Language of document : ECLI:EU:C:2003:460

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PHILIPPE LÉGER

présentées le 11 septembre 2003(1)

Affaires jointes C-133/02 et C-134/02

Timmermans Transport & Logistics BV, anciennement Timmermans Diessen BV

contre

Inspecteur der Belastingdienst - Douanedistrict Roosendaal

Hoogenboom Production Ltd

contre

Inspecteur der Belastingdienst - Douanedistrict Rotterdam

[demande de décision préjudicielle formée par le Gerechtshof te Amsterdam (Pays-Bas)]

«Droit douanier - Classement des marchandises - Renseignement tarifaire contraignant - Conditions de révocation - Règlement (CE) n° 82/97 du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, modifiant le règlement (CEE) n° 2913/92 établissant le code des douanes communautaire - Principes de la protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique»

1.
    Les autorités douanières nationales sont-elles en droit de révoquer discrétionnairement les renseignements tarifaires contraignants (ci-après les «RTC») qu'elles délivrent aux opérateurs économiques aux fins du classement tarifaire de marchandises, dès lors que ces autorités nationales modifient leur interprétation de la nomenclature douanière applicable?

2.
    Telle est la question posée par le Gerechtshof te Amsterdam (Pays-Bas) dans le cadre de litiges opposant deux entreprises, l'une établie aux Pays-Bas, l'autre à Chypre, aux autorités douanières néerlandaises, à propos du classement tarifaire d'objets mobiliers et de produits agricoles.

3.
    Cette question invite la Cour à préciser le sens et la portée de certaines dispositions du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (2) (ci-après le «CDC»), tel que modifié par le règlement (CE) n° 82/97 du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996 (3).

I - Le cadre juridique

4.
    Un RTC est un document par lequel les autorités douanières des États membres de la Communauté européenne informent les opérateurs économiques, à leur demande, de la position tarifaire (prévue par la nomenclature douanière) dans laquelle devrait être classée une marchandise lorsque ces derniers envisagent son importation ou son exportation. Cette information, qui suppose une certaine interprétation de la nomenclature douanière, permet aux opérateurs économiques de prévoir les droits à l'importation ou à l'exportation (dont ils sont susceptibles d'être redevables) ainsi que de calculer le montant des restitutions à l'exportation (dont ils sont susceptibles de bénéficier dans le cadre de la politique agricole commune).

5.
    Les autorités douanières sont tenues de délivrer des RTC et, en principe, de s'y conformer pendant un certain délai, lors de l'accomplissement des formalités douanières, c'est-à-dire lors de la réalisation de l'opération d'importation ou d'exportation envisagée.

6.
    Cette double obligation a été instituée par le règlement (CEE) n° 1715/90 du Conseil, du 20 juin 1990, relatif aux renseignements donnés par les autorités douanières des États membres en matière de classement des marchandises dans la nomenclature douanière (4). Elle répond à la nécessité d'assurer une certaine sécurité juridique aux opérateurs économiques dans l'exercice de leur activité, de faciliter la tâche des autorités douanières et d'obtenir une plus grande uniformité dans l'application du droit douanier communautaire (5). Ce système a été largement repris par le CDC (6) et par son règlement d'application (7).

7.
    Une demande de RTC est formulée par écrit et adressée soit aux autorités douanières compétentes de l'État membre (ou des États membres) dans lequel (ou dans lesquels) le renseignement en question doit être utilisé, soit aux autorités douanières compétentes de l'État membre dans lequel le demandeur est établi (8). L'acceptation par les autorités douanières compétentes d'une demande de RTC est subordonnée à la transmission de divers éléments d'information par l'intéressé (9).

8.
    Un RTC est valable six ans à compter de la date de sa délivrance (10). Pendant cette période, il lie les autorités douanières de délivrance ainsi que celles de tous les autres États membres dans les mêmes conditions (11).

9.
    Toutefois, un RTC est susceptible d'être annulé s'il a été fourni sur la base d'éléments inexacts ou incomplets fournis par le demandeur (12).

10.
    En outre, selon l'article 12, paragraphe 5, du CDC - dans sa version en vigueur à la date des faits (13) -, un RTC «cesse d'être valable lorsque:

a)    en matière tarifaire:

    i)    par suite de l'adoption d'un règlement, il n'est pas conforme au droit ainsi établi;

    ii)    il devient incompatible avec l'interprétation d'une des nomenclatures [.]:

    -    soit sur le plan communautaire, à la suite d'une modification des notes explicatives de la nomenclature combinée ou d'un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes (14);

    -    soit sur le plan international, à la suite d'un avis de classement ou d'une modification des notes explicatives de la nomenclature du système harmonisé de désignation et codification des marchandises [.];

    iii) il est révoqué ou modifié conformément à l'article 9, et sous réserve que cette révocation ou modification soit notifiée au titulaire [.]»

11.
    L'article 9, auquel renvoient ces dernières dispositions, prévoit que:

«1. Une décision favorable à l'intéressé est révoquée ou modifiée lorsque, dans des cas autres que ceux visés à l'article 8 [cas où la décision favorable est annulée dès lors qu'elle a été délivrée sur la base d'éléments inexacts ou incomplets], une ou plusieurs des conditions prévues pour son octroi n'étaient pas ou ne sont plus remplies.

2. Une décision favorable à l'intéressé peut être révoquée lorsque son destinataire ne se conforme pas à une obligation qui lui incombe, le cas échéant, du fait de cette décision [.]»

12.
    Les autorités douanières sont tenues de transmettre à la Commission une copie du RTC notifié à l'opérateur économique concerné et les données y afférentes, et de l'informer de son éventuelle annulation ou cessation de validité (15).

13.
    Un tempérament à la cessation de validité d'un RTC est spécifiquement prévu en faveur de son titulaire, dans certaines hypothèses particulières.

