Language of document : ECLI:EU:T:2005:108

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
17 mars 2005 (1)

« Accès aux documents des institutions  –  Article 4, paragraphe 5, du règlement (CE) nº 1049/2001 »

Dans l'affaire T-187/03,

Isabella Scippacercola, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée initialement par Mes K. Adamantopoulos et D. Papakrivopoulos, avocats, puis par Me Adamantopoulos et M. B. Keane, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. L. Flynn et P. Aalto, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission, du 19 mars 2003, rejetant la demande introduite par la requérante afin d'obtenir l'accès à un document relatif au projet du nouvel aéroport international d'Athènes à Spata (Grèce),



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),



composé de MM. J. Azizi, président, M. Jaeger et O. Czúcz, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 9 septembre 2004,

rend le présent



Arrêt




Cadre juridique

1
L’article 255 CE prévoit :

« 1. Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, sous réserve des principes et des conditions qui seront fixés conformément aux paragraphes 2 et 3.

2. Les principes généraux et les limites qui, pour des raisons d’intérêt public ou privé, régissent l’exercice de ce droit d’accès aux documents sont fixés par le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251, dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam.

[...] »

2
Aux termes de la déclaration n° 35 annexée à l’acte final du traité d’Amsterdam (ci‑après la « déclaration n° 35 ») :

« La conférence convient que les principes et conditions visés à l’article [255], paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne permettront à un État membre de demander à la Commission ou au Conseil de ne pas communiquer à des tiers un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui-ci. »

3
Le règlement (CE) nº 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), définit les principes, les conditions et les limites du droit d’accès aux documents de ces institutions prévu à l’article 255 CE [article 1er, sous a), du règlement n° 1049/2001]. Ce règlement est entré en vigueur le 3 décembre 2001.

4
L’article 2 du règlement n° 1049/2001 dispose :

« 1. Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre [ont] un droit d’accès aux documents des institutions, sous réserve des principes, conditions et limites définis par le présent règlement.

[…]

3. Le présent règlement s’applique à tous les documents détenus par une institution, c’est-à-dire établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union européenne.

[…] »

5
L’article 3 du règlement n° 1049/2001, relatif aux définitions, dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a)
‘document’ : tout contenu quel que soit son support (écrit sur support papier ou stocké sous forme électronique, enregistrement sonore, visuel ou audiovisuel) concernant une matière relative aux politiques, activités et décisions relevant de la compétence de l’institution ;

b)
‘tiers’ : toute personne physique ou morale ou entité extérieure à l’institution concernée, y inclus les États membres, les autres institutions et organes communautaires ou non communautaires, et les pays tiers. »

6
L’article 4 du règlement n° 1049/2001, qui définit les exceptions au droit d’accès susvisé, s’énonce comme suit :

« 1. Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation porterait atteinte à la protection :

a)
de l’intérêt public, en ce qui concerne :

la sécurité publique,

la défense et les affaires militaires,

les relations internationales,

la politique financière, monétaire ou économique de la Communauté ou d’un État membre ;

b)
de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation communautaire relative à la protection des données à caractère personnel.

2. Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,

des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,

des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit,

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

[…]

4. Dans le cas de documents de tiers, l’institution consulte le tiers afin de déterminer si une exception prévue au paragraphe 1 ou 2 est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué.

5. Un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui-ci.

6. Si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées.

[…] »

7
L’article 5 du règlement n° 1049/2001 intitulé « Documents dans les États membres » établit :

« Lorsqu’un État membre est saisi d’une demande relative à un document en sa possession, émanant d’une institution, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être fourni, l’État membre consulte l’institution concernée afin de prendre une décision ne compromettant pas la réalisation des objectifs du présent règlement.

L’État membre peut, au lieu de cela, soumettre la demande à l’institution. »

8
L’article 9 du règlement n° 1049/2001, relatif au traitement des documents sensibles, dispose :

« 1. Les documents sensibles sont des documents émanant des institutions ou des agences créées par elles, des États membres, de pays tiers ou d’organisations internationales, classifiés ‘TRÈS SECRET/TOP SECRET’, ‘SECRET’ ou ‘CONFIDENTIEL’, en vertu des règles en vigueur au sein de l’institution concernée protégeant les intérêts fondamentaux de l’Union européenne ou d’un ou plusieurs de ses États membres dans les domaines définis à l’article 4, paragraphe 1, [sous] a), en particulier la sécurité publique, la défense et les questions militaires.

2. Dans le cadre des procédures prévues aux articles 7 et 8, les demandes d’accès à des documents sensibles sont traitées exclusivement par les personnes autorisées à prendre connaissance du contenu de ces documents. Sans préjudice de l’article 11, paragraphe 2, il appartient à ces personnes de préciser les références pouvant figurer dans le registre public concernant ces documents sensibles.

