Language of document : ECLI:EU:T:2010:323

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

29 juillet 2010 (*)

« Référé – Sixième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration – Lettre confirmant les conclusions d’un audit financier – Demande de sursis à exécution – Méconnaissance des exigences de forme – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑252/10 R,

Cross Czech a.s., établie à Prague (République tchèque), représentée par MT. Schollaert, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. R. Lyal et W. Roels, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la lettre de la Commission du 12 mars 2010 portant confirmation des conclusions de l’audit ayant porté sur les relevés de coûts soumis par la requérante pour la période allant du 1er février 2005 au 30 avril 2008 en ce qui concerne les projets eMapps.com, CEEC IST NET et Transfer-East,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige, procédure et conclusions des parties

1        La requérante, Cross Czech a.s., a conclu avec la Commission des Communautés européennes, agissant pour le compte de la Communauté européenne, plusieurs contrats dans le cadre du sixième programme-cadre de la Communauté pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et de l’innovation (2002-2006) établi par la décision n° 1513/2002/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2002 (JO L 232, p. 1), à savoir le contrat n° 028051, relatif au projet eMapps.com, le contrat n° 015942, relatif au projet CEEC IST NET et le contrat n° 027767, relatif au projet Transfer-East. Ces contrats comportent tous une clause compromissoire prévoyant que le Tribunal de première instance des Communautés européennes est compétent pour régler les litiges survenant entre les parties relatifs à la validité, à l’exécution ou à toute interprétation desdits contrats.

2        Par lettre du 12 mars 2010, la Commission a informé la requérante qu’elle confirmait les conclusions de l’audit concernant les relevés de coûts pour la période allant du 1er février 2005 au 30 avril 2008 relatifs aux projets eMapps.com, CEEC IST NET et Transfer-East et a précisé les mesures à prendre, notamment des régularisations à effectuer.

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 mai 2010, la requérante a introduit un recours en annulation de la lettre de la Commission du 12 mars 2010 (ci-après l’« acte attaqué »).

4        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 18 juin 2010, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal de surseoir à l’exécution de l’acte attaqué.

5        Dans ses observations écrites, déposées au greffe du Tribunal le 9 juillet 2010, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal de rejeter la demande en référé et de condamner la requérante aux dépens. Elle excipe notamment de l’irrecevabilité de la demande en référé en invoquant, en premier lieu, la nature contractuelle de l’acte attaqué qui empêche qu’un tel acte soit objet d’un recours en annulation et, en second lieu, le fait que l’acte attaqué est, en tout état de cause, un acte préparatoire sans conséquence sur la situation juridique de la requérante.

 En droit

6        Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

7        Dès lors que le non-respect du règlement de procédure du Tribunal constitue une fin de non-recevoir d’ordre public, il appartient au juge des référés d’examiner d’office, in limine litis, si les dispositions applicables de ce règlement ont été respectées (ordonnances du président du Tribunal du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 43, et du 2 août 2006, BA.LA. Di Lanciotti Vittorio e.a./Commission, T‑163/06 R, non publiée au Recueil, point 35).

8        À cet égard, l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnances du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30, et du 12 mai 2010, Torresan/OHMI, C‑5/10 P‑R, non publiée au Recueil, points 14 et 15].

9        En outre, en vertu de l’article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure, la demande doit notamment être présentée par acte séparé et, conformément à l’article 44, paragraphe 1, sous c), de ce même règlement, toute demande doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.

10      Il découle d’une lecture combinée de ces dispositions du règlement de procédure qu’une demande relative à des mesures provisoires doit, à elle seule, permettre à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’une telle demande soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé. Si ce texte peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la demande en référé, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans celle-ci [ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R, Rec. p. II‑15, point 34, et Aden e.a./Conseil et Commission, précitée, point 52 ; voir, également, ordonnance du président de la Cour du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non publiée au Recueil, point 13].

