Language of document : ECLI:EU:T:2021:410

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

7 juillet 2021 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de l’Iran – Liste des personnes et entités auxquelles s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers »

Dans l’affaire T‑692/15 RENV,

HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping GmbH, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Me M. Schlingmann, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J.-P. Hix et M. Bishop, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. R. Tricot, C. Hödlmayr, J. Roberti di Sarsina et M. Kellerbauer, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur les articles 268 et 340 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi à la suite de l’inscription de son nom, d’une part, par le règlement d’exécution (UE) no 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) no 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2010, L 195, p. 25), à l’annexe V du règlement (CE) no 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2007, L 103, p. 1), et, d’autre part, par le règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 423/2007 (JO 2010, L 281, p. 1), à l’annexe VIII du règlement no 961/2010,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger et Mme O. Porchia (rapporteure), juges,

greffier : M. B. Lefebvre, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 20 novembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige et procédure avant renvoi

1        La requérante, HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping GmbH, fondée en 2009 par M. Naser Bateni, est une société de droit allemand qui exerce des activités d’agent maritime et de gestionnaire technique de navires.

2        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires. Il s’agit notamment des mesures prises à l’encontre d’une compagnie maritime, l’Islamic Republic of Iran Shipping Lines (ci‑après « IRISL »), ainsi que des personnes physiques ou morales prétendument liées à cette compagnie, parmi lesquelles figuraient, notamment, selon le Conseil de l’Union européenne, IRISL Europe, la requérante et deux autres compagnies maritimes, Hafize Darya Shipping Lines (ci-après « HDSL ») et Safiran Pyam Darya Shipping Lines (ci‑après « SAPID »).

3        Par la décision 2010/413/PESC, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO 2010, L 195, p. 39), le Conseil a inscrit le nom de la requérante sur la liste des entités concourant à la prolifération nucléaire qui figure à l’annexe II de ladite décision. Par voie de conséquence, le nom de la requérante a été inscrit, par le règlement d’exécution (UE) no 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) no 423/2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2007, L 103, p. 25), sur la liste figurant à l’annexe V du règlement (CE) no 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2007, L 103, p. 1). La décision 2010/413 et le règlement d’exécution no 668/2010, en ce qu’ils portent première inscription du nom de la requérante (ci-après la « première inscription »), ont été motivés par le fait que cette société « [a]gi[ssai]t pour le compte de HDSL en Europe ». Ladite inscription n’a pas fait l’objet d’un recours en annulation.

4        Le 25 octobre 2010, le Conseil a adopté le règlement (UE) no 961/2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 423/2007 (JO 2010, L 281, p. 1). L’annexe VIII du règlement no 961/2010 contenait la liste des personnes, des entités et des organismes dont les avoirs étaient gelés en application de l’article 16, paragraphe 2, dudit règlement. Il ressort du règlement en question, qui porte inscription de la requérante sur cette liste (ci-après la « deuxième inscription »), que le motif retenu à l’encontre de cette société a été qu’elle « [était] placée sous le contrôle [ou] agi[ssai]t pour le compte d’IRISL ». La requérante a contesté la deuxième inscription devant le Tribunal.

5        Par arrêt du 7 décembre 2011, HTTS/Conseil (T‑562/10, EU:T:2011:716), le Tribunal a annulé la deuxième inscription, mais a établi que les effets du règlement no 961/2010, pour autant qu’il concernait la requérante, étaient maintenus jusqu’au 7 février 2012.

6        Après le prononcé de l’arrêt du 7 décembre 2011, HTTS/Conseil (T‑562/10, EU:T:2011:716), le nom de la requérante a fait l’objet d’autres inscriptions de la part du Conseil, à savoir, en premier lieu, le 23 janvier 2012, par la décision 2012/35/PESC, modifiant la décision 2010/413 (JO 2012, L 19, p. 22), pour les motifs suivants : « [s]ociété contrôlée par [...] IRISL [ou] agissant pour le compte de [...] IRISL. [La requérante] est enregistrée à Hambourg [(Allemagne)], à la même adresse que IRISL Europe GmbH et le Dr. Naser Ba[t]eni, son dirigeant, était employé précédemment par IRISL ». En conséquence, le nom de la requérante a été inscrit, pour ces motifs, sur la liste figurant à l’annexe VIII du règlement no 961/2010, par le règlement d’exécution (UE) no 54/2012 du Conseil, du 23 janvier 2012, mettant en œuvre le règlement no 961/2010 (JO 2012, L 19, p. 1).

7        En deuxième lieu, le nom de la requérante a été inscrit, le 23 mars 2012, sur la liste figurant dans le règlement (UE) no 267/2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 961/2010 (JO 2012, L 88, p. 1). Cette inscription contestée devant le Tribunal par la requérante a été annulée par l’arrêt du 12 juin 2013, HTTS/Conseil (T‑128/12 et T‑182/12, non publié, EU:T:2013:312).

8        En troisième et dernier lieu, le nom de la requérante a fait l’objet d’une nouvelle inscription, le 15 novembre 2013, par la décision 2013/661/PESC, modifiant la décision 2010/413 (JO 2013, L 306, p. 18), et par le règlement d’exécution (UE) no 1154/2013, mettant en œuvre le règlement (UE) no 267/2012 (JO 2013, L 306, p. 3). Cette inscription a été contestée par la requérante devant le Tribunal et annulée par l’arrêt du 18 septembre 2015, HTTS et Bateni/Conseil (T‑45/14, non publié, EU:T:2015:650).

9        Entre-temps, par arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, EU:T:2013:453), le Tribunal a annulé l’inscription du nom d’IRISL et d’autres compagnies maritimes, dont HDSL et SAPID, sur les listes les concernant, au motif que les éléments mis en avant par le Conseil ne justifiaient pas l’inscription du nom d’IRISL et, par conséquent, ne pouvaient pas non plus justifier l’adoption et le maintien de mesures restrictives visant les autres compagnies maritimes qui avaient été inscrites sur les listes en raison de leurs liens avec IRISL.

10      Par courrier du 23 juillet 2015, la requérante a adressé au Conseil une demande d’indemnisation du préjudice qu’elle indiquait avoir subi du fait de l’inscription initiale de son nom ainsi que des inscriptions suivantes sur les listes des personnes liées à l’activité d’IRISL. Par lettre datée du 16 octobre 2015, le Conseil, a rejeté cette demande.