3. Les documents sensibles ne sont inscrits au registre ou délivrés que moyennant l’accord de l’autorité d’origine.

[…] »

9
L’article 5 (intitulé « Consultations ») des dispositions concernant la mise en œuvre du règlement n° 1049/2001, dont le texte figure à l’annexe de la décision 2001/937/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 5 décembre 2001, modifiant son règlement intérieur (JO L 345, p. 94), dispose :

« 1. Lorsque la Commission est saisie d’une demande d’accès à un document qu’elle détient mais qui émane d’un tiers, la direction générale ou le service dépositaire du document vérifie l’applicabilité de l’une des exceptions prévues à l’article 4 du règlement […] n° 1049/2001. Si le document demandé est classifié en vertu des règles de sécurité de la Commission, l’article 6 des présentes dispositions s’applique.

2. Si, au terme de cet examen, la direction générale ou le service dépositaire estime que l’accès au document demandé doit être refusé en vertu de l’une des exceptions prévues à l’article 4 du règlement […] n° 1049/2001, la réponse négative est envoyée au demandeur sans consultation du tiers auteur.

3. La direction générale ou le service dépositaire donne une suite favorable à la demande sans consulter le tiers auteur lorsque :

a)
le document demandé a déjà été divulgué, soit par son auteur, soit en vertu du règlement ou de dispositions analogues ;

b)
la divulgation, éventuellement partielle, de son contenu ne porte manifestement pas atteinte à l’un des intérêts visés à l’article 4 du règlement […] n° 1049/2001.

4. Dans tous les autres cas, le tiers auteur est consulté. En particulier, dans le cas où la demande d’accès porte sur un document qui émane d’un État membre, la direction générale ou le service dépositaire consulte l’autorité d’origine lorsque :

a)
le document a été transmis à la Commission avant la date d’entrée en application du règlement […] n° 1049/2001 ;

b)
l’État membre a demandé à la Commission de ne pas divulguer le document sans son accord préalable, conformément aux dispositions de l’article 4, paragraphe 5, du règlement […] n° 1049/2001.

5. Le tiers auteur consulté dispose d’un délai de réponse qui ne peut être inférieur à cinq jours ouvrables mais qui doit permettre à la Commission de respecter ses propres délais de réponse. En l’absence de réponse dans le délai fixé, ou lorsque le tiers est introuvable ou non identifiable, la Commission statue conformément au régime d’exceptions de l’article 4 du règlement […] n° 1049/2001, en tenant compte des intérêts légitimes du tiers sur la base des éléments dont elle dispose.

6. Au cas où la Commission envisage de donner accès à un document contre l’avis explicite de son auteur, elle informe celui-ci de son intention de divulguer le document après une période de dix jours ouvrables et attire son attention sur les voies de recours qui sont à sa disposition en vue de s’opposer à cette divulgation.

[…] »


Faits à l’origine du litige

10
Par lettre du 29 janvier 2003, Mme I. Scippacercola a demandé à la Commission d’avoir accès, entre autres documents, à une analyse coûts/bénéfices relative au projet du nouvel aéroport international d’Athènes à Spata. Ce projet avait été cofinancé au titre du Fonds de cohésion.

11
Par lettre du 21 février 2003, la direction générale (DG) « Politique régionale » de la Commission a refusé d’accorder à la requérante l’accès à l’analyse coûts/bénéfices en indiquant ce qui suit :

« Quant à votre demande de recevoir copie de l’analyse coûts/bénéfices, s’agissant d’un document antérieur [à] la date d’entrée en vigueur du règlement […] n° 1049/2001, les autorités nationales ont été consultées, conformément aux dispositions de l’article 5 de la décision […] 2001/937 […]. Par fax du 10 février 2002, les autorités nationales ont fait savoir à la DG [« Politique régionale »] que l’accès à ce document ne devrait pas être permis.

Le motif du refus porte sur la protection des droits de propriété intellectuelle. Il s’agit d’une étude rédigée par des consultants privés pour le compte d’une banque. Cette dernière a assisté l’État grec lors de la préparation du dossier du projet, sous clause de confidentialité.

Dans ce contexte, la DG [« Politique régionale »] estime que, conformément à l’article 4, paragraphe 5, du règlement […] n° 1049/2001, l’étude en question ne peut pas être diffusée […] »

12
Par la même lettre, la défenderesse a transmis à la requérante la partie de la demande de concours financier du Fonds de cohésion qui, sous le titre « Description des principales conclusions », contenait une brève description des principaux aspects de l’analyse coûts/bénéfices.

