Language of document : ECLI:EU:T:2009:141

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

6 mai 2009 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché des tubes industriels en cuivre – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Fixation des prix et répartition des marchés – Amendes ? Taille du marché concerné ? Circonstances aggravantes ? Récidive »

Dans l’affaire T‑122/04,

Outokumpu Oyj, établie à Espoo (Finlande),

Luvata Oy, anciennement Outokumpu Copper Products Oy, établie à Espoo,

représentées par M. J. Ratliff, barrister, Mes F. Distefano et J. Luostarinen, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. É. Gippini Fournier, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation ou de réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes en vertu de l’article 2, sous b), de la décision C (2003) 4820 final de la Commission, du 16 décembre 2003, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-1/38.240 – Tubes industriels), et, d’autre part, une demande reconventionnelle de la Commission tendant à l’augmentation du montant de ladite amende,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Papasavvas et N. Wahl (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 mars 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Outokumpu Oyj, société cotée en bourse ayant son siège à Espoo (Finlande), est la société de tête d’un groupe présent dans le monde entier et actif, notamment, dans la production de métaux de base, d’acier, de produits en cuivre et dans les techniques de fabrication de ces produits. À l’époque des faits, Outokumpu détenait à 100 % Luvata Oy (anciennement Outokumpu Copper Products Oy), qui produit notamment des tubes industriels en cuivre (Outokumpu et Luvata sont ci-après indistinctement dénommées « Outokumpu » ou les « requérantes »).

2        À la suite de la communication d’informations par Mueller Industries Inc., la Commission a procédé à des vérifications inopinées, en mars 2001, dans les locaux des sociétés KME Germany AG (anciennement KM Europa Metal AG), KME France SAS (anciennement Tréfimétaux SA), KME Italy SpA (anciennement Europa Metalli SpA) (ci-après, prises ensemble, le « groupe KME »), Wieland-Werke AG (ci-après « Wieland ») et des requérantes, en vertu de l’article 14 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204).

3        Le 9 avril 2001, Outokumpu a soumis à la Commission une offre de coopération au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4) (ci-après la « communication de 1996 sur la coopération »). Les requérantes ont déposé un mémorandum à ce sujet le 30 mai 2001.

4        En réponse à une demande de renseignements au titre de l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 17 adressée en juillet 2002 par la Commission au groupe KME et à Wieland, cette dernière a sollicité, le 30 septembre 2002, le bénéfice de l’application de la communication de 1996 sur la coopération.

5        Faisant suite à la même demande de renseignements, le groupe KME a sollicité pour son propre compte le bénéfice de l’application de ladite communication le 15 octobre 2002.

6        Après avoir mené une enquête, comprenant des vérifications complémentaires dans les locaux d’Outokumpu et du groupe KME, participé à des réunions avec des représentants d’Outokumpu, du groupe KME et de Wieland ainsi que, en vertu de l’article 11 du règlement n° 17, adressé des demandes de renseignements complémentaires au groupe KME et à Wieland, la Commission a engagé en juillet 2003 une procédure d’infraction et a adopté une communication des griefs adressée au groupe KME, à Wieland et à Outokumpu. Les entreprises destinataires ayant renoncé à la tenue d’une audition, celle-ci n’a pas été organisée.

7        Le 16 décembre 2003, la Commission a adopté la décision C (2003) 4820 final, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E‑1/38.240 – Tubes industriels) (ci-après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 28 avril 2004 (JO L 125, p. 50).

8        Il ressort de la décision attaquée que, vers la fin des années 80, les producteurs organisés au sein d’une association pour la qualité des tubes utilisés dans le secteur de l’air conditionné et de la réfrigération, Cuproclima Quality Association (ci-après « Cuproclima »), parmi lesquels figuraient les requérantes, ont étendu leur coopération aux questions de concurrence.

9        Les réunions que Cuproclima tenait deux fois par an auraient constitué une occasion régulière de discuter et de fixer les prix ainsi que d’autres conditions commerciales applicables aux tubes industriels, une fois épuisé leur ordre du jour officiel. Des contacts bilatéraux entre les entreprises concernées auraient complété ces réunions contraires aux règles de concurrence. Les entreprises concernées auraient fixé des objectifs de prix ainsi que d’autres conditions commerciales pour les tubes industriels. Elles auraient coordonné des augmentations de prix, se seraient partagé les clients et les parts de marché et auraient surveillé la mise en œuvre de leurs arrangements anticoncurrentiels, d’une part, en désignant des chefs de file pour les marchés et, d’autre part, en échangeant des informations confidentielles.