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 novembre 2015, la requérante a introduit son recours tendant à faire :

–        condamner le Conseil à lui verser une indemnité d’un montant de 2 513 221,50 euros en réparation des préjudices matériel et moral subis en raison de l’inscription de son nom sur les listes des personnes, des entités et des organismes figurant à l’annexe V du règlement no 423/2007 et à l’annexe VIII du règlement no 961/2010 (ci‑après, prises ensemble, les « listes litigieuses ») ;

–        condamner le Conseil au paiement d’intérêts moratoires au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à ses opérations principales de refinancement, majoré de deux points, à compter du 17 octobre 2015 ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

12      Ce recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous la référence T‑692/15.

13      Le Conseil a conclu au rejet du recours comme partiellement irrecevable et, en tout état de cause, dénué de fondement ainsi qu’à la condamnation de la requérante aux dépens.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 avril 2016, la Commission européenne a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Par décision du 13 mai 2016, le président de la septième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande, conformément à l’article 144, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal.

15      La clôture de la phase écrite de la procédure a été signifiée aux parties le 30 août 2016. Aucune demande de fixation d’une audience n’a été présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de cette signification, tel qu’il est prescrit par l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure.

16      Par décision du président du Tribunal du 5 octobre 2016, l’affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la troisième chambre.

17      Par décision du 8 juin 2017, signifiée aux parties le jour suivant, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, a décidé, en l’absence de demande des parties à cet égard, de statuer sans ouvrir la phase orale de la procédure, conformément à l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure.

18      Cependant, par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 juin 2017, la requérante a sollicité la tenue d’une audience, notamment en raison du prononcé de l’arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402), et a demandé au Tribunal d’entendre, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, son directeur et unique associé, M. Bateni, en ce qui concerne, en particulier, la portée des préjudices matériels et immatériels prétendument subis.

19      Par décision du 20 juin 2017, le Tribunal a, en premier lieu, confirmé sa décision du 8 juin 2017. En ce qui concerne la demande de la requérante relative à la tenue d’une audience, le Tribunal a, d’une part, considéré que cette demande avait été présentée en dehors du délai qui avait été imparti et, d’autre part, constaté l’absence d’éléments nouveaux susceptibles, le cas échéant, de justifier la tenue d’une telle audience. Il a considéré à cet égard que l’arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402), n’avait fait que confirmer l’arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986), et, dès lors, ne pouvait pas justifier l’ouverture de la phase orale de la procédure. En second lieu, le Tribunal n’a pas fait droit à la demande de mesure d’organisation de la procédure relative à l’audition de M. Bateni, au motif qu’il s’estimait déjà suffisamment éclairé par les pièces figurant dans le dossier ainsi que par la jurisprudence pertinente en matière d’évaluation des préjudices découlant d’une mesure restrictive illégale.

20      Par arrêt du 13 décembre 2017, HTTS/Conseil (T‑692/15, ci‑après l’« arrêt initial », EU:T:2017:890), le Tribunal a rejeté le recours en indemnité formé par la requérante et condamné cette dernière aux dépens. Il a rejeté les premier et second moyens avancés par elle, à savoir, respectivement, celui tiré d’une violation de l’obligation de motivation et celui tiré d’une violation des conditions matérielles d’inscription sur les listes litigieuses.

21      Par requête déposée au greffe de la Cour le 13 février 2018, la requérante a formé un pourvoi contre l’arrêt initial, lequel pourvoi a été enregistré sous la référence C‑123/18 P. Par arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil (C‑123/18 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2019:694), la Cour a annulé l’arrêt initial et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal, en application de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, et a réservé les dépens.

22      La Cour a jugé, en substance, que le Tribunal avait commis une erreur de droit en jugeant, aux points 49 et 50 de l’arrêt initial, que le Conseil pouvait invoquer tout élément pertinent n’ayant pas été pris en compte lors de l’inscription de la requérante sur les listes litigieuses et, en particulier, en jugeant, au point 60 de cet arrêt, qu’il ressortait d’une série d’éléments, indiqués au point 59 dudit arrêt, que le Conseil n’avait pas commis de violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union dans le cadre de son appréciation de la portée des relations commerciales entre la requérante et IRISL, dans la mesure où ces indices prouvant la qualité de la requérante de « société détenue ou contrôlée » par IRISL n’étaient pas connus du Conseil à la date d’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses, ainsi qu’il ressort des points 51 et 56 à 86 de l’arrêt sur pourvoi.

 Procédure et conclusions des parties après renvoi

23      L’affaire renvoyée devant le Tribunal a été enregistrée au greffe de ce dernier sous la référence T‑692/15 RENV et a été attribuée, le 19 septembre 2019, conformément à l’article 216, paragraphe 1, du règlement de procédure, à la première chambre.

24      Les parties ont été invitées à présenter leurs observations, conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure, concernant les suites à donner à l’arrêt sur pourvoi dans la présente procédure. Elles ont déposé leurs observations dans les délais impartis.

25      Dans ses observations, déposées au greffe du Tribunal le 11 novembre 2019, la requérante a pris position sur les effets à tirer dans la présente affaire de l’arrêt sur pourvoi. À cet égard, elle maintient les conclusions présentées dans le recours introductif d’instance visant à obtenir la condamnation du Conseil à lui verser une indemnité en réparation des préjudices matériel et moral subis.

26      Dans ses observations, déposées au greffe du Tribunal le 19 novembre 2019, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable et, en tout état de cause, dénué de fondement ;

–        condamner la requérante aux dépens de la procédure engagée devant le Tribunal dans les affaires T‑692/15 et T‑692/15 RENV et aux dépens du pourvoi devant la Cour dans l’affaire C‑123/18 P.

27      Dans ses observations, déposées au greffe du Tribunal le 19 novembre 2019, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens de l’instance.

28      La requérante et le Conseil ont demandé, respectivement le 29 et le 30 janvier 2020, la tenue d’une audience.

29      Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal a fait droit auxdites demandes et a ouvert la phase orale de la procédure.

30      Par décision du 30 juin 2020, le président de la première chambre a décidé, en application de l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure, les parties entendues, de joindre la présente affaire à l’affaire T‑455/17, Bateni/Conseil, aux fins de la phase orale de la procédure.

31      Après plusieurs reports d’audience dus à la crise sanitaire liée à la COVID‑19, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 20 novembre 2020, qui s’est tenue par vidéoconférence avec l’accord de la requérante.

 En droit

 Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en indemnité de la requérante

32      Le Conseil invoque, dans la duplique déposée dans le cadre de la procédure initiale, l’irrecevabilité partielle du recours, en raison de l’expiration du délai de prescription prévu par l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

33      Le Conseil allègue, à cet égard, que le recours, introduit par la requérante le 25 novembre 2015, se fonde sur des actes adoptés plus de cinq ans auparavant, à savoir le 26 juillet 2010 pour le règlement d’exécution no 668/2010 et le 25 octobre 2010 pour le règlement no 961/2010.

