Language of document : ECLI:EU:T:2022:610

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

5 octobre 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative représentant des lignes angulaires en noir et blanc – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑501/21,

Philip Morris Products SA, établie à Neuchâtel (Suisse), représentée par Me L. Alonso Domingo, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mmes P. Georgieva, E. Nicolás Gómez, MM. M. Eberl et D. Hanf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé, lors des délibérations, de M. A. Kornezov, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteure) et M. G. Hesse, juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 9 juin 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Philip Morris Products SA, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 3 juin 2021 (affaire R 79/2021-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 11 juin 2020, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

Image not found

3        La marque demandée désignait les produits relevant de la classe 34 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Vaporisateur électrique pour cigarettes électroniques et vapoteurs électroniques ; tabac brut ou manufacturé ; produits du tabac, y compris cigares, cigarettes, cigarillos, tabac à rouler, tabac pour pipe, tabac à chiquer, tabac à priser, kretek ; snus ; succédanés du tabac (à des fins non médicales) ; articles pour fumeurs, y compris papier et tubes à cigarettes, filtres de cigarettes, boîtes à tabac, étuis à cigarettes et cendriers, pipes, appareils de poche pour rouler les cigarettes, briquets ; allumettes ; bâtonnet de tabac, produits du tabac destinés à être chauffés, dispositifs électroniques et leurs composants pour chauffer des cigarettes ou du tabac afin de libérer l’aérosol contenant de la nicotine pour inhalation ; solutions liquides de nicotine pour cigarettes électroniques ; vapoteurs électroniques ; cigarettes électroniques ; cigarettes électroniques comme substituts des cigarettes traditionnelles ; dispositifs électroniques pour l’inhalation d’un aérosol contenant de la nicotine ; vaporisateurs oraux pour fumeurs, produits du tabac et succédanés du tabac ; articles pour fumeurs pour cigarettes électroniques ; pièces et accessoires pour les produits précités compris dans la classe 34 ; dispositifs pour éteindre des cigarettes et des cigares chauffés et pour bâtonnets de tabac chauffés ; étuis pour cigarette électronique rechargeable ».

4        Par décision du 18 novembre 2020, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

5        Le 14 janvier 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur.

6        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle a notamment considéré que cette marque ne serait pas facilement et immédiatement mémorisée par le public pertinent et que ce dernier la percevrait non pas comme une indication de l’origine des produits en cause, mais comme ayant une finalité esthétique, ornementale ou décorative.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        À l’appui du recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, le second, d’un défaut de motivation.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

10      La requérante soutient que la marque demandée possède un caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 dans la mesure où cette marque n’est ni d’une simplicité excessive, ni constituée d’une figure géométrique de base. En outre, elle relève que la chambre de recours n’a pas démontré que ladite marque serait perçue comme une « finition esthétique ou décorative » et fait valoir que la marque en question est susceptible d’être facilement mémorisée, compte tenu de son originalité. À cet égard, elle reproche à la chambre de recours de s’être fondée sur la jurisprudence relative aux marques tridimensionnelles.

11      Enfin, la requérante fait valoir que la chambre de recours a méconnu la notion d’intérêt général sous-jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, dès lors que les concurrents ne seraient pas lésés par l’enregistrement de la marque demandée.

12      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

13      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

14      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée). Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

15      À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que la requérante ne conteste pas la définition du public pertinent retenue par la chambre de recours, selon laquelle le public concerné par la perception du caractère distinctif de la marque contestée est le grand public de l’Union européenne.

16      En deuxième lieu, il convient de constater que la requérante relève, à juste titre, que la marque demandée ne représente ni une figure géométrique de base ni une forme excessivement simple.

17      À cet égard, il convient certes de rappeler qu’un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base, telle qu’un cercle, une ligne, un rectangle ou un pentagone conventionnel, n’est, en principe, pas susceptible, en tant que tel, de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir, de sorte que ces derniers ne le considéreront pas comme une marque, à moins qu’il ait acquis un caractère distinctif par l’usage [arrêts du 12 septembre 2007, Cain Cellars/OHMI (Représentation d’un pentagone), T‑304/05, non publié, EU:T:2007:271, point 22, et du 29 septembre 2009, The Smiley Company/OHMI (Représentation de la moitié d’un sourire de smiley), T‑139/08, EU:T:2009:364, point 26].

18      Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne saurait en être déduit qu’une marque serait distinctive au seul motif que cette marque ne représenterait ni une figure géométrique de base ni une forme excessivement simple. En effet, encore faut-il que ladite marque présente des aspects facilement et immédiatement mémorisables par le public pertinent, qui permettraient à ces signes d’être appréhendés immédiatement comme des indications de l’origine commerciale des produits qu’elle vise [voir, en ce sens, arrêts du 29 septembre 2009, Représentation de la moitié d’un sourire de smiley, T‑139/08, EU:T:2009:364, point 31, et du 15 décembre 2016, Novartis/EUIPO (Représentation d’une courbe grise et représentation d’une courbe verte), T‑678/15 et T‑679/15, non publié, EU:T:2016:749, points 40 et 41].

