Language of document : ECLI:EU:T:2023:651

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

18 octobre 2023 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché du modafinil – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Accord de règlement amiable de litiges en matière de brevets – Restriction de concurrence par objet – Qualification – Restriction de concurrence par effet – Conditions d’exemption de l’article 101, paragraphe 3, TFUE – Amendes »

Dans l’affaire T‑74/21,

Teva Pharmaceutical Industries Ltd, établie à Petah Tikva (Israël),

Cephalon Inc., établie à West Chester, Pennsylvanie (États-Unis),

représentées par Mes D. Tayar, S. Ortoli et A. Richard, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Conte, T. Franchoo et Mme C. Sjödin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie),

composé de MM. F. Schalin (rapporteur), président, M. Jaeger, Mme P. Škvařilová-Pelzl, MM. I. Nõmm et D. Kukovec, juges,

greffier : Mme M. Zwozdziak-Carbonne, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 14 décembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Teva Pharmaceutical Industries Ltd (ci-après « Teva ») et Cephalon Inc., demandent l’annulation de la décision C(2020) 8153 final de la Commission européenne, du 26 novembre 2020, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire AT.39686-CEPHALON) (ci-après la « décision attaquée ») et, à titre subsidiaire, la suppression ou la réduction du montant des amendes.

I.      Antécédents du litige

2        Cephalon est une société biopharmaceutique basée aux États-Unis qui fournit des produits pharmaceutiques à la fois princeps et génériques dans le monde entier. Les activités principales de Cephalon englobent la recherche et le développement ainsi que la mise sur le marché de médicaments, avec un accent particulier mis sur les troubles du système nerveux central, y compris les troubles du sommeil, la douleur, l’oncologie, les maladies inflammatoires et la médecine régénérative.

3        Teva est une multinationale pharmaceutique active dans le développement, la production et la commercialisation de médicaments génériques ainsi que de produits pharmaceutiques innovants et spécialisés, d’ingrédients pharmaceutiques actifs et de produits en vente libre.

4        En octobre 2011, après que la Commission a approuvé la concentration notifiée, par décision C(2011) 7435 final (affaire COMP/M. 6258 – Teva/Cephalon), du 13 octobre 2011, sur la base de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations ») (JO 2004, L 24, p. 1), Cephalon a été rachetée par Teva.

A.      Produit concerné et brevets concernant celui-ci

5        Le produit concerné par la présente affaire correspond aux médicaments contenant le principe pharmaceutique actif (ci-après l’« IPA ») dénommé modafinil. Le modafinil est un agent stimulant de longue durée d’échauffement utilisé pour le traitement de certains troubles du sommeil.

6        Le modafinil a été découvert par le laboratoire Lafon, une entreprise pharmaceutique française, en 1976. Lafon a d’abord enregistré son produit modafinil sous la marque Modiodal, le 24 juin 1992 en France, puis sous les marques Provigil, Vigil ou Modasomil dans d’autres pays.

7        En 1993, Cephalon a obtenu les droits exclusifs sur le modafinil auprès de Lafon et, en 2001, a finalement acquis l’ensemble de la société Lafon. En 1997, Cephalon a commencé à vendre du modafinil sous la marque Provigil au Royaume-Uni. En 2005, elle vendait du modafinil dans plusieurs pays de l’Espace économique européen (EEE).

8        En ce qui concerne l’EEE, les différents brevets nationaux de molécule de Cephalon pour l’IPA du modafinil ont expiré au plus tard en 2003, tandis que la protection des données concernant cet IPA a expiré au plus tard en 2005.

9        Bien que les brevets sur la molécule du modafinil aient expiré, Cephalon détenait encore des brevets secondaires sur la taille des particules et d’autres brevets liés au modafinil ayant une date d’expiration en 2015 dans l’EEE.

10      Le médicament Provigil était le produit le plus important du portefeuille de Cephalon en termes de ventes. Compte tenu de l’arrivée sur le marché des produits génériques dans un avenir proche et pour protéger ses activités dans le domaine en cause, Cephalon a travaillé sur un produit de deuxième génération, dénommé Nuvigil, basé sur l’IPA du modafinil, qu’elle envisageait de mettre sur le marché pour remplacer progressivement le Provigil à partir de 2006, d’abord aux États-Unis, puis dans l’EEE. En outre, Cephalon avait prévu le lancement d’un autre médicament à base de modafinil, dénommé Sparlon. Finalement, Cephalon n’a lancé ni le Nuvigil ni le Sparlon dans l’EEE. Par ailleurs, ce dernier n’a pas reçu d’autorisation aux États-Unis.

11      À la fin de l’année 2002, lorsque quatre sociétés du secteur des génériques, dont Teva, ont demandé une autorisation réglementaire pour commercialiser leurs produits génériques du modafinil aux États-Unis, Cephalon a engagé une procédure de contrefaçon de brevet aux États-Unis.

12      En juin 2005, Teva a lancé son produit générique du modafinil au Royaume-Uni.

13      Le 6 juillet 2005, après un échange de lettres, Cephalon a engagé une procédure judiciaire en matière de brevets contre Teva devant la High Court of Justice (England & Wales) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), Royaume-Uni] et a demandé une injonction provisoire pour empêcher Teva de vendre son produit générique du modafinil au Royaume-Uni. Teva a ensuite déposé une demande reconventionnelle en nullité.

14      Avant l’audience sur la demande d’injonction provisoire prévue pour le 11 juillet 2005, Teva a accepté de cesser de vendre des produits génériques du modafinil au Royaume-Uni. En contrepartie, Cephalon a accepté de fournir une garantie de 2,1 millions de livres sterling (GBP) (soit environ 3,07 millions d’euros) au cas où Teva obtiendrait gain de cause lors de la procédure judiciaire et serait en droit de réclamer des dommages et intérêts pour le manque à gagner.

15      Les négociations en vue d’un accord de règlement amiable ont débuté fin novembre 2005.

B.      Accord litigieux

16      Le 8 décembre 2005, Cephalon et Teva ont conclu un accord de règlement amiable (ci-après l’« accord de règlement »). L’accord de règlement a été également conclu pour leurs affiliés et a pris effet le 4 décembre 2005.

17      Aux termes de l’accord de règlement, il est prévu, notamment, que, en vertu de l’article 2, Teva s’engage à ne pas entrer de manière indépendante ni concurrencer Cephalon sur le marché du modafinil (ci-après la « clause de non-concurrence ») et à ne pas contester les brevets du modafinil de Cephalon (ci-après la « clause de non-contestation ») (ci-après, prises ensemble, les « clauses restrictives »).

Les articles 2.2 à 2.6 de l’accord de règlement comportent un ensemble de transactions portant sur :

–        une licence de Teva à Cephalon concernant les droits de propriété intellectuelle de Teva ;

–        une licence de Cephalon à Teva pour utiliser les données, dites CEP1347, codéveloppées par Cephalon dans le cadre d’études sur le traitement de la maladie de Parkinson ;

–        la fourniture de l’IPA du modafinil par Teva à Cephalon ;

–        des paiements par Cephalon à Teva pour les frais de contentieux évités ;

–        la distribution des produits de Cephalon au Royaume-Uni par Teva.

18      De même, l’accord de règlement prévoit, à son article 3, des droits génériques en faveur de Teva. Aux termes de cet article, Cephalon accorde à Teva une licence non exclusive pour le lancement de son produit générique du modafinil, y compris dans l’EEE, à partir de 2012 (ou plus tôt, dans le cas où une quelconque entité introduirait sur le marché un produit générique du modafinil).

19      Conformément à l’article 4 de l’accord de règlement, Teva et Cephalon se sont engagées à mettre immédiatement fin à leur contentieux au sujet du modafinil aux États-Unis et au Royaume-Uni.

20      L’accord de règlement comprend également les montants ou redevances impliqués dans les différentes transactions mentionnées aux points 17 et 18 ci-dessus.

C.      Décision attaquée

21      Le 26 novembre 2020, la Commission a adopté la décision attaquée.

22      La Commission a considéré que les requérantes avaient enfreint l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à l’accord de règlement dans le secteur pharmaceutique, contre paiement inversé. L’infraction concernait l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, la Lettonie, le Liechtenstein, la Lituanie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovaquie et la Suède et avait duré du 4 décembre 2005 au 12 octobre 2011, sauf en ce qui concernait la Bulgarie et la Roumanie, où l’infraction avait débuté le 1er janvier 2007, ainsi que la Hongrie, où l’infraction avait pris fin le 14 juin 2011 (article 1er de la décision attaquée).

23      Pour l’infraction susmentionnée, la Commission a infligé à Cephalon et à Teva des amendes s’élevant respectivement à 30 480 000 euros et à 30 000 000 euros (article 2 de la décision attaquée).

II.    Conclusions des parties

24      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans son intégralité ;

–        à titre subsidiaire, supprimer les amendes qui leur ont été infligées ,

–        à titre encore plus subsidiaire, s’agissant de Teva, réduire substantiellement l’amende qui lui a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

A.      Sur les conclusions tendant à l’annulation ou à l’annulation partielle de la décision attaquée

26      Les requérantes soulèvent quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit et de fait de la part de la Commission dans la mesure où elle a qualifié l’accord de règlement de restriction de concurrence par objet. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de droit et de fait en ce que la Commission a qualifié l’accord de règlement de restriction de concurrence par effet. Le troisième moyen, soulevé à titre subsidiaire, est tiré d’une application erronée de l’article 101, paragraphe 3, TFUE. Enfin, par le quatrième moyen, également soulevé à titre subsidiaire, les requérantes cherchent à obtenir l’annulation des amendes qui leur ont été infligées ou, à tout le moins, l’annulation partielle substantielle de l’amende infligée à Teva.

1.      Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit et de fait en ce que la Commission a qualifié l’accord de règlement de restriction de concurrence par objet

27      Par leur premier moyen, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir commis une erreur de droit et de fait en qualifiant l’accord de règlement de restriction de concurrence par objet.

28      Les requérantes font valoir que la Commission a dénaturé les deux critères cumulatifs précisés dans l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52). Il résulterait dudit arrêt qu’un accord de règlement amiable prévoyant des transferts de valeurs ne peut être qualifié de restriction par objet que si, d’une part, les transferts de valeurs « s’expliquent uniquement par l’intérêt commercial tant du titulaire du brevet que du contrefacteur allégué à ne pas se livrer une concurrence par les mérites » et, d’autre part, l’accord n’engendre pas « d’effets proconcurrentiels avérés de nature à faire raisonnablement douter de son caractère suffisamment nocif à l’égard de la concurrence ».

29      Le présent moyen se divise en quatre branches. Dans le cadre de la première branche, les requérantes font valoir que le premier critère mentionné au point 28 ci-dessus devrait être compris comme renvoyant au fait « que chaque transaction commerciale a une explication plausible autre que le partage du marché ». Or, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir remplacé ce critère par un critère contrefactuel consistant à déterminer si les requérantes auraient conclu les mêmes transactions aux mêmes conditions dans l’hypothèse où l’accord de règlement n’aurait pas été conclu. Dans le cadre de la deuxième branche, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir satisfait à ce critère du fait qu’elle n’a pas réfuté les preuves qu’elles avaient apportées au cours de la procédure administrative, démontrant que chaque transaction s’expliquait par des facteurs autres que l’intérêt des parties à ne pas se livrer une concurrence par les mérites. En outre, dans le cadre de la troisième branche, qui vise le second critère mentionné au point 28 ci-dessus, les requérantes avancent que l’accord de règlement a eu des « effets proconcurrentiels avérés » en prévoyant l’entrée anticipée de Teva sur le marché. Enfin, dans le cadre de la quatrième branche, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir commis des erreurs dans l’appréciation du contexte et des termes de l’accord de règlement.

a)      Sur la première branche du premier moyen, tirée de la non-application du critère juridique adéquat

30      Selon les requérantes, la Commission a dénaturé le critère établi dans l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52), confirmé par l’arrêt du 25 mars 2021, Lundbeck/Commission (C‑591/16 P, EU:C:2021:243), à un double titre, à savoir, en premier lieu, en s’écartant de l’enseignement explicite de l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52), selon lequel une rémunération raisonnable payée par le fabricant des médicaments princeps au fabricant des médicaments génériques, pour les services ou les produits fournis, excluait la constatation d’une infraction par objet et, en second lieu, en adoptant et en appliquant un critère contrefactuel relevant de l’analyse par effet.

31      Selon les requérantes, se référant ainsi à leur argumentation invoquée dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen, chaque transaction commerciale visée par l’accord de règlement était justifiée indépendamment des clauses restrictives et aurait une explication « plausible » qui ne serait pas la « seule » contrepartie à l’entrée retardée de Teva sur le marché du modafinil.

32      En outre, l’application d’une analyse contrefactuelle dans l’évaluation d’une restriction alléguée de la concurrence par objet ne serait pas conforme à la jurisprudence. Le scénario contrefactuel serait une tâche complexe, qui devrait prendre en compte non seulement le contexte juridique et économique d’un accord au moment où il aurait été conclu, mais également toute évaluation postérieure. De plus, l’analyse contrefactuelle relèverait de l’appréciation des accords en tant que restrictions de concurrence par effet. La Cour n’aurait pas appliqué de critère contrefactuel dans l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52), mais aurait appliqué un critère factuel simple demandant une explication plausible pour les accords commerciaux qui avaient effectivement eu lieu.

33      La Commission aurait également commis une erreur en évaluant les transactions commerciales figurant dans l’accord de règlement comme un « ensemble », « indépendamment de la quantification exacte et [de] la contribution réelle de chaque transaction au transfert de valeur global ». De ce fait, la Commission ignorerait l’apport de l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52), selon lequel chaque transfert de valeur allégué devrait être évalué pour trouver une explication plausible autre que la seule contrepartie des clauses restrictives.

34      Dans la réplique, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir commis une erreur de droit en fondant la décision attaquée exclusivement sur des éléments de preuve subjectifs, alors qu’il résultait de la jurisprudence qu’une infraction par objet ne pouvait être constatée que sur la base de facteurs objectifs. La Commission aurait ignoré le caractère objectivement raisonnable de la rémunération, l’objectif commercial et le contexte de négociation des accords commerciaux.

35      Enfin, la Commission aurait commis une erreur de droit quant à la charge de la preuve, en exigeant des parties qu’elles apportent la preuve subjective qu’elles auraient effectué les transactions en cause dans le scénario contrefactuel de l’absence de l’accord de règlement et de la poursuite de l’action en justice. Or, la charge de la preuve incomberait à la Commission. De plus, les preuves contemporaines des faits et les rapports d’experts produits devant la Commission fourniraient une explication plausible aux accords commerciaux que la Commission ne saurait rejeter en l’absence d’une expérience significative contraire.

36      La Commission conteste les arguments des requérantes.

37      Il ressort de la jurisprudence que la notion de « restriction de concurrence par objet » ne peut être appliquée qu’à certains types de coordination entre entreprises révélant, par leur nature même, un degré suffisant de nocivité pour le bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 67 et jurisprudence citée].

38      S’agissant plus spécifiquement des accords de règlement amiable, similaires à l’accord de règlement, dans le cadre de litiges relatifs à un brevet de procédé de fabrication d’un IPA tombé dans le domaine public, conclus entre un fabricant de médicaments princeps et plusieurs fabricants de médicaments génériques et ayant eu pour effet de reporter l’entrée sur le marché de médicaments génériques en contrepartie de transferts de valeurs à caractère monétaire ou non monétaire du premier au profit des seconds, la Cour a jugé que de tels accords ne sauraient être considérés, dans tous les cas, comme des « restrictions par objet », au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, points 84 et 85].

39      Toutefois, la qualification de « restriction par objet » doit être retenue lorsqu’il ressort de l’examen de l’accord de règlement amiable concerné que les transferts de valeurs prévus par celui-ci s’expliquent uniquement par l’intérêt commercial tant du titulaire du brevet en cause que du contrefacteur allégué à ne pas se livrer une concurrence par les mérites, dans la mesure où des accords par lesquels des concurrents substituent sciemment une coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence relèvent manifestement de la qualification de « restriction par objet » [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, points 83 et 87].

40      Aux fins de cet examen, il convient, dans chaque cas d’espèce, d’apprécier si le solde positif net des transferts de valeurs du fabricant de médicaments princeps au profit du fabricant de médicaments génériques était suffisamment important pour inciter effectivement le fabricant de médicaments génériques à renoncer à entrer sur le marché concerné et, partant, à ne pas concurrencer par ses mérites le fabricant de médicaments princeps, sans qu’il soit requis que ce solde positif net soit nécessairement supérieur aux bénéfices que ce fabricant de médicaments génériques aurait réalisés s’il avait obtenu gain de cause dans la procédure en matière de brevets [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, points 93 et 94].

41      Il en découle que la qualification de « restriction par objet » d’accords tels que l’accord de règlement suppose d’apprécier les caractéristiques propres de ceux-ci, dont doit être déduite l’éventuelle nocivité particulière pour la concurrence, au besoin à l’issue d’une analyse détaillée desdits accords, de leurs objectifs et du contexte économique et juridique, dans le cadre de laquelle le montant des transferts de valeurs revêt une importance particulière [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 89].

42      En l’espèce il ressort de la section 5 de la décision attaquée, et plus particulièrement des considérants 544 à 580, que la Commission a expliqué sur la base de la jurisprudence existante, dont la jurisprudence citée aux points 37 et suivants ci-dessus, quelle analyse elle devait effectuer. Dans la section 6 de la décision attaquée, elle a, conformément à la jurisprudence et aux principes énoncés à la section 5, examiné si les transactions prévues dans le cadre de l’accord de règlement et les transferts de valeurs associés étaient une incitation pour Teva à accepter les clauses restrictives.

