Language of document : ECLI:EU:T:2013:120



DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

11 mars 2013 (*)

« Référé – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives à l’encontre de l’Iran – Gel des fonds et des ressources économiques – Demande de mesures provisoires – Défaut d’urgence – Mise en balance des intérêts »

Dans l’affaire T‑552/12 R,

North Drilling Co., établie à Téhéran (Iran), représentée par Mes J. Viñals Camallonga, L. Barriola Urruticoechea et J. Iriarte Ángel, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bishop et A. De Elera, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution, d’une part, de la décision 2012/635/PESC du Conseil, du 15 octobre 2012, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 282, p. 58), en ce que le nom de la requérante a été inscrit dans l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), et, d’autre part, du règlement d’exécution (UE) n° 945/2012 du Conseil, du 15 octobre 2012, mettant en œuvre le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 282, p. 16), en ce que ce règlement concerne la requérante,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        La requérante, North Drilling Co., est une société iranienne spécialisée dans le domaine du forage pétrolier et gazier.

2        Le 26 juillet 2010, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39). L’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413 prévoit le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et entités dont la liste est établie aux annexes I et II de cette même décision.

3        Le 25 octobre 2010, à la suite de l’adoption de la décision 2010/413, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 961/2010 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) n° 423/2007 (JO L 281, p. 1). L’article 16, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 961/2010 prévoyait le gel des fonds et des ressources économiques des personnes, entités ou organismes énumérés à l’annexe VIII dudit règlement. Le 23 mars 2012, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) n° 961/2010 (JO L 88, p. 1), qui prolonge le régime de gel des fonds et des ressources économiques susmentionné.

4        Ensuite, par la décision 2012/635/PESC, du 15 octobre 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO L 282, p. 58), le Conseil a inscrit le nom de la requérante sur la liste des personnes et entités énumérées à l’annexe II de la décision 2010/413, au motif qu’il s’agissait d’une « [f]iliale (100 %) de la National Iranian Oil Company (NIOC) ».

5        Enfin, par le règlement d’exécution (UE) n° 945/2012, du 15 octobre 2012, mettant en œuvre le règlement n° 267/2012 (JO L 282, p. 16), le Conseil a modifié l’annexe IX du règlement n° 267/2012 en y inscrivant, notamment, le nom de la requérante pour le même motif que celui retenu dans la décision 2012/635.

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2012, la requérante a introduit un recours visant, en substance, à l’annulation de l’article 2 de la décision 2012/635 et de l’article 1er du règlement d’exécution n° 945/2012 dans la mesure où ils la concernent (ci-après les « actes contestés »).

7        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 1er février 2013, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution des actes contestés dans la mesure où ils la concernent, jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le recours principal ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

8        Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 14 février 2013, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions, organes et organismes de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un tel acte ou prescrire des mesures provisoires (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, non publiée au Recueil, point 31, et la jurisprudence citée).

10      En outre, l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

11      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73).

12      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

13      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

 Sur l’urgence

14      La requérante affirme qu’elle subit déjà des préjudices graves et irréparables, qui vont se poursuivre et augmenter avec le temps. L’objectif des actes contestés serait d’éviter qu’elle puisse utiliser librement ses propriétés, y compris ses ressources économiques, bancaires et financières, ainsi que d’éviter que des personnes tant physiques que morales, européennes ou du reste du monde, réalisent des opérations économiques avec elle. Elle rappelle qu’elle exerce des activités d’extraction et de prospection de pétrole et de gaz sur terre ou en mer, très élaborées, complexes et dangereuses. Elle précise que les actes contestés visent à l’empêcher d’utiliser ses ressources et ses actifs financiers en permettant de bloquer, geler et confisquer ses comptes et actifs, en empêchant les banques et les établissements financiers de négocier avec elle et en interdisant à qui que ce soit de lui fournir des biens et des services. Chacun de ces objectifs en soi, et a fortiori en combinaison les uns avec les autres, entraînerait des préjudices irréparables non seulement en raison de la perte de ressources précieuses pour elle, mais également des pertes de vies et de ressources humaines, pertes dues à des pannes, et des dommages environnementaux, incluant ceux causés aux espèces marines, aux conséquences catastrophiques.