13
Par lettres des 24 février et 28 mars 2003, la requérante a réitéré sa demande.

14
Par lettre du 19 mars 2003, notifiée à la requérante le 31 mars 2003, le secrétaire général de la Commission a confirmé le refus d’accès au document réclamé (ci-après la « décision attaquée »). Cette lettre se lit comme suit :

« Je vous remercie de votre lettre du 24 février dernier, enregistrée le 26 février, par laquelle vous demandez de réexaminer votre demande d’accès au texte complet de l’analyse coûts/bénéfices concernant la construction du nouvel aéroport international d’Athènes.

Cette analyse a été réalisée par une banque pour le compte des autorités nationales grecques (Ministère d’économie national).

Conformément à l’article 5, paragraphe 4, [sous] a), des dispositions concernant la mise en œuvre du règlement n° 1049/2001, adoptées par la décision […] 2001/937, les services de la Commission ont consulté les autorités grecques quant à l’accessibilité [de] ce document envoyé à la Commission avant la date d’entrée en application du règlement (3 décembre 2001). En réponse, les autorités grecques ont indiqué qu’elles ne donnaient pas leur accord à la divulgation de ce document par la Commission.

En application de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001, je ne suis donc pas en mesure de vous donner accès à ce document et dois par conséquent confirmer le refus qui vous a été opposé par la [DG] ‘Politique régionale’.

[…] »


Procédure et conclusions des parties

15
Par requête déposée le 28 mai 2003, la requérante a introduit le présent recours.

16
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale.

17
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 9 septembre 2004.

18
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner la défenderesse aux dépens de l’instance.

19
La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme non fondé ;

condamner la requérante aux dépens.


En droit

20
À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste dans l’appréciation des faits en ce que la Commission a considéré à tort que le document sollicité émanait d’un État membre. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission n’a pas apprécié les raisons données par l’État grec à l’appui de son avis négatif concernant la divulgation du document réclamé. Le troisième moyen est tiré d’un défaut de motivation de la décision attaquée. Le quatrième moyen est tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission n’a pas examiné si un accès partiel devait être accordé aux informations contenues dans le document réclamé.

Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission a considéré à tort que le document sollicité émanait d’un État membre

Arguments des parties

21
La requérante soutient que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste dans l’appréciation des faits dans la mesure où la défenderesse y a considéré à tort que le document réclamé émanait d’un État membre. Elle soutient que la défenderesse a fait une interprétation et une application erronées de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 et de l’article 5, paragraphe 4, de la décision 2001/937. La défenderesse aurait également enfreint l’article 1er, sous a), du règlement n° 1049/2001 et le principe de l’accès aussi large que possible aux documents de la Commission, consacré par cette disposition et la jurisprudence.

22
La requérante soutient que c’est à tort que la défenderesse a considéré que le document réclamé émanait des autorités grecques. Elle estime que le document réclamé émane d’un tiers et que ce sont les dispositions de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001 qui auraient dû être appliquées.

23
La requérante fait observer que les différentes versions linguistiques du règlement confirment l’interprétation selon laquelle le terme « émanant » concerne un document qui doit avoir été établi pour ou par l’État membre.

24
Elle considère que le document réclamé devait être qualifié de « document de tiers » selon les termes de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001. Il ressortirait en effet de la lettre de la défenderesse du 21 février 2003 que l’auteur du document réclamé est soit les consultants privés, soit la banque, lesquels sont supposés avoir préparé l’analyse coûts/bénéfices dans le cadre de l’élaboration du dossier du projet.

25
Alternativement, la présentation de l’analyse coûts/bénéfices étant une exigence à laquelle était subordonné l’octroi du soutien financier, la société aéroportuaire pourrait être considérée comme le « propriétaire » du document réclamé. En effet, la société aéroportuaire aurait été l’entité exécutrice du projet de construction de l’aéroport de Spata et le seul bénéficiaire du concours du Fonds de cohésion. En tout état de cause, il serait certain que le document réclamé n’émane pas d’un État membre.

26
La requérante estime que l’expression « émanant » doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Cette interprétation devrait être conforme à la jurisprudence communautaire selon laquelle toute exception aux règles d’accès aux documents doit être interprétée et appliquée strictement (arrêts de la Cour du 11 janvier 2000, Pays-Bas et Van der Wal/Commission, C‑174/98 P et C‑189/98 P, Rec. p. I-1, point 27, et du Tribunal du 5 mars 1997, WWF UK/Commission, T‑105/95, Rec. p. II‑313, point 56).

