Language of document : ECLI:EU:T:2003:65

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

11 mars 2003 (1)

«Agriculture - Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section ‘Orientation’ - Suppression d'un concours financier - Article 24 du règlement (CEE) n° 4253/88 - Principe de proportionnalité - Motivation»

Dans l'affaire T-186/00,

Conserve Italia Soc. coop. rl, établie à San Lazzaro di Savena (Italie), représentée par Mes M. Averani, A. Pisaneschi et S. Zunarelli, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. L. Visaggio, puis par Mme C. Cattabriga, en qualité d'agents, assistés de Me M. Moretto, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision C (2000) 1099 de la Commission, du 3 mai 2000, portant suppression du concours du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section «Orientation», pour le projet n° 9 (bénéficiaire: Massalombarda Colombani SpA), dans le cadre du programme opérationnel n° 91.CT.IT.01 approuvé par la décision de la Commission C (91) 2255/6, du 28 octobre 1991,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 12 novembre 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

Règlement (CEE) n° 355/77 du Conseil

1.
    Le règlement (CEE) n° 355/77 du Conseil, du 15 février 1977, concernant une action commune pour l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles (JO L 51, p. 1), dispose, en ses articles 1er, paragraphe 3, et 2, que la Commission peut accorder un concours à l'action commune en finançant par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «Orientation», des projets qui s'inscrivent dans des programmes spécifiques préalablement élaborés par les États membres et approuvés par la Commission et qui visent au développement ou à la rationalisation du traitement, de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles.

2.
    L'article 19, paragraphe 2, dudit règlement dispose:

«Pendant toute la durée de l'intervention du [FEOGA], l'autorité ou l'organisme désigné à cet effet par l'État membre intéressé transmet à la Commission, à sa demande, toutes pièces justificatives et tous documents de nature à établir que les conditions financières ou autres imposées pour chaque projet sont remplies. La Commission peut, au besoin, effectuer un contrôle sur place.

[...]»

3.
    Le règlement n° 355/77 a été abrogé le 1er janvier 1990 par le règlement (CEE) n° 4256/88 du Conseil, du 19 décembre 1988 (JO L 374, p. 25), et par le règlement (CEE) n° 866/90 du Conseil, du 29 mars 1990 (JO L 91, p. 1), à l'exception de certaines dispositions - tel l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 355/77 - qui sont restées applicables à titre transitoire aux projets introduits avant le 1er janvier 1990, et ce jusqu'au 3 août 1993.

Règlement (CEE) n° 2515/85 de la Commission

4.
    Selon le règlement (CEE) n° 2515/85 de la Commission, du 23 juillet 1985, relatif aux demandes de concours du FEOGA, section «Orientation», pour des projets d'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles et des produits de la pêche (JO L 243, p. 1), les demandes de concours doivent contenir les données et pièces indiquées en annexes dudit règlement. Ces annexes comportent, outre des modèles de formulaires de demande de concours communautaire, des notes explicatives s'y rapportant destinées à aider les demandeurs dans leurs démarches.

5.
    Le point 5.3 des «Notes explicatives par rubrique», première partie de l'annexe A du règlement n° 2515/85 (ci-après les «notes explicatives»), précise: «les projets commencés avant que la demande soit parvenue à la Commission ne peuvent pas recevoir de concours». Ces notes explicatives font référence à un engagement que doit prendre le demandeur au point 5.3 du formulaire de demande de concours, où il doit cocher la proposition suivante pour marquer son accord: «Nous nous engageons à ne pas commencer les travaux avant réception de la demande de concours par le FEOGA, section ‘Orientation’» (voir point 5.3 du formulaire de l'annexe A, première partie, du règlement n° 2515/85, JO L 243, p. 11).

Document de travail de 1986

6.
    En 1986, au sein de la Commission, les services de la direction générale «Agriculture» en charge du FEOGA ont élaboré le document de travail VI/1216/86-IT, concernant la fixation du concours maximal pouvant être accordé au titre du FEOGA dans le cadre du règlement n° 355/77 (ci-après le «document de travail»). Dans son point B 1 sont énumérées les actions totalement exclues du concours. Sont notamment exclus, selon le paragraphe 5 dudit point, les actions ou travaux commencés avant la présentation de la demande, exceptés:

«[...]

b) l'achat de machines, d'appareils et de matériel de construction, y compris les charpentes métalliques et éléments préfabriqués (la commande et la fourniture), à condition que le montage, l'installation, l'incorporation, et les travaux sur place en ce qui concerne le matériel de construction, n'aient pas eu lieu avant la présentation de la demande de concours;

[...]»

7.
    Le point B l, paragraphe 5, du document de travail précise également que les actions visées sous b) sont éligibles aux concours du FEOGA.

Règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil

8.
    Le 19 décembre 1988, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 4253/88, portant dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents fonds structurels, d'une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d'investissement et des autres instruments financiers existants, d'autre part (JO L 374, p. 1). Ce règlement est entré en vigueur le 1er janvier 1989 et a été modifié à plusieurs reprises.

9.
    Selon l'article 15, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n° 4253/88, dans sa version initiale applicable aux circonstances de l'espèce, «une dépense ne peut pas être considérée comme éligible au concours des Fonds si elle est encourue avant la date de réception par la Commission de la demande y afférente».

10.
    L'article 24 du règlement n° 4253/88, intitulé «Réduction, suspension et suppression du concours», dans sa version modifiée par le règlement (CEE) n° 2082/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 20), applicable le 3 mai 2000 au moment où la Commission a décidé de supprimer le concours, dispose:

«1. Si la réalisation d'une action ou d'une mesure semble ne justifier ni une partie ni la totalité du concours financier qui lui a été alloué, la Commission procède à un examen approprié du cas dans le cadre du partenariat, en demandant notamment à l'État membre ou aux autorités désignées par celui-ci pour la mise en oeuvre de l'action de présenter leurs observations dans un délai déterminé.

2. Suite à cet examen, la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l'action ou la mesure concernée si l'examen confirme l'existence d'une irrégularité ou d'une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en oeuvre de l'action ou de la mesure et pour laquelle l'approbation de la Commission n'a pas été demandée.

