. Toute autre interprétation serait contraire à l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE.

26      L’approche de la Commission ne saurait non plus être justifiée par la référence à d’autres décisions dans lesquelles elle a adopté un point de vue similaire. En outre, dans la mesure où les dommages subis par la requérante après le 14 septembre 2001 découlent directement des attentats du 11 septembre 2001, celle-ci se trouverait dans une situation différente par rapport à d’autres compagnies aériennes à l’égard desquelles cette circonstance n’avait pas été établie. Enfin, la requérante souligne que les autorités helléniques ont demandé, dans leur lettre du 24 septembre 2002 (voir point 5 ci-dessus), l’autorisation de verser des montants aux fins d’indemniser également des dommages nés après le 14 septembre 2001 sur la base de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE. Partant, la République hellénique n’aurait jamais accepté l’approche restrictive proposée par la Commission dans la communication du 10 octobre 2001, ainsi qu’en attesterait par ailleurs la loi n° 2992/2002, qui prévoirait un cadre d’indemnisation plus large.

27      En outre, il conviendrait d’accepter que la fermeture de l’espace aérien a constitué la conséquence des attentats du 11 septembre 2001, ces derniers étant un événement extraordinaire au sens de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE.

28      La requérante conteste la thèse de la Commission selon laquelle cette dernière aurait effectué une analyse de l’aide non seulement sur la base de la communication du 10 octobre 2001, mais également au regard de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE. Au contraire, la décision attaquée serait caractérisée par une application automatique du critère selon lequel tout dommage né après le 14 septembre 2001 ne présenterait pas de lien de causalité avec les attentats du 11 septembre 2001 ayant provoqué la fermeture de l’espace aérien. Or, tous les dommages pour lesquels la requérante a reçu une indemnisation présenteraient un lien de causalité direct, au sens de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, avec les attentats du 11 septembre 2001.

 Sur les dommages concernant le réseau de l’Atlantique Nord de la requérante

29      S’agissant de l’annulation du vol aller-retour à destination de New York initialement prévu le 15 septembre 2001, la requérante souligne que, en dépit de ses demandes, l’aéroport international John F. Kennedy (JFK) ne lui a pas octroyé de créneau horaire pour ce jour-là, mais uniquement pour le 16 septembre, ainsi qu’en attesterait un télex de la Federal Aviation Authority (autorité fédérale de l’aviation civile américaine) du 14 septembre 2001. L’indisponibilité de créneau horaire n’aurait été due qu’à la demande exceptionnellement élevée des compagnies aériennes immédiatement après la réouverture graduelle de l’espace aérien, et ce en raison de la perturbation causée par sa fermeture pendant quatre jours. Dans ces conditions, l’aéroport JFK n’aurait pas été en mesure de satisfaire à toutes les demandes de créneaux horaires, circonstance qui serait assimilable à la fermeture de l’espace aérien pour la requérante. Le fait que ledit télex n’ait pas été produit par les autorités helléniques durant la procédure administrative ne serait pas déterminant, eu égard au fait que la Commission a fondé son appréciation sur l’absence de lien de causalité entre les attentats du 11 septembre 2001 et l’annulation du vol aller-retour à destination de New York initialement prévu le 15 septembre 2001, en application de la communication du 10 octobre 2001.

30      S’agissant de l’annulation des deux vols aller-retour à destination de Toronto via Montréal les 15 et 16 septembre 2001, la requérante souligne que les autorités canadiennes auraient obligé l’aéronef qui assurait cette liaison le 11 septembre 2001 à atterrir ce jour-là à Halifax et à y demeurer jusqu’au 15 septembre 2001 inclus. Cet aéronef n’aurait pu être de retour à Athènes que le 16 septembre 2001 à 5 h 30. Or, les trois autres Airbus A 340/400 de la requérante, seuls appareils en mesure d’effectuer des vols transatlantiques, auraient desservi d’autres destinations, ce qui l’aurait contrainte à annuler le vol du 15 septembre 2001 à destination de Toronto via Montréal. Pour la même raison, la requérante aurait été obligée d’annuler le vol du 16 septembre 2001 également à destination de Toronto via Montréal. En effet, en raison de l’immobilisation de l’aéronef jusqu’au 15 septembre 2001 à Halifax, il se serait révélé impossible, aux fins d’assurer ce vol, d’effectuer l’inspection technique majeure, de préparer l’aéronef, d’avertir les passagers et de réserver des créneaux horaires aux aéroports de Montréal et de Toronto, eu égard, notamment, au fait que les autorités canadiennes n’auraient pas communiqué à l’avance l’horaire exact auquel l’aéronef était autorisé à décoller le 15 septembre 2001.

31      Dans ces conditions, la thèse de la Commission selon laquelle l’annulation de ces deux vols constituait un choix de la requérante serait manifestement erronée. Ces annulations constitueraient, au contraire, la conséquence directe des attentats du 11 septembre 2001 ayant donné lieu à la fermeture de l’espace aérien et seraient donc indépendantes de sa volonté. L’insuffisance d’aéronefs invoquée par la Commission ne se trouverait pas à l’origine de l’annulation des vols en question, mais serait une conséquence des attentats du 11 septembre 2001. Partant, les dommages s’y rapportant devraient être considérés comme indemnisables sur le fondement de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, indépendamment du fait qu’ils sont nés les 15 et 16 septembre 2001.