27
Elle rappelle que le règlement n° 1049/2001 se réfère à un accès aussi large que possible aux documents [article 1er, sous a)] et se donne pour but de conférer le plus large effet possible au droit d’accès du public aux documents (préambule). Il serait contraire à cette finalité de donner à l’expression « émanant » une interprétation si étendue qu’elle permettrait à un État membre se bornant à « transmettre » un document à la Commission de bénéficier des dispositions de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001.

28
La requérante conteste l’affirmation de la défenderesse selon laquelle l’identité de l’auteur est dénuée de pertinence. Au contraire, son identité serait essentielle dans le processus d’octroi de l’accès aux documents. Si elle ne l’était pas, toute partie tierce pourrait contourner les exigences du règlement n° 1049/2001 en demandant simplement à un État membre de transmettre le document à la Commission.

29
La requérante rejette la déclaration de la défenderesse selon laquelle, à partir du moment où un document est transmis à une institution communautaire, c’est l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 qui doit s’appliquer. La requérante soutient que, en général, il n’est guère difficile d’identifier l’auteur de chaque document. De toute façon, le confort de l’administration ne devrait pas primer le droit des citoyens de l’Union européenne à un accès aussi large que possible aux documents, à moins qu’il n’en résulte des charges excessives (arrêts de la Cour du 6 décembre 2001, Conseil/Hautala, C‑353/99 P, Rec. p. I-9565, points 29 et 30, et du Tribunal du 19 juillet 1999, Hautala/Conseil, T‑14/98, Rec. p. II-2489, points 85 à 88). En l’espèce, l’identité de l’auteur du document ne ferait aucun doute. Il aurait manifestement été rédigé par un tiers. Dès lors, la Commission aurait dû appliquer l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001 au lieu d’appliquer l’article 4, paragraphe 5, du même règlement.

30
La défenderesse conteste ces arguments et soutient que le document en cause émane de la République hellénique au sens du règlement n° 1049/2001.

Appréciation du Tribunal

31
Il importe de souligner, tout d’abord, que le droit d’accès aux documents des institutions, prévu à l’article 2 du règlement n° 1049/2001, concerne, selon le paragraphe 3 du même article, tous les documents détenus par le Parlement européen, le Conseil et la Commission, qu’ils aient été établis ou reçus par ceux-ci. Ainsi, les institutions peuvent être amenées, le cas échéant, à communiquer des documents émanant de tiers, ces derniers comprenant, notamment, les États membres, conformément à la définition de la notion de tiers figurant à l’article 3, sous b), du même règlement.

32
Il convient de rappeler, ensuite, que, avant l’entrée en vigueur du règlement n° 1049/2001, l’accès du public aux documents de la Commission était régi par la décision 94/90, CECA, CE, Euratom de la Commission, du 8 février 1994, relative à l’accès du public aux documents de la Commission (JO L 46, p. 58). L’article 1er de cette décision adoptait formellement le code de conduite approuvé par le Conseil et la Commission le 6 décembre 1993 concernant l’accès du public aux documents du Conseil et de la Commission (JO 1993, L 340, p. 41), annexé à celle-ci. Ledit code de conduite disposait, sous la rubrique intitulée « Traitement des demandes initiales », troisième alinéa, que, « [l]orsque le document détenu par une institution [avait] pour auteur une personne physique ou morale, un État membre, une autre institution ou organe communautaire ou tout autre organisme national ou international, la demande [devait] être adressée directement à l’auteur du document ». Dès lors, en application de cette règle, dite « règle de l’auteur », une institution n’était pas habilitée à divulguer les documents émanant d’une large catégorie de tiers, notamment d’un État membre, et le demandeur d’accès aux documents était obligé, le cas échéant, d’adresser sa demande directement au tiers en question.

33
La règle de l’auteur n’a pas été reprise dans le règlement n° 1049/2001, lequel affirme que, en principe, tous les documents des institutions doivent être accessibles au public.

34
Toutefois, il résulte de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 que, parmi les tiers, les États membres font l’objet d’un traitement particulier. En effet, cette disposition confère à l’État membre la faculté de demander à une institution de ne pas divulguer des documents émanant de lui sans son accord préalable. Il convient de rappeler que l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 transpose la déclaration n° 35, selon laquelle la conférence des hautes parties contractantes au traité est convenue que les principes et conditions posés à l’article 255 CE permettront à un État membre de demander à la Commission ou au Conseil de ne pas communiquer à des tiers un document émanant de cet État sans son accord préalable. Cette faculté reconnue aux États membres par l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 s’explique par le fait que ce règlement n’a ni pour objet ni pour effet de modifier les législations nationales en matière d’accès aux documents (voir considérant 15 du règlement n° 1049/2001 et arrêt du Tribunal du 17 septembre 2003, Messina/Commission, T-76/02, non encore publié au Recueil, points 40 et 41).

