Language of document : ECLI:EU:T:2009:133

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

30 avril 2009 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – Dépenses exclues du financement communautaire – Aide compensatoire aux producteurs de bananes – Irrégularités dans les contrôles de qualité – Type de correction financière appliquée – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑281/06,

Royaume d’Espagne, représenté par M. M. Muñoz Pérez, abogado del Estado,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. F. Jimeno Fernández, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2006/554/CE de la Commission, du 27 juillet 2006, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie » (JO L 218, p. 12), en tant qu’elle prévoit une correction financière applicable aux dépenses déclarées par le Royaume d’Espagne au titre de l’aide compensatoire aux producteurs de bananes pour les campagnes 2002 et 2003,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. N. Wahl (rapporteur) et A. Dittrich, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 novembre 2008,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Réglementation communautaire régissant le financement de la politique agricole commune

 Réglementation de base relative au financement de la politique agricole commune

1        La réglementation de base relative au financement de la politique agricole commune est constituée, en ce qui concerne les dépenses effectuées à partir du 1er janvier 2000, par le règlement (CE) nº 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103).

2        En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 1258/1999, la section « Garantie » du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) finance les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles. L’article 2, paragraphe 2, du règlement nº 1258/1999 précise que sont financées au titre de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles qui sont entreprises selon les règles communautaires dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles.

3        L’article 7, paragraphe 4, du règlement nº 1258/1999 dispose que la Commission décide des dépenses à écarter du financement communautaire visé aux articles 2 et 3 de ce même règlement lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires. Selon l’article 7, paragraphe 4, quatrième alinéa, du règlement nº 1258/1999, la Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté européenne.

4        En vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 1258/1999, les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEOGA, prévenir et poursuivre les irrégularités, et récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences.

 Réglementation spécifique relative à la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie »

5        L’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement (CEE) nº 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 158, p. 6), tel que modifié par le règlement (CE) nº 2245/1999 de la Commission, du 22 octobre 1999 (JO L 273, p. 5) dispose :

« Si, à l’issue d’une enquête, la Commission considère que les dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires, elle communique les résultats de ses vérifications à l’État membre concerné et indique les mesures correctives à prendre pour garantir à l’avenir le respect des règles précitées.

La communication fait référence au présent règlement. L’État membre répond dans un délai de deux mois et la Commission peut modifier sa position en conséquence. Dans des cas justifiés, la Commission peut accorder une prorogation de ce délai.

Après l’expiration du délai accordé pour la réponse, la Commission convoque une discussion bilatérale et les deux parties essayent d’arriver à un accord sur les mesures à prendre, ainsi que sur l’évaluation de la gravité de l’infraction et du préjudice financier causé à la Communauté [… La Commission communique ensuite] formellement ses conclusions à l’État membre en faisant référence à la décision 94/442/CE […] Sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa du présent paragraphe, cette communication évaluera les dépenses qu’elle envisage d’exclure […] »

6        En outre, selon l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la décision 94/442/CE de la Commission, du 1er juillet 1994, relative à la création d’une procédure de conciliation dans le cadre de l’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 182, p. 45), la position prise par l’organe de conciliation, prévue à l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 1663/95, ne préjuge pas la décision définitive de la Commission en matière d’apurement des comptes.

 Orientations de la Commission pour l’application des corrections financières

7        Les orientations pour l’application des corrections forfaitaires ont été définies, conformément à l’article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement (CEE) nº 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), tel que modifié par le règlement (CE) nº 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995 (JO L 125, p. 1), dans le document VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie ».

8        Selon l’annexe 2 du document VI/5330/97, lorsque les informations fournies par l’enquête ne permettent pas d’évaluer les pertes subies par la Communauté, à partir d’une extrapolation de ces pertes, par des moyens statistiques ou par référence à d’autres données vérifiables, une correction forfaitaire peut être envisagée. En particulier, il est prévu que lorsqu’un État membre a effectué tous les contrôles-clés, mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 5 % dans la mesure où il peut raisonnablement être conclu que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de pertes pour le FEOGA était significatif. En revanche, lorsqu’un État membre a effectué correctement les contrôles clés, mais a omis complètement d’effectuer un ou plusieurs contrôles secondaires, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 2 %, compte tenu du risque de pertes plus faible pour le FEOGA et la gravité moindre de l’infraction.