32      La requérante fait également observer que l’aéronef qui aurait dû effectuer le vol à destination de New York le 15 septembre 2001 n’a pas été utilisé pour assurer les vols à destination du Canada parce qu’il a été utilisé pour le vol du 16 septembre 2001 à destination de New York. En outre, les autorités canadiennes ne lui auraient donné la possibilité d’effectuer des vols vers le Canada qu’à partir du 16 septembre 2001. Enfin, selon la requérante, les vols à destination de l’Asie du Sud-Est et de l’Australie sont effectués par un seul aéronef, qui fait escale en Asie et continue vers l’Australie, qui est sa destination finale. Partant, les cinq destinations (Afrique, Asie du Sud-Est, Australie, États-Unis et Canada) pourraient être desservies par quatre aéronefs.

33      S’agissant des « ferry flights » à destination de New York (le 18 septembre 2001) et de Toronto via Montréal (les 20 et 26 septembre 2001), la requérante fait observer que la mise en place de ces vols est aussi directement liée aux attentats du 11 septembre 2001 et ne résulte pas de pressions exercées par les gouvernements des États-Unis et du Canada pour le rapatriement de leurs ressortissants. En effet, la longueur des listes d’attente pour les vols réguliers, en raison des attentats du 11 septembre 2001, aurait empêché ces passagers d’effectuer une réservation sur ces derniers vols, ce qui aurait obligé la requérante à mettre en place les « ferry flights ».

 Sur les dommages concernant le reste du réseau de la requérante

34      La requérante souligne que si la Commission a considéré le paiement de 1 921 203 euros en raison de l’annulation des sept vols aller-retour à destination de New York, de Tel-Aviv, de Toronto via Montréal et de Boston comme constituant une aide compatible avec le marché commun (voir point 12 ci-dessus), elle n’a pourtant pas approuvé l’indemnisation au titre des dommages concernant le reste de son réseau pour la période du 11 au 15 septembre 2001. Or, ces dommages s’élèveraient à environ 1 212 032 euros.

35      À cet égard, la requérante rappelle que, selon les considérations qui précèdent, les dommages dus aux perturbations de son programme de vols le 15 septembre 2001 doivent être jugés éligibles pour une indemnisation au titre de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE. Cette approche serait corroborée par la communication du 10 octobre 2001 ainsi que par la lettre du 14 novembre 2001 (voir point 4 ci-dessus). La requérante souligne que les pertes concernant le reste de son réseau s’élèvent à la moitié du dommage subi dans le réseau de l’Atlantique Nord et d’Israël. Dès lors, elles ne sauraient être méconnues sur la seule base de l’interprétation arbitrairement restrictive de la notion de lien de causalité, telle qu’effectuée dans la communication du 10 octobre 2001. En tout état de cause, la Commission aurait dû approuver les montants versés à titre d’indemnisation pour les dommages concernant le reste de son réseau pour la période du 11 au 14 septembre 2001.

36      En ce qui concerne les éléments soumis par les autorités helléniques durant la procédure formelle d’examen, la requérante fait valoir qu’elle ne pouvait avoir connaissance du contenu exact de la lettre du 20 novembre 2003 et notamment du fait que les autorités helléniques fournissaient des renseignements supplémentaires ne concernant pas l’ensemble des dommages subis à la suite des événements du 11 septembre 2001. En outre, le régime d’aides en question aurait été mis en œuvre par les autorités helléniques sur la base des renseignements que la requérante lui avait fournis. Elle n’aurait pas pu non plus s’attendre à ce que l’analyse de la Commission soit fondée uniquement sur des éléments fragmentaires contenus dans la lettre du 20 novembre 2003. La requérante fait aussi observer que les renseignements dont la production avait été annoncée par les autorités helléniques dans la lettre du 20 novembre 2003 concernaient les montants mentionnés au point 17.2 de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen (repris au point 5, deuxième à neuvième tiret ci-dessus) et non les dommages concernant le reste du réseau de la requérante, auxquels la Commission se référait au point 17.1 de ladite décision. Par ailleurs, la lettre du 20 novembre 2003 indiquerait clairement qu’elle ne concernait pas les pertes relatives aux annulations de billets d’autres vols auxquels les vols annulés servaient de correspondance. Pour identifier le montant de ces pertes, il suffirait de soustraire le montant auquel il est fait référence dans la lettre du 20 novembre 2003 du montant mentionné dans la lettre du 24 septembre 2002. En tout état de cause, les renseignements fournis par les autorités helléniques concerneraient un montant plus élevé que celui déclaré compatible avec le marché commun dans la décision attaquée.

37      De plus, la requérante estime que le dossier de la Commission contenait des renseignements adéquats pour l’ensemble des montants constituant le dommage subi du fait des attentats du 11 septembre 2001, tels qu’ils figuraient dans la lettre du 24 septembre 2002. Dans ces conditions, la requérante demande au Tribunal d’apprécier l’exhaustivité des éléments soumis par les autorités helléniques à la Commission durant la procédure administrative au regard des pièces contenues dans le dossier de la présente affaire.

38      Partant, l’appréciation de la Commission à l’égard des dommages concernant le reste du réseau de la requérante serait manifestement erronée et violerait l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE.