14.
    En effet, selon l'article 12, paragraphe 6, du CDC (dans sa version en vigueur à la date des faits), «[l]e titulaire d'un [RTC] qui cesse d'être valable conformément au paragraphe 5, sous a) ii) ou iii) [.] peut continuer à s'en prévaloir pendant une période de six mois après la date de publication ou de notification, dès lors qu'il a conclu, sur la base du [RTC] et avant l'adoption de la mesure en question, des contrats fermes et définitifs relatifs à l'achat ou à la vente des marchandises en cause». Ce même paragraphe précise que «[t]outefois, lorsqu'il s'agit de produits pour lesquels un certificat d'importation, d'exportation ou de préfixation est présenté lors de l'accomplissement des formalités douanières, la période pour laquelle le certificat en question reste valable se substitue à la période de six mois».

II - Les faits et la procédure au principal

A - L'affaire C-133/02

15.
    Le 12 janvier 1999, la société Timmermans Diessen BV (ci-après la «société Timmermans»), établie aux Pays-Bas, a demandé la délivrance d'un RTC auprès des autorités douanières néerlandaises (district de Roosendaal) en ce qui concerne des objets mobiliers (produits par la firme PartyLite Trading SA), décrits comme étant des chandeliers en verre, relevant, selon elle, de la position tarifaire 9405 50 00 90. À l'appui de sa demande, elle a fait valoir que ce classement tarifaire avait déjà été retenu pour le même type de marchandises par un RTC délivré antérieurement et a transmis un catalogue représentant tous les produits qu'elle offre en vente et comprenant notamment des photos des marchandises en question.

16.
    Le 15 janvier 1999, les autorités douanières compétentes ont délivré un RTC en tout point conforme à la demande de la société Timmermans (quant à la description des marchandises et à leur classement tarifaire).

17.
    Toutefois, le 19 mars 1999, elles ont révoqué ce RTC au motif que, à la suite d'un examen plus approfondi et d'une concertation avec les autorités douanières d'un district voisin sur l'interprétation de la nomenclature applicable, il s'avère que les marchandises en question devaient être classées dans la position tarifaire 7013 29 91 00 (et non dans celle initialement retenue), en tant qu'objets en verre pour le service de la table, pour la cuisine, pour la toilette, pour le bureau, etc. La prise d'effet de cette décision de révocation a été fixée au même jour que celui de son adoption.

18.
    Le 29 mars 1999, la société Timmermans a introduit une réclamation contre cette décision de révocation. Cette réclamation a été rejetée par une décision du 20 mai suivant. Ladite société a alors formé, le 12 juin de la même année, un recours contre cette dernière décision devant la juridiction de renvoi.

19.
    À l'appui de ce recours, elle soutient que la délivrance du RTC en question a suscité l'idée que le classement tarifaire qui y figure serait contraignant pour les années à venir et qu'il ne serait pas modifié, de sorte que sa révocation aurait transgressé les principes de la protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique. Selon les autorités douanières compétentes, la révocation litigieuse serait fondée sur les dispositions combinées des articles 9, paragraphe 1, et 12, paragraphe 5, sous a), iii), du CDC, tel que modifié.

B - L'affaire C-134/02

20.
    Le 9 octobre 1997, la société Hoogenboom Production Ltd (ci-après la «société Hoogenboom»), établie à Chypre, a demandé aux autorités douanières néerlandaises (district de Rotterdam) la délivrance d'un RTC en ce qui concerne des produits décrits comme étant des «abricots conservés avec du sucre cristallisé ajouté», qui relèveraient, selon elle, de la position tarifaire 2008 50 61 00.

21.
    Le 5 décembre 1997, les autorités douanières en question ont délivré un RTC conforme en tout point à la demande de ladite société (quant à la description des produits et à leur position tarifaire).

22.
    Le 6 février 1998, la même société Hoogenboom a demandé aux mêmes autorités douanières la délivrance de quatre RTC en ce qui concerne des produits (comparables à ceux visés par le précédent RTC) décrits comme étant des pommes, des noisettes, des graines de tournesols, conservés avec du sucre cristallisé ajouté (qui relèveraient respectivement, selon le demandeur, des positions tarifaires 2008 99 49 30 00, 2008 19 19 10 00, 2008 19 19 90 00) et des arachides non grillées (qui relèveraient, toujours selon le demandeur, de la position tarifaire 2008 11 94 00 00).

23.
    Le 26 février 1998, les autorités douanières en question ont délivré quatre RTC, en tout point conformes aux demandes formulées par la société Hoogenboom.

24.
    Toutefois, le 6 octobre 1998, elles ont révoqué l'ensemble de ces RTC (soit cinq au total), au motif que les produits en cause devraient être classés dans la position tarifaire 1701 (16), et non dans celle initialement prévue, car le libellé de ce poste de la nomenclature douanière s'y opposerait (17). À cette occasion, elles ont admis la possibilité pour la société Hoogenboom de continuer à se prévaloir, jusqu'au 31 décembre 1998, des RTC révoqués.

25.
    Le 9 novembre 1998, ladite société a introduit une réclamation contre cette décision de révocation, laquelle a été rejetée par une décision du 25 mars 1999. L'intéressée a alors formé, le 23 avril suivant, un recours contre cette dernière décision devant la juridiction de renvoi.

26.
    À l'appui de ce recours, elle soutient que la décision de révocation en cause ne trouve aucun fondement légal, ni dans l'article 9 ni dans l'article 12, paragraphe 5, du CDC. L'interprétation de ces dispositions est contestée par les autorités douanières, celles-ci estimant au contraire que l'article 12, paragraphe 5, sous a), iii), prévoit explicitement la possibilité d'une telle révocation en cas d'erreur flagrante des autorités douanières quant au classement tarifaire de marchandises.

