Language of document : ECLI:EU:T:2010:165

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

28 avril 2010 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché européen du fil industriel – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE – Notion d’infraction unique – Définition du marché – Amendes – Plafond de l’amende – Gravité et durée de l’infraction – Circonstances atténuantes – Coopération – Proportionnalité – Égalité de traitement – Droits de la défense – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes »

Dans l’affaire T‑446/05,

Amann & Söhne GmbH & Co. KG, établie à Bönnigheim (Allemagne),

Cousin Filterie SAS, établie à Wervicq-Sud (France),

représentées par Mes A. Röhling, M. Dietrich et C. Horstkotte, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Castillo de la Torre et Mme K. Mojzesowicz, en qualité d’agents, assistés de MG. Eickstädt, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2005) 3452 de la Commission, du 14 septembre 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/38.337 PO/Fil), telle que modifiée par la décision C (2005) 3765 de la Commission, du 13 octobre 2005, et, à titre subsidiaire, une demande de réduction de l’amende infligée aux requérantes par ladite décision,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras, président, M. Prek (rapporteur) et V. M. Ciucă, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 décembre 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

A –  Objet du litige

1        Par décision C (2005) 3452, du 14 septembre 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/38.337 PO/Fil) (ci-après la « décision attaquée »), telle que modifiée par la décision C (2005) 3765 de la Commission, du 13 octobre 2005, et dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 26 janvier 2008 (JO C 21, p. 10), la Commission des Communautés européennes a constaté que les requérantes, Amann & Söhne GmbH & Co. KG (ci-après « Amann ») et Cousin Filterie SAS (ci-après « Cousin »), avaient participé à un ensemble d’accords et de pratiques concertées sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile (ci-après le « fil destiné à l’industrie automobile ») dans l’Espace économique européen (EEE), pour la période allant de mai/juin 1998 au 15 mai 2000, et qu’Amann avait également participé à un ensemble d’accords et de pratiques concertées sur fil industriel à l’exclusion du secteur automobile (ci-après le « fil industriel »), dans le Benelux, au Danemark, en Finlande, en Norvège et en Suède (ci-après les « pays nordiques »), pour la période allant de janvier 1990 à septembre 2001.

2        La Commission a infligé, d’une part, à Amann et à Cousin, solidairement responsables, une amende d’un montant de 4,888 millions d’euros pour leur participation au cartel concernant le fil destiné à l’industrie automobile dans l’EEE, et, d’autre part, à Amann une amende d’un montant de 13,09 millions d’euros pour sa participation au cartel concernant le fil industriel au Benelux et dans les pays nordiques.

B –  Procédure administrative

3        Les 7 et 8 novembre 2001, la Commission a effectué des vérifications, en application de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), dans les locaux de plusieurs producteurs de fil. Ces vérifications faisaient suite à des renseignements fournis en août 2000 par The English Needle & Tackle Co. (décision attaquée, considérant 78).

4        Le 26 novembre 2001, Coats Viyella plc (ci-après « Coats ») a déposé une demande de clémence au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci‑après la « communication sur la coopération »), à laquelle étaient jointes des pièces produites en vue de prouver l’existence des ententes suivantes : premièrement, une entente sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile dans l’EEE, deuxièmement, une entente sur le marché du fil destiné à l’industrie au Royaume-Uni et, troisièmement, une entente sur le marché du fil destiné à l’industrie au Benelux et dans les pays nordiques (décision attaquée, considérant 82).

5        Sur la base des documents emportés lors des inspections et de ceux communiqués par Coats, la Commission a adressé aux entreprises concernées des demandes de renseignements en mars et en août 2003, conformément à l’article 11 du règlement n° 17 (décision attaquée, considérant 83).

6        Le 18 mars 2004, la Commission a adopté une communication des griefs qu’elle a adressée à plusieurs entreprises en raison de leur participation à une ou à plusieurs ententes visées au point 4 ci-dessus, dont celle sur le marché du fil destiné à l’industrie dans le Benelux et dans les pays nordiques.

7        Toutes les entreprises destinataires de la communication des griefs ont présenté des observations écrites (décision attaquée, considérant 90).

8        Une audition s’est tenue les 19 et 20 juillet 2004 (décision attaquée, considérant 92).

9        Le 24 septembre 2004, les parties se sont vu accorder l’accès à la version non confidentielle des réponses à la communication des griefs et aux observations des parties lors de l’audition et un délai pour émettre d’autres observations (décision attaquée, considérant 93).

10      Le 14 septembre 2005, la Commission a adopté la décision attaquée.

C –  Décision attaquée

1.      Marchés en cause

a)     Marchés des produits

11      Dans la décision attaquée, la Commission indique que le secteur de la filterie peut être divisé en deux segments, à savoir, d’une part, celui du fil utilisé par l’industrie pour coudre ou broder différentes sortes d’articles d’habillement ou autres, tels que des articles de cuir, des revêtements textiles pour l’automobile et des matelas, et, d’autre part, le fil domestique utilisé par les particuliers pour des travaux de couture ou de réparation et pour des activités de loisirs (décision attaquée, considérant 9).

12      S’agissant du segment du fil destiné à l’industrie, il ressort de la décision attaquée que celui-ci peut être divisé en trois catégories selon l’utilisation qui en est faite : le fil à coudre, destiné à la confection, qui est utilisé pour différentes sortes de vêtements, le fil de broderie, qui est utilisé sur les machines à broder industrielles informatisées pour enjoliver des vêtements, des chaussures de sport et des textiles de maison, et le fil spécial, qui est utilisé dans divers secteurs tels que celui de la chaussure, des articles de cuir ou de l’automobile (décision attaquée, considérant 11).

13      Il en ressort également que le fil destiné à l’industrie peut aussi être divisé en plusieurs catégories selon le type de fibre et la structure du fil (décision attaquée, considérant 12).

14      La Commission estime, dans la décision attaquée, que le fil destiné à l’industrie peut être considéré, du point de vue de l’offre, comme constituant un marché de produits unique dès lors qu’il n’existe pas de correspondance stricte entre l’utilisation finale et le type de fibre et/ou la structure du fil. La Commission précise que, selon Coats, certains clients du secteur de la confection utilisent des fils spéciaux et que certains clients du secteur de la broderie utilisent du fil de confection. Elle ajoute que Coats a souligné que les processus de production du fil destiné à la confection, du fil de broderie et des différents types de fils spéciaux pouvaient être communs ou aisément interchangeables (décision attaquée, considérant 13).

15      La Commission distingue toutefois, dans la décision attaquée, le fil destiné à l’industrie automobile, d’une part, et celui destiné au reste de l’industrie, d’autre part. En effet, la Commission considère que, bien que les processus de production de ces deux types de fil soient similaires ou aisément interchangeables, la demande de l’industrie automobile émane de clients importants qui imposent des spécifications d’un niveau plus élevé pour certains produits qu’ils utilisent, par exemple le fil utilisé pour les ceintures de sécurité, et qui tiennent à l’uniformité des produits dans les différents pays où ils en ont besoin pour leur industrie (décision attaquée, considérant 14).

16      Dans la présente affaire, les marchés des produits concernés par les infractions reprochées aux requérantes sont celui du fil destiné à l’industrie automobile et, pour ce qui concerne l’infraction reprochée à Amann, celui du fil industriel.

b)     Marchés géographiques

17      La Commission indique, dans la décision attaquée, que le marché du fil destiné à l’industrie automobile doit, en raison des spécifications d’un niveau plus élevé mentionnées ci-dessus, nécessitant une uniformité dans l’EEE, être différencié du marché du fil industriel. Elle considère ainsi que le marché du fil destiné à l’industrie automobile s’étend à l’ensemble de l’EEE. En effet, la Commission constate que seuls quelques fournisseurs peuvent fournir une offre standard de ces produits pour l’ensemble de l’EEE. Les raisons en seraient que les acheteurs ont besoin de fils uniformes pour faciliter leur production dans différents pays, que ces fils doivent répondre à des normes spécifiques de qualité (par exemple le fil utilisé pour la confection des ceintures de sécurité) et que, pour des questions relatives à la qualité des produits et à la responsabilité, la traçabilité de la production de ces fils est essentielle (décision attaquée, considérants 21 et 22).

18      S’agissant, en revanche, du fil industriel, la Commission constate que, selon les informations fournies par les parties, le marché géographique en cause est de dimension régionale. Elle ajoute que la région peut couvrir, selon les cas, plusieurs pays de l’EEE, par exemple les pays du Benelux ou les pays nordiques, ou un seul pays, par exemple le Royaume-Uni (décision attaquée, considérant 17).

19      Il ressort de la décision attaquée que le marché géographique concerné par l’infraction relative au fil industriel reprochée à Amann est celui des pays du Benelux et des pays nordiques, tandis que celui concerné par l’infraction relative au fil destiné à l’industrie automobile reprochée aux requérantes s’étend à l’EEE.

2.     Taille et structure des marchés en cause

20      La Commission précise dans la décision attaquée que le chiffre de ventes relatif au fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques s’élevait à environ 50 millions d’euros en 2000 et à environ 40 millions d’euros en 2004, et que celui du fil destiné à l’industrie automobile était d’environ 20 millions d’euros en 1999 (décision attaquée, considérants 28 et 35).

21      Il y apparaît également que, à la fin des années 90, les principaux fournisseurs de fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques étaient notamment Amann, Barbour Threads Ltd (ci-après « Barbour ») avant son acquisition par Coats, Belgian Sewing Thread NV (ci-après « BST »), Coats, Gütermann AG et Zwicky & Co. AG (ci-après « Zwicky »), et que ceux du fil destiné à l’industrie automobile étaient notamment les requérantes, Coats, Oxley Threads Ltd (ci-après « Oxley »), Gütermann et Zwicky.

3.     Description des comportements infractionnels

22      La Commission indique, dans la décision attaquée, que les comportements reprochés aux requérantes, relatifs à l’entente sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile dans l’EEE, se sont déroulés de mai/juin 1998 à mai 2000.

23      Les parties à l’entente sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile dans l’EEE auraient eu pour objectif principal de maintenir les prix à un niveau élevé (décision attaquée, considérant 214).

24      À cette fin, cinq réunions auraient été organisées au cours desquelles les participants auraient tout d’abord établi deux types de prix indicatifs pour les produits de base vendus au secteur automobile européen, l’un appliqué aux clients existants et l’autre aux nouveaux clients. Des informations y auraient ensuite été échangées sur les prix appliqués aux clients individuels et sur les prix indicatifs minimaux. Les participants s’y seraient enfin engagés à éviter de se faire concurrence par les prix à l’avantage du fournisseur attitré (décision attaquée, considérant 215).

25      S’agissant des comportements relatifs à l’entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques, la Commission constate qu’ils ont eu lieu au cours des années 1990 à 2001.

26      Selon la Commission, s’agissant de l’entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques, les entreprises concernées se sont rencontrées au moins une fois par an et ces réunions ont été organisées en deux sessions, l’une consacrée au marché des pays du Benelux, l’autre à celui des pays nordiques, l’objectif principal de celles-ci étant de maintenir les prix à un niveau élevé sur chacun de ces deux marchés.

27      Les participants auraient échangé des listes de prix et des informations sur les rabais, sur l’application d’augmentations de prix catalogue, sur des baisses de rabais et sur l’augmentation de prix spéciaux applicables à certains clients. Auraient également été conclus des accords sur les futures listes de prix, sur le taux maximal de rabais, sur les diminutions de rabais et sur l’augmentation des prix spéciaux applicables à certains clients, ainsi que des accords visant à éviter de se faire concurrence par les prix à l’avantage du fournisseur attitré et à se répartir les clients (décision attaquée, considérants 99 à 125).

4.     Dispositif de la décision attaquée

28      À l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, la Commission a constaté que six entreprises, dont les requérantes, avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE, et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile dans l’EEE, pour la période allant de mai/juin 1998 à mai 2000 en ce qui concerne les requérantes. De même, à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, la Commission a constaté que huit entreprises, dont Amann, avaient enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE, et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées sur le marché du fil industriel dans le Benelux et dans les pays nordiques, pour la période allant de janvier 1990 à septembre 2001 en ce qui concerne Amann.

29      Aux termes de l’article 2, premier alinéa, de la décision attaquée, les amendes suivantes sont infligées :

a)      pour l’entente sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile dans l’EEE :

–        aux requérantes, solidairement responsables : 4,888 millions d’euros ;

–        Coats : 0,65 million d’euros ;

–        Oxley : 1,271 million d’euros ;

–        Barbour and Hicking Pentecost plc, solidairement responsables : 0,715 million d’euros ;

b)      pour l’entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et dans les pays nordiques, notamment :

–        Coats : 15,05 millions d’euros ;

–        Amann : 13,09 millions d’euros ;

–        BST : 0,979 million d’euros ;

–        Gütermann : 4,021 millions d’euros ;

–        Zwicky : 0,174 million d’euros.

 Procédure et conclusions des parties

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 décembre 2005, les requérantes ont introduit le présent recours.

31      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

32      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle les concerne ;

–        à titre subsidiaire, réduire de manière appropriée le montant de l’amende ;

–        condamner la Commission aux dépens.

33      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

34      En premier lieu, les requérantes soulèvent un moyen, visant à l’annulation de la décision attaquée, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, première phrase, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81  [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1).

35      En second lieu, les requérantes invoquent une série de moyens tendant à la suppression de l’amende. D’une part, elles reprochent à la Commission de leur avoir infligé une amende dont le montant dépasse le plafond de 10 % de leur chiffre d’affaires. D’autre part, les requérantes invoquent sept moyens tirés, respectivement, d’une violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité lors de l’imposition de l’amende, de la fixation erronée du montant de départ de l’amende infligée pour l’entente concernant le fil industriel, du calcul erroné de la durée de l’infraction sur le marché du fil industriel, de l’absence de prise en compte de certaines circonstances atténuantes concernant l’infraction sur le marché du fil industriel, du calcul erroné du montant de départ et du montant de base de l’amende infligée pour l’infraction sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile, d’une absence de prise en considération du défaut de mise en œuvre de l’entente concernant le fil destiné à l’industrie automobile et de la violation du droit d’être entendu et des droits de la défense.

A –  Sur le moyen, invoqué par les requérantes et visant à l’annulation de la décision attaquée, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 1/2003

1.     Arguments des parties

36      Les requérantes soutiennent que les infractions reprochées constituent une infraction unique au sens de l’article 7, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 1/2003 au motif que les marchés du fil destiné à l’industrie automobile et celui du fil industriel ne constituent pas des marchés de produits ou géographiques distincts, qu’il existe un élément subjectif commun entre ces ententes et que les critères utilisés par la Commission pour constater l’absence d’infraction unique ne sont pas valables.

37      S’agissant, premièrement, de l’existence d’un marché de produits unique, les requérantes contestent avoir explicitement confirmé que le fil destiné à l’habillement et celui destiné à l’industrie automobile relevaient de deux marchés distincts. En effet, la réponse d’Amann à la demande de renseignements, qualifiant de mondial le marché du fil destiné à l’industrie automobile, n’impliquerait nullement une reconnaissance du caractère prétendument autonome de ce dernier marché. De plus, après avoir livré des estimations pour six différents segments de fil, Amann n’aurait pas été en mesure de le faire pour le segment du fil destiné au secteur automobile.

38      Selon les requérantes, les déclarations d’autres opérateurs tels que Coats et Gütermann ne sauraient, elles non plus, permettre de conclure à l’existence d’une distinction entre le marché du fil destiné à l’industrie automobile et celui du fil industriel.

39      Le point de vue des requérantes, quant au caractère unique du marché, serait confirmé par la présentation des produits faite par toutes les entreprises. Tel serait notamment le cas de la segmentation opérée par Gütermann, Amann et Coats. Il y apparaîtrait qu’une utilisation d’un même fil dans plusieurs branches est possible.

40      L’existence de normes de spécifications plus sévères exigées par les clients importants du secteur automobile ne justifierait pas non plus la distinction entre le fil industriel et celui destiné à l’industrie automobile. En effet, les fils seraient, en règle générale, produits conformément aux exigences de l’industrie automobile et livrés dans cette qualité aux clients importants d’autres secteurs industriels. La production de deux types de fils de qualités différentes ne serait d’ailleurs pas défendable d’un point de vue économique. Ainsi, les caractéristiques techniques du fil destiné à l’industrie automobile seraient, pour l’essentiel, identiques à celles du fil industriel. Ceux-ci seraient donc interchangeables, leur commercialisation se faisant d’ailleurs en fonction non pas des clients, mais des produits.

41      Deuxièmement, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir examiné si les différents comportements reprochés étaient réunis entre eux par un élément subjectif commun et s’ils constituaient ainsi une infraction unique. La Commission aurait elle-même constaté que les infractions visaient toutes à fausser l’évolution normale des prix sur le marché en cause.

42      Le fait qu’il s’agisse d’accords sur les prix et que les résolutions adoptées pour les régions concernées soient pratiquement identiques étayerait la thèse du caractère unique des infractions constatées. Les requérantes ajoutent que, dans la plupart des États membres, l’élément subjectif serait le critère déterminant pour constater une infraction unique.

43      Elles font valoir également que, eu égard à la taille moyenne de la plupart des entreprises en cause, leurs dirigeants et associés devaient forcément avoir connaissance des différentes infractions. Elles précisent, en ce qui les concerne, que l’élément subjectif découle, de surcroît, de l’absence de cloisonnement des compétences internes dans le domaine de la commercialisation du fil industriel et du fil destiné à l’industrie automobile.

44      En outre, elles relèvent, en substance, l’incohérence dans la démarche de la Commission, qui est partie du principe d’une infraction unique pour les infractions successives commises au sein de chaque entente, mais qui n’a pas procédé de la même manière pour les ententes entre elles. À cet égard, la décision attaquée comporterait, en ses considérants 266 à 270, plusieurs contradictions qui tendraient à démontrer que la thèse de la Commission, quant à l’existence d’infractions distinctes, n’est pas défendable.

45      Troisièmement, les requérantes contestent les critères appliqués par la Commission pour déterminer l’existence ou l’absence d’une infraction unique.

46      En premier lieu, elles soutiennent que ces critères ne sont pas valables. À cet égard, elles font valoir, d’une part, que la Commission est elle-même indécise dans l’utilisation des critères pour déterminer l’existence d’une infraction unique, parce qu’elle justifie l’existence de deux infractions distinctes en se référant à des participants différents, à un autre mode de fonctionnement et à l’absence de coordination globale, et se fonde ensuite sur la différence au niveau des marchés concernés tout en déclarant par la suite que les accords concernant le Benelux et les pays nordiques doivent être examinés ensemble étant donné qu’ils sont reliés par une organisation, un mode de fonctionnement et des participants identiques. Les requérantes constatent ainsi que le critère de coordination globale ne joue plus aucun rôle en ce qui concerne la reconnaissance d’une infraction unique dans le Benelux et les pays nordiques.

47      Elles estiment, d’autre part, que le critère de délimitation du marché de produits, dans le cas de produits apparentés, est dénué de pertinence. En effet, l’utilisation de ce critère, excepté les cas évidents dans lesquels les produits ne relèvent nullement du même marché, reviendrait à conférer à la Commission une marge d’appréciation presque incontrôlable dans le cadre de la sanction d’infractions au droit de la concurrence. Le critère relatif à l’absence d’identité des participants serait, lui aussi, dénué de pertinence. Les requérantes soulignent en effet que la question de savoir par qui les entreprises participantes se font représenter est sans importance, la participation étant imputable à l’entreprise concernée.

48      En second lieu, Amann et Cousin soutiennent que l’application de ces critères aurait dû, en tout état de cause, conduire la Commission à conclure à l’existence d’une infraction unique.

49      D’une part, elles invoquent le fait que la Commission ne saurait valablement justifier l’existence d’infractions distinctes en se fondant sur l’absence de coordination entre les ententes dès lors qu’elle souligne elle-même, reprenant à cet égard les déclarations de Coats, que, en raison de marchés de produits plutôt délimités par pays, il n’était pas nécessaire de procéder à une coordination entre les régions concernées. De même, la tentative de la Commission d’opérer une distinction entre la coordination des marchés géographiques et celle des marchés de produits distincts serait dénuée de pertinence étant donné que, dans le cas de marchés géographiques différents, une coordination entre des marchés de produits distincts n’aurait pas de sens. C’est pourquoi les requérantes font valoir qu’il faut apprécier les comportements en cause en admettant que les réunions consacrées aux différentes régions s’inscrivaient dans un plan global approuvé par leurs directions respectives et confirmé par des documents faisant état de contacts fréquents entre des représentants de Coats et d’Amann, ayant pour objet des questions de « stratégie supérieure » en Europe. De tels documents témoigneraient de l’existence d’un élément subjectif commun. Les requérants reprochent, à cet égard, à la Commission de ne pas avoir analysé la question de savoir si ce type de contact n’a pas également existé entre Coats et d’autres concurrents.

