Language of document : ECLI:EU:T:2000:191

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

13 juillet 2000 (1)

«Fonctionnaires - Non-renouvellement du contrat - Rejet de candidature à deux postes - Recevabilité - Compétence - Légalité des avis de vacance - Procédure de recrutement»

Dans l'affaire T-87/99,

Michel Hendrickx, fonctionnaire du Conseil de l'Union européenne, demeurant à Ambelokipon (Grèce), représenté par Mes J.-N. Louis, F. Parmentier et V. Peere, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la Société de gestion fiduciaire SARL, 2-4, rue Beck,

partie requérante,

contre

Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop), représenté par Me B. Wägenbaur, avocat à Hambourg, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique de la Commission, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du 3 juin 1998 du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle de rejeter les candidatures du requérant aux emplois de responsable du support général (administration) de grade A 7/A 5 et de chef de l'administration de grade A 5/A 4, et de ne pas renouveler le contrat d'agent temporaire du requérant au-delà du 30 juin 1998,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 26 octobre 1999,

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

1.
    Le requérant est fonctionnaire du Conseil de grade B 5.

2.
    Par lettre du 19 novembre 1996, le directeur du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (ci-après le «Cedefop» ou le «Centre»), situé à Thessalonique (Grèce), a proposé au requérant un contrat d'agent temporaire de grade A 7 pour une durée d'un an à compter du 1er janvier 1997. À la suite de cette proposition, le requérant a, le 25 novembre 1996, adressé à l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») de son institution une demande tendant à obtenir son détachement auprès du Cedefop pour une période initiale d'un an à compter du 1er janvier 1997, ce qui a été accepté par décision du 5 décembre 1996.

3.
    Par contrat du 20 décembre 1996, le Cedefop a recruté le requérant comme agent temporaire pour exercer les fonctions d'administrateur de grade A 7, en tant que responsable de la coordination et du support technique, à partir du 1er janvier 1997.

4.
    Le directeur du Cedefop a recommandé dans le rapport de fin de stage, signé le 30 juin 1997, que le contrat d'agent temporaire du requérant soit confirmé.

5.
    Le 5 décembre 1997, à la suite de plusieurs entretiens avec le directeur du Cedefop, le requérant a demandé au Conseil la prolongation de son détachement auprès du Cedefop pour une durée d'un an, à compter du 1er janvier 1998, ce qui lui a été accordé par décision du 10 décembre 1997.

6.
    Par note du 12 décembre 1997, le requérant a demandé au directeur du Cedefop le renouvellement de son contrat au moins jusqu'au 30 juin 1998.

7.
    Dans une lettre du 15 décembre 1997, le directeur du Cedefop a indiqué au requérant:

«Par la présente, je souhaite confirmer le contenu de nos récentes discussions au sujet de la prolongation de votre contrat temporaire (art. 2a du RAA) auprès du Centre, qui avait été initialement conclu pour une durée d'un an et vient à échéance le 31.12.97.

En effet, à la lumière des considérations dont vous m'avez fait part, j'ai l'intention de prolonger votre contrat actuel de six mois supplémentaires selon les dispositions de l'art. 8, dernier alinéa du RAA.»

8.
    Le 2 avril 1998, le Cedefop a procédé à une publication interne de deux avis de vacance, l'un, pour l'emploi de responsable du support général (administration) de grade A 7/A 5, l'autre, pour l'emploi de chef de l'administration de grade A 5/A 4.

9.
    Le 14 avril 1998, le requérant a présenté sa candidature à chacun de ces emplois. Le Cedefop n'a reçu que l'acte de candidature du requérant pour le poste de responsable du support général, et seulement deux candidatures, dont celle du requérant, pour le poste de chef de l'administration.

10.
    Le 25 mai 1998, le requérant a été convoqué par la commission de sélection, instituée par l'autorité habilitée à conclure les contrats (ci-après l'«AHCC»), aux fins de l'examen de sa candidature au poste de responsable du support général. La commission de sélection se composait de deux membres nommés par l'administration, dont le directeur adjoint du Cedefop, et d'un membre désigné par le comité du personnel, en l'occurrence son président.

