Language of document : ECLI:EU:T:2020:607

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 décembre 2020 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds – Droits de la défense – Droit à un procès équitable – Obligation de motivation – Droit à une protection juridictionnelle effective – Erreur d’appréciation – Droit de propriété – Proportionnalité – Droit à exercer une activité économique – Droit au respect de la vie privée et familiale »

Dans l’affaire T‑189/19,

Maen Haikal, demeurant à Damas (Syrie), représenté par Me S. Koev, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Cholakova et M. V. Piessevaux, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution (PESC) 2019/87 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2019, L 18 I, p. 13), du règlement d’exécution (UE) 2019/85 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2019, L 18 I, p. 4), de la décision (PESC) 2019/806 du Conseil, du 17 mai 2019, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2019, L 132, p. 36), et du règlement d’exécution (UE) 2019/798 du Conseil, du 17 mai 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2019, L 132, p. 1), en tant que ces actes visent le requérant,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Maen Haikal, est un homme d’affaires de nationalité syrienne qui développe une activité commerciale dans le secteur immobilier.

2        Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2011/273/PESC, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2011, L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi que le gel des fonds et des ressources économiques de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

3        Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes, physiques ou morales, et des entités qui leur sont liées sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe. Le nom du requérant n’y figurait pas lors de l’adoption de ladite décision.

4        Étant donné que certaines des mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne entrent dans le champ d’application du traité FUE, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 442/2011, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2011, L 121, p. 1). Ce règlement est, pour l’essentiel, identique à la décision 2011/273, mais il prévoit des possibilités de déblocage des fonds gelés. La liste des personnes, des entités et des organismes reconnus comme étant soit responsables de la répression en cause, soit associés auxdits responsables, figurant à l’annexe II dudit règlement, est identique à celle figurant à l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 4, du règlement no 442/2011, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, physique ou morale, à une entité ou à un organisme les mesures restrictives visées, il modifie l’annexe II en conséquence et, par ailleurs, examine la liste qui y figure à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

5        Par la décision 2011/782/PESC, du 1er décembre 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/273 (JO 2011, L 319, p. 56), le Conseil a estimé, compte tenu de la gravité de la situation en Syrie, qu’il était nécessaire d’instituer des mesures restrictives supplémentaires. Par souci de clarté, les mesures imposées par la décision 2011/273 et les mesures supplémentaires ont été regroupées dans un instrument juridique unique. La décision 2011/782 prévoit, à son article 18, des restrictions en matière d’admission sur le territoire de l’Union et, à son article 19, le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et des entités dont le nom figure à l’annexe I.

6        Le règlement no 442/2011 a été remplacé par le règlement (UE) no 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie et abrogeant le règlement no 442/2011 (JO 2012, L 16, p. 1).

7        La décision 2011/782 a été remplacée par la décision 2012/739/PESC du Conseil, du 29 novembre 2012, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/782 (JO 2012, L 330, p. 21), elle-même remplacée par la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14).

8        Le 12 octobre 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/1836, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 266, p. 75). Le même jour, il a adopté le règlement (UE) 2015/1828, modifiant le règlement no 36/2012 (JO 2015, L 266, p. 1).

9        Aux termes du considérant 6 de la décision 2015/1836, « [l]e Conseil a estimé que, en raison du contrôle étroit exercé sur l’économie par le régime syrien, un cercle restreint de femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie n’[était] en mesure de maintenir son statut que grâce à des liens étroits avec le régime et au soutien de celui-ci, ainsi qu’à l’influence exercée en son sein », et « le Conseil estime qu’il devrait prévoir des mesures restrictives pour imposer des restrictions à l’admission des femmes et des hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie, identifiés par le Conseil et dont la liste figure à l’annexe I, ainsi que pour geler tous les fonds et ressources économiques qui leur appartiennent, qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par eux, afin de [les] empêcher de fournir un soutien matériel ou financier au régime et, par l’influence qu’ils exercent, d’accroître la pression sur le régime lui-même afin qu’il modifie sa politique de répression ».

10      La rédaction des articles 27 et 28 de la décision 2013/255 a été modifiée par la décision 2015/1836. Ces articles prévoient désormais des restrictions à l’entrée ou au passage en transit sur le territoire des États membres ainsi que le gel des fonds des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie », sauf « informations suffisantes indiquant [que ces personnes] ne sont pas, ou ne sont plus, lié[e]s au régime ou qu’[elles] n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’[elles] ne sont pas associé[e]s à un risque réel de contournement ».

11      Le règlement 2015/1828 a modifié, notamment, la rédaction de l’article 15 du règlement no 36/2012 afin d’y intégrer les nouveaux critères d’inscription définis par la décision 2015/1836 et introduits dans la décision 2013/255.

12      Par la décision d’exécution (PESC) 2019/87 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre la décision 2013/255 (JO 2019, L 18 I, p. 13), et par le règlement d’exécution (UE) 2019/85, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2019, L 18 I, p. 4), le nom du requérant a été inséré à la ligne 273 du tableau A des listes des noms des personnes, entités et organismes visés par les mesures restrictives qui figurent à l’annexe I de la décision 2013/255 et à l’annexe II du règlement no 36/2012 (ci-après, prises ensemble, les « listes en cause »).

13      Le Conseil a justifié l’adoption des mesures restrictives visant le requérant en l’identifiant comme l’« actionnaire secondaire de la société Exceed [for] Development and Investment [LLC] » et par la mention des motifs suivants :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, détenant une participation de 33 % dans Exceed [for] Development and Investment, qui a conclu un accord de coentreprise d’une valeur de 17,7 millions de dollars des États-Unis pour la construction de Marota City, un projet immobilier et commercial haut de gamme [soutenu par le régime]. Du fait de sa participation au projet de Marota City, Maen Rizk Allah [Haikal] profite du régime syrien et/ou soutient ce dernier. »

14      Le 22 janvier 2019, le Conseil a procédé à la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2013/255 et par le règlement no 36/2012 (JO 2019, C 27, p. 3).

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 avril 2019, le requérant a introduit le présent recours.

16      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 10 juin 2019, le requérant a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, adapté la requête de sorte que celle-ci vise également l’annulation de la décision (PESC) 2019/806 du Conseil, du 17 mai 2019, modifiant la décision 2013/255 (JO 2019, L 132, p. 36), et du règlement d’exécution (UE) 2019/798, du 17 mai 2019, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2019, L 132, p. 1), en tant que ces actes le concernent (la décision 2019/806 et le règlement d’exécution 2019/798, d’une part, et la décision d’exécution 2019/87 et le règlement d’exécution 2019/85, d’autre part, étant, ci-après, dénommés ensemble les « actes attaqués »).

17      Le 3 juillet 2019, le Conseil a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense et les observations sur le mémoire en adaptation. En annexe au mémoire en défense et aux observations sur le mémoire en adaptation, le Conseil a produit le document portant la référence WK 53/2019 INIT, du 10 janvier 2019, comprenant les éléments de preuve venant au soutien des motifs de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause.

18      Le 17 octobre 2019, le requérant a déposé au greffe du Tribunal la réplique. Le 2 décembre 2019, le Conseil a déposé au greffe du Tribunal la duplique.

19      Par courrier du 4 décembre 2019, les parties ont été informées de la clôture de la phase écrite de la procédure et de la possibilité, pour elles, de demander la tenue d’une audience dans les conditions prévues à l’article 106 du règlement de procédure. Les parties n’ont pas présenté une telle demande dans le délai qui leur était imparti en application de ces dispositions et qui expirait le 6 janvier 2020.

20      Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a), de son règlement de procédure, le Tribunal a, le 22 juin 2020, posé des questions au Conseil. Le Conseil a répondu aux questions dans le délai imparti.