50      D’autre part, il n’y aurait pas de différence déterminante au niveau des participants aux accords et de leur organisation. À cet égard, les requérantes indiquent que, selon la jurisprudence, une infraction unique au sens juridique du terme ne peut être exclue du simple fait que chaque entreprise participe à l’infraction dans des formes qui lui sont propres, une entreprise pouvant ainsi avoir participé à une entente unique sans avoir participé à tous les éléments constitutifs de celle-ci.

51      À la lumière de ces considérations, les requérantes relèvent que seules trois entreprises ont pris part à un seul accord, toutes les autres étant impliquées dans au moins deux accords, ce qui constitue une imbrication au niveau des participants qui plaide en faveur de l’existence d’une infraction unique. En outre, une comparaison entre les réunions concernant l’entente sur le marché du fil industriel et celles relatives à l’entente sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile n’étayerait nullement la thèse de l’existence d’infractions distinctes. Les réunions se seraient, dans les deux cas, tenues de façon irrégulière.

52      La Commission réfute ces arguments.

2.     Appréciation du Tribunal

a)     Sur la distinction des marchés de produits et géographiques

53      Il ressort de la décision attaquée que la Commission a considéré que, en raison de sa spécificité, le marché du fil destiné à l’industrie automobile devait être distingué de celui du fil industriel, tant du point de vue des produits que du point de vue géographique (voir points 12 à 16 et 18 à 20 ci-dessus).

54      À titre liminaire, il convient de relever que la définition du marché en cause, dans la mesure où elle implique des appréciations économiques complexes de la part de la Commission, ne saurait faire l’objet que d’un contrôle restreint de la part du juge communautaire (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 30 mars 2000, Kish Glass/Commission, T‑65/96, Rec. p. II‑1885, point 64, et du 6 juin 2002, Airtours/Commission, T‑342/99, Rec. p. II‑2585, point 26). Cependant, ce dernier ne saurait s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. À cet égard, il lui incombe de vérifier si la Commission a fondé son appréciation sur des éléments de preuves qui sont exacts, fiables et cohérents, qui constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et qui sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 482).

55      Il y a lieu de rappeler, ensuite, que le marché à prendre en considération comprend l’ensemble des produits qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et sont peu interchangeables avec d’autres produits (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 37). La Cour a jugé, plus spécifiquement, que la notion de marché des produits implique qu’une concurrence effective puisse exister entre les produits qui en font partie, ce qui suppose un degré suffisant d’interchangeabilité entre tous les produits faisant partie d’un même marché (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 28).

56      S’agissant de l’interchangeabilité, celle-ci s’apprécie en fonction d’un faisceau d’indices que sont les caractéristiques propres des produits, les conditions de concurrence et la structure de la demande et de l’offre sur le marché (arrêt Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin /Commission, point 55 supra, point 37).

57      Si, d’un point de vue économique, la substituabilité du côté de la demande est le critère d’évaluation le plus immédiat et le plus efficace à l’égard des fournisseurs d’un produit donné (arrêt du Tribunal du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T‑177/04, Rec. p. II‑1931, point 99), la substituabilité du côté de l’offre peut également être prise en considération pour définir le marché en cause dans les opérations dans lesquelles cette substituabilité a des effets équivalents à ceux de la substituabilité du côté de la demande en termes d’immédiateté et d’efficacité. Ainsi, le critère de la substituabilité du côté de l’offre implique que les producteurs puissent, par une simple adaptation, se présenter sur ce marché avec une force suffisante pour constituer un contrepoids sérieux aux producteurs déjà présents sur le marché (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, point 829).

58      Quant aux produits eux-mêmes, il convient de relever que ces derniers peuvent constituer un marché distinct lorsqu’ils s’individualisent par des caractéristiques particulières de production qui les rendent spécifiquement aptes à cette destination ou lorsqu’ils s’individualisent par le fait de leur utilisation (arrêt de la Cour du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6/72, Rec. p. 215, point 33).

59      Il doit enfin être rappelé que la Commission a adopté une communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5, ci-après la « communication sur la définition du marché ») dans laquelle elle a précisé les critères à apprécier pour définir un marché de produits pertinent et pour délimiter le marché géographique en cause. Le marché de produits en cause y est défini comme celui qui « comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés ». Quant au marché géographique, il est défini comme celui qui « comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l’offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable ». Le marché en cause dans le cadre duquel il convient d’apprécier un problème donné de concurrence est donc déterminé en combinant le marché de produits et le marché géographique.

60      Il convient, à la lumière de ces considérations, d’examiner le bien-fondé des conclusions de la Commission figurant aux considérants 14 et 22 de la décision attaquée, quant à l’existence de deux marchés de produits et géographiques distincts, à savoir celui du fil destiné à l’industrie automobile dans l’EEE, d’une part, et celui du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques, d’autre part. Pour ce faire, la Commission a apprécié la substituabilité des produits, d’une part, du côté de la demande, et, d’autre part, du côté de l’offre.

61      Premièrement, en ce qui concerne la substituabilité du côté de la demande, la décision attaquée contient une série d’éléments tendant à démontrer qu’elle n’existe pas.

62      En premier lieu, il ressort des considérants 14 et 22 de la décision attaquée que la demande de l’industrie automobile émane de clients importants et que ceux-ci sont beaucoup moins nombreux que les autres entreprises qui sont clientes sur le marché du fil industriel. Ce constat n’a pas été remis en cause par les requérantes. Celles-ci ont confirmé, lors de l’audience, que les clients du secteur automobile étaient les plus puissants en raison des quantités très importantes qu’ils achètent.

63      En deuxième lieu, il ressort des considérants de la décision attaquée précités que les clients du secteur automobile achètent du fil pour leurs sites de production installés dans différents pays et qu’ils exigent ainsi un produit uniforme dans chacun de ces pays. Ce besoin d’uniformité, qui n’est d’ailleurs pas contesté par les requérantes, s’explique parfaitement d’un point de vue économique. Il est, en effet, raisonnable d’admettre que l’adaptation des machines de production au type de fil utilisé engendre des coûts. Les industries du secteur automobile cherchent donc à atténuer ces coûts en achetant, en grande quantité, un type de fil bien spécifique et en adaptant une seule fois, à ce dernier, leurs machines de production installées dans différents pays.

64      En troisième lieu, il résulte des considérants 14 et 22 de la décision attaquée que les fils destinés à l’industrie automobile doivent répondre à des normes particulièrement sévères spécifiques à ce secteur et que leur traçabilité est un facteur essentiel pour des raisons de qualité des produits et de responsabilité du fait des produits. Cette constatation a été confirmée par les requérantes, tant dans la requête que lors de l’audience.

65      Elles ont en effet admis que, de façon générale, ce sont les clients qui décident du fil nécessaire à leur production et qui choisissent donc le produit qui correspond à leurs besoins d’utilisateurs. S’agissant, en particulier, des clients du secteur automobile, les requérantes ont reconnu que ces derniers exigent que le fil acheté réponde au minimum à la norme ISO 9002. Elles ont même précisé lors de l’audience que des caractéristiques particulières dites « TS950 » existent pour l’industrie automobile et qu’elles prennent ces éléments en considération pour la production.

66      Par ailleurs, les requérantes ont décrit le processus de certification des fils par les clients du secteur automobile. Tout d’abord, les requérantes développent un type de fil répondant au minimum à la norme ISO 9002. Ensuite, ce fil est testé par le fabricant automobile qui souhaite l’utiliser pour sa production et, enfin, il est certifié par ce dernier si le test s’avère concluant.

67      Eu égard à ces considérations, il y a lieu d’admettre que le fil spécifique choisi par l’industrie automobile ne peut être substitué par d’autres fils industriels. Le fait que ce type de fil soit vendu à d’autres clients que ceux de l’industrie automobile est sans incidence à cet égard. En effet, à la différence des autres acheteurs éventuels de ce produit, les entreprises du secteur automobile n’achèteront que le fil qui dispose de qualités intrinsèques spécifiques et qui a été certifié par lesdites entreprises en raison de ces qualités particulières. Dès lors, les requérantes ne sauraient raisonnablement soutenir qu’il existe une substituabilité du point de vue de la demande.

68      Les déclarations de Coats en réponse à la demande de renseignements de la Commission tendent, elles aussi, à confirmer l’absence de substituabilité du point de vue de la demande. Coats a en effet souligné que certains clients du secteur de la confection utilisaient du fil de broderie tout comme certains clients du secteur de la broderie utilisaient du fil destiné à la confection. En revanche, l’existence d’une telle substituabilité du côté de la demande chez les clients du secteur automobile n’a pas été évoquée.

69      Deuxièmement, si la Commission a estimé que, du point de vue de l’offre, le fil industriel pouvait être considéré comme un marché de produits unique en raison de l’absence de correspondance stricte entre l’utilisation finale et le type de fibre et/ou de structure du fil et la similarité ou l’interchangeabilité des processus de production dudit fil, elle a toutefois conclu qu’il n’en était pas ainsi pour le fil destiné à l’industrie automobile.

70      Pour arriver à cette conclusion, la Commission s’est fondée sur les spécificités du fil destiné à l’industrie automobile, sur la nécessité d’assurer une offre standardisée et sur la capacité de pouvoir répondre aux commandes des clients importants de ce secteur. Elle s’est également appuyée sur le fait que le marché géographique du fil destiné à l’industrie automobile s’étend sur tout le territoire de l’EEE, à la différence de celui du fil industriel, qui a un caractère seulement régional. Eu égard à ces éléments, elle a estimé que seules quelques entreprises pouvaient satisfaire à ce type de demande (voir considérant 22 de la décision attaquée).

71      Tout d’abord, aux termes du paragraphe 20 de la communication sur la définition du marché, pour qu’il y ait substituabilité du côté de l’offre, les fournisseurs doivent pouvoir réorienter leur production vers les produits en cause et les commercialiser à court terme sans encourir aucun coût ni risque supplémentaire substantiel en réaction à des variations légères, mais permanentes, des prix relatifs. Ensuite, au paragraphe 21 de la communication sur la définition du marché, la Commission souligne qu’une telle substituabilité existe souvent dans les cas où des entreprises offrent un choix de qualités ou de types pour un même produit, et que, même si pour un acheteur final ou un groupe de consommateurs finals donné, ces différences de qualité ne sont pas substituables, ces dernières seront regroupées dans un seul marché de produits. Le fil industriel correspond, de prime abord, au type de produit visé au paragraphe 21 de la communication sur la définition du marché.

72      Enfin, aux paragraphes 22 et 23 de la communication sur la définition du marché, la Commission confirme, par des exemples concrets, que les fournisseurs concernés doivent être en mesure de proposer et de vendre ces différentes qualités de produits immédiatement et sans augmenter les coûts de manière substantielle et qu’il ne doit pas exister de difficultés particulières au stade de la distribution.

73      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de déterminer si la Commission a apprécié de façon correcte le critère de la substituabilité du point de vue de l’offre.

74      En premier lieu, ainsi qu’il a été observé aux points 63 et suivants ci-dessus, les producteurs de fil destiné à l’industrie automobile doivent adapter leurs machines de production afin que le fil produit réponde à des normes spécifiques.

75      En deuxième lieu, le raisonnement des requérantes quant aux faibles coûts de production du fil destiné à l’industrie automobile n’est pas convaincant. En effet, les requérantes font, certes, valoir que non seulement les fils seraient, en règle générale, produits conformément aux exigences de l’industrie automobile et livrés dans cette qualité aux clients d’autres secteurs industriels, mais encore que les coûts de réglage de la chaîne de fabrication seraient beaucoup trop élevés s’il fallait fabriquer un produit pour le seul secteur automobile pour ensuite modifier la chaîne de production et l’adapter à la fabrication de produits destinés à d’autres secteurs industriels.

76      Il n’en reste pas moins que, si, pour des raisons de rationalisation de la production, une société déjà présente sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile produit essentiellement des fils répondant à la norme supérieure indépendamment de la destination du produit, elle n’agira ainsi que parce qu’elle est présente sur le marché automobile, en raison des coûts élevés liés à la production selon les normes spécifiques relatives aux fils destinés à l’industrie automobile. En d’autres termes, une société dont l’activité principale concerne le fil destiné à la confection ou le fil à broder n’aura aucun intérêt à produire un fil spécial destiné au secteur automobile au seul motif qu’elle pourrait potentiellement vendre ce fil à des clients éventuels du secteur automobile.

77      Ainsi, l’affirmation des requérantes selon laquelle les coûts de production du fil destiné à l’industrie automobile sont tellement peu élevés que la production se fait toujours selon une norme de spécification plus élevée n’est pas démontrée en ce qui concerne les producteurs de fil industriel.

78      En troisième lieu, la nette différence entre les deux marchés sur le plan géographique n’a pas été remise en question par les requérantes au cours de la procédure administrative. En réponse à la demande de renseignements de la Commission, Amann a même qualifié de mondial le marché du fil destiné à l’industrie automobile. Coats a, elle aussi, mis en évidence que les caractéristiques spécifiques de ce dernier marché limitent celui-ci aux fournisseurs « régionaux » et « globaux », ces derniers termes devant se comprendre, dans le contexte de la réponse, comme « s’étendant à tout le territoire de l’EEE » et « mondial ».

79      Ainsi, la substituabilité du point de vue de l’offre supposerait que la plupart des producteurs de fil soient capables de produire en grande quantité du fil spécifique et uniforme pour chaque client du secteur de l’industrie automobile et de le distribuer à bref délai sur l’ensemble de l’EEE. Eu égard aux considérations qui précèdent, un tel raisonnement n’est guère défendable.

80      Partant, la Commission n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en concluant à l’existence de deux marchés de produits et géographique distincts du point de vue de l’offre.

81      Il convient, à cet égard, de préciser que la Commission a correctement apprécié et interprété les réponses des requérantes et des autres entreprises concernées sur la base desquelles elle est arrivée à la conclusion de l’existence de deux marchés de produits distincts.

82      Tout d’abord, la Commission a posé aux requérantes la question de savoir si le fil à coudre pour les vêtements à usage industriel, le fil à broder à usage industriel, le fil spécial à usage industriel et le fil à usage domestique constituaient différents marchés de produits du secteur du fil. La Commission a également présenté un tableau visant à déterminer les marchés géographiques pertinents pour chacune des catégories de fil précitées tout en prévoyant une rubrique spécifique « Fil pour automobile ». Elle a précisé que cette dernière catégorie était incluse dans le fil spécial à usage industriel, mais a souligné vouloir connaître l’avis d’Amann et de Cousin sur le marché géographique pertinent de ce type de fil.

83      En réponse à la demande de renseignements précitée, Amann a relevé que la ventilation détaillée opérée par la Commission était correcte au motif qu’« il existe des spécifications de produits et des besoins spécifiques aux clients qui, dans le domaine de l’industrie de l’habillement, en particulier, se distinguent nettement de ceux des deux autres secteurs au niveau de la variété des coloris, etc. ». Cousin, quant à elle, a aussi marqué son accord total avec la segmentation présentée par la Commission. Elle a cependant précisé la grande difficulté à évaluer les marchés, surtout lorsqu’il s’agit de fils spéciaux, étant donné la très grande diversité des utilisations concernées, en soulignant avoir dénombré plus de 80 métiers.

84      Ainsi, les requérantes ont, certes, explicitement admis que le marché du fil spécial constituait un marché de produits distinct, mais, contrairement à ce que la Commission a affirmé dans ses écritures, elles n’ont pas explicitement reconnu que le marché du fil destiné à l’industrie automobile inclus dans le marché du fil spécial était lui-même un marché de produits distinct.

85      Gütermann a, elle aussi, confirmé la subdivision proposée par la Commission, mais ne s’est pas explicitement prononcée sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile. Quant à Coats, elle a répondu à la question portant sur les marchés selon les produits qu’elle ne pensait pas que les différences entre les produits étaient suffisantes pour conclure à l’existence de trois marchés distincts, tout en reconnaissant les caractéristiques spécifiques du marché du fil destiné à l’industrie automobile, comme énoncé au point 78 ci-dessus. Seule Oxley a directement confirmé et justifié le caractère distinct du marché du fil destiné à l’industrie automobile.

86      Si l’interprétation de ces éléments, quant à l’existence d’un marché du fil destiné à l’industrie automobile distinct, n’apparaît pas de façon aussi évidente que la Commission tend à l’affirmer, il n’en demeure pas moins que ses déductions ne sont entachées d’aucune erreur manifeste d’appréciation ni d’une quelconque dénaturation des faits.

87      Ses déductions sont d’ailleurs confirmées par d’autres indices tels que les sites Internet des entreprises qui présentent en général une rubrique distincte pour le fil destiné à l’industrie automobile. De même, ces entreprises sont toutes titulaires de marques de fils spécifiquement créées pour ce secteur.

88      Il résulte de tout ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que, en l’espèce, le marché du fil destiné à l’industrie automobile et le marché du fil industriel étaient différents.

b)     Sur l’existence alléguée d’un « plan d’ensemble »

89      Il convient tout d’abord de rappeler que la notion d’infraction unique vise une situation dans laquelle plusieurs entreprises ont participé à une infraction constituée d’un comportement continu poursuivant un seul but économique visant à fausser la concurrence ou bien encore d’infractions individuelles liées entre elles par une identité d’objet (même finalité de l’ensemble des éléments) et de sujets (identité des entreprises concernées, conscientes de participer à l’objet commun) (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec. p. II-1333, point 257).

90      Ensuite, il y a lieu de relever qu’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 258).

91      En outre, selon une jurisprudence constante, la notion d’infraction unique peut se rapporter à la qualification juridique d’un comportement anticoncurrentiel consistant en accords, en pratiques concertées et en décisions d’associations d’entreprises (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, points 696 à 698 ; du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 186, et du 12 décembre 2007, BASF/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, Rec. p. II‑4949, point 159).

92      Il importe également de préciser que la notion d’objectif unique ne saurait être déterminée par la référence générale à la distorsion de la concurrence dans le marché concerné par l’infraction, dès lors que l’affectation de la concurrence constitue, en tant qu’objet ou effet, un élément consubstantiel à tout comportement relevant du champ d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE. Une telle définition de la notion d’objectif unique risquerait de priver la notion d’infraction unique et continue d’une partie de son sens dans la mesure où elle aurait comme conséquence que plusieurs comportements, concernant un secteur économique, interdits par l’article 81, paragraphe 1, CE devraient systématiquement être qualifiés d’éléments constitutifs d’une infraction unique. Ainsi, aux fins de qualifier différents agissements en tant qu’infraction unique et continue, il y a lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence, et contribuent, par le biais d’une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique. À cet égard, il y a lieu de tenir compte de toute circonstance susceptible d’établir ou de remettre en cause ledit lien, telle que la période d’application, le contenu (y compris les méthodes employées) et, corrélativement, l’objectif des divers agissements en question (voir, en ce sens, arrêt BASF/Commission, point 91 supra, points 179 à 181).

93      C’est donc pour des raisons objectives que la Commission peut entamer des procédures distinctes, constater plusieurs infractions distinctes et infliger plusieurs amendes distinctes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, ci-après l’ « arrêt Tokai II », point 124).

94      Enfin, il y a également lieu d’observer que la qualification de certains agissements illicites d’agissements constitutifs d’une seule et même infraction ou d’une pluralité d’infractions affecte, en principe, la sanction pouvant être imposée. En effet, la constatation d’une pluralité d’infractions peut entraîner l’imposition de plusieurs amendes distinctes, chaque fois dans les limites fixées par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (arrêt BASF/Commission, point 91 supra, point 158).

95      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’apprécier l’existence d’un « plan d’ensemble ».

96      Il convient d’emblée d’observer que les requérantes soutiennent principalement que, en l’espèce, l’élément subjectif commun réside dans le fait que les infractions visaient toutes à fausser l’évolution normale des prix. Or, un tel objectif de falsification des prix est inhérent à tout cartel de prix et ne saurait suffire, en lui-même, à démontrer l’existence d’un élément subjectif commun. À cet égard, et contrairement aux affirmations des requérantes, la Commission n’est nullement partie du principe de l’existence d’un lien entre les infractions dans la décision attaquée. En effet, au considérant 269 de cette dernière, elle n’a fait que mentionner l’objet anticoncurrentiel unique et la finalité économique unique consistant en une falsification de l’évolution normale des prix qui est inhérente à ce type de cartel, tout en insistant sur le fait que cet objectif et cette finalité sont poursuivis dans chacune des trois infractions différentes.