11.
    Le même jour, le directeur du Cedefop a adressé au requérant une note, expliquant notamment:

«Compte tenu de nos entretiens de fin 1997, plus spécifiquement celui du 30.10.1997, et de début 1998, en particulier l'entretien du 12.03.1997, je voudrais confirmer que votre contrat auprès du Cedefop s'achèvera comme prévu le 30.06.1998.

En 1997, je vous avais déjà indiqué que je ne voulais plus continuer notre coopération mais que, pour des raisons sociales et familiales, j'étais prêt à signer un avenant à votre contrat le prolongeant jusqu'au 30.06.1998, ceci afin de permettre à vos enfants de finir leur année scolaire en Grèce.»

12.
    Cette note précisait également que les candidatures du requérant «aux deux postes vacants au sein de l'administration du Cedefop [suivraient] la procédure prévue».

13.
    Par note du 26 mai 1998, le requérant a contesté les affirmations du directeur du Cedefop concernant, notamment, la teneur des entretiens mentionnés dans la note du 25 mai 1998. Dans la note du 26 mai 1998, le requérant indiquait que le directeur du Centre n'avait jamais critiqué son travail ni les résultats obtenus et que son contrat aurait pu être renouvelé d'office. En outre, il affirmait:

«Dès lors que vous indiquez que vous ne souhaitez plus continuer notre collaboration (sans aucune justification), je perçois une incohérence certaine avec la procédure actuellement en cours dans le cadre de la vacance interne pour mon poste, d'autant que je suis le seul candidat. Cela signifierait de fait que le résultat de cette procédure serait fixé d'avance.

[...]

Dans ces conditions, je désirerais obtenir de votre part des éclaircissements quant à la façon dont vous envisagez mon avenir au sein du Cedefop [...]»

14.
    Aucune suite n'a été donnée à cette note.

15.
    Le 27 mai 1998, la commission de sélection a procédé à un examen oral du requérant pour l'emploi de responsable du support général. À l'issue de cet examen, le directeur adjoint du Cedefop, président de la commission de sélection, a estimé que le requérant n'était pas apte à exercer cet emploi. Le second membre désigné par l'administration a considéré que pouvait être offert au requérant un contrat à durée déterminée d'un ou deux ans. Enfin, le président du comité du personnel a estimé que le requérant était apte à exercer l'emploi en cause et qu'un contrat devait lui être proposé.

16.
    Le 29 mai 1998, le président de la commission de sélection a rédigé un procès-verbal, dans lequel il préconisait de rejeter la candidature du requérant.

17.
    Ce même jour, le président du comité du personnel a adressé une note au président de la commission de sélection, dans laquelle il exprimait son désaccord avec l'avis émis par ce dernier.

18.
    Par lettre du 3 juin 1998 (ci-après la «lettre du 3 juin 1998» ou la «décision attaquée»), le directeur du Centre a notifié au requérant sa décision dans les termes suivants:

«À l'issue de l'interview à laquelle vous avez été soumis suivant votre candidature pour le poste de responsable du support général au sein de l'administration, j'ai reçu le rapport du comité de sélection tel qu'établi par son président, le directeur adjoint [du Cedefop].

À sa lecture, j'ai partagé les conclusions qui y sont tirées, et ai décidé d'accepter la suggestion faite de ne pas vous considérer comme étant apte à occuper ce poste.

Partant de cette décision, j'estime qu'il n'y a plus lieu de considérer votre candidature interne pour le poste de chef de l'administration, qui requiert des aptitudes encore supérieures à celles nécessaires pour l'autre poste sur lequel vous n'avez pas été jugé comme étant un candidat approprié.

Dans ces conditions, je vous confirme le contenu de ma lettre du 25.05.1998 concernant mon intention de ne pas prolonger votre contrat, notre collaboration se terminant ainsi au 30.06.1998 comme déjà prévu en décembre 1997.»

19.
    Le 5 juin 1998, le Cedefop a procédé à une publication interinstitutionnelle et interagences de deux avis de vacance pour les postes de responsable du support général et de chef de l'administration. Le Cedefop a reçu 35 candidatures pour le premier poste et 26 pour le second.