19      Or, en l’espèce, il y a lieu de relever que la marque demandée représente une combinaison de quinze lignes noires angulaires, dont la longueur augmente en direction du coin supérieur droit.

20      À cet égard, premièrement, il y a lieu de constater que, compte tenu de leur simplicité, aucune de ces lignes noires, prises individuellement, n’est susceptible de présenter des aspects, ou de communiquer un message, qui seraient facilement et immédiatement mémorisables par le public pertinent, ce que la requérante n’allègue d’ailleurs pas.

21      Deuxièmement, la requérante fait certes valoir que, prises ensemble, les quinze lignes noires composant la marque demandée créent, d’une part, un effet contrasté et, d’autre part, une illusion de « bordure extérieure » ainsi qu’une illusion de mouvement vers l’avant. Elle ajoute que la perception de cette marque serait modifiée par l’angle de vue du public pertinent.

22      Toutefois, d’abord, il convient de noter que l’effet contrasté allégué par la requérante résulte uniquement du fait que la marque demandée est en noir et blanc. Or, une telle combinaison de couleurs est banale, de sorte qu’elle ne saurait, à elle seule, conférer à ladite marque une caractéristique susceptible d’être perçue, par le public pertinent, comme une indication de l’origine des produits en cause.

23      Ensuite, à supposer que la marque demandée puisse créer l’illusion d’un mouvement ou d’une bordure, il y a lieu de relever qu’une telle illusion ne serait perceptible qu’après un examen minutieux de ladite marque, de sorte que cette illusion ne constituerait pas un aspect facilement et immédiatement mémorisable par le public pertinent.

24      Enfin, il convient de constater que la requérante n’apporte aucun élément de nature à établir que la modification de la perception de la marque demandée résultant de la modification de l’angle de vue du public pertinent, à la supposer établie, serait telle qu’elle constituerait une caractéristique susceptible d’être perçue, par le public pertinent, comme une indication de l’origine des produits en cause.

25      Troisièmement, il convient de relever que, contrairement à ce que suggère la requérante, la marque demandée se distingue des marques en cause dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 15 décembre 2016, Représentation d’une courbe grise et représentation d’une courbe verte (T‑678/15 et T‑679/15, non publié, EU:T:2016:749). En effet, le Tribunal avait alors relevé que ces marques évoquaient à la fois la lettre « c » et un croissant de lune qui étaient, en outre, stylisés en raison d’un jeu d’ombres et de lumières créé par des nuances de couleurs, d’un changement de l’épaisseur des courbes qui les constituaient et de la légère torsion que ces courbes présentaient.

26      Dans ces conditions, il convient de relever que la chambre de recours a constaté, à juste titre, que la marque demandée, considérée dans son ensemble, ne représentait pas davantage que la somme des quinze lignes qui la composent. Or, dans la mesure où, ainsi qu’il a été relevé au point 20 ci-dessus, ces lignes ne sont pas susceptibles de présenter des aspects, ou de communiquer un message, qui seraient facilement et immédiatement mémorisables par le public pertinent, il convient de constater, à la suite de la chambre de recours, que cette marque sera perçue, par le public pertinent, comme ayant une finalité décorative.

27      En troisième lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la notion d’intérêt général sous‑jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir arrêt du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, EU:C:2008:261, point 56 et jurisprudence citée).

28      Par conséquent, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne résulte pas de la notion d’intérêt général sous‑jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 qu’une marque doive être regardée comme étant distinctive au seul motif que l’enregistrement de cette marque ne serait pas susceptible de léser les concurrents du titulaire de ladite marque.

29      Dès lors, il convient de constater que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, nonobstant les références, dans la décision attaquée, à des arrêts ayant trait à des marques tridimensionnelles.

30      Il s’ensuit que le premier moyen de la requérante doit être écarté.

 Sur  le  second  moyen,  tiré  d’un défaut de motivation

31      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir expliqué, dans la décision attaquée, pourquoi la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif alors que d’autres marques qu’elle avait identifiées au cours de la procédure administrative avaient pu être enregistrées.

32      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

33      À cet égard, aux termes de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation a la même portée que celle découlant de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, lequel exige que la motivation fasse apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, sans qu’il soit nécessaire que cette motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait auxdites exigences devant cependant être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 65 et jurisprudence citée).

34      En l’espèce, il suffit de relever, à la suite de l’EUIPO, que la chambre de recours a expliqué, aux points 31 à 41 de la décision attaquée, qu’elle n’était pas liée par les décisions invoquées par la requérante et que, en tout état de cause, ces décisions portaient sur des marques qui n’étaient pas comparables à la marque demandée.

35      Par conséquent, il convient de relever que la décision attaquée fait apparaître de façon claire et non équivoque la raison pour laquelle la chambre de recours considérait que la marque demandée se heurtait au motif de refus tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 alors que d’autres marques, identifiées par la requérante, avaient pu être enregistrées. Il s’ensuit que la décision attaquée est suffisamment motivée.

36      Dans ces conditions, il convient d’écarter le second moyen de la requérante et ainsi de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

37      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Philip Morris Products SA est condamnée aux dépens.

Kornezov

Kowalik-Bańczyk

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.