 Réglementation régissant le financement communautaire des opérations de commercialisation de la banane

 Réglementation relative à l’organisation commune des marchés dans le secteur de la banane

9        Le régime d’aide compensatoire de perte de recettes de commercialisation dans le secteur de la banane est contenu, pour l’essentiel, dans le règlement (CEE) nº 404/93 du Conseil, du 13 février 1993, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (JO L 47, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) nº 2587/2001 du Conseil, du 19 décembre 2001 (JO L 345, p. 13), et dans le règlement (CEE) nº 1858/93 de la Commission, du 9 juillet 1993, établissant les modalités d’application du règlement nº 404/93 en ce qui concerne le régime d’aide compensatoire de perte de recettes de commercialisation dans le secteur de la banane (JO L 170, p. 5), tel que modifié par le règlement nº 471/2001 de la Commission, du 8 mars 2001 (JO L 67, p. 52).

10      En particulier, l’article 12, paragraphe 1, du règlement nº 404/93 dispose :

« Une aide compensatoire de la perte éventuelle des recettes est accordée aux producteurs communautaires, membres d’une organisation de producteurs reconnue, qui commercialisent des bananes conformes aux normes communes sur le marché de la Communauté […] »

11      L’article 1er du règlement nº 1858/93 prévoit, en outre, que l’aide compensatoire prévue à l’article 12 du règlement nº 404/93 est octroyée pour la commercialisation de bananes fraîches conformes aux normes de qualité arrêtées en application du titre I dudit règlement.

12      L’article 7, paragraphe 4, du règlement nº 1858/93 précise :

« Les demandes sont accompagnées :

–        des certificats de conformité,

–        des factures de vente,

–        des documents relatifs au transport, pour les bananes commercialisées en dehors de la région de production,

ou

–        tous les autres documents justificatifs utiles prouvant la commercialisation. »

 Réglementation spécifique relative aux normes communes de qualité pour les bananes

13      Les normes communes de qualité pour les bananes sont contenues, pour l’essentiel, dans le règlement (CEE) nº 2257/94 de la Commission, du 16 septembre 1994, fixant des normes de qualité pour les bananes (JO L 245, p. 6), dans le règlement (CE) nº 2898/95 de la Commission, du 15 décembre 1995, portant dispositions relatives au contrôle du respect des normes de qualité dans le secteur de la banane (JO L 304, p. 17), tels que modifiés par le règlement (CE) nº 386/97 de la Commission, du 28 février 1997, rectifiant les versions en langues anglaise et suédoise du règlement nº 2257/94 ainsi que la version en langue espagnole du règlement nº 2898/95 (JO L 60, p. 53), et dans le règlement (CE) nº 1148/2001 de la Commission, du 12 juin 2001, concernant les contrôles de conformité avec les normes de commercialisation applicables dans le secteur des fruits et légumes frais (JO L 156, p. 9), tel que modifié par le règlement (CE) nº 2379/2001 de la Commission, du 5 décembre 2001 (JO L 321, p. 15).

14      Selon l’annexe I du règlement nº 2257/94, les bananes font l’objet d’une classification en trois catégories. D’abord, la catégorie « Extra » correspond aux bananes de qualité supérieure, qui ne peuvent pas présenter de défauts, à l’exception de très légères altérations superficielles ne dépassant pas au total 1 cm2 de la surface du « doigt ». Ensuite, la catégorie I correspond aux bananes de bonne qualité, dont les « doigts » peuvent comporter de légers défauts de forme et d’épiderme, ne dépassant pas au total 2 cm2 de la surface du « doigt ». Enfin, la catégorie II correspond à celles qui ne peuvent pas être classées dans les catégories supérieures, mais qui présentent les caractéristiques minimales définies dans l’annexe I du règlement nº 2257/94. Cette dernière catégorie correspond aux bananes dont les doigts peuvent présenter des défauts de forme et des défauts d’épiderme ne dépassant pas au total 4 cm2 de la surface du « doigt ».

15      En ce qui concerne les contrôles de qualité auxquels les bananes sont soumises, l’article 1er du règlement nº 2898/95 dispose que les États membres effectuent les contrôles de conformité aux normes de qualité arrêtées par le règlement nº 2257/94.

16      Par ailleurs, l’article 7 du règlement nº 2898/95 dispose :

« 1. Les opérateurs qui commercialisent des bananes récoltées dans la Communauté ou des bananes importées des pays tiers ne sont pas soumis aux opérations de contrôle de conformité aux normes de qualité aux stades prévus aux articles 2 et 3 lorsqu’ils :

a)       disposent d’un personnel expérimenté en matière de connaissance des normes de qualité et d’équipements de manutention et de contrôle ;

b)       tiennent un registre des opérations qu’ils effectuent,

et

c)      présentent les garanties permettant d’assurer une qualité conforme des bananes qu’ils commercialisent.