 Arguments de la Commission

39      La Commission conteste le bien-fondé des arguments de la requérante. Elle indique que, selon la jurisprudence, les lignes directrices en matière d’aides d’État la lient de même que les États-membres qui les ont acceptées. Les autorités helléniques auraient itérativement affirmé, durant la procédure administrative, qu’elles examineraient les demandes d’indemnisation présentées par les compagnies aériennes dans le cadre des lignes directrices et de la communication du 10 octobre 2001.

40      De surcroît, la Commission fait observer que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, elle a effectué une analyse de l’aide versée à la requérante non seulement sur la base de la communication du 10 octobre 2001, mais aussi au regard de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, ainsi qu’en attesterait le considérant 59 de la décision attaquée. À cette fin, la Commission aurait tenu compte de tous les éléments qui lui ont été soumis durant la procédure administrative.

41      La Commission rejette l’interprétation de la communication du 10 octobre 2001 proposée par la requérante, selon laquelle même des dommages nés après le 14 septembre 2001 pourraient entrer dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE. En effet, les termes de la communication du 10 octobre 2001 excluraient cette éventualité. Quant à l’identification de l’événement extraordinaire dans le cas d’espèce, la Commission souligne que ce sont les attentats du 11 septembre 2001 qui constituent ledit événement et non la fermeture de l’espace aérien, qui en serait la conséquence.

42      La Commission fait valoir que ni les autorités helléniques ni la requérante n’ont présenté, durant la procédure administrative, d’éléments démontrant que les dommages nés après le 14 septembre 2001 présentaient un lien de causalité avec les attentats du 11 septembre 2001.

43      Enfin, la Commission réfute l’argument selon lequel la requérante se trouvait dans une situation différente de celle d’autres compagnies aériennes qui n’ont pas pu se voir allouer des montants d’aide correspondant à des dommages nés après le 14 septembre 2001.

 Sur les dommages concernant le réseau de l’Atlantique Nord de la requérante

44      S’agissant de l’annulation du vol aller-retour du 15 septembre 2001 à destination de New York, la Commission souligne que, contrairement à ce que les autorités helléniques avaient annoncé dans leur lettre du 20 novembre 2003, elles n’ont pas produit, durant la procédure administrative, d’éléments de preuve démontrant l’impossibilité de réserver un créneau horaire à l’aéroport JFK. Dans ces conditions, la Commission réitère l’appréciation qu’elle a effectuée au considérant 55 de la décision attaquée. Le télex de la Federal Aviation Authority (voir point 29 ci-dessus) aurait été produit pour la première fois devant le Tribunal et, en toute hypothèse, ne ferait pas référence au 15 septembre 2001 ni ne permettrait d’expliquer pourquoi la requérante n’a pas réussi à réserver un créneau horaire alors que d’autres compagnies aériennes y sont parvenues.

45      S’agissant de l’annulation des vols aller-retour des 15 et 16 septembre 2001 à destination de Toronto via Montréal, la Commission fait valoir que l’insuffisance d’aéronefs est un problème quotidien touchant les compagnies aériennes et ne saurait, dès lors, être qualifié d’événement extraordinaire au sens de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE. La Commission ne serait pas en possession d’éléments démontrant le lien de causalité requis avec les événements du 11 septembre 2001. En toute hypothèse, l’argumentation de la requérante serait contradictoire dans la mesure où cette dernière expose avoir annulé un vol à destination de New York le 11 septembre 2001 sans pour autant utiliser l’aéronef qui aurait effectué ce vol pour assurer le vol à destination du Canada. De surcroît, la Commission se demande comment il était possible pour la requérante de devoir assurer, durant cette période, des vols réguliers vers l’Afrique, l’Asie du Sud-Est, l’Australie, le Canada et l’Amérique, puisqu’elle n’avait à sa disposition que quatre aéronefs.

46      S’agissant des « ferry flights », la Commission souligne que leur mise en place constituait un choix commercial fait par la requérante à la suite de demandes formulées par les gouvernements des États-Unis et du Canada. Or, ces circonstances ne sauraient être assimilées à un événement extraordinaire au sens de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, qui, en tant que disposition introduisant des dérogations à l’interdiction d’octroi des aides d’État, doit être interprété strictement. Par ailleurs, les autorités helléniques n’auraient pas présenté d’éléments démontrant un lien de causalité entre les attentats du 11 septembre 2001 et la mise en place de ces vols.

 Sur les dommages concernant le reste du réseau de la requérante

47      La Commission souligne qu’elle a produit devant le Tribunal l’ensemble de la correspondance qu’elle a échangée avec les autorités helléniques et des éléments dont elle disposait lors de l’adoption de la décision attaquée. Elle relève que, durant la procédure administrative, les autorités helléniques n’ont pas fourni d’informations relatives à des dommages concernant le réseau de la requérante en dehors de celles relatives aux vols en provenance ou à destination des États-Unis ou du Canada. En effet, les informations fournies dans la lettre du 24 septembre 2002 à cet égard seraient insuffisantes, alors que les autorités helléniques auraient annoncé la production de documents s’y rapportant dans la lettre du 20 novembre 2003 (voir point 9 ci-dessus) sans pour autant le faire. Au surplus, la Commission rappelle que la requérante avait le droit d’intervenir durant la procédure formelle d’examen en formulant des observations, en sa qualité de partie intéressée ayant été invitée à ce faire dans la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen (voir point 7 ci-dessus). Étant donné que la requérante n’aurait pas non plus soumis d’observations durant la procédure formelle d’examen, la Commission ne pouvait qu’arrêter la décision attaquée sur la base des renseignements dont elle disposait.

