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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

17 janvier 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative B42V – Enregistrement international de la marque figurative antérieure 42 Below – Décision de la chambre de recours faisant droit aux prétentions du requérant – Irrecevabilité manifeste partielle – Refus de la chambre de recours d’exercer les compétences de la division d’opposition – Recours en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit  »

Dans l’affaire T‑800/22,

Palírna U Zeleného stromu a.s., établie à Ústí nad Labem (République tchèque), représentée par Me J. Kindl, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Bacardi & Co. Ltd, établie à Meyrin (Suisse),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin, président, Mme P. Škvařilová‑Pelzl et M. I. Nõmm (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Palírna U Zeleného stromu a.s., demande, en substance, l’annulation et la réformation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 3 octobre 2022 (affaire R 1240/2021‑2) (ci-après la « décision attaquée »).

2        Le 20 novembre 2018, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne, sur le fondement du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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4        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relevaient des classes 32, 33 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 32 : « Boissons sans alcool ; bière et produits de brasserie ; boissons énergisantes ; jus de fruits [boissons] ; eaux minérales [boissons] ; préparations pour faire des boissons ; sirops pour la fabrication de boissons sans alcool » ;

–        classe 33 : « Boissons alcoolisées à l’exception des bières ; extraits alcooliques ; essences alcooliques ; préparations pour faire des boissons alcoolisées ; vin ; spiritueux ; liqueurs ; boissons distillées ; apéritifs ; cocktails ; boissons énergétiques alcoolisées » ;

–        classe 35 : « Services de gestion commerciale ; administration commerciale ; services de secrétariat ; services de vente au détail concernant les boissons alcoolisées (excepté la bière) ; services de vente en gros concernant les boissons alcoolisées (excepté la bière) ; services de vente au détail concernant les bières ; services de vente en gros concernant les bières ; services de vente au détail concernant les boissons non alcoolisées ; services de vente en gros concernant les boissons non alcoolisées ; publicité ; médiation d’opérations commerciales pour des tiers ».

5        Le 4 mars 2019, l’opposante, Bacardi & Co. Ltd, a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 4 ci‑dessus. L’opposition était fondée sur plusieurs droits antérieurs en lien avec les motifs visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ainsi qu’à l’article 8, paragraphes 4 et 5, de ce même règlement.

6        Plus particulièrement, l’opposante invoquait l’enregistrement international no 999938 désignant l’Allemagne, l’Autriche, le Benelux, Chypre, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, la Pologne, la République tchèque, le Royaume-Uni et la Suède pour le signe figuratif antérieur suivant (ci-après, la « marque antérieure ») :

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7        La marque antérieure désignait, notamment, les produits et les services relevant des classes 33, 35 et 43, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 33 : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) » ;

–        classe 35 : « Services de publicité, d’affaires, de vente en gros et au détail, y compris vente par correspondance, commerce électronique, marketing direct, promotion des ventes, foires et expositions commerciales en rapport avec les boissons alcoolisées/spiritueux distillés ; programmes d’incitation à la vente et à la promotion ; programmes de fidélisation ; services d’incitation au marketing et programmes de remise de prix ; compilation d’informations sur la vente au détail et les consommateurs dans des bases de données informatiques ; gestion et exploitation de programmes de fidélisation de la clientèle qui identifient et récompensent les clients » ;

–        classe 43 : « Services de restauration [alimentation] ».

8        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition sur le fondement de la marque antérieure étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et à l’article 8, paragraphe 5, de ce règlement.

9        Le 20 mai 2021, la division d’opposition a rejeté l’opposition en ce qu’elle était dirigée contre l’enregistrement de la marque demandée à l’égard des services suivants : « gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; publicité ; médiation d’affaires commerciales pour le compte de tiers », relevant de la classe 35.

10      La division d’opposition a, par contre, fait droit à l’opposition pour le reste des produits et des services visés par la marque demandée en se fondant exclusivement sur la marque antérieure mentionnée au point 6 ci-dessus, à l’égard de laquelle elle a estimé que la preuve de l’usage sérieux avait été apportée, conformément à l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001. La division d’opposition a seulement pris en compte le motif figurant à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

11      Le 19 juillet 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

12      Par la décision attaquée, la chambre de recours de l’EUIPO a fait droit au recours.

13      En premier lieu, la chambre de recours a estimé que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure avait été apportée en se fondant à la fois sur les éléments de preuve présentés par l’opposante devant la division d’opposition et sur les éléments produits, pour la première fois, devant elle, qu’elle a considérés comme recevables.