Les opérateurs exemptés du contrôle obtiennent un certificat d’exemption établi conformément au modèle joint à l’annexe II.

2. Le bénéfice de l’exemption des opérations de contrôle est accordé, sur demande de l’opérateur concerné, par les organismes ou services de contrôle désignés par les autorités nationales compétentes selon le cas, de l’État membre de production pour les bananes commercialisées dans la région de production communautaire ou de l’État membre de débarquement pour les bananes communautaires commercialisées dans le reste de la Communauté et les bananes importées des pays tiers. Le bénéfice de l’exemption est accordé pour une période maximale de trois années, renouvelable. Cette exemption vaut pour l’ensemble du marché communautaire pour les produits débarqués dans l’État membre qui l’a octroyée.

Ces services ou organismes procèdent au retrait de l’exemption lorsqu’ils constatent des anomalies ou des irrégularités mettant en cause la conformité des bananes aux normes ou que les conditions définies au paragraphe 1 ne sont plus remplies. Le retrait est opéré à titre provisoire ou définitif selon la gravité des manquements constatés.

Les États membres établissent un registre des opérateurs de bananes exemptés du contrôle et attribuent un numéro d’immatriculation à ces derniers et prennent les mesures nécessaires pour la diffusion de ces informations.

3. Les services ou organismes compétents des États membres vérifient périodiquement la qualité des bananes commercialisées par les opérateurs visés au paragraphe 1 ainsi que le respect des conditions qui y sont définies. Les opérateurs exemptés accordent également toutes les facilités requises pour le bon déroulement de ces vérifications. Ils communiquent à la Commission la liste des opérateurs qui bénéficient de l’exemption prévue au présent article ainsi que les cas de retrait de cette dernière. »

 Antécédents du litige

17      Du 10 au 14 novembre 2003, une enquête portant la référence FV/2003/311 a été effectuée en Espagne, conformément à l’article 7 du règlement nº 1258/1999 et à l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 1663/95, s’agissant de l’aide compensatoire aux producteurs de bananes pour les campagnes 2002 et 2003.

18      Par lettre du 6 avril 2004, la Commission a communiqué au Royaume d’Espagne les premières observations découlant de cette enquête, accompagnées d’une demande d’informations supplémentaires. Par lettre du 14 juin 2004, le Royaume d’Espagne a répondu à la lettre précitée de la Commission.

19      Par lettre du 23 septembre 2004, la Commission a convoqué une discussion bilatérale, conformément à la procédure prévue dans le règlement nº 1663/95. Le procès-verbal de la discussion bilatérale a été adressé par la Commission aux autorités espagnoles par lettre du 6 décembre 2004. Par lettre du 3 février 2005, les autorités espagnoles ont transmis à la Commission les renseignements complémentaires demandés au cours de la discussion bilatérale.

20      La position de la Commission à l’issue de la discussion bilatérale a été notifiée au Royaume d’Espagne par lettre du 26 mai 2005. Dans ladite lettre, la Commission proposait d’exclure du financement communautaire des dépenses d’un montant total de 5 291 087,63 euros.

21      Par lettre du 8 juillet 2005, les autorités espagnoles ont demandé l’intervention de l’organe de conciliation. L’organe de conciliation a établi un rapport en date du 13 décembre 2005.

22      Par lettre du 16 mars 2006, à la suite du rapport de l’organe de conciliation, les services de la Commission ont communiqué leur position finale, confirmant la correction initialement proposée.

23      Les conclusions ayant conduit la Commission à adopter ladite correction financière ont été exposées dans le rapport de synthèse du 5 avril 2006. Dans ce rapport, la Commission a constaté l’existence de déficiences dans la réalisation des contrôles clés et des contrôles secondaires requis pour vérifier la régularité de la dépense du FEOGA au regard de l’article 12, paragraphe 1, du règlement nº 404/93, et en particulier, pour vérifier que les bananes qui ont fait l’objet de l’aide compensatoire étaient commercialisées au sens de ladite disposition et conformes aux normes communes de qualité.

24      S’agissant des contrôles relatifs à la détermination de la quantité de bananes commercialisées, la Commission a indiqué que les autorités nationales effectuaient le paiement de l’aide compensatoire pour des demandes qui étaient seulement accompagnées par des documents douaniers de transport, alors que ces documents auraient dû faire l’objet de contrôles croisés avec les factures de vente, conformément à l’article 7, paragraphe 4, du règlement nº 1858/93. L’absence de tels contrôles aurait eu comme résultat le risque que l’aide compensatoire ait pu être octroyée pour des bananes qui n’avaient pas été réellement commercialisées, à savoir des bananes en provenance des îles Canaries endommagées pendant leur transport à destination du continent.

