Language of document : ECLI:EU:T:2000:100

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

6 avril 2000 (1)

«Régime d'association des pays et territoires d'outre-mer -

Décisions 91/482/CEE et 97/803/CE - Règlement (CE) n° 2553/97 -

Procédure de référé»

Dans l'affaire T-44/98 R II,

Emesa Sugar (Free Zone) NV, établie à Oranjestad (Aruba), représentée par Me G. van der Wal, avocat près le Hoge Raad der Nederlanden, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me A. May, 398, route d'Esch,

partie requérante,

soutenue par

Gouvernement d'Aruba, représenté par Mes P. V. F. Bos et M. M. Slotboom, avocats au barreau de Rotterdam, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Loesch et Wolter, 11, rue Goethe,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. T. van Rijn, conseiller juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. J. Huber et G. Houttuin, conseillers juridiques, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. A. Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

par

Royaume d'Espagne, représenté par Mme M. López-Monis Gallego, abogado del Estado, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade d'Espagne, 4-6, boulevard Emmanuel Servais,

et par

République française, représentée par M. C. Chavance, secrétaire des affaires étrangères à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de France, 8 B, boulevard Joseph II,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande, d'une part, de sursis à l'exécution de la décision de la Commission du 23 décembre 1997 (VI/51329) rejetant une demande de la requérante tendant à la délivrance de certificats d'importation pour des produits de sucre jusqu'à ce que le Tribunal ait statué sur le fond et, d'autre part, de mesures provisoires visant à ce qu'il soit fait interdiction à la Commission d'appliquer, pendant la même période, les dispositions du règlement (CE) n° 2553/97 de la Commission, du 17 décembre 1997, relatif aux modalités de délivrance des certificats d'importation pour certains produits relevant des codes NC 1701, 1702, 1703 et 1704 cumulant l'origine ACP/PTOM (JO L 349, p. 26), et/ou de l'article 108 ter de la décision 91/482/CEE du Conseil, du 25 juillet 1991, relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communautééconomique européenne (JO L 263, p. 1), telle que modifiée, dans la mesure où ces dispositions ont pour effet de limiter l'importation dans la Communauté de sucre originaire des pays et territoires d'outre-mer,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

Cadre juridique et faits à l'origine du litige

1.
    Le cadre juridique et les faits à l'origine du présent litige ayant fait l'objet d'un examen circonstancié dans l'ordonnance du président du Tribunal du 30 avril 1999, Emesa Sugar/Commission (T-44/98 R II, Rec. p. II-1427, ci-après l'«ordonnance du 30 avril 1999»), il est renvoyé aux points 1 à 25 de ladite ordonnance.

Procédure

2.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 mars 1998, la requérante a introduit, sur le fondement de l'article 173, quatrième alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, quatrième alinéa, CE), un recours, enregistré sous le numéro T-44/98, visant à l'annulation de la décision de la Commission du 23 décembre 1997 (VI/51329, ci-après la «décision attaquée») rejetant comme irrecevable la demande qu'elle avait présentée en vertu de l'article 8, troisième alinéa, du règlement (CE) n° 2553/97 de la Commission, du 17 décembre 1997, relatif aux modalités de délivrance des certificats d'importation pour certains produits relevant des codes NC 1701, 1702, 1703 et 1704 cumulant l'origine ACP/PTOM (JO L 349, p. 26, ci-après le «règlement d'application») et visant à la délivrance de certificats d'importation pour 3 010 tonnes de sucre cumulant l'origine ACP/PTOM (ci-après le «sucre d'origine PTOM»).

3.
    Par acte séparé, enregistré au greffe du Tribunal le 10 avril 1998, elle a également introduit, en vertu des articles 185 et 186 du traité CE (devenus articles 242 CE et 243 CE), une demande, d'une part, de sursis à l'exécution de la décision attaquée jusqu'à ce que le Tribunal ait statué sur le fond et, d'autre part, de mesures provisoires visant à ce qu'il soit fait interdiction à la Commission d'appliquer, pendant la même période, les dispositions du règlement d'application et/ou de l'article 108 ter de la décision 91/482/CEE du Conseil, du 25 juillet 1991, relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté économiqueeuropéenne (JO L 263, p. 1, ci-après la «décision PTOM»), telle que modifiée, dans la mesure où ces dispositions ont pour effet de limiter l'importation dans la Communauté de sucre originaire des pays et territoires d'outre-mer.