15      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. L’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue. Il suffit qu’elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant (voir ordonnance du président du Tribunal du 7 juin 2007, IMS/Commission, T‑346/06 R, Rec. p. II‑1781, points 121 et 123, et la jurisprudence citée). Toutefois, la partie qui s’en prévaut demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67 ; ordonnances du président du Tribunal du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01 R, Rec. p. II‑3295, point 188, et du 25 juin 2002, B/Commission, T‑34/02 R, Rec. p. II‑2803, point 86] et de présenter au juge des référés des indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés qui démontrent sa situation et permettent d’examiner les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées. La partie qui sollicite la mesure provisoire est ainsi tenue de fournir, pièces à l’appui, des informations susceptibles d’établir une image fidèle et globale de la situation qui, selon elle, justifie l’octroi de ces mesures (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 7 mai 2010, Almamet/Commission, T‑410/09 R, non publiée au Recueil, points 32, 57 et 61).

16      Dans la mesure où la requérante allègue, en l’espèce, qu’elle risque de subir un préjudice d’ordre financier, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, un préjudice de cette nature ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut, en règle générale, faire l’objet d’une compensation financière ultérieure. Dans un tel cas de figure, la mesure provisoire sollicitée se justifie s’il apparaît que, en l’absence de cette mesure, la partie demanderesse se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure principale ou que ses parts de marché seraient modifiées de manière irrémédiable et importante au regard, notamment, de la taille de son entreprise (voir ordonnance du président du Tribunal du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission, T‑95/09 R, non publiée au Recueil, points 33 à 35, et la jurisprudence citée).

17      Il s’ensuit que la requérante, afin de démontrer le caractère grave et irréparable du préjudice financier allégué en produisant une image fidèle et globale de sa situation économique et financière, doit présenter devant le juge des référés tous les éléments lui permettant d’apprécier cette situation, en particulier les caractéristiques économiques et financières de son entreprise, cette image devant d’ailleurs être fournie dans le texte de la demande en référé. En effet, une telle demande doit être suffisamment claire et précise pour permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé [ordonnances du président de la Cour du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non publiée au Recueil, point 13, et du président du Tribunal du 31 août 2010, Babcock Noell/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑299/10 R, non publiée au Recueil, point 17].

18      De plus, les indications établissant une telle image fidèle et globale doivent être étayées par des documents détaillés, certifiés par un expert indépendant et extérieur au requérant, permettant d’apprécier la véracité desdites indications (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Le Canne/Commission, T‑241/00 R, Rec. p. II‑37, point 35 ; du 13 octobre 2006, Vischim/Commission, T‑420/05 R II, Rec. p. II‑4085, point 83, et du 15 mars 2010, GL2006 Europe/Commission, T‑435/09 R, non publiée au Recueil, point 34).

19      Or, force est de constater que la présente demande en référé ne satisfait pas aux critères rappelés par cette jurisprudence.

20      En effet, d’une part, le texte de la demande en référé ne contient aucune donnée chiffrée relative à la situation financière de l’entreprise requérante. Ce texte ne fait notamment pas état des différentes catégories de ressources dont la requérante peut disposer, ni de la nature et de la valeur de tous les biens mobiliers et immobiliers qui lui appartiennent. Il n’indique pas non plus la somme des fonds détenus par la requérante et faisant l’objet des mesures de gel litigieuses, ni le pourcentage que cette somme représente par rapport à sa puissance financière totale, ni le volume des activités qu’elle exerce sur le marché de l’Union. La requérante a donc manifestement omis de fournir les éléments permettant d’avoir de sa situation l’image fidèle et globale qui l’aurait mise à même d’invoquer utilement la gravité du préjudice financier allégué.