III - La question préjudicielle

27.
    Eu égard aux thèses avancées par les parties, le Gerechtshof te Amsterdam a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les dispositions combinées des articles 9, paragraphe 1, et 12, paragraphe 5, sous a), iii), du code des douanes communautaire constituent-elles pour les autorités douanières un fondement légal autorisant la révocation d'un RTC, lorsque ces autorités modifient l'interprétation, qui y est donnée, des dispositions légales applicables au classement tarifaire des marchandises concernées, même si cette modification a lieu dans le délai de six ans?»

IV - Les observations des parties

28.
    Selon les sociétés Timmermans et Hoogenboom, qui sont intervenues à l'audience, il ressortirait de la jurisprudence de la Cour qu'un RTC ne peut être modifié unilatéralement par les autorités douanières nationales (18). La modification d'un RTC par les autorités douanières nationales ne saurait relever de leur propre initiative, mais seulement de celle de la Commission. Admettre le contraire reviendrait à mettre en péril les exigences de sécurité juridique (contrairement à l'objectif poursuivi par l'institution des RTC) et d'application uniforme du droit communautaire (en particulier dans l'hypothèse où un même RTC serait susceptible d'être modifié au gré des autorités douanières de tous les États membres).

29.
    Selon le gouvernement néerlandais, les autorités douanières nationales seraient en droit de modifier un RTC lorsqu'elles estimeraient, après examen plus détaillé, que les marchandises concernées devraient être classées sous une autre position tarifaire, à la suite d'une erreur d'appréciation ou d'une évolution des conceptions en matière de classement tarifaire.

30.
    À l'appui de cette thèse, il fait valoir que l'article 9, paragraphe 1, du CDC [auquel renvoie l'article 12, paragraphe 5, sous a), iii), du CDC, tel que modifié] prévoirait - implicitement, mais nécessairement - que l'octroi d'un RTC est subordonné à sa conformité à la nomenclature douanière telle qu'elle devrait être comprise au moment de la déclaration en douanes des marchandises, c'est-à-dire lors de la réalisation de l'opération d'importation ou d'exportation. Lorsque cette condition, qui était semble-t-il remplie lors de la délivrance du RTC, ne le serait plus lors de la réalisation de l'opération économique, les autorités douanières seraient en droit de révoquer ou de modifier le RTC en question. Exclure une telle possibilité de révocation ou de modification pendant toute la durée de validité d'un RTC (c'est-à-dire pendant six ans) entraînerait une distorsion de concurrence inacceptable entre les opérateurs économiques. En outre, une telle mesure de révocation ou de modification ne serait pas contraire aux principes de la protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique car, en vertu de l'article 12, paragraphe 6, du CDC, le titulaire du RTC en cause peut continuer à s'en prévaloir pendant une certaine période.

31.
    Dans le même sens, la Commission soutient que les dispositions combinées des articles 9, paragraphe 1, et 12, paragraphe 5, sous a), iii), du CDC autorisent les autorités douanières nationales à modifier ou à révoquer un RTC afin de corriger leurs erreurs en matière de classement tarifaire de marchandises. Cette thèse ne serait contraire ni au principe selon lequel les RTC lient les autorités douanières lors de la constatation de dettes douanières ou de restitutions, ni aux principes de confiance légitime et de sécurité juridique, dès lors que, d'une part, la possibilité de révocation ou de modification d'un RTC serait clairement prévue par les dispositions précitées du CDC et exclurait ainsi toute confiance légitime dans son maintien, et que, d'autre part, le titulaire d'un RTC peut encore s'en prévaloir pendant six mois après sa révocation, de sorte que le respect du principe de sécurité juridique serait assuré.

V - Analyse

32.
    À titre liminaire, nous soulignons qu'aucune des deux ordonnances de renvoi ne précise si le classement tarifaire mentionné dans les RTC litigieux est effectivement entaché d'une erreur tenant à l'interprétation de la nomenclature douanière. Si les autorités douanières prétendent avoir commis une erreur en la matière lors de la délivrance desdits RTC, rien dans le dossier ne permet de considérer que cette prétendue erreur est avérée.

33.
    En effet, les autorités douanières de délivrance se sont bornées à un examen plus approfondi de la nomenclature douanière et du classement tarifaire des marchandises en question qui s'ensuit ainsi que, dans l'affaire Timmermans, à une concertation sur ce point avec les seules autorités douanières du district voisin. On ne saurait considérer que ces éléments sont suffisants pour affirmer avec certitude qu'il y a erreur avérée.

34.
    Il s'ensuit que, dans de telles circonstances, les autorités douanières ont procédé à la révocation des RTC en cause de manière discrétionnaire, c'est-à-dire au gré de la modification de leur propre interprétation de la nomenclature douanière.

35.
    Selon nous, il convient donc de comprendre la question préjudicielle comme visant à savoir si les dispositions combinées des articles 9, paragraphe 1, et 12, paragraphe 5, sous a), iii), du CDC, tel que modifié, doivent être interprétées en ce sens que les autorités douanières sont en droit, sur le fondement de ces dispositions, de révoquer discrétionnairement un RTC qu'elles ont délivré dès lors que ces dernières modifient (selon leur seule appréciation, faisant éventuellement suite à une simple concertation avec les autorités douanières d'un district voisin) leur interprétation de la nomenclature douanière.

36.
    Comme la Cour l'a souligné dans l'arrêt Lopex Export, précité, «il est apparu nécessaire, tant pour assurer une certaine sécurité juridique aux opérateurs économiques dans l'exercice de leur activité que pour faciliter le travail des services douaniers eux-mêmes et obtenir une plus grande uniformité dans l'application du droit douanier communautaire, de mettre en place une réglementation faisant obligation aux autorités douanières de délivrer des renseignements liant l'administration sous certaines conditions bien définies» (19). Tels sont les objectifs qui ont été poursuivis par le règlement n° 1715/90 ainsi que par le règlement, qui lui a succédé, établissant le CDC, notamment dans sa version applicable au litige au principal.

