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ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

10 novembre 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services – Directive 2014/24/UE – Attribution des marchés – Article 2, paragraphe 1, point 10 – Notion d’« opérateur économique » – Inclusion d’une société en nom collectif dépourvue de la personnalité morale – Article 19, paragraphe 2, et article 63 – Entreprise commune ou recours aux capacités d’autres entités des personnes associées – Article 59, paragraphe 1 – Obligation de fournir un ou plusieurs documents uniques de marché européen (DUME) – Finalité du DUME »

Dans l’affaire C‑631/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Gerechtshof ’s-Hertogenbosch (cour d’appel de Bois-le-Duc, Pays-Bas), par décision du 5 octobre 2021, parvenue à la Cour le 14 octobre 2021, dans la procédure

Taxi Horn Tours BV

contre

gemeente Weert,

gemeente Nederweert,

Touringcars VOF,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, MM. N. Jääskinen et M. Gavalec (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Taxi Horn Tours BV, par Me L. C. van den Berg, advocaat,

–        pour gemeente Weert et gemeente Nederweert, par Me N. A. D. Groot, advocaat,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et M. H. S. Gijzen, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. P. Ondrůšek et G. Wils, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, 19, 59 et 63 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), ainsi que du règlement d’exécution (UE) 2016/7 de la Commission, du 5 janvier 2016, établissant le formulaire type pour le document unique de marché européen (JO 2016, L 3, p. 16).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Taxi Horn Tours BV à la gemeente Weert et à la gemeente Nederweert (commune de Weert et commune de Nederweert, Pays-Bas) (ci-après, ensemble, les « communes ») ainsi qu’à Touringcars VOF, au sujet de l’attribution par les communes d’un marché public de transport par autobus à cette dernière.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2014/24

3        Les considérants 14, 15 et 21 de la directive 2014/24 énoncent :

« (14)      Il convient de préciser que la notion d’“opérateur économique” devrait s’interpréter au sens large, de manière à inclure toute personne ou entité qui offre la réalisation de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services sur le marché, quelle que soit la forme juridique sous laquelle elle a choisi d’opérer. Dès lors, les sociétés, les succursales, les filiales, les associations, les sociétés coopératives, les sociétés anonymes, les universités, qu’elles soient publiques ou privées, ainsi que d’autres formes d’entités que les personnes physiques, devraient toutes relever de la notion d’opérateur économique, qu’il s’agisse ou non de “personnes morales” en toutes circonstances.

(15)      Il convient de préciser que les groupements d’opérateurs économiques, y compris lorsqu’ils se sont constitués sous la forme d’une association temporaire, peuvent participer aux procédures de passation de marchés sans devoir nécessairement adopter une forme juridique déterminée. Dans la mesure où cela s’avère nécessaire, par exemple lorsqu’une responsabilité solidaire est requise, les groupements d’opérateurs économiques peuvent être tenus d’adopter une forme juridique déterminée lorsque le marché leur a été attribué. [...]

[...]

(21)      Les marchés publics qui sont passés par des pouvoirs adjudicateurs opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et qui s’inscrivent dans le cadre de ces activités relèvent de la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil[, du 26 février 2014, relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (JO 2014, L 94, p. 243)]. Cependant, les marchés passés par des pouvoirs adjudicateurs dans le cadre de leurs activités d’exploitation de services de transports maritimes, côtiers ou fluviaux relèvent de la présente directive. »

4        Intitulé « Définitions », l’article 2 de cette directive dispose :

« 1.      Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

10.      “opérateur économique”, toute personne physique ou morale ou entité publique, ou tout groupement de ces personnes et/ou entités, y compris toute association temporaire d’entreprises, qui offre la réalisation de travaux et/ou d’ouvrages, la fourniture de produits ou la prestation de services sur le marché ;

[...] »

5        Intitulé « Principes de la passation de marchés », l’article 18 de ladite directive énonce, à son paragraphe 1, premier alinéa :

« Les pouvoirs adjudicateurs traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent d’une manière transparente et proportionnée. »

6        Intitulé « Opérateurs économiques », l’article 19 de la même directive prévoit, à son paragraphe 2 :

« Les groupements d’opérateurs économiques, y compris les associations temporaires, peuvent participer aux procédures de passation de marchés. Ils ne sont pas contraints par les pouvoirs adjudicateurs d’avoir une forme juridique déterminée pour présenter une offre ou une demande de participation.

Si nécessaire, les pouvoirs adjudicateurs peuvent préciser, dans les documents de marché, la manière dont les groupements d’opérateurs économiques doivent remplir les conditions relatives à la capacité économique et financière ou aux capacités techniques et professionnelles visées à l’article 58, pour autant que cela soit justifié par des motifs objectifs et que ce soit proportionné. Les États membres peuvent établir des clauses standard précisant la manière dont les groupements d’opérateurs économiques doivent remplir ces conditions.

[...] »

7        L’article 59 de la directive 2014/24, intitulé « Document unique de marché européen », dispose, à son paragraphe 1 :

« Lors de la présentation de demandes de participation ou d’offres, les pouvoirs adjudicateurs acceptent le document unique de marché européen (DUME) consistant en une déclaration sur l’honneur actualisée à titre de preuve a priori en lieu et place des certificats délivrés par des autorités publiques ou des tiers pour confirmer que l’opérateur économique concerné remplit l’une des conditions suivantes :

a)      il ne se trouve pas dans l’une des situations, visées à l’article 57, qui doit ou peut entraîner l’exclusion d’un opérateur ;

b)      il répond aux critères de sélection applicables qui ont été établis conformément à l’article 58 ;

c)      le cas échéant, il respecte les règles et critères objectifs qui ont été établis conformément à l’article 65.