21      Il y a lieu de rappeler, ensuite, que l’objectif du régime de gel des fonds est d’empêcher que les personnes ou entités désignées aient accès à des ressources économiques ou financières qu’elles pourraient utiliser pour soutenir des activités nucléaires présentant un risque de prolifération ou pour la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires. Afin que cette interdiction conserve son effet utile et que les sanctions imposées par l’Union à l’encontre de la République islamique d’Iran demeurent effectives, il faut exclure que lesdites personnes ou entités puissent contourner le gel de leurs fonds ou de leurs ressources économiques et poursuivre leur activité au soutien du programme nucléaire iranien. Dans cette perspective, les dispositions pertinentes des actes de l’Union visant le gel de fonds ou de ressources économiques habilitent les autorités nationales compétentes à autoriser, de manière dérogatoire, le déblocage de certains fonds gelés, lesquels devraient, en principe, permettre de couvrir des dépenses et des besoins essentiels ou de remplir des obligations contractuelles souscrites avant la prise d’effet dudit gel [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 14 juin 2012, Qualitest FZE/Conseil, C‑644/11 P(R), non publiée au Recueil, points 41, 42 et 44, et du 25 octobre 2012, Hassan/Conseil, C‑168/12 P(R), non publiée au Recueil, point 39].

22      Par conséquent, bien que des mesures restrictives, telles que celles en cause en l’espèce, aient une incidence importante sur les droits et les libertés des personnes, entités ou organismes désignés (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, point 375, et du 29 avril 2010, M e.a., C‑340/08, Rec. p. I‑3913, point 65), il n’en demeure pas moins que les dispositions dérogatoires susmentionnées permettent d’assurer la survie des personnes, entités ou organismes visés par lesdites mesures et d’éviter, ainsi, que l’existence même de ceux-ci soit mise en péril (voir, en ce sens, ordonnance Qualitest FZE/Conseil, précitée, point 43).

23      En l’occurrence, ce sont l’article 20, paragraphes 3, 4 et 6, de la décision 2010/413 ainsi que les articles 24 à 26 du règlement n° 267/2012 qui permettent, à titre dérogatoire, d’assurer que l’ampleur du préjudice financier causé à la requérante par le gel de ses fonds et de ses ressources économiques ne soit pas telle qu’elle menace son existence même. Dans ces circonstances, il convient d’apprécier la présente demande, visant au sursis à l’exécution des actes contestés, par rapport à l’application, au cas de la requérante, desdites procédures dérogatoires d’autorisation en vue du déblocage de certains fonds gelés (voir, en ce sens, ordonnance Qualitest FZE/Conseil, précitée, point 66, et ordonnance Hassan/Conseil, précitée, point 40).

24      Or, la requérante est restée silencieuse quant aux possibilités de déblocage en vertu de l’article 20 de la décision 2010/413 et des articles 24 à 26 du règlement n° 267/2012. En particulier, elle n’a pas indiqué si elle avait présenté une demande visant à obtenir l’autorisation d’utiliser des fonds gelés ou si elle avait rencontré des difficultés ou s’était vu opposer des refus ne lui permettant pas d’obtenir une telle autorisation de la part des autorités compétentes d’un État membre.

25      Pour cette raison supplémentaire, la gravité du préjudice financier allégué n’a pas été établie.

26      Quant au caractère irréparable de ce préjudice, il convient de rappeler qu’un préjudice d’ordre financier, tel que celui invoqué en l’espèce, peut normalement faire l’objet d’une compensation financière ultérieure. En effet, en cas d’annulation des actes contestés, la requérante pourrait obtenir une compensation financière par la voie d’un recours en indemnité au titre des articles 268 TFUE et 340 TFUE, étant entendu que, selon une jurisprudence bien établie, la seule possibilité de pouvoir former un tel recours suffit à attester du caractère en principe réparable d’un préjudice financier, et ce malgré l’incertitude liée à l’issue du litige en question [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 14 décembre 2001, Commission/Euroalliages e.a. C‑404/01 P(R), Rec. p. I‑10367, points 70 à 75, et Hassan/Conseil, précitée, points 77 à 81).