21      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        juger le présent recours recevable et fondé dans son intégralité et juger fondés tous les moyens qu’il comporte ;

–        examiner le présent recours dans le cadre de la procédure accélérée ;

–        constater que les actes attaqués peuvent être annulés partiellement, puisque la partie des actes qu’il y a lieu d’annuler est détachable de l’acte dans son ensemble et, en conséquence, annuler les actes attaqués en ce qu’ils le visent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

22      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les actes attaqués en ce qu’ils visent le requérant, ordonner le maintien des effets de la décision d’exécution 2019/87 et de la décision 2019/806 en tant qu’elles concernent le requérant, jusqu’à l’annulation partielle des règlements d’exécution 2019/85 et 2019/798.

 En droit

 Sur la demande de procédure accélérée

23      Selon l’article 151, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Tribunal peut, au vu de l’urgence particulière et des circonstances de l’affaire, sur demande soit du requérant soit du défendeur, l’autre partie principale entendue, décider de statuer selon une procédure accélérée.

24      À l’article 152, paragraphe 1, du règlement de procédure, il est prévu notamment qu’une demande de procédure accélérée doit être présentée par acte séparé lors du dépôt de la requête et contenir une motivation précisant l’urgence particulière de l’affaire et les autres circonstances pertinentes.

25      En l’espèce, la demande de procédure accélérée du requérant consiste en un chef de conclusions au sein de la requête. Ainsi, force est de constater que cette demande ne satisfait pas aux conditions visées à l’article 152, paragraphe 1, du règlement de procédure, de sorte qu’elle doit être rejetée comme étant irrecevable (voir, en ce sens, ordonnance du 23 octobre 2017, Karp/Parlement, T‑833/16, non publiée, EU:T:2017:766, points 15 à 17, et arrêt du 19 septembre 2018, Selimovic/Parlement, T‑61/17, non publié, EU:T:2018:565, points 26 à 28).

 Sur le fond

26      À titre liminaire, il convient de relever que la décision d’exécution 2019/87 a été adoptée sur le fondement de l’article 31, paragraphe 2, TUE, pour mettre en œuvre la décision 2013/255, elle-même adoptée sur le fondement de l’article 29 TUE, et que la décision 2019/806 a été adoptée sur le fondement de l’article 29 TUE. L’article 29 TUE attribue compétence au Conseil pour adopter des décisions qui définissent la position de l’Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique.

27      C’est également sur la base de l’article 29 TUE que le Conseil a adopté la décision 2015/1836, selon laquelle être un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie constitue un critère juridique pour l’application des mesures restrictives en cause.

28      En effet, ainsi que le prévoient l’article 27, paragraphe 2, sous a), et l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, les personnes appartenant à la catégorie des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » sont désormais soumises aux mesures restrictives édictées par cette décision. En outre, en vertu de l’article 27, paragraphe 3, et de l’article 28, paragraphe 3, de cette même décision, ces personnes ne font pas l’objet de ces mesures ou cessent d’en faire l’objet seulement s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’elles ne sont pas, ou ne sont plus, liées au régime ou qu’elles n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’elles ne sont pas associées à un risque réel de contournement. À cet égard, comme l’expose le Conseil au considérant 6 de la décision 2015/1836 et au considérant 5 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, un cercle restreint de femmes et d’hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie n’est en mesure de maintenir son statut que grâce à des liens étroits avec le régime et au soutien de celui-ci, ainsi qu’à l’influence exercée en son sein. Les critères mentionnés ci-dessus ont été repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), et paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828.

29      C’est à la lumière de ce contexte juridique qu’il convient d’examiner les sept moyens soulevés par le requérant à l’appui du recours, à savoir le premier, tiré de la violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable, le deuxième, tiré de la violation de l’obligation de motivation, le troisième, tiré de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective, le quatrième, tiré d’une erreur d’appréciation, le cinquième, tiré de la violation du droit de propriété, du principe de proportionnalité et de la liberté d’exercer une activité économique, le sixième, tiré de la violation du droit à des conditions de vie normales et, le septième, tiré de la violation du droit à la réputation.

30      Le Tribunal estime opportun d’examiner les moyens du requérant dans l’ordre dans lequel il les a présentés. Néanmoins, les cinquième, sixième et septième moyens seront analysés ensemble.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable

31      Le requérant allègue une violation de ses droits de la défense et de son droit à un procès équitable en raison de la manière dont le Conseil a ajouté son nom sur les listes en cause et en raison de la violation, par le Conseil, de la charge de la preuve, ce qui l’oblige à se défendre contre des accusations qui ne sont ni claires ni complètes.

32      À cet égard, le requérant reproche, en substance, au Conseil de ne pas avoir apporté la preuve, tout d’abord, de ce qu’il serait un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ensuite, de ce qu’il soutiendrait le régime syrien et en bénéficierait et, enfin, de ce qu’il réaliserait des bénéfices importants du fait de ses liens avec le régime, qu’il aiderait à financer, notamment par l’intermédiaire de coentreprises dont les activités consisteraient à soutenir et à tirer avantage du régime syrien ainsi qu’à exproprier illégalement des terres, empêchant des personnes de regagner leur foyer.

33      Par ailleurs, la notification de l’adoption des mesures restrictives n’aurait pas été reçue et les éléments de preuve venant au soutien du bien-fondé de l’inscription de son nom sur les listes en cause n’auraient pas été produits.

34      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

35      À titre liminaire, il convient de relever que les arguments du requérant selon lesquels le Conseil n’aurait pas satisfait à la charge de la preuve relèvent de l’examen du quatrième moyen, tiré de l’erreur d’appréciation, et seront donc analysés dans le cadre de celui-ci. Quant à l’argument du requérant selon lequel les accusations du Conseil ne seraient ni claires, ni complètes, il se rattache au deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation, et sera, dès lors, analysé dans le cadre de celui-ci.

36      Ensuite, il y a lieu de comprendre que le requérant, en reprochant au Conseil la manière dont il a adopté les actes attaqués, ce qui aurait conduit à une violation de ses droits de la défense et de son droit à un procès équitable, et en faisant valoir l’absence de notification des actes attaqués et de communication des éléments de preuve venant au soutien de l’inscription de son nom sur les listes en cause, vise à soutenir qu’il aurait dû recevoir les éléments de preuve venant au soutien des motifs de ladite inscription et aurait dû être entendu avant l’adoption desdits actes.

37      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense, qui est consacré à l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), comporte le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 99 et jurisprudence citée).

38      L’article 52, paragraphe 1, de la Charte admet toutefois des limitations à l’exercice des droits consacrés par celle-ci, pour autant que la limitation concernée respecte le contenu essentiel du droit fondamental en cause et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 101 et jurisprudence citée).

39      Enfin, l’existence d’une violation des droits de la défense doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 102 et jurisprudence citée).

40      C’est à la lumière de ces règles jurisprudentielles qu’il convient d’analyser le premier moyen.

41      En premier lieu, en ce qui concerne la prétendue absence de notification des actes attaqués, il convient d’indiquer que l’article 30, paragraphe 2, de la décision 2013/255 et l’article 32, paragraphe 2, du règlement no 36/2012 prévoient, en substance, que le Conseil doit communiquer sa décision à la personne ou à l’entité concernées, y compris les motifs de l’inscription ou du maintien de son nom sur les listes en cause, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

42      À ce titre, il convient de rappeler que le Conseil n’est pas libre de choisir arbitrairement le mode de communication de ses décisions aux personnes intéressées. Selon la jurisprudence, une communication indirecte des actes dont l’annulation est demandée par la publication d’un avis au Journal officiel est permise dans les seuls cas où il est impossible pour le Conseil de procéder à une notification (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2015, Akhras/Conseil, T‑579/11, non publié, EU:T:2015:97, point 83 et jurisprudence citée).