97      Ensuite, pour réfuter l’existence d’une infraction unique, outre la circonstance que le marché du fil destiné à l’industrie automobile et celui du fil industriel sont distincts ainsi qu’il a, par ailleurs, été relevé aux points 53 à 88 ci-dessus, la Commission s’est essentiellement fondée sur l’absence d’identité de la plupart des membres impliqués dans les ententes et l’absence de coordinations globales de celles-ci. Les requérantes n’ont pas pu mettre en cause ces critères et n’ont donc pas démontré l’existence d’un « lien étroit » entre les différents agissements anticoncurrentiels.

98      S’agissant, en premier lieu, du critère relatif à l’absence d’identité des participants, la Commission a énuméré, aux considérants 96 et 216 de la décision attaquée, les participants à l’entente sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile et à celle sur le marché du fil industriel. Elle a ensuite estimé, au considérant 265, sous a), de la décision attaquée, que la plupart des entreprises n’avaient participé qu’à une seule entente, parce qu’elles n’exerçaient pas d’activité sur les marchés visés par l’autre entente.

99      Il convient de constater que, sur les dix entreprises ayant participé à l’une et/ou à l’autre de ces ententes, seules trois ont été impliquées dans les deux ententes. En effet, Ackermann Nähgarne GmbH & Co, Bieze Stork BV, BST, Cousin, Gütermann, Zwicky et Oxley n’ont été concernées que par l’une d’elles. Seules Coats, Barbour (jusqu’à sa reprise par Coats) et Amann ont pris part aux deux ententes. La seule participation de ces trois entreprises aux deux ententes ne saurait constituer en elle-même un indice de l’existence d’une stratégie commune (voir, en ce sens, arrêt Tokai II, point 93 supra, point 120). Il y a lieu de souligner, de surcroît, que, mis à part le cas de Barbour, les représentants des entreprises présents aux réunions organisées dans le cadre de l’entente sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile et de celle sur le marché du fil industriel n’étaient pas les mêmes durant la période de chevauchement de ces deux ententes (1998-2000).

100    Partant, le constat effectué par la Commission au considérant 265, sous a), de la décision attaquée n’est entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation.

101    En deuxième lieu, le contenu des ententes ne saurait, lui non plus, servir à justifier l’existence d’un plan global. Il ressort en effet de la décision attaquée que les contenus respectifs de l’entente sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile et de celle sur le marché du fil industriel se distinguent nettement à cet égard.

102    S’agissant de l’entente sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile, les considérants 215, 220, 223, 224, 226, 228 à 230, 233 à 236 et 238 de la décision attaquée font apparaître, d’une part, que les informations échangées entre les participants à l’entente ont porté sur les prix appliqués à certains clients et, d’autre part, que les accords conclus ont consisté en la fixation de prix cibles minimaux pour les produits de base vendus à la clientèle du secteur automobile, de deux types de prix cibles respectivement pour les clients existants et pour les nouveaux clients, et de prix cibles minimaux pour certains clients visés par les échanges d’informations. Les participants ont également convenu d’éviter de se faire concurrence par les prix à l’avantage du fournisseur attitré.

103    En ce qui concerne l’entente sur le marché du fil industriel, il ressort des considérants 99 à 153 de la décision attaquée, d’une part, que les informations échangées ont porté sur les listes de prix et de rabais, sur l’application d’augmentations de prix catalogue, sur des baisses de rabais et sur l’augmentation de prix spéciaux applicables à certains clients et, d’autre part, que les parties se sont accordées sur les futures listes de prix, sur le taux maximal de rabais, sur les diminutions de rabais et sur l’augmentation des prix spéciaux applicables à certains clients et ont convenu de ne pas se faire concurrence à l’avantage du fournisseur attiré.

104    Les considérants précités de la décision attaquée confirment qu’il existe une nette différence entre les deux ententes quant à leur contenu. L’existence de l’une ou l’autre ressemblance entre ces deux ententes, tels les accords visant à éviter de se faire concurrence par les prix à l’avantage du fournisseur attitré, ne saurait toutefois, à elle seule, remettre en cause ce constat.

105    En troisième lieu, les modes de fonctionnement de chacune des deux ententes ont été, dans une large mesure, différents. En effet, ainsi que la Commission l’a relevé au considérant 218 de la décision attaquée, l’entente sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile a été organisée de façon assez flexible, par le biais de petites réunions irrégulières complétées par de fréquents contacts bilatéraux. Les considérants 96 à 99 et 149 à 153 de la décision attaquée font apparaître que l’entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques s’est, quant à elle, concrétisée par la tenue de réunions au moins une fois par an et que celles-ci étaient scindées en deux parties, à savoir une session consacrée au marché des pays nordiques et une session relative au marché du Benelux. Il en ressort également que des contacts bilatéraux avaient lieu périodiquement.

106    À la lumière de ces éléments, la Commission n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en concluant, aux considérants 265 à 267 de la décision attaquée, que l’entente sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile et celle sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques devaient être distinguées l’une de l’autre et qu’elles constituaient ainsi deux infractions distinctes.

107    Il importe à cet égard de relever que, à l’inverse de l’entente sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile, l’entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et celle sur le marché du fil industriel dans les pays nordiques ont été considérées comme une seule infraction au motif que les produits étaient identiques, que les participants à l’entente étaient les mêmes, que le contenu et le mode de fonctionnement de l’entente était similaires, que les réunions se tenaient le même jour et que les entreprises participantes y étaient représentées par les mêmes personnes.

108    Par ailleurs, sont dénués de pertinence, d’une part, l’argument fondé sur une absence de cloisonnement des compétences, au sein des requérantes, dans le domaine de la commercialisation du fil industriel et du fil destiné à l’industrie automobile, et, d’autre part, celui fondé sur le fait que les dirigeants et associés des entreprises participantes devaient forcément connaître l’existence des différentes ententes. Ceux-ci ne constituent en rien la preuve de l’existence d’un élément subjectif commun.

109    Il convient également de rejeter l’argument des requérantes quant à l’existence d’une coordination globale, tiré de contacts fréquents entre un représentant de Coats et le gérant d’Amann. Il ressort du dossier que celui-ci ne comporte aucune déclaration qui pourrait s’interpréter comme un indice d’une coordination globale. À l’audience, les requérantes ont admis qu’elles ne pouvaient soumettre au Tribunal de document précis attestant d’une volonté de coordination globale entre Amann et Coats.

110    Enfin, les requérantes prétendent, à tort, que le critère de délimitation du marché des produits ne saurait constituer un critère d’appréciation valable en ce qu’il conférerait une marge d’appréciation incontrôlable à la Commission dans le cas de produits apparentés, pour conclure à l’existence de deux infractions distinctes. En effet, d’une part, ledit pouvoir d’appréciation de la Commission n’est pas illimité, la Commission demeurant soumise au contrôle du Tribunal tel qu’énoncé au point 54 ci-dessus. D’autre part, le critère relatif aux marchés de produits n’a été, en l’espèce, qu’un critère parmi d’autres pour conclure à l’existence de deux infractions distinctes.

111    Eu égard à l’ensemble de ces considérations, le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 1/2003 doit être rejeté comme non fondé.

B –   Sur les moyens visant à la réduction de l’amende

1.     Sur le moyen, invoqué par les requérantes, tiré du non-respect de la limite supérieure de la sanction, prévue à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

a)     Arguments des parties

112    Le moyen soulevé par les requérantes comporte trois griefs.

113    Dans le cadre d’un premier grief, les requérantes font valoir que les deux infractions ne constituent en réalité qu’une infraction unique et que, partant, une seule amende peut leur être ainsi infligée, son montant ne pouvant dépasser le plafond de 10 % du chiffre d’affaires global. Or, le montant total résultant de cette addition dépasserait ledit plafond et l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 seraient ainsi violés.

114    Elles soutiennent à cet égard que le principe de droit constitutionnel communautaire nulla poena sine lege a été violé. En substance, elles critiquent le fait que la Commission puisse, par le biais d’une division des marchés sur lesquels des infractions parallèles ont été constatées, s’attribuer une marge de manœuvre illimitée pour établir des amendes dépassant le plafond de 10 % du chiffre d’affaires global. Or, elles estiment que du principe de légalité résulte non seulement l’interdiction pour le juge d’infliger des peines en l’absence d’un fondement légal, mais également l’obligation pour le législateur de rédiger des normes pénales de manière précise et claire. L’impératif de clarté s’appliquerait ainsi aux éléments constitutifs d’une norme, mais également aux conséquences juridiques de cette dernière. De telles exigences vaudraient également en ce qui concerne les dispositions précitées prévoyant les amendes pour infractions aux règles de la concurrence.

115    Appelées à donner des éclaircissements sur leur argumentation lors de l’audience, les requérantes ont précisé que celle-ci devait se comprendre comme mettant également en cause la légalité de la norme elle-même et, partant, qu’elles soulevaient une exception d’illégalité de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

116    Par ailleurs, elles réfutent l’argument de la Commission quant à son obligation de respecter le principe non bis in idem, ce principe n’offrant aucune garantie quant à l’exactitude de la reconnaissance d’une ou de plusieurs infractions. Elles soutiennent en substance que le problème se situe en amont, c’est-à-dire lors de la détermination même de l’existence d’une ou de plusieurs infractions.

117    Par leur deuxième grief, les requérantes font valoir que la Commission peut imposer une amende unique pour différentes infractions dans le cas où celles-ci ont pour objet les mêmes types d’agissements sur différents marchés et où les participants sont, dans une large mesure, les mêmes entreprises. Ces deux conditions seraient remplies en l’espèce.

118    Les requérantes constatent que la Commission s’est écartée de sa pratique antérieure sans la moindre motivation. Elles considèrent en effet que, dans l’hypothèse où la Commission renonce au pouvoir dont elle dispose d’infliger une seule amende pour plusieurs infractions, elle est tenue, conformément aux principes généraux du droit administratif européen, de motiver le non-usage de ce pouvoir. En l’espèce, la Commission aurait donc violé l’article 253 CE.

119    Elles procèdent ensuite à une comparaison de la décision attaquée avec la décision de la Commission du 21 novembre 2001 relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-1/37.512 – Vitamines) (JO 2003, L 6, p. 1, ci-après la « décision Vitamines »). La Commission y aurait en effet réuni les amendes infligées pour les différentes infractions en une seule amende globale et, partant, aurait considéré nécessaire de respecter le plafond de 10 % du chiffre d’affaires global. Or, comme dans la décision Vitamines, les ententes de la présente affaire seraient unies par un même contexte matériel et « spatio-temporel ».

120    Par leur troisième grief, les requérantes font valoir que l’effet dissuasif voulu par la Commission aurait déjà été obtenu lors de l’imposition de l’amende pour l’infraction commise sur le marché du fil industriel. La Commission aurait, dès lors, dû en tenir compte lors de la fixation du montant de l’amende sanctionnant l’entente concernant le fil destiné à l’industrie automobile.

121    La Commission réfute ces arguments.

b)     Appréciation du Tribunal

122    Le présent moyen soulevé par les requérantes comporte, en substance, trois griefs, tirés, le premier, de la violation du principe nulla poena sine lege, le deuxième, de l’obligation d’infliger une amende unique pour plusieurs infractions et, le troisième, d’une méconnaissance des objectifs légaux de la sanction.

 Sur le grief tiré d’une violation du principe nulla poena sine lege et sur l’exception d’illégalité de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

123    Il convient, premièrement, d’examiner l’exception d’illégalité de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 23 du règlement n° 1/2003 soulevée par les requérantes à trois niveaux. En premier lieu, elles soutiennent, en substance, que le concept même d’infraction, tel que mentionné à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, serait dépourvu de clarté. En deuxième lieu, elles font valoir que le concept d’infraction unique et continue ne serait pas non plus clairement défini et que la Commission pourrait ainsi influencer arbitrairement la détermination du montant de l’amende par le biais d’une division des marchés sur lesquels des infractions parallèles ont été constatées. En troisième lieu, elles avancent que les sanctions prévues par ce même article sont, elles aussi, dépourvues de clarté.

124    Au préalable, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, le principe de légalité des peines est un corollaire du principe de sécurité juridique, lequel constitue un principe général du droit communautaire et exige, notamment, que toute réglementation communautaire, en particulier lorsqu’elle impose ou permet d’imposer des sanctions, soit claire et précise, afin que les personnes concernées puissent connaître sans ambiguïté les droits et obligations qui en découlent et puissent prendre leurs dispositions en conséquence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 9 juillet 1981, Gondrand et Garancini, 169/80, Rec. p. 1931, point 17 ; du 13 février 1996, Van Es Douane Agenten, C‑143/93, Rec. p. I‑431, point 27, et arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 66).

125    Ce principe, qui fait partie des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par différents traités internationaux, notamment par l’article 7 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH »), s’impose tant aux normes de caractère pénal qu’aux instruments administratifs spécifiques imposant ou permettant d’imposer des sanctions administratives (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 novembre 1987, Maizena e.a., 137/85, Rec. p. 4587, point 15). Il s’applique non seulement aux normes qui établissent les éléments constitutifs d’une infraction, mais également à celles qui définissent les conséquences qui découlent d’une infraction aux premières (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 décembre 1996, X, C‑74/95 et C‑129/95, Rec. p. I‑6609, point 25, et arrêt Degussa/Commission, point 124 supra, point 67).

126    À cet égard, il convient de relever que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de la CEDH :

« Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même, il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. »

127    Selon la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »), il résulte de cette disposition que la loi doit définir clairement les infractions et les peines qui les répriment. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale (voir Cour eur. D. H., arrêt Coëme e.a. c. Belgique du 22 juin 2000, Recueil des arrêts et décisions, 2000-VII, § 145) (arrêt Degussa/Commission, point 124 supra, point 69).

128    Il résulte de la jurisprudence de la Cour EDH que, pour satisfaire aux exigences de l’article 7, paragraphe 1, de la CEDH, il n’est pas exigé que les termes des dispositions en vertu desquelles sont infligées ces sanctions soient à ce point précis que les conséquences pouvant découler d’une infraction à ces dispositions soient prévisibles avec une certitude absolue (arrêt Degussa/Commission, point 124 supra, point 71).

129    En effet, selon la jurisprudence de la Cour EDH, l’existence de termes vagues dans la disposition n’entraîne pas nécessairement une violation de l’article 7 de la CEDH et le fait qu’une loi confère un pouvoir d’appréciation ne se heurte pas en soi à l’exigence de prévisibilité, à condition que l’étendue et les modalités d’exercice d’un tel pouvoir se trouvent définies avec une netteté suffisante, eu égard au but légitime en jeu, pour fournir à l’individu une protection adéquate contre l’arbitraire (voir Cour eur. D. H., arrêts Margareta et Roger Andersson c. Suède du 25 février 1992, série A n° 226, § 75). À ce sujet, outre le texte de la loi elle-même, la Cour EDH tient compte de la question de savoir si les notions indéterminées utilisées ont été précisées par une jurisprudence constante et publiée (voir Cour eur. D. H., arrêt G. c. France du 27 septembre 1995, série A n° 325-B, § 25) (arrêt Degussa/Commission, point 124 supra, point 72).

130    S’agissant de la validité de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 au regard du principe de légalité des peines, tel qu’il a été reconnu par le juge communautaire en conformité avec les indications fournies par la CEDH et les traditions constitutionnelles des États membres, il y a lieu de souligner que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission ne dispose pas d’une marge d’appréciation illimitée, en premier lieu, pour constater l’existence d’infractions aux règles de la concurrence, en deuxième lieu, pour déterminer si les différents actes infractionnels constituent une infraction unique et continue ou plusieurs infractions autonomes et, en troisième lieu, pour fixer le montant des amendes pour ces infractions.

131    En premier lieu, les infractions aux règles de concurrence pour lesquelles la Commission peut, en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, infliger des amendes sont uniquement celles aux dispositions des articles 81 CE ou 82 CE. Or, c’est à tort que les requérantes soutiennent que la Commission disposerait d’une marge d’appréciation illimitée à l’occasion de la constatation de telles infractions. D’une part, il convient de rappeler que le point de savoir si les conditions des articles 81 CE et 82 CE sont réunies fait l’objet, en principe, d’un contrôle entier du juge communautaire (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 28 mai 1998, Deere/Commission, C‑7/95 P, Rec. p. I‑3111, point 34, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission, T‑99/04, Rec. p. II-1501, point 144). D’autre part, s’il est vrai que dans l’éventualité où cette constatation impliquerait des appréciations économiques ou techniques complexes, la jurisprudence reconnaît à la Commission une certaine marge d’appréciation, celle-ci n’est en aucun cas illimitée. En effet, l’existence d’une telle marge d’appréciation n’implique pas que le Tribunal doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de cette nature. Le juge communautaire doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir, en ce sens, arrêt Microsoft/Commission, point 54 supra, point 88, et la jurisprudence citée).

132    Les requérantes n’allèguent d’ailleurs pas que la définition d’un des types d’infractions visés à l’article 81 CE, consistant en des « accords entre entreprises […] qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à […] fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction […] », ne leur a pas permis de savoir que les ententes sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques et celle sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile dans l’EEE seraient constitutives d’infractions au sens dudit article 81 CE et engageraient ainsi leur responsabilité.

133    En deuxième lieu, en ce qui concerne la prétendue absence de critères permettant de déterminer s’il existe une infraction unique et continue ou plusieurs infractions autonomes, force est d’admettre que lesdits critères n’apparaissent pas en tant que tels dans l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et dans l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ni dans l’article 81 CE. Toutefois, la notion d’infraction unique et continue a été utilisée et précisée par une jurisprudence constante et publiée. Les critères tels que l’identité d’objet (même finalité de l’ensemble des éléments) et l’identité de sujets (identité des entreprises concernées, conscientes de participer à l’objet commun) visant à déterminer si les infractions commises se sont inscrites dans un « plan d’ensemble » et relèvent ainsi d’une infraction unique se sont affinés depuis des années dans la jurisprudence telle que celle énoncée au point 89 ci-dessus.

134    C’est donc pour des raisons objectives que la Commission peut entamer des procédures distinctes, constater des infractions distinctes et infliger plusieurs amendes distinctes (voir, en ce sens, arrêt Tokai II, point 93 supra, point 124).

135    À cet égard, il ressort clairement de l’analyse du moyen visant à l’annulation de la décision attaquée (points 53 et suivants ci-dessus) que les critères appliqués par la Commission pour conclure à l’existence de deux infractions différentes sont des critères constants issus de la jurisprudence.

136    S’il est vrai que certains critères laissent à la Commission une large marge d’appréciation, il n’en demeure pas moins que le contrôle de ce pouvoir d’appréciation, exercé par le juge communautaire, a précisément permis, par une jurisprudence constante et publiée, de préciser certaines notions. Tel est, en particulier, le cas de la définition du marché de produits et du marché géographique, qui a été appliquée en l’espèce par la Commission et pour laquelle cette dernière a dû procéder à des appréciations économiques complexes. Comme il a été exposé dans le cadre de l’analyse du premier moyen (points 53 et suivants ci-dessus), la Commission a dû s’en tenir, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, aux critères fixés par la jurisprudence tels que la substituabilité du point de vue de l’offre et celle du point de vue de la demande.

137    De plus, dans un souci de transparence et afin d’accroître la sécurité juridique des entreprises concernées, la Commission a publié la communication sur la définition du marché, dans laquelle elle énonce les critères qu’elle applique aux fins de définir le marché en cause dans chaque cas d’espèce. À cet égard, en adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement et la protection de la confiance légitime. En outre, la communication sur la définition du marché, si elle ne constitue pas le fondement juridique de la décision attaquée, détermine, de manière générale et abstraite, les critères que la Commission s’est imposée pour déterminer l’existence d’un ou de plusieurs marchés, aux fins de la détermination de l’existence d’une ou de plusieurs infractions, et assure, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 211 et 213). Il s’ensuit que la communication sur la définition de marché a contribué à préciser les limites de l’exercice du pouvoir d’appréciation de la Commission, résultant déjà de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

138    À cet égard, il ressort des paragraphes 4 et 5 de la communication sur la définition du marché que « la Commission entend améliorer la transparence de sa politique et de son processus décisionnel en matière de politique de concurrence » et que, « [g]râce à cette plus grande transparence, les entreprises et leurs conseillers seront davantage en mesure de prévoir la possibilité que la Commission puisse conclure qu’une opération déterminée pose des problèmes sous l’angle de la concurrence et pourront, dès lors, en tenir compte dans leur processus de décision interne lorsqu’ils projettent, par exemple […] la conclusion de certains accords ».