10      La décision attaquée comprend notamment les dispositions suivantes :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint les dispositions de l’article 81, paragraphe 1, [CE] et, à compter du 1er janvier 1994, de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, en participant, pour les périodes indiquées, à un ensemble d’accords et de pratiques concertées consistant à fixer les prix et à se répartir les marchés dans le secteur des tubes industriels :

a)      [Wieland] du 3 mai 1988 au 22 mars 2001 ;

b)      Outokumpu […], à titre individuel du 3 mai 1988 au 30 décembre 1988, et solidairement avec [Luvata] du 31 décembre 1988 au 22 mars 2001 ;

c)      [Luvata], du 31 décembre 1988 au 22 mars 2001 (solidairement avec Outokumpu […]) ;

d)      [KME Germany], à titre individuel du 3 mai 1988 au 19 juin 1995, et solidairement avec [KME France] et [KME Italy] du 20 juin 1995 au 22 mars 2001 ;

e)      [KME Italy], solidairement avec [KME France] du 3 mai 1988 au 19 juin 1995, et solidairement avec [KME Germany] et [KME France] du 20 juin 1995 au 22 mars 2001 ;

f)      [KME France], solidairement avec [KME Italy] du 3 mai 1988 au 19 juin 1995, et solidairement avec [KME Germany] et [KME Italy] du 20 juin 1995 au 22 mars 2001.

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées à l’article 1er :

a)      [Wieland] : 20,79 millions d’euros ;

b)      Outokumpu […] et [Luvata], solidairement : 18,13 millions d’euros ;

c)      [KME Germany], [KME France] et [KME Italy], solidairement : 18,99 millions d’euros ;

d)      [KME Germany] : 10,41 millions d’euros ;

e)      [KME Italy] et [KME France] solidairement : 10,41 millions d’euros. »

11      S’agissant, en premier lieu, de la fixation du montant de départ de l’amende, la Commission a considéré que l’infraction, qui consistait essentiellement à fixer les prix et à répartir les marchés, était, par sa nature même, une infraction très grave (considérant 294 de la décision attaquée).

12      En vue de déterminer la gravité de l’infraction, la Commission a également pris en compte le fait que le cartel avait affecté la totalité du territoire de l’Espace économique européen (EEE) (considérant 316 de la décision attaquée). La Commission a en outre examiné les effets réels de l’infraction et a constaté que l’entente avait, « globalement, produit des effets sur le marché » (considérant 314 de la décision attaquée).

13      Enfin, toujours dans le cadre de la détermination de la gravité de l’infraction, la Commission a pris en compte le fait que le marché des tubes industriels en cuivre constituait un secteur important, dont la valeur a été estimée à 288 millions d’euros en ce qui concerne l’EEE (considérant 318 de la décision attaquée).

14      Eu égard à toutes ces circonstances, la Commission a conclu que l’infraction en cause devait être considérée comme très grave (considérant 320 de la décision attaquée).

15      En deuxième lieu, la Commission a procédé à un traitement différencié des entreprises concernées, en vue de tenir compte de la capacité économique effective de chacune à causer un préjudice important à la concurrence. À cet égard, la Commission a relevé l’existence d’une différence entre les parts de marché détenues sur le marché des tubes industriels dans l’EEE, d’une part, par le groupe KME, leader sur le marché de l’EEE avec [confidentiel] (1) % de part de marché, et, d’autre part, par les requérantes et Wieland qui détiennent respectivement [confidentiel] et 13,4 % de parts de marché. Eu égard à cette différence, le montant de départ de l’amende infligée aux requérantes et à Wieland a été fixé à 33 % de celui du groupe KME, soit 11,55 millions d’euros pour Outokumpu et pour Wieland et 35 millions d’euros pour le groupe KME (considérants 322 à 323 et 326 à 328 de la décision attaquée).

16      En troisième lieu, afin de tenir compte de la nécessité de fixer l’amende à un niveau lui assurant un effet dissuasif, la Commission a majoré le montant de départ de l’amende infligée à Outokumpu de 50 %, le portant ainsi à 17,33 millions d’euros, en considérant que le chiffre d’affaires mondial de celle-ci, supérieur à 5 milliards d’euros, indiquait qu’elle disposait d’une taille et d’une puissance économique autorisant ladite majoration (considérant 334 de la décision attaquée).

17      En quatrième lieu, la Commission a qualifié la durée de l’infraction, qui s’est déroulée du 3 mai 1988 au 22 mars 2001, de « longue ». La Commission a dès lors jugé approprié de majorer de 10 % par année de participation au cartel le montant de départ des amendes infligées aux entreprises concernées. Partant, le montant de départ de l’amende infligée aux requérantes a été augmenté de 125 %, le montant de base étant par conséquent fixé à 38,98 millions d’euros (considérants 338, 342 et 347 de la décision attaquée).