43      Ainsi, il ressort de la jurisprudence citée aux points 37 et suivants ci-dessus qu’il convient de procéder à une appréciation globale incluant les intérêts et les incitations des parties concernées, afin de vérifier si les transactions commerciales figurant dans un accord de règlement, telles que celles mentionnées au point 17, ci-dessus, pouvaient avoir d’autres explications que l’intérêt commercial, tant du titulaire de brevet que du contrefacteur allégué, à ne pas se livrer à une concurrence par les mérites.

44      À cet égard, il convient de relever, ce qui, d’ailleurs, n’est pas contesté par les requérantes, qu’un transfert de valeur au fabricant de médicaments génériques peut prendre différentes formes, telles qu’un paiement direct ou un paiement indirect, qui sont intégrées dans des transactions commerciales entre le fabricant de médicaments princeps et le fabricant de médicaments génériques. Une telle transaction commerciale peut donc procurer au fabricant de médicaments génériques des avantages qu’il n’obtiendrait pas dans des circonstances normales de marché, soit parce qu’une telle transaction n’aurait pas été réalisée dans des conditions normales de marché, soit parce que cette transaction aurait été réalisée dans des conditions plus favorables que les conditions normales de marché. En outre, il doit être relevé que, dans des conditions normales de marché, il n’est pas usuel que la contrepartie d’une transaction soit constituée par un engagement de non-concurrence et de non-contestation.

45      Partant, la Commission était tenue de vérifier si les transactions commerciales visées par l’accord de règlement auraient également pu être conclues, à des conditions aussi favorables, en l’absence des clauses restrictives. En effet, si la Commission est en mesure de constater que les transactions en question n’auraient pas été conclues ou pas à des conditions aussi favorables en l’absence desdites clauses, il peut en être conclu que lesdites transactions ne peuvent avoir d’autre explication que l’intérêt commercial du titulaire du brevet en cause et du contrefacteur allégué à ne pas se livrer à une concurrence par les mérites.

46      Pour déterminer si chacune des transactions commerciales avait pour seule explication plausible l’objectif d’inciter Teva à accepter les clauses restrictives et, ainsi, à renoncer à concurrencer Cephalon par ses mérites ou si ces transactions auraient, en tout état de cause, été conclues dans des conditions normales de marché, la Commission devait comparer ce qui s’était réellement passé avec ce qui se serait passé en l’absence des clauses restrictives. Il s’ensuit que l’argument selon lequel la Commission aurait appliqué une analyse contrefactuelle fausse doit être écarté comme étant non fondé.

47      De même, contrairement à ce que prétendent les requérantes, le critère juridique appliqué par la Commission n’équivaut pas à une analyse contrefactuelle relevant de l’appréciation des accords en tant que restriction par effet.

48      La Commission a seulement examiné si les transactions commerciales en cause auraient été conclues sans les clauses restrictives, afin de vérifier si elles constituaient une incitation pour Teva à renoncer à concurrencer Cephalon par ses mérites.

49      Ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée aux points 37 et suivants ci-dessus, l’appréciation à laquelle il convient de procéder afin de déterminer si un accord relève ou non de la qualification de « restriction par objet » n’a pas pour finalité d’identifier ni de quantifier les effets anticoncurrentiels d’une pratique, mais uniquement de déterminer la gravité objective de celle-ci, pouvant précisément justifier que ses effets n’ont pas à être appréciés (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Arrow Group et Arrow Generics/Commission, C‑601/16 P, non publié, EU:C:2021:244, point 86).

50      Le fait que cette appréciation doive être effectuée, au besoin, à l’issue d’une analyse détaillée de l’accord concerné et particulièrement de l’effet incitatif des transferts de valeurs qu’il prévoit, mais également de ses objectifs ainsi que du contexte économique et juridique dans lequel il s’inscrit n’implique pas davantage une appréciation des effets anticoncurrentiels de cet accord sur le marché. Il suppose uniquement de procéder à une appréciation globale et minutieuse des accords complexes eux-mêmes, afin non seulement d’écarter la qualification de « restriction par objet » lorsqu’un doute apparaît quant à leur suffisante nocivité pour la concurrence, mais également d’éviter que des accords puissent échapper à cette même qualification en raison de leur seule complexité et alors même que l’analyse minutieuse de ceux-ci révélerait qu’ils présentent objectivement un degré suffisant de nocivité pour la concurrence (arrêt du 25 mars 2021, Arrow Group et Arrow Generics/Commission, C‑601/16 P, non publié, EU:C:2021:244, point 87).

51      S’agissant de l’argument des requérantes tiré de ce que le critère de la restriction par objet appliqué par la Commission dans la décision attaquée serait contraire à l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52), du fait que chaque transaction accessoire aurait une rémunération raisonnable payée par le fabricant de médicaments princeps au fabricant de médicaments génériques pour les services ou pour les produits fournis, il convient de rappeler que, dans ledit arrêt, la Cour n’a effectivement pas exclu que, dans certains cas, un accord de règlement assorti de transferts de valeurs à caractère monétaire ou non monétaire échappe à la qualification de « restriction par objet ». Tel serait le cas si lesdits transferts de valeurs pouvaient s’avérer justifiés, à savoir propres et strictement nécessaires au regard des objectifs légitimes des parties à l’accord. Toutefois, force est de constater que cette question doit être examinée dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen, par laquelle les requérantes allèguent que les transactions conclues en marge de l’accord de règlement avaient une explication plausible autre que celle de servir uniquement de contrepartie aux clauses restrictives.

52      S’agissant de l’allégation selon laquelle la Commission se serait fondée, lors de son appréciation dans la décision attaquée, uniquement sur l’intention subjective des parties, il y a lieu de rappeler que, afin d’apprécier si un accord comporte une restriction « par objet », il convient de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Il résulte également de la jurisprudence que, bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un accord, rien n’interdit aux autorités de la concurrence ou aux juridictions nationales et de l’Union européenne d’en tenir compte (voir arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 53 et jurisprudence citée). La question de savoir si la Commission s’est appuyée uniquement, lors de son appréciation, sur des facteurs subjectifs sera examinée dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen.

53      S’agissant de la charge de la preuve, il incombe à la Commission de démontrer que, dans le contexte pertinent, les clauses de non-concurrence et de non-contestation conclues dans le cadre de l’accord de règlement amiable concerné ont donné lieu à un accord restrictif de concurrence par objet et donc de démontrer qu’il ressort de l’examen de cet accord que les transferts de valeurs prévus par celui-ci s’expliquent uniquement par l’intérêt commercial tant du titulaire du brevet en cause que du contrefacteur allégué à ne pas se livrer une concurrence par les mérites (voir jurisprudence citée au point 39 ci-dessus).

54      Toutefois, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la Commission ne peut se fonder que sur des éléments juridiques et économiques pris en compte par elles lors de leur négociation menant à l’accord de règlement, y compris les transactions commerciales. Les éléments postérieurs à la conclusion de l’accord de règlement ne peuvent pas faire partie du cadre pertinent, car les parties n’auraient pas pu les prendre en compte lorsqu’elles ont décidé de conclure cet accord.

55      Pour autant que les requérantes avancent qu’il y a un manque d’expérience en droit de l’Union, au moment de l’adoption de la décision attaquée, pour qualifier l’accord en cause de « restriction par objet », il suffit de faire référence à l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52), et à celui du 25 mars 2021 Lundbeck/Commission (C‑591/16 P, EU:C:2021:243). En effet, dans le premier arrêt, la Cour a indiqué dans quelles conditions un accord de règlement amiable devait être qualifié de « restriction par objet ». Dans le second arrêt, la Cour a précisé, au point 130, qu’il n’était nullement requis que le même type d’accords ait déjà été condamné par la Commission pour que ceux-ci puissent être considérés comme étant restrictifs de la concurrence par objet, et ce quand bien même ceux-ci interviendraient dans un contexte spécifique tel que celui des droits de propriété intellectuelle. Partant, cet argument ne saurait prospérer.

56      S’agissant de l’argument selon lequel la Commission aurait évalué les transactions commerciales « comme un ensemble », il suffit, à ce stade, en premier lieu, de relever que les transactions commerciales figurant dans l’accord de règlement ont été conclues comme relevant d’un ensemble. Le fait que l’accord de règlement et les transactions qu’il comporte soient conclus en même temps ou qu’il existe un lien contractuel entre eux est révélateur du fait que ces accords s’intègrent dans un même ensemble contractuel. Dans un tel cas, il existe un risque que l’association d’un accord commercial et d’un accord de règlement amiable comportant des clauses de non-commercialisation et de non-contestation, lesquelles ont, par elles-mêmes, un caractère restrictif de concurrence, vise, en réalité, sous couvert d’une transaction commerciale, prenant la forme, le cas échéant, d’un montage contractuel complexe, à inciter la société fabriquant des médicaments génériques à se soumettre, au moyen d’un transfert de valeur prévu par l’accord accessoire, à ces clauses. Dans ce contexte, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 45 ci-dessus, la question de savoir si une telle transaction aurait également été conclue dans des conditions normales de marché fait partie de l’évaluation que la Commission doit effectuer. Il convient, en second lieu, de relever que, après une telle évaluation, c’est le solde positif net des transferts de valeurs opérés dans le cadre de l’ensemble des transactions qui importe, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus.

57      Il résulte de ce qui précède que, sous réserve de certains arguments à examiner dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

b)      Sur la deuxième branche du premier moyen

58      Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, les requérantes font valoir que les transactions conclues en marge de l’accord de règlement avaient une explication plausible autre que celle de servir uniquement de contrepartie aux clauses restrictives.

59      Chacune des transactions trouverait son origine non pas dans l’évolution des négociations sur l’entrée du modafinil de Teva sur le marché des médicaments génériques, mais plutôt dans des besoins commerciaux légitimes, bien documentés et préexistants, des deux parties. Pour chaque transaction, Teva ou Cephalon aurait été soit la seule partie avec laquelle il aurait été possible de faire affaire (comme dans le cas des droits de propriété intellectuelle de Teva relatifs au modafinil et des données cliniques de Cephalon), soit une partenaire potentielle possédant une expérience unique et appropriée (comme dans le cas de la capacité de production des IPA du modafinil de Teva ou de la plateforme de distribution au Royaume-Uni de Teva).

60      La Commission conteste les arguments des requérantes.

61      Au vu des griefs formulés par les requérantes, il convient de vérifier, d’abord, si, pour chacune des transactions commerciales prévues par l’accord de règlement, la Commission a commis une erreur d’appréciation en concluant que ladite transaction avait pour objet de servir de transfert de valeur de Cephalon à Teva en contrepartie de l’engagement de Teva de ne pas entrer de manière indépendante sur les marchés des médicaments génériques et de ne pas concurrencer Cephalon sur le modafinil.

1)      Sur la licence sur les droits de propriété intellectuelle de Teva relatifs au modafinil

62      En vertu de l’article 2.2 de l’accord de règlement, Cephalon a accepté d’acheter à Teva une licence (non exclusive) sur les droits de propriété intellectuelle (ci-après les « DPI ») de cette dernière pour une somme d’un montant total de 125 millions de dollars des États-Unis (USD), soit environ 92,9 millions d’euros.

63      Au considérant 864 de la décision attaquée, la Commission a conclu que Teva avait obtenu une valeur significative en concédant une licence sur ses DPI à Cephalon. Quant à Cephalon, la Commission a précisé que celle-ci n’était pas intéressée par l’acquisition des DPI de Teva, n’avait aucun besoin réel d’en acquérir avant l’accord de règlement et n’avait aucun intérêt à payer des sommes importantes pour une licence de DPI qui n’avait pas de valeur pour elle, ou seulement une valeur limitée. Selon la Commission, les faits suggèrent donc fortement que Cephalon n’aurait pas du tout conclu cette transaction ou, en toute hypothèse, qu’elle ne l’aurait pas fait aux mêmes conditions, en l’absence de l’accord de règlement, et que l’opération avait pour objet de servir de transfert de valeur de Cephalon à Teva en contrepartie de l’engagement de cette dernière à ne pas entrer de manière indépendante sur le marché du modafinil et à ne pas concurrencer Cephalon par ses mérites. La Commission a également considéré que d’autres explications de la transaction fournies par les parties n’étaient pas plausibles. La licence sur les DPI de Teva aurait donc impliqué un transfert de valeur injustifié à Teva, que cette dernière n’aurait pas pu obtenir en l’absence de l’accord de règlement.

64      Les requérantes contestent l’appréciation de la Commission, dans la décision attaquée, selon laquelle, à l’époque où l’accord de règlement a été conclu, Cephalon ne considérait pas les DPI de Teva comme une menace sérieuse et n’avait jamais, auparavant, montré le moindre intérêt pour leur acquisition.

65      Selon les requérantes, les preuves scientifiques montrent que les produits modafinil de Cephalon étaient susceptibles d’être considérés comme étant contraires à la demande de brevet américain de Teva pour le modafinil « de forme III » (une forme cristalline de modafinil, introduite en 2000 et publiée en 2002).

66      En effet, le vice-président de Cephalon, M. M., également chargé de la recherche et du développement chimique au niveau mondial, se serait immédiatement intéressé aux demandes de Teva concernant les polymorphes du modafinil après avoir pris connaissance desdites demandes. Puis, Cephalon aurait commandé une étude, achevée en mars 2003, auprès de Crystallics BV, aurait reçu des résultats d’une étude menée par le professeur C. de l’Université de Rouen (France) en 2004 et aurait reçu des résultats préliminaires d’une étude effectuée par Solid State Chemical Information, Inc. (SSCI) en janvier 2006.

67      Par lesdites études, Cephalon aurait voulu savoir si ses propres procédés créaient les polymorphes revendiqués par Teva et connaître la probabilité que des quantités de forme III puissent subsister pendant le processus de fabrication commerciale.

68      Selon les requérantes, les preuves scientifiques collectées par Cephalon de 1995 à 2005 ont apporté des enseignements progressifs qui ont révélé un risque de contrefaçon.

69      En outre, les requérantes font état de ce que Cephalon a également fait appel à l’expertise du professeur M., du Massachusetts Institute of Technology (MIT), qui avait conclu que Cephalon courait le risque que la forme III, objet des demandes de brevet de Teva, soit détectée dans son produit final. Les requérantes allèguent, en particulier, ce qui suit :

–        Teva avait de fortes chances de l’emporter dans toute procédure judiciaire ou « d’interférence » auprès de l’United States Patent and Trademark Office (Office des brevets et des marques des États-Unis), qui remettait en cause ses droits de brevet sur la forme III, de sorte que la Commission n’aurait pas dû remettre en cause l’appréciation commerciale de Cephalon pour remédier à ce risque ;

–        le fait que Cephalon avait lancé le Provigil aux États-Unis avant la date de priorité de la demande de brevet de Teva n’a pas atténué le risque encouru par Cephalon, comme le prétend à tort la Commission ;

–        l’affirmation de la Commission selon laquelle aucun risque de contrefaçon n’existait parce que Cephalon n’avait pas effectivement détecté la forme III dans son produit final en décembre 2005 ne tient pas compte de l’état de la science ;

–        en ce qui concerne l’absence de documents, il est courant aux États-Unis de ne pas documenter les préoccupations en matière de contrefaçon, par crainte que ces documents ne soient utilisés lors du procès pour établir non seulement la contrefaçon, mais, de surcroît, une contrefaçon volontaire susceptible de tripler l’indemnisation ;

–        les redevances dues par Cephalon au titre de l’accord de licence sur les DPI de Teva étaient raisonnables et la Commission n’a pas démontré le contraire.

70      La Commission réfute les arguments des requérantes.

71      Il ressort de la décision attaquée que la Commission, au soutien de sa conclusion selon laquelle la licence sur les DPI de Teva avait impliqué un transfert de valeur injustifié à cette dernière (voir point 63 ci-dessus), s’est, notamment, appuyée, d’une part, sur des éléments de preuve contemporains de l’époque où l’accord de règlement avait été conclu, qui montrent que Cephalon ne se sentait pas vraiment menacée par les DPI de Teva et n’avait jamais auparavant montré d’intérêt pour leur acquisition et, d’autre part, sur l’absence de diligence raisonnable de la part de Cephalon.

72      Ainsi qu’il ressort du dossier, Cephalon savait depuis 2002 que Teva avait déposé une demande de brevet pour la forme III, que certaines quantités résiduelles des formes pouvaient, le cas échéant, être détectées dans le produit final de Cephalon, que la forme III pourrait fusionner entre deux cristaux de forme I (il est alors question de « jumelage » des formes I et III du modafinil) et que la forme III était un objet brevetable. Il n’en demeure pas moins qu’il n’existe aucune indication sérieuse que Cephalon était réellement préoccupée, à l’époque des faits, par les conséquences éventuelles de la demande de brevet de Teva pour la forme III.

73      En effet, Cephalon avait connaissance dès 1999 du fait que le modafinil de forme III était créé lors du processus de fabrication, mais qu’il se transformait ensuite en modafinil de forme I pendant ledit processus (selon les études de Lafon).

74      Il est certes vrai que Cephalon, après avoir eu connaissance de la demande de brevet de Teva sur le modafinil de forme III et avant la conclusion de l’accord de règlement, a commandé des recherches.

75      En premier lieu, il s’agissait d’une demande à Crystallics portant sur une étude visant à mieux comprendre l’influence des conditions des différents polymorphes et le contrôle du processus. Le résultat de cette étude, achevée en 2003, mettait en évidence que, dans la grande majorité des conditions de cristallisation, le modafinil obtenu était un mélange des formes I et III.