35
En l’espèce, il importe de constater que le document en cause est parvenu à la défenderesse dans le cadre d’une demande de financement présentée au titre du Fonds de cohésion. À cet égard, il convient de relever que, selon l’article 10, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1164/94 du Conseil, du 16 mai 1994, instituant le Fonds de cohésion (JO L 130, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1264/1999 du Conseil, du 21 juin 1999 (JO L 161, p. 57), et par le règlement (CE) n° 1265/1999 du Conseil, du 21 juin 1999 (JO L 161, p. 62), les demandes d’aide pour des projets au titre de ce Fonds sont présentées par l’État membre bénéficiaire. Conformément au paragraphe 4 du même article, les demandes d’aide doivent contenir, notamment, l’analyse des coûts et des avantages.

36
Il s’ensuit que, dans le cadre du Fonds de cohésion, d’une part, les demandes d’aide sont présentées par le seul État membre bénéficiaire et, d’autre part, un rapport d’analyse coûts/bénéfices fait nécessairement partie des informations qu’une telle demande doit contenir.

37
En l’espèce, l’analyse coûts/bénéfices a été réalisée par une banque pour le compte des autorités nationales grecques. En effet, ce document fait partie des informations qu’une demande d’aide présentée au titre du Fonds de cohésion doit contenir.

38
Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si les documents simplement transmis (et non rédigés) par des États membres sont couverts par l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001, il suffit de constater que le document en question, réalisé par une banque pour le compte des autorités nationales grecques, a été établi pour le compte d’un État membre.

39
Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la défenderesse n’a pas commis d’erreur en considérant que le document émanait d’un État membre.

40
Par ailleurs, l’argument de la requérante selon lequel tout tiers pourrait passer outre aux obligations qui lui sont imposées par le règlement n° 1049/2001 en demandant simplement à un État membre de transmettre le document à la défenderesse est dépourvu de toute pertinence en l’espèce. En effet, il a déjà été relevé que le document en question est parvenu à la défenderesse dans le cadre d’une demande d’aide présentée au titre du Fonds de cohésion. Dans le cadre du Fonds de cohésion, l’État membre bénéficiaire est le seul interlocuteur de la Commission. Les demandes d’aide pour des projets sont uniquement présentées par l’État membre bénéficiaire et, par conséquent, le document reçu par la défenderesse ne lui serait pas parvenu si les autorités helléniques n’avaient pas présenté leur demande de soutien financier au titre du Fonds de cohésion.

41
Il ressort de ces considérations que le premier moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré de ce que la Commission n’a pas apprécié les raisons données par l’État membre à l’appui de son avis négatif

Arguments des parties

42
La requérante soutient que la défenderesse a violé la lettre et l’esprit de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 et de l’article 5, paragraphe 4, de la décision 2001/937, dans la mesure où elle a négligé d’apprécier les raisons données par l’État grec à l’appui de son avis négatif concernant la divulgation du document réclamé. De cette manière, la défenderesse aurait conféré à l’État membre un pouvoir de veto de facto concernant la divulgation du document détenu par elle.

43
Selon la requérante, il ressort de l’emploi des verbes « consulter » et « demander » dans l’article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 1049/2001 et l’article 5, paragraphe 4, de la décision 2001/937 que la Commission n’est pas liée par l’avis donné par l’État membre. Interpréter les articles susmentionnés en ce sens qu’ils confèrent un droit de veto aux États membres en ce qui concerne la divulgation d’un document émanant d’eux serait en contradiction avec la signification évidente du terme « demander ».

44
Elle soutient que les décisions relatives à la divulgation de documents détenus par les institutions ne peuvent être prises que par ces dernières et que le refus de divulgation doit être justifié par l’institution sur le fondement de l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement n° 1049/2001.

45
La requérante fait observer que, dans les deux lettres qui lui ont été adressées, la défenderesse se réfère à l’avis négatif des autorités grecques et, d’une manière très succincte, aux raisons avancées par ces autorités à l’appui de leur avis négatif. Rien n’indiquerait que la défenderesse ait procédé à une appréciation de ces raisons. La décision attaquée contiendrait encore moins d’informations quant aux raisons avancées par les autorités grecques et quant à l’appréciation de ces raisons par la Commission. Le secrétaire général se référerait simplement à l’avis négatif émis par les autorités grecques.