139    Ainsi, au regard des éléments relevés ci-dessus, un opérateur avisé peut, en s’entourant au besoin d’un conseil juridique, prévoir de manière suffisamment précise la méthode que la Commission appliquera aux fins de déterminer, pour des comportements donnés d’une entreprise, l’existence d’une infraction unique et continue ou de plusieurs infractions autonomes.

140    En troisième lieu, s’agissant de l’allégation quant à l’absence de clarté des sanctions prévues à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, force est de constater que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission ne dispose pas d’une marge d’appréciation illimitée pour la fixation des amendes pour infraction aux règles de la concurrence (voir, par analogie, arrêt Degussa/Commission, point 124 supra, point 74).

141    En effet, l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 limitent le pouvoir d’appréciation de la Commission. D’une part, ces dispositions prévoient un critère objectif selon lequel, pour chaque entreprise ou associations d’entreprises, l’amende infligée ne peut excéder 10 % de son chiffre d’affaires. Ainsi, l’amende pouvant être imposée connaît un plafond chiffrable et absolu, calculé en fonction de chaque entreprise, pour chaque cas d’infraction, de sorte que le montant maximal de l’amende pouvant être infligée à une entreprise donnée est déterminable à l’avance. D’autre part, l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, lequel complète l’article 23, paragraphe 2, du même règlement, impose à la Commission de fixer les amendes dans chaque cas d’espèce en « [prenant] en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci » (voir, par analogie, arrêt Degussa/Commission, point 124 supra, point 75).

142    S’il est vrai que le critère objectif du plafond de l’amende et les critères subjectifs de gravité et de durée de l’infraction laissent à la Commission une large marge d’appréciation, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit de critères permettant à la Commission d’adopter des sanctions en tenant compte du degré d’illégalité du comportement en cause. Dès lors, il y a lieu de considérer, à ce stade, que l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003, tout en laissant à la Commission une certaine marge d’appréciation, définissent les critères et les limites qui s’imposent à elle dans l’exercice de son pouvoir en matière d’amendes (voir, par analogie, arrêt Degussa/Commission, point 124 supra, point 76).

143    En outre, il convient d’observer que, pour fixer des amendes en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, la Commission est tenue de respecter les principes généraux du droit, tout particulièrement les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, tels que développés par la jurisprudence de la Cour et du Tribunal (voir, par analogie, arrêts du Tribunal Degussa/Commission, point 124 supra, point 77, et du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, non encore publié au Recueil, point 41).

144    Il convient également d’ajouter que, en vertu de l’article 229 CE et de l’article 31 du règlement n° 1/2003, la Cour et le Tribunal statuent avec une compétence de pleine juridiction sur les recours intentés contre les décisions par lesquelles la Commission fixe des amendes et peuvent ainsi non seulement annuler les décisions prises par la Commission, mais également supprimer, réduire ou majorer l’amende infligée. Ainsi, la pratique administrative de la Commission est soumise au plein contrôle du juge communautaire (voir, par analogie, arrêt Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 143 supra, point 41). Ce contrôle exercé par le juge communautaire l’est dans le respect des critères visés à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et à l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003 et a précisément permis, par une jurisprudence constante et publiée, de préciser les notions indéterminées que pouvait contenir l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, notions qui ont été reprises dans l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Degussa/Commission, point 124 supra, point 79).

145    Par ailleurs, sur la base des critères retenus à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et, plus récemment, à l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003, et précisés dans la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, la Commission a développé une pratique administrative connue et accessible. Bien que la pratique décisionnelle de la Commission ne serve pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence (voir arrêt du Tribunal du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T‑241/01, Rec. p. II‑2917, point 87, et la jurisprudence citée), il n’en reste pas moins que, en vertu du principe d’égalité de traitement, la Commission ne peut traiter des situations comparables de manière différente ou des situations différentes de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 309).

146    Par ailleurs, il convient de tenir compte de ce que, dans un souci de transparence et afin d’accroître la sécurité juridique des entreprises concernées, la Commission a publié des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices ») dans lesquelles elle énonce la méthode de calcul qu’elle s’impose dans chaque cas d’espèce. Les considérations énoncées au point 137 ci-dessus concernant la communication sur la définition du marché valent également en ce qui concerne les lignes directrices. En effet, la Commission s’est autolimitée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquerait dorénavant aux cas concernés par celles-ci et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement et la protection de la confiance légitime. De même, les lignes directrices, si elles ne constituent pas le fondement juridique de la décision attaquée, déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes infligées par la décision attaquée et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 137 supra, points 211 et 213). Il s’ensuit que l’adoption par la Commission des lignes directrices, dans la mesure où elle s’est inscrite dans le cadre légal imposé par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et, plus récemment, par l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1/2003, a contribué à préciser les limites de l’exercice de son pouvoir d’appréciation résultant déjà de ces dispositions (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Degussa/Commission, point 124 supra, point 82).

147    Ainsi, au vu des différents éléments relevés ci-dessus, un opérateur avisé peut, en s’entourant au besoin d’un conseil juridique, prévoir de manière suffisamment précise la méthode et l’ordre de grandeur des amendes qu’il encourt pour un comportement donné. Le fait que cet opérateur ne puisse, à l’avance, connaître avec précision le niveau des amendes que la Commission infligera dans chaque cas d’espèce ne saurait constituer une violation du principe de légalité des peines, compte tenu de ce que, en raison de la gravité des infractions que la Commission est appelée à sanctionner, les objectifs de répression et de dissuasion justifient d’éviter que les entreprises soient en mesure d’évaluer les bénéfices qu’elles retireraient de leur participation à une infraction en tenant compte, par avance, du montant de l’amende qui leur serait infligée en raison de ce comportement illicite (arrêts Degussa/Commission, point 124 supra, point 83, et Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 143 supra, point 45).

148    À cet égard, même si les entreprises ne sont pas en mesure, à l’avance, de connaître avec précision le niveau des amendes que la Commission retiendra dans chaque cas d’espèce, il convient de noter que, conformément à l’article 253 CE, dans la décision infligeant une amende, la Commission est tenue, et ce malgré le contexte généralement connu de la décision, de fournir une motivation, notamment quant au montant de l’amende infligée et quant à la méthode choisie à cet égard. Cette motivation doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de la Commission de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin d’apprécier l’opportunité de saisir le juge communautaire et, le cas échéant, de permettre à celui-ci d’exercer son contrôle (arrêts Degussa/Commission, point 124 supra, point 84, et Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, point 143 supra, point 46).

149    S’agissant, deuxièmement, de l’argument fondé sur l’existence d’une seule infraction et du dépassement du plafond de 10 % du chiffre d’affaires en résultant, il convient, d’une part, de rappeler que l’examen du moyen visant à l’annulation de la décision attaquée a fait apparaître que la Commission a conclu à bon droit à l’existence de deux infractions distinctes. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 94 ci-dessus, la constatation d’une pluralité d’infractions peut entraîner l’imposition de plusieurs amendes distinctes, chaque fois dans les limites fixées par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Partant, la Commission pouvait a priori infliger une amende pour chacune des infractions et n’était pas, de prime abord, obligée d’infliger une amende globale unique.

150    Il y a lieu, d’autre part, de déterminer si le montant total des amendes infligées à une entreprise auteur de plusieurs infractions peut dépasser le plafond de 10 %. À cet égard, il importe de rappeler que l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 disposent que, pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende ne doit pas excéder 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent. Ces dispositions ne font pas référence à la somme des diverses amendes infligées à une société. Si les requérantes ont effectivement commis des infractions distinctes, le fait que les infractions soient établies dans plusieurs décisions ou dans une seule décision est sans importance, la seule question pertinente étant celle de savoir s’il s’agit en réalité d’infractions distinctes. Ainsi, la qualification de certains agissements illicites comme agissements constitutifs d’une seule et même infraction ou d’une pluralité d’infractions affecte, en principe, la sanction pouvant être imposée, la constatation d’une pluralité d’infractions pouvant entraîner l’imposition de plusieurs amendes distinctes, chaque fois dans les limites fixées par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et par l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Tokai II, point 93 supra, point 118, et BASF/Commission, point 91 supra, point 158).

151    Il s’ensuit que, en infligeant deux amendes dont les montants additionnés dépassent le plafond de 10 % du chiffre d’affaires des requérantes, aucune violation du principe nulla poena sine lege n’a été commise par la Commission.

152    Il résulte de l’ensemble de ces considérations que le grief tiré de la violation du principe nulla poena sine lege et l’exception d’illégalité soulevée à l’égard de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 doivent être rejetés.

 Sur le grief tiré de l’obligation d’infliger une amende unique pour plusieurs infractions

153    Il convient de rejeter l’argument présenté à titre subsidiaire par les requérantes selon lequel, même en présence de deux infractions distinctes, une seule amende globale unique aurait dû être imposée.

154    Il est vrai qu’il ressort de la jurisprudence que la Commission peut imposer une amende unique pour différentes infractions (arrêts du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T‑83/91, Rec. p. II‑755, point 236 ; du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 4761, et du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T‑203/01, Rec. p. II‑4071, point 265).

155    Il ne s’agit toutefois que d’une faculté que la Commission a utilisée dans certaines circonstances, notamment lorsque les infractions s’inscrivent dans une stratégie d’ensemble cohérente (voir, en ce sens, arrêts Cimenteries CBR e.a./Commission, point 154 supra, points 4761 à 4764, et Tetra Pak/Commission, point 154 supra, point 236), lorsqu’il existe une unité d’infractions (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 127) ou lorsque les infractions constatées par la décision de la Commission ont eu pour objet le même type d’agissements sur différents marchés, notamment la fixation de prix et de quotas et l’échange d’informations, et que les participants à ces infractions ont été dans une large mesure les mêmes entreprises (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Cockerill Sambre/Commission, T‑144/89, Rec. p. II‑947, point 92). L’examen du premier moyen a démontré que de telles circonstances n’étaient pas rencontrées en l’espèce.

156    Il ne saurait être davantage déduit de cette jurisprudence l’existence d’une pratique antérieure de la Commission par laquelle celle-ci se serait obligée à faire automatiquement usage de la possibilité d’infliction d’une amende unique en cas de pluralité d’infractions, ni qu’elle aurait été tenue de motiver la raison pour laquelle elle n’en aurait pas fait usage. Ladite jurisprudence tend plutôt à montrer que la pratique consistant à infliger une amende unique relève de l’exception puisqu’elle n’est suivie que dans certaines circonstances.

157    À cet égard, les décisions de la Commission invoquées par les requérantes ne sauraient, elles non plus, être révélatrices d’une telle pratique. En effet, tant dans la décision de la Commission du 10 octobre 2001 relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] (Affaire COMP/36.264 – Mercedes-Benz) (JO 2002, L 257, p. 1), voir en particulier point 253, que dans la décision Vitamines, point 119 ci-dessus (points 711 et 775), les diverses infractions constatées ont donné lieu à différents montants d’amende, lesquels ont ensuite été additionnés de façon à établir un montant d’amende total. La démarche de la Commission a donc été celle d’une infliction de plusieurs amendes qui ont ensuite été additionnées. En tout état de cause, la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est, uniquement, défini dans le règlement n° 17, dans le règlement n° 1/2003 et dans les lignes directrices (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 234, et Michelin/Commission, point 154 supra, point 254).

158    En conséquence, l’argument tiré d’une prétendue pratique antérieure de la Commission consistant, d’une part, à n’infliger qu’une seule amende globale unique en cas d’infractions distinctes et, d’autre part, à appliquer le plafond de 10 % du chiffre d’affaires global de l’entreprise concernée au montant final de l’amende résultant de l’addition des différentes amendes infligées pour chaque infraction distincte commise par l’entreprise en question doit être rejeté.

 Sur le grief tiré d’une méconnaissance des objectifs légaux de la sanction

159    Les requérantes soutiennent à tort que la Commission aurait dû tenir compte de l’effet dissuasif obtenu par la condamnation à une amende pour l’entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques, lorsqu’elle a infligé l’amende pour l’entente sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile dans l’EEE.

160    En effet, l’objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre lors de la fixation du montant d’une amende vise à assurer le respect par les entreprises des règles de concurrence fixées par le traité pour la conduite de leurs activités au sein de la Communauté européenne ou de l’EEE (arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, Heubach/Commission, T‑64/02, Rec. p. II‑5137, point 181). Dans l’hypothèse d’une pluralité d’infractions, la Commission peut à bon droit considérer qu’un tel objectif ne saurait être atteint par la seule imposition d’une sanction pour l’une des infractions.

161    Partant, ce grief doit être rejeté.

162    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen tiré du non-respect de la limite supérieure de la sanction, prévue à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et à l’article 23 du règlement n° 1/2003, doit être rejeté comme non fondé.

2.     Sur le moyen, invoqué par les requérantes, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité lors de l’imposition de l’amende

a)     Arguments des parties

163    Les requérantes invoquent plusieurs griefs au soutien de leur moyen tiré du caractère disproportionné de l’amende et de la violation du principe d’égalité de traitement lors de l’imposition de l’amende.

164    Premièrement, s’agissant de la violation du principe de proportionnalité, les requérantes soutiennent, en premier lieu, que la Commission n’aurait pas tenu compte des différences considérables de taille entre les entreprises concernées lors de la détermination des amendes alors que les lignes directrices l’y obligeraient. Ce serait à tort que la Commission se serait référée exclusivement au chiffre d’affaires réalisé par les entreprises sur le marché concerné par l’infraction. Ainsi, l’amende infligée aux requérantes représenterait 13,7 % du chiffre d’affaires mondial du groupe alors que celle infligée à Coats ne représenterait que 2,3 % de son chiffre d’affaires mondial. Face à d’importants concurrents comme Coats, Amann estime n’être qu’une moyenne entreprise.

165    En deuxième lieu, le principe de proportionnalité serait violé en raison de ce que le principe d’égalité de sanction figurant au point 1 A, septième alinéa, des lignes directrices aurait, lui aussi, été violé. La Commission n’aurait pas tenu compte de la capacité économique ou contributive des entreprises qui se mesurerait par rapport à leurs chiffres d’affaires globaux.

166    En troisième lieu, le « système de forfaitisation » mis en place par les lignes directrices serait anormalement désavantageux pour les petites et moyennes entreprises, ce que confirmerait le membre de la Commission chargé des questions de concurrence, ainsi que la Commission elle-même.

167    En quatrième lieu, l’amende leur ayant été infligée serait totalement disproportionnée au regard de la taille du marché. La Commission aurait ainsi violé les principes du caractère approprié de la peine et celui de la proportionnalité. Les requérantes rappellent en effet que les décisions sanctionnées par une amende poursuivent des objectifs tant répressifs que préventifs et que les peines ne peuvent ainsi dépasser ce qui est nécessaire pour assurer la « resocialisation » de l’auteur. Il s’ensuivrait que plus le chiffre d’affaires concerné par l’infraction est réduit par rapport au chiffre d’affaires global d’une entreprise, plus la sanction doit être éloignée de la limite des 10 %.

168    Deuxièmement, les requérantes se prévalent, chiffres à l’appui, d’une violation du principe d’égalité de traitement entre elles et Coats, tant au niveau du montant de base de l’amende que du montant final de cette dernière. La Commission n’aurait en effet tenu aucunement compte de la taille réduite d’Amann d’un point de vue absolu et, en ce qui concerne le fil industriel, d’un point de vue relatif, et aurait ainsi commis une erreur de droit en la classant dans le même groupe que Coats. De plus, la Commission serait elle-même partie du principe d’une position prépondérante de Coats, mais ne mentionnerait pas dans la décision attaquée la manière dont elle en a tenu compte.

169    La Commission serait obligée de tenir compte de la taille des autres entreprises concernées, la taille et la puissance économique des entreprises constituant des éléments d’appréciation de même valeur qui devraient, outre d’autres critères, être pris en compte dans le cadre de la fixation du montant de l’amende.

170    La Commission réfute ce moyen.

b)     Appréciation du Tribunal

 Sur la violation du principe de proportionnalité

171    Il importe de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Dans le contexte du calcul des amendes, la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments et il ne faut attribuer à aucun de ces éléments une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation. Le principe de proportionnalité implique dans ce contexte que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, points 226 à 228).

–       Quant à l’argument tiré de l’absence de prise en compte de la taille du marché

172    Les requérantes reprochent, à tort, à la Commission d’avoir fixé des amendes disproportionnées au regard de la taille des marchés concernés.

173    En effet, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, la Commission peut infliger des amendes aux entreprises dont le montant n’excède pas 10 % du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction. Pour déterminer le montant de l’amende à l’intérieur de cette limite, le paragraphe 3 de cette disposition prescrit la prise en considération de la gravité et de la durée de l’infraction. En outre, conformément aux lignes directrices, la Commission fixe le montant de départ en fonction de la gravité de l’infraction en tenant compte de la nature même de l’infraction, de son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable, et de l’étendue du marché géographique.

174    Ainsi, ni le règlement n° 1/2003 ni les lignes directrices ne prévoient que le montant des amendes doit être fixé directement en fonction de la taille du marché affecté, ce facteur n’étant qu’un élément pertinent parmi d’autres. Ce cadre juridique n’impose donc pas, en tant que tel, à la Commission de tenir compte de la faible taille du marché des produits (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T‑322/01, Rec. p. II‑3137, point 148).

175    Cependant, selon la jurisprudence, lors de l’appréciation de la gravité d’une infraction, il incombe à la Commission de tenir compte d’un grand nombre d’éléments dont le caractère et l’importance varient selon le type d’infraction en cause et les circonstances particulières de l’infraction concernée (arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, point 155 supra, point 120). Parmi ces éléments attestant de la gravité d’une infraction, il ne peut être exclu que puisse figurer, selon le cas, la taille du marché du produit en cause.

176    Par conséquent, si la taille du marché peut constituer un élément à prendre en considération pour établir la gravité de l’infraction, son importance varie en fonction des circonstances particulières de l’infraction concernée.

177    En l’espèce, l’infraction sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile a principalement consisté en la fixation de prix cibles pour les produits de base vendus à la clientèle automobile européenne, en l’échange d’informations sur les prix applicables à certains clients, en l’accord sur la fixation de prix cibles minimaux pour ces clients et l’accord visant à éviter de se faire concurrence par les prix à l’avantage du fournisseur attitré (décision attaquée, considérants 215 et 420). Quant à l’infraction sur le marché du fil industriel, elle a consisté essentiellement à échanger des informations sensibles sur les listes de prix et/ou les prix par client, à s’entendre sur des hausses de prix et/ou des prix cibles, à éviter de se faire concurrence par les prix à l’avantage du fournisseur attitré et à se répartir les clients (décision attaquée, considérants 99 à 125 et 345).

178    De telles pratiques constituent des restrictions horizontales de type « cartel de prix » au sens des lignes directrices et sont donc « très graves » par nature. Il convient, à cet égard, de souligner que les requérantes ne contestent pas la nature très grave de l’infraction commise pendant deux années sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile dans l’EEE, d’une part, ni la nature très grave de celle commise pendant plus de dix années sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques, d’autre part. Dans ce contexte, la faible taille des marchés en cause, à la supposer avérée, n’est que d’une importance moindre par rapport à l’ensemble des autres éléments attestant de la gravité de l’infraction.

179    En tout état de cause, il convient de tenir compte de ce que la Commission a estimé que les infractions devaient être considérées comme très graves au sens des lignes directrices, qui, pour de tels cas, prévoient que la Commission peut « envisager » un montant de départ dépassant les 20 millions d’euros. Toutefois, s’agissant de l’infraction sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile, la Commission a retenu un montant de départ, déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, de 5 millions d’euros pour les requérantes et de 1,3 million d’euros pour les autres entreprises (décision attaquée, considérants 432 à 435). De même, en ce qui concerne l’infraction sur le marché du fil industriel, la Commission a retenu un montant de départ de 14 millions d’euros pour les entreprises appartenant à la première catégorie (dont Amann), de 5,2 millions d’euros pour celle relevant de la deuxième catégorie, de 2,2 millions d’euros pour celles incluses dans la troisième catégorie et de 0,1 million d’euros pour celle comprise dans la quatrième catégorie (décision attaquée, considérant 358).

180    Il en résulte que les montants de départ qui ont servi de point de départ au calcul des amendes infligées aux requérantes ont correspondu à un montant nettement inférieur à celui que, en vertu des lignes directrices, la Commission aurait pu « envisager » pour des infractions très graves.

181    À la lumière de ces considérations, il convient de rejeter l’argument des requérantes tiré du caractère disproportionné des amendes infligées aux requérantes au regard de la taille du marché du fil destiné à l’industrie automobile dans l’EEE, d’une part, et de celle du marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques, d’autre part.