76      En deuxième lieu, Cephalon a reçu, en 2004, les résultats d’une étude menée par le professeur C., de l’université de Rouen, qui n’avait toutefois pas été demandée par Cephalon. Il résultait de cette étude que la forme I et la forme III du modafinil étaient très similaires et que les deux formes polymorphes avaient une propension à croître en tant que cristaux jumeaux.

77      Toutefois, il ressort du dossier que ces études ou leurs résultats n’ont pas suscité d’inquiétude particulière chez Cephalon.

78      En effet, il résulte d’une présentation interne de 2003, faisant état des demandes de Teva relatives aux formes cristallines du modafinil, que Cephalon supposait qu’il y aurait probablement une « procédure d’interférence » entre elle et Teva, mais qu’elle disposait des droits antérieurs, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter.

79      De même, dans un courriel interne d’août 2005, le Dr H, conseiller en brevet en chef de Cephalon, a déclaré qu’il connaissait bien et depuis longtemps le « paysage des brevets » aux États-Unis et en Europe relatif au modafinil et qu’il n’y avait aucune raison de s’inquiéter de « problèmes de contrefaçon potentiels ».

80      En troisième lieu, s’agissant de l’étude effectuée par SSCI, demandée par Cephalon avant la conclusion de l’accord de règlement, il convient de constater que les résultats préliminaires n’ont été reçus par Cephalon qu’après la conclusion dudit accord, à savoir le 6 janvier 2006. En conséquence, lesdits résultats n’ont pas pu avoir été pris en considération par Cephalon pour évaluer un risque de contrefaçon lors de la conclusion de l’accord de règlement et ne permettent pas de déterminer si Cephalon avait un intérêt pour les DPI de Teva.

81      En quatrième lieu, la même conclusion s’impose en ce qui concerne le rapport M. (c’est-à-dire un avis du professeur M. du MIT) demandé par les requérantes lors de la procédure administrative, daté de 2018.

82      L’argument des requérantes selon lequel il s’agirait d’un « apprentissage progressif » n’est pas convaincant, pas plus que l’argument selon lequel Cephalon était très inquiète « à la fin de l’année 2005 ». À cet égard, force est de constater que Cephalon n’a entrepris aucune démarche à l’égard de Teva entre 2003 et 2005, alors qu’elle ne manquait pas des connaissances nécessaires pour le faire. De ce fait, la décision sur la brevetabilité prise par l’Office des brevets et des marques des États-Unis en septembre 2005 n’explique pas l’inquiétude soudaine alléguée, sachant que Cephalon cherchait elle-même, en 2003, à breveter le modafinil de forme III, ce qui confirme qu’elle savait à tous le moins en 2003 (voir point 72 ci-dessus), qu’il s’agissait d’un objet brevetable. Par ailleurs, au moment de l’accord de règlement, Cephalon n’avait détecté aucune trace de modafinil polymorphe de forme III, que ce soit dans son IPA du modafinil ou dans le produit final Provigil.

83      De plus, il n’existe aucune preuve documentaire d’une éventuelle préoccupation de la part de Cephalon. L’argument des requérantes selon lequel l’absence de preuve contemporaine des faits s’explique par le droit procédural américain doit être rejeté.

84      À cet égard, en premier lieu, dans la mesure où un document relève de la règle du « legal privilege », celui-ci aurait été protégé et n’aurait pas pu être divulgué devant les juridictions américaines.

85      En second lieu, au contraire, il ressort du dossier que certains éléments de preuve contemporains des faits corroborent le fait que Cephalon considérait que ses produits ne violaient pas les DPI de Teva. De surcroît, à l’instar de la Commission, il y a lieu de considérer que, si Cephalon avait réellement perçu un risque d’atteinte aux DPI de Teva, elle aurait agi pour remédier à ce risque, ce qu’elle n’a pas fait. De plus, même au moment où Teva a pris contact avec Cephalon, en juillet 2005, pour discuter d’une licence portant sur ses DPI, Cephalon n’a pas manifesté d’intérêt pour une telle licence en dehors du cadre de l’accord de règlement.

86      Enfin, l’absence de diligences raisonnables de Cephalon à cet égard s’explique s’il est considéré que l’octroi d’une licence sur les DPI de Teva à Cephalon était essentiellement destiné à inciter Teva à accepter les clauses restrictives. En particulier, il ressort de ce qui précède que Cephalon n’avait pas manifesté d’intérêt réel, hors du cadre de l’accord de règlement, pour l’obtention d’une licence. En outre, l’affirmation de Cephalon selon laquelle elle était bien consciente de ce qui existait en matière de brevets à l’égard du modafinil n’est pas convaincante. En effet, elle ne permet pas d’expliquer pourquoi Cephalon a accepté d’acheter la licence sur les DPI de Teva sans procéder à une évaluation du montant des redevances à payer et pourquoi Cephalon a payé immédiatement une partie substantielle de ces redevances, de façon inconditionnelle, sans être certaine que la demande de brevet de Teva serait effectivement accordée. Enfin, il convient de relever que des dispositions standard protégeant les intérêts de Cephalon n’ont pas même été stipulées dans l’accord de licence.

87      Partant, il y a lieu de constater que la Commission a, à bon droit, conclu, dans la décision attaquée, que le niveau du transfert de valeur opéré par la licence sur les DPI de Teva pouvait uniquement s’expliquer par le fait qu’il constituait une contrepartie à l’acceptation par Teva des clauses restrictives.

2)      Sur l’accord d’approvisionnement en IPA modafinil

88      Aux termes de l’article 2.4 de l’accord de règlement, Teva et Cephalon se sont engagées à conclure un accord d’approvisionnement, en vertu duquel, en premier lieu, Teva fournirait à Cephalon un volume minimal de 10 000 kg d’IPA modafinil par an entre 2007 et 2011 (soit au moins 50 000 kg au total) et, en second lieu, Cephalon paierait en retour à Teva un prix minimal fixe, explicitement conçu pour refléter les coûts de fabrication approximatifs de Teva, majorés de 30 %, pour un montant total de 28 millions d’USD entre 2007 et 2011. En conséquence, le 7 novembre 2006, Teva, par l’intermédiaire de sa filiale Plantex, et Cephalon ont conclu un contrat mettant en œuvre les conditions énoncées à l’article 2.4 de l’accord de règlement (ci-après l’« accord d’approvisionnement en IPA modafinil »).

89      Au considérant 781 de la décision attaquée, la Commission a conclu que, pour Teva, les termes de l’accord d’approvisionnement en IPA modafinil représentaient un flux de recettes stable garanti pendant cinq ans, qu’elle n’aurait pas pu obtenir sans accepter les engagements de non-concurrence et de non-contestation figurant dans l’accord de règlement. Quant à Cephalon, la Commission a conclu, dans la décision attaquée, qu’elle n’aurait pas accepté de conclure l’accord d’approvisionnement en IPA modafinil en l’absence de ces engagements, car cela n’aurait pas été rationnel d’un point de vue économique, compte tenu de sa situation en matière d’approvisionnement et de demande à l’époque et des termes de cet accord.

90      Les requérantes contestent la conclusion de la Commission en ce qui concerne Cephalon. Cette dernière aurait fait face à un risque de sous-approvisionnement en IPA modafinil, ce qui ressortirait également des documents contemporains des faits tels que le courriel du 29 décembre 2005. En outre, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir fondé sa décision sur un examen sélectif et déséquilibré du dossier concernant la capacité d’approvisionnement de Cephalon et les conditions de prix convenues avec Teva.

91      Dans ce contexte, les requérantes expliquent que, à la fin du mois de novembre 2005, après que la Food and Drug Administration (FDA, Agence de l’alimentation et du médicament, États-Unis) a annoncé que le Sparlon était susceptible d’être approuvé, Cephalon a augmenté ses estimations internes des besoins en IPA du modafinil pour la production de ses médicaments Provigil, Nuvigil et Sparlon, le lancement de ces deux derniers médicaments ayant été prévu dans un avenir proche, passant d’une quantité de 96 000 kg à une quantité de 138 500 ou 148 000 kg, alors que la capacité d’approvisionnement aurait laissé peu de marge pour faire face à une augmentation de la demande ou à une réduction inattendue de la production. À cet égard, les requérantes font remarquer que, s’agissant des deux usines de Cephalon situées à Mitry-Mory (France), l’une (à savoir l’usine C‑1) était ancienne et l’autre (à savoir l’usine C‑2), bien que nouvelle, avait encore besoin d’une autorisation administrative et qu’il était également douteux que son fournisseur externe, Helsinn, fût en mesure d’augmenter sa production.

92      La voie la plus prudente et la plus sûre pour couvrir le risque de sous-approvisionnement aurait donc été de conclure un contrat avec Teva. Selon Cephalon, Teva était une partenaire logique étant donné qu’elle disposait d’une forte capacité de production de modafinil grâce à ses propres efforts pour lancer des produits à base de modafinil. De plus, la somme totale à payer au titre de cet accord n’aurait représenté qu’une petite fraction des pertes que Cephalon aurait subies si son approvisionnement en IPA avait été insuffisant.

93      La Commission réfute les arguments des requérantes.

94      En premier lieu, il y a lieu de relever que les requérantes ne remettent pas en cause l’intérêt de Teva et que leur critique ne concerne que l’intérêt que Cephalon aurait eu à conclure l’accord d’approvisionnement.

95      En second lieu, l’affirmation selon laquelle la Commission aurait remis en cause l’appréciation commerciale de Cephalon ou aurait effectué un examen sélectif et déséquilibré du dossier ne saurait prospérer. À cet égard, il y a lieu de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a fondé sa conclusion sur des documents contemporains des faits, qui provenaient, pour la plupart, de Cephalon elle-même. Par la suite, la Commission s’est contentée de vérifier la plausibilité des affirmations des requérantes au regard des faits qui ressortaient des éléments de preuve.

96      Or, il résulte effectivement des éléments de preuve en question que la capacité d’approvisionnement estimée de Cephalon à partir de 2007 était suffisante pour satisfaire la demande prévue par celle-ci.

97      Il apparaît à cet égard (voir point 91 ci-dessus) que la chaîne d’approvisionnement de Cephalon se composait de ses usines à Mitry-Mory, à savoir l’usine existante C‑1 et la nouvelle usine C‑2, ainsi que d’un fournisseur externe, Helsinn.

98      Il ressort des documents de Cephalon, contemporains des faits, que cette dernière, à la fin de l’année 2005, a estimé sa demande en IPA modafinil :

–        pour l’année 2006, entre 115 000 et 148 000 kg, alors qu’elle pouvait avoir accès à environ 146 000 kg au total (à savoir 37 000 kg de l’usine C‑1, 29 400 kg de l’usine C‑2 et 80 000 kg de son fournisseur Helsinn) ;

–        pour l’année 2007, entre 117 000 et 146 000 kg, alors qu’elle pouvait avoir accès à environ 230 000 kg au total (à savoir 37 000 kg de l’usine C‑1, 74 000 kg de l’usine C‑2 et 120 000 kg d’Helsinn) ;

–        pour l’année 2008, entre 137 000 et 160 000 kg, alors qu’elle pouvait avoir accès à environ 230 000 kg au total (à savoir 37 000 kg de l’usine C‑1, 74 000 kg de l’usine C‑2 et 120 000 kg d’Helsinn).

99      À partir de ces chiffres, il peut être déduit, s’agissant des années 2007 et 2008, que la capacité d’approvisionnement prévisionnelle de Cephalon dépassait la demande prévisionnelle et qu’une question de sous-approvisionnement à long terme ne se posait donc pas. Partant, la Commission a pu conclure à juste titre que des inquiétudes tenant à un sous-approvisionnement n’étaient pas une explication plausible à la conclusion de l’accord par Cephalon.

100    En outre, il n’y a aucune trace, dans le dossier, d’une inquiétude de Cephalon concernant une éventuelle sous-capacité d’approvisionnement en IPA modafinil à long terme.

101    Certes, il ressort d’un courriel du 29 décembre 2005, invoqué par les requérantes, qu’il existait des préoccupations en matière d’approvisionnement. Toutefois, lesdites préoccupations concernaient uniquement le début de l’année 2006, et non la période suivante. De ce fait, l’accord d’approvisionnement en IPA modafinil conclu avec Teva ne pouvait y remédier pour 2006, car il visait l’approvisionnement relatif à la période allant de 2007 à 2011. En outre, il ressort de ce courriel qu’une solution interne pour remédier au problème signalé concernant le premier semestre de l’année 2006 était disponible, à savoir, ralentir ou arrêter la production du R-modafinil (c’est-à-dire l’IPA du Nuvigil) pendant deux à trois mois afin de constituer un certain stock de modafinil pour faire face à une éventuelle augmentation de la demande concernant le Provigil et à une éventuelle augmentation des prévisions de ventes concernant le Sparlon après son lancement.

102    Au demeurant, le courriel du 29 décembre 2005 est postérieur à la signature de l’accord de règlement. Si une préoccupation réelle concernant un possible problème de sous-approvisionnement à long terme avait existé, celle-ci aurait été mentionnée dans ledit courriel, tout comme le choix de Teva en tant que nouvelle source d’approvisionnement.

103    S’agissant de la critique des requérantes portant sur l’analyse de la tarification sur laquelle Cephalon et Teva se sont entendues (considérants 404 à 407, 749, 750 et 765 de la décision attaquée), il suffit de relever qu’il ressort de ce qui précède que la conclusion par Cephalon de l’accord d’approvisionnement en IPA modafinil n’avait pas été motivée par de véritables préoccupations quant à l’insuffisance d’approvisionnement en IPA modafinil à long terme. Étant donné que les arguments relatifs à la tarification reposent sur la prémisse selon laquelle Cephalon aurait, à juste titre, recherché une source d’approvisionnement supplémentaire pour se protéger du risque de pénurie, ceux-ci peuvent être rejetés comme étant inopérants.

104    En tout état de cause, il résulte de l’analyse faite par la Commission dans la décision attaquée, fondée sur les éléments de preuve du dossier, que les prix de l’IPA du modafinil stipulés dans l’accord d’approvisionnement en IPA modafinil étaient de 100 à 300 % supérieurs aux prix payés à Helsinn ou aux prix internes que Cephalon aurait payés en utilisant ses propres installations de production de Mitry-Mory. De même, les prix de Teva étaient encore plus élevés que les prix offerts par Helsinn dans ses propositions alternatives pour un éventuel nouvel accord d’approvisionnement en IPA modafinil ou par d’autres fournisseurs alternatifs. De plus, l’accord d’approvisionnement en IPA modafinil tel qu’il avait été conclu représentait pour Cephalon un engagement « take or pay » non flexible, par lequel elle s’engageait à acheter des volumes fixes d’IPA modafinil à un moment où la demande future de ses médicaments candidats à base de modafinil (à savoir le Nuvigil et le Sparlon) était incertaine, car elle ne disposait pas encore des approbations réglementaires.

105    Il résulte de ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu estimer que les motifs invoqués par Cephalon pour justifier la conclusion de l’accord d’approvisionnement en IPA modafinil ne correspondaient ni à la voie la plus prudente ni à la voie la plus sûre pour couvrir un risque de sous-approvisionnement.

106    Il résulte également de ce qui précède que la Commission a pu conclure, à bon droit, que l’accord d’approvisionnement en IPA modafinil avait contribué à inciter Teva à accepter les clauses restrictives.

3)      Sur l’accord CEP1347

107    Conformément à l’article 2.3 de l’accord de règlement, Cephalon a accordé à Teva une licence sur des données cliniques et de sécurité codéveloppées par Cephalon dans le cadre d’études sur le traitement de la maladie de Parkinson (ci-après les « données relatives au CEP‑1347 »), dont Teva avait besoin pour le lancement commercial de son médicament Azilect (lequel n’avait pas de lien avec le modafinil), en échange d’1 million d’USD.

108    Au considérant 810 de la décision attaquée, la Commission a constaté que l’accès aux données relatives au CEP‑1347 de Cephalon était très précieux pour Teva, car il pouvait accélérer le lancement commercial de son médicament Azilect, dont elle pouvait escompter des ventes et des bénéfices supplémentaires importants. Quant à Cephalon, la Commission a constaté qu’elle n’avait pas évalué ou négocié de manière indépendante le prix de fourniture de l’accès aux données relatives au CEP‑1347 et qu’elle avait utilisé ces données comme levier dans les négociations sur l’accord de règlement, refusant d’accorder une licence jusqu’à ce que ledit accord soit finalisé. Par conséquent, la Commission a conclu, au considérant 811 de la décision attaquée, qu’il n’était pas plausible que Cephalon ait donné accès aux données relatives au CEP‑1347 en décembre 2005 en l’absence des engagements de non-concurrence et de non-contestation figurant dans l’accord de règlement ou, en tout état de cause, aux mêmes conditions. De ce fait, la Commission a conclu que l’accord CEP‑1347 était un transfert de valeur injustifié, qui avait contribué à inciter Teva à conclure ces engagements dans le contexte plus large de l’accord de règlement.

109    Les requérantes avancent que l’accord CEP‑1347 n’a pas contribué à un transfert de valeur injustifié, voire n’a pas servi de paiement inversé illégal, étant donné que Cephalon a transféré les données relatives au CEP‑1347 au prix du marché.

110    Les requérantes contestent également le calcul effectué par la Commission, au considérant 789 de la décision attaquée, selon lequel un retard d’un an dans le lancement commercial du médicament Azilect aurait entraîné une perte de revenus de l’ordre de 200 millions d’USD pour Teva. Dans la réplique, les requérantes avancent, sur ce sujet, que cette estimation est surévaluée, car la Commission se fonde sur une interprétation erronée du processus réglementaire aux États-Unis. La Commission partirait, à tort, du principe qu’un retard d’approbation de l’Azilect par la FDA aurait privé Teva d’un an d’exclusivité sur l’Azilect et que, partant, cela aurait provoqué une perte d’une année de recettes.