27      Il s’ensuit que, pour ce qui est du préjudice financier allégué, la condition relative à l’urgence fait défaut en l’espèce.

28      Il en va de même en ce qui concerne les affirmations relatives aux pertes de vies et de ressources humaines ainsi qu’aux dommages environnementaux, qui restent vagues et ne sont étayées par aucun élément documentaire permettant d’en vérifier la véracité et les dimensions. Le juge des référés ne peut donc que constater que la requérante n’a pas non plus établi l’urgence à cet égard.

29      Cette solution est cohérente avec la mise en balance des différents intérêts en présence.

 Sur la mise en balance des intérêts

30      Il est de jurisprudence bien établie que, dans le cadre de la mise en balance des différents intérêts en présence, le juge des référés doit déterminer, notamment, si l’intérêt de la partie qui sollicite le sursis à exécution à en à obtenir l’octroi prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate de l’acte attaqué, en examinant, plus particulièrement, si l’annulation éventuelle de cet acte par le juge du fond permettrait le renversement de la situation qui aurait été provoquée par son exécution immédiate et, inversement, si le sursis à l’exécution dudit acte serait de nature à faire obstacle à son plein effet, au cas où le recours principal serait rejeté (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 26 juin 2003, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 R et C‑217/03 R, Rec. p. I‑6887, point 142, et ordonnance Babcock Noell/Entreprise commune Fusion for Energy, précitée, point 64).

31      En l’espèce, il apparaît qu’un sursis à l’exécution des actes contestés pourrait être de nature à faire obstacle à leur plein effet en cas de rejet du recours principal et, partant, à rendre impossible le renversement de la situation. En effet, un tel sursis permettrait à la requérante de procéder immédiatement au retrait de tous les fonds détenus auprès des banques obligées d’en assurer le gel et de vider ses comptes bancaires avant le prononcé de la décision au fond. Ainsi, il lui serait possible de bénéficier de ses fonds en contournant la finalité des mesures restrictives prises à son égard, qui consiste à faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, sans que cette situation puisse être renversée par une décision ultérieure rejetant le recours principal. Or, selon une jurisprudence constante, les mesures provisoires demandées au juge des référés ne doivent pas neutraliser par avance les conséquences de la décision à rendre ultérieurement dans la procédure principale (ordonnance Commission/Atlantic Container Line e.a., précitée, point 22, et ordonnance du président du Tribunal du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 41).

32      En revanche, à défaut pour la requérante d’avoir établi la survenance d’un préjudice grave et irréparable en cas de rejet de la demande en référé, il apparaît qu’une annulation par le juge du fond des actes contestés, dans la mesure où ils concernent la requérante, permettrait le renversement de la situation provoquée par leur exécution immédiate.

33      Il convient d’ajouter qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour que des actes tels que les actes contestés ont une « nature réglementaire » (arrêts de la Cour Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, précité, points 241 à 243, et du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, non encore publié au Recueil, point 45). S’agissant des effets dans le temps de l’annulation d’un acte réglementaire, l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne dispose que les décisions du Tribunal annulant un tel acte ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci par la Cour (arrêt du Tribunal du 5 février 2013, Bank Saderat Iran/Conseil, T‑494/10, non encore publié au Recueil, points 119 à 124).

34      Ce maintien de la validité des mesures de sanction a été justifié par la nécessité de donner au Conseil la chance de remédier à l’illégalité constatée en adoptant, le cas échéant, de nouvelles mesures (arrêt Bank Saderat Iran/Conseil, précité, point 125). Par ailleurs, même la Cour, en évoquant l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, précité, a ordonné le maintien pour trois mois des mesures de sanction qu’elle venait d’annuler, au motif que leur annulation avec effet immédiat serait susceptible de porter une atteinte sérieuse et irréversible à l’efficacité de telles mesures, dès lors que, dans l’intervalle précédant leur éventuel remplacement par de nouvelles mesures, les intéressés pourraient éviter que ces mesures puissent encore leur être utilement appliquées (arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, précité, points 373 et 376).