18      En cinquième lieu, au titre des circonstances aggravantes, le montant de base de l’amende infligée à Outokumpu a été majoré de 50 % au motif qu’elle s’était rendue coupable de récidive, puisqu’elle avait été destinataire de la décision 90/417/CECA de la Commission, du 18 juillet 1990, relative à une procédure au titre de l’article 65 [CA] concernant l’accord et les pratiques concertées des producteurs européens de produits plats en acier inoxydable laminés à froid (JO L 220, p. 28) (considérant 354 de la décision attaquée).

19      En sixième lieu, au titre des circonstances atténuantes, la Commission a relevé que, sans la coopération d’Outokumpu, elle n’aurait pu établir l’existence du comportement infractionnel que pour une période de quatre ans et a par conséquent réduit le montant de base de son amende de 22,22 millions d’euros, de façon à ce que ledit montant corresponde à l’amende qui lui aurait été infligée pour une telle période (considérant 386 de la décision attaquée).

20      En septième et dernier lieu, la Commission a procédé, en vertu du titre D de la communication de 1996 sur la coopération, à une réduction du montant des amendes de 50 % pour Outokumpu, de 20 % pour Wieland, et de 30 % pour le groupe KME (considérants 402, 408 et 423 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 mars 2004, les requérantes ont introduit le présent recours.

22      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

23      Dans sa duplique, la Commission a demandé que le montant de l’amende infligée aux requérantes soit majoré au motif que celles-ci remettaient en cause, dans la réplique, certains faits non contestés lors de la procédure administrative. Le Tribunal a invité les requérantes à déposer leurs observations sur cette demande reconventionnelle, ce qu’elles ont fait dans le délai imparti.

24      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé des questions écrites auxquelles elles ont répondu dans le délai imparti.

25      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 5 mars 2008. À cette occasion, les requérantes ont réaffirmé leur volonté, dont elles avaient déjà fait état dans leurs observations sur le rapport d’audience, de renoncer à deux arguments avancés dans le cadre du moyen tiré de la constatation erronée de la récidive, relatifs à l’importance d’une sanction pécuniaire préalable et à la limitation dans le temps du pouvoir de la Commission de constater une récidive en l’espèce.

26      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler ou réduire l’amende infligée à l’article 2, sous b), de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        majorer le montant de l’amende infligée aux requérantes ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

28      Par lettre du 1er avril 2008, les requérantes ont indiqué qu’elles retiraient leur troisième moyen, tiré d’une augmentation erronée de 50 % du montant de l’amende à des fins de dissuasion. Par ordonnance du 23 avril 2008, le Tribunal a décidé de rouvrir la procédure orale, conformément à l’article 62 de son règlement de procédure, et a, conformément à l’article 64 du règlement de procédure, décidé de verser au dossier ladite lettre. Par lettre du 5 mai 2008, la Commission a présenté ses observations sur ledit retrait.

29      La procédure orale a été close le 2 juin 2008.

 En droit

30      À l’appui du présent recours, les requérantes invoquent deux moyens tirés respectivement d’une majoration erronée du montant de l’amende au titre de la récidive et d’une évaluation inadéquate, aux fins du calcul du montant de départ, de la taille du marché affecté par l’infraction.

31      À titre liminaire, il importe de rappeler, d’une part, qu’il ressort des considérants 290 à 387 de la décision attaquée que les amendes infligées par la Commission du fait de l’infraction l’ont été en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et, d’autre part, que, quand bien même la Commission ne se réfère pas explicitement, dans la décision attaquée, aux lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices »), il est constant qu’elle a déterminé le montant des amendes en application de la méthodologie définie dans celles-ci.

32      Les lignes directrices, bien qu’elles ne puissent être qualifiées de règle de droit, énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont la Commission ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans présenter de justifications (voir arrêt de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, point 91, et la jurisprudence citée).

33      Il appartient donc au Tribunal de vérifier, dans le cadre du contrôle de la légalité des amendes infligées par la décision attaquée, si la Commission a exercé son pouvoir d’appréciation selon la méthode exposée dans les lignes directrices et, dans la mesure où il devrait constater qu’elle s’en est départie, de vérifier si cet écart est justifié et motivé à suffisance de droit. À cet égard, il importe de relever que la Cour a confirmé la validité, d’une part, du principe même des lignes directrices et, d’autre part, de la méthode qui y est indiquée (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 252 à 255, 266 à 267, 312 et 313).