43      En l’espèce, il convient de constater qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le Conseil disposait de l’adresse du requérant, ce qui n’a d’ailleurs pas été contesté par ce dernier. Le Conseil ne pouvait donc pas notifier individuellement au requérant l’inscription initiale, ni le maintien de son nom sur les listes en cause par les actes attaqués.

44      En outre, eu égard au libellé de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, il convient de préciser que, lorsqu’un acte doit faire l’objet d’une notification, celle-ci doit en principe être adressée au destinataire de cet acte, et non aux avocats qui le représentent. Ainsi, selon la jurisprudence, la notification au représentant d’une partie requérante ne vaut notification au destinataire que lorsqu’une telle forme de notification est prévue expressément par une réglementation ou par un accord entre les parties (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 74 et jurisprudence citée), et non unilatéralement par l’une d’elles (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2015, Oil Turbo Compressor/Conseil, T‑552/13, EU:T:2015:805, point 62 et jurisprudence citée).

45      En l’espèce, ni la décision 2013/255 ni le règlement no 36/2012 ne font référence de manière explicite à la possibilité que la notification visée par la jurisprudence rappelée au point 44 ci-dessus prenne la forme de la communication d’un acte à un avocat représentant la personne ou l’entité visées par celui-ci. En outre, le requérant n’a ni allégué ni établi l’existence d’un tel accord entre lui-même et le Conseil sur la base duquel ce dernier aurait pu, voire dû, communiquer les actes attaqués à son représentant.

46      Enfin, il y a lieu de relever que le Conseil a effectivement procédé à la publication au Journal officiel de l’avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2013/255 et par le règlement no 36/2012, le 22 janvier 2019, en ce qui concerne la décision d’exécution 2019/87 et le règlement d’exécution 2019/85 (JO 2019, C 27, p. 3), et le 20 mai 2019, en ce qui concerne la décision 2019/806 et le règlement d’exécution 2019/798 (JO 2019, C 171, p. 3). Partant, le Conseil a régulièrement communiqué les actes attaqués au requérant et il convient donc de rejeter l’argument de ce dernier.

47      En second lieu, il convient de rappeler que le juge de l’Union distingue, d’une part, l’inscription initiale du nom d’une personne sur les listes en cause et, d’autre part, le maintien du nom de cette personne sur lesdites listes.

48      Ainsi, premièrement, en ce qui concerne la décision d’exécution 2019/87 et le règlement d’exécution 2019/85, inscrivant pour la première fois le nom du requérant sur les listes en cause, il ne saurait être requis des autorités de l’Union qu’elles communiquent les motifs desdites mesures préalablement à l’inscription initiale du nom d’une personne ou d’une entité sur les listes imposant des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2015, Makhlouf/Conseil, T‑509/11, non publié, EU:T:2015:33, point 34 et jurisprudence citée).

49      En effet, une telle communication préalable serait de nature à compromettre l’efficacité des mesures de gel de fonds et de ressources économiques qu’imposent ces décisions (voir arrêt du 21 janvier 2015, Makhlouf/Conseil, T‑509/11, non publié, EU:T:2015:33, point 35 et jurisprudence citée).

50      Ainsi, afin d’atteindre l’objectif poursuivi par la décision d’exécution 2019/87 et le règlement d’exécution 2019/85, aux annexes desquels a été inscrit le nom du requérant, de telles mesures doivent, par leur nature même, bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer avec effet immédiat (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2015, Makhlouf/Conseil, T‑509/11, non publié, EU:T:2015:33, point 36 et jurisprudence citée).

51      Pour des raisons tenant à l’objectif poursuivi par cette décision d’exécution et ce règlement d’exécution, et à l’efficacité des mesures prévues par ceux-ci, les autorités de l’Union n’étaient dès lors pas tenues de communiquer au requérant les éléments retenus à charge, ni de l’entendre préalablement à l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2015, Makhlouf/Conseil, T‑509/11, non publié, EU:T:2015:33, point 37 et jurisprudence citée). Cette absence de communication des éléments de preuve justifiant l’inscription et d’audition préalable ne porte donc pas atteinte aux droits de la défense du requérant.

52      Deuxièmement, en ce qui concerne la décision 2019/806 et le règlement d’exécution 2019/798 ayant maintenu le nom du requérant sur les listes en cause, il convient de rappeler que, dans le cas d’une décision et d’un règlement d’exécution subséquents de gel de fonds par lesquels le nom d’une personne ou d’une entité figurant déjà dans les listes en cause est maintenu, cet effet de surprise n’est plus nécessaire afin d’assurer l’efficacité de la mesure, de sorte que l’adoption d’une telle décision et d’un tel règlement d’exécution doit, en principe, être précédée d’une communication des éléments retenus à charge ainsi que de l’opportunité conférée à la personne ou à l’entité concernées d’être entendues (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 62).

53      À cet égard, la Cour a souligné que l’élément de protection qu’offraient l’exigence de communication des éléments à charge et le droit de présenter des observations avant l’adoption d’actes qui maintiennent le nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives était fondamental et essentiel aux droits de la défense. Cela est d’autant plus vrai que les mesures restrictives en question ont une incidence importante sur les droits et les libertés des personnes et des groupes visés (arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 64).

54      Toutefois, lorsque le maintien de la personne ou de l’entité concernées sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives est fondé sur les mêmes motifs que ceux qui ont justifié l’adoption de l’acte initial sans que de nouveaux éléments aient été retenus à son égard, le Conseil n’est pas tenu, pour respecter son droit d’être entendu, de lui communiquer les éléments retenus à charge (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 7 avril 2016, Central Bank of Iran/Conseil, C‑266/15 P, EU:C:2016:208, point 33 et jurisprudence citée).

55      En l’espèce, d’une part, il convient de constater que la décision 2019/806 et le règlement d’exécution 2019/798 n’ont pas modifié la motivation contenue aux annexes de la décision d’exécution 2019/87 et du règlement d’exécution 2019/85, relative à l’inscription initiale du nom du requérant sur les listes en cause.

56      D’autre part, indépendamment même de l’appui sur des éléments de preuve nouveaux, au demeurant non allégué par le requérant et écarté par le Conseil, il ne saurait être reproché au Conseil de ne pas avoir communiqué au requérant les éléments de preuve ayant servi de fondement à la décision 2019/806 et au règlement d’exécution 2019/798 et, plus généralement, à l’ensemble des actes attaqués, dès lors qu’il ne disposait pas de son adresse (voir point 43 ci-dessus).

57      Dès lors, il ressort de ce qui précède que le Conseil n’a porté aucune atteinte aux droits de la défense qui justifierait l’annulation des actes attaqués, pour autant qu’ils concernent le requérant (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2015, Makhlouf/Conseil, T‑509/11, non publié, EU:T:2015:33, point 43 et jurisprudence citée).

58      Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

59      Le requérant soutient que, en justifiant l’inscription initiale et le maintien de son nom sur les listes en cause en raison de sa participation au projet Marota City, le Conseil a violé l’obligation de motivation imposée aux institutions de l’Union européenne par l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), de l’article 296 TFUE ainsi que de l’article 41 de la Charte. En effet, le Conseil aurait, sans aucune motivation, établi un lien entre le requérant et les personnes qui profitent du régime syrien ou le soutiennent, sur le fondement de sa participation au projet Marota City. Le requérant aurait été ainsi automatiquement associé à des personnes qui sont des hommes d’affaires éminents réalisant des bénéfices importants et qui participent en retour à des projets soutenus par le régime.