111    La Commission réfute les arguments des requérantes.

112    Il est constant que Teva a contacté Cephalon afin d’obtenir le droit d’utiliser les données relatives au CEP‑1347. À cet égard, n’est pas contesté le fait que Teva avait besoin desdites données afin d’obtenir les approbations réglementaires aux États-Unis, au Canada et en Australie pour son médicament innovant Rasagiline, un équivalent de l’Azilect, en 2006. En effet, en 2005, la procédure d’approbation finale pour commercialiser l’Azilect, introduite par Teva devant la FDA, était en cours. Dans le contexte de cette procédure d’approbation, la FDA avait posé des questions concernant le profil d’effets secondaires de l’Azilect et avait demandé la réalisation d’autres tests dermatologiques. Une réunion était prévue à cet égard entre la FDA et Teva le 7 décembre 2005. Étant donné que Teva n’était pas en mesure de réaliser lesdits tests avant cette date et qu’elle avait appris que Cephalon disposait de données qui pourraient être importantes pour elle, elle a, à plusieurs reprises, contacté Cephalon.

113    De plus, il ressort des éléments de preuve que Cephalon était informée du besoin de Teva et que Teva avait estimé que les données relatives au CEP‑1347 de Cephalon étaient « très utiles » et « cruciales » tant pour la réunion prévue avec la FDA que pour l’approbation de l’Azilect en Australie.

114    Il est également constant que Cephalon a refusé de fournir lesdites données à Teva, et ce en raison des contentieux en cours au sujet de brevets dans lesquels elles étaient impliquées.

115    À cet égard, Teva a indiqué que « Cephalon avait décidé de manière apparemment irrévocable de ne [lui] fournir aucune donnée en vue de sa réunion avec la FDA tant qu[’elle] et Cephalon n’auraient pas réglé de manière intégrale et définitive tous les litiges en cours ainsi que d’autres questions relatives au modafinil ».

116    Ainsi que la Commission l’a fait observer à juste titre dans la décision attaquée, cela indique que Cephalon avait subordonné la communication à Teva des données relatives au CEP‑1347 au règlement du litige en cours au sujet de brevets, pour lequel les engagements de non-concurrence et de non-contestation étaient essentiels.

117    S’agissant du calcul effectué par la Commission au considérant 789 de la décision attaquée, il y a lieu de constater que celui-ci est fondé sur un document interne de Teva contemporain des faits et contenant les prévisions de ventes de l’Azilect effectuées par cette dernière pour les années 2006 à 2009. Sur la base de ces estimations, le calcul d’un manque à gagner en cas de retard de lancement de l’Azilect sur le marché peut être facilement effectué, comme il ressort de la décision attaquée et des explications complémentaires fournies par la Commission dans ses écritures. Il en ressort qu’un tel retard aurait entraîné une perte de revenus de l’ordre de 200 millions d’USD et que même un retard d’une semaine aurait eu des conséquences non négligeables. Cela indique qu’il était important pour Teva d’avoir accès le plus rapidement possible aux données relatives au CEP‑1347.

118    Quant à l’argument, invoqué pour la première fois dans la réplique, selon lequel la Commission aurait mal compris le cadre réglementaire américain, il y a lieu de l’écarter comme étant non fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner sa recevabilité au regard de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

119    En effet, outre le fait que rien n’indique que la Commission n’aurait pas compris le cadre réglementaire américain, il ressort clairement de ce cadre qu’un brevet a une durée de validité limitée et qu’une restauration ne peut être accordée qu’une seule fois. En l’espèce, c’est la perception de Teva à l’époque des faits qui doit être prise en compte. Étant donné qu’elle avait déjà demandé un brevet pour le Rasagiline (l’IPA de l’Azilect) en 1994, elle était consciente que l’exclusivité était temporaire et que la durée des procédures nécessaires à l’approbation du médicament Azilect pouvait réduire la durée de cette protection. Pour elle, il était donc crucial de disposer des données nécessaires le plus tôt possible afin d’obtenir l’autorisation de la FDA.

120    Il résulte de ce qui précède que la Commission a pu conclure à bon droit que la transaction CEP‑1347 a contribué à inciter Teva à accepter les clauses restrictives.

4)      Sur l’accord de distribution au Royaume-Uni

121    Conformément à l’article 2.6 de l’accord de règlement, Cephalon s’est engagée, en premier lieu, à désigner la filiale du Royaume-Uni de Teva comme distributeur exclusif de tous ses produits à base de modafinil au Royaume-Uni pendant cinq ans, avec une marge de distribution de 20 %, et, en second lieu, à effectuer un paiement unique de 2,5 millions d’euros à Teva lors du lancement commercial, par cette dernière, des produits à base de modafinil de Cephalon.

122    Au considérant 946 de la décision attaquée, la Commission a conclu que l’accord de distribution était précieux pour Teva du fait que cette dernière s’attendait à percevoir, dans le cadre dudit accord, un bénéfice d’un montant minimal de 10,5 millions d’euros au titre de sa désignation en tant que distributeur exclusif au Royaume-Uni (à savoir un paiement unique de 2,5 millions d’euros et 8 millions d’euros de bénéfice en tant que distributeur), bénéfice qu’elle n’aurait pu obtenir dans des conditions normales de marché, à tout le moins pas pour le montant total, en l’absence de l’accord de règlement. Selon la Commission, les faits indiquent également clairement que, du point de vue de Cephalon, l’opération n’a d’autre explication plausible que d’inciter Teva à conclure l’accord de règlement. En tant que telle, l’opération aurait donc contribué au transfert de valeur injustifié, qui constituait une contrepartie pour Teva afin qu’elle conclue les engagements dans le contexte plus large de l’accord de règlement.

123    Les requérantes contestent les conclusions de la Commission figurant à cet égard dans la décision attaquée.

124    Après avoir rappelé que Cephalon et Novartis avaient décidé, fin 2005, de ne pas renouveler leur accord de distribution, ce qui avait pour conséquence que Cephalon avait besoin d’un nouveau partenaire de distribution pour ses produits à base de modafinil au Royaume-Uni, les requérantes font valoir que Teva, qui avait déjà commencé à distribuer son produit générique du modafinil au Royaume-Uni, était un choix évident. Les requérantes contestent l’objection de la Commission selon laquelle il s’agissait d’une concurrente, avec laquelle l’accord de distribution a été conclu au motif que, une fois que les parties avaient décidé de conclure un accord à l’amiable, elles n’étaient plus concurrentes.

125    S’agissant des conditions commerciales de l’accord de distribution au Royaume-Uni, les requérantes font valoir que celles-ci étaient raisonnables. À cet égard, elles reprochent à la Commission de s’être concentrée sur la somme de 2,5 millions d’euros en tant que commission de départ et d’avoir insisté sur le fait que les parties n’avaient pas été en mesure, dix ans plus tard, de fournir des informations comptables détaillées. En outre, l’affirmation de la Commission selon laquelle Cephalon n’aurait reçu aucune valeur en échange du paiement unique serait fausse. En effet, si Cephalon avait par exemple accepté d’intégrer les 2,5 millions d’euros dans la commission courante, faisant ainsi passer la commission de Teva de 20 % à 25 %, rien dans le dossier ne permettrait à la Commission d’affirmer que la compensation aurait été irrationnelle. Selon les requérantes, Cephalon a accepté le paiement initial, ainsi qu’il ressort de l’accord de règlement, « en reconnaissance des coûts et des dépenses liés à ce lancement préparé par Teva ».

126    La Commission réfute les arguments des requérantes.

127    Dans le cadre de l’examen de la première branche du présent moyen (voir point 45 ci-dessus), le Tribunal a relevé que, afin de déterminer si l’une des transactions conclues entre les parties dans le cadre de l’accord de règlement était, en fait, la contrepartie de l’acceptation par Teva des clauses restrictives, ou si ladite transaction pouvait s’expliquer autrement, la Commission était amenée à s’interroger sur la question de savoir si les parties auraient conclu cette transaction, ou l’aurait conclue aux mêmes conditions, en l’absence desdites clauses.

128    En l’espèce, comme l’a fait valoir à juste titre la Commission dans la décision attaquée, à l’époque des faits, Teva avait déjà lancé son produit générique du modafinil sur le marché au Royaume-Uni et était donc une concurrente directe de Cephalon sur ce marché, ce qu’elle serait restée sans l’accord de règlement et l’accord de distribution au Royaume-Uni figurant dans celui-ci. Ce constat n’a pas été remis en cause par les requérantes.

129    Dans ces circonstances, la Commission a pu conclure, au considérant 930 de la décision attaquée, que « l’externalisation de la distribution des produits du modafinil [de Cephalon] à la plus importante rivale sur le marché cré[ait] un conflit d’intérêts » et que, « [e]n l’absence de clauses de non-concurrence et de non-contestation de Teva qui mettaient effectivement fin aux activités indépendantes de Teva en matière de modafinil dans le monde entier (y compris au Royaume-Uni), il n[’aur]rait pas [été] économiquement rationnel pour Cephalon d’accorder la distribution de [ses] produits [...] modafinil à Teva, la concurrente et rivale la plus proche sur le marché du modafinil au Royaume-Uni. ».

130    À cet égard, l’argument des requérantes selon lequel elles n’étaient plus concurrentes une fois qu’elles avaient décidé de conclure l’accord de règlement et partant, que leurs intérêts étaient alignés ne saurait prospérer. En effet, l’accord de distribution fait partie de l’accord de règlement et a été conclu dans le contexte de celui-ci. Or, suivre le raisonnement des requérantes reviendrait à considérer que la Commission ne pourrait examiner si une transaction commerciale, telle qu’un accord de distribution, constitue la contrepartie, à tout le moins partielle, à l’acceptation d’engagements de non-concurrence figurant dans un accord de règlement amiable, si ladite transaction faisait partie dudit accord. Ce raisonnement va également à l’encontre de l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52). Dans cet arrêt, la Cour a jugé, aux points 90 et 91, qu’il importait de prendre en considération l’ensemble des transferts de valeurs, à caractère monétaire ou non monétaire, opérés entre les parties, ce qui pouvait impliquer de tenir compte de transferts indirects découlant, par exemple, des bénéfices à retirer par le fabricant de médicaments génériques d’un contrat de distribution conclu avec le fabricant de médicaments princeps et permettant à ce premier fabricant de vendre une quantité éventuellement contingentée de médicaments génériques fabriqués par le fabricant de médicaments princeps.

131    Partant, comme l’a fait valoir la Commission à juste titre, elle était tenue d’examiner si les parties auraient conclu l’accord de distribution au Royaume-Uni en l’absence des engagements de non-concurrence et de non-contestation.

132    Compte tenu du fait que les requérantes ne contestent pas le constat selon lequel, en l’absence de tels engagements, Teva serait restée la concurrente la plus proche de Cephalon sur le marché du modafinil au Royaume-Uni, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, qu’il est hautement improbable que Cephalon aurait choisi sa concurrente la plus proche, Teva, comme son distributeur exclusif au Royaume-Uni sans l’accord de règlement.

133    En d’autres termes, si Teva a pu conclure avec Cephalon l’accord de distribution en cause, qui devait lui rapporter au moins 8 millions d’euros de commission par an, c’est uniquement du fait qu’elle avait accepté les clauses restrictives.

134    Partant, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a considéré que l’accord de distribution avait contribué à augmenter le niveau du transfert de valeur globalement opéré par l’accord de règlement aux fins de fournir à Teva une contrepartie suffisante pour l’inciter à souscrire aux clauses restrictives.

135    Cette conclusion est également confirmée par des documents internes de Cephalon relatifs à l’accord de règlement, évoqués au considérant 944 de la décision attaquée, dans lesquels il est indiqué que « la contrepartie au Royaume-Uni comprend un accord de distribution et d’approvisionnement [...] » (document interne du 8 décembre 2005) et que, au « Royaume-Uni, Teva distribuera le Provigil et, […] en retour, ne lancera pas de modafinil générique avant 2012 » (document interne de la mi-2006).

136    Ensuite, s’agissant du paiement unique d’un montant de 2,5 millions d’euros au titre du contrat de distribution, il y a lieu de constater que, selon l’article 2.6, sous a), i), de l’accord de règlement, ce paiement était prévu en reconnaissance des dépenses et des coûts liés à la préparation de Teva au lancement commercial par celle-ci du produit à base de modafinil de Cephalon au Royaume-Uni ainsi qu’en reconnaissance de la licence sur les DPI.

137    À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission, dans la décision attaquée, ne remet pas en cause la commission au taux de 20 % du prix de vente des produits à base de modafinil au Royaume-Uni pour Teva, mais le paiement unique. Selon la Commission, Cephalon n’a reçu aucune valeur ni aucun avantage commercial en échange du paiement unique.

138    En premier lieu, il convient de relever qu’il est constant que le paiement unique ne vise que les prétendus coûts et dépenses de Teva. Lors de la procédure administrative, les requérantes ont admis que le paiement n’avait pas été effectué en contrepartie d’une licence sur les DPI, bien que l’article 2.6, sous a), i), de l’accord de règlement l’indique comme l’une des raisons du paiement unique.

139    En second lieu, il convient de constater que rien dans les éléments de preuve contemporains des faits n’indique comment les parties ont déterminé « les coûts et dépenses de Teva liés à la préparation/ou lancement du produit modafinil de Cephalon » qui auraient dû être compensés par Cephalon, ainsi que le montant exact de ces coûts, ou quels services Cephalon aurait pu attendre de Teva.

140    En effet, il ressort de la décision attaquée que, lors de la procédure administrative, la Commission a demandé à plusieurs reprises aux requérantes d’expliquer la raison d’être du paiement unique. Or, les requérantes n’ont jamais été en mesure d’identifier les services que Cephalon aurait reçus en contrepartie du paiement unique, ni d’expliquer comment le montant de ce paiement a été calculé, ni même de démontrer que Cephalon avait demandé des précisions sur les coûts supportés par Teva au cours des négociations de l’accord de règlement.

141    Comme l’a fait valoir la Commission, le modèle de distribution de Teva au Royaume-Uni confirme que celle-ci n’a pas fourni de services à Cephalon lié au lancement des produits à base de modafinil de cette dernière et qu’elle n’a pas non plus supporté les coûts de ce lancement. En effet, les tâches de Teva, en tant que distributeur au titre de l’accord de distribution, se limitaient à la prise de commandes des clients, à la passation de commandes à Cephalon, à la réception des produits de cette dernière, à l’entreposage et au stockage des produits et à la garantie de leur transport vers les clients. Toutes les autres tâches, telles que le transport des produits vers l’entrepôt de Teva, l’emballage des produits, les activités de marketing, de publicité et de promotion, ont été exécutées par Cephalon.

142    Partant, la Commission a pu constater à bon droit que l’accord en cause avait contribué au transfert de valeur injustifié.

5)      Sur les paiements destinés à éviter des frais de contentieux

143    L’article 2.5 de l’accord de règlement prévoit l’obligation pour Cephalon d’effectuer deux paiements à Teva en reconnaissance des économies réalisées par Cephalon (en évitant les coûts, les pertes de temps et de ressources, etc.) à la suite de la cessation des litiges en cours au Royaume-Uni et de la prévention d’éventuels litiges portant sur le modafinil entre les deux parties sur d’autres marchés, à savoir :

–        un paiement de 2,1 millions de GBP (environ 3,07 millions d’euros) pour mettre fin au litige en cours au Royaume-Uni [article 2, paragraphe 5, sous b), de l’accord de règlement] ;

–        un paiement de 2,5 millions d’euros pour prévenir d’éventuels litiges futurs en matière de brevets ou autres sur les marchés européens et sur d’autres marchés en dehors des États-Unis ou du Royaume-Uni [article 2, paragraphe 5, sous c), de l’accord de règlement].

144    En vertu de l’article 2, paragraphe 5, sous b), de l’accord de règlement, la libération de l’obligation en cause tenait compte de la nécessité d’éviter les coûts futurs que Cephalon aurait supportés et qu’elle était ainsi en mesure d’économiser, à savoir « des coûts, de la dépense de temps et de ressources, des perturbations et des charges liées à la poursuite de tels litiges au Royaume-Uni ».

145    Conformément à l’article 4.2 de l’accord de règlement, Cephalon et Teva ont supporté leurs propres dépens en ce qui concerne le règlement du litige au Royaume-Uni.

146    De ce fait, la Commission a conclu, dans la décision attaquée, que l’accord de règlement ne prévoyait pas d’indemnisation de Teva pour les frais de justice réellement exposés. Les paiements, d’un montant de 5,57 millions d’euros, auraient servi à mettre fin à un litige au Royaume-Uni et à s’abstenir de tout litige futur entre les parties sur d’autres marchés en dehors du Royaume-Uni et des États-Unis. La Commission a donc considéré, aux considérants 898 et 899 de la décision attaquée, que ces deux paiements contribuaient au transfert injustifié de valeur en faveur de Teva.

147    Les requérantes avancent que, dans l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52), la Cour n’affirme nulle part que de véritables paiements destinés à éviter des frais de contentieux ne seraient pas autorisés.

148    De plus, elles font référence aux juridictions du Royaume-Uni et des États-Unis, qui auraient accepté des frais de contentieux évités.

149    La Commission conteste l’argumentation des requérantes.

150    Au point 86 de l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52), la Cour a considéré que, dans le cadre d’un accord de règlement amiable, un transfert de sommes pouvait être justifié lorsqu’il correspondait effectivement à la compensation des frais ou des désagréments liés au litige qui opposait les parties. Toutefois, la Cour n’a pas dit pour droit, dans ce même arrêt, que cette justification pouvait également s’appliquer à tous les coûts associés à d’éventuelles procédures judiciaires futures.

