Language of document : ECLI:EU:T:2023:55

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

8 février 2023 (*)

[Texte rectifié par ordonnance du 11 mai 2023]

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative SFR SPORT 1 – Marques nationale et internationale figuratives antérieures sport1 – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Caractère distinctif acquis par l’usage – Interdépendance des facteurs »

Dans l’affaire T‑141/22,

Sport1 GmbH, établie à Ismaning (Allemagne), représentée par Mes J. Krekel et C. Otto, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Société française du radiotéléphone  SFR, établie à Paris (France), représentée par Me M. Pasquier, avocate,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli (rapporteure), présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et W. Valasidis, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Sport1 GmbH, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 10 décembre 2021 (affaire R 2329/2020-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 14 décembre 2016, l’intervenante, Société française du radiotéléphone – SFR, a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les services relevant, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, des classes 35, 38 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description contenue au point 1 de la décision attaquée.

4        Le 5 mai 2017, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les services visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur les droits antérieurs suivants :

–        l’enregistrement international no 1221100 du signe figuratif reproduit ci-après, désignant les produits relevant de la classe 9 et correspondant à la description figurant au point 5, sous a), de la décision attaquée :

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–        la marque allemande figurative no 302013004460, reproduite ci-après, désignant les produits et les services relevant des classes 9, 16, 24, 25, 26, 28, 35, 38, 41, 42 et 45 et correspondant notamment, pour les classes 9, 35, 38 et 41, à la description figurant au point 5, sous b), de la décision attaquée :

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–        la dénomination sociale Sport1 GmbH, en relation avec les activités décrites au point 5, sous c), de la décision attaquée.

6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1) [devenus l’article 8, paragraphe 1, sous b), et l’article 8, paragraphe 4, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

7        Le 9 octobre 2020, la division d’opposition a fait droit à l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, au motif qu’il existait un risque de confusion entre la marque demandée et la marque nationale antérieure.

8        Le 8 décembre 2021, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a accueilli le recours sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, au motif qu’il n’existait pas de risque de confusion entre la marque demandée, d’une part, et la marque nationale antérieure, d’autre part. Elle a considéré que le résultat n’était pas différent en prenant en considération l’enregistrement international antérieur, couvrant un ensemble plus restreint de produits. Par ailleurs, ladite chambre a considéré que l’opposition était également dénuée de fondement au titre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 en relation avec la dénomination sociale Sport1 GmbH.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par l’EUIPO.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      La requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

14      Le premier moyen s’articule en trois branches, portant, en substance, la première, sur l’absence de prise en compte du caractère distinctif élevé acquis par l’usage de la marque nationale antérieure, la deuxième, sur une prise en compte erronée de l’élément « sfr » de la marque demandée et, la troisième, sur l’absence de prise en compte de l’interdépendance des facteurs dans l’appréciation globale du risque de confusion.

15      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement 2017/1001, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

16      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

17      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits et services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

18      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les produits et les services en cause étaient destinés tant au grand public, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, qu’aux professionnels possédant des connaissances et une expertise spécifiques. Le niveau d’attention de ce public devait donc être considéré comme variant de normal à élevé. Dès lors que la marque antérieure était une marque nationale allemande, le territoire pertinent devait être considéré comme étant l’Allemagne.

19      Dans les circonstances de la présente affaire, aucun élément au dossier ne permet de remettre en cause de telles appréciations opérées par la chambre de recours, au demeurant non contestées par les parties.

 Sur la comparaison des produits et services

20      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les services relevant des classes 35, 38 et 41 visés par la marque demandée étaient identiques ou similaires à certains produits ou services relevant des classes 9, 35, 38 et 41 couverts par la marque nationale antérieure. En particulier, tout d’abord, une grande partie des services relevant de la classe 35 visés par la marque demandée ont été considérés comme étant identiques à certains services relevant de la classe 35 couverts par la marque nationale antérieure (points 42 à 44 de la décision attaquée), tandis qu’une partie desdits services visés par la marque demandée ont été considérés comme étant « similaires » à certains produits ou services relevant des classes 9 et 35 couverts par la marque nationale antérieure (points 45 à 47 de la décision attaquée) et qu’une plus petite partie desdits services visés par la marque demandée ont été considérés comme étant similaires « à tout le moins à un faible degré » ou « à un faible degré » à certains services relevant de la classe 35 couverts par la marque nationale antérieure (points 48 à 51 de la décision attaquée). Ensuite, les services relevant de la classe 38 visés par la marquée demandée ont été considérés comme étant identiques à certains services relevant de la classe 38 couverts par la marque nationale antérieure (point 52 de la décision attaquée). Enfin, une très grande partie des services relevant de la classe 41 visés par la marquée demandée ont été considérés comme étant identiques à certains services relevant de la classe 41 couverts par la marque nationale antérieure (points 53 à 59 de la décision attaquée), tandis qu’une petite partie desdits services visés par la marque demandée ont été considérés comme étant « similaires » à certains services relevant de la classe 41 couverts par la marque nationale antérieure (points 60 à 62 de la décision attaquée).