3. Toute somme donnant lieu à répétition de l'indu doit être reversée à la Commission. Les sommes non reversées sont majorées d'intérêts de retard en conformité avec les dispositions du règlement financier et selon les modalités à arrêter par la Commission, suivant les procédures visées au titre VIII.»

Règlement (CEE) n° 866/90 du Conseil

11.
    Le 29 mars 1990, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 866/90 concernant l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles (JO L 91, p. 1). Ce règlement est entré en vigueur le 1er janvier 1990.

12.
    L'article 10 du règlement n° 866/90 prévoit la possibilité de présenter, par l'intermédiaire de l'État membre concerné, des demandes de concours sous la forme de programmes opérationnels ou de subventions globales. En vue de permettre le passage harmonieux du régime de financement antérieurement prévu par le règlement n° 355/77 à celui instauré par les nouvelles dispositions contenues dans le règlement n° 866/90, l'article 20 de ce dernier règlement énonce certaines mesures transitoires, dont notamment la possibilité d'inclure dans les programmes opérationnels à financer au titre des années 1990 et 1991 les projets introduits à partir du 1er mai 1988 conformément au règlement n° 355/77 et non retenus pour un concours.

Faits à l'origine du litige

13.
    Le 22 avril 1989, Colombani Lusuco SpA (devenue, à la suite de l'acquisition d'un établissement à Massa Lombarda, Massalombarda Colombani SpA, ci-après le «bénéficiaire» ou «Massalombarda») a présenté une demande de concours du FEOGA au titre du règlement n° 355/77, en vue de financer la modernisation technique et la rationalisation des installations de son établissement de transformation de produits du secteur des fruits et légumes établi à Alseno (Italie) (ci-après la «demande de concours»). Par la suite, Massalombarba a été acquise en 1994 par Conserve Italia Soc. coop. rl (ci-après «Conserve Italia»), qui a absorbé cette société en 1997. Le présent litige ne tire donc pas son origine de comportements ou d'actes de Conserve Italia, mais d'une société à laquelle elle a succédé.

14.
    Le 7 juillet 1989, la Commission a reçu cette demande de concours, qui lui a été présentée par l'intermédiaire de la République italienne en application de l'article 13 du règlement n° 355/77. La Commission a indiqué au bénéficiaire quelle était la date de réception de la demande de concours par ses services dans une lettre qui lui a été adressée le 25 janvier 1990 et qu'il a reçu le 12 février 1990.

15.
    Le 20 décembre 1990, la Commission a fait part de l'impossibilité de financer la demande de concours, compte tenu du caractère limité des ressources disponibles et du fait que cette dernière n'avait pas été jugée prioritaire.

16.
    Conformément à l'article 20 du règlement n° 866/90, la République italienne a présenté de nouveau la demande de concours le 17 avril 1991, dans le cadre du programme opérationnel n° 91.CT.IT.01, relatif à l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles. Dans le cadre de ce programme, le projet n° 9 prévoyait un concours du FEOGA de 423 175 000 lires italiennes (ITL) en faveur de Massalombarda. L'investissement était décrit de la manière suivante: «Le présent projet d'amélioration des installations de production d'un établissement de transformation de fruits et légumes situé à Alseno - Piacenza tient à la nécessité:

-    d'améliorer des installations stratégiques pour l'activité spécifique de l'établissement, dont:

    -    les installations de stérilisation (Cooker-Cooler et autoclave pivotant)

    -    les chaînes de préparation des légumes frais

    -    les chaînes de remplissage et de sertissage sous vide des légumes.

[...]» Selon le calendrier d'exécution de ce projet, les travaux devaient débuter le 14 juillet 1989 et être achevés au plus tard le 31 décembre 1991.

17.
    Par décision C (91) 2255/6, du 28 octobre 1991, la Commission a approuvé le programme opérationnel n° 91.CT.IT.01, à la suite de quoi le bénéficiaire a reçu un montant de 338 540 000 ITL au titre du concours du FEOGA pour le projet n° 9.

18.
    À la fin de l'année 1992, les autorités italiennes compétentes ont demandé au bénéficiaire d'envoyer une photocopie de toutes les factures afférentes au projet en cause afin de procéder à une première analyse documentaire.

19.
    En 1993, le Ministero del Tesoro - Ragioneria generale dello Stato - Ispettorato generale per l'amministrazione del fondo di rotazione per l'attuazione delle politiche comunitarie (Ministère des Finances - Comptabilité générale de l'État - Inspection générale pour l'administration du fonds de rotation pour la mise en oeuvre des politiques communautaires, ci-après le «ministère du Trésor italien») a décidé d'effectuer une inspection auprès du bénéficiaire.

20.
    L'inspection du ministère du Trésor italien a eu lieu les 29 et 30 mars 1993, avec la participation de fonctionnaires de la direction générale «Contrôle financier» de la Commission. À la suite de cette inspection, la direction générale «Contrôle financier» a établi un rapport de contrôle en date du 2 juillet 1993 (ci-après le «rapport de contrôle»), où il est précisé que les photocopies de neuf factures, représentant une valeur totale de 1 357 690 000 ITL, avaient été falsifiées. Ainsi, tandis que sur les factures originales, les dates de certains bordereaux de livraison et de certaines commandes étaient antérieures au 7 juillet 1989, à savoir la date de réception de la demande par la Commission, sur les photocopies, ces dates avaient été soit effacées, soit remplacées par des dates ultérieures.

21.
    Ces irrégularités ont été consignées dans le procès-verbal du 30 mars 1993, signé par le représentant du bénéficiaire (voir annexe 7 du rapport de contrôle), et elles ne sont pas contestées par la requérante.

22.
    En outre, le rapport de contrôle relève que quatre factures originales, représentant un montant total de 1 237 569 808 ITL «confirment le début anticipé [des travaux]».

23.
    Lors de l'audience, la requérante a reconnu que certains travaux avaient bien été commencés avant la date de réception de la demande de concours par la Commission, à savoir le 7 juillet 1989.