–       Quant à l’argument tiré d’une prise en compte exclusive du chiffre d’affaires sur les marchés concernés par les infractions

182    C’est à tort que les requérantes se prévalent d’une violation du principe de proportionnalité aux prétendus motifs que la Commission se serait exclusivement fondée sur le chiffre d’affaires des entreprises sur les marchés concernés pour les produits en cause pour déterminer le montant de départ des amendes et qu’elle n’aurait ainsi pas tenu compte de la différence de taille des entreprises visées.

183    Premièrement, en ce qui concerne le reproche fait à la Commission de s’être fondée sur le chiffre d’affaires des entreprises concernées sur les marchés concernés, il convient de relever que, pour la fixation du montant de départ des amendes, déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, la Commission a estimé nécessaire de procéder à un traitement différencié des entreprises impliquées dans les cartels afin de tenir compte de la capacité économique effective des contrevenants de porter un préjudice important à la concurrence ainsi que de fixer l’amende à un niveau garantissant un effet dissuasif suffisant. Elle a ajouté qu’il était nécessaire de tenir compte du poids spécifique de chaque entreprise, et donc de l’impact réel de son comportement illicite sur la concurrence. Aux fins de l’appréciation de ces éléments, la Commission a choisi de se fonder sur le chiffre d’affaires réalisé par chaque entreprise sur les marchés en cause pour les produits concernés par les ententes.

184    En conséquence, et comme il a été observé au point 179 ci-dessus, la Commission a réparti les entreprises concernées en deux catégories, s’agissant de l’infraction sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile. Les requérantes, compte tenu de leur chiffre d’affaires de 8,55 millions d’euros, ont été classées dans la première catégorie. Oxley, Coats et Barbour, compte tenu de leur chiffre d’affaires situé entre 1 et 3 millions d’euros, ont été placées dans la seconde catégorie. En ce qui concerne l’infraction sur le marché du fil industriel, la Commission a réparti les entreprises en quatre catégories. Amann et Coats, compte tenu de leur chiffre d’affaires situé entre 14 et 18 millions d’euros, ont été classées dans la première catégorie. BST, compte tenu de son chiffre d’affaires situé entre 5 et 8 millions d’euros, a été placée dans la deuxième catégorie. Gütermann, Barbour et Bieze Stork, compte tenu de leur chiffre d’affaires situé entre 2 et 4 millions d’euros, ont été placées dans la troisième catégorie et Zwicky, compte tenu de son chiffre d’affaires situé entre 0 et 1 million d’euros, a été placée dans la quatrième catégorie.

185    Sur la base des considérations qui précèdent, la Commission a retenu un montant de départ, déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, de 5 millions d’euros pour les requérantes s’agissant de la première infraction (décision attaquée, considérants 432 à 435) et de 14 millions d’euros pour Amann en ce qui concerne la seconde infraction (décision attaquée, considérants 356 à 358).

186    Il convient tout d’abord d’observer que les lignes directrices ne prévoient pas que le montant des amendes soit calculé en fonction du chiffre d’affaires global ou du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises sur le marché concerné. Toutefois, et à condition que le choix opéré par la Commission ne soit pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, les lignes directrices ne s’opposent pas à ce que de tels chiffres d’affaires soient pris en compte dans la détermination du montant de l’amende afin que soient respectés les principes généraux du droit communautaire et lorsque les circonstances l’exigent (arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, ci-après l’« arrêt Tokai I », point 195). Le chiffre d’affaires peut ainsi entrer en ligne de compte lors de la prise en considération des éléments d’appréciation que sont la capacité économique effective des auteurs de l’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et la détermination du montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif. La Commission peut également le prendre en compte lorsqu’elle apprécie le poids spécifique, et donc l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 82).

187    S’agissant du choix que peut opérer la Commission entre l’un et/ou l’autre chiffre d’affaires, il résulte de la jurisprudence que, dans le cadre de l’analyse effectuée en vue de fixer le montant d’une amende pour infraction aux règles communautaires de la concurrence, de la capacité économique effective des sociétés contrevenantes à porter un préjudice important à la concurrence, qui implique une appréciation de l’importance réelle de ces entreprises sur le marché affecté, c’est-à-dire de leur influence sur celui-ci, le chiffre d’affaires global ne présente qu’une vue incomplète des choses. Il ne saurait être exclu, en effet, qu’une entreprise puissante ayant une multitude d’activités différentes ne soit présente que de manière accessoire sur un marché de produits spécifique. De même, il ne saurait être exclu qu’une entreprise ayant une position importante sur un marché géographique extracommunautaire ne dispose que d’une position faible sur le marché communautaire ou celui de l’EEE. Dans de tels cas, le seul fait que l’entreprise concernée réalise un chiffre d’affaires global important ne signifie pas nécessairement qu’elle exerce une influence déterminante sur le marché affecté. C’est pourquoi, s’il est vrai que les chiffres d’affaires d’une entreprise réalisés sur les marchés concernés ne sauraient être déterminants afin de conclure qu’une entreprise appartient à une entité économique puissante, ils sont en revanche pertinents afin de déterminer l’influence que celle-ci a pu exercer sur le marché (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 29 novembre 2005, SNCZ/Commission, T‑52/02, Rec. p. II‑5005, point 65, et Union Pigments/Commission, T‑62/02, Rec. p. II‑5057, point 152).

188    En ce sens, il résulte d’une jurisprudence constante que la part du chiffre d’affaires provenant des marchandises faisant l’objet de l’infraction est de nature à donner une juste indication de l’ampleur de l’infraction sur le marché concerné (arrêts Cheil Jedang/Commission, point 186 supra, point 91, et du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II‑2597, point 196). En effet, ce chiffre d’affaires est de nature à donner une juste indication de la responsabilité de chaque entreprise sur lesdits marchés étant donné qu’il constitue un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence et représente donc un bon indicateur de la capacité de chaque entreprise concernée à créer un dommage.

189    Eu égard à ces considérations, la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité en privilégiant, lors de la fixation des montants de départ retenus dans le cadre du calcul des amendes infligées aux requérantes, les chiffres d’affaires réalisés sur les marchés concernés et pour les produits concernés.

190    Deuxièmement, à la lumière de ces considérations, le reproche fait à la Commission de ne pas avoir tenu compte, lors de la fixation du montant des amendes, de la taille des entreprises concernées déterminée par leur chiffre d’affaires global n’est pas non plus pertinent.

191    En effet, il convient de rappeler que les lignes directrices prévoient qu’il est nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, quatrième alinéa). Ces mêmes lignes directrices ajoutent que, dans les cas impliquant plusieurs entreprises, comme les cartels, il peut convenir de pondérer le montant de départ général, afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature, et d’adapter en conséquence le montant de départ général selon le caractère spécifique de chaque entreprise (point 1 A, sixième alinéa) (arrêt Cheil Jedang/Commission, point 186 supra, point 81).

192    En outre, ainsi qu’il a été relevé au point 186 ci-dessus, les lignes directrices ne prévoient pas que le montant des amendes soit calculé en fonction du chiffre d’affaires global des entreprises concernées, mais ne s’opposent pas non plus à ce que, dans le respect des conditions énoncées au même point du présent arrêt, un tel chiffre d’affaires soit pris en compte aux fins de ce calcul.

193    En l’espèce, ainsi qu’il a été observé aux points 183 à 189 ci-dessus, le choix de la Commission de se référer au chiffre d’affaires sur les marchés en cause pour déterminer la capacité de chaque entreprise concernée à créer un dommage était cohérent et objectivement justifié. En cela, la Commission poursuivait également un but de dissuasion en ce qu’elle mettait au grand jour qu’elle pénaliserait plus sévèrement les entreprises qui avaient participé à un cartel sur un marché sur lequel elles avaient eu un poids important.

194    Il s’ensuit que doit également être rejeté l’argument tiré du caractère disproportionné des amendes par rapport aux chiffres d’affaires globaux respectifs des requérantes. Ces dernières ne peuvent, en effet, valablement conclure à une disproportion du montant final de l’amende infligée, étant donné que le point de départ de leurs amendes est justifié à la lumière des critères retenus par la Commission pour l’appréciation de l’importance de chacune des entreprises sur le marché pertinent (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 304, et du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T‑303/02, Rec. p. II‑4567, point 185).

–       Sur le « système de forfaitisation » prévu par les lignes directrices

195     Les critiques émises par les requérantes à l’encontre du « système de forfaitisation » prévu par les lignes directrices sont dénuées de pertinence.

196    En effet, il est de jurisprudence constante que la méthode consistant, s’agissant de la fixation du montant des amendes infligées aux divers participants à une entente, à répartir les membres de l’entente en plusieurs catégories, ce qui entraîne une forfaitisation du montant de départ des amendes fixé pour les entreprises appartenant à une même catégorie, bien qu’elle revienne à ignorer les différences de taille entre entreprises d’une même catégorie, ne saurait être censurée, pourvu que les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement soient respectés (arrêts du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 385, du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T‑26/02, Rec. p. II‑713, points 83 à 85, et du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, point 150). Pourvu que ces principes soient respectés, il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer sur l’opportunité d’un tel système, à supposer même qu’il désavantagerait les entreprises de taille moins importante. Le Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité de l’exercice du pouvoir d’appréciation dont la Commission dispose en la matière, doit en effet se limiter à contrôler que la répartition des membres de l’entente en catégories est cohérente et objectivement justifiée, sans substituer d’emblée son appréciation à celle de la Commission (arrêt du 15 mars 2006, BASF/Commission, précité, point 157).

–       Sur l’absence de prise en compte de la situation des requérantes en tant que « moyenne entreprise »

197    L’argument selon lequel la Commission aurait dû tenir compte du fait que les requérantes étaient des moyennes entreprises est dénué de pertinence.

198    En effet, il convient de rappeler que, la Commission n’étant pas obligée d’effectuer le calcul du montant de l’amende à partir de montants basés sur le chiffre d’affaires des entreprises concernées, elle n’est pas non plus tenue d’assurer, au cas où des amendes seraient imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d’affaires global ou à leur chiffre d’affaires sur le marché du produit en cause (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Dansk Rørindustri/Commission, T‑21/99, Rec. p. II‑1681, point 202).

199    À cet égard, il y a lieu de préciser que l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003 n’exige pas non plus que, au cas où des amendes seraient imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, le montant de l’amende infligée à une entreprise de petite ou de moyenne taille ne soit pas supérieur, en pourcentage du chiffre d’affaires, à celui des amendes infligées aux entreprises plus grandes. En effet, il ressort de cette disposition que, tant pour les entreprises de petite ou de moyenne taille que pour les entreprises de taille supérieure, il y a lieu de prendre en considération, pour déterminer le montant de l’amende, la gravité et la durée de l’infraction. Dans la mesure où la Commission impose aux entreprises impliquées dans une même infraction des amendes justifiées, pour chacune d’elles, par rapport à la gravité et à la durée de l’infraction, il ne saurait lui être reproché que, pour certaines d’entre elles, le montant de l’amende soit supérieur, par rapport au chiffre d’affaires, à celui d’autres entreprises (voir, par analogie, arrêts du 20 mars 2002, Dansk Rørindustri/Commission, point 198 supra, point 203, et Westfalen Gassen Nederland/Commission, point 194 supra, point 174).

200    Ainsi, la Commission n’est pas tenue de diminuer le montant des amendes lorsque les entreprises concernées sont des petites et moyennes entreprises. La taille de l’entreprise est, en effet, déjà prise en considération par le plafond fixé par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 et par les dispositions des lignes directrices. À part ces considérations relatives à la taille, il n’y a aucune raison de traiter les petites et moyennes entreprises différemment des autres entreprises. Le fait que les entreprises concernées soient des petites et moyennes entreprises ne les exonère pas de leur devoir de respecter les règles de la concurrence (voir, par analogie, arrêt SNCZ/Commission, point 187 supra, point 84).

201    Pour l’ensemble de ces raisons, l’argument tiré d’une prétendue violation du principe d’égalité de sanction doit également être rejeté.

 Sur la violation du principe d’égalité de traitement

202    En ce qui concerne la prétendue violation du principe d’égalité de traitement, il convient d’observer que la répartition par catégories doit respecter le principe selon lequel il est interdit de traiter des situations comparables de manière différente et des situations différentes de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Dans cette optique, les lignes directrices prévoient en leur point 1 A, sixième alinéa, qu’une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature est, notamment, de nature à justifier une différenciation aux fins de l’appréciation de la gravité de l’infraction.

203    La répartition en groupes peut enfreindre le principe d’égalité de traitement soit entre les différents groupes, en traitant de manière différente des entreprises se trouvant dans une situation comparable, soit au sein de chaque groupe, en traitant de manière identique des entreprises se trouvant dans une situation différente. En l’espèce, les deux cas de figure sont dénoncés par les requérantes, le premier dans le cadre de l’entente sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile, le second dans le cadre de l’entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques. Il convient dès lors d’examiner si des différences de traitement entre les entreprises existent et si, le cas échéant, elles sont objectivement justifiées (voir, en ce sens, arrêt CMA CGM e.a./Commission, point 196 supra, points 407 et 408).

204    Il est constant qu’une différence de taille importante existe entre les requérantes et Coats. Dès lors qu’elles se sont vu appliquer, en ce qui concerne l’entente sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile dans l’EEE, un montant de départ différent en raison de leur classement dans deux catégories différentes, et, s’agissant de l’entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques, un montant de départ identique en raison de leur classement dans le même groupe, il convient d’examiner si la différence de traitement peut être objectivement justifiée par la prééminence accordée à l’importance respective des entreprises sur le marché en cause (déterminée par le chiffre d’affaires réalisé sur le marché en cause pour le produit concerné) par rapport à la taille des entreprises (déterminée par le chiffre d’affaires global).

205    À cet égard, le Tribunal a déjà jugé qu’il avait été cohérent et objectivement justifié de classer, dans un même groupe, plusieurs entreprises dont l’une avait un chiffre d’affaires global nettement, voire « sensiblement », inférieur à celui des autres entreprises, sur la base de leurs chiffres d’affaires sur le marché concerné et de leurs parts de marché très similaires, et de leur appliquer un montant de départ spécifique identique. Ce faisant, il a été considéré que la Commission n’avait nullement violé le principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêts Cheil Jedang/Commission, point 186 supra, points 104 à 115, et Union Pigments/Commission, point 187 supra, points 155 à 158).

206    La même conclusion s’impose en l’espèce. En effet, ainsi qu’il a été constaté ci-dessus, s’agissant du marché du fil destiné à l’industrie automobile, les requérantes et Coats ont été classées respectivement dans la première et dans la seconde catégorie au motif que le chiffre d’affaires des requérantes réalisé sur ce marché était environ cinq fois plus élevé que celui de Coats. De même, s’agissant du marché du fil industriel, Amann et Coats ont été placées dans la même catégorie, parce que leurs chiffres d’affaires réalisés sur ce marché étaient très similaires. Il est ainsi cohérent et objectivement justifié d’avoir regroupé lesdites entreprises sur cette base.

207    Il en résulte qu’aucune violation du principe d’égalité de traitement n’a été commise par la Commission.

208    Eu égard à ces considérations, le moyen tiré d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement doit être rejeté.

3.     Sur le moyen, invoqué par Amann, tiré de la fixation erronée du montant de départ de l’amende infligée pour l’entente concernant le fil industriel

a)     Arguments des parties

209    Amann soutient que la Commission a violé les lignes directrices en la classant dans la même catégorie que Coats.

210    En effet, tout d’abord, la Commission se serait fondée exclusivement sur les chiffres d’affaires réalisés en 2000 avec les produits faisant l’objet de l’entente sur le marché du fil industriel pour opérer la différenciation entre les entreprises. Or, elle aurait méconnu le fait que Coats avait acquis l’ensemble des parts de Barbour dès 1999 et que, partant, son chiffre d’affaires aurait dû être additionné à celui de Barbour lors de la différenciation.

211    Ensuite, la Commission n’ayant indiqué que des fourchettes de chiffres d’affaires pour ces deux entreprises (de 2 à 4 millions d’euros pour l’une, de 14 à 18 millions d’euros pour l’autre), Amann ne s’est pas estimée en mesure de déterminer le montant exact de ces chiffres d’affaires. Or, selon Amann, la Commission aurait dû faire preuve d’un soin tout particulier dans la fixation du montant de départ de l’amende dès lors que le système du calcul forfaitaire des amendes prévu par les lignes directrices ne tient, en définitive, pas compte des différences de taille entre les entreprises. Amann relève que la méthode utilisée pour classer les entreprises dans différents groupes doit être correcte, cohérente et non discriminatoire. La Commission n’aurait pas respecté ces obligations découlant du principe d’égalité de traitement. Amann estime de surcroît que, ne disposant que des fourchettes de chiffres d’affaires, elle n’est pas en mesure de savoir si la Commission a procédé de façon correcte, cohérente et non discriminatoire à la détermination du montant de départ de l’amende. Dans cette mesure, elle invoque également une violation de l’article 253 CE.

212    Enfin, la Commission aurait accordé au chiffre d’affaires provenant de la vente des produits ayant fait l’objet de l’infraction, une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation.

213    La Commission conclut au caractère non fondé de ce moyen.

b)     Appréciation du Tribunal

214    Premièrement, il convient d’examiner le grief d’Amann selon lequel la Commission n’aurait pas procédé de façon correcte, cohérente et non discriminatoire au classement des entreprises dans les différents groupes et à la détermination du montant de départ de l’amende.

215    Il y a tout d’abord lieu de rejeter l’argument d’Amann selon lequel la Commission n’a pas tenu compte, lors de la différenciation des montants de départ, du chiffre d’affaires de Barbour dont l’ensemble des parts avaient été acquises par Coats dès septembre 1999.

216    En effet, dans sa réponse du 11 avril 2005 à la demande de renseignements de la Commission, Coats a expliqué que, depuis septembre 1999, Barbour n’a pas exploité d’entreprise opérationnelle ni réalisé de chiffre d’affaires. Le chiffre d’affaires de 14 à 18 millions d’euros de l’année 2000 réalisé par Coats sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques inclut donc à la fois l’activité commerciale de Coats et l’activité de Barbour acquise par Coats en septembre 1999 et ne saurait dès lors être remis en cause.

217    Ensuite, il y a lieu de rappeler que la Commission a estimé nécessaire de procéder à un traitement différencié des entreprises impliquées dans le cartel afin de tenir compte de la capacité économique effective des contrevenants de porter un préjudice important à la concurrence ainsi que de fixer l’amende à un niveau garantissant un effet dissuasif suffisant. Elle a ajouté qu’il était nécessaire de tenir compte du poids spécifique du comportement illicite de chaque entreprise, et donc de son impact réel sur la concurrence (décision attaquée, considérants 354 et 355). Aux fins de l’appréciation de ces éléments, la Commission a choisi de se fonder sur le chiffre d’affaires réalisé par chaque entreprise sur le marché du fil industriel portant sur la dernière année de l’infraction, à savoir l’année 2000, tel qu’il ressort du tableau figurant au considérant 356 de la décision attaquée.

218    En conséquence, comme énoncé au point 184 ci-dessus, elle a réparti les entreprises en quatre catégories, a placé Amann et Coats dans la première catégorie et a retenu un montant de départ de 14 millions d’euros pour ces deux entreprises.

219    À cet égard, le Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité de l’exercice du pouvoir d’appréciation de la Commission, doit se limiter à contrôler que cette répartition est cohérente et objectivement justifiée (voir arrêt BASF/Commission, point 196 supra, point 157, et la jurisprudence citée).

220    Il y a lieu, à cet égard, de considérer qu’une répartition des entreprises en quatre catégories est une manière non déraisonnable de prendre en compte leur importance relative sur le marché afin de fixer le montant de départ, pour autant qu’elle n’aboutisse pas à une représentation grossièrement déformée du marché en cause. En l’espèce, la méthode de la Commission consistant à déterminer des catégories, en fonction des chiffres d’affaires réalisés sur le marché en cause pour le produit concerné, respectivement de 14 à 18 millions d’euros, de 5 à 8 millions d’euros, de 2 à 4 millions d’euros et de 0 à 1 million d’euros, ne peut, a priori, être considérée comme dépourvue de cohérence interne.

221    Les critiques d’Amann quant à la méthode de détermination des catégories et de fixation du montant de départ de l’amende pour chacune d’elles sont d’autant plus infondées que, en ce qui concerne la catégorie dans laquelle a été placée Amann, le montant de 14 millions d’euros choisi comme montant de départ pour le calcul de l’amende était le moins élevé de cette catégorie.