4.
    Par ordonnance du 14 août 1998, Emesa Sugar/Commission (T-44/98 R, Rec. p. II-3079), le président du Tribunal a rejeté cette demande en référé.

5.
    Sur pourvoi formé par la requérante, cette ordonnance a été annulée par ordonnance du président de la Cour du 17 décembre 1998, Emesa Sugar/Commission [C-364/98 P(R), Rec. p. I-8815], qui a renvoyé l'affaire devant le Tribunal.

6.
    À la suite de ce renvoi devant le Tribunal et au terme d'une procédure écrite puis orale et d'un échange de correspondance consécutif à une demande d'information du juge des référés, ce dernier a, dans l'ordonnance du 30 avril 1999 et dans les conditions prévues au dispositif de celle-ci, fait droit à la demande de mesures provisoires.

7.
    Le 30 juillet 1999, la requérante a présenté une demande de renouvellement des mesures provisoires accordées par l'ordonnance du 30 avril 1999.

8.
    Les autres parties à la procédure ont été invitées à présenter leurs observations sur cette demande. Le royaume d'Espagne et la République française n'ont pas déféré à cette invitation.

9.
    Le gouvernement d'Aruba, d'une part, la Commission et le Conseil, d'autre part, ont respectivement déposé leurs observations sur cette demande les 3 et 8 septembre 1999.

10.
    Sur demande du juge des référés, la requérante a, par lettre du 17 septembre 1999, répondu aux objections soulevées par la Commission et le Conseil dans leurs observations du 8 septembre 1999.

11.
    Le 29 septembre 1999, le juge des référés a rendu une ordonnance (Emesa Sugar/Commission, T-44/98 R II, Rec. p. II-2815, ci-après l'«ordonnance du 29 septembre 1999»), dont le dispositif se lit comme suit:

«1)    Pour les motifs contenus dans l'ordonnance du président du Tribunal du 30 avril 1999, Emesa Sugar/Commission (T-44/98 R II, Rec. p. II-1427), et conformément au point 1 du dispositif de ladite ordonnance, il est sursis à l'exécution de l'article 108 ter de la décision 91/482/CEE du Conseil, du 25 juillet 1991, relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté économique européenne, du règlement (CE) n° 2553/97 de la Commission, du 17 décembre 1997, relatif aux modalités de délivrance des certificats d'importation pour certains produits relevant des codes NC 1701, 1702, 1703 et 1704 cumulant l'origine ACP/PTOM, et de la décisionde la Commission du 23 décembre 1997 (VI/51329), à l'égard de Emesa Sugar (Free Zone) NV.

2)    Emesa Sugar (Free Zone) NV est autorisée à importer du sucre moulu originaire des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) dans la Communauté, au sens de l'article 6 de l'annexe II de la décision 91/482 et, conformément aux conditions énoncées dans cette décision telle qu'elle était en vigueur jusqu'au 30 novembre 1997, aux conditions et restrictions suivantes:

    -    les importations ainsi autorisées sont soumises aux dispositions de la décision 91/482 applicables avant l'entrée en vigueur de la décision 97/803/CE du Conseil, du 24 novembre 1997, portant révision à mi-parcours de la décision 91/482, et, notamment, à l'obligation d'obtenir un certificat d'importation, conformément à l'article 5, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 3719/88 de la Commission, du 16 novembre 1988, portant modalités communes d'application du régime des certificats d'importation, d'exportation et de préfixation pour les produits agricoles, à l'obligation d'obtenir un certificat EUR-I et à celle de constituer une garantie de 3 euros/tonne, garantie qui sera libérée si l'importation est effectuée conformément au certificat d'importation;