20.
    Le 3 septembre 1998, le requérant a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») contre la décision du 3 juin 1998.

21.
    Par télécopie datée du 23 décembre 1998 adressée au conseil du requérant, le directeur du Cedefop a rejeté cette réclamation. Ce premier document, non signé, a été suivi de l'envoi, le 14 janvier 1999, d'une «décision portant réponse à la réclamation de M. Hendrickx» au bas de laquelle figure la signature dudit directeur. Le conseil du requérant a indiqué avoir réceptionné ce second courrier le 18 janvier 1999 et l'avoir transmis le même jour au requérant.

22.
    C'est dans ces circonstances que le requérant a, par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 avril 1999, introduit le présent recours.

23.
    Par lettre déposée le 1er juillet 1999, le requérant a renoncé à déposer une réplique. En conséquence, la procédure écrite a été clôturée à cette même date.

24.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience publique du 26 octobre 1999.

25.
    À cette occasion, il a été décidé, avant de clôturer la procédure orale, de poser une question écrite au Cedefop relative au rôle joué par le conseil d'administration de cet organisme dans l'adoption de la décision portant rejet de la réclamation du requérant. Cette question a été posée par lettre du Tribunal du 9 novembre 1999. Le Cedefop a été invité à fournir, le cas échéant, les procès-verbaux des réunions du conseil d'administration ou toutes autres preuves utiles. Le Cedefop a répondu à ladite question dans le délai imparti et le requérant a déposé ses observations sur cette réponse le 10 janvier 2000.

26.
    Par décision du 25 janvier 2000 du président de la cinquième chambre du Tribunal, la procédure orale a été clôturée.

Conclusions des parties

27.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée en ce que, d'une part, elle porte rejet de ses candidatures aux emplois de responsable du support général (administration) et de chef de l'administration et, d'autre part, elle prévoit le non-renouvellement de son contrat d'agent temporaire au-delà du 30 juin 1998;

-    condamner le Cedefop aux dépens.

28.
    Le défendeur conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours irrecevable pour autant qu'il vise la décision de ne pas renouveler le contrat du requérant au-delà du 30 juin 1998;

-    rejeter le recours pour le surplus;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la recevabilité du recours pour autant qu'il vise la décision de ne pas renouveler le contrat du requérant au-delà du 30 juin 1998

Arguments des parties

29.
    Le Cedefop conteste que la lettre du 3 juin 1998 puisse être considérée comme un acte attaquable en ce qui concerne le non-renouvellement du contrat du requérant. En revanche, la décision du 15 décembre 1997, par laquelle le directeur du Cedefop a décidé de prolonger le contrat du requérant de six mois, serait une décision faisant grief.

30.
    Le défendeur en déduit qu'il appartenait au requérant d'introduire éventuellement une réclamation, au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision du 15 décembre 1997, ce qui n'a pas été le cas.

31.
    Par ailleurs, le Cedefop relève que le courrier du directeur, en date du 25 mai 1998, confirme la décision du 15 décembre 1997.

32.
    C'est donc à tort, selon le Cedefop, que le requérant déduit du libellé de la lettre du 3 juin 1998 que la question de la prolongation de son contrat a été réexaminée à la lumière de la décision de ne pas le nommer au poste de responsable du support général. Le recours serait donc irrecevable pour autant qu'il vise la non-prolongation du contrat du requérant.

33.
    Le requérant fait observer, tout d'abord, que l'utilisation, dans la décision attaquée, de l'expression «dans ces conditions» signifie que c'est à la suite du rejet de ses candidatures aux emplois de responsable du support général et de chef de l'administration du Cedefop que le directeur du Centre a confirmé que son contrat ne serait pas prolongé au-delà du 30 juin 1998. Il estime que cette décision ne peut être considérée comme purement confirmative puisque la non-prolongation de son contrat se fonde sur le rejet de ses candidatures.