48      Il en résulte, selon la Commission, que le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.

 Appréciation du Tribunal

49      En premier lieu, il convient de rappeler que le caractère extraordinaire des événements du 11 septembre 2001 au sens de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE n’est pas contesté (voir point 2 ci-dessus). En outre, il résulte du point 35 de la communication du 10 octobre 2001, selon lequel « le coût découlant directement de la fermeture de l’espace aérien américain du 11 au 14 septembre 2001 est une conséquence directe des événements du 11 septembre 2001 », ainsi que du considérant 51 de la décision attaquée, dans lequel est rappelé « le caractère d’‘événement extraordinaire’ de la fermeture de l’espace aérien des États-Unis du 11 au 14 septembre 2001 », que ce ne sont pas seulement les attentats mais aussi la fermeture de l’espace aérien qui sont qualifiés d’événements extraordinaires. Dans ces conditions, les questions soulevées par le présent litige requièrent seulement d’examiner l’existence d’un lien de causalité direct entre ces événements et les dommages spécifiques invoqués par la requérante.

50      En second lieu, s’agissant de la portée de la communication du 10 octobre 2001 dans le cadre du présent litige, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, la Commission est tenue par les encadrements et les communications qu’elle adopte en matière de contrôle des aides d’État, dans la mesure où ils ne s’écartent pas des normes du traité et où ils sont acceptés par les États membres (voir arrêt de la Cour du 26 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑351/98, Rec. p. I‑8031, point 53, et la jurisprudence citée). Ces encadrements et communications s’imposent, au premier chef, à la Commission elle-même (arrêt de la Cour du 13 février 2003, Espagne/Commission, C‑409/00, Rec. p. I‑1487, point 69).

51      De plus, il y a lieu de souligner que le deuxième paragraphe de l’article 87 CE vise des aides qui sont compatibles de droit avec le marché commun à condition qu’elles remplissent certains critères objectifs. Il en découle que la Commission est tenue de déclarer de telles aides compatibles avec le marché commun, dès lors que ces critères sont remplis, sans disposer de pouvoir d’appréciation à cet égard (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730/79, Rec. p. 2671, point 17).

52      En outre, s’agissant d’une dérogation au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché commun, énoncé à l’article 87, paragraphe 1, CE, l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Dès lors, seuls peuvent être compensés, au sens de cette disposition, les désavantages économiques causés directement par des calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires. Un lien direct entre les dommages causés par l’événement extraordinaire et l’aide étatique doit donc exister et une évaluation aussi précise que possible des dommages subis est nécessaire (voir arrêt de la Cour du 23 février 2006, Atzeni e.a., C‑346/03 et C‑529/03, Rec. p. I‑1875, point 79, et la jurisprudence citée).

53      Il en résulte que, au cas où une mesure d’aide remplit les conditions énumérées au point précédent, elle doit être déclarée compatible avec le marché commun, même si la Commission a adopté une position différente dans le cadre d’une communication antérieure concernant la mesure en question. Partant, même si, selon la communication du 10 octobre 2001, toute indemnisation versée au titre de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE doit concerner les seuls coûts constatés du 11 au 14 septembre 2001, une aide indemnisant un dommage né après le 14 septembre 2001 mais présentant un lien de causalité direct avec l’événement extraordinaire et étant évaluée avec précision doit être jugée compatible avec le marché commun. En tout état de cause, la Commission n’a pas considéré que les montants se rapportant à des dommages nés après le 14 septembre 2001 étaient inéligibles pour une indemnisation au titre de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE sur la seule base du fait qu’ils étaient nés après cette date, mais a également examiné l’existence d’un lien de causalité entre les événements en cause et ces dommages (voir point 60 ci-après).

54      Par conséquent, il y a lieu de rejeter d’emblée l’argumentation de la Commission, selon laquelle la République hellénique aurait expressément accepté le principe énoncé au point 35 de la communication du 10 octobre 2001, en vertu duquel toute compensation versée au titre de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE doit concerner les seuls coûts constatés du 11 au 14 septembre 2001. En effet, s’il est vrai que les autorités helléniques ont relevé dans leur lettre du 24 septembre 2002 que l’indemnisation versée se limitait à la réparation du dommage subi au cours des premiers jours suivant les attentats, elles ont cependant demandé l’autorisation de verser des montants aux fins de l’indemnisation des dommages nés jusqu’au 26 septembre 2001 (voir point 8 ci-dessus). Il est donc manifeste que lesdites autorités comprenaient la notion de « premiers jours après les attentats » comme visant également la période allant jusqu’à cette date.

55      Enfin, selon la jurisprudence, la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée. Nul ne saurait ainsi se prévaloir devant le juge communautaire d’éléments de fait qui n’ont pas été avancés au cours de la procédure précontentieuse prévue à l’article 88 CE (voir arrêts du Tribunal du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, Rec. p. II‑127, point 51, et la jurisprudence citée, et du 14 décembre 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑200/04, non publié au Recueil, point 53).