24.
    Par lettre du 28 juillet 1993, le directeur général du contrôle financier de la Commission a communiqué au ministère du Trésor italien les conclusions préliminaires établies sur la base des constatations effectuées lors de l'inspection. Cette lettre précisait notamment qu'à la suite des irrégularités constatées le concours octroyé en faveur du projet n° 9 devait être supprimé et que les sommes déjà versées devaient être récupérées.

25.
    Par note du 2 novembre 1993, le ministère du Trésor italien a demandé à la Commission de lui communiquer son avis définitif quant à l'octroi éventuel du solde dû au bénéficiaire (à savoir 83 635 000 ITL, soit 20 % du concours total).

26.
    Afin de se prononcer sur cette demande, la Commission a demandé au ministère du Trésor italien, par lettre du 10 février 1994, de lui faire parvenir divers documents. N'ayant pas obtenu de réponse, la Commission a décidé, par lettre du 8 juillet 1994, de demander ces documents au Ministero delle risorse agricole, alimentari e forestali (ci-après le «ministère de l'Agriculture italien»).

27.
    Par lettre du 26 octobre 1994, le ministère de l'Agriculture italien a transmis à la Commission plusieurs documents relatifs aux suites données à l'inspection.

28.
    En même temps, le bénéficiaire a demandé et obtenu à plusieurs reprises d'être entendu par les services compétents de la Commission au sujet des irrégularités constatées à l'occasion du contrôle de 1993. Lors d'une rencontre qui s'est déroulée à Bruxelles le 22 octobre 1996 dans les bureaux de la Commission, le bénéficiaire a été invité à fournir la preuve que les machines achetées et livrées avant la date de réception de la demande de concours par la Commission n'avaient été installées qu'à une date ultérieure, comme le mentionne une note interne de la Commission du 13 juillet 1998 relative au litige.

29.
    Par lettre du 6 janvier 1997, la Commission a décidé d'ouvrir la procédure d'examen prévue par l'article 24 du règlement n° 4253/88 en invitant le ministère de l'Agriculture italien à exprimer son avis et le bénéficiaire à présenter ses observations.

30.
    Par lettres du 4 juin 1997 et du 11 juin 1998, le ministère de l'Agriculture italien a fait part de son opposition à la suppression du concours. Plus précisément, les autorités italiennes ont fait observer qu'il ressortait des observations présentées par le bénéficiaire que les machines avaient été montées et installées à une date ultérieure à celle de l'accusé de réception de la demande de concours.

31.
    Dans sa lettre susmentionnée du 4 juin 1997, le ministère de l'Agriculture italien a également transmis les observations du bénéficiaire et les documents rassemblés par celui-ci. Si le bénéficiaire reconnaissait que les neuf factures en cause avaient été falsifiées, il soutenait cependant que cet élément n'avait eu aucune incidence sur la bonne exécution du projet. Il soulignait, à ce propos, que toutes les machines mentionnées dans les factures falsifiées ainsi que celles mentionnées dans les factures se référant à des bordereaux de livraison antérieurs à la date de présentation de la demande de concours avaient été installées ultérieurement, bien qu'elles aient été livrées à l'entreprise avant cette date. Le bénéficiaire en concluait donc que les travaux relatifs au projet n'avaient pas été entamés par anticipation.

32.
    Le bénéficiaire a joint à ses observations une déclaration notariée délivrée par M. Padoin, directeur de l'établissement d'Alseno, concernant les factures n° 1450, n° 905, n° 6736 de FMC et la facture n° 3086 de FMI. Dans cette déclaration, M. Padoin affirmait, en substance, que les machines et le matériel faisant l'objet des factures en cause avaient été installés après la réception de la demande de concours par la Commission.

33.
    Considérant que les éléments obtenus ne démentaient pas les irrégularités constatées lors du contrôle de 1993 et que leur importance et leur gravité justifiaient la suppression du concours, la Commission a, par décision C (2000) 1099, du 3 mai 2000, sur la base de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, décidé de supprimer le concours octroyé au bénéficiaire (ci-après la «décision attaquée»).

34.
    La décision attaquée expose dans son neuvième considérant les différentes irrégularités avancées pour justifier la suppression du concours en application de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88.

35.
    En premier lieu, la décision relève que, lors de la visite de contrôle auprès du bénéficiaire effectuée en mars 1993 par le ministère du Trésor italien avec la participation de la Commission, il a été constaté que les dates de livraison inscrites sur neuf photocopies de factures présentées par le bénéficiaire avaient été altérées. Ces altérations ont été dûment mentionnées dans le procès-verbal du 30 mars 1993, signé, notamment, par le représentant du bénéficiaire. La décision souligne également que l'intention manifeste de ces altérations, indiquée dans la lettre de la Commission du 6 janvier 1997, «était d'occulter le fait que des travaux relatifs au projet ont débuté avant son introduction auprès de la Commission le 7 juillet 1989, pour certains travaux trois mois avant cette date», et que «le bénéficiaire devait savoir que la connaissance par la Commission de cette anticipation des travaux allait avoir pour lui des conséquences financières négatives, à la suite de sa déclaration du 22 avril 1989 conformément au point 5.3 de l'annexe du règlement [...] n° 2515/85 de la Commission de ne pas commencer les travaux avant l'introduction du concours».

36.
    En deuxième lieu, la décision précise que le contenu de la déclaration notariée du 24 avril 1997 faite et signée par le représentant du bénéficiaire, aux termes de laquelle tous les travaux liés au projet ont débuté après le 7 juillet 1989, n'est pas compatible avec le contenu de certaines factures inaltérées (telles la facture n° 89 de Manzini Comaco du 16 août 1989, la facture n° 905 de FMC du 31 juillet 1989, et la facture n° 3086 de FMI du 31 juillet 1989), lesquelles démontrent le début anticipé des travaux. Selon la décision, cette déclaration notariée constitue, en réalité, une autre tentative d'induire la Commission en erreur afin d'éviter les conséquences financières négatives du début anticipé des travaux.

37.
    En troisième lieu, la décision signale que les factures falsifiées et celles attestant du début anticipé des travaux portaient sur un total de 2 595 259 808 ITL (soit 1 357 690 000 ITL + 1 237 569 808 ITL), ce qui représente 60 % des investissements totaux prévus.