34      Le Conseil estime que, en tout état de cause, le recours est partiellement irrecevable en raison de la prescription du droit d’action en indemnité de la requérante en ce qui concerne les dommages prétendument subis avant le 25 novembre 2010, à savoir cinq ans avant l’introduction du recours en indemnité devant le Tribunal qui a eu lieu le 25 novembre 2015.

35      En outre, dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 19 novembre 2019, le Conseil maintient cet argument, en affirmant que « [l]’arrêt du 10 septembre 2019 n’a aucune incidence sur [son] argument, selon lequel le Tribunal est partiellement incompétent, puisque les droits invoqués dans le cadre du recours sont en partie prescrits ».

36      Lors de l’audience, la requérante, invitée à prendre position sur ledit argument, a rappelé avoir demandé une indemnité au Conseil, préalablement à la procédure juridictionnelle, dans le délai de cinq ans.

37      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, prévoit que les actions contre l’Union européenne en matière de responsabilité non contractuelle se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance du fait qui y donne lieu. La prescription est interrompue soit par la requête formée devant la Cour, soit par la demande préalable que la victime peut adresser à l’institution compétente de l’Union. Dans ce dernier cas, la requête doit être formée dans le délai de deux mois prévu à l’article 263 TFUE et les dispositions de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE sont, le cas échéant, applicables.

38      Par ailleurs, le délai de deux mois prévu à l’article 263 TFUE s’applique au cas où une décision de rejet de la demande préalable à l’institution compétente a été notifiée à la personne qui a adressé la demande, alors que le délai de deux mois prévu à l’article 265, deuxième alinéa, TFUE s’applique au cas où l’institution concernée n’a pas pris position dans les deux mois à compter de cette demande [voir, en ce sens, ordonnance du 4 mai 2005, Holcim (France)/Commission, T‑86/03, EU:T:2005:157, point 38, et arrêt du 21 juillet 2016, Nutria/Commission, T‑832/14, non publié, EU:T:2016:428, point 36].

39      En l’espèce, la première inscription a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 27 juillet 2010 et la requérante a adressé au Conseil une demande d’indemnisation par télécopie le 23 juillet 2015. Après l’expiration du délai de deux mois valant décision implicite de rejet de cette demande, le Conseil a procédé au retrait de cette décision en rejetant ladite demande par lettre du 16 octobre 2015 (voir, par analogie, arrêt du 11 juin 2019, Frank/Commission, T‑478/16, EU:T:2019:399, point 78 et jurisprudence citée). En introduisant son recours en indemnité le 25 novembre 2015, la requérante l’a fait dans les deux mois suivant la réception de la lettre de rejet du Conseil (voir, en ce sens, arrêt du 16 avril 1997, Hartmann/Conseil et Commission, T‑20/94, EU:T:1997:55, point 134).

40      Partant, dans le cas d’espèce, le délai de prescription peut être considéré comme interrompu le 23 juillet 2015, à savoir moins de cinq ans après le 27 juillet 2010, de sorte que le présent recours doit être considéré comme recevable.

 Sur le moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation

41      La requérante soutient, en substance, que la responsabilité non contractuelle de l’Union doit être engagée au motif que l’inscription de son nom sur les listes litigieuses a été faite en violation de l’obligation de motivation.

42      Il convient de rappeler que, conformément à l’article 61, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en cas de renvoi, le Tribunal est lié par les points de droit tranchés par la décision de la Cour.

43      En effet, ainsi que le Conseil et la Commission le soulignent, et comme l’a admis la requérante lors de l’audience, l’arrêt sur pourvoi a confirmé la conclusion contenue au point 88 de l’arrêt initial selon laquelle la violation de l’obligation de motivation n’est pas en principe de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union, la Cour soulignant au demeurant que, même à supposer que la requérante ait produit les preuves permettant de constater l’illégalité du règlement d’exécution no 668/2010 pour défaut de motivation, ses griefs ne pourraient conduire à la reconnaissance d’une violation du droit de l’Union suffisamment caractérisée pour engager la responsabilité non contractuelle de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt sur pourvoi, points 102 et 103).

44      Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré d’une violation suffisamment caractérisée des conditions matérielles d’inscriptionsur les listes litigieuses

45      Au soutien du présent moyen, la requérante avance deux griefs. Par un premier grief, elle fait valoir que le Conseil n’a pas établi, sur la base d’éléments de preuve suffisants, qu’elle était sous le contrôle d’IRISL. Par un second grief, elle soutient que les motifs ayant conduit à l’inscription de son nom sur les listes litigieuses, à savoir la participation d’IRISL et de HDSL à la prolifération nucléaire, étaient erronés compte tenu de l’arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, EU:T:2013:453).

46      Par ailleurs, la requérante fait valoir, en substance, que le règlement d’exécution no 668/2010 est illégal. Selon elle, bien que la Cour considère que l’annulation du règlement no 961/2010, en ce qu’il la concerne, n’entraîne pas automatiquement l’annulation dudit règlement d’exécution, ces textes ont été adoptés sur une base factuelle insuffisante et sont donc nuls. Dès lors, elle estime que si, à la date de la deuxième inscription, il n’existait pas suffisamment d’éléments de preuve pour permettre l’inscription de son nom sur une liste, cela devait valoir a fortiori pour la première inscription.

47      S’agissant du premier grief, la requérante soutient que les première et deuxième inscriptions (ci-après, prises ensemble, les « inscriptions litigieuses »), motivées respectivement par les indications selon lesquelles elle « agit pour le compte de HDSL en Europe » et « est placée sous le contrôle [ou] agit pour le compte d’IRISL », n’étaient fondées sur aucune base factuelle dans la mesure où, notamment, le Conseil aurait admis, lors de l’audience devant la Cour le 5 mars 2019, que, à la date de l’adoption desdites inscriptions, il ne disposait pas des informations mentionnées au point 59 de l’arrêt initial et qu’il n’avait pas utilisé ces informations au moment où il a instruit le dossier.

48      S’agissant du second grief, la requérante soutient que la violation commise par le Conseil est d’autant plus importante, dans la mesure où les motifs à l’origine de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses, à savoir la participation d’IRISL et de HDSL à la prolifération nucléaire, étaient déjà erronés compte tenu de l’arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, EU:T:2013:453), de sorte que les inscriptions litigieuses seraient entachées d’une « double erreur ». Elle soutient, d’une part, qu’IRISL et HDSL n’ont pas participé à la prolifération nucléaire et, d’autre part, qu’il n’existait entre elle et ces sociétés aucun lien leur permettant d’influencer ses décisions économiques.