60      Le requérant fait encore valoir, en substance, que le seul fait de participer, à concurrence de 16 %, à l’un des projets qui fait partie du projet Marota City ne saurait suffire pour considérer qu’il apporte un soutien au régime syrien ou tire avantage de celui-ci. À cet égard, il reproche notamment au Conseil de ne pas avoir tenu compte du fait que son entreprise, Haikal Engineering, ne serait qu’une entreprise familiale non rentable, qu’il ne serait qu’un associé minoritaire dans Exceed for Development and Investment et, enfin, qu’il n’aurait pas de pouvoir décisionnel propre dans l’entreprise Almutaweroun JSPC. Enfin, il nie catégoriquement pouvoir être considéré comme un homme d’affaires influent, avoir ou avoir eu des contacts commerciaux, des liens de parenté ou tout autre type de lien avec des personnes et entités proches du régime syrien.

61      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

62      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue le corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 60 et jurisprudence citée).

63      Il convient également de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 61 et jurisprudence citée).

64      La motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel de fonds doit identifier les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles celui-ci considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 63 et jurisprudence citée).

65      Cependant, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 64 et jurisprudence citée).

66      Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 65 et jurisprudence citée).

67      En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 66 et jurisprudence citée).

68      Enfin, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver un acte constitue une forme substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cet acte. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond dudit acte, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 96 et jurisprudence citée).

69      En l’espèce, il convient de relever, en premier lieu, que les arguments du requérant, tels que rappelés au point 60 ci-dessus, visent, en substance, à contester le bien-fondé des motifs d’inscription et de maintien de son nom sur les listes en cause. Dès lors que ces arguments ne tendent pas à remettre spécifiquement en cause le caractère suffisant de la motivation des actes attaqués, mais plutôt le statut du requérant d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et le bénéfice qu’il tire du régime syrien ainsi que le soutien qu’il apporte audit régime, ils doivent être examinés dans le cadre du quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation.

70      En second lieu, en ce qui concerne les raisons pour lesquelles des mesures restrictives visant le requérant ont été adoptées et maintenues, il convient de rappeler que le Conseil a motivé l’inscription de son nom sur les listes en cause de la manière suivante :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, détenant une participation de 33 % dans Exceed [for] Development and Investment, qui a conclu un accord de coentreprise d’une valeur de 17,7 millions de dollars des États-Unis pour la construction de Marota City, un projet immobilier et commercial haut de gamme [soutenu par le régime]. Du fait de sa participation au projet de Marota City, Maen Rizk Allah [Haikal] profite du régime syrien et/ou soutient ce dernier. »

71      Tout d’abord, il en résulte que, contrairement à ce que fait valoir le requérant, le Conseil a effectivement indiqué les raisons l’ayant conduit à considérer que l’inscription et le maintien de son nom sur les listes en cause étaient justifiés. Il ne saurait, dès lors, être soutenu que le requérant a été automatiquement, autrement dit sans explication, associé à des hommes d’affaires éminents réalisant des bénéfices importants et participant en retour à des projets soutenus par le régime.

72      Ensuite, il y a lieu de relever que ces raisons, spécifiques et concrètes, ayant conduit le Conseil à procéder à l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause et à l’y maintenir, sont indiquées de manière suffisamment claire pour permettre au requérant de les comprendre. En effet, d’une part, au vu de la nature des motifs sur lesquels est fondée l’inscription du nom du requérant et qui portent sur des faits clairs le concernant, à savoir sa participation dans Exceed for Development and Investment et la conclusion d’un accord de coentreprise d’une valeur de 17,7 millions de dollars des États-Unis (USD) pour la construction du projet Marota City, le requérant ne saurait prétendre que lesdits motifs lui sont incompréhensibles. D’autre part, les moyens et les arguments que le requérant soulève dans le cadre de la requête indiquent qu’il a été mis en mesure de connaître les justifications des mesures prises à son égard afin de pouvoir les contester utilement devant le juge.

73      Il convient d’en conclure que la motivation des actes attaqués est compréhensible et suffisamment précise pour permettre au requérant de connaître les raisons ayant conduit le Conseil à considérer que l’inscription et le maintien de son nom sur les listes en cause étaient justifiés et d’en contester la légalité devant le juge et pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle.

74      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective

75      Le requérant soutient que le Conseil a violé son droit à une protection juridictionnelle effective, tel que prévu par les articles 6 et 13 de la CEDH, l’article 215 TFUE et les articles 41 et 47 de la Charte, dans la mesure où la violation de l’obligation de motivation l’empêcherait de développer une argumentation cohérente pour contester la légalité des actes attaqués et empêcherait le Tribunal d’exercer son contrôle de légalité desdits actes.

76      En outre, le renversement illégal de la charge de la preuve comporterait un risque que le Conseil utilise des parties de la requête et des éléments de preuve qui y sont présentés pour tenter de régulariser les actes attaqués, erronés et illégaux.

77      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

78      Tout d’abord, il convient de rappeler que le droit à une protection juridictionnelle effective, qui est affirmé à l’article 47 de la Charte, exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard notamment par la lecture de la décision elle-même, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée). Or, ainsi qu’il a été constaté au point 46 ci-dessus, le Conseil a régulièrement communiqué les actes attaqués au requérant.

79      Ensuite, il y a lieu de signaler que l’effectivité du contrôle juridictionnel, garantie par l’article 47 de la Charte, exige notamment que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne déterminée sur les listes de personnes visées par des sanctions, le juge de l’Union s’assure que cette décision repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119). Il en résulte que le Tribunal procède à un contrôle entier du bien-fondé des motifs fondant les actes attaqués.

80      Enfin, selon la jurisprudence, l’existence d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 102 et jurisprudence citée).

81      Or, il convient de constater que les avis publiés par le Conseil, mentionnés au point 46 ci-dessus, prévoyaient explicitement la possibilité, pour les personnes concernées, de demander un réexamen par celui-ci de l’inscription de leur nom sur les listes en cause et d’introduire un recours en annulation devant le Tribunal. En l’espèce, un tel recours a pu être introduit dans les conditions prévues à l’article 275, second alinéa, TFUE et à l’article 263, quatrième et sixième alinéas, TFUE, à l’encontre de la décision d’exécution 2019/87 et du règlement d’exécution 2019/85, comme il ressort du présent recours en annulation. De plus, le requérant a pu déposer un mémoire en adaptation, en vertu de l’article 86 du règlement de procédure, afin d’obtenir l’annulation de la décision 2019/806 et du règlement d’exécution 2019/798.

82      Il résulte de l’ensemble de ces considérations que la saisine par le requérant du Tribunal permet, en l’espèce, de démontrer que celui-ci disposait bien d’un recours juridictionnel effectif.

83      Au demeurant, l’argument du requérant selon lequel son droit à une protection juridictionnelle effective ne serait pas garanti dès lors que les actes attaqués ne seraient pas motivés ne saurait prospérer, dès lors qu’il a été établi, ainsi qu’il ressort du point 73 ci-dessus, que le Conseil a satisfait à son obligation de motivation.

84      De même, l’argument du requérant relatif au risque que le renversement de la charge de la preuve conduise le Conseil à utiliser des parties de la requête et des éléments de preuve qui y sont présentés pour tenter de régulariser les actes attaqués est, en tout état de cause, non fondé dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêts du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée, et du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, non publié, EU:T:2015:596, point 112 et jurisprudence citée). Par conséquent, il incombe au Tribunal de ne tenir compte que des éléments de fait qui existaient au moment de l’adoption des actes attaqués et dont le Conseil avait connaissance à ce moment-là pour en apprécier la légalité.