37.
    C'est à la lumière de ces objectifs et de l'économie générale du système mis en place qu'il convient de déterminer si les autorités douanières des États membres sont en droit, sur le fondement des dispositions combinées des articles 9, paragraphe 1, et 12, paragraphe 5, sous a), iii), du CDC, de révoquer discrétionnairement un RTC lorsqu'elles modifient leur interprétation de la nomenclature douanière applicable. Selon nous, une réponse négative s'impose.

38.
    Ainsi que nous l'avons déjà indiqué, l'article 12, paragraphes 2 et 4, du CDC prévoit qu'un RTC lie les autorités douanières vis-à-vis de son titulaire quant au classement tarifaire d'une marchandise, en principe pendant une durée de six ans à compter de sa délivrance. Ce principe répond au souci de donner à l'opérateur économique certaines garanties ou assurances quant au futur classement tarifaire de marchandises dont il envisage l'importation ou l'exportation, compte tenu des difficultés importantes qu'il est susceptible de rencontrer en la matière en raison de la technicité particulière de la nomenclature douanière (20).

39.
    En effet, seul un renseignement tarifaire à caractère contraignant est de nature à offrir de telles garanties. Lui seul permet à l'opérateur économique de prévoir avec suffisamment de fiabilité la classification douanière pertinente et par conséquent les conditions tarifaires (droits ou restitutions) dans lesquelles il est susceptible de réaliser les opérations d'importation ou d'exportation qu'il envisage en ce qui concerne les marchandises en question (21). Un RTC étant en principe contraignant pendant une durée de six ans, son titulaire est en mesure, lors de sa délivrance, d'élaborer des prévisions à plus ou moins long terme, de se positionner en connaissance de cause sur tel ou tel marché de commercialisation de marchandises et de procéder aux investissements nécessaires. Cette prévisibilité est sans aucun doute déterminante, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, car la modification de la classification tarifaire indiquée dans un RTC (lorsque cette modification se traduit par une augmentation du montant des droits à payer ou une diminution du montant des restitutions à percevoir) risque de se répercuter de manière significative sur le coût de l'opération envisagée, de sorte que la réalisation de cette opération présente finalement peu d'intérêt ou plus aucun, voire est susceptible de mettre l'entreprise en grandes difficultés.

40.
    Compte tenu de l'importance du classement tarifaire des marchandises et des conséquences qui en découlent pour les opérateurs économiques, il appartient aux autorités douanières de faire preuve d'une particulière diligence lors de la délivrance de RTC, en s'assurant notamment qu'elles disposent de tous les éléments d'information nécessaires pour se prononcer en connaissance de cause sur la classification tarifaire des marchandises en question (22).

41.
    Ce devoir de diligence s'impose d'autant plus que, en vertu de l'article 11 du règlement d'application, un RTC qui a été délivré par les autorités douanières compétentes d'un État membre lie les autorités douanières de tous les États membres dans les mêmes conditions. Ce principe signifie que les autorités compétentes de l'État membre dans lequel les formalités douanières sont accomplies en ce qui concerne certaines marchandises ne sont pas en droit de s'écarter des termes du RTC délivré par les autorités douanières compétentes d'un autre État membre à propos des mêmes marchandises (en particulier par celles de l'État membre dans lequel le titulaire du RTC en question est établi) (23). Ce principe signifie également que la classification tarifaire de marchandises équivalentes ne saurait varier d'un État membre à l'autre, au gré des appréciations divergentes des autorités douanières de chacun des États membres, sauf à méconnaître l'objectif d'application uniforme de la nomenclature douanière au sein de la Communauté, destiné notamment à éviter le développement de traitements discriminatoires entre les opérateurs économiques concernés (24).

42.
    L'ensemble de ces développements démontre qu'un RTC est doté, par nature, d'un effet contraignant vis-à-vis de son titulaire, lequel est en droit de s'en prévaloir. Il a ainsi vocation à lier non seulement les autorités douanières qui l'ont délivré, mais aussi toutes les autres autorités douanières des États membres.

43.
    Ce n'est que dans certaines circonstances bien particulières qu'un RTC est dépourvu de caractère contraignant, pour cause de nullité, ou cesse de l'être, de sorte que son titulaire n'est pas ou n'est plus en droit de s'en prévaloir. Ces circonstances sont énumérées, de manière exhaustive, à l'article 12, paragraphes 4 et 5, sous a), du CDC, tel que modifié. Dès lors qu'elles prévoient des exceptions au principe selon lequel un RTC lie les autorités douanières vis-à-vis de son titulaire, il convient de les interpréter strictement.

44.
    Nous observons que les dispositions figurant à l'article 12, paragraphes 4 et 5, sous a), i) et ii), du CDC, tel que modifié, visent expressément des circonstances extérieures aux autorités douanières (liées aux titulaires de RTC ou aux institutions communautaires), à l'exclusion de circonstances dont la survenance proviendrait de leur seul fait. En revanche, force est de constater que le libellé des dispositions de l'article 12, paragraphe 5, sous a), iii), et de l'article 9 du CDC, tel que modifié, auquel il est renvoyé, ne permet pas de se prononcer clairement sur ce point. Cela étant, selon nous, les dispositions en question ne recouvrent pas l'hypothèse où, comme c'est le cas dans les litiges au principal, les autorités douanières modifient de manière totalement indépendante (selon leur seule appréciation) leur interprétation de la nomenclature douanière applicable. C'est ce que nous allons nous attacher à démontrer à présent.