49      Le Conseil et la Commission contestent l’ensemble des griefs soulevés par la requérante.

 Rappel de la jurisprudence en matière de responsabilité non contractuelle de l’Union

50      Il convient de rappeler que l’action en indemnité constitue une voie de droit autonome, qui tend non pas à la suppression d’une mesure déterminée mais à la réparation du préjudice causé par une institution (voir, en ce sens, arrêt du 2 décembre 1971, Zuckerfabrik Schöppenstedt/Conseil, 5/71, EU:C:1971:116, point 3) et que l’action en annulation ne représente pas une condition préliminaire pour pouvoir saisir le Tribunal d’une action en indemnité.

51      En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées (voir, en ce sens, arrêts du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 80 et jurisprudence citée, et sur pourvoi, point 32).

52      Selon une jurisprudence constante, les conditions pour l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, sont cumulatives (voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, EU:T:2010:499, point 93, et ordonnance du 17 février 2012, Dagher/Conseil, T‑218/11, non publiée, EU:T:2012:82, point 34). Il s’ensuit que, lorsqu’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C-257/98 P, EU:C:1999:402, point 14, et du 26 octobre 2011, Dufour/BCE, T‑436/09, EU:T:2011:634, point 193).

53      Il découle d’une jurisprudence bien établie que la constatation de l’illégalité d’un acte juridique de l’Union, dans le cadre par exemple d’un recours en annulation, ne suffit pas, pour regrettable qu’elle soit, pour considérer que la responsabilité non contractuelle de celle-ci, tenant à l’illégalité du comportement d’une de ses institutions, soit, de ce fait, automatiquement engagée. Pour admettre qu’il est satisfait à cette condition, la jurisprudence exige, en effet, que la partie requérante établisse que l’institution en cause ait commis non pas une simple illégalité, mais une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (voir arrêt du 5 juin 2019, Bank Saderat/Conseil, T‑433/15, non publié, EU:T:2019:374, point 48 et jurisprudence citée).

54      Par ailleurs, la preuve d’une violation suffisamment caractérisée vise à éviter, notamment dans le domaine des mesures restrictives, que la mission que l’institution concernée est appelée à accomplir dans l’intérêt général de l’Union et de ses États membres ne soit entravée par le risque que cette institution soit finalement appelée à supporter les dommages que les personnes concernées par ses actes pourraient éventuellement subir, sans pour autant laisser peser sur ces particuliers les conséquences patrimoniales ou morales de manquements que l’institution concernée aurait commis de façon flagrante et inexcusable (voir arrêt du 5 juin 2019, Bank Saderat/Conseil, T‑433/15, non publié, EU:T:2019:374, point 49 et jurisprudence citée).

55      En effet, l’objectif plus large du maintien de la paix et de la sécurité internationales, conformément aux finalités de l’action extérieure de l’Union énoncées à l’article 21 TUE, est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, découlant, pour certains opérateurs économiques, des décisions de mise en œuvre des actes adoptés par l’Union en vue de la réalisation de cet objectif fondamental (arrêt du 5 juin 2019, Bank Saderat/Conseil, T‑433/15, non publié, EU:T:2019:374, point 50).

 Rappel des principes établis par l’arrêt sur pourvoi

56      Au point 33 de l’arrêt sur pourvoi, la Cour a rappelé qu’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers est établie lorsqu’elle implique une méconnaissance manifeste et grave par l’institution concernée des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation, les éléments à prendre en considération à cet égard étant, notamment, la complexité des situations à régler, le degré de clarté et de précision de la règle violée ainsi que l’étendue de la marge d’appréciation que la règle enfreinte laisse à l’institution de l’Union.

57      À cet égard, la Cour a souligné, en premier lieu, au point 34 de l’arrêt sur pourvoi, que l’exigence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union découle de la nécessité d’une mise en balance entre, d’une part, la protection des particuliers contre les agissements illégaux des institutions et, d’autre part, la marge de manœuvre qui doit être reconnue à ces dernières afin de ne pas paralyser leur action et que cette mise en balance se révèle d’autant plus importante dans le domaine des mesures restrictives dans lequel les obstacles rencontrés par le Conseil en termes de disponibilité des informations rendent souvent l’évaluation à laquelle il doit procéder particulièrement difficile.

58      En deuxième lieu, au point 43 de l’arrêt sur pourvoi, la Cour a indiqué que seule la constatation d’une irrégularité que n’aurait pas commise, dans des circonstances analogues, une administration normalement prudente et diligente permettrait d’engager la responsabilité de l’Union.

59      En troisième lieu, aux points 44 et 46 de l’arrêt sur pourvoi, la Cour a considéré que les paramètres énumérés au point 56 ci-dessus et qui doivent être pris en compte dans l’évaluation d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union se rapportaient tous à la date à laquelle la décision ou le comportement avaient été adoptés par l’institution concernée et qu’il en découlait que l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union devait nécessairement être appréciée en fonction des circonstances dans lesquelles l’institution avait agi à cette date précise.

60      En quatrième lieu, au point 41 de l’arrêt sur pourvoi, la Cour a établi que, dans la mesure où la deuxième inscription a été annulée par l’arrêt du 7 décembre 2011, HTTS/Conseil (T‑562/10, EU:T:2011:716), qui a acquis autorité de chose jugée, le premier volet de la première condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, à savoir une violation d’une règle de droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, était rempli en ce qui concerne le règlement no 961/2010.

61      En cinquième lieu, aux points 99 et 100 de l’arrêt sur pourvoi, la Cour a précisé qu’il ne pouvait être inféré de l’arrêt du 7 décembre 2011, HTTS/Conseil (T‑562/10, EU:T:2011:716), qui avait retenu le défaut de motivation, que le règlement d’exécution no 668/2010 devait également être considéré comme illégal en raison du même vice et qu’il appartenait à la requérante, n’ayant pas contesté la légalité de la première inscription au moyen d’un recours en annulation, de démontrer l’illégalité de ce règlement d’exécution, dès lors que les actes des institutions de l’Union jouissaient, en principe, d’une présomption de légalité et produisent des effets juridiques aussi longtemps qu’ils n’avaient pas été retirés, annulés dans le cadre d’un recours en annulation ou déclarés invalides à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité.

