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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

15 janvier 2024 (*)

« Recours en annulation – Marque de l’Union européenne – Délai de recours – Demande d’aide juridictionnelle – Suspension des délais – Computation des délais – Tardiveté – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑638/22,

Diana-Adela Talpoș, demeurant à Oradea (Roumanie), représentée par Me G. Popescu, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse,

les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Manastirea Prislop, établie à Hațeg (Roumanie),

Episcopia Ortodoxa Romana a Devei si Hunedoarei, établie à Deva (Roumanie),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteure), présidente, M. E. Buttigieg et Mme B. Ricziová, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Mme Diana-Adela Talpoș, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 6 juillet 2022 (affaire R 2938/2019‑2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Procédure et conclusions de la requérante

2        Le 12 octobre 2022, la requérante a introduit une demande d’aide juridictionnelle en vertu de l’article 147 du règlement de procédure du Tribunal. Par ordonnance du 1er décembre 2022, le président du Tribunal a fait droit à cette demande.

3        La requérante n’ayant pas proposé le nom d’un avocat, le président du Tribunal a, par ordonnance du 15 juin 2023, désigné, en application de l’article 148, paragraphes 5 et 6, du règlement de procédure, Me Georgeta Popescu comme avocate chargée de la représenter.

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 août 2023, la requérante a introduit le présent recours.

5        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

 En droit 

6        Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure, lorsque le recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

7        En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

8        Aux termes de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, le recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance. Conformément aux dispositions de l’article 60 du règlement de procédure, ce délai doit être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

9        Selon une jurisprudence constante, ce délai de recours est d’ordre public, ayant été institué en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice, et il appartient au juge de l’Union de vérifier, d’office, s’il a été respecté (voir, en ce sens, arrêts du 23 janvier 1997, Coen, C‑246/95, EU:C:1997:33, point 21, et du 18 septembre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T‑121/96 et T‑151/96, EU:T:1997:132, points 38 et 39).

10      En premier lieu, il ressort des dispositions combinées de l’article 72, paragraphe 5, et de l’article 98, paragraphe 1, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), que les décisions des chambres de recours de l’EUIPO sont notifiées d’office aux intéressés et qu’un recours peut être formé devant le Tribunal dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de ces décisions.

11      En vertu de l’article 98, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 et de l’article 57, paragraphe 2, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), la notification des décisions de l’EUIPO peut être effectuée par des moyens électroniques et le directeur exécutif de l’EUIPO arrête les modalités relatives aux moyens électroniques, la manière dont ces moyens électroniques sont utilisés et le délai de notification par voie électronique.

12      Selon l’article 4, paragraphe 5, de la décision EX‑20‑9 du directeur exécutif de l’EUIPO, du 3 novembre 2020, relative à la communication par voie électronique, une notification est réputée avoir eu lieu le cinquième jour civil suivant la date à laquelle l’EUIPO a placé le document en cause dans la boîte de réception de l’utilisateur dans la plateforme User Area.

13      En l’espèce, en réponse à une demande de régularisation de la requête, la requérante a indiqué que la décision attaquée lui avait été « notifiée » le 3 août 2022. Elle a produit, à cet égard, des documents dont il ressort que cette décision a effectivement été placée le 3 août 2022 dans la boîte de réception de la requérante dans la plateforme User Area. Il s’ensuit que ladite décision doit être réputée avoir été notifiée à la requérante au plus tard le 8 août 2022 et que, par conséquent, le délai pour demander l’annulation de cette décision expirait, en principe, au plus tard le 18 octobre 2022.

14      En second lieu, en vertu de l’article 147, paragraphe 7, du règlement de procédure, l’introduction d’une demande d’aide juridictionnelle suspend, pour celui qui l’a formée, le délai prévu pour l’introduction du recours jusqu’à la date de la signification de l’ordonnance statuant sur cette demande ou, le cas échéant, de l’ordonnance distincte désignant l’avocat chargé de représenter le demandeur.

15      Cette disposition doit être interprétée en ce sens que le délai de recours recommence à courir dès la date à laquelle l’ordonnance désignant l’avocat chargé de représenter le demandeur en cause est notifiée à cet avocat. En effet, cette ordonnance comporte un mandat de représentation et noue les rapports entre ledit avocat et ledit demandeur. Il incombe donc à cet avocat, en vertu des règles déontologiques pesant sur lui et susceptibles d’engager sa responsabilité à l’égard de son client, de veiller à respecter le délai de recours dont la reprise lui a expressément été indiquée par le Tribunal dans le cadre de la signification de ladite ordonnance (voir, en ce sens, arrêt du 10 février 2021, XC/Commission, T‑488/18, non publié, EU:T:2021:76, point 125).

16      En l’espèce, la requérante a introduit une demande d’aide juridictionnelle le 12 octobre 2022, laquelle a eu pour effet de suspendre le délai de recours. Au moment de la suspension de ce délai et, par suite de la reprise dudit délai, la requérante disposait encore, tout au plus, d’un délai de six jours pour introduire son recours.

17      L’ordonnance désignant l’avocate chargée de représenter la requérante a été signifiée à cette avocate, par e-Curia, le 16 juin 2023, date à laquelle celle-ci a consulté, dans e-Curia, la lettre de signification qui lui était adressée. Cette lettre précisait expressément que la signification de ladite ordonnance à l’avocate mettait fin à la suspension du délai de recours. Dès lors, cette suspension a pris fin le 16 juin 2023. Par conséquent, le délai de recours a expiré, au plus tard, six jours plus tard, c’est-à-dire le 22 juin 2023.

18      Or, le présent recours a été introduit le 12 août 2023 seulement.

19      Dans ces conditions, le recours doit être considéré comme étant tardif.

20      Par ailleurs, la requérante n’a pas établi, ni même invoqué l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure permettant de déroger au délai en cause sur la base de l’article 45, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53 dudit statut.

21      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable, sans qu’il soit nécessaire de le signifier à l’EUIPO.

 Sur les dépens

22      La présente ordonnance étant adoptée avant la notification de la requête à l’EUIPO et avant que celui-ci n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que la requérante supportera ses propres dépens, conformément à l’article 133 du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Diana-Adela Talpoș supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 15 janvier 2024.

Le greffier

 

La présidente

V. Di Bucci

 

K. Kowalik-Bańczyk


*      Langue de procédure : l’anglais.