45.
    À titre liminaire, il importe de rappeler que l'article 12, paragraphe 4, deuxième phrase, du CDC, tel que modifié, prévoit qu'un RTC est annulé s'il a été délivré sur la base d'éléments inexacts ou incomplets fournis par le demandeur. Nous l'avons déjà dit, ces dispositions renvoient expressément à des circonstances qui tiennent essentiellement au comportement du titulaire du RTC, et non à celui des autorités douanières, même s'il appartient à ces dernières de faire preuve d'une certaine diligence lors de la délivrance d'un RTC en s'assurant que le dossier transmis par le demandeur est complet (25).

46.
    Quant à l'article 12, paragraphe 5, sous a), i), du CDC, tel que modifié, il recouvre l'hypothèse où un RTC ne serait pas conforme à un règlement communautaire adopté postérieurement à sa délivrance (et au cours de sa période de validité, c'est-à-dire dans les six ans à compter de sa délivrance). Cette situation a été examinée par la Cour dans l'affaire Lopex Export, précitée, à propos d'une question préjudicielle portant sur la validité des dispositions de l'article 13, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 1715/90, comparables à celles précitées actuellement en vigueur (26).

47.
    À cette occasion, la Cour a pris soin de préciser que, «[a]insi que le Conseil et la Commission l'ont relevé à juste titre, le renseignement tarifaire contraignant a pour objectif de donner à l'opérateur économique toute sécurité lorsqu'un doute subsiste sur le classement d'une marchandise dans la nomenclature douanière existante, le protégeant ainsi vis-à-vis de toute modification ultérieure de la position prise par les autorités douanières concernant le classement des marchandises» (27). Elle a jugé que, «[e]n revanche, un [RTC] n'a pas pour objectif et ne saurait avoir pour effet de garantir à l'opérateur que la position tarifaire à laquelle il se réfère ne sera pas par la suite modifiée par un acte adopté par le législateur communautaire» (28).

48.
    La Cour a ajouté que ce principe ressort de façon claire et précise du libellé des dispositions en cause, de sorte qu'elles répondent aux exigences tenant à la garantie de la sécurité juridique (car elles permettent aux opérateurs économiques de connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations) et, corrélativement, qu'il est exclu que ces derniers puissent nourrir, sur le seul fondement d'un RTC, une confiance légitime en ce que la position tarifaire en cause ne sera pas modifiée par un acte adopté par le législateur communautaire (29). La Cour en a conclu que l'examen des dispositions en cause n'a pas révélé l'existence d'éléments de nature à en affecter la validité (30).

49.
    Selon nous, ce cas de cessation de validité d'un RTC s'inscrit dans des circonstances radicalement différentes de celles invoquées dans les litiges au principal. En effet, cette cessation de validité est subordonnée à l'adoption d'une réglementation par les institutions communautaires, c'est-à-dire à une modification au sein de la Communauté de l'état du droit applicable, et non à une simple évolution de l'interprétation qui en serait donnée librement - à l'échelle régionale voire nationale - par telles ou telles autorités douanières, ce qui serait difficilement compatible avec l'objectif d'application uniforme de la nomenclature douanière ainsi qu'avec le souci d'éviter l'introduction de traitements discriminatoires entre les opérateurs économiques.

50.
    Quant aux dispositions de l'article 12, paragraphe 5, sous a), ii), premier tiret, du CDC, tel que modifié, elles s'inscrivent dans la même logique. Certes, elles prévoient qu'un RTC cesse d'être valide lorsqu'il devient incompatible avec une certaine interprétation de la nomenclature douanière pertinente. Toutefois, l'interprétation à laquelle il est fait référence sur le plan communautaire n'a rien à voir avec celle invoquée dans les litiges au principal. Il n'y a pas seulement là une différence de degré, mais une différence de nature. En effet, l'interprétation visée par les dispositions précitées résulte exclusivement d'une modification des notes explicatives de la nomenclature concernée ou d'un arrêt de la Cour de justice. Or, de telles mesures ou décisions ont nécessairement pour objet et pour effet de garantir une application correcte et uniforme de la nomenclature douanière au sein de la Communauté. Elles s'adressent précisément à l'ensemble des autorités douanières des États membres afin de les guider dans leur exercice de mise en .uvre de la nomenclature douanière et éviter ainsi des erreurs ou divergences d'interprétation en la matière.

51.
    Selon nous, les dispositions de l'article 12, paragraphe 5, sous a), iii), du CDC, tel que modifié, ne peuvent que s'inscrire dans la même logique d'application correcte et uniforme de la nomenclature douanière.

52.
    D'ailleurs, plusieurs décisions ont déjà été adoptées par la Commission sur le fondement de ces dispositions (ainsi que sur celles de l'article 9 du règlement d'application (31)) pour mettre fin à des divergences d'interprétation persistantes ou des erreurs avérées en la matière, qui avaient conduit à des situations de contrariété de RTC (entre ceux délivrés par les autorités douanières de certains États membres en méconnaissance des règles générales pour l'interprétation de la nomenclature combinée ou d'un règlement déterminant le classement d'une marchandise dans la nomenclature douanière et ceux délivrés correctement par les autorités compétentes des autres États membres) (32).

53.
    Ces décisions de la Commission ont imposé aux autorités douanières qui avaient délivré les RTC incorrects de les révoquer dans les plus brefs délais, tout en rappelant que, conformément aux dispositions de l'article 14, paragraphe 1, du règlement d'application (en combinaison avec les dispositions de l'article 12, paragraphe 6, du CDC, tel que modifié), le titulaire des RTC en question peut, le cas échéant, s'en prévaloir pendant une certaine période.