34      L’autolimitation du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant de l’adoption des lignes directrices n’est en effet pas incompatible avec le maintien d’une marge d’appréciation substantielle pour la Commission. Les lignes directrices contiennent différents éléments de flexibilité qui permettent à la Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire en conformité avec les dispositions du règlement n° 17, telles qu’interprétées par la Cour (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 33 supra, point 267).

35      En outre, dans les domaines tels que la détermination du montant d’une amende infligée en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, où la Commission dispose d’une marge d’appréciation, par exemple en ce qui concerne le taux de majoration au titre de la récidive, le contrôle de légalité opéré sur ces appréciations se limite à celui de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T‑241/01, Rec. p. II‑2917, points 64 et 79).

36      La marge d’appréciation de la Commission et les limites qu’elle y a apportées ne préjugent par ailleurs pas, en principe, de l’exercice, par le juge communautaire, de sa compétence de pleine juridiction (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 538), qui l’habilite à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende infligée par la Commission (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, Rec. p. I‑1331, points 60 à 62 ; arrêt du Tribunal du 21 octobre 2003, General Motors Nederland et Opel Nederland/Commission, T‑368/00, Rec. p. II‑4491, point 181).

 Sur le premier moyen, tiré d’une majoration erronée, au titre de la récidive, du montant de l’amende infligée aux requérantes

 Arguments des parties

37      Les requérantes rappellent que, au titre des circonstances aggravantes, le montant de base de l’amende infligée à Outokumpu a été majoré par la Commission de 50 % au motif que celle-ci s’était rendue coupable de récidive, puisqu’elle avait été impliquée dans l’affaire de l’acier inoxydable ayant donné lieu à la décision 90/417.

38      Les requérantes estiment que, en augmentant le montant de l’amende pour cause de récidive, la Commission a violé l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, les lignes directrices, l’obligation de motivation prévue par l’article 253 CE ainsi que le principe général d’égalité de traitement. En outre, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne les faits pertinents. À cet égard, elles avancent les griefs suivants.

39      Premièrement, les requérantes soutiennent que l’infraction en cause ne saurait constituer un cas de récidive dès lors que l’infraction antérieure relevait du traité CA tandis que le cartel en cause est sanctionné en vertu du traité CE.

40      Deuxièmement, les requérantes estiment que les deux infractions ne sont pas du même type. La Commission aurait violé les lignes directrices ainsi que la notion de récidive telle qu’elle ressortirait de l’arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission (T‑141/94, Rec. p. II‑347), en ce qu’elle aurait examiné si les deux infractions étaient du même type en ayant uniquement égard à la nature des comportements infractionnels en cause (fixation de prix, de quotas et répartition de marché), tout en négligeant le contexte dans lequel les deux infractions ont été commises. Selon les requérantes, l’approche de la Commission est trop formaliste. En examinant la question de la récidive, la Commission aurait dû prendre en considération les circonstances particulières entourant l’infraction établie par la décision 90/417, et ce d’autant plus que ces circonstances ressortent clairement de ladite décision.

41      À cet égard, les requérantes se réfèrent à la fois à la décision 90/417 et au dossier de la Commission dans cette affaire, ainsi qu’à d’autres documents s’y rapportant. Ces éléments démontreraient que l’affaire de l’acier inoxydable résultait d’une absence de coordination entre la politique commerciale et la politique de concurrence de la Commission. Dans cette affaire, Outokumpu, à la suite de pressions exercées sur elle ainsi que sur l’industrie dans son ensemble par la Commission et par certains gouvernements dans le cadre de la politique commerciale pratiquée à l’époque entre la Communauté et la Finlande, aurait, « à contrecœur » et « à l’encontre de ses propres intérêts », adhéré à un accord restrictif de concurrence sans avoir l’intention de restreindre la concurrence et en croyant qu’elle n’agissait pas en violation de l’article 65 CA.

42      Ainsi, l’infraction établie par la décision 90/417 n’aurait pas été ordinaire et aurait donné lieu à des contacts entre la Commission et les autorités nationales afin de parvenir à une solution licite afin de remédier à la crise frappant le secteur de l’acier au niveau communautaire, tandis que l’infraction en cause en l’espèce aurait été ordinaire, concernerait des opérations réalisées intentionnellement à l’insu de la Commission et par lesquelles les requérantes cherchaient à protéger leurs propres intérêts commerciaux.

43      Les requérantes font également remarquer que, en violation de l’article 253 CE, la Commission n’a pas fourni d’explication adéquate quant à la raison pour laquelle, en dépit de ces circonstances spéciales, il y avait lieu de majorer le montant de l’amende pour cause de récidive.