    -    le volume maximal d'importation autorisé est de 7 500 tonnes pour la période allant du 31 octobre 1999 au 29 février 2000. Après le 29 février 2000, Emesa Sugar (Free Zone) NV pourra continuer l'importation dans la Communauté, i) dans la limite de 7 500 tonnes et ii) conformément aux conditions énoncées dans le présent point du dispositif, le sucre qui lui aura été livré franco à bord (FOB) avant cette date;

    -    le sucre d'origine PTOM importé dans la Communauté devra être vendu à un prix au moins égal au prix d'intervention visé par l'article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement (CEE) n° 1785/81 du Conseil, du 30 juin 1981, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre;

    -    Emesa Sugar (Free Zone) NV pourra importer dans la Communauté le sucre d'origine PTOM à condition de constituer une sûreté sous forme de garantie bancaire d'un montant de 28 USD par tonne de sucre qu'elle souhaite importer conformément à la présente ordonnance. Cette sûreté devra être constituée au plus tard le jour où le sucre est présenté à la douane en vue de sa déclaration et couvrir le tonnage qui est ainsi présenté. Le montant de la sûreté à constituer par tonne de sucre sera augmenté ou diminué:

        -    en fonction de la hausse ou de la baisse du prix d'intervention visé par l'article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1785/81;

        -    en fonction de la baisse ou de la hausse du prix garanti visé à l'article 5, paragraphe 4, du protocole n° 8 de la quatrième convention ACP-CE, signée à Lomé le 15 décembre 1989.

        Le point de référence pour la diminution ou l'augmentation du montant de la sûreté est le prix d'intervention ou le prix garanti à la date du 31 octobre 1999.

    -    le montant total de la sûreté constituée sera libéré, sur ordre du juge des référés, au profit de la Communauté si la Cour déclare, au cours de la période allant du 31 octobre 1999 au 29 février 2000, que l'article 108 ter n'est pas invalide dans l'arrêt qu'elle rendra dans l'affaire C-17/98;

    -    pendant la durée de la mesure provisoire ordonnée, Emesa Sugar (Free Zone) NV ne pourra introduire aucune demande de certificat d'importation au titre du règlement n° 2553/97.

3)    Si, dans la période allant du 31 octobre 1999 au 29 février 2000, l'arrêt de la Cour dans l'affaire C-17/98 est prononcé:

    -    la présente procédure en référé (enregistrée sous le numéro T-44/98 R II) sera reprise si la Cour ne déclare pas invalide l'article 108 ter de la décision 91/482 et les parties seront invitées à faire part de leurs observations sur l'arrêt de la Cour. La suite que le juge des référés entendra donner à la présente procédure sera consignée dans une nouvelle ordonnance, étant indiqué que Emesa Sugar (Free Zone) NV pourra continuer à importer dans la Communauté le sucre qui lui aura été livré franco à bord (FOB) avant la date de prononcé de l'arrêt de la Cour i) dans la limite de 7 500 tonnes, ii) au cours de la période expirant le 29 février 2000 et iii) conformément aux conditions énoncées au point 2 du dispositif;

    -    la présente ordonnance continuera de produire ses effets jusqu'au 29 février 2000 si la Cour déclare que l'article 108 ter de la décision 91/482 est invalide et si le Tribunal n'a pas rendu sa décision dans l'affaire au principal (enregistrée sous le numéro T-44/98).

[...]»

12.
    Par ordonnance de la Cour du 4 février 2000, Emesa Sugar (C-17/98, Rec. p. I-665), la demande des représentants de la requérante et du gouvernementd'Aruba tendant à obtenir l'autorisation de déposer des observations écrites à la suite des conclusions présentées par l'avocat général sur cette affaire a été rejetée.

13.
    Le 8 février 2000, la Cour a rendu l'arrêt Emesa Sugar (C-17/98, Rec. p. I-675, ci-après l'«arrêt Emesa Sugar»).

14.
    Conformément au point 3, premier tiret, du dispositif de l'ordonnance du 29 septembre 1999, les parties ont été invitées, par lettre du greffe du Tribunal du 14 février 2000, à présenter leurs observations sur l'arrêt Emesa Sugar.