21      Dans les circonstances de la présente affaire, aucun élément au dossier ne permet de remettre en cause de telles appréciations opérées par la chambre de recours, au demeurant non contestées par les parties.

 Sur la comparaison des signes

22      Dans la décision attaquée, d’une part, s’agissant des éléments distinctifs et dominants des signes en conflit, la chambre de recours a considéré, en substance, que l’élément « sport1 » figurant sur les marques en cause avait un faible caractère distinctif au regard de la majorité des services en cause, et que l’élément « sfr » figurant sur la marque demandée avait un caractère distinctif moyen. Selon elle, le carré rouge contenant ce dernier élément attirait suffisamment l’attention du public pour contrebalancer la longueur de l’élément « sport1 ». D’autre part, dans le cadre de la comparaison des signes, elle a considéré que ces signes présentaient, « à tout le moins, un faible degré de similitude » sur les plans visuel et phonétique et qu’ils étaient « similaires » sur le plan conceptuel.

23      La requérante critique l’analyse par la chambre de recours de l’élément « sfr » figurant sur la marque demandée, puisque, selon elle, ledit élément n’aurait pas de caractère distinctif et aurait dû être ignoré dans la comparaison des signes en conflit, mais soutient que celle-ci a conclu à bon droit à la similitude des signes en conflit. En particulier, selon elle, « [a]insi que l’a affirmé à bon droit la chambre de recours […] les[dits] signes présentent, à tout le moins, un faible degré de similitude » sur les plans visuel et phonétique et « sont similaires d’un point de vue conceptuel ». Compte tenu de leurs coïncidences, ces signes seraient même « très similaires ».

24      L’EUIPO réfute les arguments de la requérante portant sur les éléments distinctifs et dominants des signes en conflit. L’intervenante réfute les arguments de la requérante portant tant sur lesdits éléments distinctifs et dominants que sur la comparaison des signes, lesquels, selon elle, devraient être confirmés comme étant similaires, « tout au plus », à un faible degré sur les plans visuel et phonétique et devraient être considérés comme étant similaires, « tout au plus », à un faible degré sur le plan conceptuel.

25      D’emblée, force est de constater que la requérante ne conteste pas, mais, au contraire, approuve expressément les résultats de la comparaison des signes sur les plans visuel, phonétique et conceptuel opérée par la chambre de recours dans la décision attaquée, en ce sens que les signes en conflit « présentent, à tout le moins, un faible degré de similitude » sur les plans visuel et phonétique et sont « similaires » sur le plan conceptuel, résultats qu’il n’y a pas lieu, au demeurant, de remettre en cause.

26      Certes, d’une part, la requérante ne partage pas l’analyse des éléments distinctifs et dominants des signes en conflit opérée par la chambre de recours. Toutefois, dans les circonstances de la présente affaire, dans la mesure où la requérante indique expressément que, malgré cette différence, ladite chambre a conclu « à bon droit » à la similitude desdits signes et approuve les niveaux de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle retenus dans la décision attaquée, les arguments de la requérante quant à ladite analyse doivent être écartés comme étant inopérants s’agissant de la comparaison des signes, sans préjudice, le cas échéant, de leur éventuelle prise en compte dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion.

27      D’autre part, si la requérante approuve les résultats de la comparaison des signes opérée par la chambre de recours sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, elle en tire la conclusion globale suivant laquelle les signes en conflit seraient « très similaires ». Or, dans la mesure où une telle conclusion n’est nullement étayée par la requérante, ni soutenue par les constatations opérées par ladite chambre dans la décision attaquée qui ont été expressément approuvées par la requérante, elle doit être écartée comme étant non fondée.