85      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation du Conseil

86      Le requérant soutient, premièrement, qu’il ne serait pas un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et, deuxièmement, qu’il ne soutiendrait pas le régime syrien, ni n’en tirerait profit.

87      En premier lieu, pour contester le motif d’inscription lié à son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, le requérant fait valoir, d’une part, qu’Haikal Engineering n’est pas prospère et, d’autre part, qu’il n’est pas connu dans le milieu des affaires en Syrie, qu’il n’est pas une personnalité publique et qu’il ne possède, ni ne gère d’entreprise commerciale importante.

88      En deuxième lieu, pour remettre en cause le motif d’inscription lié au bénéfice et au soutien qu’il apporterait au régime syrien, le requérant indique qu’il n’a pas eu et n’a pas de contacts avec des personnes et des entités proches du régime syrien, qu’il n’a obtenu aucun avantage concret dudit régime et qu’il ne réalisera pas de bénéfices en participant au projet Marota City.

89      En troisième lieu, le requérant allègue une erreur d’identification dans les listes en cause.

90      En quatrième lieu, le requérant considère, en substance, que les éléments de preuve produits par le Conseil et compris dans le document portant la référence WK 53/2019 INIT ne permettent pas, qu’ils soient examinés ensemble ou individuellement, de démontrer le bien-fondé des motifs d’inscription et de maintien de son nom sur les listes en cause.

91      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

92      À titre liminaire, ainsi qu’il a été rappelé au point 79 ci-dessus, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernées, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

93      À cette fin, il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée).

94      C’est en effet à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernées, et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

95      À cette fin, il n’est pas requis que ladite autorité produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernées (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122).

96      Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernées à leur sujet (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

97      Enfin, conformément à la jurisprudence de la Cour, l’appréciation du bien-fondé d’une inscription doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 51, et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 50).

98      Il convient de rappeler que les critères généraux d’inscription énoncés à l’article 27, paragraphe 1, et à l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, prévoient que les personnes et les entités bénéficiant des politiques menées par le régime syrien ou soutenant celui-ci font l’objet de mesures restrictives. De même, l’article 27, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, de ladite décision, et repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), et paragraphe 1 ter, dudit règlement, disposent que la catégorie des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » fait l’objet de mesures restrictives, sauf s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement.

99      Par ailleurs, il ressort des motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, tels qu’énoncés aux points 13 et 70 ci-dessus, que le requérant a vu son nom être inscrit sur lesdites listes en raison, premièrement, de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et, deuxièmement, de son lien avec le régime syrien.

100    Autrement dit, l’inscription du requérant est fondée, d’une part, sur le critère défini au paragraphe 2, sous a), de l’article 27 et de l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et au paragraphe 1 bis, sous a), de l’article 15 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828 (critère d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie) et, d’autre part, sur le critère défini au paragraphe 1 de l’article 27 et de l’article 28 de ladite décision et au paragraphe 1, sous a), de l’article 15 dudit règlement (critère d’association avec le régime).

101    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent moyen.

102    En premier lieu, s’agissant de la prétendue erreur d’identification du requérant sur les listes en cause, il convient de rappeler que, même si les mesures restrictives ne constituent pas une sanction pénale, il n’en demeure pas moins qu’il appartient au Conseil, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 92 et 93 ci-dessus, d’établir à suffisance de droit l’identité des personnes et des entités à l’égard desquelles il adopte des mesures restrictives (voir arrêt du 9 septembre 2016, Tri Ocean Energy/Conseil, T‑719/14, non publié, EU:T:2016:458, point 30 et jurisprudence citée). À ce titre, en matière de mesures restrictives, l’identification à suffisance de droit des destinataires des actes par le Conseil constitue un préalable à leur inscription et à l’examen concret des faits litigieux. Avant d’examiner le bien-fondé de l’inscription du nom d’une personne ou d’une entité sur les listes litigieuses, il y a donc lieu de vérifier si les personnes et les entités inscrites ont été identifiées à suffisance de droit par le Conseil (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2016, Tri Ocean Energy/Conseil, T‑719/14, non publié, EU:T:2016:458, point 33).

103    En l’espèce, le requérant déduit l’erreur d’identification de l’orthographe du nom utilisée. En effet, les actes attaqués indiqueraient que le nom de la personne inscrite sur les listes en cause est Maen Rizk Allah Haykal alors que le nom du requérant serait Maen Haikal, ainsi que cela ressortirait des éléments de preuve annexés à la requête.

104    À cet égard, il convient cependant de relever, à l’instar du Conseil, que la translittération du nom du requérant de l’alphabet arabe à l’alphabet latin peut conduire à l’orthographier Haikal ou Haykal. Cela se reflète d’ailleurs dans les éléments de preuve produits par le requérant, à savoir l’extrait du registre d’état civil du requérant qui, dans sa version anglaise, orthographie le nom de celui-ci comme étant Haikal, alors que le certificat d’enregistrement d’Exceed for Development and Investment, dans sa version anglaise, orthographie son nom comme étant Haykal. Enfin, le nom Rizk Allah fait référence au nom du père du requérant, utilisé comme moyen d’identification de ce dernier, ainsi qu’il ressort des deux éléments de preuve précités, mais également du passeport international du requérant, produit en annexe à la requête.

105    Par conséquent, le Conseil n’a pas commis d’erreur dans l’identification du requérant.

106    En deuxième lieu, le requérant conteste l’inscription de son nom sur les listes en cause plus de sept ans après les premières mesures restrictives adoptées en raison de la situation en Syrie.

107    Néanmoins, ainsi que le soutient, en substance, le Conseil, cet argument est non fondé, dès lors qu’il est expressément prévu par l’article 30, paragraphe 1, de la décision 2013/255 que le Conseil peut modifier les listes en cause sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Partant, le Conseil peut, à tout moment, ajouter des noms de personnes ou d’entités sur les listes en cause pour autant qu’il l’estime nécessaire au regard d’éléments de preuve démontrant qu’une personne ou une entité satisfont à un ou à plusieurs des critères d’inscription prévus par les articles 27 et 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836.

108    En troisième lieu, il y a lieu d’analyser, tout d’abord, les arguments du requérant qui visent, en substance, à remettre en cause le premier motif d’inscription, à savoir celui selon lequel il est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

109    Ainsi qu’il a été rappelé au point 13 ci-dessus, le Conseil a identifié le requérant dans les actes attaqués comme étant l’« actionnaire secondaire de la société Exceed [for] Development and Investment ».

110    En outre, pour justifier l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, le Conseil a fourni le document portant la référence WK 53/2019 INIT comportant des éléments d’information publiquement accessibles, à savoir des liens vers des sites Internet, des articles de presse et des captures d’écran provenant :

–        du site Internet « aliqtisadi News », qui indique, dans un article du 22 octobre 2017, que le requérant possède 33 % des parts d’Exceed for Development and Investment, dont le capital s’élève à un million de livres syriennes ; M. Hayan Kaddour possède, quant à lui, 67 % des parts de cette société qui a reçu l’approbation du ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien afin de fournir des services, notamment dans le secteur du tourisme, dans celui de la construction d’établissements de commerce ou de centres commerciaux, et afin de constituer des sociétés par actions ou des sociétés à responsabilité limitée, y participer ou en détenir des actions ;