151    En l’espèce, il est constant que Teva a obtenu de Cephalon le paiement d’une somme d’un montant de 5,57 millions d’euros sans aucune contrepartie.

152    De plus, les paiements de la somme en question ne sont liés à aucun coût supporté par Teva.

153    À cet égard, il est constant que les requérantes sont convenues que chacune d’elles supporterait ses propres dépens (voir point 145 ci-dessus).

154    De même, si Cephalon et Teva avaient poursuivi leur procédure en cours au Royaume-Uni, ou si elles avaient engagé une nouvelle procédure devant d’autres juridictions, elles auraient toutes les deux encouru des frais de contentieux supplémentaires.

155    Cependant, outre cela, il a été convenu que Cephalon paierait des sommes supplémentaires à Teva (voir point 143 ci-dessus).

156    Comme l’a fait valoir la Commission dans ses écritures et comme elle l’a indiqué dans la décision attaquée, il n’y avait aucune logique à ce que Teva, outre le fait d’éviter de futurs frais contentieux, tout comme Cephalon, obtienne également deux paiements en espèces correspondant prétendument aux frais de contentieux évités par Cephalon.

157    Partant, lesdits paiements en espèces ne sauraient correspondre « effectivement à la compensation de frais ou de désagréments liés au litige », comme l’exige la jurisprudence citée au point 150 ci-dessus.

158    Il importe également de relever, à l’instar de la Commission, que les requérantes ne contestent pas le fait que le dossier ne contient aucun élément démontrant que les montants de ces sommes ont été convenus sur la base d’une estimation par les parties des frais évités par Cephalon. En effet, il ressort du dossier que les paiements ont été dissociés de tout litige réel ou potentiel. En particulier, les requérantes ne contestent pas que le paiement relatif aux frais de contentieux évités correspondait à un montant calculé sur la base des prévisions de ventes de modafinil au Royaume-Uni, telles qu’établi par Teva au cours de la procédure judiciaire (voir point 143, premier tiret, ci-dessus), et que ce montant n’était pas lié à d’éventuels frais de contentieux évités. Elles ne contestent pas non plus que, lorsque le montant de la somme à payer pour les frais de contentieux évités dans d’autres juridictions (voir point 143, second tiret, ci-dessus) a été augmenté, le paiement unique pour l’accord de distribution au Royaume-Uni a été réduit à due concurrence, ce qui a conduit à la réaffectation des sommes en question dans deux paiements apparemment indépendants.

159    Quant à l’argument selon lequel, devant d’autres juridictions, telles que celles des États-Unis, les paiements correspondant à des frais économisés sont acceptés, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 150 ci-dessus, en principe, seules les compensations accordées par le fabricant de médicaments princeps pour des litiges réels ou d’autres frais encourus par un fabricant de médicaments génériques peuvent être considérées comme étant justifiées et, en tant que telles, ne constituent pas des paiements inversés.

160    Or, à supposer même que des paiements destinés à éviter des frais de contentieux futurs puissent être considérés dans certains cas comme étant justifiés, il n’en demeure pas moins que les parties n’ont pas apporté d’éléments portant sur le calcul ou l’estimation des frais évités susceptibles de servir de justification.

161    Partant, c’est à juste titre que la Commission a constaté que les paiements obtenus par Teva pour les frais de contentieux évités par Cephalon n’avaient pas d’autre explication plausible que d’augmenter le niveau du transfert de valeur globalement opéré en faveur de Teva par l’accord de règlement aux fins de fournir à celle-ci une contrepartie suffisante pour l’inciter à souscrire aux clauses restrictives.

162    Il résulte des appréciations qui précèdent que, dans la décision attaquée, la Commission a appliqué le critère juridique approprié en établissant que chacune des transactions commerciales prévues dans l’accord de règlement n’avait eu d’autre but que d’augmenter le niveau du transfert de valeur globalement opéré en faveur de Teva par l’accord de règlement afin de l’inciter à accepter les clauses restrictives. À cet égard, la Commission a examiné, pour chaque transaction commerciale, notamment, la raison d’être des explications alternatives avancées par les requérantes et l’intérêt, tant de Cephalon que de Teva, à réaliser le transfert de valeur associé. En outre, elle a, à juste titre, pu constater que l’ensemble des transactions était suffisant pour inciter Teva à accepter les engagements de non-concurrence et de non-contestation.

163    Il n’est pas contesté que lesdites transactions ont été négociées en même temps et de manière interdépendante. Il y a également lieu de constater que l’accord de règlement a été conclu en tant qu’accord unique, juridiquement contraignant, constituant la base de tous les actes conclus par les requérantes. En outre, il ressort du déroulement des négociations, tel qu’analysé par la Commission dans la décision attaquée sur la base des éléments de preuve, que tant Cephalon que Teva ont cherché à trouver une combinaison de transactions représentant une certaine valeur globale suffisamment bénéfique pour cette dernière afin qu’elle accepte les clauses restrictives.

164    Dans ce contexte, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus, ce qui compte aux fins d’examiner si la qualification de « restriction par objet » peut être retenue s’agissant d’un accord de règlement amiable intervenant entre des fabricants de médicaments princeps et des fabricants de médicaments génériques, c’est le solde positif net des transferts de valeurs opérés dans le cadre de l’ensemble des transactions intervenues entre ceux-ci.

165    Partant, l’argument par lequel les requérantes reprochent à la Commission d’avoir évalué les accords commerciaux figurant dans l’accord de règlement comme un « ensemble », « indépendamment de la quantification exacte et [de] la contribution réelle de chaque transaction au transfert de valeur global », doit être écarté.

166    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que tant la première branche que la deuxième branche doivent être rejetées dans leur intégralité.

c)      Sur la troisième branche du premier moyen

167    La troisième branche du premier moyen concerne le second critère établi par l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52), selon lequel l’existence d’effets proconcurrentiels avérés, pertinents, propres à l’accord concerné et suffisamment importants, de sorte qu’ils permettent raisonnablement de douter du caractère suffisamment nocif à l’égard de la concurrence dudit accord, s’oppose à un constat de restriction de concurrence par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, points 107 et 111].

168    Dans la section 6.9 de la décision attaquée, qui correspond aux considérants 974 à 1012 de ladite décision, la Commission a examiné le second critère de l’arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52), pour parvenir à la conclusion que l’accord de règlement ne pouvait pas produire d’effets proconcurrentiels qui étaient avérés, pertinents, suffisamment importants et non incertains, lesquels auraient été susceptibles de jeter un doute raisonnable sur l’objet anticoncurrentiel dudit accord.

169    Plus spécifiquement, dans la décision attaquée, la Commission a rejeté les prétendus effets proconcurrentiels des droits génériques accordés à Teva par Cephalon, au motif qu’il s’agissait d’une entrée retardée et contrôlée sur les marchés du modafinil (considérants 977 à 981 de la décision attaquée), que ces droits avaient rendu moins probable l’entrée sur lesdits marchés d’autres fabricants de médicaments génériques (considérants 982 à 992 de la décision attaquée), que la stratégie de Cephalon concernant le Nuvigil avait compromis les éventuels effets proconcurrentiels allégués (considérants 993 à 995 de la décision attaquée) et que les droits génériques accordés à Teva n’étaient pas l’objet principal de l’accord de règlement (considérants 996 à 1001 de la décision attaquée).

170    Les requérantes font valoir que l’accord de règlement a eu des effets proconcurrentiels, excluant qu’il constituait une restriction de concurrence par objet. Lesdits effets découleraient des droits génériques accordés à Teva, ce qui lui aurait permis une entrée indépendante et précoce sur les marchés du modafinil, au moins trois ans avant l’expiration des brevets sur la taille des particules de Cephalon (au regard du cas de figure où Teva n’aurait pas gagné dans la procédure judiciaire contre Cephalon). Les effets proconcurrentiels découlant de cette entrée précoce sur les marchés du modafinil seraient pertinents, certains et suffisamment significatifs, ainsi que cela résulterait également de la décision autorisant la concentration entre Teva et Cephalon (voir point 4 ci-dessus). À cet égard, les requérantes mettent l’accent sur le fait que ladite décision constaterait que, à partir d’octobre 2012, « Teva [était] libre de lancer le modafinil dans l’EEE, sans faire l’objet de poursuites judiciaires de la part de Cephalon » (considérant 95 de cette décision) et que, en raison de ses droits génériques, « Teva [...] était la seule concurrente qui avait le droit garanti d’entrer sur les marchés de l’EEE entre octobre 2012 et octobre 2015 » (considérant 126 de cette décision), ce qui, selon la Commission, érigerait Teva en « contrainte concurrentielle la plus probable exercée sur Cephalon, au moins pendant la période allant d’octobre 2012 à octobre 2015 ». Il en découlerait également que les effets proconcurrentiels seraient propres à l’accord de règlement.

171    La position de la Commission, telle qu’exposée dans la décision attaquée et selon laquelle ses conclusions dans la décision autorisant la concentration seraient sans intérêt en l’espèce, n’est pas, selon les requérantes, crédible. En effet, la décision autorisant la concentration aurait clairement analysé les effets proconcurrentiels associés à la certitude d’une entrée précoce de Teva sur les marchés du modafinil comme découlant directement de l’accord de règlement, dans la mesure où elle aurait examiné la possibilité pour celle-ci d’entrer sur les marchés du modafinil sans faire l’objet d’une action en justice, alors que d’autres fabricants de médicaments génériques auraient toujours fait face à la menace d’une telle action.

172    En outre, selon les requérantes, si l’accord de règlement n’avait pas eu un tel potentiel proconcurrentiel, la Commission n’aurait pas exigé de Teva qu’elle cédât ses droits liés au modafinil à un tiers comme condition de son acquisition de Cephalon.

173    Les requérantes contestent également les autres constats de la Commission selon lesquels les droits génériques de Teva auraient conduit à une entrée retardée et contrôlée, auraient rendu moins probable l’entrée sur le marché d’autres fabricants de médicaments génériques, auraient été compromis par la stratégie de Cephalon concernant le Nuvigil et ne constitueraient pas l’objet principal de l’accord.

174    La Commission réfute les arguments des requérantes.

175    Ainsi qu’il ressort du point 18 ci-dessus, les droits génériques de Teva font partie de l’accord de règlement. Aux termes de l’article 3 de l’accord de règlement, Cephalon s’est engagée à accorder à Teva un droit non exclusif en vertu des « brevets listés » pour fabriquer, utiliser, commercialiser et vendre son produit générique du modafinil aux États-Unis ainsi que sur d’autres marchés (y compris celui de l’EEE) et à faire de même en ce qui concernait la fourniture de l’IPA du modafinil pour les produits pharmaceutiques finis qui avaient le modafinil comme IPA, à partir de 2011, aux États-Unis et, à partir de 2012, sur d’autres marchés, y compris celui de l’EEE. L’article 3.1.1 de l’accord de règlement établit que les droits génériques de Teva s’appliquent, s’agissant d’autres marchés, y compris celui de l’EEE, au plus tôt le 6 octobre 2012 ou à la date correspondant à trois années civiles avant la date d’expiration des brevets d’exclusivité. Selon cette même disposition, Teva doit payer à Cephalon une redevance égale à 10 % de tous les bénéfices nets tirés des ventes de produits génériques du modafinil par Teva ou ses filiales aux États-Unis et sur d’autres marchés à la date effective de ces droits génériques.

176    Les articles 3.1.2 et 3.1.3 de l’accord de règlement portent, notamment, sur les mécanismes déclenchés par l’entrée anticipée éventuelle de tiers sur les marchés du modafinil. Ces dispositions ont permis à Teva de lancer sa propre version générique du modafinil dès l’entrée sur le marché de toute autre société fabriquant des médicaments génériques, que Cephalon ait ou non autorisé cette entrée. Si Teva, conformément aux dispositions susmentionnées, mettait son produit générique sur les marchés du modafinil avant la date effective de prise d’effets de ces droits, elle serait tenue de payer des redevances majorées de 15 % (si l’entrée était autorisée par Cephalon) ou de 20 % (s’il s’agissait d’une entrée à risque, sans autorisation par Cephalon) pendant la période pertinente. Les scénarios envisagés dans la disposition incluent Cephalon, qui demande une mesure d’interdiction temporaire ou d’autres mesures correctives. Dans ces cas, les droits génériques de Teva seraient suspendus [article 3, paragraphe 1.3.3, sous a), de l’accord de règlement] et Cephalon rachèterait les stocks à Teva à des prix convenus [article 3, paragraphe 1.3.3, sous b), de l’accord de règlement].

177    Premièrement, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que l’affirmation des requérantes selon laquelle l’accord de règlement a accéléré l’entrée indépendante de Teva sur le marché au regard du cas de figure où celle-ci n’aurait pas gagné dans la procédure judiciaire contre Cephalon doit être rejetée. Il résulte de la jurisprudence que, pour déterminer si des effets proconcurrentiels s’opposent à la constatation d’une restriction par objet, il n’est pas nécessaire d’examiner d’autres scénarios, tels ceux selon lesquels l’une ou l’autre partie aurait gain de cause dans un litige en matière de brevets. Il suffit que la Commission, pour qualifier l’accord de restriction par objet, établisse qu’il présente un degré de nocivité suffisant à l’égard de la concurrence compte tenu de la teneur de ses dispositions, de ses objectifs ainsi que du contexte économique et juridique dans lequel il s’insère (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Lundbeck/Commission, C‑591/16 P, EU:C:2021:243, points 140 et 141).

178    Deuxièmement, il est constant que, avant la conclusion de l’accord de règlement, Teva était la concurrente potentielle de Cephalon la plus avancée sur le marché du modafinil. Teva avait des possibilités concrètes d’entrer sur ledit marché bien avant 2012 (plus précisément, en 2005) en tant qu’entrante indépendante. L’accord de règlement a éliminé cette possibilité.

179    Certes, l’accord de règlement et les droits génériques de Teva qui s’y rapportent ne prévoient l’entrée de Teva sur le marché du modafinil qu’en 2012. Cette entrée ne se réalise pas en raison du libre jeu de la concurrence, mais en raison d’une concertation entre les parties. Partant, il ne s’agit pas d’une entrée précoce ayant un effet proconcurrentiel, comme le prétendent les requérantes. Il ne s’agit que d’une entrée prévue contractuellement, que l’accord de règlement a retardée de sept années et qui a donné la garantie à Cephalon qu’elle ne subirait aucune concurrence de la part de Teva durant cette période.

180    Par ailleurs, cette entrée de Teva sur le marché du modafinil, à partir de 2012, ne saurait être assimilée à l’entrée sur ledit marché d’un acteur indépendant s’engageant dans une concurrence directe avec Cephalon. D’une part, l’entrée prévue de Teva sur le marché du modafinil était fondée sur une licence accordée par Cephalon et, d’autre part, elle était soumise à des redevances importantes, qui représentaient 10 à 20 % des bénéfices nets provenant de la vente de tous les produits génériques du modafinil de Teva. De ce fait, il était peu probable qu’il y ait une forte concurrence par les prix entre Teva et Cephalon.

181    Troisièmement, les arguments des requérantes, tirés de la décision autorisant la concentration entre Teva et Cephalon, doivent être rejetés.

182    En premier lieu, force est de constater que le cadre de référence de la décision autorisant la concentration est différent de celui sur lequel est fondée l’analyse de l’accord de règlement au regard de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Alors que, dans la décision attaquée, la Commission a évalué la restriction de concurrence causée par l’accord de règlement et a comparé son incidence à un scénario contrefactuel dans lequel l’accord de règlement n’aurait pas été conclu, la décision relative à la concentration entre Teva et Cephalon prend l’accord de règlement pour acquis et évalue l’incidence probable de la concentration des parties sur la concurrence dans un avenir prévisible au regard des règles de l’Union en matière de contrôle des concentrations, à partir de 2011.

183    En second lieu, dans ce contexte, il n’est pas surprenant que la Commission ait tenu compte de l’existence de l’accord de règlement et des droits génériques de Teva et ait conclu que cette dernière avait quelques « avantages », découlant de l’accord de règlement, comme celui consistant à lancer les produits génériques du modafinil dans l’EEE sans faire l’objet de poursuites judiciaires de la part de Cephalon, alors que les autres fabricants de médicaments génériques étaient dépourvus de ces avantages et faisaient face à des actions en justice pendantes en matière de brevets qui impliquaient également des injonctions. Cela explique que la Commission a, au considérant 98 de la décision autorisant la concentration, mis en doute le fait que les fabricants de médicaments génériques autres que Teva, entre octobre 2012 et octobre 2015, aient été en mesure d’exercer une pression concurrentielle significative sur le produit générique du modafinil de Cephalon. Partant, le fait que la Commission a estimé, dans la décision autorisant la concentration, qu’après et malgré la conclusion de l’accord de règlement, Teva était toujours la contrainte concurrentielle la plus probable exercée sur Cephalon ne signifie pas qu’elle aurait considéré que les droits génériques de Teva avaient un effet proconcurrentiel.

184    De même, le fait que la Commission a accepté des engagements de Teva dans le cadre de la procédure de contrôle des concentrations ne signifie pas non plus que la Commission aurait conclu aux effets proconcurrentiels de l’accord de règlement et des droits génériques de Teva qui s’y rapportent. Au contraire, de tels engagements visent, comme l’a fait valoir à juste titre la Commission, à rétablir la contrainte concurrentielle sur Cephalon, que la concentration avait fait disparaître, sur le marché du modafinil.