28      Par ailleurs, à ce stade, pour autant que l’intervenante soutient qu’il convient de confirmer que les signes en conflit sont similaires « tout au plus » à un faible degré sur les plans visuel et phonétique, il suffit de relever qu’elle procède d’une lecture erronée de la décision attaquée, dans laquelle la chambre de recours a retenu, à l’issue de la comparaison desdits signes, une similitude « à tout le moins » faible sur les plans visuel et phonétique (voir point 25 ci-dessus).

29      Par conséquent, la deuxième branche du premier moyen doit être écartée.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

30      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué qu’elle confirmait les conclusions de la division d’opposition, et que, en particulier, comme l’avait retenu cette dernière, la marque nationale antérieure avait acquis un caractère distinctif élevé par son usage « pour, à tout le moins, une partie des services » concernés, à savoir les services de « télécommunications ; diffusions/programmes radiophoniques et télévisés par le biais de réseaux sans fils et câblés » relevant de la classe 38 et les services de « divertissement » relevant de la classe 41.

31      Par ailleurs, il ressort de la décision attaquée que la division d’opposition a considéré que la marque nationale antérieure disposait d’un caractère distinctif « faible à moyen » pour les autres produits et services concernés, pour lesquels les éléments de preuve n’avaient pas démontré l’acquisition d’un caractère distinctif élevé par l’usage.

32      Dans les circonstances de la présente affaire, aucun élément au dossier ne permet de remettre en cause de telles appréciations, au demeurant non contestées par les parties.

33      Toutefois, dans la mesure où l’expression « à tout le moins » employée par la chambre de recours pourrait être comprise comme laissant ouverte la définition des produits et des services concernés par le caractère distinctif élevé acquis par l’usage reconnu par les instances de l’EUIPO, il doit être relevé qu’un tel caractère ne saurait être étendu à des produits et des services autres que ceux spécifiquement identifiés à cet effet par ladite chambre et visés au point 30 ci-dessus. Ainsi, pour autant que la requérante suggère que cette chambre a retenu un caractère distinctif élevé acquis par l’usage pour l’ensemble des produits et des services couverts par la marque nationale antérieure, force est de constater que tel n’est pas le cas. En effet, l’analyse effectuée par la chambre en question ne porte que sur les services visés au point 30 ci-dessus sans que l’emploi de ladite expression puisse implicitement en étendre cette portée de façon indéterminée.

 Sur le risque de confusion

34      Dans la décision attaquée, premièrement, la chambre de recours a commencé par indiquer que les signes en conflit présentaient une similitude faible sur les plans visuel et phonétique, tandis que la similitude conceptuelle avait une importance moindre. Deuxièmement, elle a indiqué que la marque nationale antérieure présentait un caractère distinctif faible, mais qui pouvait être considéré comme normal pour une partie des produits et des services couverts par celle-ci. Troisièmement, elle a indiqué que, pour les services visés au point 30 ci-dessus, la marque nationale antérieure disposait d’un caractère distinctif inférieur à la normale, mais qui, compte tenu de la démonstration d’un caractère distinctif accru, pouvait être considéré comme normal. Quatrièmement, elle a relevé que la marque demandée contenait l’élément verbal « sfr » et que « ces éléments verbaux supplémentaires » n’étaient pas négligeables et permettaient de compenser les similitudes visuelle, phonétique et conceptuelle, dès lors que l’élément verbal « sport1 » avait un caractère distinctif faible. Cinquièmement, après avoir rappelé que les deux marques contenaient ce dernier élément verbal qui avait un caractère distinctif plus faible et que la marque demandée contenait l’élément verbal « sfr » qui était davantage susceptible d’attirer l’attention du public, elle a considéré que les différences permettaient au public pertinent d’établir une distinction claire entre les marques en conflit. Sixièmement, elle a considéré que l’élément « sport1 » ne revêtait pas, dans la marque demandée, une « position distinctive autonome », car ni sa position ni sa dimension ne le rendaient plus autonome. Elle a donc conclu qu’il n’y avait aucune raison de supposer que le public pertinent aurait perçu lesdites marques comme ayant la même origine commerciale, même si elles étaient utilisées pour des services identiques, et ce même si la marque antérieure disposait d’un caractère distinctif accru pour certains services.