222    À cet égard, doit être rejeté l’argument d’Amann selon lequel elle n’aurait pas dû se trouver dans la même catégorie que Coats au motif allégué que leurs chiffres d’affaires respectifs sur le marché du fil industriel présentaient une différence d’au moins deux millions d’euros et que des entreprises présentant la même différence avaient été classées dans des catégories différentes. En effet, il y a lieu d’observer que, dans son arrêt du 14 juillet 2005, Acerinox/Commission (C‑57/02 P, Rec. p. I‑6689, points 74 à 80), auquel se réfère à juste titre la Commission, la Cour a admis le classement, dans la même catégorie, d’entreprises dont la différence entre les parts de marché était plus grande que celle existant dans le cas d’espèce.

223    Enfin, eu égard aux considérations émises aux points 182 à 194 ci-dessus, il convient de rejeter l’argument d’Amann tiré de ce que la Commission aurait accordé une importance disproportionnée au chiffre d’affaires provenant de la vente des produits ayant fait l’objet de l’infraction, par rapport aux autres éléments d’appréciation.

224    Partant, la Commission a procédé de façon correcte, cohérente et non discriminatoire au classement des entreprises dans les différents groupes et à la détermination du montant de départ de l’amende.

225    Deuxièmement, Amann se prévaut à tort de la violation de l’obligation de motivation au motif allégué qu’elle ne disposait que de fourchettes de chiffres d’affaires et ne pouvait dès lors connaître la manière dont la Commission avait déterminé les montants de départ en fonction desdits chiffres.

226    En effet, d’une part, il résulte de la jurisprudence que, dans la détermination du montant de l’amende en cas d’infraction aux règles de concurrence, les exigences de formes substantielles que constitue l’obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, point 1521). Ces exigences n’imposent pas à la Commission d’indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul des amendes, étant souligné, en tout état de cause, que la Commission ne saurait, par le recours exclusif et mécanique à des formules arithmétiques, se priver de son pouvoir d’appréciation. En ce qui concerne une décision infligeant des amendes à plusieurs entreprises, la portée de l’obligation de motivation doit être notamment appréciée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, points 464 et 465).

227    En l’espèce, il résulte des considérations qui précèdent que les conditions imposées par la jurisprudence ont été remplies, la Commission ayant indiqué qu’elle avait apprécié la gravité de l’infraction en appliquant les critères des lignes directrices et qu’elle avait ensuite classé les entreprises en fonction de leur importance sur le marché déterminée par leur chiffre d’affaires sur celui-ci et en déterminant un montant de départ qui tient compte de l’étendue du marché géographique en cause.

228    D’autre part, la Commission a rempli son obligation de motivation en indiquant des fourchettes des chiffres d’affaires suffisamment étroites pour permettre à Amann de déterminer la manière dont la Commission a fixé les montants de départ, tout en garantissant les secrets d’affaires.

229    Partant, aucune violation de l’obligation de motivation ne saurait être reprochée à la Commission.

230    Par conséquent, le moyen tiré de la fixation erronée du montant de départ de l’amende infligée pour l’entente concernant le fil industriel doit être rejeté comme non fondé.

4.     Sur le moyen, invoqué par Amann, tiré du calcul erroné de la durée de l’infraction sur le marché du fil industriel

a)     Arguments des parties

231    Selon Amann, le calcul de la durée de l’infraction est erroné.

232    Premièrement, la durée de l’infraction qu’elle aurait commise sur le marché du fil industriel dans le Benelux et dans les pays nordiques n’aurait été que de onze ans, et non de onze ans et neuf mois. Son ultime participation à l’infraction remonterait à la réunion du 16 janvier 2001 et non à celle du 18 septembre 2001, ce que confirmerait le considérant 147 de la décision attaquée. Ainsi, le montant de départ de l’amende n’aurait dû être majoré que de 110 % au maximum, et non de 115 %.

233    Au surplus, Amann souligne que, même s’il fallait conclure, sur la base des contacts bilatéraux dont l’existence est soutenue par la Commission, qu’elle était impliquée dans les accords en cause après le 16 janvier 2001, ce ne serait que jusqu’en mai 2001. L’infraction aurait alors duré pendant une période maximale de onze ans et quatre mois.

234    Deuxièmement, invoquant à cet égard plusieurs décisions de la Commission, Amann soutient que la première année de l’infraction n’aurait pas dû intervenir dans la majoration du montant de départ de l’amende.

235    Troisièmement, la Commission aurait dû faire usage de son pouvoir d’appréciation pour augmenter, en application du point 1 B, deuxième alinéa, des lignes directrices, le montant de départ en lui appliquant un pourcentage bien inférieur à 10 % pour chaque année d’infraction, dès lors que les prix du fil destiné à l’industrie du textile ne seraient, a priori, pas ou très peu susceptibles de produire durablement des effets nocifs à l’égard des consommateurs, la part de coût du fil ne représentant que 0,15 % dans les coûts des produits finaux.

236    La Commission réfute l’ensemble de ces griefs et, partant, demande que le moyen soit rejeté comme non fondé.

b)     Appréciation du Tribunal

237    Conformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, la durée de l’infraction constitue l’un des éléments à prendre en considération pour déterminer le montant de l’amende à infliger aux entreprises coupables d’infractions aux règles de concurrence.

238    En ce qui concerne le facteur relatif à la durée de l’infraction, les lignes directrices établissent une distinction entre les infractions de courte durée (en général inférieure à un an), pour lesquelles le montant de départ retenu au titre de la gravité ne devrait pas être majoré, les infractions de moyenne durée (en général de un à cinq ans), pour lesquelles ce montant peut être majoré jusqu’à 50 %, et les infractions de longue durée (en général au-delà de cinq ans), pour lesquelles ce montant peut être majoré pour chaque année de 10 % (point 1 B, premier à troisième alinéas).

239    Il ressort du considérant 359 de la décision attaquée qu’Amann a participé à l’entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques de janvier 1990 à septembre 2001, soit une période infractionnelle de 11 ans et 9 mois. Cette période correspond à une infraction de longue durée. Le montant de départ de son amende a, en conséquence, été majoré de 115 % au titre de la durée de l’infraction (considérant 360 de la décision attaquée).

240    Premièrement, le fait qu’Amann n’ait pas participé à la réunion multilatérale du 18 septembre 2001 ne saurait suffire à démontrer qu’elle aurait renoncé à participer à l’infraction après le 16 janvier 2001, date de la dernière réunion multilatérale à laquelle elle était présente.

241    Il ne pourrait être conclu à la cessation définitive de son appartenance à l’entente que si elle s’était distanciée publiquement du contenu de l’entente lors de la réunion du 16 janvier 2001, ce qu’elle n’a pas fait (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, T‑141/89, Rec. p. II‑791, point 85, et BPB de Eendracht/Commission, point 145 supra, point 203).

242    De plus, comme il est mentionné au considérant 99 de la décision attaquée, l’entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques était organisée à la fois par le biais de réunions multilatérales, mais également de réunions bilatérales. Or, Amann a effectivement entretenu des contacts bilatéraux réguliers après la date du 16 janvier 2001. Il ressort en effet du considérant 151 de la décision attaquée qu’Amann et Coats se sont envoyés des courriels visant à échanger des informations sur les prix, ce qu’Amann ne remet d’ailleurs pas en cause.

243    Le fait que les derniers courriels datent de mai 2001 ne saurait suffire à considérer qu’Amann aurait mis fin à sa participation à l’infraction dès le mois de juin 2001.

244    À cet égard, il y a lieu d’observer que, ainsi qu’il a été rappelé au point 27 ci-dessus, l’entente a consisté en l’échange d’informations sur les prix, les rabais et les prix spéciaux, et en des accords sur les futures listes de prix, sur les rabais et sur les prix spéciaux, ainsi qu’en des accords visant à éviter de se faire concurrence par les prix à l’avantage du fournisseur attitré et à se répartir les clients. Le simple fait, à le supposer établi, qu’Amann ait cessé, à la suite des courriels de mai 2001, de communiquer des informations aux autres membres de l’entente ne démontre pas qu’elle a cessé d’y participer (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑329/01, Rec. p. II‑3255, point 252).

245    Il s’ensuit que la Commission n’a commis aucune erreur de calcul en appliquant une majoration de 5 % au montant de départ de l’amende infligée à Amann pour sa participation à l’infraction postérieurement à la réunion multilatérale du 16 janvier 2001.

246    Deuxièmement, le mode de calcul consistant à ne pas prendre en compte la première année d’infraction lors de la majoration de l’amende en fonction de la durée de l’infraction ne présente pas les caractéristiques d’une pratique constante de la Commission. Celui-ci n’a, en effet, plus été appliqué dans des décisions de la Commission plus récentes. De plus, il y a lieu de constater, comme le fait la Commission, que les décisions invoquées par Amann à l’appui de son argumentation concernent des infractions d’une durée moyenne (jusqu’à 5 ans) et ne sont donc nullement illustratives d’une prétendue pratique décisionnelle constante de la Commission dans le cas d’infractions de longue durée. En outre, la Commission dispose dans le domaine de la fixation du montant des amendes d’un large pouvoir d’appréciation et elle n’est pas liée par les appréciations qu’elle a portées antérieurement (voir, en ce sens, arrêt Michelin/Commission, point 154 supra, point 292).

247    De surcroît, il ressort au contraire de l’arrêt Cheil Jedang/Commission (point 186 supra, point 133) invoqué par Amann, que les dispositions du point 1 B des lignes directrices n’énoncent aucunement que la première année d’infraction ne doit pas être prise en compte. En effet, il est seulement prévu que, pour les infractions de courte durée, en général d’une durée inférieure à un an, aucune majoration n’est appliquée. En revanche, une majoration est pratiquée pour les infractions d’une durée supérieure, majoration qui peut, par exemple, s’élever jusqu’à 50 % lorsque l’infraction a duré entre un et cinq ans. Le Tribunal a ajouté que, si cette dernière disposition ne prévoit pas une majoration automatique de 10 % par an pour les infractions de moyenne durée, elle laisse, à cet égard, une marge d’appréciation à la Commission. Il en va de même, par ailleurs, du point 1 B, troisième tiret, des lignes directrices, concernant les infractions de longue durée, qui prévoit seulement que le montant peut être majoré de 10 % par an (arrêt Cheil Jedang/Commission, précité, points 133 et 134). Dans l’arrêt Cheil Jedang/Commission, précité, la raison ayant conduit le Tribunal à conclure qu’une augmentation de 10 % ne devait pas être appliquée tient uniquement aux particularités du cas d’espèce, à savoir que, dans sa décision, la Commission avait appliqué, sans la moindre justification, un quantum de 40 % à l’égard de certaines entreprises pour une infraction ayant duré cinq ans tandis qu’elle avait retenu une majoration de 30 % à l’égard de la partie requérante pour une infraction d’une durée de deux ans et dix mois.

248    Troisièmement, c’est à tort qu’Amann fait valoir que la Commission n’aurait pas fait usage de son pouvoir d’appréciation en appliquant de façon automatique le taux maximal de majoration de 10 % par année d’infraction et, partant, en ne tenant pas compte du fait que les prix du fil industriel ne sont a priori pas ou très peu susceptibles de produire durablement des effets nocifs à l’égard du consommateur.

249    Il y a lieu de rappeler que, même si le point 1 B, premier alinéa, troisième tiret, des lignes directrices ne prévoit pas de majoration automatique de 10 % par année pour les infractions de longue durée, il laisse à cet égard une marge d’appréciation à la Commission (arrêts du Tribunal du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T‑410/03, Rec. p. II-881, point 396, et BPB/Commission, point 89 supra, point 362).

250    En l’espèce, il résulte du point 239 ci-dessus que la Commission a respecté les règles qu’elle s’était imposées dans les lignes directrices lors de l’augmentation du montant des amendes retenu au titre de la durée de l’infraction. En tenant compte des éléments du cas d’espèce, il convient de considérer que la Commission a correctement usé de son pouvoir d’appréciation en majorant l’amende de 10 % pour chaque année au cours de laquelle l’infraction s’est produite.

251    Il découle également d’une jurisprudence constante qu’une augmentation du montant de l’amende en fonction de la durée n’est pas limitée à l’hypothèse où il existerait une relation directe entre la durée et un préjudice accru causé aux objectifs communautaires visés par les règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission, T‑202/98, T‑204/98 et T‑207/98, Rec. p. II‑2035, point 106, et Michelin/Commission, point 154 supra, point 278).

252    En l’espèce, il ressort des considérants 347 à 351 de la décision attaquée que la Commission a examiné les effets nocifs concrets de l’entente sur le marché concerné. Elle a conclu qu’il était difficile de les mesurer avec précision, mais que l’impact des accords collusoires était bien réel.

253    À la lumière de la jurisprudence et en tenant compte des éléments du cas d’espèce, il convient de considérer que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en majorant l’amende de 10 % pour chaque année d’infraction.

254    En conséquence, le moyen tiré du calcul erroné de la durée de l’infraction sur le marché du fil industriel doit être rejeté.

5.     Sur le moyen, invoqué par Amann, tiré de l’absence de prise en compte de certaines circonstances atténuantes concernant l’infraction sur le marché du fil industriel

a)     Arguments des parties

255    Amann invoque le bénéfice d’une circonstance atténuante en application du point 3, septième tiret, des lignes directrices, en raison de sa décision unilatérale de renoncer, de sa propre initiative et avant les premières interventions de la Commission, à l’infraction. Elle soutient en effet ne plus avoir pris part à une réunion après celle du 16 janvier 2001, et avoir mis fin à tout contact bilatéral à partir du mois de mars 2001. Elle souligne à cet égard que, comme elle ne s’est pas prévalue du point 3, troisième tiret, des lignes directrices, la jurisprudence selon laquelle ce sont les interventions de la Commission qui doivent avoir incité les entreprises en cause à cesser leurs comportements anticoncurrentiels ne s’oppose en rien à la reconnaissance d’une circonstance atténuante. En agissant ainsi, Amann estime s’être exposée au risque de sanctions de la part de ses concurrents, en particulier de Coats. Loin d’être théorique, ce risque de représailles serait d’ailleurs démontré par les courriels échangés avec le représentant de Coats, ainsi que l’aurait confirmé BST lors de l’audition des 19 et 20 juillet 2004. La Commission se serait d’ailleurs abstenue d’examiner ces déclarations, violant ainsi l’obligation d’éclaircissement des faits s’imposant à elle.

256    Par ailleurs, en faisant valoir que la cessation de l’infraction aurait déjà été prise en considération lors de l’appréciation de sa durée, la Commission méconnaîtrait le fait que la durée objective d’une infraction doit être distinguée de l’aspect subjectif de la fin de celle-ci. Une prise en considération d’un comportement en tant que circonstance atténuante ne devrait pas être exclue dès lors que celui-ci a des effets positifs pour l’entreprise au niveau de la durée de l’infraction.

257    La Commission réfute ces arguments.

b)     Appréciation du Tribunal

258    Il convient tout d’abord de rappeler que les lignes directrices prévoient, en leur point 3, la diminution du montant de base pour des « circonstances atténuantes particulières » telles que le rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l’infraction, la non-application effective des accords collusoires, la cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission ou d’autres circonstances non explicitement mentionnées.

259    Il y a également lieu de constater que ce texte n’énumère pas de manière impérative les circonstances atténuantes que la Commission serait tenue de prendre en compte. Par conséquent, la Commission conserve une certaine marge pour apprécier d’une manière globale l’importance d’une éventuelle réduction du montant des amendes au titre des circonstances atténuantes (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, point 326). Ainsi, la Commission ne saurait aucunement être obligée d’accorder, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, une réduction d’amende pour la cessation d’une infraction manifeste, que cette cessation ait eu lieu avant ou après ses interventions (arrêt Tokai II, point 93 supra, point 292).

260    Il importe en outre de souligner que, selon une jurisprudence constante, la cessation des infractions aux règles de concurrence dès les premières interventions de la Commission, prévue par le point 3, troisième tiret, des lignes directrices ne peut logiquement constituer une circonstance atténuante que s’il existe des raisons de supposer que les entreprises en cause ont été incitées à cesser leurs comportements anticoncurrentiels par les interventions en question. En effet, il apparaît que la finalité de cette disposition est d’encourager les entreprises à cesser leurs comportements anticoncurrentiels immédiatement lorsque la Commission entame une enquête à cet égard. Une réduction du montant de l’amende à ce titre ne saurait être appliquée dans le cas où une décision ferme de mettre fin à l’infraction a déjà été prise par ces entreprises avant la date des premières interventions de la Commission ou dans le cas où l’infraction a déjà pris fin avant cette date. Cette dernière hypothèse est suffisamment prise en compte par le calcul de la durée de la période infractionnelle retenue (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, Rec. p. I‑829, point 158 ; arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, Rec. p. II‑2223, points 280 et 281, et du 12 décembre 2007, BASF/Commission, point 91 supra, point 128).

261    Par ailleurs, il convient de relever qu’Amann fonde son droit à bénéficier de circonstances atténuantes sur le fait d’avoir unilatéralement décidé, dès après la réunion du 16 janvier 2001, de ne plus prendre part à aucune autre réunion et de mettre fin à tout contact bilatéral. Or, ainsi qu’il a été constaté aux points 240 et suivants ci-dessus, Amann a continué à participer à des réunions bilatérales postérieurement à cette réunion multilatérale.

262    Pour ces mêmes raisons, doit également être rejeté l’argument d’Amann selon lequel Coats aurait joué le rôle de chef de file dans l’entente et aurait proféré des menaces à son égard à la suite de sa décision de ne plus participer à l’infraction. À cet égard, l’argument de la requérante tiré d’une violation de l’obligation d’éclaircissement des faits s’imposant à la Commission est inopérant. En effet, ainsi qu’il résulte du point 261 ci-dessus, le postulat de départ de la requérante selon lequel elle a mis fin à sa participation à l’infraction après la réunion du 16 janvier 2001 est inexact. Elle ne saurait donc valablement soutenir que la cessation de l’infraction après cette réunion aurait eu pour effet de l’exposer à des représailles de la part de Coats et, partant, ne saurait se prévaloir d’une quelconque violation de l’obligation d’éclaircissements de faits à cet égard.

263    Enfin, à supposer même qu’Amann ait cessé de participer plus tôt à l’infraction, il résulte de la jurisprudence précitée que la Commission conserve une certaine marge pour apprécier d’une manière globale l’importance d’une éventuelle réduction du montant des amendes au titre des circonstances atténuantes et ne saurait aucunement être obligée d’accorder une telle réduction d’amende pour la cessation d’une infraction manifeste avant ses interventions.

264    Partant, le présent moyen doit être rejeté.

6.     Sur le moyen, invoqué par les requérantes, tiré du calcul erroné du montant de départ et du montant de base de l’amende infligée pour l’infraction sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile

a)     Arguments des parties

265    Premièrement, les requérantes dénoncent une fixation arbitraire du montant de départ de l’amende infligée pour l’infraction sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile. La décision attaquée ne permettrait en effet pas de connaître la manière dont la Commission a calculé ledit montant ni sur quelle base elle a défini les catégories. En effet, les montants de départ (5 millions d’euros pour les requérantes et 1,3 million d’euros pour les autres entreprises en cause) ne correspondraient pas précisément aux différents chiffres d’affaires réalisés avec le produit faisant l’objet de l’entente.

266    Ensuite, la Commission n’aurait pas expliqué la raison pour laquelle, à l’inverse de Coats et de Barbour, elle considérait les requérantes comme une unité d’entreprises. À cet égard, les allégations de la Commission quant à l’exercice d’une forte influence d’Amann sur Cousin avant l’acquisition de la majorité des parts de cette dernière ne seraient pas convaincantes. Selon les requérantes, la situation de Coats et de Barbour aurait dû être appréciée de la même manière que celle des requérantes. Les informations fournies par Oxley dans la réponse à la communication des griefs tendraient également à démontrer que la Commission aurait sous-estimé l’importance de « Coats/Barbour ». Or, les requérantes soutiennent qu’il n’est pas exclu que, si la Commission avait correctement classé ces entreprises, elle serait parvenue à un autre montant de départ. Au regard de ces observations, la décision attaquée ne serait pas motivée.