56      C’est au vu de ces considérations qu’il convient d’analyser les moyens invoqués à l’appui du présent recours.

 Sur les dommages concernant le réseau de l’Atlantique Nord de la requérante

–       Sur le vol aller-retour à destination de New York initialement prévu le 15 septembre 2001

57      Au considérant 55 de la décision attaquée, la Commission invoque l’absence de communication par les autorités helléniques ou la requérante de renseignements concernant la raison de la non-obtention de créneaux horaires à l’aéroport JFK le 15 septembre 2001 ainsi que l’absence de preuve concernant les raisons du refus de cet aéroport d’octroyer un créneau horaire à la requérante pour cette date.

58      Pour leur part, les autorités helléniques ont indiqué, au point I.3 de leur lettre du 24 septembre 2002, que le vol du 15 septembre 2001 à destination de New York avait été annulé en raison de l’absence d’informations relatives aux possibilités d’atterrissage des compagnies étrangères à l’aéroport JFK.

59      Au point 41, sous a), de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la Commission a demandé aux autorités helléniques de lui fournir tout document et toute information supplémentaire sur la façon dont les autorités américaines avaient interdit les vols aux compagnies aériennes helléniques à partir du 15 septembre 2001. En réponse, dans leur lettre du 20 novembre 2003, les autorités helléniques ont expliqué que le vol du 15 septembre 2001 à destination de New York avait été annulé en raison de l’absence de créneaux horaires. Cette absence de créneaux horaires, causée par une demande exceptionnellement élevée pendant les jours suivant la réouverture de l’espace aérien, aurait constitué une conséquence directe de l’interruption des vols pendant les quatre jours précédents. S’agissant de la preuve du refus d’octroi d’un créneau horaire de l’aéroport JFK, les autorités helléniques ont affirmé avoir demandé les éléments nécessaires à la requérante afin de les communiquer à la Commission.

60      Contrairement à ce qu’allègue la requérante, la Commission n’a pas considéré que les montants correspondant à l’annulation de ce vol étaient inéligibles pour une indemnisation au titre de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE, au seul motif que celui-ci avait été effectué après le 14 septembre 2001. Au contraire, ainsi qu’il a été relevé au point précédent, la Commission a demandé aux autorités helléniques, dans la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, de lui fournir tout élément relatif à la façon dont les autorités américaines avaient interdit les vols aux compagnies aériennes helléniques à partir du 15 septembre 2001.

61      Force est néanmoins de constater que les autorités helléniques n’ont présenté durant la procédure administrative aucune preuve démontrant le refus d’octroi d’un créneau horaire ou la raison d’un tel refus, en dépit de la demande que la Commission leur avait adressée. Il convient d’ajouter que, selon leur lettre du 20 novembre 2003 (voir point 8 ci-dessus), les autorités helléniques ont demandé à la requérante de leur présenter des preuves démontrant l’impossibilité de réserver un créneau horaire à l’aéroport JFK le 15 septembre 2001 afin de les soumettre, par la suite, à la Commission. Or, aucun nouvel élément n’est parvenu à la Commission.

62      En outre, selon la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus, la requérante ne saurait invoquer le télex qu’elle a produit pour la première fois devant le Tribunal (voir point 29 ci-dessus). En tout état de cause, il y a lieu de relever que ce télex n’indique pas que l’aéroport JFK n’a pas octroyé un créneau horaire à la requérante pour le 15 septembre 2001, mais uniquement que la requérante disposait d’un créneau horaire pour le 16 septembre 2001. Le non-octroi d’un créneau horaire pour le 15 septembre 2001 ne pourrait donc être établi sur la base dudit télex que par le biais d’une interprétation a contrario en faveur de laquelle la requérante n’a invoqué aucun autre élément probant.

63      Partant, l’argumentation de la requérante développée à l’égard dudit vol ne saurait être accueillie.

–       Sur les deux vols aller-retour à destination de Toronto via Montréal initialement prévus les 15 et 16 septembre 2001

64      S’agissant de l’annulation des deux vols aller-retour à destination de Toronto via Montréal les 15 et 16 septembre 2001, la Commission indique, au considérant 56 de la décision attaquée, qu’elle est due à un choix de la requérante. En effet, soit cette dernière n’avait pas d’autres aéronefs disponibles et avait préféré assurer d’autres vols réguliers, soit elle n’avait pas le temps d’effectuer les vérifications techniques requises ou de réserver les créneaux horaires nécessaires.

65      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la lettre du 20 novembre 2003, le vol à destination de Toronto via Montréal du 15 septembre 2001 a été annulé parce que l’aéronef qui devait l’effectuer avait été contraint par les autorités canadiennes de demeurer à Halifax du 11 au 15 septembre 2001 et n’avait pu être de retour à Athènes que le 16 septembre 2001 à 5 h 30. Les trois autres Airbus A 340/400 de la requérante, seuls appareils en mesure d’effectuer des vols transatlantiques, desservant déjà d’autres destinations en Afrique, en Asie, en Australie et aux États-Unis, cette dernière a été obligée d’annuler le vol en question. Quant au vol du 16 septembre 2001, le retour tardif de l’aéronef immobilisé à Halifax a rendu impossible, selon la requérante, l’inspection technique majeure, la préparation de l’aéronef, l’avertissement des passagers et la réservation des créneaux horaires aux aéroports de Montréal et de Toronto, eu égard, notamment, au fait que les autorités canadiennes n’avaient pas annoncé à l’avance l’horaire exact auquel l’aéronef était autorisé à décoller le 15 septembre.