–        du site Internet « The Syria Report », qui mentionne, sur une page consultée le 3 octobre 2018, que le requérant est, avec 33 % de parts détenues, l’actionnaire secondaire d’Exceed for Development and Investment ; ce site dresse, sur une page du 17 avril 2018, la liste des coentreprises constituées par Damascus Cham Holding et des investisseurs privés, au titre desquelles est mentionnée Almutaweroun, dont le capital s’élève à 17,7 millions d’USD, et de laquelle il ressort, d’une part, qu’Exceed for Development and Investment possède 51 % des parts et, d’autre part, que le requérant est actionnaire ; cette page indique également qu’Almutaweroun exploitera trois terrains, deux d’entre eux étant prévus pour des logements (11 000 mètres carrés) et l’autre devant être utilisé à des fins commerciales (2 956 mètres carrés) ; dans un article du 13 février 2018 est relayée l’information selon laquelle Damascus Cham Holding et Exceed for Development and Investment ont établi une coentreprise, dénommée Almutaweroun, dont Exceed for Development and Investment détient 51 % des parts ; selon cet article, Exceed for Development and Investment va contribuer en argent liquide tandis que Damascus Cham Holding va contribuer en fournissant des parcelles de terrain ; il est également précisé qu’Almutaweroun exploitera trois terrains, deux d’entre eux étant prévus pour des logements (11 000 mètres carrés) et l’autre devant être utilisé à des fins commerciales (2 956 mètres carrés) et que le requérant, à l’instar de la plupart des investisseurs avec qui Damascus Cham Holding a conclu des projets, était largement inconnu avant 2011 ; dans un article du 1er juin 2018 est indiqué le fait que le projet Marota City est un projet d’investissement soutenu par le régime syrien dans le cadre du décret no 66 en vertu duquel des terrains situés à Damas et dotés d’un statut socio-économique inférieur ont été expropriés et réaménagés ; selon cet article, les habitants des zones concernées par les expropriations soutiennent dans une large mesure l’opposition au régime, ce que les critiques n’ont pas tardé à analyser comme suggérant que les expropriations étaient politiquement motivées ; l’article mentionne par ailleurs que Damascus Cham Holding a été établie par le gouvernorat de Damas et est présidée par M. Bishr Al-Sabban, faisant l’objet de sanctions et qui était, à la date de publication de l’article, gouverneur de Damas ; enfin, l’article relaye les mêmes informations s’agissant des conditions liées à la création d’Almutaweroun par Damascus Cham Holding et Exceed for Development and Investment que l’article du 13 février 2018 ;

–        du site Internet « Atlantic Council », qui, dans un article du 7 mars 2018, intitulé « Decree 66 and the Impact of its National Expansion » (le décret no 66 et l’impact de son expansion nationale), explique la manière dont le développement des projets résidentiels sur les territoires concernés par le décret no 66 sera mené par des entreprises détenues par des gouvernorats et des municipalités syriens, mais que la construction et la gestion de ces projets reviendront très certainement à des entreprises du secteur privé détenues par des investisseurs ayant des relations avec le régime syrien ; il indique que, dans le cadre du projet Marota City, de nouvelles figures du monde des affaires ayant des liens étroits avec le régime sont apparues et qu’un certain nombre d’entre elles et d’organisations ont bénéficié de contrats lucratifs avec Damascus Cham Holding, dont Exceed for Development and Investment, détenue notamment par le requérant ;

–        du site Internet « Syrian Law Journal », qui, sur une page du 14 mai 2018, indique, d’une part, que le décret no 66 a défini les critères géographiques du projet Marota City, et, d’autre part, que le décret no 19 permet l’établissement de sociétés anonymes de droit privé par les conseils et, enfin, que le gouvernorat de Damas a établi Damascus Cham Holding, en faisant de celui qui était, à la date de publication de l’article, gouverneur de Damas, son président, avec l’objectif de développer le projet Marota City ;

–        du site Internet du gouvernement syrien présentant, le 18 septembre 2012, le décret no 66 qui créait à Damas deux nouvelles zones de développement résidentiel et commercial ;

–        du site Internet « The Foundation for Strategic Research », qui explique, dans un article d’avril 2018, les motivations ayant conduit à l’adoption du décret no 66, à savoir qu’il pouvait être utilisé comme un instrument pour le développement rapide et important de projets, ce qui bénéficierait aux hommes d’affaires proches du régime, tout en constituant une force punitive puissante à l’encontre des populations opposées au régime ;

–        du site Internet « The Syrian Observer », qui indique, dans un article du 6 avril 2018, que les hommes d’affaires proches du régime syrien et représentant les pays de la région ont commencé à chercher à investir dans le secteur de la reconstruction en participant aux organisations de développement mises en place dans la capitale Damas et ses banlieues et en créant de nouvelles sociétés dans l’objectif principal d’investir dans ces organisations ; il précise que l’obéissance, la loyauté et les liens commerciaux étrangers des investisseurs privés sont les normes admises pour la sélection des hommes et des femmes d’affaires ;

–        du site Internet « Brookings Institution », qui a publié un rapport en juin 2018, intitulé « Beyond Fragility : Syria and the challenges of reconstruction in fierce states » (Au-delà de la fragilité : la Syrie et les défis de la reconstruction dans les États violents) selon lequel le décret no 66 est un moyen pour le régime de saisir des terrains et des propriétés, de punir ses opposants, de récompenser ceux qui lui sont proches et de resserrer son contrôle sur l’économie syrienne ; le projet Marota City y est décrit comme étant l’exemple le plus frappant des mécanismes mis en place par le régime syrien afin de récompenser les hommes et femmes d’affaires proches dudit régime ; de plus, il est mentionné que Damascus Cham Holding est présidée par M. Bishr Al-Sabban, qui était, à la date de publication de l’article, gouverneur de Damas.

111    Dans un premier temps, le requérant remet en cause la fiabilité des éléments de preuve produits par le Conseil. Il fait ainsi valoir, en substance, qu’il s’agit soit d’articles publiés sur Internet par des auteurs inconnus, soit d’analyses personnelles et subjectives de la situation en Syrie, faites par des personnes qui ne vivent pas dans le pays. Plus spécifiquement, le requérant soutient que l’article publié le 7 mars 2018 sur le site Internet « Atlantic Council » est un résumé partisan et à charge. Quant à l’article publié sur le site Internet « The Foundation for Strategic Research » en avril 2018, le requérant avance que son auteur était membre de la « Révolution de Gauche » en Syrie, de sorte que son avis devrait être discrédité ou lu et utilisé de manière très prudente par les institutions de l’Union. De même, s’agissant du rapport de juin 2018, intitulé « Beyond Fragility : Syria and the challenges of reconstruction in fierce states » publié sur le site Internet « Brookings Institution », le requérant fait valoir qu’il ne s’agit là que de l’avis personnel de son auteur. Enfin, le requérant conteste le résumé partial et à charge que le Conseil aurait fait de l’article publié sur le site Internet « The Syrian Observer », le 6 avril 2018, et la possibilité pour le Conseil d’utiliser des preuves dans lesquelles les personnes sont jugées et condamnées et sont considérées comme des criminels sans avoir eu droit à un procès. Selon le requérant, un tel comportement de la part des institutions de l’Union, devant le Tribunal, serait non seulement illégal, mais aussi contraire aux valeurs qui sous-tendent la société démocratique.

112    À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’enjeu, qui fait partie du contrôle de la proportionnalité des mesures restrictives en cause, il peut être tenu compte du contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures, du fait qu’il était urgent d’adopter de telles mesures ayant pour objet de faire pression sur le régime syrien afin qu’il arrête la répression violente dirigée contre la population et de la difficulté d’obtenir des preuves plus précises dans un État en situation de guerre civile doté d’un régime de nature autoritaire (arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 46).

113    D’autre part, conformément à une jurisprudence constante, l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, EU:T:2012:478, point 161 et jurisprudence citée).