46
La requérante soutient que la défenderesse se devait d’apprécier les raisons avancées par les autorités grecques et aurait dû faire état des éléments de son appréciation dans les lettres qu’elle lui a adressées. La défenderesse aurait agi comme si elle avait été liée par l’avis de l’État grec.

47
La requérante fait valoir que l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 précise que la Commission refuse l’accès dans certaines conditions. Lorsque l’une de ces conditions est remplie, la Commission devrait refuser l’accès. En revanche, à l’article 4, paragraphe 5, du même règlement, il ne serait pas énoncé que la Commission doive refuser l’accès, mais que l’État membre peut solliciter un tel refus. Le sort réservé ensuite à cette demande serait laissé à la discrétion de la Commission.

48
La requérante expose qu’elle doute que, dans les États membres qui disposent de leur propre régime d’accès aux documents, une demande de la Commission visant au refus de l’accès soit considérée comme contraignante. Elle affirme que la défenderesse reconnaît qu’il n’en est pas ainsi lorsqu’elle affirme que ses souhaits devraient être pris en compte « autant que possible ». Cela signifierait que son avis émis dans le cadre d’une telle consultation n’est ni décisif ni contraignant lorsqu’il s’agit de déterminer si l’accès à ses documents doit être accordé ou non au niveau national.

49
Selon la requérante, si un État membre devait se considérer lié par la position de la défenderesse, il s’agirait d’une restriction manifeste des droits des citoyens dans cet État membre et la défenderesse obtiendrait un véritable droit de veto, peut-être sans même connaître le régime national en cause. Elle fait valoir que, de toute façon, l’État membre conserve une marge d’appréciation quant aux modalités selon lesquelles l’accès peut être accordé pour concilier les exigences de son propre régime national et celles de l’ordre juridique de l’auteur. Par analogie, bien que l’État membre puisse demander que l’accès soit refusé, la défenderesse disposerait d’une marge d’appréciation pour déterminer de concert avec l’État membre comment répondre à ses préoccupations tout en accordant l’accès le plus large possible aux documents.

50
Lors de l’audience, la requérante a fait valoir que l’article 9, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 indique que l’accord de l’autorité d’origine est requis pour la divulgation des documents sensibles. Elle soutient que, si le législateur communautaire avait entendu, à l’article 4, paragraphe 5, dudit règlement, accorder un droit de veto aux États membres, il aurait adopté une formule se rapprochant de cette disposition.

51
La défenderesse conteste ces arguments et conclut au rejet du moyen.

Appréciation du Tribunal

52
La question posée dans le cadre du présent moyen est celle de savoir si, en prévoyant qu’un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de lui sans son accord préalable, l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 confère un droit de veto à cet État ou s’il laisse une marge d’appréciation à l’institution.

53
Il convient de rappeler que le règlement n° 1049/2001 prévoit que, en principe, tous les documents des institutions doivent être accessibles au public (considérant 11).

54
Dans le cas de documents de tiers, l’article 4, paragraphe 4, du règlement oblige les institutions à consulter le tiers concerné, afin de déterminer si une exception prévue à l’article 4, paragraphes 1 ou 2, du même règlement est d’application, à moins qu’il ne soit clair que le document doit ou ne doit pas être divulgué. Il s’ensuit que les institutions ne sont pas obligées de consulter le tiers concerné s’il apparaît clairement que le document doit être divulgué ou qu’il ne doit pas l’être. Dans tous les autres cas, les institutions doivent consulter le tiers en question. Dès lors, la consultation du tiers concerné constitue, en règle générale, une condition préalable pour la détermination de l’application des exceptions à l’accès prévues par l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1049/2001 dans le cas de documents de tiers.

55
De surcroît, l’obligation qui s’impose à la défenderesse de consulter les tiers au titre de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001 n’affecte pas son pouvoir de décider si l’une des exceptions prévues par l’article 4, paragraphes 1 et 2, dudit règlement est d’application.

56
Il résulte, en revanche, de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 que les États membres font l’objet d’un traitement particulier. En effet, cette disposition confère à l’État membre la faculté de demander à une institution de ne pas divulguer des documents émanant de lui sans son accord préalable. Il convient de rappeler, ainsi qu’il est exposé au point 34 ci-dessus, que cette disposition transpose la déclaration n° 35.