54.
    Ces précédents apportent un éclairage intéressant pour l'interprétation des dispositions combinées de l'article 12, paragraphe 5, sous a), iii), et 9, paragraphe 1, du CDC, tel que modifié.

55.
    Ils étayent en partie l'interprétation soutenue par le gouvernement néerlandais et la Commission, en particulier en ce qui concerne l'article 9, paragraphe 1, du CDC, tel que modifié, aux termes duquel «[u]ne décision favorable à l'intéressé [telle qu'un RTC] est révoquée ou modifiée lorsque [.] une ou plusieurs des conditions prévues pour son octroi n'étaient pas ou ne sont plus remplies».

56.
    En effet, on peut supposer que le classement tarifaire qui figure sur un RTC est conforme à la nomenclature douanière applicable, dès lors que ce classement est déterminé par les autorités douanières, c'est-à-dire par les autorités nationales qui sont les mieux placées pour connaître des diverses subtilités techniques en la matière. Cela étant, à l'instar du gouvernement néerlandais et de la Commission, on peut considérer que le classement tarifaire en question ne vaut que pour autant que ce dernier est conforme à la nomenclature douanière applicable, de sorte que, lorsque cette condition de conformité n'est pas ou n'est plus remplie, la révocation du RTC en question s'impose, conformément à l'article 9, paragraphe 1, du CDC, tel que modifié.

57.
    Cette interprétation rejoint le sens des dispositions de l'article 12, paragraphe 5, sous a), i) et ii), du CDC, tel que modifié, que nous avons examinées précédemment, puisque ces dernières prévoient qu'un RTC cesse d'être valable lorsque le classement tarifaire qu'il opère n'est plus conforme avec le cadre juridique applicable ou devient incompatible avec l'interprétation de la nomenclature douanière qui s'impose.

58.
    Dans le prolongement de ces dispositions, on peut considérer que la révocation d'un RTC s'impose lorsque les autorités douanières ont effectivement commis une erreur (avérée et non pas simplement invoquée par lesdites autorités) dans l'interprétation de la nomenclature douanière et par conséquent dans le classement tarifaire des marchandises visées par le RTC en question. Les décisions de la Commission dont nous avons fait état confortent cette idée puisqu'elles ont imposé à certaines autorités douanières de révoquer des RTC qui comportaient un classement tarifaire dont le caractère erroné a été établi (en ce qu'il était contraire aux règles générales pour l'interprétation de la nomenclature combinée ou à un règlement de classement des marchandises en question).

59.
    En revanche, nous ne partageons pas la thèse défendue par le gouvernement néerlandais et la Commission, selon laquelle les autorités douanières seraient en droit de révoquer un RTC dès lors qu'elles estimeraient discrétionnairement (à la faveur de leur seule appréciation) avoir commis une erreur dans l'interprétation de la nomenclature douanière et dans le classement tarifaire correspondant. En effet, nous rappelons qu'une telle révocation n'est pas nécessairement justifiée, car l'erreur en question n'est pas nécessairement avérée. En outre, la reconnaissance d'une telle possibilité de révocation est difficilement compatible tant avec l'objectif d'application uniforme de la nomenclature douanière qu'avec l'objectif de sécurité juridique poursuivi par l'institution des RTC.

60.
    S'agissant de l'objectif d'application uniforme de la nomenclature douanière, nous estimons que, si une décision de la Commission ordonnant la révocation de RTC a nécessairement pour objet et pour effet de garantir l'application correcte et uniforme de la nomenclature douanière, on ne saurait en dire autant à propos de la pratique selon laquelle les autorités douanières décideraient discrétionnairement de révoquer des RTC qu'elles auraient délivrés, à la suite d'une modification de leur propre interprétation de la nomenclature applicable, même s'il est possible que ce faisant les autorités en question soient animées par le souci de se rapprocher de l'interprétation donnée par d'autres autorités douanières.

61.
    En effet, il convient d'avoir présent à l'esprit que, contrairement à la Commission, les autorités douanières de délivrance ne disposent pas nécessairement d'une vue d'ensemble sur la totalité des RTC délivrés par toutes les autres autorités douanières au sein de la Communauté, pour des marchandises identiques ou similaires (33).

62.
    Selon nous, lorsque les autorités douanières estiment avoir commis une erreur dans l'interprétation de la nomenclature douanière lors de la délivrance d'un RTC, elles devraient en aviser la Commission afin de s'assurer qu'il s'agit effectivement d'une erreur de nature à justifier la révocation du RTC en question. Seul un tel mécanisme serait susceptible de garantir l'application correcte ou du moins uniforme de la nomenclature douanière. À notre avis, la nécessité d'une telle démarche des autorités douanières auprès de la Commission découle à la fois des objectifs de sécurité juridique et d'application uniforme de la nomenclature douanière, visés par l'institution des RTC, et de l'obligation de coopération loyale des États membres à l'égard des institutions communautaires, prévue à l'article 10 CE (34).

63.
    D'ailleurs, comme la Commission l'a indiqué à l'audience, cette dernière est fréquemment saisie par les autorités douanières de certains États membres qui contestent la validité de RTC délivrés par d'autres autorités douanières au regard de l'interprétation de la nomenclature douanière qui en a été donnée. Elle a ajouté qu'il lui appartient alors d'apprécier s'il y a lieu d'adopter une décision concernant la validité des RTC en question qui ordonnerait aux autorités douanières mises en cause de les révoquer.

64.
    Selon nous, on peut se demander si une décision serait également nécessaire lorsque la saisine de la Commission émanerait des autorités douanières de délivrance elles-mêmes (et non d'autres autorités douanières) et si l'on ne pourrait pas se contenter, dans ce cas, d'une simple lettre de la Commission à destination des autorités douanières en question, c'est-à-dire d'une réponse dont l'adoption ou la transmission ne seraient pas subordonnées à des contraintes procédurales trop lourdes.