Lorsque l’opérateur économique a recours aux capacités d’autres entités en vertu de l’article 63, le DUME comporte également les informations visées au premier alinéa, du présent paragraphe en ce qui concerne ces entités.

Le DUME consiste en une déclaration officielle par laquelle l’opérateur économique affirme que le motif d’exclusion concerné ne s’applique pas et/ou que le critère de sélection concerné est rempli et il fournit les informations pertinentes requises par le pouvoir adjudicateur. Le DUME désigne en outre l’autorité publique ou le tiers compétent pour établir les documents justificatifs et contient une déclaration officielle indiquant que l’opérateur économique sera en mesure, sur demande et sans tarder, de fournir lesdits documents justificatifs.

Lorsque le pouvoir adjudicateur peut obtenir directement les documents justificatifs en accédant à une base de données en vertu du paragraphe 5, le DUME contient également les renseignements requis à cette fin, tels que l’adresse internet de la base de données, toute donnée d’identification et, le cas échéant, la déclaration de consentement nécessaire.

Les opérateurs économiques peuvent réutiliser un DUME qui a déjà été utilisé dans une procédure antérieure, à condition qu’ils confirment que les informations qui y figurent sont toujours valables. »

8        L’article 63 de ladite directive, qui s’intitule « Recours aux capacités d’autres entités », dispose, à son paragraphe 1 :

« Un opérateur économique peut, le cas échéant et pour un marché déterminé, avoir recours aux capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens qui l’unissent à ces entités, en ce qui concerne les critères relatifs à la capacité économique et financière énoncés à l’article 58, paragraphe 3, et les critères relatifs aux capacités techniques et professionnelles, visés à l’article 58, paragraphe 4. En ce qui concerne les critères relatifs aux titres d’études et professionnels visés à l’annexe XII, partie II, point f), ou à l’expérience professionnelle pertinente, les opérateurs économiques ne peuvent toutefois avoir recours aux capacités d’autres entités que lorsque ces dernières exécuteront les travaux ou fourniront les services pour lesquels ces capacités sont requises. Si un opérateur économique souhaite recourir aux capacités d’autres entités, il apporte au pouvoir adjudicateur la preuve qu’il disposera des moyens nécessaires, par exemple, en produisant l’engagement de ces entités à cet effet.

Le pouvoir adjudicateur vérifie, conformément aux articles 59, 60 et 61, si les entités aux capacités desquelles l’opérateur économique entend avoir recours remplissent les critères de sélection applicables et s’il existe des motifs d’exclusion en vertu de l’article 57. Le pouvoir adjudicateur exige que l’opérateur économique remplace une entité qui ne remplit pas un critère de sélection applicable ou à l’encontre de laquelle il existe des motifs d’exclusion obligatoires. Le pouvoir adjudicateur peut exiger ou peut être obligé par l’État membre à exiger que l’opérateur économique remplace une entité à l’encontre de laquelle il existe des motifs d’exclusion non obligatoires.

Lorsqu’un opérateur économique a recours aux capacités d’autres entités en ce qui concerne des critères ayant trait à la capacité économique et financière, le pouvoir adjudicateur peut exiger que l’opérateur économique et les autres entités en question soient solidairement responsables de l’exécution du marché.

Dans les mêmes conditions, un groupement d’opérateurs économiques visé à l’article 19, paragraphe 2, peut avoir recours aux capacités de participants du groupement ou d’autres entités. »

 La directive 2014/25

9        Aux termes de l’article 11 de la directive 2014/25, intitulé « Services de transport » :

« La présente directive s’applique aux activités visant la mise à disposition ou l’exploitation de réseaux destinés à fournir un service au public dans le domaine du transport par chemin de fer, systèmes automatiques, tramway, trolleybus, autobus ou câble.

En ce qui concerne les services de transport, il est considéré qu’un réseau existe lorsque le service est fourni dans les conditions déterminées par une autorité compétente d’un État membre, telles que les conditions relatives aux itinéraires à suivre, à la capacité de transport disponible ou à la fréquence du service. »

 Le règlement d’exécution 2016/7

10      Le règlement d’exécution 2016/7 énonce, à son considérant 1 :

« L’un des principaux objectifs des directives [2014/24] et [2014/25] est de réduire les lourdeurs administratives auxquelles sont confrontés les pouvoirs adjudicateurs, les entités adjudicatrices et les opérateurs économiques, en particulier les petites et moyennes entreprises. Le document unique de marché européen (DUME) constitue un élément essentiel de cette démarche. Le formulaire type pour ce document devrait donc être conçu de manière à supprimer l’obligation de produire un nombre important de certificats ou autres documents relatifs aux critères d’exclusion et de sélection. Dans ce même objectif, le formulaire type devrait également fournir les informations pertinentes concernant les entités aux capacités desquelles l’opérateur économique a recours, de manière que la vérification de ces informations puisse être effectuée parallèlement aux vérifications concernant l’opérateur économique principal et aux mêmes conditions. »

11      Intitulée « Instructions », l’annexe 1 de ce règlement dispose :

« Le document unique de marché européen (DUME) est une déclaration sur l’honneur des opérateurs économiques servant de preuve a priori en lieu et place des certificats délivrés par des autorités publiques ou des tiers. Comme le dispose l’article 59 de la directive [2014/24], il s’agit d’une déclaration officielle par laquelle l’opérateur économique affirme qu’il ne se trouve pas dans l’une des situations qui doivent ou peuvent entraîner l’exclusion d’un opérateur, qu’il répond aux critères de sélection applicables et que, le cas échéant, il respecte les règles et critères objectifs qui ont été établis dans le but de limiter le nombre de candidats remplissant par ailleurs les conditions requises qui seront invités à participer. Il vise à atténuer les lourdeurs administratives découlant de l’obligation de produire un nombre important de certificats ou d’autres documents en rapport avec les critères d’exclusion et de sélection.