Procédure et conclusions des parties

38.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 juillet 2000, la requérante a saisi le Tribunal du présent recours contre la décision attaquée.

39.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, au titre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure, a demandé à la requérante de répondre à une question et à la Commission, d'une part, de produire certains documents et, d'autre part, de répondre à plusieurs questions.

40.
    Les parties ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

41.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l'audience du 12 novembre 2002.

42.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens.

43.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur le fond

44.
    La requérante avance trois moyens à l'appui de sa demande en annulation de la décision attaquée: le premier moyen est tiré de la violation de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88; le deuxième moyen est tiré de la violation du principe de proportionnalité; le troisième moyen est tiré de la violation de l'obligation de motivation.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88

45.
    Le premier moyen est divisé en deux branches: la première branche est tirée du fait que les irrégularités constatées ne sont pas de nature à justifier la suppression du concours; la question de savoir si la Commission dispose, en application de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, du pouvoir de supprimer et non simplement de suspendre ou de réduire le concours octroyé est abordée dans la seconde branche.

A - Sur la première branche, tirée du fait que les irrégularités constatées ne sont pas de nature à justifier la suppression du concours

46.
    La requérante soutient que la décision attaquée viole l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 en justifiant la suppression du concours par le fait que l'altération des dates des bordereaux de livraison visait à dissimuler le fait que les travaux relatifs au projet avaient été entamés avant sa présentation à la Commission, le 7 juillet 1989.

47.
    Il convient de distinguer les arguments relatifs à la présentation d'informations altérées par le bénéficiaire du concours de ceux qui concernent le début anticipé des travaux.

1. Sur l'irrégularité liée à la présentation d'informations altérées par le bénéficiaire

48.
    La Commission soutient que la requérante a manqué à l'obligation d'information et de loyauté à laquelle elle était soumise et à laquelle la décision attaquée fait référence (voir, à cet égard, arrêt du Tribunal du 12 octobre 1999, Conserve Italia/Commission, T-216/96, Rec. p. II-3139, points 71 et 72, ci-après l'«arrêt du Tribunal Conserve Italia»).

49.
    La requérante fait observer que l'obligation d'information et de loyauté qui est sanctionnée dans l'arrêt du Tribunal Conserve Italia n'est pas le fondement de la décision attaquée. De plus, la référence à cet arrêt serait inappropriée, puisque la violation de l'obligation d'information et de loyauté qu'il envisage porte sur la dissimulation ou la présentation fallacieuse d'informations «concernant la date de commencement des travaux», alors qu'en l'espèce les documents falsifiés ne peuvent attester que des dates du transport des biens et n'indiquent rien à propos de la date de commencement des travaux d'installation et d'assemblage.

50.
    Le Tribunal souligne qu'il ressort des points 71 et 72 de l'arrêt du Tribunal Conserve Italia, confirmé sur pourvoi par l'arrêt de la Cour du 24 janvier 2002, Conserve Italia/Commission (C-500/99 P, Rec. p. I-867, ci-après l'«arrêt de la Cour Conserve Italia»), que le demandeur et le bénéficiaire d'un concours du FEOGA sont tenus à une obligation d'information et de loyauté envers la Commission. Il précise: «Les demandeurs et bénéficiaires de concours sont tenus de s'assurer qu'ils fournissent à la Commission des informations fiables non susceptibles de l'induire en erreur, sans quoi le système de contrôle et de preuve mis en place pour vérifier si les conditions d'octroi du concours sont remplies ne saurait fonctionner correctement. En effet, à défaut d'informations fiables, des projets ne remplissant pas les conditions requises pourraient faire l'objet d'un concours. Il en découle que l'obligation d'information et de loyauté qui pèse sur les demandeurs et bénéficiaires du concours est inhérente au système de concours du FEOGA et essentielle pour son bon fonctionnement.» (Point 71.) Dès lors, «[l]a circonstance que [...] des informations relatives à la date de commencement des travaux ont été dissimulées ou présentées de manière à induire la Commission en erreur constitue une violation de cette obligation et, partant, de la réglementation applicable» (point 72).

51.
    En l'espèce, la requérante ne conteste pas l'altération de certaines dates opérées sur neuf photocopies de factures précédemment soumises, comme l'atteste sa signature sur le procès-verbal du 30 mars 1993 rédigé lors de la visite de contrôle effectuée par le ministère du Trésor italien avec la participation de la Commission (annexe 7 du rapport de contrôle).

52.
    Ainsi, tandis que sur les neuf factures originales, les dates de certaines commandes et de plusieurs bordereaux de livraison étaient antérieures au 7 juillet 1989 (date de réception de la demande de concours par la Commission), sur les photocopies litigieuses, ces dates avaient été soit remplacées par des dates ultérieures, soit effacées:

-    sur la photocopie de la facture n° 381/B/89 d'Ecotek, datée du 24 juillet 1989, la date du bordereau de livraison était le 19 juillet 1989, alors que cette date était le 9 juin 1989 sur l'original de la facture;

-    sur la photocopie de la facture n° 303 de Baraldi, datée du 28 juillet 1989, la date de la commande était occultée, alors que cette date était le 31 mars 1989 sur l'original de la facture; de même, les dates des bordereaux de livraison afférents à cette commande étaient occultées ou remplacées par une référence au 27 juillet 1989 sur la photocopie, alors que ces dates étaient les 5 et 19 juin 1989 sur l'original;

-    sur la photocopie de la facture n° 304 de Baraldi, datée du 28 juillet 1989, les dates de la confirmation de la vente et de la commande étaient occultées, alors que ces dates étaient, respectivement, le 28 et le 31 mars 1989 sur l'original de la facture; de même, la date du bordereau de livraison était le 27 juillet 1989 sur la photocopie, alors que cette date était le 3 juillet 1989 sur l'original;

-    sur la photocopie de la facture n° 37 de Baraldi, datée du 31 juillet 1989, la date de la commande était occultée, alors que cette date était le 31 mars 1989 sur l'original de la facture;