35      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours, après avoir constaté le caractère distinctif élevé acquis par l’usage de la marque nationale antérieure, a nié ce caractère dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion et que celle-ci a erronément appliqué le principe de l’interdépendance des facteurs pertinents, négligeant ainsi à tort l’existence d’un risque de confusion.

36      L’EUIPO soutient que le public pertinent établira avec certitude une distinction entre les marques en conflit, compte tenu de l’élément distinctif et dominant « sfr » figurant dans la marque demandée et du caractère distinctif faible, ou même descriptif, de leur élément commun « sport1 ». Selon lui, le caractère distinctif élevé acquis par l’usage de la marque nationale antérieure ne ferait pas disparaître le fait que l’élément « sport » serait un descripteur générique du sport et que l’élément « 1 » serait un descripteur générique du premier d’une série. Enfin, plusieurs opérateurs pourraient utiliser sans confusion l’expression informative « sport1 » pour décrire leur premier produit ou service sportif.

37      L’intervenante soutient que le caractère distinctif de la marque nationale antérieure est faible pour la plupart des produits et des services concernés et que les différences entre les signes en conflit pèsent plus lourd dans l’appréciation globale du risque de confusion. Il n’y aurait donc pas de risque de confusion.

38      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

39      Ainsi qu’il découle du considérant 11 du règlement 2017/1001, l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance qu’a le public de la marque sur le marché en cause. Comme le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24 ; du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 20).

40      En premier lieu, force est de constater que, ainsi que le fait valoir à bon droit la requérante, la chambre de recours, après avoir constaté que la marque nationale antérieure disposait d’un caractère distinctif élevé acquis par l’usage pour les services visés au point 30 ci-dessus, a contradictoirement et erronément considéré, dans le cadre de son appréciation globale du risque de confusion, que le caractère distinctif de ladite marque nationale antérieure était normal pour ces mêmes services.

41      Or, il doit être rappelé que le caractère distinctif acquis par l’usage est l’un des facteurs pertinents pour apprécier le risque de confusion. En particulier, les marques dont le caractère distinctif est élevé, notamment en raison de leur usage, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre. Par conséquent, sauf méconnaître le niveau approprié de protection dont une marque devrait jouir, la chambre de recours, après avoir constaté un certain degré, en l’occurrence élevé, de caractère distinctif acquis par l’usage, ne saurait modifier l’étendue de ce caractère, en le réduisant notamment, tel qu’en l’occurrence, d’élevé à normal, dans le cadre de son appréciation globale du risque de confusion.

42      Par ailleurs, ainsi que le fait valoir, en substance, la requérante, le rappel de jurisprudence opéré par la chambre de recours au point 76 de la décision attaquée au soutien de son appréciation est dépourvu de tout fondement, dans la mesure où, audit point, ladite chambre se réfère erronément, en les qualifiant comme étant de conclusions du Tribunal, aux arguments présentés par une partie dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 octobre 2020, Eugène Perma France/EUIPO – SPI Investments Group (NATURANOVE) (T‑602/19, non publié, EU:T:2020:463) et rappelés par le Tribunal au point 71 dudit arrêt.

43      En second lieu, certes, dans la décision attaquée, à l’issue de son appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours a indiqué que le risque de confusion n’existait pas « quand bien même [les marques en cause] étaient utilisées pour des services identiques » et « même si [la marque nationale] antérieur[e] avait acquis un caractère distinctif accru pour certains services ». Toutefois, il ne saurait être considéré que, ce faisant, ladite chambre a dûment pris en compte le caractère distinctif de la marque nationale antérieure, ni qu’elle a correctement apprécié les facteurs pertinents dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, compte tenu notamment de leur interdépendance.

44      À cet égard, il convient de rappeler que la chambre de recours a constaté, premièrement, que le public pertinent avait un niveau d’attention allant de normal à élevé ; deuxièmement, que les produits et services concernés étaient en partie identiques et en partie similaires ; troisièmement, que les signes en conflit étaient similaires, à tout le moins, à un faible degré, sur les plans visuel et phonétique, et similaires sur le plan conceptuel ; et, quatrièmement, que la marque nationale antérieure disposait d’un caractère distinctif élevé acquis par l’usage pour les services visés au point 30 ci-dessus relevant des classes 38 et 41, ainsi qu’un caractère distinctif intrinsèque allant de faible à moyen pour les autres produits et services concernés relevant notamment des classes 9, 35, 38 et 41.