[...]

Un opérateur économique peut être exclu de la procédure de passation de marché ou faire l’objet de poursuites en vertu de la législation nationale s’il se rend coupable de fausses déclarations en remplissant le DUME ou, de manière générale, en fournissant les informations exigées pour la vérification de l’absence de motifs d’exclusion ou de la satisfaction des critères de sélection, ou s’il a caché ces informations ou n’est pas en mesure de présenter les documents justificatifs.

Les opérateurs économiques peuvent réutiliser les informations fournies dans un DUME qui a déjà été utilisé dans une précédente procédure, dès lors que ces informations sont toujours exactes et demeurent pertinentes. Pour ce faire, le moyen le plus simple est d’insérer ces informations dans le nouveau DUME au moyen des fonctionnalités prévues à cet effet dans le service DUME électronique mentionné plus haut. Bien entendu, il sera également possible d’employer d’autres formes de copier-coller pour réutiliser des informations, par exemple des informations stockées dans les appareils informatiques de l’opérateur économique (ordinateurs, tablettes, serveurs, etc.).

[...]

Comme indiqué précédemment, le DUME consiste en une déclaration officielle par laquelle l’opérateur économique affirme que les motifs d’exclusion concernés ne s’appliquent pas à lui, que les critères de sélection concernés sont remplis et qu’il fournira les informations pertinentes requises par le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice.

[...]

Un opérateur économique qui participe à titre individuel et qui ne recourt pas aux capacités d’autres entités pour remplir les critères de sélection doit remplir un DUME.

Un opérateur économique qui participe à titre individuel, mais qui recourt aux capacités d’une ou de plusieurs autres entités, doit veiller à ce que le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice reçoive à la fois son DUME et un DUME distinct contenant les informations pertinentes [...] pour chacune des entités auxquelles il fait appel.

Enfin, lorsqu’un groupement d’opérateurs économiques, y compris s’il s’agit d’une association temporaire, participe conjointement à la procédure de passation de marché, un DUME distinct indiquant les informations requises au titre des parties II à V doit être remis pour chacun des opérateurs économiques participants.

Dans tous les cas où plusieurs personnes sont membres de l’organe administratif, de gestion ou de surveillance d’un opérateur économique ou détiennent un pouvoir de représentation, de décision ou de contrôle en son sein, chacune de ces personnes peut avoir à signer un même DUME, en fonction des règles nationales, y compris celles régissant la protection des données.

[...] »

 Le droit néerlandais

 La loi sur les marchés publics

12      L’Aanbestedingswet (loi sur les marchés publics), du 1er novembre 2012 (Stb. 2012, no 542), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi sur les marchés publics ») transpose dans le droit néerlandais la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO 2004, L 134, p. 1), et la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO 2004, L 134, p. 114). Certains sujets de cette loi sont régis par le Besluit van 11 februari 2013, houdende de regeling van enkele onderwerpen van de Aanbestedingswet 2012 (Aanbestedingsbesluit) (décret du 11 février 2013 réglementant certains sujets de la loi de 2012 sur les marchés publics), qui dispose, à son article 2 :

« 1.      La déclaration sur l’honneur visée à l’article 2.84 de la loi [sur les marchés publics] comprend au moins les informations suivantes :

a.      des informations sur le pouvoir adjudicateur ou l’entreprise opérant dans un secteur spécial et sur la procédure de passation de marché ;

b.      des informations sur l’opérateur économique ;

c.      une déclaration concernant les motifs d’exclusion ;

d.      une déclaration concernant les conditions d’aptitude et une déclaration concernant les spécifications techniques et les conditions d’exécution relatives à l’environnement ;

e.      une déclaration concernant la manière dont les critères de sélection sont remplis ;

f.      une déclaration concernant l’exactitude de la déclaration sur l’honneur complétée et les pouvoirs du signataire ;

g.      la date et la signature.

[...]

3.      Le modèle ou les modèles de la déclaration sur l’honneur sont établis par arrêté ministériel. »

13      Il ressort de l’article 2.52 de cette loi :

« [...]

3.      Une association d’opérateurs économiques peut soumissionner ou se porter candidate.

4.      Une association d’opérateurs économiques n’est pas contrainte par le pouvoir adjudicateur d’avoir une forme juridique déterminée pour présenter une offre ou une demande de participation. »

14      L’article 2.84 de la loi sur les marchés publics prévoit :

« 1.      Une déclaration sur l’honneur est une déclaration faite par un opérateur économique dans laquelle il indique :

a.      si les motifs d’exclusion lui sont applicables ;

b.      s’il remplit les conditions d’aptitude requises dans l’avis ou dans les documents de marché ;

c.      s’il respecte ou respectera les spécifications techniques et les conditions d’exécution qui concernent l’environnement et le bien-être des animaux ou qui sont fondées sur des considérations sociales ;

d.      s’il remplit les critères de sélection et, le cas échéant, de quelle manière.