57
L’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 place ainsi les États membres dans une situation différente de celle des autres tiers, en énonçant à cet égard une lex specialis. Il découle de cette disposition que l’État membre a la faculté de demander, soit au moment du dépôt d’un document, soit ultérieurement, à une institution de ne pas divulguer un document émanant de lui sans son accord préalable. Au cas où l’État membre a fait une telle demande, l’institution est tenue de demander l’accord préalable de l’État membre avant de divulguer le document. Cette obligation, imposée à l’institution, de demander l’accord préalable de l’État membre, consacrée clairement par cette disposition, serait privée de toute portée si l’institution pouvait décider de divulguer ce document malgré une demande explicite en sens contraire de l’État membre concerné. En effet, si l’institution était en droit de divulguer le document en dépit de la demande de l’État membre de ne pas donner accès audit document, la situation de l’État membre ne serait pas différente de celle des tiers ordinaires. Dès lors, contrairement à ce que la requérante avance, une telle demande de l’État membre oblige l’institution à ne pas divulguer le document en question. Si, comme en l’espèce, l’État membre n’a pas présenté une telle demande lors du dépôt du document auprès de l’institution, celle-ci est néanmoins en droit de demander l’accord de l’État membre avant de divulguer le document à des tiers. Dans un tel cas, l’institution est également tenue de respecter l’éventuelle demande de non-divulgation formée par l’État membre.

58
À cet égard, il convient de relever que l’État membre n’est pas obligé de motiver sa demande au titre de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 et qu’il n’appartient pas à l’institution d’examiner, lorsqu’une telle demande lui a été présentée, si la non-divulgation du document en cause est justifiée au regard, notamment, de l’intérêt public.

59
Afin d’assurer une application de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 conforme à la déclaration n° 35 et de faciliter l’accès au document en cause en permettant à l’État membre dont il émane, le cas échéant, de donner son consentement à sa divulgation, il incombe à l’institution de consulter cet État membre. Si cet État membre, après avoir été consulté, n’introduit pas de demande en application de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001, il incombe encore à l’institution d’apprécier, en application de l’article 4, paragraphe 4, dudit règlement, si le document doit être divulgué ou non.

60
Il y a lieu de constater que, lorsqu’un État membre a introduit une demande au titre de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001, les dispositions nationales pertinentes de cet État membre, qui définissent le droit à l’accès aux documents ainsi que le cadre juridique d’un éventuel recours, trouvent à s’appliquer. Dès lors, c’est aux autorités administratives et judiciaires nationales qu’il appartient d’apprécier, en application du droit national, si l’accès aux documents émanant de l’État membre doit être accordé et de déterminer si, et dans quelle mesure, le droit de recours des intéressés trouve à s’appliquer.

61
Enfin, quant à l’argument que la requérante a fait valoir à l’audience, selon lequel, si le législateur communautaire avait entendu accorder, à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001, un droit de veto aux États membres, il aurait adopté une formule se rapprochant de celle de l’article 9, paragraphe 3, dudit règlement, il y a lieu de constater que cette dernière disposition édicte des règles spécifiques pour assurer une protection efficace des documents secrets ou confidentiels émanant notamment des institutions, des États membres, de pays tiers ou d’organisations internationales dans les domaines définis à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 1049/2001, en particulier la sécurité publique, la défense et les questions militaires. Cet article précise, notamment, les personnes qui sont habilitées à traiter ces documents et dispose que les documents sensibles ne sont inscrits au registre ou délivrés que moyennant l’accord de l’autorité d’origine. Compte tenu du caractère spécifique de ces règles, il y a lieu de constater que cet article est sans rapport avec l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001 et qu’on ne saurait dès lors l’invoquer utilement aux fins d’interpréter ce dernier. En effet, la classification « TRÈS SECRET/TOP SECRET », « SECRET » ou « CONFIDENTIEL » par l’État membre équivaut à un constat de l’impossibilité, en principe, de divulguer le document. Pour les autres documents émanant d’un État membre, une telle impossibilité ne peut être constatée qu’à la demande expresse de celui-ci.

62
Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, en vertu de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001, lorsqu’un État membre demande à une institution de ne pas divulguer un document émanant de lui sans son accord préalable, l’institution est liée par cette demande. Partant, le deuxième moyen de la requérante, tiré de ce que la défenderesse n’a pas apprécié les raisons données par l’État grec à l’appui de son avis négatif concernant la communication du document réclamé, n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen, tiré d’un défaut de motivation

Arguments des parties

63
La requérante soutient que la défenderesse a commis une erreur de droit en ce qu’elle a violé l’obligation de motiver la décision attaquée, contrairement à l’exigence posée par l’article 253 CE. Elle estime que le défaut d’appréciation par la défenderesse des raisons avancées par l’État grec constitue un défaut de motivation.