-    sur la photocopie de la facture n° 89 d'Uteco, datée du 31 juillet 1989, la date de la commande était occultée, alors que cette date était le 10 mai 1989 sur l'original de la facture; de même, les dates des trois bordereaux de livraison étaient, respectivement, le 19, le 22 et le 28 juillet 1989 sur la photocopie, alors que ces dates étaient le 19, le 22 et le 28 juin 1989 sur l'original;

-    sur la photocopie de la facture n° 184 de Zilli & Bellini, datée du 31 juillet 1989, la date du bordereau de livraison était le 22 juillet 1989, alors que cette date était le 22 juin 1989 sur l'original de la facture;

-    sur la photocopie de la facture n° 191 d'Izoteca, datée du 31 juillet 1989, les dates de deux bordereaux de livraison étaient occultées, alors que ces dates étaient, respectivement, le 3 et le 6 juillet 1989 sur l'original de la facture;

-    sur la photocopie de la facture n° 318 de Baraldi, datée du 7 août 1989, la date de la commande était occultée, alors que cette date était le 31 mai 1989 sur l'original de la facture;

-    sur la photocopie de la facture n° 89 de Manzini Comaco, datée du 16 août 1989, les dates de deux bordereaux de livraison étaient le 9 juillet 1989, alors que ces dates étaient du 5 juillet 1989 sur l'original de la facture.

53.
    Le fait de communiquer délibérément à la Commission des documents altérés relatifs à la mise en oeuvre du projet suffit à caractériser la violation de l'obligation d'information et de loyauté susvisée, dès lors que ces altérations étaient destinées à dissimuler à la Commission le fait que la commande et la livraison de matériel faisant l'objet du concours ont eu lieu avant le 7 juillet 1989, date de réception de la demande de concours par la Commission, et qu'elles étaient susceptibles de l'induire en erreur en ce qui concerne la date de commencement des travaux, laquelle constitue, comme le note la décision attaquée, un «élément important» du système mis en place par le FEOGA. Le but de ces altérations est, à l'évidence, de faire que la Commission ne s'inquiète pas d'un éventuel début anticipé des travaux à la suite de livraisons intervenues avant cette date.

54.
    Il ressort de ce qui précède que la Commission n'a pas violé l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 en considérant que la présentation d'informations altérées relatives à la commande et à la livraison de matériel faisant l'objet du concours constituait une irrégularité au sens de cette disposition.

2. Sur l'irrégularité liée au début anticipé des travaux

55.
    La requérante rappelle que, en vertu du point 5.3 des notes explicatives, «les projets commencés avant que la demande soit parvenue à la Commission ne peuvent pas recevoir de concours» et précise qu'elle s'est engagée, conformément à cette disposition, à ne pas commencer les travaux avant réception de la demande de concours par le FEOGA. Il conviendrait toutefois de se référer au point B 1, paragraphe 5, sous b), du document de travail pour déterminer le début des travaux, dès lors que cette disposition prévoit que le FEOGA peut financer des machines et des appareils «à condition que le montage, l'installation, l'incorporation [...] n'aient pas eu lieu avant la présentation de la demande de concours».

56.
    À cet égard, la requérante conteste l'argument de la Commission selon lequel le point 5.3 des notes explicatives consacrerait un principe qui conditionne l'interprétation du point B 1, paragraphe 5, sous b), du document de travail. Selon la requérante, le point 5.3 des notes explicatives ne serait rien d'autre qu'une clause figurant dans le formulaire de demande de concours. De même, elle relève que le point B 1, paragraphe 5, sous b), du document de travail précise que l'action ne doit pas être commencée avant la «présentation» de la demande de concours, ce qui est contredit par le point 5.3 des notes explicatives, lequel souligne que les projets commencés avant que la demande ne soit «parvenue» à la Commission ne peuvent pas recevoir de concours. Une telle contradiction empêcherait la Commission d'exiger que les opérateurs agissent dans une absolue transparence.

57.
    Par ailleurs, la requérante fait valoir que la Commission ne peut déduire du point 5.3 des notes explicatives qu'il appartient aux demandeurs et aux bénéficiaires du concours, qui souhaitent se prévaloir du point B 1, paragraphe 5, sous b), du document de travail, de l'informer en temps utile des achats effectués et de fournir la preuve que la condition de son application est respectée, dès lors qu'aucune disposition du document de travail ou de tout autre document ne permet d'établir une telle obligation, laquelle est évoquée pour la première fois dans le mémoire en défense.

58.
    Le Tribunal relève que la condition selon laquelle le projet ne doit pas être commencé avant la date de réception de la demande de concours par la Commission ressort du point 5.3 des notes explicatives, où il est précisé que «les projets commencés avant que la demande soit parvenue à la Commission ne peuvent pas recevoir de concours». Ce point est corroboré par le point 5.3 du formulaire de demande de concours (formulaire de l'annexe A, première partie, du règlement n° 2515/85), qui contient l'engagement du demandeur du concours de ne pas commencer les travaux avant réception de la demande de concours par la Commission. À cet égard, il convient de rappeler, en réponse à l'argument de la requérante selon lequel le point 5.3 des notes explicatives ne serait rien d'autre qu'une clause figurant dans le formulaire de demande de concours, qu'il ressort du point 61 de l'arrêt du Tribunal Conserve Italia que les indications contenues dans le formulaire de concours ont la même force juridique que celle du règlement qui les contient en annexe, à savoir le règlement n° 2515/85.

59.
    La condition susvisée ressort également de l'article 15, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n° 4253/88, dont la version initiale applicable aux circonstances de l'espèce précise: «Une dépense ne peut pas être considérée comme éligible au concours des Fonds si elle est encourue avant la date de réception par la Commission de la demande y afférente.»

60.
    Ces dispositions sont précisées par le document de travail, dont le point B 1, paragraphe 5, dispose que sont notamment exclus les actions ou travaux commencés avant la présentation de la demande, à l'exception de «l'achat de machines, d'appareils et de matériel de construction, y compris les charpentes métalliques et éléments préfabriqués (la commande et la fourniture), à condition que le montage, l'installation, l'incorporation, et les travaux sur place en ce qui concerne le matériel de construction, n'aient pas eu lieu avant la présentation de la demande de concours».