2.      Les données et les informations qui peuvent être exigées dans une déclaration et le modèle ou les modèles de cette déclaration sont déterminés par ou en vertu d’un arrêté administratif de portée générale. »

15      Aux termes de l’article 2.85 de cette loi :

« 1.      Le pouvoir adjudicateur exige d’un opérateur économique qu’il fournisse, à l’appui de sa demande de participation ou de son offre, une déclaration sur l’honneur conforme au modèle prévu à cet effet, et précise à cet égard les données et les informations devant y figurer.

2.      Le pouvoir adjudicateur n’exige pas d’un opérateur économique qu’il fournisse, à l’appui de sa demande de participation ou de son offre, des données et des informations par un autre moyen que la déclaration sur l’honneur, si elles peuvent être demandées dans celle-ci.

3.      Le pouvoir adjudicateur peut uniquement demander à un opérateur économique de joindre à sa déclaration sur l’honneur des pièces justificatives qui ne concernent pas les données et les informations susceptibles d’être demandées dans la déclaration sur l’honneur, à moins qu’il ne s’agisse de pièces justificatives visées à l’article 2.93, paragraphe 1, sous a), dans la mesure où elles relèvent de la liste y figurant, ou à l’article 2.93, paragraphe 1, sous b).

4.      Un opérateur économique visé au paragraphe 1 du présent article peut fournir une déclaration sur l’honneur déjà utilisée, à condition qu’il confirme que les informations qui y figurent sont toujours valables. »

 Le code civil

16      Selon l’article 7A:1655 du Burgerlijk Wetboek (code civil) :

« Une société simple est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes s’engagent à mettre quelque chose en commun, en vue de partager entre elles le bénéfice qui en résulte. »

 Le code de commerce

17      L’article 16 du Wetboek van Koophandel (code de commerce) dispose :

« Une société en nom collectif est une société simple conclue en vue d’exercer une activité commerciale sous une dénomination commune. »

18      Aux termes de l’article 17, paragraphe 1, de ce code :

« Chacun des associés, qui n’aura pas été privé du pouvoir de représentation, est habilité à agir, à dépenser et [à] recevoir des fonds au nom de la société et à l’engager envers des tiers et à engager des tiers envers elle. »

19      Il résulte de l’article 18 dudit code :

« Dans les sociétés en nom collectif, chacun des associés est solidairement tenu des engagements de la société. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

20      Taxi Horn Tours a assuré, jusqu’au 1er août 2019, le transport des élèves de l’enseignement primaire dans le cadre de cours d’éducation physique (ci-après le « transport de la classe de gymnastique »), en exécution d’un marché public qui lui avait été attribué par les communes.

21      Ayant décidé de ne pas proroger ce marché, les communes ont organisé une procédure d’appel d’offres ouverte d’intérêt européen pour le transport de la classe de gymnastique pour la période allant du 1er janvier 2020 à la fin de l’année scolaire 2027/2028. Le critère d’attribution était celui de l’offre la plus avantageuse du point de vue économique.

22      Un guide de ce marché public établi par les communes prévoyait notamment que, afin de garantir l’exactitude et la validité de l’offre, un agent habilité à représenter et à engager l’entreprise devait signer le DUME, l’offre et ses annexes. En outre, les groupements d’entreprises de transport soumettant une offre devaient désigner une personne de contact. Chaque membre d’un tel groupement devait être solidairement responsable de l’exécution du contrat de transport. Enfin, ce guide spécifiait que l’offre devait être complète et contenir notamment un DUME dûment complété et valablement signé.

23      Les communes, qui avaient reçu deux offres, l’une de Touringcars et l’autre de Taxi Horn Tours, ont informé cette dernière de leur intention d’attribuer le marché à Touringcars.

24      Taxi Horn Tours a alors saisi en référé le Rechtbank Limburg (tribunal de Limbourg, Pays-Bas) d’une demande de mesures provisoires tendant, d’une part, à écarter l’offre de Touringcars et, d’autre part, à lui attribuer le marché.

25      Après que cette demande a été rejetée par une décision du 12 février 2020, les communes ont conclu des contrats avec Touringcars pour le transport de la classe de gymnastique à partir du 1er mars 2020.

26      Taxi Horn Tours a interjeté appel de cette décision devant le Gerechtshof ’s-Hertogenbosch (cour d’appel de Bois-le-Duc, Pays-Bas), qui est la juridiction de renvoi. Cette juridiction relève que l’offre de Touringcars a été remise par F, lequel a également déposé un DUME au nom de cette société. La question se poserait donc de savoir si Touringcars était autorisée à fournir un seul DUME pour cette société en nom collectif ou si chaque associé devait fournir son propre DUME.

27      À cet égard, Taxi Horn Tours fait valoir que Touringcars est une association permanente entre les entreprises de ses deux associés et, partant, un groupement d’entreprises. Aussi, les comportements et les déclarations des deux associés devraient-ils être appréciés au regard de leur propre DUME.

28      Les communes proposent, en revanche, de distinguer entre les associations temporaires et les associations permanentes. La notion de « groupement d’opérateurs économiques », au sens du droit de l’Union des marchés publics, ferait référence à une association temporaire. Or, une société en nom collectif serait une association, telle que visée au considérant 14 de la directive 2014/24, et constituerait donc dans son ensemble non pas un groupement d’opérateurs économiques, mais un seul opérateur économique. En outre, selon les communes, l’appréciation à porter sur des associés peut être effectuée au regard de la partie III, point A, du DUME relative aux motifs d’exclusion, laquelle impose aux opérateurs économiques de mentionner les motifs liés à des condamnations pénales.

