Language of document : ECLI:EU:C:2024:168

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

23 février 2024 (*)

« Pourvoi – Dessin ou modèle communautaire – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non‑admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑707/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 20 novembre 2023,

Breville Pty Ltd, établie à Alexandria (Australie), représentée par Mes G. Grippiotti, M. Pozzi et F. Caruso, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, MM. T. von Danwitz et P. G. Xuereb (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. J. Richard de la Tour, entendu,

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Breville Pty Ltd demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 20 septembre 2023, Breville/EUIPO (Dispositifs de cuisson) (T‑616/22, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:576), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 20 juin 2022 (affaire R 613/2022-3), relative à une requête en restitutio in integrum.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

 Argumentation de la partie requérante

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis quatre erreurs de droit qui soulèvent des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

7        Premièrement, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit tirée d’une violation de l’article 296 TFUE, de l’article 36 du protocole no 3 sur le statut de la Cour de justice de l’Union européenne, de l’article 67, paragraphe 2, du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1) et de l’article 94, paragraphe 1, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), en violant l’obligation de motivation en ce qu’il a omis d’indiquer les motifs pour lesquels la décision antérieure de la chambre de recours du 17 mars 2021, dans l’affaire R 2134/2020-3, a été considérée comme étant non pertinente. Il aurait également enfreint le principe d’égalité de traitement.

8        Par ailleurs, le Tribunal aurait apprécié de manière erronée et aurait dénaturé les faits faisant l’objet du recours devant la chambre de recours dans l’affaire R 2134/2020-3 et ceux faisant l’objet du recours devant le Tribunal en l’espèce.

9        Deuxièmement, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 67, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, en omettant de prendre également en considération les paragraphes 6 et 7 de cet article. Ledit article, pris dans son ensemble, aurait permis d’écarter la considération du Tribunal selon laquelle la restitutio in integrum serait susceptible de nuire à la sécurité juridique.

10      Troisièmement, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en n’ayant pas appliqué le principe d’égalité de traitement.

11      Ces erreurs prétendument commises par le Tribunal et exposées aux points 7 à 10 de la présente ordonnance seraient importantes au regard de l’unité, de la cohérence ou du développement du droit de l’Union. En effet, si le Tribunal avait dûment reconnu la comparabilité des deux affaires traitées par la chambre de recours, à savoir les affaires R 2134/2020‑3 et R 613/2022‑3 faisant l’objet de l’arrêt attaqué, et avait appliqué le principe d’égalité de traitement, il serait apparu que la requérante avait, en l’espèce, respecté le délai de deux mois pour présenter la requête en restitutio in integrum.

12      Quatrièmement, la requérante fait valoir que le Tribunal a erronément interprété et appliqué l’article 62 du règlement no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’exécution du règlement (CE) no 6/2002 sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 341, p. 28), et l’article 77, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, en considérant qu’un pouvoir uniquement déclaré par le représentant, mais jamais demandé ni octroyé par écrit par la partie représentée, pourrait s’étendre à tous les actes ou procédures à venir qui pourraient être introduits par le titulaire du droit, en faisant appel aux services du représentant déjà enregistré ou des services d’un autre représentant ou d’un simple fournisseur de services ne figurant pas dans le registre de l’EUIPO.

13      La question soulevée par cet argument serait importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union, en ce qu’elle aurait une incidence sur l’interprétation des dispositions qui régissent la représentation de tiers dans les procédures, non seulement devant l’EUIPO, mais également devant tout organe administratif ou agence de l’Union. Or, l’interprétation retenue par le Tribunal serait de nature à nuire à la sécurité juridique. En outre, ladite question serait d’autant plus importante qu’elle concernerait tous les domaines dans lesquels une personne physique ou morale doit engager une procédure auprès des administrations ou juridictions de l’Union. Enfin, l’interprétation de ces dispositions semblerait être sujette à controverse compte tenu de l’interprétation différente de celles-ci par l’EUIPO et le Tribunal.

 Appréciation de la Cour

14      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050 point 20, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 18).

15      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050 point 21, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 19).

16      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050 point 22, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 20).

17      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 9 novembre 2023, Consulta/EUIPO, C‑443/23 P, EU:C:2023:859, point 15).