15.
    Le royaume d'Espagne, la requérante et la République française ont respectivement déposé leurs observations les 18, 21 et 28 février 2000. La Commission, le Conseil et le gouvernement d'Aruba ont déposé leurs observations le 29 février 2000.

16.
    La requérante, après autorisation du juge des référés, a déposé le 17 mars 2000 de nouvelles observations en réponse à celles de la Commission et du Conseil.

En droit

17.
    Dans l'ordonnance du 30 avril 1999, le juge des référés a estimé que les circonstances exigeaient que fussent prescrites les mesures provisoires nécessaires.

18.
    Dans l'ordonnance du 29 septembre 1999, il a considéré qu'il était justifié que ces mesures fussent prorogées.

19.
    Dans l'arrêt Emesa Sugar, la Cour a dit pour droit:

«L'examen des questions posées n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité de la décision 97/803/CE du Conseil, du 24 novembre 1997, portant révision à mi-parcours de la décision 91/482/CEE relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à la Communauté économique européenne.» (Point 1 du dispositif.)

20.
    Il incombe désormais au juge des référés de prendre position sur la suite à donner à la demande en référé.

Arguments des parties

21.
    Dans ses observations du 21 février 2000, la requérante formule plusieurs griefs contre l'arrêt Emesa Sugar, justifiant qu'il n'en soit pas tenu compte par le juge des référés et que, en conséquence, celui-ci sursoie à statuer sur la libération de la sûreté constituée sous forme de garantie bancaire et sur les dépens dans l'affaire en référé jusqu'à ce que Tribunal rende ses arrêts dans les affaires au principal T-43/98, Emesa Sugar/Conseil, et T-44/98.

22.
    En premier lieu, l'arrêt Emesa Sugar aurait été rendu en méconnaissance des dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, faute pour la requérante d'avoir pu présenter ses observations écrites sur les conclusions de l'avocat général.

23.
    En second lieu, l'arrêt Emesa Sugar contiendrait des erreurs manifestes et des inexactitudes factuelles. Tout d'abord, la Cour se référerait à d'«importantes perturbations dans le fonctionnement d'une organisation commune de marché» comme cause de justification de la diminution des avantages accordés aux PTOM. Cependant, l'existence factuelle de ces «importantes perturbations» ne serait aucunement appréciée. En outre, les éléments de fait de nature à permettre de contrôler la proportionnalité de la mesure de réduction des importations de sucre dans la Communauté, exposés par la requérante dans ses écritures et contenus dans l'ordonnance du 30 avril 1999, auraient été ignorés par la Cour. Enfin, la requérante conteste les affirmations contenues au point 57 de l'arrêt Emesa Sugar, selon lesquelles, d'une part, il existait des importations traditionnelles de sucre en provenance des PTOM et un risque de détournement artificiel des produits en provenance des États ACP provoqué par l'application illimitée de la règle du cumul d'origine et, d'autre part, l'activité industrielle concernée ne contribue que dans une mesure modeste au développement des PTOM.

24.
    Le gouvernement d'Aruba souscrit à cette argumentation.

25.
    Dans ses observations datées du 17 mars 2000, la requérante fait valoir que les conclusions de la Commission et du Conseil visant à ce qu'elle acquitte les droits de douane sur les quantités de sucre importées dans la Communauté dans le cadre des mesures provisoires ne sont pas fondées.

26.
    La Commission, soutenue par le Conseil, estime, au vu du point 2, cinquième tiret, du dispositif de l'ordonnance du 29 septembre 1999 et de l'arrêt Emesa Sugar, que la sûreté constituée sous forme de garantie bancaire doit être libérée au profit de la Communauté.

27.
    Elle considère, ensuite, que la requérante doit être déclarée redevable des droits de douane, en vigueur à la date des importations, sur les quantités de sucre que cette dernière a importées dans la Communauté dans le cadre des mesures provisoires. La fixation d'une sûreté, à propos de laquelle la Commission a marqué son accord, ne modifierait pas l'étendue de l'obligation pesant sur la requérante de payer ces droits. Le Conseil souscrit pleinement à cette argumentation.