267    La réponse de la Commission confirmerait son erreur de logique, puisque la participation de Barbour n’a été prise en considération que jusqu’à son acquisition par Coats en septembre 1999 et que, après ladite acquisition, elle n’a pris en compte que le chiffre d’affaires de Coats alors qu’elle aurait dû également imputer à Coats le chiffre d’affaires réalisé par Barbour au cours de l’année 1999. Le montant de ce chiffre d’affaires aurait été d’environ 6 millions d’euros. Partant, les requérantes critiquent le fait que le montant de départ qui leur a été appliqué soit de 5 millions d’euros (leurs chiffres d’affaires cumulés s’élevant à 8,55 millions d’euros) alors que le montant de départ appliqué à Coats n’est que de 1,3 million d’euros (son chiffre d’affaires s’élevant à environ 6 millions d’euros). Elles dénoncent également le fait que la catégorisation effectuée par la Commission ait abouti à ce que leurs chiffres d’affaires cumulés ont été pris en considération pour l’intégralité de la période alors que celui de Barbour n’a plus été pris en compte, dans le cadre de la fixation du montant de l’amende, dès son acquisition par Coats.

268    Deuxièmement, le calcul du montant de base en fonction de la durée de l’infraction, de mai/juin 1998 au 15 mai 2000, soit un an et onze mois, et l’augmentation du montant de départ de l’amende de 15 % en résultant seraient erronés.

269    Selon les requérantes, il n’existe pas de preuve qu’une réunion s’est tenue en mai/juin 1998 ni qu’elles y ont pris part. Elles font observer que la seule preuve sur laquelle la Commission se fonde est la réponse de Coats à la demande de renseignements. Or, cette réponse de Coats ne reposerait que sur une note d’un ancien collaborateur. La tenue de cette réunion ne s’appuierait donc que sur des « on-dit » et l’authenticité de la note susciterait des doutes que la Commission aurait dû lever en procédant à des vérifications. Selon les requérantes, la première réunion n’avait eu lieu qu’en juin 1999. Oxley n’aurait pas été en mesure de fournir la moindre indication sur cette réunion et Coats n’aurait pas été en mesure de fournir des explications précises concernant sa participation. Étant donné les incertitudes existant quant à cette réunion, les requérantes reprochent en outre à la Commission de n’avoir nullement cherché à clarifier l’endroit où une telle réunion aurait eu lieu. Elles estiment donc que le calcul du montant de base de l’amende ne devait se faire qu’à partir du 15 avril 1999.

270    La Commission réfute ce moyen.

b)     Appréciation du Tribunal

271    Il convient, premièrement, d’examiner l’argument tiré d’une fixation arbitraire du montant de départ de l’amende.

272    À cet égard, il y a lieu de rappeler que les lignes directrices prévoient, en premier lieu, l’appréciation de la gravité de l’infraction en tant que telle, sur la base de laquelle un « montant de départ général » peut être fixé. La gravité de l’infraction est ainsi déterminée en fonction d’éléments objectifs tels que la nature de l’infraction, son impact concret sur le marché si celui-ci est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné. En deuxième lieu, la gravité de l’infraction est analysée sur la base d’une variété d’éléments subjectifs. Sont ainsi prises en compte les caractéristiques de l’entreprise concernée, notamment sa taille et sa position sur le marché pertinent, ce qui peut donner lieu à la pondération du montant de départ, au classement des entreprises en catégories et à la fixation d’un « montant de départ spécifique ». En troisième lieu, la durée de l’infraction est prise en compte pour la fixation du montant de base de même que, en quatrième lieu, les circonstances aggravantes et atténuantes permettant d’évaluer notamment la gravité relative de la participation à l’infraction de chacune des entreprises concernées.

273    S’agissant plus particulièrement des éléments subjectifs pris en compte pour la fixation du montant de départ, les lignes directrices prévoient qu’il est nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif (point 1 A, quatrième alinéa).

274    Selon ces mêmes lignes directrices, dans les cas impliquant plusieurs entreprises, comme les cartels, il peut convenir de pondérer le montant de départ général, afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature, et d’adapter en conséquence le montant de départ général selon le caractère spécifique de chaque entreprise (point 1 A, sixième alinéa) (arrêt Cheil Jedang/Commission, point 186 supra, point 81).

275    Il convient d’observer que les lignes directrices ne prévoient pas que le montant des amendes soit calculé en fonction du chiffre d’affaires global ou du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises sur le marché concerné. Toutefois, elles ne s’opposent pas non plus à ce que de tels chiffres d’affaires soient pris en compte dans la détermination du montant de l’amende afin que soient respectés les principes généraux du droit communautaire et lorsque les circonstances l’exigent. Le chiffre d’affaires peut ainsi entrer en ligne de compte lors de la prise en considération des différents éléments énumérés aux points 269 et 270 ci-dessus (arrêts Cheil Jedang/Commission, point 186 supra, point 82, et Tokai I, point 186 supra, point 195).

276    En l’espèce, il ressort des considérants 418 et suivants de la décision attaquée que la Commission a respecté les dispositions des lignes directrices. Elle a, en effet, pris en considération la nature de l’infraction, son impact concret sur le marché ainsi que l’étendue du marché géographique concerné. Compte tenu de ces facteurs, elle a qualifié l’infraction de très grave tout en précisant, au considérant 428 de la décision attaquée, qu’elle tiendrait compte de la petite taille du marché concerné pour fixer le montant de l’amende.

277    Ensuite, comme dans le cadre de l’entente sur le marché du fil industriel dans le Benelux et les pays nordiques, elle a estimé nécessaire de procéder à un traitement différencié des entreprises impliquées dans le cartel du fil destiné à l’industrie automobile afin de tenir compte de la capacité économique effective des contrevenants de porter un préjudice important à la concurrence ainsi que de fixer l’amende à un niveau garantissant un effet dissuasif suffisant. Elle a ajouté qu’il était nécessaire de tenir compte du poids spécifique du comportement illicite de chaque entreprise, et donc de son impact réel sur la concurrence. Aux fins de l’appréciation de ces éléments, la Commission a choisi de se fonder sur le chiffre d’affaires sur le marché concerné pour le produit concerné par l’entente (décision attaquée, considérants 430 à 432).

278    En conséquence, elle a regroupé les entreprises en deux catégories. Amann et Cousin, compte tenu d’un chiffre d’affaires cumulé de 8,55 millions d’euros, ont été classées dans la première catégorie. Coats, Oxley et Barbour, compte tenu de leur chiffre d’affaires estimé entre 1 et 3 millions d’euros, ont été placées dans la seconde catégorie. La Commission a retenu un montant de départ, déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, de 5 millions d’euros pour Amann et Cousin et de 1,3 million d’euros pour Coats, Oxley et Barbour (décision attaquée, considérants 432 à 435).

279    Ainsi qu’il a été souligné aux points 216 à 221 ci-dessus, le Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité de l’exercice du pouvoir d’appréciation de la Commission, doit se limiter à contrôler que cette répartition est cohérente et objectivement justifiée (voir arrêt BASF/Commission, point 196 supra, point 157, et la jurisprudence citée).

280    Il y a lieu, à cet égard, de considérer qu’une répartition des entreprises en deux catégories est une manière non déraisonnable de prendre en compte leur importance relative sur le marché afin de fixer le montant de départ, pour autant qu’elle n’aboutisse pas à une représentation grossièrement déformée du marché en cause. En l’espèce, la méthode de la Commission consistant à fixer des catégories, en fonction des chiffres d’affaires réalisés sur le marché en cause pour le produit concerné ne peut, a priori, être considérée comme dépourvue de cohérence interne.

281    S’agissant de la détermination en tant que telle du montant de départ, il y a lieu de considérer que le choix du chiffre de 5 millions d’euros pour les entreprises classées dans la première catégorie ne saurait être qualifié d’arbitraire et ne dépasse pas les limites du large pouvoir d’appréciation dont elle dispose en la matière. Ce chiffre a en effet été déterminé en tant compte des catégories qui, elles-mêmes, ont été valablement établies, ainsi qu’il a été constaté aux points 277 et 278 ci-dessus. De surcroît, le chiffre de 5 millions d’euros choisi comme montant de départ est inférieur au chiffre d’affaires de la requérante qui a servi de référence à la première catégorie.

282    Compte tenu de ces observations, les requérantes affirment à tort que c’est de façon arbitraire que la Commission a défini les deux catégories et calculé le montant de départ de l’amende.

283    Est ensuite dénué de pertinence le reproche fait à la Commission de ne pas avoir considéré Coats et Barbour comme une « unité d’entreprises » et, partant, de ne pas avoir additionné leurs chiffres d’affaires. En effet, il résulte de la décision attaquée (considérants 40 et 67) que Coats n’a acquis Barbour qu’en septembre 1999. Cette dernière constituait ainsi une entreprise juridiquement indépendante et, à ce titre, pouvait être tenue individuellement responsable de l’infraction commise pour la période de mai/juin 1998 à septembre 1999. Quant à Coats, il ressort de la décision attaquée qu’elle a participé à l’infraction du 8 juin 1999 au 15 mai 2000 et, partant, qu’elle pouvait être tenue individuellement responsable de ses comportements infractionnels.

284    Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il n’y avait pas lieu d’additionner les chiffres d’affaires de Coats et de Barbour et de classer ces dernières dans la première catégorie.

285    Il convient toutefois de relever que la Commission a pris en compte le seul chiffre d’affaires de Coats pour l’année 1999. Or, il serait justifié d’ajouter à ce chiffre la part du chiffre d’affaires de Barbour pour les mois d’octobre à décembre 1999, soit 3/12 du chiffre d’affaires annuel de Barbour. Le chiffre d’affaires de Coats aurait ainsi dû être augmenté d’un montant compris entre 250 000 et 750 000 euros. Cependant, cette erreur de calcul ne remet nullement en cause le classement des requérantes dans la première catégorie ni le montant de départ qui leur a été appliqué. Les requérantes ne contestent en effet pas le constat fait par la Commission aux considérants 323 et 433 de la décision attaquée, selon lequel elles devaient être considérées comme une « unité d’entreprises » et que, à ce titre, la Commission a additionné, à juste titre, leurs chiffres d’affaires respectifs.

286    Doit enfin être rejeté l’argument tiré d’une violation de l’article 253 CE au motif, d’une part, que la Commission n’aurait pas expliqué la raison pour laquelle, à l’inverse de Coats et de Barbour, elle considérait les requérantes comme une « unité d’entreprises », et, d’autre part, que la détermination et le calcul du montant de départ seraient incompréhensibles.

287    En effet, d’une part, la Commission a clairement indiqué aux considérants 323 et 433 de la décision attaquée les raisons pour lesquelles les requérantes devaient être considérées comme une « unité d’entreprises ». D’autre part, ainsi qu’il a été observé au point 226 ci-dessus, l’obligation de motivation n’impose pas à la Commission d’indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul des amendes, étant souligné, en tout état de cause, que la Commission ne saurait, par le recours exclusif et mécanique à des formules arithmétiques, se priver de son pouvoir d’appréciation.

288    En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 276 à 278 ci-dessus, la Commission a parfaitement rempli son obligation de motivation en indiquant, aux considérants 418 et suivants de la décision attaquée, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité de l’infraction.

289    Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument tiré d’une fixation erronée du montant de base de l’amende en raison d’une détermination erronée de la durée de l’infraction, il ressort des pièces du dossier que la première réunion relative au marché du fil destiné à l’industrie automobile s’est tenue non pas en juin 1999 comme le soutiennent les requérantes, mais en mai/juin 1998.

290    Dans sa réponse à la communication des griefs, Amann mentionne expressément l’existence de cette réunion et indique qu’elle a permis aux participants d’établir un premier contact entre eux, d’échanger des informations sur certains prix et de manifester leur intention de fixer des prix pour une période qui n’excéderait pas six mois.

291    Il y a donc lieu de considérer que cet argument manque en fait.

292    En outre, le reproche fait à la Commission de ne pas avoir pu déterminer avec exactitude si la réunion s’était tenue en mai ou en juin n’est pas pertinent dès lors que le calcul de la durée de l’infraction s’est opéré à partir du mois de juin, lequel constitue un point de départ plus favorable aux requérantes.

293    Eu égard à ces considérations, le moyen tiré du calcul erroné du montant de départ et du montant de base de l’amende doit être rejeté.

7.      Sur le moyen, invoqué par les requérantes, tiré d’une prétendue absence de prise en considération du défaut de mise en œuvre de l’entente concernant le fil destiné à l’industrie automobile

a)     Arguments des parties

294    Les requérantes soutiennent que les constatations de la Commission relatives à l’impact de l’infraction sur le marché sont erronées. En effet, la décision attaquée n’aurait pas établi la mise en œuvre effective des accords conclus dans le cadre de l’entente concernant le fil destiné à l’industrie automobile. Les documents sur lesquels la Commission fonde ses assertions quant à la mise en œuvre effective de l’entente ne seraient invoqués qu’en tant que preuves de l’existence de réunions entre les participants. La Commission admettrait elle-même, au considérant 427 de la décision attaquée, avoir rencontré des difficultés au niveau de la constatation de la mise en œuvre de l’entente.

295    En particulier, la Commission affirmerait à tort que Cousin aurait imposé des augmentations de prix à son client Johnson Controls. Les requérantes ont souligné que cette augmentation correspondait à leur politique de prix individuelle et n’avait aucun rapport avec les accords. À cet égard, les requérantes ne se sont pas vu accorder le droit d’être entendues sur ce point qui a été soulevé pour la première fois dans la décision attaquée et considèrent dès lors qu’il ne peut être utilisé en tant que preuve de la mise en œuvre de l’entente.

296    Les requérantes invoquent l’obligation incombant à la Commission de tenir compte, lors de l’évaluation de la gravité de l’infraction, de tous les éléments pouvant être déterminants au niveau de l’impact concret de l’infraction sur le marché. À cet égard, la Commission aurait retenu l’existence d’une circonstance atténuante justifiant une atténuation de la peine même dans les affaires dans lesquelles les accords n’auraient été que partiellement mis en œuvre. L’absence de mise en œuvre étant plus importante en l’espèce, les requérantes estiment que la Commission aurait dû la prendre en considération conformément à sa pratique décisionnelle et, partant, leur accorder le bénéfice d’une circonstance atténuante en vertu du point 3, deuxième tiret, des lignes directrices, ou en tenir compte dans le cadre de la détermination de la gravité de l’infraction.

297    La Commission réfute ce moyen.

b)     Appréciation du Tribunal

298    À titre liminaire, il convient de relever que le considérant 233 de la décision attaquée fait apparaître que, lors de la réunion du 9 juillet 1999, Cousin a indiqué qu’elle tenterait d’augmenter les prix appliqués à son client Johnson Controls. Il résulte également des observations de Barbour qu’un représentant de Cousin a téléphoné à un représentant de Barbour pour lui confirmer que l’augmentation avait été réalisée. Il convient enfin de constater que Cousin confirme avoir augmenté ses prix, mais soutient que cette augmentation n’a en rien résulté d’un accord.

299    En premier lieu, les requérantes prétendent à tort que la référence à l’augmentation des prix appliqués à Johnson Controls n’a jamais été invoquée dans la communication des griefs et que, dès lors, elles n’ont pas eu l’occasion d’y répondre. Un tel argument manque en fait, la Commission s’y étant référée de façon explicite aux points 192 et 201 de la communication des griefs.

300    En deuxième lieu, la Commission a, à juste titre, conclu à une mise en œuvre de l’accord en se fondant sur l’augmentation précitée des prix à l’égard de Johson Controls. En effet, les déclarations de Cousin lors de la réunion du 9 juillet 1999 relatives à son intention d’augmenter les prix à l’égard de Johnson Controls, l’entretien téléphonique entre celle-ci et Barbour annonçant la concrétisation de cette intention et la confirmation par Cousin de cette augmentation dans le cadre de la procédure administrative constituent un faisceau d’indices suffisant à cet égard. Il appartenait donc aux requérantes de démontrer que l’augmentation des prix ne constituait nullement l’application d’un accord, ce qu’elles sont restées en défaut de faire en se contentant d’invoquer leur « politique individuelle en matière de prix ».

301    En troisième lieu, s’agissant des effets de l’infraction, la Commission a considéré, au considérant 427 de la décision attaquée, que les accords collusoires avaient été mis en œuvre et qu’ils avaient eu un impact sur le marché concerné et pour le produit concerné, « même s’il est difficile de mesurer cet impact avec précision ». Il convient de rappeler que, en matière de concurrence, la charge de la preuve de l’existence d’effets d’une infraction sur un marché, qui incombe à la Commission lorsqu’elle tient compte de ces effets dans le cadre du calcul de l’amende en fonction de la gravité de l’infraction, est moins lourde que celle qui pèse sur elle lorsqu’elle doit démontrer l’existence en tant que telle d’une infraction dans le cas d’une entente. En effet, pour tenir compte de l’impact concret de l’entente sur le marché, il suffit que la Commission fournisse « de bonnes raisons d’en tenir compte » (arrêt Jungbunzlauer/Commission, point 171 supra, point 161). L’augmentation des prix à l’égard de Johnson Controls constitue ainsi, à elle seule, une très bonne raison pour tenir compte de l’impact concret de l’infraction sur le marché.

302    En quatrième lieu, il résulte des considérations qui précèdent que les requérantes ne peuvent nullement revendiquer le bénéfice de la circonstance atténuante de la non-application effective des accords.

303    Il s’ensuit que le moyen doit être rejeté.

8.     Sur le moyen tiré de la violation du droit d’être entendu et des droits de la défense

a)     Arguments des parties

304    Deux griefs sont invoqués à l’appui de ce moyen. Le premier grief est tiré de la violation du droit d’être entendu, le second grief est tiré de la violation des droits de la défense.

305    Premièrement, Amann estime que son droit d’être entendue, consacré par l’article 27, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, a été violé. La Commission aurait en effet fondé une partie importante de sa décision concernant certains rabais sur des documents mentionnés au considérant 116 de la décision attaquée. Or, ces documents et les conclusions qu’en tire la Commission n’auraient, dans ce contexte, pas été portés à la connaissance d’Amann dans la communication des griefs. Ces documents ne pourraient donc être utilisés en tant que preuves d’une infraction aux articles 81 CE et 53 EEE. Amann indique en effet que la simple présence de ces documents dans le dossier de la Commission et la possibilité de les consulter dans le cadre de l’accès au dossier ne peuvent suffire à assurer le respect du droit d’être entendu.

306    La Commission aurait également violé son droit d’être entendue en se fondant sur des griefs au sujet desquels elle n’aurait pas eu l’occasion de présenter ses observations. La décision attaquée ferait en effet référence à une discussion portant sur la réduction des rabais en Suède, le 19 septembre 2000, pour fonder le reproche d’un échange d’informations sur les rabais et d’un accord pour les réduire. Or, la communication des griefs ne contiendrait aucune indication au sujet d’accords de ce type concernant la Suède, mais évoquerait plutôt de tels accords pour la Finlande. Amann constate que la Commission a elle-même reconnu, au considérant 116 de la décision attaquée, avoir mentionné par erreur la Finlande au lieu de la Suède dans la communication des griefs. Elle estime donc ne pas avoir été entendue sur ce point. La Commission affirmerait à tort qu’Amann aurait été en mesure de déduire du document cité dans la communication des griefs qu’il s’agissait d’un reproche concernant la Suède. Le document en question, à savoir un courrier électronique du 10 octobre 2000, aurait, en effet, été mentionné dans un contexte autre que celui des accords concernant les rabais. De plus, le contenu du document n’aurait permis en rien de conclure à un accord concret concernant des rabais. Amann fait valoir que, selon la jurisprudence, ce ne sont pas les documents en tant que tels qui importent, mais les conclusions qu’en a tirées la Commission. Cette jurisprudence trouverait application en l’espèce même si la décision attaquée a mentionné l’existence du courrier électronique précité, cette mention ayant été faite dans un autre contexte.

307    De plus, la Commission se contredirait en soutenant qu’elle entendait en réalité faire référence à la Suède au lieu de la Finlande, tout en faisant valoir par ailleurs qu’il y a eu des accords dans les deux pays.

308    Deuxièmement, selon les requérantes, la Commission a violé leurs droits de la défense en exigeant d’elles des réponses à des questions relatives à des contacts entretenus avec des concurrents, figurant dans les demandes de renseignements des 6 et 24 mars 2003, sans préciser qu’elles étaient interrogées en tant qu’« inculpées ». Elles font valoir que, selon la jurisprudence, il ne pourrait être exigé des requérantes qu’elles fournissent des détails sur les aspects abordés et les décisions prises dans le contexte des contacts entretenus avec des concurrents et, a fortiori, être demandé aux entreprises, outre une description pure et simple des faits et la production de documents existants, des renseignements concernant l’objet, le déroulement et les résultats de contacts avec les concurrents lorsque la Commission soupçonne manifestement que ces rencontres avaient pour but de restreindre la concurrence. Or, les requérantes considèrent que tel a été le cas en l’espèce, se fondant à cet égard sur le point 4.1 des demandes de renseignements précitées.

