Language of document : ECLI:EU:T:2009:180

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

3 juin 2010 (*)

« Accès aux documents – Irrecevabilité – Injonction »

Dans l’affaire T‑173/09,

Z, demeurant à Hannoversch Münden (Allemagne), représenté par Mes C. Grau et N. Jäger, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Bouquet, V. Bottka et R. Sauer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet d’ordonner à la Commission, premièrement, d’indiquer à la partie requérante, en lui accordant l’accès au dossier de la procédure dans l’affaire COMP/39.406 (Tuyaux marins) et en mettant en particulier à sa disposition une copie de la décision de la Commission du 28 janvier 2009 imposant une amende, si elle est nommément citée dans cette décision et, dans l’affirmative, d’indiquer le contexte dans lequel son nom est mentionné, deuxièmement, d’éliminer, d’une manière qui devra être précisée après l’octroi de l’accès au dossier, les mentions de son nom dans la décision de la Commission du 28 janvier 2009 et, troisièmement, de ne pas la citer nommément et de s’abstenir de toute référence à son nom dans la version non confidentielle de la décision du 28 janvier 2009,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona et M. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige et procédure

1        Le 28 janvier 2009, la Commission des Communautés européennes a adopté une décision dans l’affaire COMP/39.406 (Tuyaux marins), par laquelle elle a constaté la participation de plusieurs entreprises à une infraction aux articles 81 CE et 53 de l’accord EEE et infligé des amendes à ces entreprises (ci-après la « décision du 28 janvier 2009 »).

2        Dans la version confidentielle de la décision du 28 janvier 2009, la partie requérante, Z, a été citée nommément à quatre reprises en tant qu’ancienne représentante d’une des entreprises impliquées dans l’entente.

3        La décision du 28 janvier 2009 a été communiquée à ses destinataires le même jour, sans qu’aient été publiées ni la synthèse dans le Journal officiel ni une version intégrale sur la page Internet de la direction générale (DG) « Concurrence ».

4        Par lettre du 13 février 2009, le conseil de la partie requérante s’est adressé au chef de l’unité compétente en matière d’ententes de la DG « Concurrence » en demandant à avoir accès au dossier de la procédure et en particulier à une copie de la décision du 28 janvier 2009, en faisant valoir, en substance, la violation de son droit à être entendu dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption de cette même décision.

5        Le même jour, un fonctionnaire de la DG « Concurrence » a téléphoné au conseil de la partie requérante. Cette conversation téléphonique avait pour but de l’informer, d’une part, que la lettre de la partie requérante allait être traitée comme une demande d’accès à des documents en vertu du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), et, d’autre part, que, selon les pratiques en vigueur, toutes les références à des personnes physiques dans la version de la décision du 28 janvier 2009 destinée à être publiée seraient omises et que, par conséquent, le nom de la partie requérante n’y apparaîtrait pas. Il a également été fait référence au site Internet de la DG « Concurrence » et aux pratiques de la Commission en matière de publication. Enfin, le conseil de la partie requérante a été informé des restrictions frappant la communication de données relatives à des personnes physiques à des autorités étrangères.

6        Par courriel du 16 février 2009, la Commission a accusé réception de la lettre de la partie requérante du 13 février 2009, qui, compte tenu du texte du courriel, a été considérée comme une demande d’accès à des documents au sens du règlement n° 1049/2001.

7        Le même jour, par l’intermédiaire de son conseil, la partie requérante a répondu à ce courriel par un courriel indiquant qu’elle fondait sa demande, « à titre préventif et subsidiaire », sur le règlement n° 1049/2001, en précisant que « la demande de renseignements et d’accès [à son] dossier […], compte tenu de son affectation individuelle directe en tant que tiers et du non‑respect des garanties procédurales élémentaires par la décision du 28 janvier 2009 de la Commission […] ne s’appuy[ait] pas uniquement sur le principe de transparence mais en particulier sur le droit bien supérieur du citoyen de l’Union à être entendu ».

