Language of document : ECLI:EU:T:2009:235

Affaire T-291/06

Operator ARP sp. z o.o.

contre

Commission des Communautés européennes

« Aides d’État — Régime d’aides à la restructuration accordées par la République de Pologne à un producteur d’acier — Décision déclarant les aides pour partie incompatibles avec le marché commun et ordonnant leur récupération — Protocole nº 8 sur la restructuration de l’industrie sidérurgique polonaise — Recours en annulation — Intérêt à agir — Recevabilité — Notion de bénéficiaire — Article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 659/1999 »

Sommaire de l'arrêt

1.      Recours en annulation — Intérêt à agir — Nécessité d'un intérêt né et actuel — Décision de la Commission constatant l'incompatibilité d'une aide avec le marché commun et ordonnant sa restitution

(Art. 230 CE)

2.      Aides accordées par les États — Décision de la Commission d'ouvrir une procédure formelle d'examen d'une mesure étatique — Caractère provisoire des appréciations opérées par la Commission — Obligation pour la Commission de définir suffisamment le cadre de son examen

(Art. 88, § 2, CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 6, § 1)

3.      Recours en annulation — Moyens — Défaut ou insuffisance de motivation — Distinction d'avec l'erreur manifeste d'appréciation

(Art. 230 CE et 253 CE)

4.      Aides accordées par les États — Récupération d'une aide illégale — Récupération auprès d'une entreprise non bénéficiaire de l'aide mais ayant racheté des actifs du bénéficiaire et poursuivant son activité — Condition

(Art. 88, § 2, CE; règlement du Conseil nº 659/1999, art. 14, § 1)

1.      La recevabilité du recours en annulation introduit par une personne physique ou morale est subordonnée à la condition qu'elle justifie d'un intérêt né et actuel à l'annulation de l'acte attaqué.

S'agissant d'une décision de la Commission constatant l'incompatibilité d'une aide avec le marché commun et ordonnant sa restitution, l'intérêt à agir d'une entreprise ne saurait être nié en raison du simple fait que l'aide litigieuse a été restituée par l'une des autres entités désignées dans la décision comme solidairement responsable pour le remboursement, alors que, selon le droit national, les entités ayant effectivement restitué l'aide illégale peuvent faire valoir un droit de recours à son égard pendant une période déterminée.

(cf. points 25, 27)

2.      La phase d'examen visée à l'article 88, paragraphe 2, CE est destinée à permettre à la Commission d'avoir une information complète sur l'ensemble des données de l'affaire. Selon l'article 6, paragraphe 1, du règlement nº 659/1999, relatif à l'application de l'article 88 CE, la décision d'ouverture récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une « évaluation préliminaire » par la Commission de la mesure proposée et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. En outre, cette décision invite l'État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations. L'analyse de la Commission revêt ainsi nécessairement un caractère préliminaire. Il en résulte que la Commission ne peut pas être tenue de présenter une analyse complète à l'égard de l'aide en cause dans sa communication relative à l'ouverture de cette procédure. En revanche, il est nécessaire que la Commission définisse suffisamment le cadre de son examen afin de ne pas vider de son sens le droit des intéressés de présenter leurs observations.

(cf. points 36-38)

3.      Il y a lieu de faire une distinction entre le grief tiré du défaut ou de l'insuffisance de motivation et celui pris de l'inexactitude des motifs d'une décision. Ce dernier aspect relève de l'examen de la légalité au fond de la décision et non de la violation des formes substantielles, et ne peut donc donner lieu à une violation de l'article 253 CE. Par conséquent, le Tribunal ne saurait examiner, au titre du contrôle du respect de l'obligation de motivation, la légalité au fond des motifs invoqués par la Commission pour justifier sa décision. Dans le cadre d'un moyen tiré d'un défaut ou d'une insuffisance de motivation, les griefs et arguments visant à contester le bien-fondé de la décision litigieuse sont donc dénués de pertinence.

(cf. point 48)

4.      L'élargissement du cercle des entités tenues au remboursement d'une aide d'État n'est justifié que si le transfert d'actifs entraîne le risque d'un contournement des effets de l'ordre de récupération, et notamment si, à la suite du rachat d'actifs, le bénéficiaire original de l'aide reste comme une « coquille vide » de laquelle il n'est pas possible d'obtenir la restitution des aides illégales. De plus, cet élargissement peut se justifier du fait que l'acquéreur d'actifs conserve la jouissance effective de l'avantage concurrentiel lié au bénéfice des aides.

À cet égard, lorsqu'une entreprise ayant bénéficié d'une aide illégale est rachetée au prix du marché, l'acheteur ne saurait être considéré comme ayant bénéficié d'un avantage par rapport aux autres opérateurs sur le marché. Il ne pourrait donc être demandé à l'acheteur de rembourser de telles aides. Plus particulièrement, dans le cas du rachat d'actifs, si un prix d'achat conforme au marché a été payé par l'acheteur pour la reprise d'éléments d'actifs, celui-ci ne conserve pas la jouissance effective de l'avantage concurrentiel lié au bénéfice des aides octroyées au vendeur. Dans un tel cas de figure, il ne saurait être considéré que le bénéficiaire original de l'aide reste comme une « coquille vide » de laquelle il n'est pas possible d'obtenir la restitution des aides illégales, ni que l'acheteur a conservé la jouissance effective de l'avantage concurrentiel lié au bénéfice des aides.

(cf. points 66-67)