34.
    Ensuite, le requérant fait valoir que, dans le cas présent, la limitation à six mois du renouvellement de son contrat d'agent temporaire n'avait pas pour conséquence d'empêcher l'AIPN de lui accorder, à l'expiration de cette période, un nouveau contrat d'agent temporaire, qui aurait cependant dû être à durée indéterminée selon l'article 8 du régime applicable aux autres agents.

35.
    Il en conclut qu'il n'avait aucun intérêt à contester la décision prolongeant son contrat de six mois. Dès lors, ce serait à bon droit qu'il n'aurait attaqué que la décision définitive du Cedefop de ne pas prolonger son contrat d'agent temporaire au-delà du 30 juin 1998, ainsi que de rejeter ses candidatures aux emplois de responsable du support général et de chef de l'administration.

36.
    En conséquence, le requérant affirme que la recevabilité de son recours ne saurait être contestée pour autant qu'il vise la non-prolongation de son contrat.

Appréciation du Tribunal

37.
    Il ressort d'une jurisprudence constante que constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci (voir arrêts du Tribunal du 15 juillet 1993, Camara Alloisio e.a./Commission, T-17/90, T-28/91 et T-17/92, Rec. p. II-841, point 39, et du 19 octobre 1995, Obst/Commission, T-562/93, RecFP p. I-A-247 et II-737, point 23).

38.
    En l'espèce, le Cedefop soutient que la décision attaquée, en ce qu'elle indique que le contrat du requérant s'achève au 30 juin 1998, est de nature confirmative et, partant, ne produit pas d'effets juridiques obligatoires.

39.
    À cet égard, il convient de constater que la lettre du 15 décembre 1997, par laquelle le directeur du Cedefop a exprimé son intention de prolonger le contrat du requérant de six mois, n'indique ni les raisons pour lesquelles le contrat a été prolongé, ni s'il s'agit de la dernière prolongation (voir point 7 ci-dessus).

40.
    Toutefois, dans sa note du 25 mai 1998, le directeur du Cedefop a précisé qu'il voulait mettre fin à sa collaboration avec le requérant et qu'il avait, pour des raisons sociales et familiales, accepté de prolonger le contrat de celui-ci jusqu'au 30 juin 1998 (voir point 11 ci-dessus).

41.
    Dès lors, au plus tard le 25 mai 1998, le directeur du Cedefop avait pris, d'une manière définitive et non équivoque, la décision de ne pas renouveler le contrat du requérant au-delà du 30 juin 1998. Dans ces circonstances, la décision attaquée, en ce qu'elle mentionne que le contrat du requérant se termine au 30 juin 1998, est, en toute hypothèse, de nature confirmative. N'ayant pas introduit une réclamation à l'encontre de la décision, contenue dans la note du 25 mai 1998, de ne pas prolonger son contrat dans le délai de trois mois prévu par l'article 90, paragraphe 2, du statut, le requérant n'est pas recevable à demander l'annulation de la décision attaquée, en ce qu'elle prévoit la non-prolongation de son contrat.

42.
    Par conséquent, il y a lieu d'accueillir l'exception d'irrecevabilité de la demande d'annulation pour autant que cette dernière vise la décision de ne pas prolonger le contrat du requérant et, partant, de déclarer cette partie du recours irrecevable.

Sur le fond

43.
    À l'appui de son recours, le requérant invoque, en substance, deux moyens tirés, premièrement, de l'illégalité des avis de vacances et, deuxièmement, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de pouvoir ainsi que d'une violationdes articles 29 et 45 du statut et du principe d'égalité de traitement et de non-discrimination.

44.
    Le requérant invoque par ailleurs, à titre liminaire, l'incompétence de l'autorité ayant pris la décision de rejet de sa réclamation.

Sur la prétendue incompétence

Arguments des parties

45.
    Le requérant affirme que le directeur du Cedefop n'était pas compétent pour adopter la décision du 23 décembre 1998 portant rejet explicite de sa réclamation.

46.
    Il explique que le conseil d'administration du Cedefop avait décidé, lors de sa réunion du 24 mars 1995, de déléguer les pouvoirs détenus en sa qualité d'AIPN au directeur du Centre, à l'exception de ceux prévus à l'article 90, paragraphe 2, du statut.