25      S’agissant des contrôles relatifs à la conformité des bananes aux normes communes de qualité, premièrement, la Commission a relevé que les autorités espagnoles auraient dû retirer, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 2898/95, le bénéfice de l’exemption des opérations de contrôle accordée à certains producteurs des îles Canaries, en vertu de l’article 7, paragraphe 1 de ce même règlement, étant donné qu’elles avaient constaté l’existence d’anomalies et d’irrégularités dans leurs systèmes de contrôle, qualifiées de fraudes selon la législation nationale et mettant en cause la conformité des bananes aux normes communes de qualité.

26      Deuxièmement, la Commission a constaté que les vérifications que les autorités espagnoles avaient effectuées auprès des organisations de producteurs afin d’examiner leurs systèmes de contrôle, en application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement nº 2898/95, auraient dû l’être sur la base d’un échantillonnage plus représentatif, incluant toutes les catégories de bananes décrites dans le règlement nº 2257/94. La Commission a précisé, à cet égard, que les vérifications effectuées par les autorités espagnoles se fondaient sur des lots de bananes relevant de la catégorie « Extra », tandis que ceux des bananes relevant des catégories I et II faisaient l’objet d’un échantillonnage très épisodique, voire inexistant.

27      Par la décision 2006/554/CE, du 27 juillet 2006 (JO L 218, p. 12, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a écarté du financement communautaire certaines dépenses effectuées par plusieurs États membres au titre du FEOGA, section « Garantie ». En ce qui concerne le Royaume d’Espagne, la Commission a appliqué une correction forfaitaire de 2 % aux dépenses que celui-ci avait déclarées au titre de l’aide compensatoire aux producteurs de bananes pour les exercices 2002 (à compter du 7 avril 2002), 2003 et 2004 (pour les dépenses se rapportant à 2003, à l’exclusion des avances de 2004).

 Procédure et conclusions des parties

28      Par requête déposée le 6 octobre 2006 au greffe du Tribunal, le Royaume d’Espagne a introduit le présent recours.

29      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

30      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 novembre 2008.

31      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en tant qu’elle prévoit une correction financière applicable aux dépenses déclarées par celui-ci au titre de l’aide compensatoire aux producteurs de bananes pour les campagnes 2002 et 2003 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

32      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

 En droit

33      À l’appui de son recours, le Royaume d’Espagne soulève deux moyens tirés, premièrement, du caractère injustifié de la correction financière et, deuxièmement, de la violation du principe de proportionnalité lors du choix du type de correction financière à appliquer.

 Sur le premier moyen, tiré du caractère injustifié de la correction financière

 Arguments des parties

34      Le Royaume d’Espagne conteste, en substance, les deux conclusions adoptées par la Commission dans le rapport de synthèse, que ce soit celle concernant les déficiences constatées dans les contrôles relatifs à la détermination de la quantité de bananes commercialisées ou celle concernant les déficiences constatées dans les contrôles relatifs à la qualité des bananes. Il fait valoir que le FEOGA n’avait encouru aucun risque de pertes et que les critères d’éligibilité de l’aide compensatoire avaient été respectés.

35      En ce qui concerne les déficiences constatées dans les contrôles relatifs à la détermination des quantités de bananes commercialisées, le Royaume d’Espagne considère, d’abord, que la conclusion de la Commission est erronée, puisque les documents douaniers annexés aux demandes d’aide compensatoire, qui attestent des quantités de bananes expédiées en dehors de la région de production des îles Canaries, constitueraient une preuve valable et suffisante pour démontrer leur commercialisation conformément à l’article 12, paragraphe 1, du règlement nº 404/93.

36      Le Royaume d’Espagne conteste, en outre, l’affirmation contenue dans le rapport de synthèse, selon laquelle les documents douaniers précités auraient dû faire l’objet de contrôles croisés avec les factures de vente afin de déterminer si les quantités en cause étaient éligibles à l’aide compensatoire. La version de l’article 7, paragraphe 4, du règlement nº 1858/93 applicable aux exercices en cause n’exigerait pas de tels contrôles.