44      Les requérantes prétendent également que le fait que, dans des décisions postérieures à la décision 90/417, la Commission n’a pas majoré pour cause de récidive les amendes infligées à d’autres sociétés impliquées dans l’affaire de l’acier inoxydable confirmerait que ladite affaire revêtait un caractère si particulier que l’on ne pouvait pas s’attendre à ce que les requérantes la considèrent comme un avertissement pertinent en rapport avec le comportement infractionnel sanctionné dans la décision attaquée.

45      Les requérantes allèguent que, en tout état de cause, et au vu des circonstances particulières de l’affaire de l’acier inoxydable, la majoration de 50 % du montant de l’amende infligée en l’espèce est disproportionnée. Selon elles, une infraction non délibérée devrait déboucher sur un taux de majoration, pour cause de récidive, moins élevé. À l’appui de cette affirmation, les requérantes font également référence à plusieurs décisions antérieures de la Commission dans lesquelles l’augmentation du montant des amendes pour cause de récidive aurait été moins importante.

46      Les requérantes soutiennent enfin que le fait que la Commission soit passée d’une décision n’infligeant aucune amende à une décision infligeant une amende majorée pour cause de récidive viole le principe de proportionnalité.

47      La Commission conclut au rejet de ce moyen. Par ailleurs, elle fait observer que les requérantes invoquent pour la première fois dans la réplique la violation du principe d’égalité de traitement au vu de la pratique décisionnelle de la Commission en matière de majoration d’amendes au titre de la récidive, et que cet argument devrait par conséquent être déclaré irrecevable.

 Appréciation du Tribunal

48      En ce qui concerne, en premier lieu, l’allégation d’insuffisance de motivation, il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que la motivation d’une décision individuelle doit faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle.

49      L’exigence de la motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si elle satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement du libellé de l’acte en cause, mais aussi du contexte dans lequel cet acte a été adopté ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

50      En ce qui concerne la fixation d’amendes au titre de la violation du droit de la concurrence, les exigences de la formalité substantielle que constitue cette obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 463 et la jurisprudence citée).

51      En l’espèce, dans la décision attaquée, la Commission a fait état de ce que les deux infractions étaient de même nature, dès lors qu’elles portaient sur la fixation de quotas et de prix visant à contrôler la production et à partager les marchés (considérant 353). Par ailleurs, elle a estimé (considérant 352) : « [I]l y a récidive lorsqu’une entreprise, qui a déjà été destinataire d’une décision de la Commission dans le passé en tant que partie à une infraction, est reconnue ultérieurement responsable d’une autre infraction du même type. Une telle décision vise non seulement à enjoindre à l’entreprise de mettre fin à l’infraction, mais à la mettre en garde et à la dissuader de commettre des infractions similaires à l’avenir, même si, pour une raison ou une autre, aucune amende n’est infligée. ». Plus précisément, la Commission a énoncé (considérant 354) : « [L]e fait qu’Outokumpu ait poursuivi son infraction dans le secteur des tubes industriels après avoir reçu l’injonction, par une décision de la Commission, de mettre un terme à son infraction dans le secteur de l’acier inoxydable montre de toute évidence que la décision précédente n’a pas eu un effet suffisamment dissuasif sur le comportement d’Outokumpu sur le marché. Il est donc nécessaire d’accroître le montant de l’amende dans la présente affaire pour garantir un effet réellement dissuasif à l’avenir. ». Dès lors, la Commission a motivé à suffisance de droit sa décision de majorer au titre de la récidive l’amende infligée aux requérantes.

52      S’agissant, en deuxième lieu, de la fin de non-recevoir soulevée par la Commission, il importe de noter que la violation du principe d’égalité de traitement n’a effectivement pas été expressément invoquée par les requérantes dans le cadre du présent moyen.

53      Il ressort toutefois de la jurisprudence ainsi que de l’article 21 du statut de la Cour de justice et de l’article 44 du règlement de procédure du Tribunal que la partie requérante n’est pas obligée de citer les articles du traité ou les principes généraux du droit qu’elle invoque. Il suffit que les faits, les moyens et les conclusions de la partie requérante figurent dans la requête de sorte que la Commission puisse défendre effectivement ses intérêts et le Tribunal exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 mai 1991, Jongen/Commission, T‑18/90, Rec. p. II‑187, point 13, et la jurisprudence citée). Cette exigence est satisfaite en l’espèce dès lors qu’il ressort de la requête que les requérantes critiquent la majoration de 50 % du montant de l’amende qui leur a été infligée comme étant erronée, notamment au vu des taux de majoration appliqués par la Commission pour cause de récidive dans ses décisions antérieures.