62      En sixième lieu, s’agissant plus particulièrement des critères d’inscription dont la requérante invoque la violation grave et manifeste dans le cas d’espèce, au point 69 de l’arrêt sur pourvoi, la Cour a indiqué que l’utilisation des termes « détenu » et « sous son contrôle », à savoir les critères d’inscription contenus dans les règlements nos 423/2007 et 961/2010 et sur la base desquels avaient été effectuées les inscriptions litigieuses, répondait à la nécessité de permettre au Conseil de prendre des mesures efficaces contre toutes les personnes, les entités ou les organismes liés à des sociétés impliquées dans la prolifération nucléaire. Selon elle, il en résultait que la détention ou le contrôle peuvent être directs ou indirects. En effet, si ce lien devait être établi uniquement sur la base de la détention ou du contrôle direct desdites personnes, les mesures pourraient être contournées par une multitude de possibilités de contrôle contractuelles ou factuelles, qui conféreraient à une société des possibilités tout aussi étendues qu’une détention ou un contrôle direct d’exercer une influence sur d’autres entités.

63      Dès lors, au point 70 de l’arrêt sur pourvoi, la Cour a précisé que la notion de « société détenue ou contrôlée », comme cela est rappelé par le Tribunal dans l’arrêt initial, n’avait pas, dans le domaine des mesures restrictives, la même portée que celle visée, en général, par le droit des sociétés, lorsqu’il s’agissait d’identifier la responsabilité commerciale d’une société qui se trouvait juridiquement placée sous le contrôle décisionnel d’une autre entité commerciale.

64      Ainsi, au point 75 de l’arrêt sur pourvoi, la Cour a confirmé qu’une société peut être qualifiée de « société détenue ou contrôlée par une autre entité », dès lors que cette dernière se trouvait dans une situation dans laquelle elle était en mesure d’influencer les choix de la société concernée, même en l’absence de tout lien juridique, de propriété ou de participation dans le capital, entre l’une et l’autre de ces deux entités économiques.

65      Enfin, aux points 77 à 79 de l’arrêt sur pourvoi, la Cour a constaté que, aux fins de l’adoption de mesures, le fait d’agir sous le contrôle d’une personne ou d’une entité et le fait d’agir pour le compte d’une telle personne ou entité devaient être assimilés. Elle a indiqué que cette conclusion était confortée par l’analyse du but de l’article 16, paragraphe 2, sous d), du règlement no 961/2010 qui visait à permettre au Conseil de prendre des mesures efficaces contre les personnes impliquées dans la prolifération nucléaire et à éviter que de telles mesures soient contournées. En outre, elle a précisé que ladite conclusion était également corroborée par l’analyse du contexte dans lequel s’insérait cette disposition.

 Appréciation du Tribunal

66      C’est à la lumière des principes rappelés aux points 50 à 65 ci-dessus qu’il importe de vérifier si les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union sont réunies dans le cas d’espèce et, notamment, l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

67      À titre liminaire, compte tenu de ce qui a été rappelé au point 60 ci-dessus, s’agissant de la deuxième inscription, dans la mesure où elle a été annulée par l’arrêt du 7 décembre 2011, HTTS/Conseil (T‑562/10, EU:T:2011:716), qui a acquis autorité de chose jugée, la Cour a reconnu que le premier volet de la première condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, à savoir une violation d’une règle de droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, était rempli en ce qui concerne le règlement no 961/2010.

68      En revanche, il convient de constater que, s’agissant de la première inscription, comme il a été rappelé au point 61 ci-dessus, il ne pouvait être inféré de l’arrêt du 7 décembre 2011, HTTS/Conseil (T‑562/10, EU:T:2011:716), qui a retenu le défaut de motivation, que le règlement d’exécution no 668/2010 devait également être considéré comme illégal en raison du même vice et qu’il appartenait à la requérante, n’ayant pas contesté la légalité de la première inscription au moyen d’un recours en annulation, de démontrer l’illégalité de ce règlement d’exécution, dès lors que les actes des institutions de l’Union jouissent, en principe, d’une présomption de légalité.

69      En tout état de cause, même à supposer que la première inscription soit illégale, il convient d’analyser, pour cette inscription ainsi que pour la deuxième, si les éléments avancés par la requérante, tels que rappelés aux points 47 et 48 ci-dessus, permettent de démontrer que ces inscriptions constituent une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

–       Sur le premier grief, tiré du fait que le Conseil n’a pas fourni des éléments factuels étayant la conclusion que la requérante était sous le contrôle d’IRISL

70      La requérante soutient, en substance, que le Conseil a commis une violation grave et manifeste des conditions matérielles d’inscription en considérant qu’elle était placée sous le contrôle d’IRISL ou agissait pour le compte de cette dernière sans disposer d’élément de preuve à cet égard.

71      D’une part, la requérante fait valoir que, lors des inscriptions litigieuses, le Conseil n’a pas effectué de recherches pour démontrer la nature du contrôle d’IRISL sur elle, ne disposait d’aucune preuve et avait agi sur indications émanant des États membres. Cette manière de procéder aurait été qualifiée par le Tribunal, dans l’arrêt du 12 juin 2013, HTTS/Conseil (T‑128/12 et T‑182/12, non publié, EU:T:2013:312), d’« erreur manifeste d’appréciation ». Par ailleurs, la requérante conteste la conduite du Conseil à la suite de l’annulation de la deuxième inscription, consistant à adopter une nouvelle inscription avec une motivation légèrement modifiée. Elle conclut que le Conseil a violé de manière importante et manifeste les limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation et méconnu de manière flagrante les conditions matérielles d’inscription.

72      D’autre part, en se fondant notamment sur l’arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986), la requérante fait valoir que le Conseil ne disposait d’aucune marge d’appréciation quant au devoir d’établir le bien fondé des inscriptions litigieuses et que, comme dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, il a commis une violation grave et manifeste consistant à adopter ces inscriptions sans disposer d’aucune information ni élément de preuve. Par ailleurs, elle soutient que le Conseil ne pouvait pas invoquer comme justification d’un tel comportement la complexité des faits à réglementer ni les difficultés d’application ou d’interprétation des règles de l’Union dans ce domaine, car, eu égard au caractère flagrant de la violation, lesdites complexité et difficulté n’en auraient pas constitué la cause.

73      À cet égard, il convient de vérifier, à la lumière de l’arrêt sur pourvoi, si, à la date d’adoption des inscriptions litigieuses, compte tenu exclusivement des éléments de preuve dont le Conseil disposait à ce moment précis, cette institution a commis une violation suffisamment caractérisée des conditions matérielles d’inscription.