47.
    Il en résulterait que, au sein du Cedefop, seul le conseil d'administration était à même de répondre à une réclamation. Or, lors de l'audience, le requérant a précisé que le conseil d'administration n'avait même pas été informé des moyens invoqués dans sa réclamation et que rien ne permettait donc d'affirmer que celui-ci n'aurait pas fait droit à sa réclamation s'il avait connu les critiques y figurant. Il a ajouté qu'il n'est pas permis de considérer qu'un rejet implicite est intervenu dès lors qu'un tel rejet présuppose que le conseil d'administration ait été en mesure de prendre position sur la réclamation.

48.
    Le défendeur admet que, lors de sa réunion du 24 mars 1995, le conseil d'administration a transféré ses pouvoirs détenus en sa qualité d'AIPN au directeur, sauf en matière de traitement des réclamations au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut. Il précise toutefois que, au moment de la décision explicite de rejet de la réclamation du requérant, le 23 décembre 1998, le conseil d'administration n'avait pas encore désigné l'instance compétente en matière de réclamations. Ainsi, le défendeur fait valoir que, face à ce qu'il convient d'appeler un vide juridique, le directeur a provisoirement assuré cette compétence, en informant à chaque fois le conseil d'administration, sans que ce dernier ait formulé d'objections.

49.
    En réponse à la question écrite du Tribunal relative au rôle joué par le conseil d'administration (voir point 25 ci-dessus), le Cedefop a expliqué que, en l'espèce, le directeur avait informé oralement le président du conseil d'administration qu'un agent du Centre avait introduit une réclamation au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut. Cependant, le conseil d'administration n'aurait pas disposé de plus amples informations. Ainsi, il n'aurait ni pris connaissance du contenu de laréclamation du requérant ni été informé de la décision de rejet de la réclamation avant que celle-ci soit notifiée au requérant.

50.
    Enfin, le Cedefop a relevé que le conseil d'administration, par décision du 23 novembre 1999, a autorisé son président à créer une instance compétente en matière de traitement des réclamations, à savoir une commission des recours.

Appréciation du Tribunal

51.
    En l'espèce, il est constant que le conseil d'administration du Centre, seul organe compétent pour connaître d'une réclamation à l'époque des faits, n'a pas eu connaissance des critiques formulées par le requérant à l'encontre de la décision attaquée et n'a donc pas eu la possibilité de réexaminer cette dernière à la lumière de ces critiques.

52.
    À cet égard, le Cedefop ne saurait objecter que son directeur a provisoirement assuré la compétence de l'AIPN en matière de traitement des réclamations, car ce mode de fonctionnement méconnaît clairement la répartition des attributions au sein du Centre entre le directeur et le conseil d'administration.

53.
    Il s'ensuit que la décision du 23 décembre 1998 portant rejet de la réclamation du requérant a été adoptée par une autorité incompétente. Toutefois, ce fait n'est pas de nature à entraîner l'annulation de la décision attaquée du 3 juin 1998 qui n'est entachée d'aucun vice de forme et ne peut être déclarée illégale en raison du fait que la décision de rejet de la réclamation n'a pas été prise par une autorité compétente.

54.
    Par ailleurs, il convient de tenir compte du fait que le requérant n'est nullement à l'origine de ce vice de forme et que ressort de ses observations sur la réponse du Cedefop à la question du Tribunal relative au rôle joué par le conseil d'administration sa volonté d'obtenir un jugement sur le fond du litige. Dans ces conditions, il est permis de conclure que l'absence de réponse par l'autorité compétente à la réclamation du requérant ne doit pas faire obstacle à un examen au fond de l'affaire. Au contraire, il y a lieu de s'assurer que le comportement fautif du Cedefop n'entraîne pas une restriction des droits du requérant, en retardant inutilement la solution du litige.

55.
    Dès lors, il convient d'examiner les autres moyens soulevés par le requérant au soutien de son recours.

Sur le moyen tiré de l'illégalité des avis de vacance

Arguments des parties

56.
    Le requérant considère que l'avis de vacance de l'emploi de responsable du support général est illégal.

57.
    Il critique, premièrement, le fait que l'avis ne précise pas si la procédure a pour objet le recrutement d'un fonctionnaire ou d'un agent temporaire.