37      Enfin, selon le Royaume d’Espagne, le refus de la Commission de considérer les documents douaniers comme preuve valable et suffisante est également le résultat d’une mauvaise interprétation de la notion de « commercialisation » au sens de l’article 12 du règlement nº 404/93. Pour le Royaume d’Espagne, cette notion fait référence au sens large à la mise en circulation des bananes sur le marché. Cela impliquerait que l’aide compensatoire est destinée non seulement à couvrir les coûts inhérents à la vente des bananes proprement dite, comme la Commission le soutient, mais aussi à compenser ceux occasionnés par leur production, les bananes qui n’ont pas été vendues à cause de dommages subis au cours du transport ayant également été soumises à des opérations telles que le lavage, l’empaquetage et l’embarquement vers le continent.

38      En ce qui concerne les déficiences constatées dans les contrôles relatifs à la qualité des bananes, premièrement, le Royaume d’Espagne fait valoir que les autorités nationales n’ont manqué à aucune obligation de contrôle de qualité, dès lors qu’aux îles Canaries tous les producteurs de bananes bénéficient de l’exemption des opérations de contrôle prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 2898/95. Ce serait les contrôles effectués par les producteurs eux-mêmes qui garantiraient le respect des exigences communes de qualité conformément à la réglementation spécifique.

39      Deuxièmement, le Royaume d’Espagne fait remarquer que, même s’il est vrai que les autorités nationales ont constaté des irrégularités dans les systèmes de contrôle de certains producteurs, comme l’a relevé la Commission dans le rapport de synthèse, elles ne leur ont pas retiré le bénéfice de l’exemption, puisqu’elles ont appliqué d’autres sanctions administratives.

40      Troisièmement, le Royaume d’Espagne soutient que, bien que les vérifications opérées par les autorités espagnoles lors de l’enquête de la Commission portant sur les systèmes de contrôle des producteurs, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 2898/95, ont été focalisées sur les bananes relevant de la catégorie « Extra », telle que définie dans le règlement nº 2257/94, et ne l’ont été que plus superficiellement s’agissant des catégories I et II, cela se justifiait par le fait que le risque d’altération de la qualité est plus élevé pour les bananes de la première catégorie que pour celles relevant des deux autres. Le Royaume d’Espagne fait valoir, également, que les bananes commercialisées par les opérateurs des îles Canaries correspondent essentiellement à la catégorie « Extra ».

41      La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.

 Appréciation du Tribunal

42      Il convient de rappeler, tout d’abord, que le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires (voir arrêt du Tribunal du 14 février 2008, Espagne/Commission, T‑266/04, non publié au Recueil, point 97, et la jurisprudence citée).

43      Selon une jurisprudence constante, la Commission est tenue non pas de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve de doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres (voir arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Grèce/Commission, T‑243/05, Rec. p. II‑3475, point 57, et la jurisprudence citée).

44      Il y a lieu de rappeler, en outre, que, selon l’article 12, paragraphe 1, du règlement nº 404/93, « [u]ne aide compensatoire […] est accordée aux producteurs communautaires, membres d’une organisation de producteurs reconnue, qui commercialisent des bananes conformes aux normes communes sur le marché de la Communauté ». Il s’ensuit que l’aide compensatoire pour les producteurs de bananes requiert, parmi d’autres conditions, que les bananes qui font l’objet de la compensation soient conformes aux normes communes, y compris celles relatives à la qualité, et qu’elles soient commercialisées sur le territoire de la Communauté.

45      En l’espèce, s’agissant de la conformité des bananes aux normes communes de qualité, il ressort du point B.2.3.1.3 du rapport de synthèse que, dans la décision attaquée, la Commission a fondé la correction financière sur la violation de l’article 7, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement nº 2898/95.

46      Il importe de rappeler à cet égard que, conformément aux articles 1er et 2 du règlement nº 2898/95, les États membres effectuent les contrôles de conformité aux normes communes de qualité arrêtées dans le règlement nº 2257/94 sur les bananes fraîches produites dans la Communauté. Ensuite, il y a également lieu de rappeler que l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement nº 2898/95, prévoit que, pour que les opérateurs qui commercialisent des bananes récoltées dans la Communauté ou des bananes importées de pays tiers ne soient pas soumis aux opérations de contrôle de conformité précitées ils doivent notamment présenter des garanties permettant d’assurer une qualité conforme des bananes qu’ils commercialisent. Les opérateurs exemptés du contrôle obtiennent le certificat d’exemption correspondant. Toutefois, selon l’article 7, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement nº 2898/95, lorsque les autorités compétentes constatent des anomalies ou des irrégularités mettant en cause la conformité des bananes aux normes communautaires, elles doivent retirer l’exemption accordée.