14      En deuxième lieu, la chambre de recours a retenu que, pour la partie non négligeable du public pertinent qui perçoit le nombre « 42 » dans la marque demandée, les signes en conflit étaient similaires à un faible degré sur le plan visuel, similaires à un degré moyen sur le plan phonétique et identiques sur le plan conceptuel, et qu’ils étaient globalement différents pour le reste du public pertinent.

15      En troisième lieu, la chambre de recours a retenu que, si les éléments de preuve avancés par l’opposante démontraient l’usage sérieux de la marque antérieure sur les territoires du Benelux, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie et de l’Autriche, ils n’attestaient toutefois pas de l’existence d’une renommée de ladite marque sur ces territoires, contrairement à ce qu’avait estimé la division d’opposition.

16      Dans ces circonstances, la chambre de recours a conclu que l’opposition ne pouvait être fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 et a fait droit au recours de la requérante.

17      Par conséquent, la chambre de recours, au point 1 de son dispositif, a annulé la décision de la division d’opposition en ce qu’elle avait refusé l’enregistrement des produits et des services visés au point 10 ci-dessus. Plutôt que d’exercer les compétences de la division d’opposition, elle a, au point 3 de son dispositif, renvoyé l’affaire devant la division d’opposition. Au point 4 dudit dispositif, la chambre de recours a condamné chacune des parties à supporter ses propres dépens.

 Conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réformer la décision attaquée de sorte que, d’une part, la décision de la division d’opposition soit annulée en ce qu’elle a accueilli l’opposition et, d’autre part, ladite opposition soit rejetée dans son intégralité ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés au cours des procédures devant la division d’opposition et la chambre de recours.

19      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter le recours comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens dans l’éventualité où une audience serait organisée.

 En droit

20      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure du Tribunal, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

21      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de l’article 126 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure, et ce même si une partie a demandé la tenue d’une audience [voir, en ce sens, ordonnance du 6 octobre 2015, GEA Group/OHMI (engineering for a better world), T‑545/14, EU:T:2015:789, point 13].

22      La requérante invoque deux moyens, le premier, tiré de la violation de l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, de ce même règlement. Il convient de préciser que même si la requête ne comporte, hormis la demande de condamnation de l’EUIPO aux dépens, qu’un chef de conclusions tendant formellement à la réformation de la décision attaquée, la requérante doit être regardée comme demandant aussi nécessairement son annulation [voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2022, Estetica Group Iwona Michalak/EUIPO (PURE BEAUTY), T‑270/21, non publié, EU:T:2022:12, point 14 et jurisprudence citée].

23      À cet égard, il découle du point 6 de la requête que la requérante conteste les points 1, 3 et 4 du dispositif de la décision attaquée, par lesquels la chambre de recours a, respectivement, annulé la décision de la division d’opposition en ce qu’elle avait accueilli l’opposition pour les produits et les services visés au point 10 ci-dessus, renvoyé l’affaire à la division d’opposition et condamné chaque partie à supporter ses propres dépens.

24      Plus particulièrement, il convient de relever que par les deux moyens qu’elle avance, la requérante conteste le bien-fondé de deux séries d’appréciations de la chambre de recours portant sur l’usage sérieux de la marque antérieure et la similitude des signes en conflit. S’agissant du deuxième moyen, relatif à la similitude desdits signes, elle soutient que la chambre de recours aurait dû conclure que ces signes étaient différents et, par voie de conséquence, rejeter elle-même l’opposition dans son intégralité, plutôt que de renvoyer l’affaire devant la division d’opposition.

25      Au vu de l’argumentation de la requérante, le Tribunal estime qu’il convient d’examiner, tout d’abord, le recours en ce qu’il est dirigé contre le point 3 du dispositif de la décision attaquée, par lequel la chambre de recours a renvoyé l’affaire devant la division d’opposition.

 Sur le point 3 du dispositif de la décision attaquée

26      En application de l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, à la suite de l’examen au fond du recours, la chambre de recours statue sur le recours. Elle peut, soit exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée, soit renvoyer l’affaire à ladite instance en vue de la poursuite de la procédure.

27      D’une part, il y a lieu de considérer qu’il ressort de l’utilisation du verbe « peut », à l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, que la chambre de recours de l’EUIPO jouit d’un large pouvoir d’appréciation aux fins « soit [d’]exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée, soit [de] renvoyer l’affaire à ladite instance en vue de la poursuite de la procédure » [arrêt du 4 mai 2022, Advanced Superabrasives/EUIPO – Adi (ASI ADVANCED SUPERABRASIVES), T‑4/21, non publié, EU:T:2022:274, point 66].