54      Partant, l’intégralité des griefs soulevés à l’appui du présent moyen doivent être déclarés recevables.

55      En ce qui concerne, en troisième lieu, le bien-fondé du moyen, il y a lieu de rappeler que les traités constitutifs ont mis en œuvre un ordre juridique unique dans lequel le traité EA constitue, et le traité CA constituait jusqu’au 23 juillet 2002, une lex specialis dérogeant à la lex generalis qu’est le traité CE (voir arrêt du Tribunal du 5 juin 2001, ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi/Commission, T‑6/99, Rec. p. II‑1523, point 102, et la jurisprudence citée). En outre, il ressort de la jurisprudence que la prohibition des ententes est prévue par deux dispositions analogues, à savoir les article 81 CE et 65 CA, qui, bien qu’émanant de deux traités distincts, font appel à des notions juridiques identiques (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Thyssen Stahl/Commission, point 40 supra, points 269, 270 et 277, du 11 mars 1999, Unimétal/Commission, T‑145/94, Rec. p. II‑585, points 248 et 252, et du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 181).

56      Partant, il doit être admis qu’une fois que la Commission a établi par voie de décision la participation d’une entreprise à une entente, conformément à la compétence qui lui est octroyée par l’ordre juridique communautaire, cette décision pourra servir de base pour évaluer, dans le cadre d’une nouvelle décision ayant trait au droit communautaire, la propension de cette entreprise à enfreindre des règles communautaires relatives aux ententes.

57      Au demeurant, aucun élément dans les lignes directrices n’indique que l’indication selon laquelle doit être en cause une « récidive de la même ou [des] mêmes entreprises pour une infraction de même type », doit être entendue dans le sens que la Commission ne peut pas prendre en compte, afin de constater une récidive dans le cadre de l’application de l’article 81 CE, des infractions constatées en vertu du traité CA. Au contraire, il ressort de l’intitulé des lignes directrices que celles-ci s’appliquent tant au calcul des amendes infligées en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 qu’à celles infligées en vertu de l’article 65, paragraphe 5, CA.

58      En ce qui concerne l’argument selon lequel les circonstances spéciales qui ont entouré l’infraction antérieure empêcheraient la Commission de retenir la récidive à l’égard des requérantes, il y a lieu de l’écarter dès lors qu’il ressort de la jurisprudence que la notion de récidive implique uniquement le constat préalable d’une infraction au droit communautaire de la concurrence (arrêt Groupe Danone/Commission, point 36 supra, point 41).

59      Or, en l’espèce, il ressort clairement des articles 1er et 4 de la décision 90/417 qu’Outokumpu avait été avertie que, en concluant des accords de prix et en se répartissant les marchés et les clients avec ses concurrents, elle avait enfreint le droit communautaire de la concurrence et qu’elle devait s’abstenir de répéter ces comportements. Pourtant, il ressort de l’article 1er de la décision attaquée que les requérantes ont par la suite participé à une infraction quasi identique.

60      S’agissant de l’argument selon lequel les requérantes auraient fait l’objet d’un traitement discriminatoire par rapport à d’autres entreprises à l’encontre desquelles la décision 90/417 n’aurait pas été retenue comme circonstance aggravante, il importe de souligner que le seul fait que la Commission a considéré, dans sa pratique décisionnelle antérieure, que certains éléments ne constituaient pas une circonstance aggravante aux fins de la détermination du montant de l’amende, n’implique pas qu’elle soit obligée de porter la même appréciation dans une décision ultérieure (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 57).

61      Il ressort de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur en constatant la récidive à l’encontre des requérantes.

62      En ce qui concerne les griefs formulés à l’encontre du taux de majoration de 50 % appliqué dans la décision attaquée, il doit être relevé que la Commission peut, en fixant un taux de majoration au titre de la récidive, prendre en considération les indices tendant à confirmer la propension de l’entreprise concernée à s’affranchir des règles de concurrence, y compris le temps qui s’est écoulé entre les infractions en cause.

63      En l’espèce, il doit être constaté que, à la date de l’adoption de la décision 90/417, le 18 juillet 1990, l’entente faisant l’objet de la décision attaquée avait déjà commencé. Or, malgré la constatation d’une infraction quasi identique aux règles de concurrence de la part des requérantes dans la décision 90/417, celles-ci ont décidé de continuer leur participation à la nouvelle entente. Cette circonstance justifie en tant que telle le taux de majoration retenu dans la décision attaquée.