61.
    Le point B 1, paragraphe 5, du document de travail s'interprète en ce sens que le demandeur d'un concours du FEOGA peut, par exception à la condition susvisée, commander et se faire livrer du matériel avant la date de réception de la demande de concours pour autant que ce matériel ne soit pas monté, installé ou incorporé avant cette date.

62.
    Dans ce contexte, la référence faite par le point B 1, paragraphe 5, sous b), du document de travail à la date de «présentation de la demande de concours» ne contredit pas, comme le suggère la requérante, la référence faite par le point 5.3 des notes explicatives à la date à laquelle «la demande [parvient] à la Commission», pas plus d'ailleurs que celle faite par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 à «la date de réception par la Commission de la demande [de concours]» ou celle faite par le point 5.3 du formulaire à la date de la «réception de la demande de concours par le FEOGA». Toutes ces références se comprennent nécessairement, en effet, comme une référence à la date de réception par la Commission de la demande de concours qui lui est transmise par les autorités nationales compétentes.

63.
    Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la Commission, il ne ressort pas des termes du point B 1, paragraphe 5, sous b), du document de travail que le bénéficiaire doit informer cette institution de la commande et de la livraison de ces machines pour bénéficier de l'éligibilité au concours.

64.
    En ce qui concerne la question du début anticipé des travaux, il convient de relever que, si la requérante contestait un tel début anticipé dans ses mémoires, elle a admis lors de l'audience que certains travaux avaient bien été commencés avant la date de réception de la demande de concours par la Commission, à savoir le 7 juillet 1989.

65.
    À cet égard, l'examen des trois factures citées dans la décision attaquée pour démontrer le début anticipé des travaux permet de constater, d'une part, qu'un stérilisateur a été livré dans l'établissement du bénéficiaire le 22 juin 1989 et qu'il a commencé à être installé le 4 juillet et, d'autre part, que les travaux liés à l'installation d'une sertisseuse sous vide, qui a commencé à être livrée par Manzini Comaco le 5 juillet 1989, ont commencé le 6 juillet 1989.

66.
    Les factures relatives au stérilisateur citées dans la décision attaquée sont les suivantes:

-    la facture n° 905 de FMC, du 31 juillet 1989, qui mentionne le bordereau de livraison n° 1942, du 22 juin 1989, lequel concerne un stérilisateur (le modèle «FMC 742 twin») et le matériel afférent;

-    la facture n° 3086 de FMI, du 31 juillet 1989, laquelle précise que du matériel divers relatif au stérilisateur précité a été livré le 4 juillet 1989.

67.
    Ces factures sont à rapprocher de la facture n° 6736 de FMC, du 5 octobre 1989, laquelle renvoie à l'état des travaux P.5726, qui précise que des travaux d'installation ont été réalisés au sein de l'établissement du bénéficiaire les 4, 5 et 6 juillet 1989 pour l'installation du stérilisateur précité («installation of additional cooker shell for FMC 742 twin»). De même, le rapport hebdomadaire de travail n° 51 de M. Macchi et le rapport hebdomadaire de travail n° 53 de M. Racchelli précisent que des travaux d'installation relatifs au stérilisateur ont été réalisés au sein de l'établissement du bénéficiaire les 4, 5 et 6 juillet 1989.

68.
    Ces éléments démontrent que les travaux concernant l'installation d'un stérilisateur financé dans le cadre du concours litigieux ont bien commencé avant le 7 juillet 1989.

69.
    La troisième facture évoquée dans la décision attaquée est la facture n° 89 de Manzini Comaco, du 16 août 1989, qui concerne la sertisseuse sous vide livrée par cette société, et renvoie notamment au bordereau de livraison n° 21773/89, du 5 juillet 1989, lequel précise que la livraison d'une partie du matériel afférent à ce groupe a été effectuée le 5 juillet 1989. Cette facture et le bordereau de livraison auquel elle se réfère sont à mettre en relation avec les rapports mensuels de travail correspondants des techniciens de Manzini Comaco, communiqués avec les observations de la requérante sur l'ouverture de la procédure de suppression du concours et cités par celle-ci dans sa requête à l'appui de sa thèse. Or les rapports mensuels de travail de M. Chiesa et de M. Pelogotti précisent qu'ils ont, chacun, travaillé 8 heures 30, le 6 juillet 1989, pour le «placement du groupe ASV6 sous vide» livré dans l'établissement du bénéficiaire le 5 juillet 1989.

70.
    Ces éléments démontrent également que les travaux concernant la sertisseuse sous vide financée dans le cadre du concours litigieux ont commencé avant le 7 juillet 1989.

71.
    En conséquence, la Commission a, à juste titre, considéré que les travaux donnant lieu au concours en cause avait débuté de façon anticipée, ce qui constituait une irrégularité au sens de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88.

72.
    Il ressort de ce qui précède que la première branche du premier moyen doit être rejetée.

B - Sur la seconde branche du premier moyen, selon laquelle l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 ne permet pas à la Commission de supprimer un concours du FEOGA

73.
    La requérante fait valoir que la décision attaquée viole l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, qui lui sert de base juridique, car cette disposition ne permet pas à la Commission de supprimer un concours, mais seulement de le réduire ou de le suspendre. À cet égard, elle note que, si l'intitulé de l'article 24 du règlement précité est «réduction, suspension et suppression du concours», le terme «suppression» ne renvoie pas au paragraphe 2, mais au paragraphe 3 de cet article, qui prévoit que toute somme qui donne lieu à répétition doit être restituée à la Commission et vise les cas dans lesquels l'intégralité de la somme aurait été versée à tort.

74.
    Le Tribunal relève qu'il ressort de l'arrêt de Cour Conserve Italia (points 81 à 91) que la Commission peut procéder à la suppression du concours en application de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, lequel est visé dans la décision attaquée.