29      La juridiction de renvoi indique que Touringcars est une société en nom collectif, inscrite au registre du commerce, constituée le 1er janvier 2011 pour une durée indéterminée. Elle emploie 82 personnes et a pour activités « le transport occasionnel de voyageurs par route, le transport par taxi et le commerce et la réparation de voitures particulières et de véhicules utilitaires légers ». Les associés de Touringcars sont K BV, qui emploie 39 personnes, et F Touringcars BV, qui, pour sa part, n’emploie pas de personnel. F est le directeur de Touringcars et dispose d’un mandat général. Les deux associés exploitent leur propre entreprise de transport. K est l’administrateur de K BV, tandis que F est le mandataire de K BV et a le titre de directeur commercial. Enfin, l’unique administrateur et actionnaire de F Touringcars BV est F Beheer BV, dont l’unique administrateur et actionnaire est F.

30      Par lettre du 27 janvier 2020, K aurait déclaré avoir donné à F, en janvier 2011, un mandat général, en qualité d’administrateur habilité à agir seul et de manière autonome, afin de représenter K BV. Depuis lors, F assurerait l’ensemble de la gestion de cette société. À la même époque, K BV a constitué, conjointement avec F Touringcars BV, une société en nom collectif sous la dénomination « Touringcars VOF ». Au sein de cette dernière société, F et K se consulteraient régulièrement, mais F dirigerait effectivement l’entreprise.

31      La juridiction de renvoi relève qu’une société en nom collectif est, eu égard aux dispositions combinées de l’article 16 du code de commerce et de l’article 7A:1655 du code civil, un contrat ayant pour objet la coopération entre deux ou plusieurs personnes qui s’engagent à mettre quelque chose en commun, en vue d’exercer une activité commerciale sous une dénomination commune et d’obtenir un bénéfice commun.

32      Ladite juridiction mentionne, en outre, un arrêt du 19 avril 2019 dans lequel le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) a jugé, premièrement, qu’une société en nom collectif est une relation juridique contractuelle conclue dans le but d’exercer une activité commerciale sous une dénomination commune dans le cadre d’une association durable. Bien que la société en nom collectif soit dépourvue de la personnalité juridique, la législation et la jurisprudence néerlandaises lui conféreraient, dans une certaine mesure, lorsqu’elle agit dans les rapports juridiques, une position indépendante par rapport aux associés pris séparément. C’est ainsi qu’une société en nom collectif pourrait ester en justice en son nom propre ou être déclarée en faillite en son nom propre. Deuxièmement, l’absence de personnalité juridique aurait pour conséquence que la société en nom collectif n’est pas titulaire en propre de droits subjectifs et d’obligations. Lorsqu’un associé agit au nom de la société en nom collectif, il le ferait au nom de l’ensemble des associés de cette dernière (ci-après les « coassociés ») et les engagerait. Un contrat conclu avec une société en nom collectif devrait donc être considéré comme étant conclu avec les coassociés en leur qualité d’associés. Troisièmement, l’article 18 du code de commerce disposant que chacun des associés est solidairement tenu des engagements de la société, chaque associé serait responsable pour l’ensemble des engagements des coassociés. Quatrièmement, le créancier des coassociés pourrait agir tant contre les coassociés que contre chaque associé pris séparément. Le créancier de la société aurait donc envers chaque associé deux actions concurrentes, à savoir l’une envers les coassociés sur le patrimoine distinct de la société en nom collectif et l’autre envers la personne de l’associé sur son patrimoine privé.

33      Taxi Horn Tours soutient que Touringcars utilise des moyens mis à sa disposition par les propres entreprises des coassociés.

34      La juridiction de renvoi se demande, par conséquent, si l’évaluation de la candidature à une procédure de passation de marché public d’entités qui coopèrent durablement dans une entreprise commune distincte peut se limiter à la seule entreprise commune ou si elle doit également porter sur chacune des personnes associées. Partant, il conviendrait de déterminer si un opérateur économique peut se limiter à fournir un seul DUME lorsqu’il se compose de personnes physiques et/ou morales associées.

35      C’est dans ce contexte que le Gerechtshof ’s-Hertogenbosch (cour d’appel de Bois-le-Duc) a décidé de surseoir à statuer et d’interroger la Cour sur l’interprétation des articles 2, 19, 59 et 63 de la directive 2014/24 et du règlement d’exécution 2016/7 en lui posant les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Lorsque des personnes (physiques et/ou morales) associées ont une entreprise commune (sous la forme, en l’occurrence, d’une société en nom collectif) :

–        chacune des personnes associées est-elle tenue de fournir séparément un document unique de marché européen ou

–        chacune des personnes associées et leur entreprise commune sont-elles tenues de fournir séparément un document unique de marché européen ou

–        l’entreprise commune est-elle seule tenue de fournir un document unique de marché européen ?

2)      La réponse à cette question varie-t-elle selon que :

–        l’entreprise commune est temporaire ou ne l’est pas (c’est-à-dire qu’elle est durable) ;

–        les personnes associées sont elles-mêmes des opérateurs économiques ;

–        les personnes associées exploitent leurs propres entreprises qui sont [analogues] à l’entreprise commune, ou du moins actives sur le même marché que celle-ci ;

–        l’entreprise commune n’est pas une personne morale ;

–        l’entreprise commune peut effectivement avoir un patrimoine distinct (de celui des associés) (gage des créanciers) ;

–        en vertu du droit national, l’entreprise commune a le pouvoir de représenter les personnes associées dans la réponse aux questions du document unique de marché européen ;

–        en vertu du droit national, dans une société en nom collectif, ce sont les associés qui assument les obligations découlant du marché et qui sont solidairement responsables de leur bonne exécution (et non, partant, la société en nom collectif elle-même) ?