185    Pour autant que les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir tenu compte, dans la décision attaquée, de l’arrêt du 12 décembre 2018, Krka/Commission (T‑684/14, non publié, sous pourvoi, EU:T:2018:918), car elle aurait estimé qu’une entrée sous licence équivalait à une entrée contrôlée, ledit reproche ne saurait prospérer. En effet, l’affaire ayant donné lieu audit arrêt diffère de la présente espèce. Alors que, dans ladite affaire, le fabricant de médicaments génériques a été autorisé à entrer immédiatement sur les marchés en cause, en l’espèce, la nocivité à l’égard de la concurrence découle du fait que l’accord de règlement prévoyait de retarder l’entrée de Teva de près de sept années.

186    Enfin, il y a lieu d’écarter l’argumentation des requérantes par laquelle elles contestent les conclusions figurant dans la décision attaquée selon lesquelles, tout d’abord, les droits génériques de Teva auraient rendu moins probable l’entrée sur le marché du modafinil d’autres fabricants de médicaments génériques, ensuite, la stratégie de Cephalon concernant le Nuvigil aurait compromis les éventuels effets proconcurrentiels allégués de ces droits génériques de Teva et, enfin, lesdits droits n’auraient pas été l’objet principal de l’accord de règlement.

187    À cet égard, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la Commission n’a pas exigé que Teva poursuive les actions en justice. La Commission n’a pas non plus soutenu que le fait que Teva aurait obtenu gain de cause dans le cadre du litige relatif aux brevets aurait permis aux autres fabricants de médicaments génériques d’entrer immédiatement sur le marché du modafinil. Il n’en demeure pas moins que l’invalidation des brevets de Cephalon aurait éliminé une barrière à l’entrée sur ledit marché, qui constituait un obstacle tant pour Teva que pour les autres fabricants et que, dans le cas où Teva aurait obtenu gain de cause, les autres fabricants auraient également pu en profiter.

188    De même, les requérantes ne peuvent nier que les droits génériques de Teva ont permis à cette dernière d’être la première à entrer sur le marché des médicaments génériques du modafinil, avant l’expiration des brevets de Cephalon et sans risquer de faire l’objet d’une action en justice. Cette position de première entrante sur le marché des médicaments génériques du modafinil était susceptible de donner à Teva la possibilité de renforcer sa position, ce qui lui aurait ensuite permis de rendre plus difficile à tout concurrent l’entrée sur ce marché, par exemple par le biais d’une stratégie de prix agressive, outre le fait qu’un nouvel entrant aurait pu faire face à des actions en justice de la part de Cephalon, voire rencontrer d’autres obstacles.

189    S’agissant de la stratégie de Cephalon visant à réorienter les patients utilisant le Provigil à base de modafinil vers son produit de deuxième génération, le Nuvigil, fondé sur l’armodafinil (stratégie destinée à pallier l’expiration des brevets impliquant la concurrence des médicaments génériques), c’est à juste titre que la Commission en a tenu compte, sachant que, d’un point de vue ex ante, les droits génériques de Teva lui auraient tout au plus permis d’entrer sous licence sur ce qui restait encore du marché des patients du modafinil d’ici à 2012. La Commission pouvait donc supposer que, même si les droits génériques accordés à Teva avaient des effets proconcurrentiels, ces effets étaient très limités et insuffisants pour remettre en cause la qualification de l’accord de règlement de restriction de concurrence par objet.

190    La Commission a également écarté à juste titre, aux considérants 996 à 1001 de la décision attaquée, l’allégation des requérantes selon laquelle les droits génériques de Teva constituaient l’objet principal de l’accord de règlement et étaient proconcurrentiels, alors que les clauses restrictives n’étaient qu’accessoires audit accord. À cet égard, l’argument tiré du caractère principalement proconcurrentiel de l’accord de règlement doit être écarté au regard des appréciations qui précèdent, dans la mesure où l’entrée de Teva sur les marchés du modafinil doit être qualifiée d’entrée retardée, contrôlée et limitée sur lesdits marchés, plutôt que d’entrée précoce, comme le soutiennent les requérantes (voir points 178 à 180 ci-dessus). Il en va de même de l’argument fondé sur le caractère prétendument accessoire des clauses restrictives, dès lors qu’il résulte de la jurisprudence que la conclusion selon laquelle un accord doit être qualifié de « restriction par objet » ne saurait être écartée au motif que les entreprises ayant conclu cet accord se prévalent du fait que les restrictions découlant de celui-ci ne présenteraient qu’un caractère accessoire [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 96].

191    Partant, la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

d)      Sur la quatrième branche du premier moyen

192    Dans le cadre de la quatrième branche, qui comporte deux griefs, les requérantes estiment que la Commission a commis une erreur de fait et de droit dans son appréciation du contexte économique et juridique de l’accord de règlement, d’une part, en déformant la perception du litige par les parties et, d’autre part, en considérant que les clauses restrictives que comportait l’accord de règlement étaient « exclues du champ ».

193    Quant au premier grief, les requérantes reprochent, en substance, à la Commission d’avoir formulé un trop grand nombre de suppositions dans la décision attaquée, et ce sur la base de preuves peu nombreuses, tenant au fait que Teva aurait été convaincue que les brevets de Cephalon sur la taille des particules n’étaient pas valides et que son produit ne les enfreignait pas et, par conséquent, d’avoir tiré la conclusion que Teva n’aurait pas accepté des clauses restrictives compte tenu de sa perception de la solidité du brevet de Cephalon ou, plus généralement, de ses chances de succès, mais en raison de la valeur que les transactions commerciales auraient transférée en sa faveur.

194    Quant au second grief, les requérantes soutiennent que la conclusion exposée aux considérants 667 à 678 de la décision attaquée, selon laquelle la portée de l’engagement de non-concurrence de Teva dépasse la portée des brevets de Cephalon, est erronée et illogique. À cet égard, les requérantes mettent en avant le fait que, ainsi qu’il résulte des études, pour obtenir une similitude essentielle avec le Provigil, il était nécessaire d’utiliser les particules de modafinil appartenant à la gamme de tailles revendiquée dans les brevets de Cephalon. De ce fait, les accords de non-concurrence ne seraient pas allés au-delà de la portée potentielle des brevets.

195    La Commission conteste les erreurs alléguées par les requérantes.

196    S’agissant du premier grief, il ressort de décision attaquée que la Commission s’est fondée sur plusieurs éléments pour conclure que Teva avait des doutes concernant la position de Cephalon en matière de brevets.

197    À cet égard, la décision attaquée mentionne, notamment, que :

–        Teva a commencé à développer sa version générique du modafinil qu’elle a lancée à risque au Royaume-Uni en 2005 (considérants 152, 158 et 610 de la décision attaquée) ;

–        Teva a, à plusieurs reprises, déclaré que les brevets de Cephalon sur la taille des particules n’étaient pas valables ou que son produit générique du modafinil n’enfreignait pas lesdits brevets (considérants 153 à 155 de la décision attaquée) ;

–        l’expert scientifique de Teva a déclaré, en avril 2003, que « Teva [était] parvenue à démontrer la bioéquivalence [avec le modafinil de Cephalon] en formulant un matériau qui ne rel[e]v[ait] pas du champ d’application du brevet de Cephalon » (considérants 157 et 611 de la décision attaquée) ;

–        les essais effectués par un laboratoire aux États-Unis, choisi par Cephalon, sur les échantillons de modafinil de Teva au cours de la procédure relative aux brevets au Royaume-Uni montrent que le modafinil de Teva ne violait pas les brevets sur la taille des particules de Cephalon (considérants 159 et 611 de la décision attaquée).

198    Partant, l’allégation des requérantes selon laquelle la Commission n’a pas étayé ses affirmations, dans la décision attaquée, par des éléments de preuve portant sur la position interne de Teva n’est pas fondée. En outre, la perception de Teva en ce qui concerne la position de Cephalon en matière de brevets constitue également un indice que ce n’est pas la solidité des brevets de Cephalon ou l’incertitude quant à l’issue du litige, mais les incitations financières qui ont joué un rôle dans la conclusion de l’accord de règlement.

199    S’agissant du second grief, il y a lieu de rappeler que, selon des dispositions de la clause de non-concurrence, Teva s’est engagée à ne pas produire, commercialiser ni importer de médicaments finis contenant du modafinil comme IPA.

200    L’engagement de ne pas entrer en concurrence garantissait que Teva cesserait toute fabrication et commercialisation de produits à base de modafinil, que le procédé de fabrication et de commercialisation soit ou non fondé sur une technologie qui enfreignait les brevets existants de Cephalon.

201    Les requérantes ne contestent pas que l’engagement de non-concurrence couvre l’ensemble des produits à base de modafinil.

202    Étant donné qu’il s’agit d’un engagement portant sur « tout médicament fini », et non sur tout produit fini susceptible de violer les brevets sur le modafinil détenus par Cephalon, la Commission a pu constater à juste titre que l’engagement de Teva était un accord concernant son comportement sur le marché et non simplement un engagement de ne pas enfreindre les brevets de Cephalon, et ce d’autant plus qu’il est possible de développer un produit générique du modafinil qui ne relève pas du champ d’application des brevets de Cephalon. Comme l’a fait valoir à juste titre la Commission, Cephalon n’aurait jamais pu légalement obtenir des engagements de non-concurrence aussi larges en appliquant avec succès les brevets sur la taille des particules. Partant, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant cet engagement comme étant exclu du champ d’application des brevets.

203    En outre, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la Commission n’était pas tenue de prouver que Teva aurait pu développer, ou aurait développé, une version non contrefaisante. En effet, il suffisait de démontrer que Teva disposait de possibilités réelles et concrètes de pénétrer les marchés du modafinil et était donc une concurrente potentielle. Au demeurant, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 197 ci-dessus, Teva a considéré qu’elle avait réussi à « démontrer la bioéquivalence [avec le modafinil de Cephalon] en formulant un matériau qui ne rel[evait] pas du champ d’application du brevet de Cephalon ». De plus, les tests effectués sur l’échantillon de Teva, qui datent de 2005, n’ont pas démontré la contrefaçon des brevets de Cephalon.

204    Enfin, même si l’accord de règlement ne contenait pas d’engagements dont il était allégué qu’ils relevaient « du champ d’application » des brevets de Cephalon sur le modafinil, cela n’exclut pas la constatation d’une restriction par objet. En l’espèce, l’objectif de l’accord de règlement était de maintenir Teva hors des marchés du modafinil par des transferts de valeurs d’un niveau global qui était suffisamment élevé pour l’inciter à reporter ses efforts indépendants pour entrer sur ces marchés. Or, un tel accord, qui détermine le comportement futur de concurrents potentiels sur le marché, a pour objet de restreindre la concurrence, et ce indépendamment de la question de savoir si Cephalon aurait ou non pu, en vertu du droit des brevets, obtenir la même exclusion par une décision juridictionnelle (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Lundbeck/Commission, T‑472/13, EU:T:2016:449, points 491 à 499).

205    Il résulte de ce qui précède que la quatrième branche du premier moyen doit également être rejetée et partant, le premier moyen dans son ensemble.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit et de fait en ce que la Commission a qualifié l’accord de règlement de restriction par effet

206    Par leur deuxième moyen, qui se divise en deux branches, les requérantes affirment que la Commission a conclu à tort que l’accord de règlement constituait une restriction de concurrence par effet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Bien que le rejet du premier moyen des requérantes, par lequel elles contestaient la qualification de l’accord de règlement comme étant constitutif d’une restriction de concurrence par objet, rende, a priori, inutile l’examen de leur deuxième moyen (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, points 28 à 30 et jurisprudence citée), le Tribunal estime opportun, dans les circonstances de l’espèce, de poursuivre son examen.

207    Dans le cadre de la première branche, les requérantes font valoir que, en se référant à l’arrêt du 12 décembre 2018, Krka/Commission (T‑684/14, non publié, sous pourvoi, EU:T:2018:918), la Commission a appliqué un critère juridique erroné en se fondant sur les effets potentiels de l’accord de règlement sans chercher à en démontrer les effets réels.

208    Plus spécifiquement, les requérantes contestent l’approche suivie par la Commission, au considérant 1030 de la décision attaquée, selon laquelle, « pour établir l’existence d’effets restrictifs sur la concurrence, il suffit de déterminer les effets potentiels de l’accord sur la concurrence ». À cet égard, les requérantes font valoir que l’appréciation d’accords qui n’ont pas été mis en œuvre doit effectivement prendre en considération les effets potentiels que ces accords sont « susceptibles » d’avoir, alors que l’appréciation des accords qui ont déjà été mis en œuvre doit prendre en considération les effets que ces accords ont « effectivement » eus sur la concurrence. L’accord de règlement ayant déjà été mis en œuvre, la Commission aurait dû analyser, ainsi qu’il résulterait de la jurisprudence citée au point 207 ci-dessus, les effets réels que l’accord de règlement aurait eus sur la concurrence.

209    Dans le cadre de la seconde branche, les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas établi d’effets suffisamment sensibles sur les paramètres de la concurrence sur les marchés concernés. En premier lieu, elles contestent, plus spécifiquement, le scénario contrefactuel appliqué par la Commission. En second lieu, elles exposent que, dans la décision attaquée, la Commission ne démontrerait aucun effet négatif de l’accord de règlement.

210    Quant au scénario contrefactuel, alors que la Commission utiliserait, au considérant 1215 de la décision attaquée, comme scénario contrefactuel le maintien de l’action en justice au Royaume-Uni opposant Teva et Cephalon, elle n’aurait pas déterminé quelle partie aurait gain de cause ou à quel moment le litige aurait pris fin. Elle n’aurait pas non plus constaté qu’un règlement amiable moins restrictif aurait été conclu.

211    De même, la Commission serait tenue de démontrer une différence entre les prix, la production, l’innovation, la variété ou la qualité du modafinil sur le marché, selon que les parties aient maintenu leur action en justice ou qu’un accord de règlement ait été conclu. Or, la Commission n’aurait pas démontré que, au moment de l’entrée de produits génériques du modafinil sur le marché, il existait une différence en matière de prix. Elle n’aurait pas non plus démontré de différences en ce qui concernait les autres paramètres de concurrence entre les scénarios avec ou sans accord de règlement.

212    Quant aux effets négatifs, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas identifié un seul effet négatif sur les paramètres de la concurrence à la suite de l’accord de règlement par rapport au scénario contrefactuel de la poursuite du litige entre les parties.

213    Dans ce contexte, les requérantes avancent, en substance, que la Commission a identifié les dates auxquelles Teva a reçu des autorisations de mise sur le marché pour le modafinil dans cinq pays, mais qu’elle n’a pas constaté que Teva aurait en fait pénétré ces pays avant d’y être autorisée par l’accord de règlement. De même, la Commission n’aurait pas avancé de preuves démontrant qu’un autre fournisseur de médicaments génériques se serait lancé « avec un degré raisonnable de probabilité » dans la vente du modafinil et elle n’aurait pas démontré qu’une autre société fabriquant des médicaments génériques a été affectée par l’accord de règlement. Quant à l’état du marché pendant la « poursuite du litige », c’est-à-dire dans la situation correspondant au scénario contrefactuel de la Commission, les requérantes font remarquer que Teva n’aurait tout simplement pas pu entrer sur ce marché parce qu’elle avait accepté, dans le cadre du litige au Royaume-Uni, l’injonction préliminaire de ne pas vendre de modafinil dans ce pays dans l’attente de la procédure devant le tribunal des brevets du Royaume-Uni, comme cela a été reconnu par la Commission. L’accord de règlement n’aurait donc eu, en tant que tel, aucun effet sur les paramètres de concurrence sur les marchés du modafinil. Or, sans l’entrée effective de produits génériques sur les marchés, les prix du modafinil et tous les autres paramètres concurrentiels seraient restés, selon la propre analyse de la Commission, les mêmes dans les deux scénarios de l’accord de règlement et de la poursuite du litige entre les parties.

214    La Commission avance que les deux branches du présent moyen sont dénuées de fondement et doivent être rejetées.

215    Par leur deuxième moyen, dont il convient d’examiner les deux branches de manière conjointe, les requérantes contestent le constat de la Commission, dans la décision attaquée, selon lequel l’accord de règlement constituait également une restriction de concurrence par effet.

216    À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans la section 7 de la décision attaquée, la Commission a rappelé les principes généraux régissant l’analyse à effectuer pour déterminer si un accord, et plus spécifiquement un accord de règlement amiable en matière de brevets, constitue une restriction de concurrence par effet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et que, dans la section 8 de cette même décision, elle les a appliqués au cas d’espèce. Dans cette dernière section, elle a d’abord défini le marché de produits ainsi que sa dimension géographique (section 8.1 de ladite décision) et identifié la structure du marché et la position de Cephalon, de Teva et d’autres concurrents potentiels sur ce marché. Il en découlerait que Cephalon disposait d’un pouvoir de marché en tant que seul producteur du modafinil et que Teva était la concurrente la plus avancée (section 8.2 de ladite décision). La Commission a, ensuite, présenté l’analyse des clauses restrictives de non-concurrence et de non-contestation ainsi que la façon dont elles sont apparues et ont influencé le comportement de Teva sur le marché. Il en résulterait que lesdites clauses ont restreint l’indépendance de Teva, l’empêchant ainsi d’entrer sur le marché du modafinil avec des produits génériques et restreignant sa capacité à continuer à contester les brevets de Cephalon (section 8.3 de ladite décision). Dans la section 8.4 de cette même décision, la Commission fait état de la situation concurrentielle qui aurait existé sans l’accord de règlement pour arriver, dans la section 8.5 de cette même décision, à la conclusion que l’accord de règlement a restreint la concurrence par effet.

217    Les requérantes ne contestent pas la définition du marché, la structure du marché ou la position de Teva ou de Cephalon sur ledit marché.