11      Par ailleurs, le point 68 des instructions pratiques aux parties prévoit expressément que « [l]a demande […] doit être compréhensible par elle-même, sans qu’il soit nécessaire de se référer à la requête dans l’affaire au principal ».

12      En l’espèce, s’agissant de la condition relative au fumus boni juris, la requérante se borne dans la demande en référé à faire des observations générales et à résumer les conclusions figurant dans la requête dans l’affaire au principal. En effet, toute l’argumentation de la requérante concernant l’illégalité de l’acte attaqué est résumée de la manière suivante :

« Dans le recours en annulation, la requérante soutient que la décision est gravement erronée. Dans cette décision, la Commission a confirmé les conclusions de l’audit sans raisonnement suffisant et examen plus approfondi et sans avoir correctement apprécié les réserves de la requérante quant aux conclusions de l’audit et la manière dont l’audit a été réalisé. La requérante rejette chacune des conclusions de l’audit sur la base des preuves écrites et démontre le défaut de compétence professionnelle et de diligence de l’auditeur, le fait que la description de la procédure d’audit dans le rapport final d’audit ne correspond pas à la réalité, que la requérante n’a pas reçu la possibilité d’exprimer son point de vue au cours de l’audit et que l’auditeur avait un préjugé et n’était pas impartial envers la requérante et a refusé à la requérante l’accès à certaines informations. La requérante expose ensuite que la décision constitue une violation du traité ou de toute règle relative à son application dans la mesure où :

–        elle est fondée sur un examen incorrect et insuffisant des faits par la Commission ;

–        elle reflète l’application incorrecte des contrats relatifs aux projets vérifiés, en particulier en ce qui concerne la conclusion que la requérante a violé ces contrats ;

–        elle est basée sur des erreurs manifestes d’appréciation des faits relatifs à la violation alléguée des contrats concernant les projets vérifiés, aboutissant à un défaut de respect du standard légal requis et donc à une erreur de droit ;

–        elle est fondée sur des défauts de raisonnement ; […]

–        elle constitue une violation des droits procéduraux de la requérante dans le cadre de la procédure précédant l’adoption de la décision. ».

13      Ainsi, la requérante n’indique pas les passages de l’acte attaqué à propos desquels elle invoque des violations de règles de droit par la Commission ni les éléments de fait ou de droit sur lesquels elle se fonde. Aucune référence n’est faite à la décision qui serait contenue dans l’acte attaqué sauf pour décrire son impact sur la requérante. Il s’ensuit que la demande en référé ne contient pas d’exposé du cadre factuel et des éléments de droit relatifs au litige opposant la requérante à la Commission et n’est pas compréhensible, par elle-même, sans se référer à la requête dans l’affaire au principal.

14      Par ailleurs, l’absence d’explication suffisante, dans la demande en référé, des éléments constitutifs d’un fumus boni juris ne saurait être compensée par la requête dans l’affaire au principal ayant été déposée au greffe du Tribunal (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 25 mai 2009, Biofrescos/Commission, T‑159/09 R, non publiée au Recueil, point 17).

15      En effet, si la demande en référé peut être complétée sur des points spécifiques par des renvois à des pièces qui y sont annexées, ces dernières ne sauraient pallier l’absence des éléments essentiels dans ladite demande (voir point 10 ci-dessus). Il n’incombe pas au juge des référés de rechercher, en lieu et place de la partie concernée, les éléments contenus dans les annexes ou dans la requête au principal qui seraient de nature à corroborer la demande en référé. Une telle obligation mise à la charge du juge des référés serait d’ailleurs de nature à priver d’effet la disposition du règlement de procédure qui prévoit que la demande relative à des mesures provisoires doit être présentée par acte séparé (ordonnances Stauner e.a./Parlement et Commission, précitée, point 37, et Biofrescos/Commission, précitée, point 18).

16      Partant, la demande en référé ne satisfait manifestement pas aux exigences de l’article 104, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure et doit donc être rejetée comme irrecevable, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres questions de recevabilité soulevées par la Commission.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 29 juillet 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.