35      Les considérations qui précèdent, dégagées à propos de règlements, ont systématiquement été étendues aux décisions imposant le gel de fonds et de ressources économiques, et ce en vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, qui autorise le Tribunal à indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs. Ainsi, s’agissant précisément de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2011/783, le Tribunal a jugé, dans l’arrêt Bank Saderat Iran/Conseil, précité (point 126, et la jurisprudence citée), que l’existence d’une différence entre la date d’effet de l’annulation du règlement n° 267/2012 et celle de la décision 2010/413 serait susceptible d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique, ces deux actes infligeant à la Bank Saderat Iran des mesures identiques. Il a donc maintenu les effets de la décision 2010/413, en ce qui concerne la Bank Saderat Iran, jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement n° 267/2012.

36      Par conséquent, si le Tribunal devait, au terme de la procédure principale, adopter le raisonnement qu’il avait suivi dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Bank Saderat Iran/Conseil, précité, même l’annulation des actes contestés n’aurait pas pour effet immédiat la suppression du nom de la requérante figurant dans lesdits actes, avec pour conséquence le maintien, au-delà de la date du prononcé de l’arrêt d’annulation, des mesures de gel de fonds prises à son égard. En tout état de cause, même si les effets dans le temps d’une annulation de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2011/783, n’étaient pas alignés sur ceux d’une annulation du règlement n° 267/2012, il n’en resterait pas moins que les mesures de gel de fonds prises à l’égard de la requérante au titre dudit règlement seraient maintenues, au titre de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour, au-delà de la date du prononcé de l’arrêt d’annulation, de sorte que le nom de la requérante ne serait, en aucun cas, immédiatement supprimé en vertu de cet arrêt.

37      Dès lors que la procédure de référé a un caractère purement accessoire par rapport à la procédure principale sur laquelle elle se greffe et ne vise qu’à garantir la pleine efficacité de la future décision au fond (voir ordonnance du président du Tribunal du 16 novembre 2012, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑345/12 R, non encore publiée au Recueil, point 25, et la jurisprudence citée) et que toute mesure provisoire ordonnée par le juge des référés cesse automatiquement de produire ses effets, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, du règlement de procédure, dès le prononcé de l’arrêt qui met fin à l’instance, il s’ensuit que l’intérêt de la requérante à se voir accorder le dégel provisoire de ses fonds et ressources économiques vise à l’octroi d’un bénéfice qu’elle ne pourrait même pas obtenir par un arrêt d’annulation. En effet, un tel arrêt ne produirait les effets pratiques voulus par la requérante – à savoir la suppression de son nom dans la liste des personnes dont les fonds et ressources économiques sont gelés – qu’à une date postérieure à celle du prononcé de cet arrêt, alors que, à cette date, le juge des référés de première instance aura perdu toute compétence ratione temporis et que, en tout état de cause, le nom de la requérante pourrait être maintenue dans ladite liste du fait d’une nouvelle mesure restrictive, qui aurait, dans le délai prévu à l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour, remplacé les mesures annulées. Dans ces circonstances, l’intérêt de la requérante tendant à obtenir, par voie de référé, le dégel provisoire de ses fonds et ressources économiques n’est pas à même d’être protégé par le juge des référés.

38      Il résulte de tout ce qui précède que la balance des différents intérêts en présence ne penche pas en faveur de la requérante.

39      En conséquence, la demande en référé doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’existence d’un fumus boni juris.

40      S’agissant du contentieux des mesures de gel de fonds et de ressources économiques, il apparaît donc que la procédure la plus appropriée pour assurer une protection juridictionnelle urgente ait été la procédure accélérée au titre de l’article 76 bis du règlement de procédure, laquelle aurait dû être sollicitée par la requérante par acte séparé lors du dépôt du recours principal.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 11 mars 2013.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’espagnol.