8        Par courriel du 18 février 2009, le conseil de la partie requérante a été informé que la DG « Concurrence » et les entreprises concernées étaient en train d’élaborer une version de la décision du 28 janvier 2009 ne contenant pas de secrets d’affaires ni d’autres informations confidentielles. Il lui a été indiqué qu’aucune version de cette décision n’était encore accessible au public, mais que la DG « Concurrence » s’efforcerait de l’établir rapidement et que cette version non confidentielle serait publiée, dès qu’elle serait élaborée, sur le site Internet de la DG « Concurrence ». La partie requérante était invitée à consulter régulièrement ce site. Il était en outre précisé que, « d’après [les] informations [de la DG « Concurrence », celle-ci ne voyait] pas de droits en dehors du règlement n° 1049/2001 pour la partie requérante».

9        Par lettre du 2 mars 2009, la partie requérante a déposé une plainte auprès du Médiateur européen, dans laquelle elle affirmait que la Commission avait rejeté sa demande d’accès au dossier. Dans sa réponse provisoire du 6 avril 2009, le Médiateur a notamment indiqué qu’une plainte en vertu du règlement n° 1049/2001 était exclue, car la partie requérante n’avait pas exercé son droit à présenter une demande confirmative, prévu par l’article 8 dudit règlement.

10      Par lettre du 5 mars 2009, la Commission a répondu à la lettre de la partie requérante du 13 février 2009. La partie requérante a été informée qu’une version non confidentielle de la décision du 28 janvier 2009 était en cours de préparation et qu’elle serait accessible sur Internet dès qu’elle aurait été établie.

11      Le 5 mai 2009, la partie requérante a introduit le présent recours, ainsi qu’une demande de mesures provisoires formulée dans les mêmes termes que ceux des conclusions du présent recours.

12      La publication de la décision du 28 janvier 2009 a été suspendue par ordonnance du président du Tribunal du 6 mai 2009, Z/Commission (T‑173/09 R, non publiée au Recueil), ultérieurement rapportée.

13      Par lettre du 14 mai 2009, la DG « Concurrence » s’est une nouvelle fois adressée à la partie requérante, afin de lui confirmer que la décision du 28 janvier 2009 n’avait pas encore été publiée et qu’elle respecterait l’ordonnance du président du Tribunal d’en suspendre la publication jusqu’à nouvel avis. En outre, la Commission l’a à nouveau assurée que les références à son nom n’apparaîtraient pas dans la version de la décision du 28 janvier 2009 destinée à être publiée et qu’il en irait de même pour toute communication de la décision aux autorités étrangères. La partie requérante a par ailleurs reçu des renseignements détaillés sur les mentions de son nom dans la version confidentielle de la décision du 28 janvier 2009, les raisons justifiant ces mentions, ainsi que sur les sources d’information utilisées.

14      La partie requérante a adressé trois lettres au Tribunal en date des 19 mai, 25 mai et 3 juin 2009. Alors que, par ses deux premiers courriers, elle prenait position sur la lettre de la Commission du 14 mai 2009, sa dernière lettre se rapportait aux considérations exposées par la Commission dans ses observations du 26 mai 2009 sur la demande de mesures provisoires.

15      Par ordonnance du 8 juin 2009, Z/Commission (T‑173/09 R, non publiée au Recueil), le président du Tribunal a rejeté la demande de mesures provisoires « pour autant qu’elle n’[était] pas déjà devenue sans objet » et a rapporté l’ordonnance du 6 mai 2009.

16      Le 22 juillet 2009, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

17      La Commission a adressé une lettre au Tribunal, en date du 15 septembre 2009, dans laquelle elle indiquait qu’une version non confidentielle de la décision du 28 janvier 2009 avait été publiée sur son site Internet à cette même date, laquelle ne comportait aucune indication permettant d’identifier la partie requérante.