64      Certes, les requérantes se réfèrent à une série de circonstances qui ont entouré l’infraction constatée dans la décision 90/417 et sont explicitées au titre X, point 12, de ladite décision. Toutefois, ces circonstances, qui ont certes justifié la non-imposition d’une amende aux requérantes dans ladite décision, sont nécessairement propres à cette dernière et ne présentent aucun lien avec la propension des requérantes à s’affranchir, à partir du 18 juillet 1990, des règles de concurrence. Elles ne sauraient par conséquent être prises en comptes aux fins de la fixation du taux de majoration de l’amende pour récidive.

65      En ce qui concerne l’argument selon lequel les requérantes auraient fait l’objet d’un traitement discriminatoire par rapport à d’autres entreprises à l’encontre desquelles la constatation de récidive n’a pas entraîné une majoration aussi sévère que pour les requérantes, il convient de souligner, d’une part, que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T‑203/01, Rec. p. II‑4071, point 292) et, d’autre part, que la Commission dispose, dans le cadre du règlement nº 17, d’une marge d’appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence (arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 216) et de pouvoir à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique. (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 33 supra, point 169).

66      Eu égard à ce qui précède, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en appliquant aux requérantes une majoration de 50 % du montant de l’amende infligée au titre de la récidive. Par ailleurs, le Tribunal n’estime pas nécessaire, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, de modifier ledit taux.

 Sur le second moyen, tiré d’une évaluation inadéquate de la taille du secteur affecté par l’infraction aux fins du calcul du montant de départ de l’amende

 Arguments des parties

67      Par ce second moyen, les requérantes font valoir que la Commission a, en retenant que la valeur du marché concerné était de 288 millions d’euros, exagéré la taille de celui-ci et, partant, la gravité de l’infraction, ce qui aurait donné lieu à une amende excessive.

68      Les requérantes notent, à titre liminaire, que, dans le secteur des tubes industriels, le prix total des produits se compose normalement du prix du cuivre, fondé sur la cotation au London Metal Exchange (Bourse des métaux de Londres, ci-après le « LME »), et du coût de transformation, qui correspond à la valeur ajoutée par le fabricant (ci-après la « marge de transformation »). La matière première nécessaire à la fabrication des tubes industriels serait fournie soit par le client, soit par le fabricant de tubes lui-même, qui la facturerait alors dans le prix total.

69      Selon les requérantes, la taille du marché concerné est importante dans la fixation du montant de départ de l’amende. À tout le moins, les requérantes allèguent que, en l’espèce, la Commission a déterminé le montant de départ en fonction de la taille du marché concerné.

70      Les requérantes prétendent qu’elles n’ont, en tant que producteurs de tubes industriels, aucune influence sur le prix de la matière première principale, à savoir le cuivre, qui représenterait environ deux tiers du prix final payé par leurs clients. À cet égard, les requérantes rappellent que le prix du métal est déterminé par les cotations journalières du LME et que, en se procurant ce métal, elles ne font que suivre les instructions données par les acheteurs de tubes industriels. Partant, ce seraient les clients eux-mêmes qui détermineraient le prix du métal. Par conséquent, le prix du métal serait uniquement un élément à répercuter auprès des clients. En conséquence, le poids économique réel du marché concerné aurait été limité à la marge de transformation.

71      En s’appuyant sur ce qui précède, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû soustraire environ deux tiers du prix total des produits en cause lors de l’évaluation de la taille du marché concerné, ce qui aurait abouti à fixer un montant de départ de l’amende moins élevé. Les requérantes concluent que, en omettant de déduire le prix du cuivre du chiffre d’affaires du marché concerné, la Commission a méconnu la réalité économique du marché et a fixé un montant de départ de l’amende exagéré par rapport à la gravité de l’infraction.

72      La Commission conclut au rejet du moyen soulevé par les requérantes. En outre, la Commission exige, dans sa duplique, que les requérantes précisent si elles contestent avoir participé à une infraction affectant le secteur des tubes industriels dans son ensemble. La Commission fait valoir que, si tel est bien le cas, il s’agit d’un moyen irrecevable, puisqu’il n’a pas été soulevé au stade de la requête. Par ailleurs, la Commission soutient qu’une telle contestation la conduirait à demander au Tribunal de majorer le montant de l’amende infligée aux requérantes, dès lors que celles-ci ont bénéficié d’une réduction de 50 % dudit montant pour avoir notamment déclaré qu’elles ne contestaient pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fondait ses accusations.

73      Dans leurs observations écrites sur la demande de la Commission, les requérantes font valoir qu’elles ne contestent pas avoir participé à une infraction unique qui englobait la répartition des marchés et des clients, la mise en œuvre d’un système de meneur sur le marché concerné, ainsi que des ententes sur des conditions de fourniture de tubes industriels. Elles admettent en outre que cette infraction affectait le secteur des tubes industriels dans son ensemble. Toutefois, elles soulignent que l’infraction ne s’étendait pas au prix du cuivre.