58.
    Il avance, deuxièmement, que l'avis ne mentionne aucune exigence quant à des connaissances de niveau universitaire ou à une expérience professionnelle d'un niveau équivalent, ce qui serait nécessaire pour tous les postes de la catégorie A.

59.
    Il soutient, troisièmement, que le Cedefop n'avait pas le droit de publier un avis de vacance d'emploi au niveau A 5/A 7, se réservant ainsi la possibilité de fixer le niveau définitif de cet emploi après avoir pu prendre connaissance de l'identité et du dossier des différents candidats.

60.
    Le requérant allègue que l'absence de précision quant aux qualifications requises pour exercer l'emploi et à la nature des tâches à accomplir n'a pas permis à l'AHCC d'exercer son pouvoir d'appréciation dans le cadre de la légalité qu'elle s'est imposée par l'avis de vacance d'emploi en cause. De même, la généralité et l'imprécision des qualifications requises et des tâches à exercer empêcheraient le Tribunal de vérifier si l'AHCC a examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents de chaque candidature, et si elle a observé consciencieusement les exigences énoncées dans l'avis de vacance d'emploi.

61.
    Il considère enfin que, sur ce dernier point, l'avis de vacance de l'emploi de chef de l'administration est entaché des mêmes irrégularités que l'avis de vacance de l'emploi de responsable du support général.

62.
    Le Cedefop conteste la validité des arguments présentés par le requérant.

Appréciation du Tribunal

63.
    La fonction de l'avis de vacance est, d'une part, d'informer les intéressés d'une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper le poste à pourvoir afin de les mettre en mesure d'apprécier s'il y a lieu pour eux de faire acte de candidature et, d'autre part, de fixer le cadre de la légalité au regard duquel l'AIPN procédera à l'examen comparatif des mérites des candidats prévu par l'article 45, paragraphe 1, du statut (voir arrêts du Tribunal du 2 octobre 1996, Vecchi/Commission, T-356/94, RecFP p. I-A-437 et II-1251, point 50, et du19 février 1998, Campogrande/Commission, T-3/97, RecFP p. I-A-89 et II-215, point 101).

64.
    Pour qu'un moyen tiré d'une irrégularité de l'avis de vacance puisse entraîner l'annulation de la décision incriminée, il faut qu'il soit établi que, en l'absence de cette irrégularité, ladite décision aurait pu avoir un contenu différent (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 23 avril 1986, Bernardi/Parlement, 150/84, Rec. p. 1375, point 28, et arrêts du Tribunal du 23 novembre 1995, Benecos/Commission, T-64/94, RecFP p. I-A-257 et II-769, point 80, et du 9 mars 1999, Hubert/Commission, T-212/97, RecFP p. I-A-41 et II-185, point 53).

65.
    Or, à supposer que les irrégularités avancées par le requérant soient établies, force est de constater que les arguments de celui-ci ne démontrent pas que ces irrégularités auraient pu influencer le contenu de la décision attaquée.

66.
    En effet, le requérant n'a pas d'intérêt à alléguer que l'avis de vacance aurait dû préciser si le poste de responsable du support général pouvait être occupé par un agent temporaire, car, en toute hypothèse, la candidature du requérant a été rejetée pour un motif sans rapport avec la question de savoir si ledit poste pouvait être occupé par un agent temporaire ou un fonctionnaire.

67.
    Pour ce qui est du fait que l'avis de vacance pour ledit poste contenait une erreur en exposant que ce dernier exigeait la possession par les candidats d'un diplôme d'études secondaires, alors qu'un emploi de la catégorie A requiert des connaissances de niveau universitaire ou une expérience professionnelle de niveau équivalent, il suffit d'observer que le requérant, qui était le seul candidat pour ce poste, a passé l'examen oral devant la commission de sélection et que le rejet de sa candidature n'a donc aucun lien avec l'erreur en question.