47      Dans le cas d’espèce, si le Royaume d’Espagne fait valoir que les autorités espagnoles n’avaient aucune obligation d’effectuer des contrôles sur la qualité des bananes, puisque ces contrôles devaient être opérés par les producteurs eux-mêmes, force est de constater que, conformément à l’article 7, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement nº 2898/95, elles devaient procéder au retrait de l’exemption dont les producteurs avaient bénéficié après la constatation d’irrégularités dans ces contrôles.

48      Or, le Royaume d’Espagne ne conteste pas que les autorités nationales ont découvert des anomalies dans les systèmes de contrôle de certains producteurs de bananes, qualifiées de fraudes selon la législation nationale, et que les exemptions correspondantes n’ont pas été retirées. Si, comme le Royaume d’Espagne le soutient, les autorités nationales ont appliqué d’autres sanctions administratives aux producteurs en cause, il y a lieu de relever que, lorsqu’un règlement institue des mesures spécifiques afin d’éviter le risque que les produits qui font l’objet de l’aide compensatoire ne soient pas conformes à la réglementation communautaire, les États membres sont tenus de les appliquer sans qu’il soit nécessaire d’apprécier l’efficacité d’autres mesures appliquées en remplacement (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Espagne/Commission, précité, point 120, et la jurisprudence citée).

49      Il convient d’ajouter, à titre surabondant, que le Royaume d’Espagne n’explique pas quelles sanctions concrètes ont été appliquées, ni dans quelle mesure elles étaient de nature à pallier le risque de non-conformité des bananes en cause aux normes communes de qualité.

50      Il s’ensuit que c’est à juste titre que la Commission a conclu à la violation de l’article 7, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement nº 2898/95, telle qu’elle a été constatée dans le rapport de synthèse et dans la décision attaquée.

51      En outre, il ressort du point B.2.3.1.3 du rapport de synthèse que la correction financière opérée dans la décision attaquée est fondée également sur des déficiences constatées dans les vérifications que les autorités espagnoles ont effectuées sur les systèmes de contrôle des opérateurs des îles Canaries, en application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement nº 2898/95. En substance, la Commission a relevé que l’échantillonnage sur lequel les vérifications précitées avaient été fondées ne comprenait pas toutes les catégories de bananes définies au point II B de l’annexe I du règlement nº 2257/94.

52      À cet égard, d’une part, il importe de rappeler que, selon l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 1258/1999, les États membres doivent prendre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEOGA. D’autre part, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement nº 2898/95, les États membres sont obligés de vérifier périodiquement la qualité des bananes commercialisées par les opérateurs bénéficiant de l’exemption des opérations de contrôle, ainsi que le respect des garanties qu’ils ont offertes permettant d’assurer la qualité conforme des bananes qu’ils commercialisent.

53      S’il est vrai que l’article 7, paragraphe 3, du règlement nº 2898/95 n’établit pas expressément la méthode qui doit être employée lors des vérifications des systèmes de contrôle des producteurs et, en particulier, ne précise pas si les vérifications doivent s’effectuer sur la base d’un échantillonnage comprenant toutes les catégories de bananes décrites à l’annexe I du règlement nº 2257/94, il n’en demeure pas moins que, dans la mesure où cette disposition doit être lue à la lumière des obligations des États membres découlant de l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 1258/1999, il appartient aux autorités nationales d’organiser un système qui garantit que les contrôles des producteurs soient efficaces pour assurer la conformité des bananes commercialisées aux normes communes de qualité et, en particulier, aux normes arrêtées dans le règlement nº 2257/94 (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 avril 2008, Belgique/Commission, C‑418/06 P, non encore publié au Recueil, point 70).

54      En l’espèce, il y a lieu de souligner que le Royaume d’Espagne ne conteste pas la véracité des constatations faites par les services de la Commission lors de leurs contrôles et, en particulier, celles dont il ressort que, selon le manuel de procédure que les autorités nationales ont utilisé lors des vérifications des systèmes de contrôle des producteurs, à l’exception de celles qui portent sur les lots relevant de la catégorie « Extra », ces vérifications ne sont opérées que superficiellement sur les lots de la catégorie I et ne le sont jamais sur ceux de la catégorie II.

55      Le Royaume d’Espagne fait valoir, néanmoins, que cela se justifie, premièrement, par le fait que les bananes commercialisées par les producteurs des îles Canaries appartiennent essentiellement à la catégorie « Extra » et, deuxièmement, par le fait que le risque d’altération de la qualité est plus élevé pour les bananes de qualité « Extra » que pour celles relevant des catégories I et II.