 Appréciation du Tribunal

74      À titre liminaire, force est de constater qu’il n’y a lieu de statuer ni sur la fin de non-recevoir ni sur la demande reconventionnelle formulées par la Commission. En effet, les requérantes ont clairement indiqué, dans leurs observations sur la demande de la Commission, qu’elles admettaient que l’infraction avait affecté le secteur des tubes industriels dans son ensemble.

75      En ce qui concerne le fond, il importe de souligner, tout d’abord, que la méthodologie exposée dans les lignes directrices, qui ont été appliquées par la Commission dans la décision attaquée (voir point 31 ci-dessus), répond à une logique forfaitaire, selon laquelle le montant de départ général de l’amende, déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, est calculé en fonction de la nature de l’infraction, de son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et de l’étendue du marché géographique concerné (point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices). Par la suite, le montant de départ général de l’amende est individualisé pour chaque participant en fonction notamment de sa dimension.

76      Par ailleurs, aux fins de déterminer le montant de départ de l’amende, la Commission peut, sans pour autant y être obligée, avoir égard à la taille du marché affecté (arrêts du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, point 134, et du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T‑322/01, Rec. p. II‑3137, points 149 et 150).

77      Au vu de cette jurisprudence, il apparaît que la prémisse des requérantes, selon laquelle la taille du marché pertinent est, en tant que telle, un facteur déterminant pour évaluer la gravité d’une infraction, et, partant pour déterminer le montant de départ d’une amende, n’est pas fondée.

78      Il ressort toutefois clairement de la décision attaquée que la Commission a, en l’espèce, choisi de prendre en compte la taille du marché des tubes industriels dans l’EEE dans son évaluation de la gravité de l’infraction en cause. Bien que la Commission ait déjà conclu, sur la base de la nature de l’infraction, que celle-ci était « très grave » au sens de ses lignes directrices (considérant 294), elle a en effet déterminé, dans la décision attaquée, la gravité de l’infraction et, partant, le montant de départ général de l’amende, en prenant en compte les effets réels du cartel sur le marché (considérants 295 à 314), l’étendue géographique du marché en cause (considérants 315 à 317) et le fait que le secteur faisant l’objet de l’infraction était un marché important, dont la taille dans l’EEE était évaluée à 288 millions d’euros (considérants 318 et 319).

79      Si, aux fins d’évaluer la gravité de l’infraction et le montant de départ général de l’amende, la taille du marché concerné n’a constitué qu’un des éléments retenus par la Commission dans la décision attaquée, il n’en reste pas moins que celle-ci a effectivement fixé ledit montant en en tenant compte. Partant, l’affirmation de la Commission selon laquelle le montant de départ de l’amende infligée aux requérantes n’aurait pas nécessairement été inférieur à 11,55 millions d’euros si le prix du cuivre avait été déduit du chiffre d’affaires du marché doit être rejeté.

80      Par conséquent, il y a lieu de vérifier si c’est à tort que la Commission, lors de l’évaluation de la taille du marché affecté, a pris en compte le prix du cuivre.

81      Les requérantes prétendent à cet égard, d’une part, que le prix du cuivre échappe au contrôle des fabricants de tubes industriels dés lors qu’il est fixé selon le LME et, d’autre part, que ce sont les acheteurs de tubes industriels qui décident eux-mêmes à quel prix le métal est acquis.

82      Force est cependant de constater qu’aucune raison valable n’impose que le chiffre d’affaires d’un marché pertinent soit calculé en excluant certains coûts de production. Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, il existe dans tous les secteurs industriels des coûts inhérents au produit final que le fabricant ne peut maîtriser, mais qui constituent néanmoins un élément essentiel de l’ensemble de ses activités et qui, partant, ne sauraient été exclus de son chiffre d’affaires lors de la fixation du montant de départ de l’amende (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, points 5030 et 5031). Le fait que le prix du cuivre constitue une partie importante du prix final des tubes industriels ou que le risque de fluctuations des prix du cuivre soit bien plus élevé que pour d’autres matières premières n’infirme pas cette conclusion.

83      Il y a donc lieu de conclure que c’est à bon droit que la Commission a pris en compte le prix du cuivre aux fins de déterminer la taille du marché concerné. Le second moyen n’est donc pas non plus fondé.

84      Partant, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

85      En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Outokumpu Oyj et Luvata Oy sont condamnées aux dépens.

Martins Ribeiro

Papasavvas

Wahl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 mai 2009.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.


1 – Données confidentielles occultées.