28      D’autre part, il convient de rappeler que la division d’opposition avait fait droit à l’opposition en se fondant sur la seule marque antérieure visée au point 6 ci-dessus et sur le seul fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

29      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a retenu que cette appréciation revêtait un caractère erroné au motif que la condition tenant à la renommée de la marque antérieure n’était pas remplie et a décidé d’annuler la décision de la division d’opposition et de renvoyer l’affaire à cette dernière, tout en précisant, aux points 81 à 83 de la décision attaquée, ce qui suit :

« Compte tenu de l’intérêt légitime des parties à ce que l’affaire soit examinée par les deux instances de l’Office, la chambre de recours fait usage de son pouvoir d’appréciation conformément à l’article 71, paragraphe 1, du [règlement 2017/1001] et renvoie l’affaire à la division d’opposition pour suite à donner et, en particulier, pour l’appréciation de l’article 8, paragraphe 1, [sous b), du règlement 2017/1001], en tenant compte de tous les éléments qui précèdent ainsi que des droits antérieurs supplémentaires invoqués par l’opposante dans son opposition, si nécessaire.

Étant donné que l’appréciation au titre de l’article 8, paragraphe 1, [sous b), du règlement 2017/1001] est toujours en cours, la chambre de recours ne juge pas approprié, pour des raisons d’économie de procédure, d’examiner à ce stade les arguments de la demanderesse concernant la coexistence des signes. Il est dès lors recommandé à la division d’opposition de réexaminer cet argument (qui avait déjà été examiné dans la décision attaquée dans le contexte de l’article 8, paragraphe 5, du [règlement 2017/1001]), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, [sous b), du règlement 2017/1001].

Enfin, il est recommandé à la division d’opposition d’accorder aux parties une nouvelle possibilité d’être entendues en ce qui concerne l’article 8, paragraphe 1, [sous b), du règlement 2017/1001], en particulier en ce qui concerne la comparaison des produits et services ».

30      La chambre de recours a, ainsi, exercé le large pouvoir d’appréciation que lui reconnaît l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, notamment aux fins de renvoyer l’affaire à la première instance [voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2022, Advanced Superabrasives/EUIPO – Adi (ASI ADVANCED SUPERABRASIVES), T‑4/21, non publié, EU:T:2022:274, point 69 et jurisprudence citée].

31      En outre, force est de constater que ce raisonnement n’est entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation. En effet, dès lors que l’opposante n’avait pas exclusivement fondé son opposition sur le motif tiré de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, mais également sur d’autres motifs de refus en s’appuyant non seulement sur la marque antérieure, mais aussi sur d’autres droits antérieurs, la chambre de recours pouvait retenir qu’il était dans l’intérêt légitime des parties qu’il soit procédé à un examen plus complet de l’affaire par la division d’opposition.

32      Par ailleurs, dans l’éventualité même où la chambre de recours aurait retenu à tort que l’usage sérieux de la marque antérieure avait été démontré et que les signes en conflit étaient similaires, ainsi que le soutient la requérante dans ses deux moyens, une telle illégalité n’aurait pas d’incidence sur l’appréciation, figurant au point 81 de la décision attaquée, portant sur l’intérêt que représente un examen par la division d’opposition des autres droits antérieurs invoqués par l’opposante, lequel peut justifier à lui seul le renvoi de l’affaire devant la division d’opposition.

33      Partant, il doit en être déduit que le recours est manifestement dépourvu de tout fondement en droit en ce qu’il est dirigé contre le point 3 du dispositif de la décision attaquée.

 Sur le point 1 du dispositif de la décision attaquée

34      Au point 1 du dispositif de la décision attaquée, la chambre de recours a annulé la décision de la division d’opposition dans la mesure où elle avait accueilli l’opposition pour les produits et les services visés au point 10 ci-dessus.

35      Aux termes de l’article 72, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, le recours devant le Tribunal contre une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO « est ouvert à toute partie à la procédure devant la chambre de recours pour autant que la décision de celle-ci n’a pas fait droit à ses prétentions ».

36      Cette disposition est l’expression de l’intérêt à agir qui, selon une jurisprudence constante, constitue la condition essentielle de tout recours en justice et doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci, sous peine d’irrecevabilité [voir arrêt du 25 septembre 2015, Copernicus-Trademarks/OHMI – Bolloré (BLUECO), T‑684/13, EU:T:2015:699, point 27 et jurisprudence citée].