 Conclusions des parties

18      La partie requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        ordonner à la Commission :

–        de lui indiquer, en lui accordant l’accès au dossier de la procédure dans l’affaire COMP/39.406 (Tuyaux marins) et en mettant en particulier à sa disposition une copie de la décision du 28 janvier 2009 imposant une amende, si elle est nommément citée et, dans l’affirmative, d’indiquer le contexte de la mention de son nom et, en particulier, dans quelle mesure la décision du 28 janvier 2009 contient des indications pertinentes du point de vue du droit de la concurrence et du droit pénal liées à sa personne ;

–        d’éliminer, d’une manière qui devra encore être précisée après l’octroi de l’accès au dossier, les mentions de son nom et, en particulier, les indications pertinentes du point de vue du droit de la concurrence et du droit pénal liées à sa personne dans la décision de la Commission du 28 janvier 2009 ;

–        de ne pas la citer nommément et de s’abstenir de toute référence à son nom dans la version non confidentielle de la décision du 28 janvier 2009 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la partie requérante aux dépens.

 En droit

 Arguments des parties

20      La Commission avance plusieurs arguments à l’appui de l’exception d’irrecevabilité qu’elle a soulevée.

21      La Commission soutient notamment, en substance, que les conclusions de la partie requérante constituent des demandes d’injonctions, tant dans leur libellé que dans leur objet.

22      Elle estime en effet que la partie requérante cherche à la contraindre à prendre des mesures positives, c’est-à-dire, en l’occurrence, à lui accorder l’accès au dossier, à modifier la décision du 28 janvier 2009 en en supprimant certains passages et à établir, dans une forme définie, la version de la décision du 28 janvier 2009 destinée à la publication.

23      La Commission fait valoir, en substance, que, eu égard à une jurisprudence constante aux termes de laquelle la juridiction de l’Union n’est pas compétente pour adresser des injonctions aux institutions dans le cadre du contrôle de légalité, les demandes doivent être rejetées comme étant irrecevables.

24      La partie requérante fait valoir, en substance, que son recours ne doit pas être compris comme une action en injonction mais qu’elle entend voir constater, de manière constante depuis le début de la procédure, l’illégalité du refus de lui accorder l’accès aux documents de la procédure, y compris la décision du 28 janvier 2009.

25      Elle soutient en outre que, si l’illégalité de la décision de lui refuser l’accès à la décision du 28 janvier 2009 était constatée, elle entraînerait nécessairement l’obligation pour la Commission de lui donner accès aux documents demandés. Les conséquences juridiques d’un recours en annulation sont dès lors identiques, selon elle, à celles contenues dans les conclusions de son recours.

 Appréciation du Tribunal

26      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire.

27      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par l’examen des pièces du dossier pour statuer sans qu’il soit nécessaire de poursuivre la procédure écrite et d’ouvrir la procédure orale.

28      Il y a lieu de constater que la partie requérante indique explicitement avoir introduit son recours sur le fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

29      Il ressort d’une jurisprudence constante que le Tribunal ne peut adresser une injonction aux institutions ou se substituer à ces dernières dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 230 CE. Cette limitation du contrôle de légalité s’applique dans tous les domaines contentieux que le Tribunal est susceptible de connaître (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 juillet 2001, Mattila/Conseil et Commission, T‑204/99, Rec. p. II‑2265, point 26, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 22 janvier 2004, Mattila/Conseil et Commission, C‑353/01 P, Rec. p. I‑1073, point 15, et du 8 octobre 2008, Agrar-Invest-Tatschl/Commission, T‑51/07, Rec. p. II‑2825, points 27 et 28).

30      Dès lors, la partie requérante n’est pas recevable à demander au Tribunal d’ordonner à la Commission, d’une part, de lui accorder l’accès au dossier de la procédure dans l’affaire COMP/39.406 (Tuyaux marins) et de lui octroyer une copie de la décision adoptée par la Commission à l’issue de cette affaire et, d’autre part, de lui indiquer si elle a été nommément citée dans cette décision (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2001, Mattila/Conseil et Commission, précité, point 27).

31      Il en est de même pour ce qui est des deuxième et troisième chefs de conclusions, par lesquels la partie requérante demande, en substance, au Tribunal d’ordonner à la Commission de supprimer les passages qui seraient considérés comme susceptibles de lui porter atteinte, ainsi que les mentions de son nom à la fois dans la version confidentielle et dans la version non confidentielle de la décision du 28 janvier 2009.

32      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

33      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Z est condamné aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Fait à Luxembourg, le 3 juin 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.