18      En l’occurrence, en ce qui concerne l’argumentation exposée aux points 7 et 11 de la présente ordonnance, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour que la question de savoir si un arrêt du Tribunal est entaché d’un défaut, d’une insuffisance ou d’une contradiction de motivation constitue une question de droit pouvant être invoquée dans le cadre d’un pourvoi (ordonnance du 17 juillet 2023, Canai Technology/EUIPO, C‑280/23 P, EU:C:2023:596, point 15 et jurisprudence citée).

19      En revanche, le fait qu’un pourvoi soulève une telle question de droit ne permet pas, en soi, de considérer que ce pourvoi doit être admis par la Cour au sens de l’article 58 bis du statut. En effet, une telle admission est subordonnée au respect de conditions spécifiques consistant, pour le requérant au pourvoi, à démontrer, entre autres, que, indépendamment des questions de droit invoquées dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. Cette démonstration implique elle-même d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement d’arguments d’ordre général (ordonnance du 17 juillet 2023, Canai Technology/EUIPO, C‑280/23 P, EU:C:2023:596, point 16 et jurisprudence citée).

20      Or, si la requérante soutient que l’ordonnance attaquée est entachée d’une violation de l’obligation de motivation et du principe d’égalité de traitement, elle se limite toutefois à affirmer que le Tribunal a commis une erreur de droit en n’indiquant pas les motifs pour lesquels la décision antérieure de la chambre de recours du 17 mars 2021, dans l’affaire R 2134/2020-3, a été considérée comme étant non pertinente et a enfreint le principe d’égalité de traitement, sans toutefois spécifier les points pertinents de l’arrêt attaqué et sans exposer les raisons concrètes pour lesquelles ces erreurs, à les supposer établies, soulèveraient des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

21      Par ailleurs, pour ce qui est de l’argumentation résumée au point 8 de la présente ordonnance, d’une part, dans la mesure où la requérante cherche à remettre en cause l’appréciation factuelle opérée par le Tribunal sur les faits faisant l’objet du recours devant la chambre de recours dans l’affaire R 2134/2020-3 et sur ceux faisant l’objet du recours devant le Tribunal en l’espèce, il importe de relever qu’une telle argumentation ne saurait démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (voir, par analogie, ordonnance du 9 janvier 2024, Yayla Türk/EUIPO, C‑611/23 P, EU:C:2024:3, point 14 et jurisprudence citée).

22      D’autre part, dans la mesure où la requérante invoque une prétendue dénaturation des faits commise par le Tribunal, il convient de rappeler qu’une telle argumentation ne saurait, en principe, être susceptible, en tant que telle et même à la supposer fondée, de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 5 juillet 2023, Suicha/EUIPO, C‑120/23 P, EU:C:2023:539, point 15 et jurisprudence citée).

23      Quant aux arguments exposés aux points 9 et 10 de la présente ordonnance, il apparaît que les éléments avancés par la requérante ne sont pas suffisamment clairs et précis pour permettre à la Cour de comprendre en quoi consisterait l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal. Ainsi, alors que la requérante est tenue de satisfaire à l’ensemble des exigences énoncées au point 16 de la présente ordonnance, force est de constater qu’elle n’a pas respecté toutes ces exigences dans la mesure où, d’une part, elle n’a précisé ni en quoi consisterait l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal ni dans quelle mesure ladite erreur aurait exercé une influence sur le résultat de l’arrêt attaqué et, d’autre part, elle a omis d’indiquer les points de cet arrêt qu’elle met en cause (voir, par analogie, ordonnance du 23 mars 2023, G-Core Innovations/EUIPO, C‑732/22 P, EU:C:2023:253, point 14).

24      S’agissant de l’argumentation exposée aux points 12 et 13 de la présente ordonnance, relative à la prétendue méconnaissance par le Tribunal de l’étendue du pouvoir du représentant de la requérante, il échet de souligner que la requérante se borne à énoncer, bien que de manière quelque peu obscure, les erreurs prétendument commises par le Tribunal, sans les expliciter ni spécifier les points pertinents de l’arrêt attaqué. En outre, celle-ci n’expose pas non plus les raisons concrètes pour lesquelles ces erreurs, à les supposer établies, soulèveraient des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls des arguments d’ordre général étant avancés à cet égard.

25      Il s’ensuit que l’ensemble des arguments avancés par la requérante au soutien de sa demande d’admission du pourvoi ne respecte pas les exigences mentionnées au point 16 de la présente ordonnance.

26      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

27      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

28      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

29      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié à l’autre partie à la procédure et, par conséquent, avant que celle‑ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Breville Pty Ltd supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.