75.
    Ainsi, en dépit du fait que l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 ne prévoit pas expressément la suppression du concours, alors que l'article 24 de ce règlement est pourtant intitulé «Réduction, suspension et suppression du concours», la Cour a jugé que cette disposition constitue la base juridique de toute demande de remboursement de la Commission. Cette disposition serait partiellement privée de son effet utile si la Commission ne pouvait supprimer la totalité du concours alors même que l'examen opéré préalablement confirme l'existence d'une irrégularité (arrêt de la Cour Conserve Italia, points 81 et 88).

76.
    En outre, la Cour a souligné que limiter les possibilités de la Commission à une réduction du concours en proportion seulement du montant sur lequel portent les irrégularités constatées aboutirait à favoriser la fraude de la part des demandeurs du concours, ceux-ci ne risquant alors que la perte du bénéfice des sommes indues (arrêt de la Cour Conserve Italia, point 89).

77.
    La Cour a également souligné, que, en tout état de cause, il résulte de sa jurisprudence que l'administration peut retirer avec effet rétroactif un acte administratif favorable entaché d'une illégalité, sous réserve de n'enfreindre ni le principe de sécurité juridique ni celui du respect de la confiance légitime (arrêts de la Cour du 12 juillet 1957, Algera e.a./Assemblée commune de la CECA, 7/56 et 3/57 à 7/57, Rec. p. 81, point 116; du 3 mars 1982, Alpha Steel/Commission, 14/81, Rec. p. 749, points 10 à 12; du 26 février 1987, Consorzio Cooperative d'Abruzzo/Commission, 15/85, Rec. p. 1005, points 12 à 17; du 17 avril 1997, De Compte/Parlement, C-90/95 P, Rec. p. I-1999, point 35, et arrêt de la Cour Conserve Italia, point 90). Cette possibilité, admise lorsque le bénéficiaire de l'acte n'a pas contribué à son illégalité, l'est d'autant plus lorsque, comme en l'espèce, l'illégalité trouve sa cause dans le fait de celui-ci (arrêt de la Cour Conserve Italia, point 90).

78.
    Par ailleurs, la Cour a relevé que l'article 24, paragraphe 3, du règlement n° 4253/88 concerne la répétition auprès du bénéficiaire du concours des sommes indues et dispose que les sommes non reversées seront majorées d'intérêts. Il ne peut ainsi constituer, contrairement à la thèse soutenue par la requérante, une base juridique pour une décision de suppression d'un concours (arrêt de la Cour Conserve Italia, point 87).

79.
    Dès lors, la seconde branche du premier moyen doit être rejetée.

80.
    En conséquence, le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

81.
    La requérante souligne que le principe de proportionnalité impose que, lorsqu'un choix s'offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt de la Cour du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C-331/88, Rec. p. I-4023). À cet égard, elle relève que l'article 24 du règlement n° 4253/88 prévoit une échelle de gravité entre les infractions qui peuvent être qualifiées d'«irrégularités» et celles susceptibles d'être qualifiées de «modifications importantes» et soutient que la Commission a violé le principe de proportionnalité en décidant de supprimer le concours après avoir constaté de simples «irrégularités», lesquelles ne justifiaient éventuellement que la seule réduction du concours et non la suppression de celui-ci.

82.
    Par ailleurs, la requérante cite à l'appui de sa thèse le point 21 de l'arrêt de la Cour du 20 février 1979, Buitoni (122/78, Rec. p. 677), qui précise «[q]ue si, compte tenu des inconvénients provoqués par la production tardive des preuves, la Commission était en droit d'introduire le délai prévu à l'article 3 du règlement n° 499/76 pour la présentation des preuves, elle n'aurait dû frapper le non-respect de ce délai que par une sanction sensiblement moins lourde pour les administrés que celle prévoyant la perte totale de la caution et mieux adaptée aux effets pratiques d'une telle omission». Elle estime qu'un parallèle doit être fait entre les deux affaires, dès lors que, dans l'arrêt Buitoni, le grief portait sur l'inobservation d'un délai et non sur la violation des obligations prises par cette entreprise et, que, en l'espèce, ce qui lui est reproché tient au non-respect du délai de présentation de la demande de concours, tandis qu'aucune remarque n'a été faite en ce qui concerne l'exécution complète et satisfaisante des travaux pour lesquels le concours avait été demandé.

83.
    Le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, consacré par l'article 5 CE, troisième alinéa, exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêt de la Cour du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, Rec. p. 2171, point 25; arrêt du Tribunal du 19 juin 1997, Air Inter/Commission, T-260/94, Rec. p. II-997, point 144, et arrêt du Tribunal Conserve Italia, point 101).

84.
    En outre, les obligations dont le respect est d'importance fondamentale pour le bon fonctionnement d'un système communautaire peuvent être sanctionnées par la perte d'un droit ouvert par la réglementation communautaire, tel le droit à une aide (voir, en ce sens, arrêt Buitoni, précité; arrêts de la Cour du 27 novembre 1986, Maas, 21/85, Rec. p. 3537, et du 12 octobre 1995, Cereol Italia, C-104/94, Rec. p. I-2983, point 24; voir également arrêt du Tribunal Conserve Italia, point 103).

85.
    En particulier, il convient de relever qu'il est indispensable au bon fonctionnement du système permettant le contrôle d'une utilisation adéquate des fonds communautaires que les demandeurs de concours fournissent à la Commission des informations fiables et non susceptibles de l'induire en erreur (arrêt de la Cour Conserve Italia, point 100, et arrêt du Tribunal Conserve Italia, point 104).

86.
    De même, il y a lieu de souligner que la condition selon laquelle les travaux ne doivent pas être commencés avant la date de réception de la demande de concours par la Commission présente un caractère fondamental, dès lors qu'elle vise à garantir la sécurité dans les rapports juridiques et l'égalité de traitement entre les demandeurs de concours, en évitant que celui-ci soit octroyé à des entreprises qui ont déjà réalisé, partiellement ou totalement, les améliorations visées dans le projet à subventionner. Ainsi, la violation par le bénéficiaire d'un concours de son engagement de ne pas commencer le projet avant la réception par la Commission de la demande de concours constitue une violation grave d'une obligation essentielle (arrêt de la Cour Conserve Italia, point 102, et arrêt du Tribunal Conserve Italia, point 105 in fine).