218    Les requérantes ne contestent donc pas que Teva était une concurrente potentielle de Cephalon.

219    De ce fait, le deuxième moyen se limite à la question de savoir si, d’une part, la démonstration des effets potentiels de l’accord de règlement sur la concurrence sur les marchés du modafinil suffisait pour que la Commission constate, dans la décision attaquée, l’existence d’une restriction de concurrence par effet (première branche) et si, d’autre part, le scénario contrefactuel appliqué dans cette même décision par la Commission était approprié et avait permis à cette dernière de démontrer des effets négatifs pour la concurrence sur les marchés du modafinil découlant de l’accord de règlement (seconde branche).

220    Il convient de rappeler que l’article 101 TFUE interdit des accords et des pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence sur le marché intérieur.

221    Comme la Commission l’a rappelé au considérant 1020 de la décision attaquée, selon une jurisprudence constante, pour apprécier si un accord doit être considéré comme étant interdit en raison des altérations du jeu de la concurrence qui en sont l’effet, il faut examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait à défaut dudit accord (voir arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 161 et jurisprudence citée).

222    À cette fin, il y a lieu de prendre en considération le cadre concret dans lequel la pratique en cause s’insère, notamment le contexte économique et juridique dans lequel opèrent les entreprises concernées, la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché ou des marchés en question (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 165 et jurisprudence citée).

223    Le scénario envisagé à partir de l’hypothèse de l’absence de l’accord en cause doit être réaliste. Dans cette optique, il est loisible, le cas échéant, de tenir compte des développements probables qui se produiraient sur le marché en l’absence de l’accord (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 166).

224    Selon une jurisprudence également constante, les effets restrictifs de concurrence peuvent être tant réels que potentiels, mais, en tout état de cause, doivent être suffisamment sensibles [voir arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 117 et jurisprudence citée].

225    En l’espèce, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir appliqué un critère juridique erroné, dans la décision attaquée, en ce qu’elle se serait uniquement fondée sur les effets potentiels de l’accord de règlement.

226    Au regard de la jurisprudence citée au point 224 ci-dessus, cet argument ne saurait prospérer.

227    En effet, il découle de cette jurisprudence qu’il est possible de se fonder sur la concurrence potentielle représentée par un entrant potentiel, éliminé par l’accord en question, et sur la structure du marché en cause.

228    Ainsi qu’il a été constaté au point 218 ci-dessus, les requérantes ne contestent pas que, au moment de la conclusion de l’accord de règlement, Teva était une concurrente potentielle de Cephalon sur les marchés du modafinil. Par conséquent, comme la Commission l’a observé aux considérants 1027 à 1032 et 1244 à 1257 de la décision attaquée, la mise en œuvre de l’accord de règlement a eu pour effet d’éliminer la concurrence potentielle qui existait entre Teva et Cephalon.

229    À cet égard, il résulte de la jurisprudence que l’article 101 TFUE ne vise pas uniquement à protéger la concurrence actuelle, mais également la concurrence potentielle (arrêt du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission, T‑461/07, EU:T:2011:181, point 68).

230    En outre, il ressort de la décision attaquée que la Commission a pris en compte la manière dont l’accord de règlement avait été effectivement mis en œuvre et la façon dont le marché avait ensuite évolué (voir point 247 ci-après).

231    Ensuite, l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’aurait pas, dans son scénario contrefactuel, déterminé quelle partie aurait obtenu gain de cause dans le cadre du litige opposant Teva et Cephalon au Royaume-Uni ou à quel moment ce litige aurait pris fin doit également être écarté. Il en va de même en ce qui concerne leur reproche selon lequel la Commission n’aurait pas constaté qu’un règlement amiable moins restrictif de concurrence que l’accord de règlement aurait pu être conclu entre les parties.

232    En effet, dans la décision attaquée, compte tenu du contexte économique et juridique dans lequel les requérantes opéraient et, en particulier, du point de vue qui était le leur, à l’époque des faits, sur leur situation respective en matière de brevets, ainsi que des conditions réelles de fonctionnement et de la structure des marchés du modafinil, y compris la position de Teva en tant que menace concurrentielle la plus avancée pour Cephalon, la Commission a considéré que le scénario contrefactuel probable, en l’absence de l’accord de règlement, était la poursuite du contentieux en matière de brevets opposant les requérantes.

233    La Commission est donc partie du postulat d’une préservation de la concurrence potentielle entre Teva et Cephalon et des possibilités réelles et concrètes de l’entrée de Teva sur les marchés du modafinil. Dès lors, elle a comparé la situation concurrentielle découlant de l’accord de règlement avec le scénario concurrentiel qui se serait probablement produit en l’absence de l’accord de règlement.

234    À cet égard, il résulte de la jurisprudence que, dans une situation telle que celle de l’espèce, l’établissement du scénario contrefactuel ne présuppose aucun constat définitif relatif aux chances de succès du fabricant de médicaments génériques dans la procédure de brevet ou à la probabilité de la conclusion d’un accord moins restrictif [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 119].

235    Le scénario contrefactuel a uniquement pour but d’établir les possibilités réalistes de comportement de ce fabricant de médicaments génériques en l’absence de l’accord en cause. Ainsi, si ledit scénario ne saurait être indifférent aux chances de succès dudit fabricant dans le cadre de la procédure de brevet ou à la probabilité de la conclusion d’un accord moins restrictif de concurrence que l’accord effectivement conclu entre ce fabricant et le fabricant des médicaments princeps, ces éléments ne constituent toutefois que des éléments à prendre en compte parmi d’autres pour déterminer le jeu probable du marché ainsi que la structure de ce dernier en l’absence de conclusion dudit accord [arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 120].

236    Par conséquent, afin d’établir que des accords de règlement amiable, tels que l’accord de règlement en cause en l’espèce, produisent des effets sensibles potentiels ou réels sur la concurrence, il n’appartient pas à la Commission de constater soit que le fabricant de médicaments génériques partie auxdits accords aurait probablement obtenu gain de cause dans la procédure relative au brevet, soit que les parties auxdits accords auraient probablement conclu un accord de règlement amiable moins restrictif [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 121].

237    Enfin, l’affirmation des requérantes selon laquelle la Commission n’aurait pas identifié, dans la décision attaquée, d’effets de l’accord de règlement qui auraient été négatifs pour la concurrence sur les marchés du modafinil doit être écartée.

238    Ainsi qu’il a déjà été constaté aux points 223 et 235 ci-dessus, la Commission était tenue d’établir de manière réaliste quelle aurait été la situation concurrentielle possible sur les marchés du modafinil sans l’accord de règlement.

239    À cet égard, comme l’a fait valoir à juste titre la Commission, l’élimination d’une source importante de concurrence potentielle, du fait de l’accord de règlement, et le retard de l’entrée sur le marché qui en résulte peuvent, en soi, donner lieu à des effets négatifs sur les paramètres de la concurrence, en particulier sur les prix.

240    L’illustration des effets négatifs de l’accord de règlement sur la concurrence sur les marchés du modafinil figure aux considérants 1213 à 1253 de la décision attaquée.

241    À cet égard, la Commission fait état, dans la décision attaquée, du fait que Teva était la concurrente potentielle la plus avancée de Cephalon sur les marchés du modafinil et avait des possibilités réelles et concrètes d’entrer sur ces marchés (sections 8.2.2 et 8.4 et, plus spécifiquement, considérants 1216 et suivants de la décision attaquée). Ainsi qu’il résulte des éléments du dossier, à l’époque de l’accord de règlement, Teva, qui avait prévu d’entrer sur les marchés du modafinil dans différents pays (tels que l’Allemagne, l’Espagne, la France, les Pays-Bas et la Suède), avait, à cette fin, demandé des autorisations de mise sur le marché de son produit générique du modafinil dans ces pays, autorisations qu’elle avait obtenues entre 2005 et 2009, et avait déjà lancé, à risque, ledit produit au Royaume-Uni, dès qu’elle avait reçu, le 6 juin 2005, l’autorisation de mise sur le marché dans ce pays.

242    Toutefois, il y a lieu de rappeler que les clauses restrictives ont mis fin à cette entrée de Teva sur les marchés du modafinil. La clause de non-concurrence a empêché cette dernière d’exercer toute activité commerciale concernant le modafinil générique, tandis que la clause de non-contestation l’a éliminée en tant que menace concurrentielle (considérants 1200 à 1212 de la décision attaquée).

243    En outre, lesdits engagements ont été pris dans une situation où Teva considérait que son produit générique ne contrefaisait pas les brevets de Cephalon et que les brevets de cette dernière étaient invalides, ce qui implique que les clauses restrictives dans l’accord de règlement n’étaient pas le résultat d’une véritable appréciation fondée sur la perception de la force du brevet, mais étaient induites par le transfert de valeur significatif inscrit dans les transactions visées à l’article 2 dudit accord (considérants 691 à 694, 1208 et 1209 de la décision attaquée).

244    À cet égard, il convient de rappeler que la contestation de la validité et de la portée d’un brevet fait partie du jeu normal de la concurrence dans le secteur pharmaceutique [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 81].

245    Partant, la Commission a pu considérer à bon droit, au considérant 1226 de la décision attaquée, que, sans l’accord de règlement, Teva aurait probablement continué à défendre sa position dans le cadre du litige en matière de brevets qui opposait les deux parties au Royaume-Uni et poursuivi ses efforts pour entrer sur les marchés du modafinil, ce qui aurait également eu une incidence sur la probabilité que d’autres fournisseurs potentiels de produits génériques du modafinil entrent sur lesdits marchés.

246    À cet égard, comme l’a fait valoir, à juste titre, la Commission au considérant 1245 de la décision attaquée, en supprimant la principale contrainte concurrentielle de Cephalon, l’accord de règlement a probablement eu pour effet de protéger celle-ci de la concurrence par les prix des fabricants de médicaments génériques concurrents. Or, si Teva était entrée sur le marché, elle aurait été susceptible, conformément au modèle commercial usuel des entrants fabriquant des produits génériques, de concurrencer par les prix les fabricants de médicaments princeps, tels que Cephalon.

247    Dans la section 8.4.3 de la décision attaquée (considérants 1244 à 1253 de ladite décision), la Commission illustre cette concurrence par les prix en faisant état des écarts de prix avant et après l’entrée des fabricants de médicaments génériques sur les marchés des médicaments dans les pays concernés.

248    À cet égard, la Commission a établi, dans la décision attaquée, que Teva était non seulement une concurrente potentielle de Cephalon sur les marchés du modafinil, mais la menace concurrentielle la plus avancée pour cette dernière sur ces mêmes marchés. Elle a donc conclu, à juste titre, que l’accord de règlement avait éliminé le risque de concurrence et d’entrée de Teva sur les marchés du modafinil, ce qui a eu un effet négatif sur la concurrence sur ces derniers. Une telle entrée aurait probablement eu pour effet de diminuer les prix du modafinil. L’analyse de l’évolution des marchés du modafinil après l’entrée d’autres fabricants de médicaments génériques, quelques années plus tard, confirme la justesse de cette analyse.

249    Les tableaux figurant dans la décision attaquée, en particulier le tableau no 21, illustrent effectivement que, à la fin de la période de mise en œuvre de l’accord, lors de l’entrée des fabricants de médicaments génériques sur le marché, les prix moyens du modafinil ont beaucoup chuté. Il est donc fortement probable que le même effet se serait produit si Teva n’avait pas signé l’accord de règlement et était entrée plus tôt sur les marchés du modafinil avec son produit générique.

250    Ainsi que le fait valoir la Commission, les effets sur les prix ne peuvent s’observer qu’après une entrée effective, lorsque la concurrence s’exerce effectivement, sachant que la concurrence potentielle ne fait pas baisser les prix.

251    Il n’était donc pas possible, pour la Commission, d’observer des effets réels de l’accord de règlement sur la concurrence sur les marchés du modafinil en comparant la situation de concurrence potentielle qui existait sur lesdits marchés avant la conclusion de cet accord avec celle d’absence de concurrence potentielle qui prévalait sur ce même marché après ladite conclusion.

252    Dans ce contexte, l’argument des requérantes selon lequel Teva n’aurait, en tout état de cause, pas pu entrer sur le marché du modafinil du fait qu’elle avait accepté de se soumettre à une injonction préliminaire dans le cadre du litige en matière de brevets qui était alors pendant au Royaume-Uni ne saurait prospérer. Il convient de relever, à l’instar de la Commission, que l’acceptation par Teva de cette injonction visait uniquement la durée du litige en question et que le scénario contrefactuel retenu par la Commission ne reposait pas sur le fait que le litige se serait poursuivi indéfiniment, mais sur le fait que, en l’absence de l’accord de règlement, la concurrence potentielle existant entre Teva et Cephalon aurait été préservée par la poursuite de l’action en justice et par la possibilité réelle et concrète de l’entrée de Teva sur le marché du modafinil.

253    De même, l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’aurait pas démontré, dans la décision attaquée, que Teva avait en fait pénétré les marchés des pays dans lesquels elle avait reçu des autorisations de mise sur le marché n’est pas pertinent. Le fait que Teva avait obtenu lesdites autorisations est une illustration du fait qu’elle était une concurrente potentielle de Cephalon sur les marchés du modafinil et un indice du fait qu’elle serait entrée sur ces marchés si elle n’avait pas conclu l’accord de règlement avec cette dernière.

254    Quant aux arguments des requérantes portant sur d’autres fabricants de produits génériques du modafinil, il est certes vrai, ainsi qu’il résulte de l’analyse effectuée par la Commission dans la décision attaquée, que ceux-ci n’étaient pas encore prêts à entrer sur le marché du modafinil au moment où l’accord de règlement a été conclu. Toutefois, il n’est pas contesté qu’ils étaient en train de développer leurs propres produits génériques du modafinil de manière à pouvoir entrer, à terme, sur ce marché. De plus, le principal effet de l’accord de règlement était l’élimination de la concurrence potentielle existant entre Cephalon et Teva, qui représentait la principale menace concurrentielle pour Cephalon sur les marchés du modafinil à l’époque où ledit accord a été conclu.

255    Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être écarté comme étant non fondé.

3.      Sur le troisième moyen, tiré d’une application erronée de l’article 101, paragraphe 3, TFUE

256    Dans le cadre du troisième moyen, invoqué à titre subsidiaire, les requérantes avancent que la décision attaquée, en ce qu’elle comporte une appréciation selon laquelle l’accord de règlement ne remplissait pas les conditions d’exemption prévues à l’article 101, paragraphe 3, TFUE, est entachée d’une erreur d’appréciation.

257    Premièrement, selon les requérantes, l’accord de règlement a contribué à améliorer la production ou la distribution de médicaments génériques. En premier lieu, ledit accord, d’un point de vue ex ante, aurait été conçu pour accélérer l’entrée précoce de Teva sur le marché des médicaments génériques dans l’hypothèse réaliste où les brevets sur la taille des particules de Cephalon auraient été confirmés. En second lieu, l’accord de règlement aurait permis des transactions commerciales comportant une valeur ajoutée.

258    Deuxièmement, l’accord de règlement et les transactions commerciales seraient bénéfiques pour les consommateurs et pour la société dans son ensemble. À cet égard, l’accord de règlement aurait augmenté la concurrence des médicaments génériques plus tôt. En outre, les transactions commerciales auraient permis un accès plus rapide à l’Azilect au profit des patients souffrant de la maladie de Parkinson ainsi que la mise à disposition d’un plus grand nombre de produits à base de modafinil grâce à la fourniture de capacités supplémentaires en IPA, ce qui aurait évité un risque de contrefaçon pour les trois médicaments à base de modafinil de grande valeur .

259    Troisièmement, l’accord de règlement n’aurait imposé aucune restriction qui n’était pas indispensable pour obtenir les gains d’efficacité et les bénéfices susmentionnés.

260    Quatrièmement, l’accord de règlement n’aurait pas donné la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d’éliminer la concurrence. Au contraire, ledit accord aurait été destiné à permettre l’entrée de Teva sur le marché. En outre, cet accord n’aurait eu aucune incidence sur les efforts déployés par les autres fabricants de médicaments génériques pour rivaliser sur le marché.

261    La Commission conteste les arguments des requérantes.

262    L’article 101, paragraphe 3, TFUE prévoit une dérogation aux dispositions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE en vertu de laquelle les accords visés au paragraphe 1 qui remplissent les conditions du paragraphe 3 ne sont pas interdits.

263    L’application de l’article 101, paragraphe 3, TFUE implique que quatre conditions cumulatives soient remplies. Il faut, premièrement, que l’accord concerné contribue à améliorer la production ou la distribution des produits en cause ou à promouvoir le progrès technique ou économique, deuxièmement, qu’une partie équitable du profit qui en résulte soit réservée aux utilisateurs, troisièmement, qu’il n’impose aucune restriction non indispensable aux entreprises participantes et, quatrièmement, qu’il ne leur donne pas la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

264    Conformément à l’article 2 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1) « il incombe à l’entreprise ou à l’association d’entreprises qui invoque le bénéfice des dispositions de l’article [101, paragraphe 3, TFUE] d’apporter la preuve que les conditions de ce paragraphe sont remplies ».

265    La charge de la preuve incombe donc à l’entreprise qui demande à bénéficier de l’exemption au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE. Toutefois, les éléments factuels invoqués par ladite entreprise peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve a été satisfaite (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 83 et jurisprudence citée).

266    En l’espèce, ainsi qu’il résulte des considérants 1269 et suivants de la décision attaquée, la Commission a examiné l’application éventuelle de l’article 101, paragraphe 3, TFUE au cas d’espèce.

267    La Commission a considéré, à juste titre, que les arguments et les éléments de preuve avancés par les requérantes ne permettaient pas de démontrer que l’accord de règlement, y compris les transactions commerciales qui l’accompagnaient, impliquait des gains d’efficacité suffisants.