3)      Si plusieurs des facteurs mentionnés à la deuxième question ci‑dessus ont une incidence, comment s’articulent-ils ? Certains facteurs ont-ils une plus grande incidence que d’autres, ou sont-ils déterminants ?

4)      Dans le cadre d’une entreprise commune, le document unique de marché européen distinct exigé en tout état de cause d’une personne associée l’est-il à juste titre si des moyens appartenant à la propre entreprise de cette personne (tels que le personnel et des moyens logistiques) seront (également) utilisés pour l’exécution du marché ?

5)      L’entreprise commune doit-elle remplir certaines conditions pour pouvoir être considérée comme un opérateur économique unique ? En cas de réponse affirmative, quelles sont ces conditions ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la recevabilité

36      Ainsi qu’il ressort du considérant 21 de la directive 2014/24, les marchés publics qui sont passés par des pouvoirs adjudicateurs opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et qui s’inscrivent dans le cadre de ces activités relèvent de la directive 2014/25.

37      Aussi, aux termes de son article 11, la directive 2014/25 s’applique notamment « aux activités visant la mise à disposition ou l’exploitation de réseaux destinés à fournir un service au public dans le domaine du transport par [...] autobus [...] ».

38      À cet égard, il convient de relever que ni la décision de renvoi ni les observations écrites soumises à la Cour ne permettent de déterminer si les conditions ainsi posées par cette disposition sont satisfaites et, partant, si cette directive est applicable au litige au principal.

39      Il y a lieu, néanmoins, de déclarer la demande de décision préjudicielle recevable dès lors que la réponse aux questions posées pourrait être formulée de manière identique sur la base de la directive 2014/24 ou sur celle de la directive 2014/25 (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2018, Rudigier, C‑518/17, EU:C:2018:757, point 44). En effet, les considérants 17 et 18 ainsi que l’article 2, point 6, l’article 37, paragraphe 2, l’article 79 et l’article 80, paragraphe 3, de la directive 2014/25 correspondent, en substance, aux considérants 14 et 15 ainsi qu’à l’article 2, paragraphe 1, point 10, à l’article 19, paragraphe 2, à l’article 56, paragraphe 3, à l’article 59, paragraphe 1, et à l’article 63 de la directive 2014/24.

40      Dans ces conditions, la circonstance que la juridiction de renvoi n’a pas déterminé, avant de saisir la Cour à titre préjudiciel, laquelle des directives 2014/24 ou 2014/25 était applicable au litige au principal ne saurait remettre en cause la présomption de pertinence qui s’attache aux questions posées à titre préjudiciel par les juridictions nationales, laquelle ne peut être écartée que dans des cas exceptionnels, notamment, lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée des dispositions du droit de l’Union visées dans ces questions n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal (voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, EU:C:1995:463, point 61, et du 28 novembre 2018, Amt Azienda Trasporti e Mobilità e.a., C‑328/17, EU:C:2018:958, point 33).

 Sur le fond

41      Par ses questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 59, paragraphe 1, de la directive 2014/24, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, point 10, et l’article 63 de cette directive ainsi qu’avec l’annexe 1 du règlement d’exécution 2016/7, doit être interprété en ce sens qu’une entreprise commune, qui, sans être une personne morale, revêt la forme d’une société régie par la législation nationale d’un État membre, qui est inscrite au registre de commerce de celui-ci, qui peut avoir été constituée de manière aussi bien temporaire que permanente et dont les coassociés sont actifs sur le même marché qu’elle et solidairement responsables de la bonne exécution des obligations qu’elle a contractées, doit fournir au pouvoir adjudicateur son propre DUME et/ou le DUME de chacun des coassociés.

42      D’emblée, il y a lieu de relever que, aux termes des dix-septième à dix-neuvième alinéas de l’annexe 1 du règlement d’exécution 2016/7 :

« Un opérateur économique qui participe à titre individuel et qui ne recourt pas aux capacités d’autres entités pour remplir les critères de sélection doit remplir un DUME.

Un opérateur économique qui participe à titre individuel, mais qui recourt aux capacités d’une ou de plusieurs autres entités, doit veiller à ce que le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice reçoive à la fois son DUME et un DUME distinct contenant les informations pertinentes pour chacune des entités auxquelles il fait appel.

Enfin, lorsqu’un groupement d’opérateurs économiques, y compris s’il s’agit d’une association temporaire, participe conjointement à la procédure de passation de marché, un DUME distinct indiquant les informations requises au titre des parties II à V doit être remis pour chacun des opérateurs économiques participants. »

43      À cet égard, il découle de l’article 2, paragraphe 1, point 10, de la directive 2014/24, lu en combinaison avec son considérant 14, que la notion d’« opérateur économique » doit être interprétée largement de manière à inclure notamment toute personne ou entité qui offre la prestation de services sur le marché, quelle que soit la forme juridique sous laquelle elle a choisi d’opérer, peu important qu’il s’agisse ou non de personnes morales.

44      Il s’ensuit qu’une société en nom collectif, au sens du droit néerlandais, peut être considérée comme un « opérateur économique », au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 10, de cette directive.