309    Étant donné que les requérantes ont répondu de manière circonstanciée à toutes les questions de la Commission, malgré l’existence d’un droit de refus, elles invoquent le bénéfice d’une réduction supérieure à celle de 15 % appliquée à leurs amendes, en application du point D 2 de la communication sur la coopération. Elles estiment ainsi être allées bien au-delà de ce que la Commission était en droit d’exiger.

310    Elles considèrent également comme insuffisante la réduction de 15 % précitée, en comparaison de celle de 50 % octroyée à Coats. En effet, selon elles, la Commission aurait dû tenir compte du fait que, dans le cadre de la vérification, elle avait déjà trouvé des documents essentiels qui lui permettaient de constater sans difficulté l’existence d’une infraction dans les domaines concernés. En outre, Coats aurait possédé un avantage à l’égard de ses concurrents puisqu’elle était déjà informée de l’imminence d’une procédure de sorte que l’introduction d’une demande de clémence s’imposait d’elle-même. De plus, Coats aurait joué un rôle de chef de file, ce que confirmeraient plusieurs entreprises impliquées. Tenant compte de ces éléments, les requérantes estiment qu’elles auraient dû bénéficier du même traitement que Coats.

311    La Commission réfute ce moyen.

b)     Appréciation du Tribunal

 Sur la prétendue violation du droit d’être entendu

312    Selon une jurisprudence bien établie, la communication des griefs doit contenir un exposé des griefs libellés dans des termes suffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission et de faire valoir utilement leur défense avant que la Commission n’adopte une décision définitive. Cette exigence est respectée dès lors que ladite décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T‑352/94, Rec. p. II‑1989, point 63 ; CMA CGM e.a./Commission, 196 supra, point 109, et Tokai II, point 93 supra, point 138).

313    Ainsi, les droits de la défense ne sont violés du fait d’une discordance entre la communication des griefs et la décision finale qu’à condition qu’un grief retenu dans celle-ci n’y ait pas été exposé d’une manière suffisante pour permettre aux destinataires de se défendre (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T‑48/00, Rec. p. II‑2325, point 100).

314    Il résulte également de la jurisprudence que ce qui importe, ce ne sont pas les documents en tant que tels, mais les conclusions qu’en a tirées la Commission, et que, si ces documents n’ont pas été mentionnés dans la communication des griefs, l’entreprise concernée a pu à juste titre estimer qu’ils n’avaient pas d’importance aux fins de l’affaire. En n’informant pas une entreprise que certains documents seraient utilisés dans la décision, la Commission l’empêche de manifester en temps utile son opinion sur la valeur probante de ces documents. Il s’ensuit que ces documents ne peuvent être considérés comme des moyens de preuve valables en ce qui la concerne (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 27, et du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C‑62/86, Rec. p. I‑3359, point 21 ; arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T‑11/89, Rec. p. II‑757, point 55).

315    Toutefois, un document utilisé par la Commission à l’appui d’un grief dans la décision finale alors même que ce document a été utilisé dans la communication des griefs pour établir un autre grief ne peut être retenu dans la décision contre l’entreprise concernée que si celle-ci a pu déduire raisonnablement, à partir de la communication des griefs et du contenu du document, les conclusions que la Commission entendait tirer (voir, en ce sens, arrêt Shell/Commission, point 314 supra, point 62).

316    C’est à la lumière de la jurisprudence qui vient d’être exposée qu’il y a lieu d’examiner le grief soulevé par Amann.

317    Il convient de rappeler que, au considérant 116 de la décision attaquée, la Commission a reconnu avoir erronément mentionné aux points 104 et 126 de la communication des griefs qu’une réduction des rabais en Finlande avait été convenue à la réunion du 19 septembre 2000 à Budapest (Hongrie). Elle a rectifié cette erreur à ce même considérant 116 en soulignant que le pays concerné par la réduction de rabais était en réalité la Suède.

318    Il y a tout d’abord lieu de constater que le titre précédant les points 125 et 126 de la communication des griefs, intitulé « Réunion à l’hôtel Mercure de Budapest du 19 septembre 2000 », renvoie à la note en bas de page n° 244, laquelle fait référence au courrier électronique du 10 octobre 2000 contenant les éléments abordés au cours de cette réunion, dont la diminution des rabais en Suède.

319    Force est également de relever qu’Amann a eu connaissance de ce document, ce dont atteste sa réponse à la communication des griefs. Cette dernière mentionne en effet que ce document contient un courriel de J. L. (Coats) à F. S. (Coats) du 10 octobre 2000 comportant un rapport très détaillé du contenu de la réunion de Budapest.

320    Il ressort très clairement de ce courriel que le seul pays concerné par la réduction des rabais était la Suède et qu’aucun autre élément relatif à la Finlande ne pouvait semer la confusion quant à l’existence d’un éventuel accord sur une telle réduction dans ce dernier pays.

321    De plus, et contrairement à ce que soutient Amann, ce courriel n’a pas été produit dans un contexte différent, puisqu’il énumère les accords passés lors de la réunion du 19 septembre 2000, à laquelle Amann ne conteste d’ailleurs pas avoir participé.

322    Ainsi, conformément à la jurisprudence précitée, il y a lieu de considérer qu’Amann a pu raisonnablement déduire, à partir de la communication des griefs et du contenu du document, les conclusions que la Commission entendait tirer, et, partant, a pu rectifier l’erreur relative au seul pays concerné par la réduction des rabais.

323    À cet égard, est dénuée de pertinence l’argumentation d’Amann selon laquelle la phrase contenue dans le courriel « Suède : […] il convient d’augmenter les prix spéciaux de 3,5 % au 1er avril 2001 ou de réduire les rabais » ne lui aurait pas permis de savoir que la Commission souhaitait se fonder sur ladite phrase pour établir l’existence d’un accord sur la réduction des rabais en Suède. Il découle en effet des considérations précitées qu’Amann devait s’attendre à ce que la Commission se fonde sur cet élément.

324    Partant, il y a lieu de conclure que le droit d’être entendu d’Amann n’a pas été violé.

 Sur la prétendue violation des droits de la défense, notamment du principe d’interdiction de l’auto-incrimination

325    Il ressort de la jurisprudence concernant l’étendue des pouvoirs de la Commission en matière de procédures d’enquêtes préalables et de procédures administratives que la Commission est en droit d’obliger, le cas échéant par voie de décision, une entreprise à lui fournir tous les renseignements nécessaires portant sur les faits dont elle peut avoir connaissance. Elle ne saurait, toutefois, imposer à cette entreprise l’obligation d’apporter des réponses par lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l’existence de l’infraction dont il appartient à la Commission d’établir la preuve (arrêts de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283, points 34 et 35 ; Aalborg Portland e.a./Commission, point 90 supra, points 61 et 65, et Dalmine/Commission, point 260 supra, point 34).

326    Ainsi, un droit au silence absolu ne peut être reconnu à une entreprise destinataire d’une décision de demande de renseignements au sens de l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17. En effet, la reconnaissance d’un tel droit irait au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver les droits de la défense des entreprises et constituerait une entrave injustifiée à l’accomplissement, par la Commission, de la mission de veiller au respect des règles de concurrence dans le marché commun. Un droit au silence ne peut être reconnu que dans la mesure où l’entreprise concernée serait obligée de fournir des réponses par lesquelles elle serait amenée à admettre l’existence de l’infraction dont il appartient à la Commission d’établir la preuve (arrêt Tokai I, point 186 supra, point 402).

327    Pour préserver l’effet utile de l’article 11 du règlement n° 17, la Commission est, dès lors, en droit d’obliger les entreprises à fournir tous les renseignements nécessaires portant sur des faits dont elles peuvent avoir connaissance et à lui communiquer, au besoin, les documents y afférents qui sont en leur possession, même si ceux-ci peuvent servir à établir l’existence d’un comportement anticoncurrentiel. Ce pouvoir de renseignements de la Commission ne se heurte ni à l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la CEDH ni à la jurisprudence de la Cour EDH (arrêt Tokai I, point 186 supra, points 403 et 404).

328    En tout état de cause, le fait d’être obligé de répondre aux questions purement factuelles posées par la Commission et de satisfaire à sa demande de production de documents préexistants n’est pas susceptible de violer le principe fondamental du respect des droits de la défense ainsi que celui d’un droit à un procès équitable, qui offrent, dans le domaine du droit de la concurrence, une protection équivalente à celle garantie par l’article 6 de la CEDH. Rien n’empêche, en effet, le destinataire d’une demande de renseignements de démontrer, plus tard dans le cadre de la procédure administrative ou lors d’une procédure devant le juge communautaire, que les faits exposés dans ses réponses ou les documents communiqués ont une autre signification que celle retenue par la Commission (arrêt Tokai I, point 186 supra, point 406).

329    Enfin, lorsque, dans une demande de renseignements au titre de l’article 11 du règlement n° 17, la Commission, outre des questions purement factuelles et des demandes de production de documents préexistants, demande à une entreprise de décrire l’objet et le déroulement de plusieurs réunions auxquelles elle aurait participé ainsi que les résultats ou les conclusions de ces réunions, alors qu’il est clair que la Commission soupçonne que l’objet desdites réunions était de restreindre la concurrence, une telle demande est de nature à obliger l’entreprise questionnée à avouer sa participation à une infraction aux règles communautaires de la concurrence, de sorte que ladite entreprise n’est pas tenue de répondre à ce type de questions. Dans une telle hypothèse, le fait pour une entreprise de fournir néanmoins des informations sur ces points doit être considéré comme une collaboration spontanée de l’entreprise susceptible de justifier une réduction du montant de l’amende en application de la communication sur la coopération (arrêt du Tribunal du 6 décembre 2005, Brouwerij Haacht/Commission, T‑48/02, Rec. p. II‑5259, point 107). Il ressort également de la jurisprudence que, dans cette même hypothèse, les entreprises ne sauraient prétendre que leur droit de ne pas s’incriminer a été violé du fait qu’elles ont répondu, volontairement, à une telle demande (arrêt du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, point 259 supra, point 46).

330    À la lumière de cette jurisprudence, il convient de déterminer si la Commission a violé le droit des requérantes à ne pas s’incriminer elles-mêmes.

331    En premier lieu, il importe de souligner que la Commission a sollicité des informations par le biais de demandes de renseignements (courriers des 6 et 24 mars 2003) et non par le biais de décisions.

332    S’agissant du contenu même des informations demandées, il ressort du point 4 des demandes précitées que la Commission souhaitait notamment recevoir des indications sur les réunions avec les concurrents, la date, le lieu et la liste des participants, l’objet et le déroulement de ces réunions ainsi que des informations sur les contacts bilatéraux. Les requérantes n’avaient nullement l’obligation de répondre aux questions s’il s’avérait que leurs réponses les conduisaient à avouer leur participation à l’infraction présumée. Elles ont toutefois volontairement répondu à ces demandes et ne sauraient dès lors prétendre que leur droit à ne pas s’incriminer a été violé de ce fait.

333    En deuxième lieu, s’agissant du reproche fait par les requérantes à la Commission de ne pas les avoir informées des présomptions pesant à leur égard, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, l’exigence d’un lien entre les renseignements demandés par la Commission, en application de l’article 11 du règlement n° 17, et l’infraction recherchée, mentionnée dans la demande. En effet, l’article 11, paragraphe 1, du règlement n° 17 habilite la Commission à recueillir, notamment auprès des entreprises, « tous les renseignements nécessaires », aux fins de l’application, par cette institution, des principes énoncés aux articles 81 CE et 82 CE. En outre, l’article 11 du règlement n° 17 prévoit, en son paragraphe 3, que, dans sa demande de renseignements, la Commission indique notamment « les bases juridiques et le but de sa demande ». Il résulte donc de la combinaison des paragraphes 1 et 3 de l’article 11 du règlement n° 17, ainsi que des exigences relatives au respect des droits de la défense des entreprises concernées, que le critère de nécessité, énoncé à l’article 11 du règlement n° 17, doit s’apprécier en fonction de la finalité de l’enquête, telle qu’elle est obligatoirement précisée dans la demande de renseignements elle-même. En effet, comme la Cour l’a jugé s’agissant d’une disposition comparable à celle de l’article 11 du règlement n° 17, dans son arrêt du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission (46/87 et 227/88, Rec. p. 2859, point 29), relatif aux pouvoirs de vérification conférés à la Commission à l’article 14 du règlement n° 17, l’obligation imposée à la Commission d’indiquer l’objet et le but de la vérification constitue une exigence fondamentale en vue non seulement de faire apparaître le caractère justifié de l’intervention envisagée à l’intérieur des entreprises concernées, mais aussi de mettre celles-ci en mesure de saisir la portée de leur devoir de collaboration tout en préservant en même temps leurs droits de défense. Il en découle que seule peut être requise par la Commission la communication de renseignements susceptibles de lui permettre de vérifier les présomptions d’infraction qui justifient la conduite de l’enquête et sont indiquées dans la demande de renseignements (arrêts du Tribunal du 12 décembre 1991, SEP/Commission, T‑39/90, Rec. p. II‑1497, point 25, et du 8 mars 1995, Société Générale/Commission, T‑34/93, Rec. p. II‑545, points 40, 62 et 63).

334    Il résulte de cette jurisprudence que, dans sa demande de renseignements, la Commission n’est pas tenue d’imputer de façon explicite les présomptions d’infraction aux entreprises concernées et, partant, qu’elle n’est pas tenue à ce stade d’informer l’entreprise de sa mise en cause. En effet, pourvu que la Commission indique clairement les bases juridiques et le but de sa demande, il y a lieu de considérer que les droits de la défense de l’entreprise concernée ont été garantis.

335    En l’espèce, la Commission a parfaitement rempli ses obligations en indiquant clairement, dans les demandes de renseignements précitées, l’objet et le but de la demande.

336    À cet égard, et en troisième lieu, le reproche fait par les requérantes à la Commission de ne pas leur avoir fait état des informations déjà en sa possession est, lui aussi, dénué de pertinence. En effet, dans le cadre d’une procédure administrative en matière de concurrence, ce sont l’envoi de la communication des griefs, d’une part, et l’accès au dossier permettant au destinataire de ladite communication de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, d’autre part, qui assurent les droits de la défense et le droit à un procès équitable de l’entreprise en cause. C’est en effet par la communication des griefs que l’entreprise concernée est informée de tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure. Par conséquent, c’est seulement après l’envoi de ladite communication que l’entreprise concernée peut pleinement faire valoir les droits de la défense. Si les droits susvisés étaient étendus à la période précédant l’envoi de la communication des griefs, l’efficacité de l’enquête de la Commission serait compromise, puisque l’entreprise serait, déjà lors de la première phase de l’enquête de la Commission, en mesure d’identifier les informations qui sont connues de la Commission et, partant, celles qui peuvent encore lui être cachées (arrêt de la Cour Dalmine/Commission, point 260 supra, points 58 à 60).

337    En quatrième lieu, les requérantes revendiquent à tort le bénéfice d’une réduction supplémentaire du montant de l’amende au titre de la coopération pour avoir répondu à la demande de renseignements en fournissant des informations allant prétendument « bien au-delà » de celles dont la production pouvait être exigée en vertu de l’article 11 du règlement n° 17.

338    En raison de la coopération apportée par les requérantes au cours de l’enquête relative aux deux ententes, les amendes infligées ont toutes deux été réduites de 15 % en application du point D 2, premier et second tirets, de la communication sur la coopération. La Commission a en effet constaté que les requérantes avaient transmis des informations et des documents ayant matériellement contribué à établir l’existence de l’infraction et ont notamment admis avoir participé à des réunions avec leurs concurrents, pour y échanger, discuter, voire maintenir, les prix. Par ailleurs, elles n’ont pas contesté de façon substantielle la matérialité des faits sur lesquels la Commission a fondé ses accusations (considérants 390 à 397 et 460 à 463 de la décision attaquée).

339    D’une part, il y a lieu de rappeler qu’une réduction de l’amende au titre d’une coopération lors de la procédure administrative n’est justifiée que si le comportement de l’entreprise en cause a permis à la Commission de constater l’existence d’une infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant, d’y mettre fin (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T‑327/94, Rec. p. II‑1373, point 156, et du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 270).

340    D’autre part, la collaboration d’une entreprise à l’enquête ne donne droit à aucune réduction d’amende lorsque cette collaboration n’a pas dépassé ce qui résultait des obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 11, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 17 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T‑12/89, Rec. p. II‑907, points 341 et 342). En revanche, dans le cas où une entreprise fournit, en réponse à une demande de renseignements au titre de l’article 11, des informations allant bien au-delà de celles dont la production peut être exigée par la Commission en vertu du même article, l’entreprise en question peut bénéficier d’une réduction d’amende (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Cascades/Commission, T‑308/94, Rec. p. II‑925, point 262).

341    Il n’en reste pas moins que c’est la teneur des informations communiquées à la Commission qui doit permettre de déterminer si les requérantes ont effectivement transmis des informations allant bien au-delà de celles que la Commission était en droit d’exiger.

342    Or, les requérantes n’ont pas démontré en quoi les informations transmises allaient, quant à leur teneur, bien au-delà de ce que la Commission pouvait exiger.

343    En outre, il convient de constater que les requérantes n’ont pas admis l’ensemble des éléments sur lesquels la Commission a fondé la décision attaquée. En effet, il y a lieu notamment de relever que Cousin a affirmé avoir toujours continué à faire ses offres de produits sans tenir compte à aucun moment des discussions et qu’Amann a contesté la durée de l’infraction.

344    Partant, la réduction de 15 % du montant de l’amende accordée aux requérantes apparaît comme justifiée au regard des circonstances de l’espèce. Dès lors, l’argument tiré du caractère insuffisant de la réduction de 15 %, en comparaison de celle de 50 % octroyée à Coats, doit également être rejeté.

345    Dès lors, ce moyen doit être rejeté.

346    Il résulte des considérations qui précèdent que le recours introduit par les requérantes doit être rejeté.

 Sur les dépens

347    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Amann & Söhne GmbH & Co. KG et Cousin Filterie SAS sont condamnées aux dépens.

Vilaras

Prek

Ciucă

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 avril 2010.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

A –  Objet du litige

B –  Procédure administrative

C –  Décision attaquée

1.  Marchés en cause

a)  Marchés des produits

b)  Marchés géographiques

2.  Taille et structure des marchés en cause

3.  Description des comportements infractionnels

4.  Dispositif de la décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

A –  Sur le moyen, invoqué par les requérantes et visant à l’annulation de la décision attaquée, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 1/2003

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

a)  Sur la distinction des marchés de produits et géographiques

b)  Sur l’existence alléguée d’un « plan d’ensemble »

B –  Sur les moyens visant à la réduction de l’amende

1.  Sur le moyen, invoqué par les requérantes, tiré du non-respect de la limite supérieure de la sanction, prévue à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Sur le grief tiré d’une violation du principe nulla poena sine lege et sur l’exception d’illégalité de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

Sur le grief tiré de l’obligation d’infliger une amende unique pour plusieurs infractions

Sur le grief tiré d’une méconnaissance des objectifs légaux de la sanction

2.  Sur le moyen, invoqué par les requérantes, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité lors de l’imposition de l’amende

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Sur la violation du principe de proportionnalité

–  Quant à l’argument tiré de l’absence de prise en compte de la taille du marché

–  Quant à l’argument tiré d’une prise en compte exclusive du chiffre d’affaires sur les marchés concernés par les infractions

–  Sur le « système de forfaitisation » prévu par les lignes directrices

–  Sur l’absence de prise en compte de la situation des requérantes en tant que « moyenne entreprise »

Sur la violation du principe d’égalité de traitement

3.  Sur le moyen, invoqué par Amann, tiré de la fixation erronée du montant de départ de l’amende infligée pour l’entente concernant le fil industriel

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

4.  Sur le moyen, invoqué par Amann, tiré du calcul erroné de la durée de l’infraction sur le marché du fil industriel

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

5.  Sur le moyen, invoqué par Amann, tiré de l’absence de prise en compte de certaines circonstances atténuantes concernant l’infraction sur le marché du fil industriel

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

6.  Sur le moyen, invoqué par les requérantes, tiré du calcul erroné du montant de départ et du montant de base de l’amende infligée pour l’infraction sur le marché du fil destiné à l’industrie automobile

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

7.  Sur le moyen, invoqué par les requérantes, tiré d’une prétendue absence de prise en considération du défaut de mise en œuvre de l’entente concernant le fil destiné à l’industrie automobile

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

8.  Sur le moyen tiré de la violation du droit d’être entendu et des droits de la défense

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Sur la prétendue violation du droit d’être entendu

Sur la prétendue violation des droits de la défense, notamment du principe d’interdiction de l’auto-incrimination

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.