45      Dans ces circonstances, dans le cadre d’une appréciation d’ensemble de ces différents facteurs, force est de constater que la chambre de recours a erronément considéré qu’il n’y avait pas de risque de confusion pour l’ensemble des produits et des services concernés.

46      En effet, d’une part, ainsi qu’il a été relevé au point 20 ci-dessus et qu’il ressort des points 42 à 44 et 52 à 59 de la décision attaquée, une grande partie des services visés par la marque demandée relevant des classes 35, 38 et 41 ont été considérés comme étant identiques à certains services couverts par la marque nationale antérieure relevant des mêmes classes. Or, s’agissant de tels services identiques, force est de constater que le public pertinent, confronté aux marques en cause, pourrait bien être amené à croire qu’ils proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement, dès lors que les marques en cause sont similaires, et ce même à supposer que cette similitude, comme notamment apparaît le suggérer l’intervenante, soit faible sur les plans visuel, phonétique et conceptuel. Cela sera d’autant plus le cas que c’est pour certains de ces services identiques relevant des classes 38 et 41, à savoir ceux couverts par la marque nationale antérieure visés aux points 52, 53 et 56 de la décision attaquée rappelés au point 30 ci-dessus, que la marque nationale antérieure jouit d’un caractère distinctif élevé acquis par l’usage.

47      Il en va de même pour les autres services visés par la marque demandée relevant de la classe 41 qui, aux points 60 et 61 de la décision attaquée, ont été considérés comme étant similaires à certains services couverts par la marque nationale antérieure relevant de la même classe, pour lesquels la marque nationale antérieure jouit d’un caractère distinctif élevé acquis par l’usage. En effet, le caractère distinctif élevé acquis par l’usage de la marque nationale antérieure pour lesdits services pourrait bien amener le public pertinent à croire que la marque demandée se réfère à la même origine commerciale même si ces services ne sont pas identiques, mais « similaires », et ce même à supposer que la similitude des marques en cause, comme notamment apparaît le suggérer l’intervenante, soit faible sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

48      Il en découle que, contrairement à ce qui a été retenu par la chambre de recours, un risque de confusion ne saurait être exclu en ce qui concerne les services identiques, d’autant plus pour ceux pour lesquels la marque nationale antérieure dispose d’un caractère distinctif élevé acquis par l’usage, et les services similaires pour lesquels la marque nationale antérieure dispose d’un caractère distinctif élevé acquis par l’usage, visés aux points 42 à 44 et 52 à 61 de la décision attaquée.

49      D’autre part, en revanche, en ce qui concerne les services visés par la marque demandée relevant des classes 35 et 41 qui, aux points 45 à 51 et 62 de la décision attaquée, ont été considérés comme étant « similaires », similaires « à tout le moins à un faible degré » ou similaires « à un faible degré » à certains produits ou services couverts par la marque nationale antérieure relevant des classes 9, 35 et 41, pour lesquels la marque nationale antérieure ne bénéficie pas d’un caractère distinctif élevé acquis par l’usage, mais d’un caractère distinctif intrinsèque allant de faible à moyen, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant qu’il n’existait pas de risque de confusion.

50      En effet, pour de tels produits et services génériquement ou faiblement similaires, aucun facteur ne permet de compenser la similitude « à tout le moins » faible des marques en cause sur les plans visuel et phonétique, dans la mesure où la marque nationale antérieure n’est que faiblement ou moyennement distinctive pour lesdits produits et services qu’elle couvre. D’ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a nullement considéré que ces produits et services étaient « très similaires », ni que pour lesdits produits et services couverts par la marque nationale antérieure que cette marque disposait d’un caractère distinctif élevé. Ainsi, pour les produits et services en question, le public pertinent, lequel fait preuve d’un niveau d’attention allant de moyen a élevé, apparaît comme étant en mesure de distinguer les marques en cause, sans supposer qu’elles seraient indicatives d’une même origine commerciale.

51      Par ailleurs, la prise en considération de l’enregistrement international antérieur ne saurait conduire à un résultat différent, dès lors que, ainsi que l’a relevé la chambre de recours dans la décision attaquée, ce dernier couvre un ensemble plus restreint de produits relevant de la classe 9.