87.
    Comme l'a précisé la Commission lors de l'audience, une fois que le demandeur du concours du FEOGA a transmis le formulaire de demande de concours à l'autorité nationale compétente, celle-ci doit pouvoir vérifier que ladite demande est bien compatible avec la finalité du régime mis en place, s'agissant notamment du point de savoir si les travaux dont le financement est demandé n'ont pas déjà été effectués par le demandeur. Cette possibilité de contrôle permet d'expliquer pour quelle raison il n'est pas tenu compte de la date de signature de la demande de concours, mais de la date de sa présentation à la Commission.

88.
    En l'espèce, ainsi qu'il a été constaté ci-dessus, le bénéficiaire du concours a non seulement altéré plusieurs dates indiquées sur neuf photocopies de factures en vue d'occulter ou de modifier les dates relatives à la commande et à la livraison de biens faisant l'objet du concours, ce qui était susceptible d'induire la Commission en erreur sur le commencement des travaux, mais a encore commencé les travaux avant la date de réception de la demande de concours par la Commission.

89.
    De telles actions constituent des violations graves d'obligations essentielles, et la Commission n'a pas dépassé les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour garantir le bon fonctionnement du système communautaire instauré dans le cadre du FEOGA en considérant que de telles violations justifiaient la suppression du concours.

90.
    Sur ce point, il convient de rappeler que la possibilité qu'une irrégularité soit sanctionnée non par la réduction du concours à concurrence du montant correspondant à cette irrégularité, mais par la suppression complète du concours est seule à même de produire l'effet dissuasif nécessaire à la bonne gestion des ressources du FEOGA (arrêt de la Cour Conserve Italia, point 101).

91.
    S'agissant de l'arrêt Buitoni, précité, il y a lieu de relever que les faits à l'origine de cette affaire diffèrent de la présente espèce. L'arrêt Buitoni concerne une affaire où le refus de libérer une caution destinée à garantir l'exécution d'un engagement était motivé par le non-respect du délai imparti pour la production des preuves relatives à la réalisation de cet engagement. La Cour a alors jugé qu'il n'était pas possible de déduire la non-exécution substantielle de l'engagement garanti du simple non-respect d'un délai de procédure. En revanche, dans la présente espèce, l'obligation de ne pas commencer les travaux avant la date de réception de la demande de concours par la Commission faisait l'objet d'un engagement explicite et précis pris par le bénéficiaire, dont le non-respect constitue la violation d'une obligation essentielle. Dès lors, la requérante ne saurait se prévaloir de la jurisprudence établie dans l'arrêt Buitoni, précité.

92.
    Il s'ensuit que la violation alléguée du principe de proportionnalité n'est pas établie et que le deuxième moyen doit être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l'article 253 CE en raison de la contradiction des motifs de la décision attaquée

93.
    La requérante fait valoir que la décision attaquée écarte la déclaration par acte notarié faite et signée par le représentant du bénéficiaire le 24 avril 1997 (ci-après la «déclaration notariée»), selon laquelle tous les travaux inclus dans le projet bénéficiant du concours ont commencé après le 7 juillet 1989, aux motifs que trois factures démontreraient le début anticipé des travaux. Il s'agirait là d'une contradiction dans la motivation de la décision attaquée, laquelle constitue «une violation de l'obligation qui découle de l'article [253] du traité [CE], de nature à affecter la validité de l'acte en cause, s'il est établi que, en raison de cette contradiction, le destinataire de l'acte n'est pas en mesure de connaître les motifs réels de la décision, en tout ou en partie, et que, de ce fait, le dispositif de l'acte est, en tout ou en partie, dépourvu de tout support juridique» (arrêts du Tribunal du 24 janvier 1995, Tremblay e.a./Commission, T-5/93, Rec. p. II-185, point 42, et du 30 mars 2000, Kish Glass/Commission, T-65/96, Rec. p. II-1885, point 85).

94.
    À cet égard, la requérante soutient dans ses mémoires que les factures n° 89 de Manzini Comaco du 16 août 1989, n° 905 de FMC du 31 juillet 1989 et n° 3086 de FMI du 31 juillet 1989 ne font nullement ressortir la date de début des travaux, mais seulement la date de la facture et la date de livraison des machines. Le contenu de ces factures serait donc parfaitement compatible avec celui de la déclaration notariée.

95.
    Le Tribunal relève qu'il ressort d'une jurisprudence constante, d'une part, que, en vertu de l'article 253 CE, la motivation d'un acte doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle et, d'autre part, que la portée de l'obligation de motivation s'apprécie en fonction de son contexte (arrêt du Tribunal du 24 avril 1996, Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, T-551/93, et T-231/94 à T-234/94, Rec. p. II-247, point 140, et arrêt du Tribunal Conserve Italia, point 117).

96.
    En l'espèce, le Tribunal souligne qu'il a jugé ci-dessus que les trois factures citées dans la décision attaquée et les rapports de travail des techniciens qui s'y rapportent démontrent que les travaux ont été commencés avant le 7 juillet 1989, ainsi que la requérante l'a admis lors de l'audience. Dès lors, comme l'expose à juste titre la décision attaquée, la déclaration notariée non seulement était dénuée de fondement, mais constituait, en outre, une tentative supplémentaire d'induire la Commission en erreur sur la date effective du début des travaux.

97.
    Il s'ensuit que la motivation de la décision attaquée fait apparaître d'une façon claire et non équivoque le raisonnement de la Commission et a permis à l'intéressé de défendre ses droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle.

98.
    Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée est suffisamment motivée au sens de l'article 253 CE, de sorte que le troisième moyen doit être rejeté.

99.
    En conséquence, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

100.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions et la Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens, il y a lieu de condamner cette dernière à supporter ses propres dépens et ceux exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

déclare et arrête:

1.
    Le recours est rejeté.

2.
    La partie requérante supportera ses propres dépens et les dépens exposés par la Commission.

García-Valdecasas

Lindh
Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 mars 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. García-Valdecasas


1: Langue de procédure: l'italien.