66      En ce qui concerne, premièrement, le vol du 15 septembre 2001, les éléments sur lesquels la Commission prend appui ne sont pas suffisants pour étayer son appréciation. En effet, s’agissant de l’absence d’autres aéronefs disponibles, demander à une compagnie aérienne de réserver des aéronefs afin de faire face aux conséquences d’un événement tel que les attentats du 11 septembre 2001 revient à nier le caractère extraordinaire de cet événement. Si un opérateur diligent est tenu de se prémunir contre les conséquences d’un événement, ce dernier ne saurait, par définition, être considéré comme relevant de la force majeure (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 mars 2007, Espagne/Commission, T‑220/04, non publié au Recueil, points 175 et 176, et la jurisprudence citée) ni, à plus forte raison, de la notion d’événement extraordinaire au sens de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE. Or, la qualification des attentats du 11 septembre 2001 ainsi que de la fermeture de l’espace aérien qui en est résultée d’événements extraordinaires est retenue tant dans la décision attaquée que dans la communication du 10 octobre 2001 (voir point 49 ci-dessus).

67      S’agissant du prétendu choix de la requérante d’effectuer d’autres vols réguliers, il suffit de relever qu’il ne s’agit pas d’un choix mais d’une obligation de nature contractuelle vis-à-vis des passagers de ces vols, dont l’inobservation aurait entraîné des conséquences en vertu du règlement (CEE) n° 295/91 du Conseil, du 4 février 1991, établissant des règles communes relatives à un système de compensation pour refus d’embarquement dans les transports aériens réguliers (JO L 36, p. 5), qui était en vigueur à l’époque des faits.

68      Quant au fait que le dommage dû à l’annulation du vol en question est né après le 14 septembre 2001, il y a lieu de relever qu’il ne ressort ni de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE ni de la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus qu’un lien direct entre l’événement extraordinaire et le dommage engendré présuppose leur simultanéité. Au contraire, la possibilité de reconnaître l’existence d’un tel lien même si le dommage est né peu de temps après l’événement ne saurait être exclue de façon générale.

69      Il résulte de ce qui précède que l’appréciation de la Commission à l’égard du vol du 15 septembre 2001 à destination de Toronto via Montréal est erronée.

70      En ce qui concerne, deuxièmement, l’annulation du vol du 16 septembre 2001, il y a lieu de relever que la requérante se réfère, pour la justifier, à l’impossibilité d’effectuer l’inspection technique majeure de l’aéronef, d’avertir les passagers et de réserver des créneaux horaires aux aéroports de Montréal et de Toronto.

71      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de considérer que ni l’avertissement des passagers ni la réservation de créneaux horaires ne constitue une raison justifiant la thèse de la requérante. En effet, à partir du moment où l’aéronef a décollé d’Halifax (le 15 septembre 2001) jusqu’au moment où le vol du 16 septembre 2001 aurait pu être effectué (la requérante n’indique pas l’horaire auquel ce vol était planifié) s’est écoulé un laps de temps non négligeable. À défaut donc d’informations plus précises quant au délai absolument nécessaire pour avertir les passagers et réserver les créneaux horaires, l’argumentation de la requérante à cet égard ne saurait être acceptée.

72      Ensuite, il y a lieu de relever que le dossier ne contient aucune information concernant le temps requis pour effectuer les vérifications techniques obligatoires afin que l’aéronef puisse être utilisé pour le vol en question. Les autorités helléniques se sont limitées à déclarer que le temps disponible ne suffisait pas pour effectuer l’« inspection majeure », alors que la Commission affirme, au considérant 56 de la décision attaquée, que « les actions concernant les vérifications techniques […] n’ont pu être réalisées à temps par [la requérante] ». Force est de constater que, puisque les autorités helléniques ont fait valoir les contraintes en question durant la procédure administrative, il leur incombait d’informer la Commission du temps nécessaire pour les vérifications techniques dictées par les manuels s’y rapportant afin de dissiper ses doutes quant au lien de causalité direct entre la fermeture de l’espace aérien et l’annulation du vol en question. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission a jugé à bon droit que l’annulation du vol en question ne présentait pas de lien de causalité direct avec les attentats du 11 septembre 2001 et la fermeture de l’espace aérien du 11 au 14 septembre 2001.

–       Sur les « ferry flights »

73      Quant aux « ferry flights » des 18, 20 et 26 septembre 2001, il suffit de relever, à l’instar de la Commission, que leur mise en place constituait un choix de la requérante, à laquelle il incombait, soit de faire payer aux passagers un prix incluant les frais de retour de l’avion à Athènes, soit de réclamer une indemnisation adéquate aux gouvernements des États-Unis et du Canada. Partant, ces coûts ne présentent pas de lien de causalité direct avec les attentats du 11 septembre 2001 et la fermeture de l’espace aérien et, dès lors, ne relèvent pas du champ d’application de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE.

74      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler la décision attaquée dans la mesure où la Commission a considéré que l’indemnisation versée à la requérante pour des dommages engendrés du fait de l’annulation du vol à destination du Canada le 15 septembre 2001 n’était pas compatible avec le marché commun.