74      En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante tiré du fait que le Conseil a effectué les inscriptions litigieuses en l’absence de tout élément de preuve et sur la base d’indications provenant des États membres, il convient de relever que, lors de l’audience, le Conseil a précisé le contenu de la déclaration qu’il avait faite lors de l’audience devant la Cour du 5 mars 2019, selon laquelle, à la date de l’adoption de ces inscriptions, il ne disposait pas des informations mentionnées au point 59 de l’arrêt initial, en affirmant qu’il ne disposait pas de toutes les informations.

75      En particulier, s’agissant de la première inscription, le Conseil a indiqué que celle-ci était fondée sur le fait que la requérante était établie à Hambourg (Allemagne), Schottweg 7, et qu’IRISL Europe, filiale européenne d’IRISL, l’était à Hambourg, Schottweg 5. Il convient de relever, à l’instar de ce qu’a fait valoir le Conseil, que, à la date de l’adoption de ladite inscription, celui-ci disposait en effet de cet élément relatif à l’adresse de la requérante et à celle d’IRISL Europe, comme cela ressort des informations d’identification concernant les entreprises inscrites sur la liste figurant à l’annexe V du règlement no 423/2007, dans la version résultant de l’annexe, partie III, point 1, sous d) et j), du règlement d’exécution no 668/2010.

76      En outre, le Conseil a fait valoir qu’il disposait des résolutions 1803 (2008) et 1929 (2010) du Conseil de sécurité des Nations unies, du 3 mars 2008 et du 9 juin 2010, sur IRISL ainsi que du rapport du comité des sanctions de ce Conseil de sécurité, qui constatait trois violations manifestes par IRISL de l’embargo sur les armes imposé par la résolution 1747 (2007) dudit Conseil de sécurité, du 24 mars 2007. D’une part, ainsi que le Conseil le relève à juste titre, la preuve que ces documents étaient bien en sa possession découle du fait qu’ils sont visés dans la motivation concernant l’inscription d’IRISL à l’annexe II, partie III, de la décision 2010/413 ainsi qu’à l’annexe, partie III, du règlement d’exécution no 668/2010.

77      D’autre part, la réalité matérielle des trois violations de l’embargo sur les armes qui ont été établies dans ledit rapport du comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies n’a pas été remise en question, tout comme le contenu dudit rapport, en ce qu’il en ressort qu’IRISL avait entamé des activités pour contourner les mesures adoptées en transférant ses activités à d’autres entreprises et que son siège en Europe était situé à proximité de celui de la requérante. Ainsi que l’a relevé en substance le Conseil, il s’agissait là d’indices pour l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses, dans la mesure où cette inscription était la conséquence directe de celle d’IRISL, et au demeurant de HDSL, étant entendu que le nom de cette dernière pour laquelle la requérante agissait avait été inclus dans l’annexe II, partie III, de la décision 2010/413 ainsi que dans l’annexe, partie III, du règlement d’exécution no 668/2010 comme agissant elle-même pour le compte d’IRISL.

78      Au demeurant, il importe de relever que la proximité géographique des sièges d’IRISL Europe et de la requérante n’a pas été contestée par cette dernière. Celle-ci a même reconnu, lors de l’audience, concernant cette proximité, que, à l’époque des inscriptions litigieuses, et donc aussi à l’époque de la première inscription, elle était en mesure de recourir aux salariés d’IRISL Europe qui avait mis une partie de son personnel à sa disposition.

79      S’agissant de la deuxième inscription, le Conseil a fait valoir que celle-ci avait été aussi fondée sur des circonstances précises et non contestées, qui avaient fait l’objet d’une reconnaissance de la part de la requérante dans deux lettres, des 10 et 13 septembre 2010, par lesquelles celle-ci lui avait demandé de réexaminer la décision d’inscrire son nom sur les listes litigieuses. Or, ainsi que le Conseil l’a relevé à juste titre, il ressort de ces lettres que, à l’époque des inscriptions litigieuses, la requérante était active en tant qu’agent maritime pour le compte de HDSL qui se trouvait être considérée comme étroitement liée à IRISL, dès lors que son nom avait également été inscrit sur les listes des entités soupçonnées de faciliter la prolifération nucléaire en Iran en date du 26 juillet 2010, au motif qu’elle « [a]gi[ssai]t pour le compte d’IRISL, [en ce qu’elle] effectu[ait] des transports de conteneurs en utilisant les navires d’IRISL » et que M. Bateni avait été directeur d’IRISL jusqu’en 2008, avant de s’établir en Europe et de fonder la requérante.

80      Au surplus, il importe d’ajouter, s’agissant des inscriptions litigieuses, que, à leur date d’adoption, des sources d’information de caractère public existaient, comme l’a relevé à juste titre le Conseil lors de l’audience, notamment un article du New York Times du 7 juin 2010, intitulé « Companies Linked to IRISL », qui contenait la liste de 66 entreprises, dont la requérante et HDSL, qui avaient un lien avec IRISL et auxquelles cette dernière aurait transféré des navires.

81      De plus, pour ce qui concerne la deuxième inscription, il convient de relever que les lettres des 10 et 13 septembre 2010 mentionnées au point 79 ci-dessus avaient pour destinataire le Conseil lui-même et il n’est pas contesté qu’il les avait reçues lors de l’adoption de cette inscription. Par ailleurs, ces lettres ont été citées dans l’arrêt du 7 décembre 2011, HTTS/Conseil (T‑562/10, EU:T:2011:716), et ont, donc, été prises en considération par le Tribunal dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à cet arrêt.

82      Il importe au demeurant de souligner que si, par l’arrêt du 7 décembre 2011, HTTS/Conseil (T‑562/10, EU:T:2011:716), le Tribunal a annulé la deuxième inscription, les effets de cette annulation ont été reportés dans le temps dans la mesure où le Tribunal a constaté, aux points 41 à 43 dudit arrêt, qu’il ne saurait être exclu que, sur le fond, l’imposition des mesures restrictives à la requérante puisse tout de même s’avérer justifiée. Le Tribunal a, ainsi, reconnu que, même si la deuxième inscription méritait d’être annulée pour violation de l’obligation de motivation, une annulation avec effet immédiat dudit règlement serait susceptible de porter une atteinte sérieuse et irréversible à l’efficacité des mesures restrictives adoptées par ce règlement à l’encontre de la République islamique d’Iran, étant donné qu’il existait le doute que, sur la base des éléments à disposition du Conseil, l’inscription du nom de la requérante sur les listes litigieuses puisse s’avérer fondée.

83      S’agissant de l’argument de la requérante tiré du fait que la manière de procéder du Conseil avait été qualifiée par le Tribunal, dans l’arrêt du 12 juin 2013, HTTS/Conseil (T‑128/12 et T‑182/12, non publié, EU:T:2013:312), d’« erreur manifeste d’appréciation », il convient de relever ce qui suit.