65.
    S'agissant de l'objectif de sécurité juridique, il importe d'indiquer que l'interprétation soutenue par le gouvernement néerlandais et la Commission tend à ruiner l'effet utile du principe selon lequel un RTC est par nature contraignant et à méconnaître ainsi le but de l'institution du système de RTC mis en place par le législateur communautaire, tel qu'il a été rappelé par la Cour dans l'arrêt Lopex Export, précité (35). En effet, le principe tenant au caractère contraignant des RTC serait vidé de sa substance dans l'hypothèse où les autorités douanières seraient en droit de révoquer discrétionnairement un RTC qu'elles auraient délivré, au seul motif qu'elles auraient, selon elles, commis une erreur ou auraient évolué dans leur propre interprétation de la nomenclature douanière.

66.
    En tout état de cause, eu égard à cet objectif de sécurité juridique, nous avons du mal à imaginer que le législateur communautaire aurait pu se satisfaire d'une simple protection provisoire des intérêts des titulaires de RTC (selon les modalités prévues à l'article 12, paragraphe 6, du CDC, tel que modifié) dans l'hypothèse (que nous rejetons) où les autorités douanières seraient en droit [sur le fondement de l'article 12, paragraphe 5, sous a), iii), du CDC, tel que modifié] de procéder à leur révocation dans les circonstances litigieuses.

67.
    À cet égard, nous ne sommes pas convaincu par les explications données par la Commission à l'audience, selon lesquelles la durée de cette protection correspondrait aux délais habituels de livraison des marchandises (qui seraient d'environ six mois), de sorte que le titulaire d'un RTC n'aurait pas à souffrir de sa révocation puisqu'il pourrait se prévaloir du RTC en question pendant ce délai et mener ainsi à son terme l'opération de commercialisation.

68.
    Tout d'abord, on ne peut pas exclure que certains contrats s'accompagnent de délais de livraison plus longs. En outre, dans l'hypothèse où cette durée de protection correspondrait effectivement au délai de livraison des marchandises en question, on ne peut pas non plus exclure que la révocation d'un RTC ait de sérieuses incidences sur les activités de commercialisation de l'opérateur économique concerné.

69.
    En effet, si dans cette hypothèse le titulaire du RTC serait effectivement en mesure de s'en prévaloir lors de l'accomplissement des formalités douanières concernant les marchandises en question, il ne serait plus en mesure de s'en prévaloir ultérieurement dans le cadre de la commercialisation de marchandises identiques. L'opérateur économique concerné pourrait se retrouver du fait de la révocation du RTC en question dans une situation difficile, car cette révocation serait susceptible de ruiner ses prévisions quant au classement tarifaire de marchandises identiques et de remettre ainsi largement en cause la pertinence de sa politique commerciale et de ses investissements, en particulier dans l'hypothèse où ce dernier exercerait son activité dans le cadre d'une petite ou moyenne entreprise et que la révocation dudit RTC interviendrait peu de temps après sa délivrance, c'est-à-dire bien avant l'expiration de son délai de validité de six ans.

70.
    Une telle situation ne serait guère compatible avec l'objectif poursuivi par l'institution des RTC qui est de donner à l'opérateur économique des garanties significatives quant au classement tarifaire des marchandises afin que ce dernier soit en mesure d'exercer ses activités dans des conditions satisfaisantes. À cet égard, autant nous comprenons que le législateur communautaire ait prévu, à la suite d'une balance des intérêts en présence (ceux des titulaires de RTC et ceux tenant à l'application correcte et uniforme de la nomenclature douanière), une simple protection provisoire des intérêts des titulaires de RTC lorsque ces derniers deviennent incompatibles avec l'interprétation de la nomenclature douanière qui en est donnée par les institutions communautaires, en particulier par la Cour de justice, autant nous avons du mal à imaginer que le législateur communautaire ait entendu soumettre les titulaires de RTC à un tel régime dans l'hypothèse où ces derniers seraient discrétionnairement révoqués par les autorités douanières.

71.
    En conséquence, il convient de répondre à la présente question préjudicielle que les dispositions combinées des articles 9, paragraphe 1, et 12, paragraphe 5, sous a), iii), du CDC, tel que modifié, doivent être interprétées en ce sens que les autorités douanières qui ont délivré un RTC ne sont pas en droit, sur le fondement de ces dispositions, de procéder à sa révocation de manière discrétionnaire, dès lors que ces dernières modifient leur propre interprétation de la nomenclature douanière applicable.

VI - Conclusion

72.
    Eu égard à l'ensemble de ces considérations, nous proposons à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par le Gerechtshof te Amsterdam de la manière suivante:

«Les dispositions combinées des articles 9, paragraphe 1, et 12, paragraphe 5, sous a), iii), du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) n° 82/97 du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, doivent être interprétées en ce sens que les autorités douanières qui ont délivré un renseignement tarifaire contraignant ne sont pas en droit de procéder à sa révocation de manière discrétionnaire, dès lors que ces dernières modifient leur propre interprétation de la nomenclature douanière applicable.»


1: -    Langue originale: le français.


2: -    JO L 302, p. 1.


3: -    JO L 17, p. 1.


4: -    JO L 160, p. 1.


5: -    Troisième considérant.


6: -    Titre I, chapitre 2, section 3.


7: -    Titre II du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d'application du CDC (JO L 253, p. 1, ci-après le «règlement d'application»).


8: -    Articles 12, paragraphe 1, du CDC et 6, paragraphe 1, du règlement d'application.


9: -    Article 6, paragraphes 3 et 4, du règlement d'application.


10: -    Article 12, paragraphe 4, du CDC.


11: -    Articles 12, paragraphe 2, du CDC et 11 du règlement d'application.


12: -    Article 12, paragraphe 4, du CDC.