56      Le Tribunal considère cependant que ces arguments ne sauraient être accueillis. En effet, d’une part, il importe de relever que, selon le point B.2.3.5 du rapport de synthèse, qui fait référence aux renseignements fournis par les autorités espagnoles lors de l’audience auprès de l’organe de conciliation, les bananes appartenant à la catégorie II représentent 9,92 % des exportations totales des îles Canaries, un taux non négligeable du point de vue du risque de non-conformité avec les normes de qualité.

57      D’autre part, il y a lieu de remarquer que le point II B de l’annexe I du règlement nº 2257/94 ne définit pas seulement les caractéristiques des bananes relevant de la catégorie « Extra », mais établit également celles des catégories I et II. En particulier, les bananes relevant de la catégorie II sont définies comme celles qui « ne peuvent pas être classées dans les catégories supérieures, mais qui correspondent aux caractéristiques minimales définies [au point II A de l’annexe I du règlement n° 2257/94] ».

58      Ainsi, même si l’on pourrait admettre que les contrôles de qualité doivent être plus exhaustifs pour les bananes de qualité « Extra », puisqu’elles sont les plus coûteuses à produire et risquent donc le plus d’être mélangées, les États membres doivent également vérifier si les bananes classées dans les catégories I et II sont conformes aux normes communes de qualité. Dans le cas contraire, il existerait un risque de voir l’aide compensatoire octroyée pour des bananes ne relevant pas de ces dernières catégories.

59      Par conséquent, il y a lieu de conclure que les autorités nationales auraient dû procéder à la vérification des systèmes de contrôle des producteurs sur la base d’un échantillonnage incluant toutes les catégories de bananes, telles que décrites et définies par le règlement nº 2257/94, et que la Commission a correctement constaté l’existence de déficiences dans le cadre de l’application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement nº 2898/95.

60      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, dès lors que l’une des conditions requises pour reconnaître le bénéfice de l’aide compensatoire aux producteurs de bananes commercialisées selon l’article 12, paragraphe 1, du règlement nº 404/93 n’est pas satisfaite, l’application par la Commission d’une correction financière était justifiée, sans qu’il soit nécessaire d’analyser l’existence ou non d’irrégularités dans la détermination de la quantité des bananes commercialisées.

61      Il convient donc de rejeter le premier moyen.

 Sur le second moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité lors de la détermination de la correction financière

 Arguments des parties

62      Le Royaume d’Espagne considère, en substance, que, par la décision attaquée, la Commission a violé le principe de proportionnalité, puisqu’elle a appliqué une correction financière forfaitaire de 2 % aux dépenses qu’il avait déclarées, alors qu’il était possible d’effectuer un calcul plus précis du préjudice que les irrégularités décelées pourraient avoir causé au FEOGA. À cet égard, selon le document VI/5330/97, les corrections forfaitaires s’appliqueraient uniquement dans le cas où un calcul plus précis ne serait pas possible. Le Royaume d’Espagne fait valoir, de surcroît, que l’organe de conciliation s’était également prononcé en faveur d’une correction ponctuelle, dans son rapport final du 13 décembre 2005.

63      La Commission conteste les arguments du Royaume d’Espagne.

 Appréciation du Tribunal

64      Le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêts de la Cour du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, Rec. p. 2171, point 25, et du Tribunal du 19 juin 1997, Air Inter/Commission, T‑260/94, Rec. p. II‑997, point 144).

65      Selon une jurisprudence constante, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles communautaires, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (arrêts de la Cour du 8 mai 2003, Espagne/Commission, C‑349/97, Rec. p. I‑3851, point 147, et du 7 juillet 2005, Grèce/Commission, C‑5/03, Rec. p. I‑5925, point 38 ; arrêt du 14 février 2008, Espagne/Commission, précité, point 105).

66      En ce qui concerne le type de correction appliqué en l’espèce, il y a lieu de rappeler que, à la lumière des orientations de la Commission établies dans le document IV/5330/97, lorsqu’il n’est pas possible d’évaluer précisément les pertes subies par la Communauté, une correction forfaitaire peut être envisagée par la Commission (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 18 septembre 2003, Royaume-Uni/Commission, C‑346/00, Rec. p. I‑9293, point 53, et Belgique/Commission, précité, point 136).