28.
    Le royaume d'Espagne estime que, dans la mesure où l'examen des questions posées à la Cour par le juge a quo n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité de la décision 97/803 (JO L 329, p. 50), l'affaire T-44/98 R II est devenue sans objet. Il devrait donc être procédé à sa radiation.

29.
    La République française estime que la demande en référé est désormais dénuée de fondement. En effet, par l'arrêt Emesa Sugar, la Cour aurait statué sur les questions juridiques de principe évoquées dans la demande et aurait rejeté l'intégralité des arguments avancés par la requérante en guise de fumus boni juris. La demande en référé devrait donc être rejetée.

Appréciation du juge des référés

30.
    En premier lieu, il convient de rejeter la demande de la requérante visant à ce que le juge des référés ne se prononce sur la libération de la sûreté constituée sous forme de garantie bancaire qu'après le prononcé des arrêts du Tribunal dans les affaires au principal T-43/98 et T-44/98. En effet, il n'appartient pas au juge des référés de mettre en cause, ainsi que l'y invite la requérante, les appréciations souveraines de la Cour développées dans l'ordonnance du 4 février 2000 et dans l'arrêt Emesa Sugar.

31.
    S'agissant plus spécifiquement des prétendues erreurs manifestes et inexactitudes factuelles que contiendrait l'arrêt Emesa Sugar, il convient de souligner que l'une des conditions indispensables pour que puisse être accordée une mesure provisoire consiste à établir que les moyens de fait et de droit exposés dans la requête en référé justifient à première vue l'octroi de la mesure à laquelle elle conclut, ainsi que le prévoit l'article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. Les moyens et arguments développés par la requérante dans sa requête en référé ayant été largement évoqués par le juge de renvoi dans les questions préjudicielles qu'il a posées à la Cour dans l'affaire C-17/98 et cette dernière étant parvenue à la conclusion que l'examen des questions posées n'avait pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité de la décision 97/803, il y a lieu de conclure que la condition relative au fumus boni juris fait désormais défaut. En particulier, il doit être relevé qu'il ressort de l'ordonnance du 30 avril 1999 que la condition relative au fumus boni juris avait été considérée comme satisfaite au vu des arguments développés dans le cadre du moyen tiré d'une violation du principe de proportionnalité (points 103 à 113). Or, au terme de son examen de la proportionnalité des mesures édictées par la décision 97/803, la Cour a, notamment, conclu que «la mesure relative à l'importation de sucre bénéficiant du cumul d'origine ACP/PTOM, contenue à l'article 108 ter, paragraphe 1, de la décision PTOM modifiée, ne saurait être considérée comme contraire au principe de proportionnalité» (point 58 de l'arrêt Emesa Sugar).

32.
    La demande en référé doit être considérée comme dénuée de fondement depuis la date de prononcé de l'arrêt Emesa Sugar.

33.
    En second lieu, il convient de tirer les conséquences de cette conclusion.

34.
    Elles concernent, tout d'abord, la demande de la Commission et du Conseil visant à ce que la requérante paie les droits de douane sur les quantités de sucre d'origine PTOM importées dans la Communauté dans le cadre des mesures provisoires.

35.
    Le juge des référés considère que cette demande, à supposer qu'elle soit recevable, ne saurait être accueillie.

36.
    À cet égard, il importe de rappeler que, dans le cadre de la procédure ayant précédé l'adoption de l'ordonnance du 30 avril 1999, la requérante, d'une part, et le Conseil et la Commission, d'autre part, ont discuté les termes et conditions des mesures provisoires qui pourraient être prononcées par voie d'ordonnance, afin que cette ordonnance assure la protection provisoire des intérêts de la requérante et préserve le mieux possible les intérêts de la Communauté, en ce compris les intérêts financiers de la Communauté et ceux des raffineries de sucre établies dans les États membres. En tenant compte de ces intérêts opposés, ces parties sont convenues devant le juge des référés que la requérante pourrait, au cours de la période commençant à la date de signature de l'ordonnance du 30 avril 1999, importer dans la Communauté du sucre moulu d'origine PTOM, au sens de l'article 6 de l'annexe II de la décision PTOM, conformément aux conditions fixées par cette décision dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la décision 97/803, sous réserve du respect de certaines conditions et restrictions. Parmi ces conditions figurait la constitution d'une sûreté sous forme de garantie bancaire d'un montant de 28 dollars des États-Unis (USD) par tonne de sucre importée, sans préjudice de la variation possible de ce montant. La constitution de cette sûreté a été expressément prévue aux points 2, quatrième tiret, des dispositifs des ordonnances des 30 avril et 29 septembre 1999.