13: -    Règlement n° 82/97, entré en vigueur le 1er janvier 1997, tel que rectifié (JO 1997, L 179, p. 11).


14: -    Il est précisé que la date à laquelle le RTC cesse d'être valable est la date de publication desdites «mesures».


15: -    Articles 8, paragraphe 1, et 13 du règlement d'application.


16: -    La position tarifaire 1701 s'applique aux «sucre de canne ou de betterave et saccharose chimiquement pur, à l'état solide».


17: -    La position tarifaire 2008 s'applique aux «fruits et autres parties comestibles de plantes, autrement préparés ou conservés, avec ou sans addition de sucre ou d'autres édulcorants ou d'alcool, non dénommés ni compris ailleurs».


18: -    Les sociétés demanderesses ont fait référence aux arrêts du 1er avril 1993, Hewlett Packard France (C-250/91, Rec. p. I-1819), et du 29 janvier 1998, Lopex Export (C-315/96, Rec. p. I-317).


19: -    Point 19.


20: -    Le règlement n° 1715/90 avait souligné, en son cinquième considérant, que les renseignements concernant le classement des marchandises dans la nomenclature douanière constituent la catégorie de renseignements la plus importante et la plus utile pour les opérateurs économiques en raison de la haute technicité de la nomenclature combinée et des nomenclatures communautaires dérivées de celle-ci.


21: -    Il importe de préciser que le classement tarifaire indiqué dans un RTC ne préjuge pas du taux des droits ou des restitutions, résultant de ce classement, qui sera applicable au moment de l'accomplissement des formalités douanières concernant les marchandises en question. C'est ce qu'avait souligné le règlement n° 1715/90 dans son septième considérant. La pratique démontre que ces taux varient régulièrement en fonction de l'évolution des marchés.


22: -    Voir, en ce sens, l'article 6, paragraphes 3 et 4, du règlement d'application.


23: -    Voir les dispositions de l'article 6, paragraphe 1, du règlement d'application déterminant les autorités douanières destinataires des demandes de RTC.


24: -    C'est ce qu'a déjà eu l'occasion de souligner l'avocat général Tesauro, dans ses conclusions du 22 octobre 1992 dans l'affaire Hewlett Packard France, précitée (point 5, quatrième alinéa) à propos du règlement n° 1715/90.


25: -    En l'espèce, il est constant que la société Hoogenboom a transmis des données exactes et complètes lors de la transmission de ses diverses demandes de RTC (voir le point 2.3 de l'ordonnance de renvoi ainsi que le point 18 des observations de la Commission). Bien que la juridiction de renvoi n'ait pas apporté de précisions sur ce point à propos de la société Timmermans, nous supposons que tel a également été le cas.


26: -    Ces dispositions prévoyaient que, «[l]orsque, par suite de l'adoption, soit d'un règlement modifiant la nomenclature douanière, soit d'un règlement déterminant ou affectant le classement d'une marchandise dans la nomenclature douanière, un [RTC] délivré antérieurement n'est plus conforme au droit communautaire ainsi établi, ce renseignement cesse d'être valide dès que le règlement en question est applicable».


27: -    Arrêt Lopex Export, précité (point 28).


28: -    Idem.


29: -    Ibidem (points 28 et 29).


30: -    Ibidem (point 31).


31: -    Nous précisons que seules les dispositions figurant au paragraphe 1 de cet article sont pertinentes, à l'exclusion de celles figurant au paragraphe 2. En effet, comme cela a été relevé à l'audience, un RTC n'impose pas d'obligations à son titulaire, contrairement à ce qui est le cas des décisions visées par le paragraphe 2 en question.


32: -    On peut citer, notamment, les décisions de la Commission 98/405/CE, du 16 juin 1998, concernant la validité de certains renseignements tarifaires contraignants [délivrés par les autorités douanières françaises, néerlandaises et du Royaume-Uni, (JO L 178, p. 42)]; 1999/637/CE, du 12 juillet 1999, concernant la validité de certains renseignements tarifaires contraignants [délivrés par les autorités douanières du Royaume-Uni (JO L 251, p. 17)]; 1999/747/CE, du 8 novembre 1999, concernant la validité de certains renseignements tarifaires contraignants [délivrés par les autorités douanières néerlandaises et allemandes (JO L 298, p. 37)]; 2000/41/CE, du 29 décembre 1999, concernant la validité de certains renseignements tarifaires contraignants [délivrés par les autorités douanières irlandaises, du Royaume-Uni et d'Irlande du Nord (JO L 13, p. 27)], et 2003/97/CE, du 31 janvier 2003, concernant la validité de certains renseignements tarifaires contraignants (RTC) délivrés par la République fédérale d'Allemagne (JO L 36, p. 40).


33: -    La Commission dispose de toutes les informations nécessaires en la matière puisqu'elle est chargée de gérer une banque de données qui stocke une copie de tous les RTC délivrés ainsi que les informations y afférentes [voir les articles 6, paragraphe 3, sous k), et 8, paragraphe 1, du règlement d'application]. Ces données peuvent être transmises par la Commission aux autorités douanières qui le demandent (article 8, paragraphe 2, du règlement d'application). Cela étant, il n'est pas certain que les autorités douanières qui envisagent de révoquer de leur propre initiative un RTC prennent soin d'adresser à la Commission une telle demande d'information afin de prendre leur décision en connaissance de cause.


34: -    Voir, mutatis mutandis, arrêt du 28 février 1991, Delimitis (C-234/89, Rec. p. I-935, points 44, 45, 47, 49, 52 et 53), à propos des compétences respectives des juridictions nationales et de la Commission pour appliquer les dispositions des articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité CE (devenus articles 81 CE et 82 CE) en matière de concurrence.


35: -    Points 19 et 28.