268    S’agissant de l’argument des requérantes relatif à la première condition mentionnée au point 263 ci-dessus, selon lequel l’accord de règlement aurait avancé de trois années l’entrée de Teva sur le marché et aurait permis des transactions commerciales valorisantes, celui-ci doit être écarté.

269    Ainsi que cela a été constaté lors de l’examen du premier moyen, l’accord de règlement et les droits génériques accordés par Cephalon à Teva dans le cadre dudit accord n’ont pas avancé, mais, au contraire, retardé l’entrée de cette dernière sur les marchés du modafinil et, par conséquent, la concurrence sur ces marchés des fabricants de médicaments génériques.

270    En acceptant l’accord de règlement, Teva a renoncé à ses tentatives d’entrée sur le marché du modafinil en tant qu’opérateur indépendant, et ce alors même qu’elle avait déjà développé un produit générique du modafinil qui, selon elle, ne contrefaisait pas les brevets de Cephalon, qu’elle l’avait même lancé et qu’elle avait également déposé des demandes d’autorisation de mise sur le marché de ce produit dans plusieurs pays. Le fait que l’issue de la procédure judiciaire en matière de brevets l’opposant à Cephalon au Royaume-Uni n’était pas certaine ne modifie en rien ce constat. En effet, ainsi que cela a été relevé au point 244 ci-dessus, dans le secteur pharmaceutique, la concurrence se caractérise aussi par la contestation de la validité des brevets sur les médicaments et leurs IPA.

271    S’agissant des transactions commerciales figurant dans l’accord de règlement, la Commission a expliqué, aux considérants 1293 à 1298 de la décision attaquée, la raison pour laquelle celles-ci n’avaient pas contribué à l’amélioration de la production ou de la distribution des produits génériques du modafinil. Les requérantes n’avancent aucun argument expliquant en quoi la raison exposée par la Commission aurait été erronée.

272    En tout état de cause, même si les différentes transactions figurant dans l’accord de règlement avaient une valeur ou une certaine logique commerciales pour les requérantes, elles n’impliquaient pas nécessairement des gains d’efficacité de nature à justifier l’exemption de cet accord au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE. À cet égard, ainsi qu’il résulte du point 49 des lignes directrices concernant l’application de l’article [101, paragraphe 3, TFUE] (JO 2004, C 101, p. 97), « les gains d’efficacité ne sont pas appréciés du point de vue subjectif des parties », seuls les avantages objectifs pouvant être pris en compte.

273    Il résulte de ce qui précède que la Commission a retenu à juste titre que la première condition d’exemption au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE n’était pas remplie en l’espèce. Les quatre conditions prévues par l’article 101, paragraphe 3, TFUE étant cumulatives, les arguments des requérantes concernant les trois autres conditions doivent être rejetés comme étant inopérants.

274    Partant, le troisième moyen doit être rejeté.

4.      Sur le quatrième moyen, portant sur les amendes infligées aux requérantes

275    Dans le cadre du quatrième moyen, invoqué à titre subsidiaire, les requérantes affirment que la Commission a, dans la décision attaquée, violé les principes de sécurité juridique, de non-rétroactivité et de protection de la confiance légitime ainsi que le principe nullum crimen sine lege et nulla poena sine lege, en leur imposant des amendes substantielles. Par la première branche, elles concluent à l’annulation intégrale desdites amendes. Par la seconde branche, Teva demande une annulation partielle substantielle du montant de l’amende qui lui a été infligée.

a)      Sur la première branche du quatrième moyen

276    Les requérantes font valoir que les principes mentionnés au point 275 ci-dessus imposent à la Commission de s’abstenir d’infliger une amende lorsque les entreprises concernées ne pouvaient raisonnablement prévoir, au moment où l’infraction présumée a été commise, que le comportement en cause enfreindrait le droit de la concurrence de l’Union.

277    Or, selon les requérantes, tel était le cas en l’espèce. En effet, au moment de la conclusion de l’accord de règlement, elles auraient agi dans un environnement juridique où l’article 101 TFUE n’aurait jamais été appliqué à ce type d’accords. En outre, en l’absence de précédents en droit de la concurrence de l’Union et d’indications de la Commission concernant la légalité des accords de règlement amiable en matière de brevets au regard de ce droit, Teva aurait légitimement pu s’appuyer sur les orientations disponibles aux États-Unis.

278    Les requérantes avancent également que l’accord de règlement n’était pas un accord impliquant un paiement en espèces du fabricant de médicaments princeps au fabricant de médicaments génériques. Chacune des transactions figurant dans ledit accord aurait été fondée sur des justifications commerciales propres et indépendantes, de sorte que cet accord ne reposait pas sur un objectif unique et global de partage de marchés. Enfin, les appréciations de la Commission dans la décision attaquée auraient été en contradiction avec ses propres conclusions figurant dans le septième rapport sur le suivi et le contrôle des règlements en matière de brevets, établi dans le cadre de l’enquête sur le secteur pharmaceutique entreprise sur le fondement des dispositions de l’article 17 du règlement no 1/2003, dans le but d’identifier, d’une part, les causes du recul de l’innovation dans ledit secteur, mesurée par le nombre de produits nouveaux entrant sur les marchés des médicaments et, d’autre part, les raisons de l’entrée tardive sur ces marchés de certains médicaments génériques. En effet, la Commission aurait relevé, dans ledit rapport, que l’évaluation du point de vue du droit de la concurrence des accords de règlement amiable conclus entre les fabricants de médicaments princeps et les fabricants de médicaments génériques était complexe.

279    La Commission conteste les arguments des requérantes.

280    Il résulte de la jurisprudence qu’une entreprise peut être sanctionnée pour un comportement entrant dans le champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE dès lors que celle-ci ne pouvait ignorer le caractère anticoncurrentiel de son comportement, qu’elle ait eu ou non conscience d’enfreindre les règles de concurrence du traité. Il suffit donc que ladite entreprise ait été en mesure de déterminer que son comportement présentait un caractère anticoncurrentiel au regard de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Lundbeck/Commission, C‑591/16 P, EU:C:2021:243, points 156 à 158).

281    Il résulte également de la jurisprudence que, si les principes de sécurité juridique et de légalité des peines prévoient que la législation de l’Union doit être claire et précise, afin que les personnes concernées puissent connaître sans ambiguïté les droits et obligations qui en découlent et prendre leurs dispositions en conséquence, ils ne sauraient être interprétés comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par des interprétations jurisprudentielles, pour autant que celles-ci soient raisonnablement prévisibles (arrêt du 25 mars 2021, Lundbeck/Commission, C‑591/16 P, EU:C:2021:243, point 166).

282    Dans le cadre de l’examen du premier moyen, il a été observé que l’accord de règlement visait à exclure, au moins temporairement, Teva des marchés du modafinil en tant que concurrente de Cephalon. Or, les accords d’exclusion de marché constituent une forme extrême de répartition de marché et de limitation de la production, lesquelles sont expressément interdites par l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

283    Dès lors, les requérantes ne pouvaient pas ignorer que conclure l’accord de règlement, dans la mesure où celui-ci comportait des clauses de non-concurrence et de non-contestation, était problématique au regard du droit de la concurrence de l’Union.

284    Les autres arguments invoqués par les requérantes ne sauraient remettre en cause ce constat.

285    En particulier, l’argument des requérantes selon lequel, à l’époque de la conclusion de l’accord de règlement, la position juridique d’une majorité des tribunaux américains était que les accords de règlement amiable en matière de brevets ne violaient pas les règles du droit antitrust n’est pas pertinent. En effet, seul le droit de la concurrence de l’Union importait en l’espèce, s’agissant de l’application de l’article 101 TFUE, de sorte que les décisions des organes juridictionnels américains n’avaient pas à être prises en compte. En outre, ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission au considérant 1364 de la décision attaquée, au moment où l’accord de règlement a été conclu, la jurisprudence américaine n’était pas unanime et la Federal Trade Commission (Agence fédérale de la concurrence, États-Unis) contestait, au regard du droit antitrust américain, les accords de règlement amiable contre paiement inversé, de sorte que les requérantes ne pouvaient, en tout état de cause, se prévaloir d’orientations claires qui auraient émané du droit antitrust américain.

286    De même, l’argument des requérantes selon lequel la décision attaquée était en contradiction avec les conclusions du rapport sur le suivi et le contrôle des règlements en matière de brevets ne saurait prospérer. Le fait que la Commission avait constaté, dans ledit rapport, que l’appréciation des accords de règlement amiable conclus entre les fabricants de médicaments princeps et les fabricants de médicaments génériques était complexe au regard du droit de la concurrence ne signifiait pas que ces accords échappaient à ce droit ou qu’ils y étaient nécessairement conformes. En outre, il résulte clairement de ce rapport que la Commission considérait que les accords de règlement amiable qui prévoyaient, a priori, l’entrée anticipée d’un médicament générique sur le marché devaient, en réalité, être analysés comme limitant ladite entrée lorsque cette dernière n’était pas immédiate et lorsque les conditions encadrant celle-ci annulaient, en pratique, tous les effets positifs de celle-ci sur la concurrence. Or, tel était précisément le cas s’agissant de l’accord de règlement.

287    En outre, le fait que, à l’époque où l’accord de règlement a été conclu, la Commission n’avait pas encore infligé d’amendes pour des infractions similaires n’est pas pertinent. En effet, il a déjà été jugé que l’infliction d’amendes excédant un niveau symbolique ne méconnaissait pas le principe de sécurité juridique, nonobstant le caractère inédit et complexe des questions soulevées par les accords de règlement amiable et l’absence de précédents (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Lundbeck/Commission, C‑591/16 P, EU:C:2021:243, point 165).

288    Quant à la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime alléguée par les requérantes, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union a fait naître chez lui des espérances fondées, étant précisé que nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, que lui aurait fournies l’administration (voir arrêt du 8 septembre 2010, Deltafina/Commission, T‑29/05, EU:T:2010:355, point 427 et jurisprudence citée).

289    En l’espèce, il suffit de constater que les requérantes ne prétendent ni, a fortiori, n’établissent que la Commission leur aurait fourni de telles assurances.

290    Quant à l’argument des requérantes selon lequel le principe de non-rétroactivité aurait été violé, il suffit de constater qu’il n’est aucunement étayé.

291    Enfin, l’argument des requérantes selon lequel l’accord de règlement n’impliquait pas de paiement en espèces de Cephalon à Teva est dénué de pertinence. Dans le cadre de l’examen du premier moyen, il a été constaté que les paiements prévus en exécution des transactions commerciales figurant dans l’accord de règlement avaient pour seule explication plausible d’inciter Teva à accepter les clauses restrictives dudit accord et, ainsi, à renoncer à concurrencer Cephalon par ses mérites sur les marchés du modafinil.

292    Partant, la première branche du quatrième moyen doit être écartée.

b)      Sur la seconde branche du quatrième moyen

293    Par la seconde branche, Teva reproche à la Commission de lui avoir infligé une amende totalement arbitraire et injustifiée au motif que le transfert de valeur pécuniaire n’aurait pas atteint un niveau suffisamment élevé, violant ainsi les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

294    La Commission conteste les arguments de Teva.

295    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes ») reposent sur la prise en considération de la valeur des ventes des produits ou des services concernés au regard de l’infraction sanctionnée pour la fixation du montant de base des amendes à infliger. Ces lignes directrices prévoient, à leurs points 6 et 13, que la valeur de ces ventes, combinée avec la durée de l’infraction, vise à « refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à [cette] infraction ».

296    Cependant, cette méthode peut parfois se révéler inadaptée aux circonstances particulières d’une affaire. Tel est, notamment, le cas lorsqu’une entreprise déclarée responsable d’une infraction à l’article 101 TFUE, ne réalise aucun chiffre d’affaires sur les marchés en cause. Dans une situation de ce type, la Commission est fondée à recourir à une méthode de calcul autre que celle décrite dans les lignes directrices pour le calcul des amendes et, conformément au point 37 de celles-ci, à fixer de manière forfaitaire le montant de base de l’amende imposée à l’entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, points 65 à 67).

297    En l’occurrence, il est constant que, en raison de l’objet même de l’accord de règlement, qui est un accord d’exclusion du marché en cause, Teva n’était pas présente sur celui-ci pendant la période d’infraction et n’avait donc pas réalisé de ventes sur ce marché.

298    Partant, la Commission était dans l’impossibilité de retenir la valeur des ventes réalisées par Teva sur le marché en cause au cours de l’infraction, cette circonstance particulière lui permettant, sur le fondement du paragraphe 37 des lignes directrices pour le calcul des amendes, de s’écarter de la méthodologie exposée dans lesdites lignes directrices.

299    Certes, dans d’autres affaires concernant des accords de règlement amiable en matière de brevets qui enfreignaient l’article 101 TFUE et dans lesquelles les entreprises du secteur des médicaments génériques n’avaient réalisé aucune vente sur les marchés desdits médicaments, la Commission avait établi les amendes en tenant compte de la valeur qui avait été transférée au fabricant des médicaments génériques par le fabricant des médicaments princeps, en tant qu’incitation à rester en dehors des marchés en cause, sans estimer le chiffre d’affaires du fabricant des médicaments génériques.

300    Toutefois, la Commission n’était pas liée par sa pratique décisionnelle antérieure, cette dernière ne constituant pas, en tout état de cause, un cadre juridique pour le calcul du montant des amendes (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, EU:T:2005:367, point 153 et jurisprudence citée).

301    En outre, aux considérants 1386 à 1391 de la décision attaquée, la Commission a expliqué la raison pour laquelle l’amende de Teva ne pouvait pas être fondée sur le transfert de valeur qu’elle avait reçu au titre de l’accord de règlement et des transactions commerciales figurant dans celui-ci. En effet, le transfert de valeur était intégré dans lesdites transactions. En dehors du fait qu’il était difficile d’estimer avec précision la valeur transférée à Teva au titre de quatre des cinq transactions visées par l’article 2 de l’accord de règlement, cela s’est révélé impossible en ce qui concernait la communication des données CEP‑1347. À l’époque des faits, cette communication des données avait constitué une incitation importante, pour Teva, à accepter les clauses restrictives, ce qui ne pouvait être ignoré par la Commission, au stade de la détermination du niveau de l’amende infligée à Teva, sauf à nuire à l’effet dissuasif de cette amende.

302    Compte tenu de la particularité tenant au fait que le transfert de valeur à Teva ne pouvait pas être estimé avec suffisamment de précision et afin d’atteindre un niveau dissuasif satisfaisant, la Commission a opté pour un montant fixe de l’amende infligée à Teva.

303    Les requérantes ne peuvent toutefois prétendre qu’il s’agit, pour autant, d’un montant arbitraire.

304    En effet, la Commission a pris, de manière appropriée, comme point de référence pour la fixation du montant de l’amende infligée à Teva le montant de celle infligée à Cephalon avant l’application de la limite de 10 % du chiffre d’affaires de celle-ci. À cet égard, ainsi qu’il résulte des considérants 1393 à 1395 de la décision attaquée, la Commission a considéré que :

–        la gravité et la durée de l’infraction étaient identiques pour Teva et pour Cephalon ;

–        l’amende infligée à Teva ne devrait pas être supérieure à celle infligée à Cephalon, sachant que son manque à gagner serait probablement inférieur au bénéfice réel de Cephalon ;

–        d’autres facteurs devaient également être pris en compte, tels que le fait que Teva était une plus grande entreprise (en 2010, soit la dernière année complète de l’infraction et l’année précédant l’acquisition effective de Cephalon par Teva, son chiffre d’affaires mondial était de 12,16 milliards d’euros, tandis que Cephalon avait un chiffre d’affaires mondial d’environ 2,12 milliards d’euros) et qu’elle était en position de force pour négocier.

305    Pour autant que les requérantes reprochent à la Commission d’avoir violé le principe de sécurité juridique, leur argument doit être écarté. En effet, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 300 ci-dessus, la Commission n’est pas liée par sa pratique antérieure. En ce qui concerne la violation du principe de protection de la confiance légitime alléguée par les requérantes, il suffit de constater qu’elles ne font pas même valoir, conformément à la jurisprudence citée au point 288 ci-dessus, que la Commission leur aurait donné, de quelque manière que ce soit, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes concernant la méthode de calcul qu’elle allait utiliser pour fixer le montant de l’amende infligée à Teva.

306    Il résulte de ce qui précède que la seconde branche du quatrième moyen et, par conséquent, le quatrième moyen en ce qu’il vise l’annulation des amendes infligées aux requérantes doivent être rejetés.

307    À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, les conclusions des requérantes tendant à l’annulation de la décision attaquée doivent donc être rejetées.

B.      Sur les conclusions tendant à la réformation des amendes infligées aux requérantes

308    Au titre de leurs deuxième et troisième chefs de conclusions, les requérantes demandent à ce qu’il plaise au Tribunal de supprimer ou de réduire le montant de l’amende.

309    À cet égard, il convient de rappeler que, en ce qui concerne le contrôle juridictionnel des décisions de la Commission infligeant une amende pour violation des règles de concurrence, le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, le cas échéant, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou de l’astreinte infligée.

310    Toutefois, le Tribunal estime, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, qu’aucun des éléments dont les requérantes se sont prévalues dans le cadre de la présente affaire ni aucun motif d’ordre public ne justifient qu’il fasse usage, en application de l’article 261 TFUE et de l’article 31 du règlement no 1/2003, de sa compétence de pleine juridiction pour réduire le montant des amendes fixé par la Commission.

311    Les conclusions visant à la suppression ou à la réduction du montant des amendes infligées aux requérantes doivent dès lors être rejetées et, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

312    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Teva Pharmaceutical Industries Ltd et Cephalon Inc. sont condamnées aux dépens.

Schalin

Jaeger

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

 

      Kukovec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 octobre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.