45      Cela étant, ladite directive retient également une conception large de la notion de « groupement d’opérateurs économiques ». En effet, aux termes de l’article 19, paragraphe 2, premier alinéa, de la même directive, les groupements d’opérateurs économiques, y compris les associations temporaires, peuvent participer aux procédures de passation de marchés publics et ne sont pas contraints par les pouvoirs adjudicateurs d’avoir une forme juridique déterminée pour présenter une offre ou une demande de participation.

46      Il convient donc de déterminer si une société en nom collectif, au sens du droit néerlandais, doit être appréhendée comme un opérateur économique ou un groupement d’opérateurs économiques, au sens respectivement de l’article 2, paragraphe 1, point 10, et de l’article 19, paragraphe 2, de la directive 2014/24.

47      À cet égard, contrairement à ce que les communes, le gouvernement néerlandais et la Commission européenne ont fait valoir dans leurs observations écrites, la notion de « groupement d’opérateurs économiques », au sens de l’article 19, paragraphe 2, de cette directive, ne saurait être restreinte aux seules associations temporaires, à l’exclusion des groupements ou des associations d’entreprises présentant un caractère permanent. En effet, cette disposition vise « [l]es groupements d’opérateurs économiques, y compris les associations temporaires ». Il ressort clairement de ce libellé que les associations temporaires ne sont mentionnées qu’à titre illustratif. Dès lors, la notion de « groupement d’opérateurs économiques » ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle ne s’applique qu’aux seules associations temporaires. Il n’y a donc pas lieu d’opérer une distinction entre les groupements d’opérateurs économiques selon qu’ils ont un caractère temporaire ou permanent.

48      En outre, il découle de l’article 59, paragraphe 1, de la directive 2014/24 que le DUME poursuit trois finalités. Ce document est en effet une déclaration sur l’honneur actualisée à titre de preuve a priori en lieu et place des certificats délivrés par des autorités publiques ou des tiers pour confirmer, premièrement, que l’opérateur économique concerné ne se trouve pas dans l’une des situations, visées à l’article 57 de cette directive, qui doit ou peut entraîner l’exclusion d’un opérateur, deuxièmement, qu’il répond aux critères de sélection applicables qui ont été établis conformément à l’article 58 de ladite directive et, troisièmement, le cas échéant, qu’il respecte les règles et les critères objectifs qui ont été établis conformément à l’article 65 de la même directive.

49      Un DUME a ainsi vocation à donner au pouvoir adjudicateur une image précise et fidèle de la situation de chaque opérateur économique qui demande à participer à une procédure de passation de marché public ou qui entend soumettre une offre. Ce faisant, le DUME concrétise l’objectif des articles 57 et 63 de la directive 2014/24, qui est de permettre au pouvoir adjudicateur de s’assurer de l’intégrité et de la fiabilité de chacun des soumissionnaires et, partant, de l’absence de rupture du lien de confiance avec l’opérateur économique concerné (voir, en ce sens, arrêts du 19 juin 2019, Meca, C‑41/18, EU:C:2019:507, point 29, et du 3 juin 2021, Rad Service e.a., C‑210/20, EU:C:2021:445, point 35).

50      À cet égard, il convient de relever que, parmi les renseignements qu’un opérateur économique doit indiquer dans le DUME, ne figurent pas les ressources des coassociés d’une entreprise commune. Aussi, est‑il indifférent que les coassociés d’une société en nom collectif, au sens du droit néerlandais, soient actifs dans le même domaine d’activités ou sur le même marché que cette dernière, dès lors que ce renseignement ne peut être porté à la connaissance du pouvoir adjudicateur au moyen du DUME de l’entreprise commune.

51      En outre, l’existence d’une responsabilité solidaire entre la société en nom collectif et les coassociés ne saurait suffire à mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de s’assurer que les critères de sélection qualitative sont respectés. En effet, au stade de l’examen de la recevabilité des candidatures, le pouvoir adjudicateur procède à une appréciation rétrospective destinée à évaluer si un soumissionnaire dispose des qualités laissant augurer une exécution effective du marché en cause. Dans ces conditions, l’absence de ces qualités ne saurait être compensée par le lien juridique, d’ordre prospectif, en vertu duquel les membres d’une société en nom collectif sont légalement tenus de répondre solidairement entre eux des obligations d’une telle société (ordonnance du 30 septembre 2022, ĒDIENS & KM.LV, C‑592/21, non publiée, EU:C:2022:746, point 33).

52      Dès lors, afin de permettre au pouvoir adjudicateur de s’assurer de son intégrité, une entreprise commune telle qu’une société en nom collectif, au sens du droit néerlandais, est tenue de mentionner tout motif d’exclusion frappant tout coassocié ou toute personne employée par l’un de ses coassociés qui est membre de l’organe administratif, de gestion ou de surveillance de l’entreprise commune ou qui détient un pouvoir de représentation, de décision ou de contrôle en son sein.

53      Par ailleurs, pour attester sa fiabilité, une entreprise commune, telle qu’une société en nom collectif, au sens du droit néerlandais, doit être considérée comme souhaitant participer, à titre individuel, à une procédure de passation de marché public ou soumettre une offre uniquement si elle démontre pouvoir exécuter le marché en cause en n’utilisant que ses propres personnels et matériels, autrement dit les ressources que ses coassociés lui ont transférées conformément au contrat de société et dont elle a la libre disposition. Dans une telle hypothèse, il suffit pour cette société de fournir son propre DUME au pouvoir adjudicateur.

54      À cet égard, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier dans quelle mesure une telle société peut, eu égard aux particularités liées à sa forme juridique en tant que société de personnes ainsi qu’aux liens existant entre elle-même et les coassociés, relever de ce cas de figure.