52      Il découle de ce qui précède que les première et troisième branches du premier moyen doivent être accueillies en ce qui concerne uniquement les services visés au point 48 ci-dessus, de même que ledit moyen dans cette mesure.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001

53      En vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque non enregistrée peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne si cette marque non enregistrée remplit cumulativement quatre conditions. La marque non enregistrée doit être utilisée dans la vie des affaires ; elle doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale ; le droit à cette marque doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où la marque était utilisée avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union ; enfin, cette marque doit donner à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Si les deux premières conditions doivent être interprétées à la lumière du droit de l’Union, les deux dernières s’apprécient au regard du droit qui régit le signe concerné [arrêt du 1er septembre 2021, Sony Interactive Entertainment Europe/EUIPO – Wong (GT RACING), T‑463/20, non publié, EU:T:2021:530, point 37].

54      Dans la décision attaquée, la chambre de recours, en substance, a relevé que le droit national invoqué par la requérante pour démontrer que la quatrième condition visée au point 53 ci-dessus était satisfaite se référait au risque de confusion comme critère essentiel pour évaluer l’étendue de la protection des dénominations commerciales, que celle-ci n’avait pas démontré que ce critère se différenciait de la notion de risque de confusion prévu à l’article 8, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et que, dans ce cadre, la désignation commerciale Sport1 GmbH ne lui conférait pas, en droit national, le droit d’interdire l’usage de la marque demandée au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, dès lors que les différences entre les signes excluaient le risque de confusion, même si les services étaient identiques.

55      La requérante fait valoir qu’elle aurait le droit, en droit national, d’interdire l’usage de la marque demandée, car il existerait un risque de confusion entre cette marque et sa dénomination sociale, la notion de risque de confusion au sens du droit national n’étant pas interprétée, à cette fin, de manière différente qu’au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement 2017/1001. Selon elle, ce risque de confusion existe compte tenu de l’identité et de la similitude des services concernés, du caractère distinctif élevé de sa dénomination sociale et de l’existence d’une similitude élevée, ou à tout le moins moyenne à faible, entre les signes en cause, ainsi qu’elle l’aurait indiqué dans les observations produites devant les instances de l’EUIPO.

56      L’EUIPO et l’intervenante réfutent les arguments de la requérante.

57      Force est de constater que les arguments de la requérante ne sont nullement étayés et ne permettent de comprendre ni la portée de ses affirmations ni sur quels éléments elle se fonde pour soutenir que les services concernés seraient identiques et similaires, que sa dénomination sociale aurait un caractère distinctif élevé et que les signes auraient une similitude élevée ou à tout le moins moyenne à faible.

58      Par ailleurs, dans la mesure où la requérante renvoie à ses observations produites devant les instances de l’EUIPO, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête elle-même [voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2021, Skyliners/EUIPO – Sky (SKYLINERS), T‑15/20, non publié, EU:T:2021:401, point 85].

59      Il n’appartient d’ailleurs pas au Tribunal de rechercher, dans les documents déposés auprès des instances de l’EUIPO, les éléments pouvant étayer les arguments de la requérante et pouvant, le cas échéant, permettre de contester les appréciations de la chambre de recours.

60      Les arguments de la requérante ne sont donc pas susceptibles de remettre en cause l’appréciation opérée par la chambre de recours quant à l’absence de risque de confusion au sens du droit national.

61      Il découle de ce qui précède que le second moyen doit être écarté.

62      Il s’ensuit que la décision attaquée doit être partiellement annulée pour violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en ce que la chambre de recours a conclu à l’inexistence d’un risque de confusion pour les services désignés par la marqué demandée visés aux points 42 à 44 et 52 à 61 de cette décision.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

64      L’EUIPO ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de le condamner aux dépens de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

65      En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      [Tel que rectifié par ordonnance du 11 mai 2023] La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 10 décembre 2021 (affaire R 2329/2020-1) est partiellement annulée, en ce que la chambre de recours a conclu à l’inexistence d’un risque de confusion pour les services désignés par la marqué demandée visés aux points 42 à 44 et 52 à 61 de cette décision.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’EUIPO supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Sport1 GmbH.

4)      Société française du radiotéléphone - SFR supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Valasidis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 février 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.