 Sur les dommages concernant le reste du réseau de la requérante

75      S’agissant de la seconde branche du présent moyen concernant le reste du réseau de la requérante, il y a lieu de relever que l’argumentation de cette dernière met en cause le bien-fondé de la décision attaquée en ce qu’elle a déclaré incompatibles avec le marché commun les montants d’aide s’y rapportant. Toutefois, dans le cadre du second moyen, la requérante avance une absence de motivation à cet égard, que le Tribunal doit d’abord examiner.

2.     Sur le second moyen, tiré d’un défaut de motivation

 Arguments des parties

76      La requérante fait valoir que la décision attaquée ne contient pas de motivation relative au refus de la Commission d’approuver les montants versés à titre d’indemnisation pour les dommages concernant le reste de son réseau (environ 1 212 032 euros). Il en irait de même des montants mentionnés au point 5, deuxième à quatrième, huitième et neuvième tirets ci-dessus.

77      Selon la requérante, les autorités helléniques ont communiqué à la Commission, notamment dans leur lettre du 24 septembre 2002, tous les éléments relatifs au dommage subi sur l’ensemble de son réseau. Cette lettre ferait aussi référence aux montants mentionnés au point 5, deuxième à quatrième, huitième et neuvième tirets ci-dessus. Dans ces circonstances, la Commission aurait dû exposer les motifs pour lesquels elle a considéré que le paiement des montants en question constituait une aide incompatible avec le marché commun.

78      La Commission conteste le bien-fondé de ce moyen. Dans la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, elle aurait exprimé des doutes sérieux quant à la compatibilité de l’aide en question avec le marché commun. Or, en dépit de ce qui avait été annoncé dans la lettre du 20 novembre 2003, ni les autorités helléniques ni la requérante n’auraient présenté à la Commission d’observations à l’égard de ces montants durant la procédure administrative. Par ailleurs, la Commission ne serait pas en mesure de savoir quels éléments ont été transmis par la requérante aux autorités helléniques. En outre, la Commission aurait approuvé tous les montants relatifs à la période du 11 au 14 septembre 2001 pour lesquels les autorités helléniques avaient présenté des explications dans leur lettre du 20 novembre 2003. Dans ces conditions, la requérante ne saurait reprocher à la Commission de ne pas avoir étudié de sa propre initiative des éléments qui auraient pu justifier, à cet égard, l’adoption d’une approche différente de celle exprimée dans la communication du 10 octobre 2001 et la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

 Appréciation du Tribunal

79      Il y a lieu de rappeler que la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du Tribunal du 26 février 2002, INMA et Itainvest/Commission, T‑323/99, Rec. p. II‑545, point 55).

80      En l’espèce, il résulte des considérants 21, 49 et 50 de la décision attaquée, lus en combinaison avec les articles 1er, 2 et 4 de celle-ci, que la Commission a conclu que le paiement des montants à titre d’indemnisation pour les dommages concernant le réseau de la requérante en dehors de l’Atlantique Nord et d’Israël ainsi que des montants auxquels il est fait état au point 5, deuxième à quatrième, huitième et neuvième tirets ci-dessus, constituait une aide incompatible avec le marché commun et que la République hellénique devait en demander la récupération. Or, il convient de constater que la décision attaquée ne contient aucun exposé des motifs qui ont amené la Commission à adopter cette conclusion.

81      Cette omission est d’autant plus inexplicable si l’on tient compte du fait que la Commission expose de manière exhaustive ces montants au considérant 21 de la décision attaquée, qui est consacré au déroulement de la procédure administrative.

82      De plus, s’il est vrai que la Commission a indiqué, au point 36 de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, que, s’agissant du réseau en dehors de l’Atlantique Nord et d’Israël, l’indemnisation devait être limitée aux dommages relatifs à l’annulation de billets du fait de l’annulation d’un vol de correspondance à destination de ou depuis un lieu fermé à la circulation aérienne, il n’en demeure pas moins que les autorités helléniques avaient, en substance, contesté cette appréciation. En effet, il résulte des points I.1 et I.2 de la lettre du 24 septembre 2002 (voir point 5 ci-dessus) que, selon les autorités helléniques, l’étendue des répercussions constatées dans l’ensemble du réseau imposait leur prise en compte dans la totalité de celui-ci afin de calculer le dommage dû directement aux événements extraordinaires. Il incombait, dès lors, à la Commission d’exposer, dans la décision attaquée, son appréciation définitive quant aux montants d’aide en question.

83      En outre, s’il est vrai que, au point 41, sous d), de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la Commission a demandé aux autorités helléniques de produire des renseignements démontrant le lien de causalité entre les dommages dont il est fait état au point 5, deuxième à quatrième, huitième et neuvième tirets ci-dessus, et la fermeture de l’espace aérien, il n’en demeure pas moins que les autorités helléniques ont insisté, dans leur lettre du 20 novembre 2003, sur la nécessité d’approuver les montants s’y rapportant. Il incombait, dès lors, à la Commission d’exposer, dans la décision attaquée, également son appréciation définitive quant à ces montants d’aide.