114    En l’espèce, il convient de relever, tout d’abord, que, s’agissant des articles de presse, les éléments dont la force probante est contestée par le requérant émanent de sources d’information numériques d’origines variées non seulement locales comme « The Syria Report », première source d’informations économiques, d’affaires et financières sur la Syrie, indépendante et ne se rattachant à aucune organisation religieuse, sociale ou politique, « aliqtisadi News », un des dix principaux sites Internet consacrés à la vie des affaires du Moyen-Orient, « Syrian Law Journal », base de données centrale sur tous les sujets relatifs au droit syrien, et « The Syrian Observer », service d’informations en ligne qui, principalement, collecte et traduit en anglais des contenus informatifs produits par la presse officielle syrienne, des groupes d’opposition au régime ou encore la société civile, mais également étrangères comme « Brookings Institution », groupe de réflexion réputé aux États-Unis, et « Atlantic Council », groupe de réflexion américain actif dans le domaine des affaires internationales. En outre, le Conseil a produit des pages provenant du site Internet du gouvernement syrien. Or, ces différentes sources relayent des éléments d’information qui se corroborent, de sorte que le requérant ne saurait uniquement se prévaloir du fait qu’il s’agit en majorité d’articles de presse pour en contester le caractère sensé et fiable.

115    Ensuite, l’argument du requérant selon lequel l’article publié sur le site Internet « Atlantic Council », le 7 mars 2018, serait un résumé partisan et à charge n’est qu’une simple affirmation non étayée et doit donc être rejeté.

116    De plus, en ce qui concerne l’argument du requérant relatif à l’auteur de l’article publié sur le site Internet « The Foundation for Strategic Research » en avril 2018, il ressort effectivement des éléments de preuve produits par le requérant, à savoir une page du site Internet « The New Arab », du 14 mars 2015, et une page du site Internet « Wikipedia », consultée le 10 septembre 2019, que celui-ci a fait partie de la « Révolution de Gauche », organisation ayant affiché sa volonté de construire un État démocratique, civil et pluraliste en Syrie et son opposition à toute intervention militaire étrangère armée en Syrie, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par le Conseil. Néanmoins, le requérant est resté en défaut de démontrer en quoi ces circonstances seraient à même de priver de tout caractère sensé et fiable cet élément de preuve. En particulier, il ne fait état d’aucune information relayée dans cet article qui serait erronée. Ainsi, même à supposer que l’auteur ait émis un avis subjectif sur les faits qu’il a mentionnés dans cet article, cela ne prive pas sa description de ces faits de toute véracité.

117    Il en va de même de l’argument du requérant relatif au rapport de juin 2018, intitulé « Beyond Fragility : Syria and the challenges of reconstruction in fierce states » publié sur le site Internet « Brookings Institution », selon lequel il ne ferait que refléter l’avis personnel de son auteur. En effet, le requérant est resté en défaut de démontrer que le rapport relayerait des informations erronées, de sorte que, même à supposer que l’auteur ait émis un avis subjectif sur les faits qu’il a mentionnés dans ce rapport, cela ne prive pas sa présentation de ces faits de toute véracité.

118    Enfin, s’agissant de la critique à caractère général formulée par le requérant quant au type de preuves utilisées par le Conseil et à la manière dont il résumerait les éléments de preuve, force est de constater que celle-ci ne repose sur aucun élément concret. En effet, le requérant n’identifie pas les éléments de preuve qui le présenteraient comme un criminel, ni n’explique en quoi le résumé de l’article publié sur le site Internet « The Syrian Observer » aurait été partial. En tout état de cause, le Tribunal n’a pas identifié, dans le document portant la référence WK 53/2019 INIT, d’éléments de preuve ayant expressément qualifié le requérant de criminel, ni d’indices que le Conseil aurait déformé les termes de l’article publié sur le site Internet « The Syrian Observer ».

119    Par conséquent, en l’absence d’élément dans le dossier susceptible de remettre en cause la fiabilité des sources utilisées par le Conseil, le Tribunal estime qu’il convient de leur reconnaître un caractère sensé et fiable, au sens de la jurisprudence rappelée au point 111 ci-dessus.

120    Dans un deuxième temps, s’agissant des critiques que le requérant formule quant à la pertinence des éléments de preuve provenant des sites Internet « Syrian Law Journal », du gouvernement syrien, « Foundation for Strategic Research », « The Syrian Observer » et « Brookings Institution » dans la mesure où, notamment, ils ne le citeraient pas nommément, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 95 ci-dessus, l’appréciation du bien-fondé d’une inscription doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 51, et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 50). Ainsi, bien que ces éléments de preuve, pris séparément, ne puissent permettre de justifier à eux seuls le bien-fondé de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, cette circonstance n’est pas de nature à leur nier toute pertinence dans l’examen de la légalité des actes attaqués, dans la mesure où ils sont susceptibles de donner des informations contextuelles de nature à compléter et à renforcer les autres éléments de preuve mentionnant plus spécifiquement le requérant.

121    Dans un troisième temps, il convient de vérifier si l’ensemble des éléments de preuve soumis par le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 93 ci-dessus, et constitue ainsi un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer le premier motif d’inscription.

122    En ce qui concerne, premièrement, Exceed for Development and Investment, il ressort des éléments d’information provenant des sites Internet « aliqtisadi News », « The Syria Report » et « Atlantic Council » que le requérant est actionnaire à hauteur de 33 % de cette société, faisant du requérant l’actionnaire secondaire de celle-ci. Or, le requérant confirme ce constat tant dans la requête qu’au moyen d’un certificat délivré par le registre du commerce du ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien, du 27 août 2017, attestant qu’Exceed for Development and Investment est enregistrée depuis le 27 août 2017 et que le requérant en est copropriétaire.

123    À cet égard, le requérant soutient néanmoins qu’il ne dispose pas de pouvoir décisionnel propre au sein d’Exceed for Development and Investment et que cette dernière est entièrement gérée par son associé, M. Hayan Kaddour, alors que le requérant n’aurait le droit de représenter la société que pour certains actes déterminés, ce que, d’ailleurs, confirmeraient, en substance, les éléments de preuve fournis par le Conseil.

124    Il convient de constater que, d’une part, cette allégation est contredite par le contenu du certificat délivré par le registre du commerce du ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien, du 27 août 2017, produit par le requérant lui-même, qui, bien qu’indiquant que M. Hayan Kaddour est effectivement le directeur général d’Exceed for Development and Investment, mentionne également que le requérant a le même pouvoir de représentation et de signature que celui-ci afin d’engager ladite société. D’autre part, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort ni de l’article du site Internet « aliqtisadi News » du 22 octobre 2017, ni de l’article du site Internet « The Syria Report », consulté le 3 octobre 2018, que le requérant ne serait pas un membre fondateur d’Exceed for Development and Investment et ne pourrait ni définir l’activité de la société, ni entreprendre la moindre activité essentielle à lui seul.

125    Enfin, même à admettre que le requérant n’ait qu’un rôle limité dans Exceed for Development and Investment, cette circonstance ne saurait occulter le fait que le requérant est actionnaire à 33 % de cette société et exerce des activités au sein de celle-ci.

126    S’agissant, deuxièmement, d’Almutaweroun, les éléments de preuve produits par le Conseil et, en particulier, ceux provenant des sites Internet « The Syria Report » et « Atlantic Council », démontrent, d’une part, qu’Exceed for Development and Investment a conclu un contrat de coentreprise avec Damascus Cham Holding afin de constituer Almutaweroun. D’autre part, selon ces éléments de preuve, le capital de cette coentreprise s’élève à 17,7 millions d’USD, financé à 51 % par Exceed for Development and Investment en argent liquide et à 49 % par Damascus Cham Holding en parcelles de terrain. Le requérant confirme tant dans la requête que par les éléments de preuve qu’il produit ces différentes informations. Ainsi, le requérant a, d’une part, fourni le certificat délivré par le registre du commerce du ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien, du 9 avril 2018, attestant qu’Almutaweroun a été enregistrée le 15 février 2018 et possède un capital de 17 766 000 USD. D’autre part, il a produit le contrat du 31 août 2017 de la constitution d’Almutaweroun dans lequel il est indiqué qu’Exceed for Development and Investment et M. Hayan Kaddour, pris ensemble comme l’une des parties contractantes, s’engagent à un apport en numéraire s’élevant à 51 % du capital de ladite entreprise, tandis que Damascus Cham Holding, l’autre partie contractante, doit fournir un apport en nature s’élevant à 49 % du capital de cette même entreprise.