67      En particulier, selon le document IV/5330/97, lorsqu’un État membre a correctement effectué les contrôles clés, mais a complètement omis d’effectuer un ou plusieurs contrôles secondaires, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 2 %, compte tenu du faible risque de pertes pour le FEOGA et de la faible gravité de l’infraction. En revanche, lorsqu’un État membre a effectué tous les contrôles clés, mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 5 %, dans la mesure où il peut raisonnablement être conclu que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de pertes pour le FEOGA était significatif.

68      En l’espèce, il ressort de l’examen du premier moyen (voir points 42 à 61 ci-dessus) que c’est à bon droit que la Commission a conclu à l’existence de déficiences dans les contrôles clés requis pour vérifier la régularité de la dépense du FEOGA au regard de l’article 12, paragraphe 1, du règlement nº 404/93 et, en particulier, pour vérifier la conformité des bananes en cause aux normes communes de qualité.

69      Il y a lieu de constater, à cet égard, que, dans la mesure où les contrôles de conformité aux normes de qualité constituent un élément déterminant du système de contrôle devant être mis en place pour assurer la régularité des dépenses du FEOGA, la Commission a raisonnablement pu conclure que le risque de pertes pour celui-ci était significatif et a donc pu, sans violer les orientations contenues dans le document VI/5330/97, imposer une correction forfaitaire de 2 %.

70      Par ailleurs, il y a lieu de souligner que les déficiences constatées concernaient des contrôles clés relatifs à la qualité des bananes, ce qui autorisait l’application d’une correction forfaitaire de 5 %, conformément aux orientations du document IV/5330/97. Néanmoins, ayant constaté que le risque financier réel d’octroyer l’aide compensatoire pour des produits non conformes aux normes communautaires était limité, car les bananes de seconde catégorie représentaient un pourcentage limité du volume total des bananes en provenance des îles Canaries (point B.2.3.2 du rapport de synthèse), la Commission a décidé d’appliquer une correction forfaitaire de 2 %. Dès lors, il ne peut lui être reproché d’avoir appliqué, conformément aux orientations reprises dans le document IV/5330/97, une correction disproportionnée.

71      En outre, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsque la Commission s’est efforcée d’établir des règles visant à instaurer un traitement différencié des cas d’irrégularités selon le niveau de carence des contrôles et le degré de risque encouru par le FEOGA, l’État membre doit démontrer que ces critères sont arbitraires et inéquitables dans leur application au cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt Belgique/Commission, précité, point 138, et la jurisprudence citée).

72      À cet égard, le Royaume d’Espagne fait valoir que la Commission aurait dû appliquer une correction ponctuelle plutôt qu’une correction forfaitaire, car il était possible de calculer, en l’espèce, le préjudice concret causé au FEOGA par les déficiences constatées.

73      Toutefois, le Tribunal relève que, en l’espèce, la nature des déficiences constatées par la Commission ne permettait pas de calculer avec précision les pertes du FEOGA. En effet, l’absence de retrait de l’exemption des opérations de contrôle accordée aux producteurs à la suite de la constatation d’irrégularités dans leurs systèmes de contrôle de qualité, d’une part, et le manque de représentativité de l’échantillonnage sur la base duquel les autorités nationales ont effectué leurs vérifications desdits systèmes de contrôle, d’autre part, imposaient à la Commission de recourir à une évaluation du risque de perte probable pour le FEOGA et à appliquer, par conséquent, une correction financière forfaitaire.

74      Enfin, cette conclusion n’est pas susceptible d’être remise en cause par le rapport final de l’organe de conciliation du 13 décembre 1995. Il importe de relever à cet effet que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la décision 94/442, « la position prise par l’organe de conciliation ne préjuge pas la décision définitive de la Commission en matière d’apurement de comptes ». Il s’ensuit que la Commission, lorsqu’elle arrête sa décision, n’est pas liée par les conclusions de l’organe de conciliation (arrêt du 14 février 2008, Espagne/Commission, précité, point 118). En tout état de cause, dans la présente espèce, l’organe de conciliation s’est simplement borné à inviter la Commission à effectuer un nouvel examen des informations présentées par les autorités espagnoles s’agissant des contrôles relatifs à la détermination de la quantité de bananes commercialisées, ce qui n’implique pas qu’il ait constaté que la Commission n’avait pas respecté les orientations établies dans le document IV/5330/93 à cet égard.

75      Par conséquent, la correction financière au taux forfaitaire de 2 % ne saurait être considérée comme disproportionnée.

76      Le second moyen doit donc également être rejeté comme non fondé.

 Sur les dépens

77      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume d’Espagne ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

Martins Ribeiro

Wahl

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 avril 2009.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.