37      Partant, dans la mesure où le point 1 du dispositif de la décision attaquée a fait droit aux prétentions de la requérante en annulant la décision de la division d’opposition en tant qu’elle faisait droit à l’opposition pour les produits visés au point 10 ci-dessus, il doit être considéré que celle-ci n’a pas d’intérêt à le contester.

38      Cette conclusion n’est pas infirmée par la circonstance que la requérante, par ses deux moyens, remet en cause le bien-fondé des appréciations de la chambre de recours portant sur l’usage sérieux de la marque antérieure et la similitude des signes en conflit.

39      D’une part, il convient de relever que les appréciations en cause constituaient des étapes d’un raisonnement ayant conduit la chambre de recours à retenir que c’était à tort que la division d’opposition avait fait droit à l’opposition à l’enregistrement de la marque demandée sur le fondement du risque que la requérante tire indûment profit de la renommée de la marque antérieure.

40      Dans la mesure où la division d’opposition s’était exclusivement fondée sur le motif visé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 pour faire droit à l’opposition, la chambre de recours, en estimant que la division d’opposition avait procédé à une appréciation erronée de ce motif et en annulant sa décision, a fait droit aux prétentions de la requérante, indépendamment des appréciations qui figurent dans son raisonnement.

41      À cet égard, il découle d’une jurisprudence constante qu’une décision d’une chambre de recours doit être considérée comme ayant fait droit aux prétentions de l’une des parties devant cette chambre, lorsqu’elle accueille la demande de cette partie sur le fondement d’un des motifs de refus d’enregistrement ou de nullité d’une marque ou, plus généralement, d’une partie seulement de l’argumentation présentée par ladite partie, quand bien même elle omettrait d’examiner ou elle rejetterait les autres motifs ou arguments invoqués par cette même partie (voir arrêt du 25 septembre 2015, BLUECO, T‑684/13, EU:T:2015:699, point 28 et jurisprudence citée).

42      D’autre part, il ne saurait être retenu que les appréciations en cause ont, en elles-mêmes, pour conséquence que la décision attaquée ne fait pas droit aux prétentions de la requérante, indépendamment du dispositif de la décision attaquée, dès lors qu’elles lient la division d’opposition.

43      Certes, aux termes de l’article 71, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, si la chambre de recours renvoie l’affaire, en vue de la poursuite de la procédure, à l’instance qui a pris la décision attaquée, cette instance est liée par les motifs et le dispositif de la décision de la chambre de recours pour autant que les faits de la cause sont les mêmes.

44      Toutefois, les appréciations de la chambre de recours, critiquées par la requérante, n’impliquent pas en elles-mêmes que la division d’opposition soit tenue de faire droit à l’opposition. En effet, l’usage sérieux de la marque antérieure et l’existence d’une similitude entre les signes en conflit ne constituent qu’une partie des facteurs pertinents pour l’examen de l’autre motif invoqué par l’opposante en lien avec cette marque antérieure, à savoir l’existence d’un risque de confusion au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. À cet égard, la chambre de recours se réfère elle-même, aux points 82 et 83 de la décision attaquée, à l’examen que la division d’opposition devra conduire s’agissant de l’éventuelle coexistence des marques en conflit et de la comparaison des produits et des services en cause.

45      Il en découle que le recours de la requérante en ce qu’il est dirigé contre le point 1 du dispositif de la décision attaquée doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

 Sur le point 4 du dispositif de la décision attaquée 

46      La requérante, au point 6 de sa requête, soutient également contester le point 4 du dispositif de la décision attaquée par lequel la chambre de recours a retenu que chaque partie devait supporter ses propres dépens, sans pour autant présenter la moindre argumentation à l’appui de cette demande.

47      En vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit ressortir du texte même de la requête et être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui [voir arrêt du 12 novembre 2015, CEDC International/OHMI – Fabryka Wódek Polmos Łańcut (WISENT), T‑449/13, non publié, EU:T:2015:839, point 16 et jurisprudence citée].

48      Ainsi, le Tribunal est tenu de rejeter comme irrecevable un chef de conclusions de la requête qui lui est présentée, dès lors que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ce chef de conclusions est fondé ne ressortent pas d’une façon cohérente et compréhensible du texte de cette requête elle-même (arrêt du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C‑214/05 P, EU:C:2006:494, point 37).

49      Partant, le recours en ce qu’il est dirigé contre le point 4 du dispositif de la décision attaquée doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

51      Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de cette dernière aux dépens qu’en cas de convocation des parties à une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 17 janvier 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

F. Schalin


*      Langue de procédure : l’anglais.