68.
    Le requérant n'a pas davantage intérêt à prétendre que le Cedefop n'avait pas le droit de publier un avis de vacance d'emploi au niveau A 5/A 7, se réservant ainsi la possibilité de fixer ultérieurement le niveau définitif de cet emploi. En effet, le niveau du poste avait été fixé de façon à permettre au requérant d'être nommé à cet emploi dans l'hypothèse où il aurait réussi l'examen organisé par le Centre aux fins de pourvoir ledit emploi (voir arrêt Vecchi/Commission, précité, point 87). Ainsi, il a pu passer l'examen oral devant la commission de sélection et sa candidature a été rejetée pour une raison n'ayant pas de lien avec la prétendue erreur concernant la fixation du niveau de l'emploi.

69.
    Enfin, en ce qui concerne la prétendue absence de précision des avis de vacance relatifs aux emplois de responsable du support général et de chef de l'administration, il suffit de constater que le requérant n'a pas indiqué en quoi, dans ces avis, la description des compétences requises et des tâches à accomplir aurait été imprécise, ni en quoi cela lui aurait fait grief. Rien ne permet donc de conclure que l'AHCC ne pouvait pas, dans le respect de la légalité qu'elle s'était imposée en adoptant les avis de vacance, apprécier et finalement rejeter la candidature durequérant. Les arguments tirés de l'imprécision des avis de vacances ne sont donc pas fondés.

70.
    Il résulte de ce qui précède qu'il convient de rejeter le moyen tiré de l'illégalité des avis de vacance.

Sur le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de pouvoir ainsi que d'une violation des articles 29 et 45 du statut et du principe d'égalité de traitement et de non-discrimination

Arguments des parties

71.
    Le requérant soutient que, conformément à la jurisprudence du Tribunal (voir arrêt du Tribunal du 30 janvier 1992, Schönherr/CES, T-25/90, Rec. p. II-63), l'AHCC était tenue de prendre en considération l'avis de la commission de sélection en arrêtant sa décision et d'indiquer les motifs précis pour lesquels elle ne l'a pas suivi.

72.
    Or, en l'espèce, la commission de sélection aurait examiné la candidature du requérant pour l'emploi de responsable du support général, lors de sa réunion du 27 mai 1998. Au terme de ses travaux, la commission, à la majorité de ses membres, aurait estimé que le requérant était apte à exercer cet emploi et aurait exprimé l'avis qu'un contrat de courte durée devait au moins lui être offert. L'AHCC aurait donc adopté sa décision de rejeter la candidature du requérant en violation de l'avis de la majorité des membres de la commission de sélection, en se fondant sur le seul avis du président de ladite commission, à savoir le directeur adjoint du Cedefop.

73.
    En ce qui concerne l'emploi de chef de l'administration, le requérant fait observer que le directeur du Cedefop a décidé de rejeter sa candidature sans permettre à la commission de sélection d'examiner sa candidature.

74.
    Le requérant en déduit que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et que l'AHCC s'est rendue coupable d'un détournement de pouvoir en adoptant cette décision. En ne permettant pas à la commission de sélection d'examiner sa candidature pour l'emploi de chef de l'administration, l'AHCC aurait, en outre, violé les articles 29 et 45 du statut et le principe d'égalité de traitement et de non-discrimination.

75.
    Dans ses observations sur la réponse du Cedefop à la question du Tribunal relative au rôle joué par le conseil d'administration, le requérant a ajouté que, dès lors que la décision explicite de rejet de sa réclamation a été adoptée et notifiée par une autorité incompétente, elle est inexistante et, partant, la décision attaquée serait entachée d'une absence totale de motivation.

76.
    Le Cedefop relève que, dans son procès-verbal du 29 mai 1998 concernant l'examen oral du requérant du 27 mai 1998, la commission de sélection a constaté, d'une part, que le total des points attribués au requérant était de 106 et, d'autre part, que ce résultat se situait en dessous du minimum de points requis, soit 117. Le défendeur en conclut que c'est sur une base parfaitement objective que le président de la commission de sélection a proposé au directeur du Cedefop de rejeter la candidature du requérant. De même, ce serait après avoir pris connaissance du résultat obtenu par le requérant ainsi que des autres éléments figurant dans le procès-verbal que l'AHCC aurait décidé de se rallier à l'avis émis par le président de la commission de sélection.