37.
    Ce montant de 28 USD par tonne, convenu entre la requérante, la Commission et le Conseil, a été calculé de manière à ce que son imputation sur le bénéfice résultant de la vente de chaque tonne de sucre d'origine PTOM permette à la requérante de dégager un solde de 31,30 USD par tonne affecté au remboursement de ses créanciers, le produit de ce solde par le volume de 15 000 tonnes correspondant à la valeur des créances exigibles (sur ce point, voir le point 38 de l'ordonnance du 30 septembre 1999).

38.
    Il découle de ce qui précède que la constitution de la sûreté visait à empêcher la requérante de dégager une marge bénéficiaire excédant ce qui était strictement nécessaire au remboursement progressif de ses créanciers tout en limitant la perte financière que, dans le cas où l'article 108 ter de la décision PTOM ne serait finalement pas déclaré invalide, la Communauté aurait à subir en permettant à celle-ci de percevoir, à défaut des droits de douane prévus par la réglementation, une certaine somme par tonne de sucre d'origine PTOM importée.

39.
    En outre, accueillir la demande formulée par la Commission et le Conseil reviendrait à méconnaître l'objet spécifique de la procédure en référé qui est de préserver la situation de la partie sollicitant la mesure provisoire jusqu'au prononcéde l'arrêt mettant fin à l'instance au principal ou, comme en l'espèce, jusqu'au terme des mesures provisoires accordées. Dès lors, eu égard à la nature des mesures provisoires ordonnées par le juge des référés en l'espèce, sauf à leur nier rétroactivement toute valeur juridique, il ne saurait être demandé, après que celles-ci ont cessé de produire leurs effets, que soit appliqué aux actes pris, dans le cadre de ces mesures, le régime juridique qui aurait été applicable au cas où les conditions requises pour leur obtention n'auraient jamais été satisfaites.

40.
    Il découle de ce qui précède que les quantités de sucre d'origine PTOM importées dans la Communauté, conformément aux conditions énoncées dans les dispositifs des ordonnances des 30 avril et 29 septembre 1999, ne peuvent pas être rétroactivement soumises aux droits de douane prévus par la réglementation en vigueur à la date à laquelle les importations ont été effectuées, dès lors qu'un régime d'importation spécifique, incluant la constitution d'une garantie bancaire, a été reconnu au bénéfice de la requérante dans le but de préserver provisoirement sa situation.

41.
    Les conséquences à tirer de l'absence de fondement de la demande en référé concernent, ensuite, la libération de la sûreté.

42.
    À cet égard, le dispositif de l'ordonnance du 29 septembre 1999 est dépourvu de toute ambiguïté puisqu'il prévoit que «le montant total de la sûreté constituée sera libéré, sur ordre du juge des référés, au profit de la Communauté si la Cour déclare, au cours de la période allant du 31 octobre 1999 au 29 février 2000, que l'article 108 ter n'est pas invalide dans l'arrêt qu'elle rendra dans l'affaire C-17/98» (point 2, cinquième tiret). La Cour ayant dit pour droit que l'examen des questions posées n'avait pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité de la décision 97/803, il y a lieu d'ordonner la libération de la sûreté constituée sous forme de garantie bancaire au profit de la Communauté.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne:

1.
    La demande visant à ce qu'il soit sursis à statuer dans la présente affaire en référé jusqu'au prononcé de l'arrêt mettant fin à l'instance dans l'affaire au principal (T-44/98) est rejetée.

2.
    La sûreté, constituée conformément aux dispositifs des ordonnances des 30 avril et 29 septembre 1999, Emesa Sugar/Commission (T-44/98 R II), est libérée au profit de la Communauté.

3.
    Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 6 avril 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: le néerlandais.

Rec