84      D’une part, ainsi que le Conseil le relève, l’erreur manifeste d’appréciation en tant que moyen avancé à l’appui d’un recours d’annulation doit être distinguée de la méconnaissance manifeste et grave des limites qui s’imposent au pouvoir d’appréciation invoquée pour constater une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers dans le cadre d’un recours en indemnité.

85      Dans un tel contexte, la circonstance évoquée par la requérante selon laquelle, dans l’arrêt du 12 juin 2013, HTTS/Conseil (T‑128/12 et T‑182/12, non publié, EU:T:2013:312), le Tribunal a considéré également que l’inscription du nom de la requérante sur la liste figurant dans le règlement no 267/2012 le 23 mars 2012, fondée sur les mêmes motifs sur lesquels la deuxième inscription était fondée, était illégitime en vertu de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, ne permet pas de conclure, de manière automatique et comme cela est suggéré par la requérante, que le Conseil a commis une violation suffisamment caractérisée des conditions matérielles d’inscription.

86      D’autre part et en tout état de cause, ainsi qu’il ressort du point 44 de l’arrêt sur pourvoi, les paramètres qui doivent être pris en compte dans l’évaluation d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers doivent tous se rapporter à la date à laquelle la décision ou le comportement ont été adoptés par l’institution concernée.

87      Ce faisant, les arguments de la requérante relatifs à l’arrêt du 12 juin 2013, HTTS/Conseil (T‑128/12 et T‑182/12, non publié, EU:T:2013:312), concernant l’inscription de son nom sur la liste figurant dans le règlement no 267/2012 le 23 mars 2012, donc postérieurement à la deuxième inscription, ne peuvent pas être pris en considération comme éléments disponibles à la date de cette dernière inscription, afin d’évaluer l’existence d’une violation grave et manifeste de la part du Conseil d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers concernant ladite inscription.

88      S’agissant de l’argument de la requérante tiré du fait que le comportement du Conseil dans la présente affaire était identique à celui dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil (T‑384/11, EU:T:2014:986), il convient de préciser que si, dans cet arrêt, le Tribunal a considéré que le Conseil avait commis une illégalité, alors qu’il ne disposait pas de marge d’appréciation, cela tenait au fait qu’il ne disposait pas, à la date d’adoption des mesures en cause, d’informations ou d’éléments de preuve étayant les motifs de l’adoption desdites mesures restrictives à l’égard de la partie requérante et qu’il avait donc violé une obligation qui découlait déjà, à la date de l’adoption des dispositions en cause, d’une jurisprudence bien établie de la Cour et au regard de laquelle le Conseil ne disposait pas de marge d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2019, Bank Saderat/Conseil, T‑433/15, non publié, EU:T:2019:374, point 69 et jurisprudence citée).

89      Or, dans la présente affaire, le respect, par le Conseil, de l’obligation de fournir des preuves au soutien des inscriptions du nom de la requérante sur les listes litigieuses n’est pas en cause. En effet, en l’espèce, il convient de déterminer si le Conseil, en adoptant les inscriptions litigieuses sur la base des éléments de preuve qui se trouvaient en sa possession à la date de l’adoption desdites inscriptions, notamment ceux indiqués aux points 74 à 81 ci-dessus, a commis une violation suffisamment caractérisée de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union. À cet égard, il convient de prendre en compte la marge dont disposait le Conseil dans l’appréciation des indices utilisés afin d’étayer les mesures restrictives.

90      Dans ce cadre, il importe de signaler que s’il ressort de l’arrêt du 7 décembre 2011, HTTS/Conseil (T‑562/10, EU:T:2011:716), que le Tribunal a annulé la deuxième inscription pour insuffisance de motivation, il est évident que, à la date d’adoption des inscriptions litigieuses, la notion de société « détenue ou contrôlée par une autre entité », en ce qui concerne les mesures restrictives, laissait une marge d’appréciation au Conseil.

91      Au demeurant si, dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a précisé le contenu des termes « détenu » et « sous son contrôle », il convient de relever qu’elle a confirmé, au point 70 de cet arrêt, ce que le Tribunal avait rappelé dans l’arrêt initial, à savoir que la notion de « société détenue ou contrôlée » n’avait pas, dans le domaine des mesures restrictives, la même portée que celle visée, en général, par le droit des sociétés, lorsqu’il s’agit d’identifier la responsabilité commerciale d’une société qui se trouve juridiquement placée sous le contrôle décisionnel d’une autre entité commerciale. La Cour a privilégié une définition assez large de la notion de « contrôle » dans le cadre des mesures restrictives et n’a pas procédé à une définition stricte des termes « détenu » et « sous son contrôle », ainsi qu’il ressort en substance des points 74 et 75 de l’arrêt sur pourvoi.

92      Partant, il convient de considérer, à l’instar du Conseil et de la Commission, que, à la date d’adoption des inscriptions litigieuses, il pouvait exister une incertitude quant au contenu exact de la notion de « société détenue ou contrôlée par une autre entité » et que, par conséquent, le Conseil disposait d’une certaine marge dans l’appréciation des éléments susceptibles d’établir que la requérante était détenue ou contrôlée par une société participant, étant directement associée ou apportant un appui aux activités nucléaires de l’Iran.

93      Il ressort de tout ce qui précède que, contrairement à ce que fait valoir la requérante dans le cadre de son premier grief, le Conseil a fourni des éléments qu’il considérait comme de nature à établir, à la date d’adoption tant de la première inscription que de la deuxième, la nature du lien entre la requérante et IRISL.

94      Dès lors, dans ces conditions, même à supposer que, lors des inscriptions litigieuses, le Conseil ait commis une erreur d’appréciation en se fondant sur les circonstances invoquées, il ne saurait être considéré que cette erreur revêtait un caractère flagrant et inexcusable et qu’une administration normalement prudente et diligente ne l’aurait pas commise dans des circonstances analogues (voir, par analogie, arrêt du 5 juin 2019, Bank Saderat/Conseil, T‑433/15, non publié, EU:T:2019:374, point 73).

95      Il s’ensuit que le premier grief tiré du fait que le Conseil n’a pas établi, sur la base d’éléments de preuve suffisants, que la requérante était sous le contrôle d’IRISL doit être rejeté.