77.
    Pour ce qui est de l'emploi de chef de l'administration, le Cedefop avance que, dans la mesure où la publication interne de la vacance du poste n'avait débouché que sur deux candidatures, il n'avait pas chargé la commission de sélection de les examiner. En revanche, il aurait décidé d'élargir, dans l'intérêt du service, ses possibilités de choix en procédant à la publication interinstitutionnelle de l'avis de vacance, ce qui lui aurait permis de pouvoir choisir entre 26 candidatures.

Appréciation du Tribunal

78.
    En ce qui concerne l'emploi de responsable du support général, il ressort du dossier que, à la suite de l'examen oral du 27 mai 1998, le requérant n'a pas obtenu le minimum de points requis. Dans sa note du 29 mai 1998, le président du comité du personnel, membre de la commission de sélection, a lui-même reconnu que «[l'ensemble] des points a donné lieu à une moyenne de 34,6, peu inférieure au pourcentage de 70 % du total (39) fixé comme correspondant au résultat positif».

79.
    Dans ces circonstances, l'AHCC n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ni de détournement de pouvoir en ne retenant pas la candidature du requérant pour cet emploi.

80.
    Il s'ensuit également que l'allégation du requérant selon laquelle la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation n'est pas fondée en ce qui concerne le rejet de sa candidature pour l'emploi de responsable du support général. En effet, dans la mesure où le requérant n'a pas réussi l'examen oral devant la commission de sélection en n'obtenant pas le minimum de points requis, la motivation du directeur du Cedefop à cet égard (voir point 18 ci-dessus) était suffisante.

81.
    Il y a donc lieu de rejeter le moyen pour autant qu'il vise l'emploi de responsable du support général.

82.
    S'agissant de l'emploi de chef de l'administration, il est constant que la commission de sélection n'a pas examiné la candidature du requérant. À cet égard, il échet de préciser que, contrairement aux affirmations du Cedefop, la candidature durequérant au poste de chef de l'administration n'a pas été rejetée parce que l'AHCC avait décidé, dans l'intérêt du service, d'élargir la procédure de recrutement en procédant à une publication interinstitutionnelle de l'avis de vacance. En effet, la décision attaquée se lit comme suit:

«Partant de cette décision [de ne pas vous considérer apte à occuper le poste de responsable du support général], j'estime qu'il n'y a plus lieu de considérer votre candidature interne pour le poste de chef de l'administration, qui requiert des aptitudes encore supérieures à celles nécessaires pour l'autre poste sur lequel vous n'avez pas été jugé comme étant un candidat approprié.»

83.
    Il en résulte que le Cedefop n'a pas respecté la procédure prévue pour la nomination du chef de l'administration dans la mesure où il a rejeté la candidature du requérant sans que celle-ci ait été examinée par la commission de sélection (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 26 octobre 1993, Weissenfels/Parlement, T-22/92, Rec. p. II-1095, point 40).

84.
    Il convient donc d'accueillir partiellement ce moyen et d'annuler la décision attaquée pour autant qu'elle vise le rejet de la candidature du requérant relative à l'emploi de chef de l'administration.

Sur les dépens

85.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

86.
    Le requérant et le Cedefop ayant partiellement succombé, le Tribunal estime équitable d'ordonner que le requérant supporte la moitié de ses propres dépens et que le Cedefop supporte ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est irrecevable pour autant qu'il vise la décision de ne pas renouveler le contrat du requérant au-delà du 30 juin 1998.

2)    La décision attaquée est annulée pour autant qu'elle porte rejet de la candidature du requérant pour l'emploi de chef de l'administration.

3)    Le recours est rejeté pour le surplus.

4)    Le Cedefop supportera ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens du requérant. Le requérant supportera la moitié de ses propres dépens.

García-Valdecasas Lindh Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juillet 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. García-Valdecasas


1: Langue de procédure: le français.