55      En revanche, si, pour l’exécution d’un marché public, une telle société estime devoir solliciter des ressources des coassociés, elle doit être considérée comme ayant recours aux capacités d’autres entités, au sens de l’article 63 de la directive 2014/24. En pareil cas, ladite société doit soumettre non seulement son propre DUME, mais aussi celui de chacun des coassociés aux capacités desquels elle entend recourir.

56      Certes, ainsi que l’ont fait valoir les communes, le gouvernement néerlandais et la Commission, le considérant 1 du règlement d’exécution 2016/7 énonce que « [l]’un des principaux objectifs des directives [2014/24] et [2014/25] est de réduire les lourdeurs administratives auxquelles sont confrontés les pouvoirs adjudicateurs, les entités adjudicatrices et les opérateurs économiques, en particulier les petites et moyennes entreprises. Le [DUME] constitue un élément essentiel de cette démarche. [...] ».

57      Cet objectif de réduction des lourdeurs administratives ne constitue toutefois que l’un des objectifs de ces directives. À ce titre, il doit notamment être concilié avec l’objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les opérateurs économiques participant à un marché public, lequel relève de l’essence même des règles de l’Union relatives aux procédures de passation des marchés publics et est notamment protégé par le principe d’égalité de traitement des soumissionnaires (voir, en ce sens, arrêts du 11 mai 2017, Archus et Gama, C‑131/16, EU:C:2017:358, point 25, ainsi que du 3 juin 2021, Rad Service e.a., C‑210/20, EU:C:2021:445, point 43).

58      L’obligation pour une entreprise commune telle qu’une société en nom collectif, au sens du droit néerlandais, de présenter au pouvoir adjudicateur un DUME pour elle-même ainsi qu’un DUME pour chacun de ses coassociés, dans l’hypothèse où, pour l’exécution d’un marché public, elle estime devoir solliciter des ressources desdits coassociés, ne saurait non plus heurter le principe de proportionnalité, qui est garanti par l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2014/24, d’autant que, ainsi qu’il ressort tant de l’article 59, paragraphe 1, dernier alinéa, de la directive 2014/24 que de l’annexe 1 du règlement d’exécution 2016/7, les opérateurs économiques peuvent fournir un DUME qui a déjà été utilisé dans une procédure antérieure, à condition qu’ils confirment que les informations qui y figurent sont toujours valables et demeurent pertinentes.

59      Enfin, l’obligation pour une entreprise commune, telle qu’une société en nom collectif, au sens du droit néerlandais, de présenter son propre DUME ainsi qu’un DUME pour chacun des associés aux capacités desquels elle entend recourir constitue certes une charge administrative, mais ne saurait, en aucun cas, être assimilée à une obligation de modifier son régime juridique.

60      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 59, paragraphe 1, de la directive 2014/24, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, point 10, et l’article 63 de cette directive ainsi qu’avec l’annexe 1 du règlement d’exécution 2016/7, doit être interprété en ce sens qu’une entreprise commune, qui, sans être une personne morale, revêt la forme d’une société régie par la législation nationale d’un État membre, qui est inscrite au registre de commerce de celui-ci, qui peut avoir été constituée de manière aussi bien temporaire que permanente et dont l’ensemble des associés sont actifs sur le même marché qu’elle et solidairement responsables de la bonne exécution des obligations qu’elle a contractées, doit fournir au pouvoir adjudicateur uniquement son propre DUME lorsqu’elle entend participer, à titre individuel, à une procédure de passation de marché public ou soumettre une offre si elle démontre pouvoir exécuter le marché en cause en n’utilisant que ses propres personnels et matériels. Si, en revanche, pour l’exécution d’un marché public, cette entreprise commune estime devoir solliciter les ressources propres de certains associés, elle doit être considérée comme ayant recours aux capacités d’autres entités, au sens de l’article 63 de la directive 2014/24, et doit alors soumettre non seulement son propre DUME, mais aussi celui de chacun des associés aux capacités desquels elle entend recourir.

 Sur les dépens

61      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

L’article 59, paragraphe 1, de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, point 10, et l’article 63 de cette directive ainsi qu’avec l’annexe 1 du règlement d’exécution (UE) 2016/7 de la Commission, du 5 janvier 2016, établissant le formulaire type pour le document unique de marché européen,

doit être interprété en ce sens que :

une entreprise commune, qui, sans être une personne morale, revêt la forme d’une société régie par la législation nationale d’un État membre, qui est inscrite au registre de commerce de celui-ci, qui peut avoir été constituée de manière aussi bien temporaire que permanente et dont l’ensemble des associés sont actifs sur le même marché qu’elle et solidairement responsables de la bonne exécution des obligations qu’elle a contractées, doit fournir au pouvoir adjudicateur uniquement son propre document unique de marché européen (DUME) lorsqu’elle entend participer, à titre individuel, à une procédure de passation de marché public ou soumettre une offre si elle démontre pouvoir exécuter le marché en cause en n’utilisant que ses propres personnels et matériels. Si, en revanche, pour l’exécution d’un marché public, cette entreprise commune estime devoir solliciter les ressources propres de certains associés, elle doit être considérée comme ayant recours aux capacités d’autres entités, au sens de l’article 63 de la directive 2014/24, et doit alors soumettre non seulement son propre DUME, mais aussi celui de chacun des associés aux capacités desquels elle entend recourir.

Signatures


*      Langue de procédure : le néerlandais.