–       Sur le second grief, tiré du fait que l’inscription de la requérante sur les listes litigieuses, au motif de la participation d’IRISL et de HDSL à la prolifération nucléaire, est erronée

96      D’une part, la requérante soutient que la violation commise par le Conseil est d’autant plus importante que les raisons à l’origine de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses, à savoir la participation d’IRISL et de HDSL à la prolifération nucléaire, étaient déjà erronées compte tenu de l’arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, EU:T:2013:453). D’autre part, elle fait valoir que le règlement d’exécution no 668/2010 et le règlement no 961/2010 sont entachés d’une « double erreur » dans la mesure où IRISL et HDSL n’ont pas participé à la prolifération nucléaire et qu’il n’existait entre elle et ces entités aucun lien leur permettant d’influencer ses décisions économiques.

97      Par le premier argument, la requérante vise en substance à faire valoir que, à la suite de l’annulation des inscriptions des noms d’IRISL, de SAPID et de HDSL par l’arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, EU:T:2013:453), les inscriptions litigieuses sont illégales, étant donné qu’il découlerait de cet arrêt qu’IRISL et HDSL n’ont pas participé à la prolifération nucléaire.

98      À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que, comme il résulte de la jurisprudence citée au point 53 ci-dessus, l’annulation de l’inscription du nom d’IRISL sur les listes litigieuses ne peut être considérée comme suffisante, à elle seule, pour établir que les inscriptions litigieuses constituaient une violation suffisamment caractérisée de nature à engager la responsabilité de l’Union.

99      En deuxième lieu, il convient de rappeler que, dans la présente affaire, la légalité des actes attaqués doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté, ainsi qu’il ressort du point 46 de l’arrêt sur pourvoi, et que, lors des inscriptions litigieuses, les inscriptions des noms d’IRISL, SAPID et HDSL sur les listes des entités accusées de favoriser la prolifération nucléaire en Iran n’avaient pas encore été annulées. Conformément à ce qui a été rappelé au point 61 ci-dessus, ces inscriptions jouissaient d’une présomption de légalité et étaient pleinement en vigueur.

100    En tout état de cause, force est de constater que, comme la Cour l’a relevé au point 48 de l’arrêt du 31 janvier 2019, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (C‑225/17 P, EU:C:2019:82), la réalité matérielle des trois violations de l’embargo sur les armes, institué par la résolution 1747 (2007), n’a pas été remise en cause par l’arrêt du 16 septembre 2013, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (T‑489/10, EU:T:2013:453). Dans cet arrêt, le Tribunal a estimé, au point 66, qu’« il par[aissait] justifié de considérer que le fait que les IRISL [avaient] été impliquées dans trois incidents concernant le transport du matériel militaire en violation de l’interdiction prévue au paragraphe 5 de la résolution 1747 (2007) augment[ait] le risque qu’elles [aient également été] impliquées dans des incidents concernant le transport du matériel lié à la prolifération nucléaire ».

101    Par conséquent, il ne découle pas de l’annulation de l’inscription des noms d’IRISL, SAPID et HDSL, postérieurement à l’adoption des inscriptions litigieuses, que le Conseil a commis une violation des conditions matérielles d’inscription de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union. Partant, le premier argument de la requérante ne peut être retenu.

102    S’agissant du second argument portant sur la prétendue inexistence entre IRISL et HDSL, d’une part, et la requérante, d’autre part, d’un lien permettant à IRISL et à HDSL d’influencer les décisions économiques de la requérante, celui-ci renvoie aux arguments déjà analysés dans le cadre du premier grief soulevé par celle-ci et il convient de le rejeter pour les mêmes motifs indiqués aux points 70 à 95 ci-dessus.

103    Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché au Conseil d’avoir commis, en fondant les inscriptions litigieuses de la requérante sur les liens existant entre cette dernière et IRISL, une irrégularité qui n’aurait pas été commise, dans des circonstances analogues, par une administration normalement prudente et diligente, à laquelle les traités confient des compétences spécifiques, telles que celles relatives à l’adoption de mesures restrictives considérées comme étant nécessaires dans le cadre de l’action de l’Union visant à assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales (voir, par analogie, arrêt du 5 juin 2019, Bank Saderat/Conseil, T‑433/15, non publié, EU:T:2019:374, points 73 et 74).

104    Partant, le second grief de la requérante tiré du fait que l’inscription de son nom sur les listes litigieuses, au motif de la participation d’IRISL et de HDSL à la prolifération nucléaire, est erronée doit être rejeté.

105    Les deux griefs avancés par la requérante ayant été écartés, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin d’examiner si les autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union sont réunies.

 Sur les dépens

106    Conformément à l’article 219 du règlement de procédure, dans les décisions du Tribunal rendues après annulation et renvoi, celui-ci statue sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant lui et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour. Dans la mesure où, dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a annulé l’arrêt initial et réservé les dépens, il appartient au Tribunal de statuer, dans le présent arrêt, sur l’ensemble des dépens afférents aux procédures engagées devant lui ainsi que sur les dépens afférents à la procédure de pourvoi dans l’affaire C‑123/18 P.

107    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

108    En outre, aux termes de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

109    Enfin, selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

110    En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil afférents à la présente procédure ainsi qu’à la procédure dans l’affaire T‑692/15, conformément aux conclusions de ce dernier.

111    S’agissant des dépens de la requérante et du Conseil liés à la procédure de pourvoi devant la Cour, en considérant que, par l’arrêt sur pourvoi, la Cour a accueilli le pourvoi introduit par la requérante, le Tribunal estime qu’il est équitable de condamner chacune de ces parties à supporter ses propres dépens afférents à ladite procédure.

112    La Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      HTTS Hanseatic Trade Trust & Shipping GmbH supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenneafférents à la présente procédure ainsi qu’à la procédure dans l’affaire T692/15.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens afférents à la procédure C123/18 P.

4)      La Commission européenne supportera ses propres dépens afférents à la présente procédure, à la procédure dans l’affaire T692/15 ainsi qu’à la procédure C123/18 P.

Kanninen

Jaeger

Porchia

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 juillet 2021.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige et procédure avant renvoi

Procédure et conclusions des parties après renvoi

En droit

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en indemnité de la requérante

Sur le moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation

Sur le moyen tiré d’une violation suffisamment caractérisée des conditions matérielles d’inscription sur les listes litigieuses

Rappel de la jurisprudence en matière de responsabilité non contractuelle de l’Union

Rappel des principes établis par l’arrêt sur pourvoi

Appréciation du Tribunal

– Sur le premier grief, tiré du fait que le Conseil n’a pas fourni des éléments factuels étayant la conclusion que la requérante était sous le contrôle d’IRISL

– Sur le second grief, tiré du fait que l’inscription de la requérante sur les listes litigieuses, au motif de la participation d’IRISL et de HDSL à la prolifération nucléaire, est erronée

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’allemand.