64
La requérante fait valoir que, dans l’affaire en cause, la défenderesse s’est bornée à l’informer des raisons avancées par l’État grec à l’appui de son avis négatif. Nulle part dans les deux lettres adressées par la défenderesse à la requérante, et particulièrement dans la décision attaquée, ne figurerait un exposé des raisons du refus de la défenderesse d’accorder l’accès au document réclamé. Ce faisant, la défenderesse n’aurait pas permis à la requérante d’identifier les raisons qui sous-tendent son refus de divulguer le document réclamé et ne permettrait pas au juge communautaire d’exercer son pouvoir de contrôle.

65
La défenderesse soutient que la motivation de la décision attaquée était complète, puisque celle-ci exposait la raison du refus de l’accès au document, à savoir que les autorités nationales lui avaient demandé de ne pas le divulguer.

Appréciation du Tribunal

66
Il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est, éventuellement, entachée d’un vice permettant d’en contester la validité et de permettre au juge communautaire d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision. La portée de cette obligation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (arrêts du Tribunal du 24 avril 1996, Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, T‑551/93, T‑231/94 à T‑234/94, Rec. p. II-247, point 140 ; du 3 février 2000, CCRE/Commission, T‑46/98 et T‑151/98, Rec. p. II-167, point 46, et du 14 mai 2002, Associação Comercial de Aveiro/Commission, T‑80/00, Rec. p. II‑2465, point 35).

67
Il ressort de la décision attaquée que celle-ci indique clairement que la défenderesse avait consulté les autorités grecques qui lui avaient demandé de ne pas divulguer le document et que, en conséquence, elle se trouvait, en vertu de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001, dans l’impossibilité de divulguer ledit document.

68
Il s’ensuit que la motivation de la décision attaquée était complète, puisque celle-ci exposait la raison du refus de l’accès au document, à savoir que les autorités nationales lui avaient demandé de ne pas le divulguer.

69
À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été jugé précédemment, l’institution est liée par la demande introduite par un État membre en vertu de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001. Dans ces conditions, il n’y avait pas lieu pour la défenderesse d’apprécier les raisons avancées par l’État grec.

70
Enfin, même si, dans un souci de transparence, la défenderesse a communiqué à la requérante les motifs invoqués par l’État membre, force est de constater qu’il n’incombait pas à la défenderesse d’expliquer à la requérante les raisons pour lesquelles l’État membre en question avait introduit une demande en application de l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 1049/2001, étant donné que cette disposition ne fait pas obligation aux États membres de motiver une telle demande.

71
Il ressort de ces considérations que le troisième moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen tiré, de ce que la Commission n’a pas examiné si un accès partiel devait être accordé aux informations contenues dans le document réclamé

Arguments des parties

72
La requérante soutient que la défenderesse a commis une erreur de droit constituée par la violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, en ce qu’elle n’a pas examiné si un accès partiel devait être accordé aux informations contenues dans le document réclamé et non concernées par les exceptions.

73
Elle fait observer que la défenderesse lui a communiqué la partie de la demande de concours financier du Fonds de cohésion qui contenait une description des principaux aspects de l’analyse coûts/bénéfices et non pas le texte intégral de l’étude, comme elle l’avait demandé. Cette communication ne satisferait pas aux exigences de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, puisque cette description ne constituerait pas une partie du document demandé, au sens de cette disposition.

74
La requérante fait valoir que, malgré la demande d’un État membre tendant à ce que l’accès soit refusé, la défenderesse étant tenue d’accorder un accès aussi large que possible aux documents, elle aurait dû examiner si un accès partiel pouvait être accordé. La défenderesse n’ayant même pas entrepris de déterminer si un accès partiel pouvait être accordé, elle aurait commis une erreur de droit (arrêts Conseil/Hautala, point 29 supra, points 29 et 30, et Hautala/Conseil, point 29 supra, points 85 à 88).

75
La défenderesse conteste ces arguments et conclut au rejet du moyen.

Appréciation du Tribunal

76
Conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, si une partie seulement du document réclamé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées.

77
Certes, dans la décision attaquée, il n’est pas fait mention de ce que la défenderesse aurait envisagé la possibilité d’accorder un accès partiel au document réclamé. Toutefois, il y a lieu de relever que, ainsi que la requérante en a été informée, l’État membre concerné s’est opposé totalement à la divulgation du document intégral. Or, la défenderesse étant liée par cette demande, l’accès partiel à ce document n’était pas possible. Dans ces circonstances, il convient de conclure que les raisons du refus de l’accès partiel audit document sont implicitement mais nécessairement contenues dans la demande de l’État membre.

78
Il s’ensuit que le moyen doit être rejeté.

79
Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.


Sur les dépens

80
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la défenderesse.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
La requérante est condamnée aux dépens.

Azizi

Jaeger

Czúcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 mars 2005.

Le greffier

Le président

H. Jung

M. Jaeger


1
Langue de procédure : l'anglais.