84      S’agissant de l’argument que la Commission a présenté à l’audience, selon lequel la motivation concernant les montants d’aide concernés par le présent moyen se trouverait au considérant 59 de la décision attaquée, dans la mesure où ce dernier renvoie à la communication du 10 octobre 2001 et fait référence à l’absence d’événement extraordinaire après le 14 septembre 2001, il ne saurait être accueilli. En effet, selon la première phrase de ce considérant, « [l]a Commission conclut […] à la non-conformité du régime avec le traité, pour sa partie concernant les dates postérieures au 14 septembre 2001, et particulièrement pour les coûts présentés par la [République hellénique] pour [la requérante] et concernant la période postérieure au 14 septembre 2001[, qui] s’élèvent […] à […] environ 1 464 569 euros[,] eu égard non seulement au dépassement de la période prévue au point 35 de la communication du 10 octobre 2001 mais également et surtout à l’absence d’événement extraordinaire et au changement de nature de la perte indemnisable que cette extension de durée génère ».

85      Force est de constater que, dans cette phrase, la Commission résume son appréciation exposée aux considérants 51 à 58 de la décision attaquée. Or, ces considérants sont consacrés aux dommages subis dans le réseau de l’Atlantique Nord de la requérante et non à ceux subis dans le reste de son réseau ou aux dommages spécifiques mentionnés au point 5, deuxième à quatrième, huitième et neuvième tirets ci-dessus. Dans ces conditions, ce considérant ne saurait être interprété comme visant également ces derniers montants.

86      Il y a lieu de relever par ailleurs que l’argumentation avancée par la Commission pour contester le bien-fondé du présent moyen (voir point 78 ci-dessus) concerne le cas de figure où, dans la décision déclarant une aide incompatible avec le marché commun, la Commission expose un raisonnement fondé sur les éléments que l’État membre concerné ou les parties intéressées lui ont soumis. Dans un tel cas de figure, il ne saurait, en effet, être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’éventuels éléments de fait ou de droit qui auraient pu lui être présentés pendant la procédure administrative, mais qui ne l’ont pas été (arrêt Fleuren Compost/Commission, point 55 supra, point 49). Or, à la différence d’une telle situation, aucun exposé des motifs pouvant servir de soutien au dispositif de la décision attaquée afférent aux dommages visés au point 80 ci-dessus ne figure dans celle-ci.

87      Partant, la décision attaquée doit également être annulée pour défaut de motivation en ce qu’elle déclare incompatibles avec le marché commun, premièrement, les aides versées à la requérante au titre des dommages concernant son réseau en dehors de l’Atlantique Nord et d’Israël et, deuxièmement, les aides relatives aux recettes perdues au titre du transport de marchandises, aux frais de destruction de marchandises sensibles, aux frais de contrôle de sécurité supplémentaires pour les marchandises, aux frais liés aux heures supplémentaires du personnel et aux frais liés aux mesures urgentes de sécurité supplémentaires.

88      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner la seconde branche du premier moyen, tirée d’une erreur manifeste dans l’appréciation relative aux dommages liés au reste du réseau de la requérante (voir point 75 ci-dessus).

89      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu, premièrement, d’annuler la décision attaquée dans la mesure où la Commission a déclaré incompatibles avec le marché commun et a ordonné la récupération des aides versées à la requérante pour les dommages dus à l’annulation du vol à destination du Canada le 15 septembre 2001 ainsi que pour les dommages auxquels il est fait référence au point 87 ci-dessus et, deuxièmement, de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supportera ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les articles 1er et 2 de la décision C (2006) 1580 final de la Commission, du 26 avril 2006, concernant le régime d’aides d’État C 39/2003 (ex NN 119/2002) que la République hellénique a mis à exécution en faveur des transporteurs aériens à la suite des préjudices subis du 11 au 14 septembre 2001, sont annulés en ce qu’ils déclarent incompatibles avec le marché commun les aides octroyées à Olympiaki Aeroporia Ypiresies AE, premièrement, pour des dommages dus à l’annulation du vol à destination du Canada le 15 septembre 2001, deuxièmement, pour des dommages concernant son réseau en dehors de l’Atlantique Nord et d’Israël et, troisièmement, pour des recettes perdues au titre du transport de marchandises, des frais de destruction de marchandises sensibles, des frais de contrôle de sécurité supplémentaires pour les marchandises, des frais liés aux heures supplémentaires du personnel et des frais liés aux mesures urgentes de sécurité supplémentaires.

2)      L’article 4 de la décision C (2006) 1580 final est annulé dans la mesure où il ordonne la récupération des aides mentionnées au point précédent.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Martins Ribeiro

Papasavvas

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 juin 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      M. E. Martins Ribeiro

Table des matières


Antécédents du litige

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 2, sous b), CE

Arguments de la requérante

Sur les dommages concernant le réseau de l’Atlantique Nord de la requérante

Sur les dommages concernant le reste du réseau de la requérante

Arguments de la Commission

Sur les dommages concernant le réseau de l’Atlantique Nord de la requérante

Sur les dommages concernant le reste du réseau de la requérante

Appréciation du Tribunal

Sur les dommages concernant le réseau de l’Atlantique Nord de la requérante

–  Sur le vol aller-retour à destination de New York initialement prévu le 15 septembre 2001

–  Sur les deux vols aller-retour à destination de Toronto via Montréal initialement prévus les 15 et 16 septembre 2001

–  Sur les « ferry flights »

Sur les dommages concernant le reste du réseau de la requérante

2.  Sur le second moyen, tiré d’un défaut de motivation

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : le grec.