127    Le requérant fait néanmoins valoir, tout d’abord, qu’il ne possède ni de pouvoir décisionnel propre, ni de pouvoir de gestion dans Almutaweroun, ni encore de droit de représentation individuelle de cette entreprise. Ensuite, il insiste sur le fait que sa participation au sein du projet que constitue Almutaweroun ne s’élève qu’à 16 %, ce qui s’opposerait à sa qualification d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Enfin, il ressortirait clairement des éléments de preuve produits par le Conseil et par lui-même que son rôle ne serait que secondaire dans l’ensemble de ce projet.

128    À cet égard, il y a lieu de constater que l’argument que le requérant a fait valoir dans la requête, selon lequel, en substance, son rôle ne serait que secondaire dans Almutaweroun, est mis à mal par le fait, avancé par le requérant lui-même dans la réplique et confirmé par le certificat délivré par le registre du commerce du ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien du 9 avril 2018, qu’il puisse engager l’entreprise, de manière individuelle, pour des montants pouvant s’élever jusqu’à 100 millions de livres syriennes. Or, ainsi que l’indique le Conseil, cette somme correspondait, à la date du dépôt de la duplique, non pas à environ 17 000 euros, comme l’a soutenu le requérant dans la réplique, mais à environ 176 000 euros, ce qui n’est pas un montant négligeable.

129    En outre, ainsi que l’a relevé le Conseil, il ne saurait être soutenu que le taux de 16 % d’apport en numéraire du requérant dans le capital d’Almutaweroun, ce qui représente un peu moins de 3 000 000 d’USD, devrait être considéré comme insignifiant. Le fait que la participation de M. Hayan Kaddour ou celle de Damascus Cham Holding soient supérieures à celle du requérant est sans incidence sur ce constat.

130    Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort pas des éléments de preuve qu’il a produits que son rôle ne serait que secondaire dans l’ensemble du projet que constitue Almutaweroun. Quant aux éléments de preuve fournis par le Conseil qui viendraient au soutien de la thèse du requérant, force est de constater que le requérant ne précise pas desquels il s’agit et que, en tout état de cause, le Tribunal n’a pas identifié de tels documents.

131    Enfin, même à admettre que le requérant n’ait qu’un rôle limité dans Almutaweroun et une participation moins importante que M. Hayan Kaddour et Damascus Cham Holding dans le projet que constitue cette entreprise, ces circonstances ne sauraient occulter le fait que le requérant possède des intérêts dans ladite entreprise et exerce des activités au sein de celle-ci.

132    S’agissant, troisièmement, de la participation du requérant au projet Marota City, il ressort des éléments d’information provenant des sites Internet « The Syria Report » et « Atlantic Council » que cette participation se concrétise par son implication dans Almutaweroun, constituée afin d’exploiter trois terrains, deux d’entre eux étant prévus pour des logements (11 000 mètres carrés) et l’autre devant être utilisé à des fins commerciales (2 956 mètres carrés) dans le cadre dudit projet. Quant au projet Marota City, les éléments de preuve provenant des sites Internet « The Syria Report » et « Atlantic Council » le décrivent comme étant un projet d’investissement de grande ampleur, soutenu par le régime syrien, dans le cadre duquel des bâtiments résidentiels et commerciaux de luxe vont être bâtis. Le requérant confirme ces éléments d’information tant dans la requête que par les éléments de preuve qu’il produit. En effet, le requérant a fourni des documents indiquant qu’Almutaweroun allait exploiter deux terrains pour la construction de logements sur une surface de 11 069 mètres carrés et un troisième pour la construction d’un centre commercial sur une surface de 2 954 mètres carrés dans le cadre du projet Marota City, mais également des documents attestant de l’ampleur de ce projet, à savoir un plan dudit projet et une liste de l’ensemble des immeubles qu’accueillera le projet en question.

133    Le requérant conteste, néanmoins, que sa participation au projet Marota City puisse être considérée comme suffisamment importante pour justifier l’inscription de son nom sur les listes en cause en raison de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. À cet égard, il reproche au Conseil de vouloir ériger en présomption irréfragable le fait que la participation au projet Marota City n’est ouverte qu’à des hommes d’affaires influents. Enfin, il souligne, en substance, que les éléments de preuve produits par le Conseil démontrent que le projet Marota City n’a pas encore commencé à être réalisé et que cet état d’incertitude pourrait durer, de sorte qu’il n’a pas pu réaliser de bénéfices. De ce fait, il ne saurait être soutenu qu’il a conclu un contrat lucratif dans le cadre de la réalisation de ce projet, et ce d’autant plus qu’il n’a pas investi dans ce projet pour en tirer profit, mais en raison, notamment, de l’instabilité du pays et afin de pouvoir fournir un toit à sa famille et à ses enfants grâce à l’attribution de quatre appartements.

134    Tout d’abord, il convient de rejeter comme non fondé l’argument du requérant selon lequel le Conseil aurait cherché à ériger une présomption établissant un lien entre le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et la participation d’une personne au projet Marota City. En effet, ainsi que l’a soutenu, en substance, le Conseil, ce dernier ne s’est pas appuyé sur une présomption qui lui permettrait, conformément à la jurisprudence, de tirer des conclusions en se fondant sur les règles d’expérience commune découlant du déroulement normal des choses (voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2019, Sharif/Conseil, T‑5/17, EU:T:2019:216, point 91 et jurisprudence citée), mais il a cherché à démontrer à l’aide d’éléments de preuve attestant, notamment, du montant des investissements réalisés par le requérant, de sa participation active dans le projet Marota City et des bénéfices qu’il pouvait en retirer, qu’il était, de ce fait, un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

135    Ensuite, même à admettre qu’il soit exact qu’Almutaweroun, par l’intermédiaire de laquelle le requérant participe au projet Marota City, réalise seulement trois projets sur les très nombreux projets que celui-ci compte, cette circonstance n’est pas de nature à exclure la qualification du requérant d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 127 ci-dessus, le requérant a investi près de 3 000 000 d’USD dans le capital d’Almutaweroun, constituée pour participer au projet Marota City, ce qui ne saurait être considéré, en soi, comme un montant insignifiant. À ce titre, il convient également de rejeter l’argument du requérant selon lequel le projet Marota City ne serait qu’un projet futur, dans la mesure où 49 % de l’apport en numéraire du capital de cette entreprise a été effectué, ainsi que l’a, d’ailleurs, allégué le requérant et ainsi qu’il ressort du certificat délivré par le registre du commerce du ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien du 9 avril 2018, concernant Almutaweroun. Cela signifie donc que l’une des premières étapes du projet Marota City a bien été réalisée et que le requérant y participe à titre personnel. En tout état de cause, ainsi que le souligne le Conseil, il ne saurait être suggéré que celui-ci aurait dû attendre la mise en œuvre intégrale du projet Marota City avant d’adopter des mesures restrictives à l’encontre du requérant, sauf à priver ces mesures de leur effet utile, à savoir empêcher la fourniture d’un soutien matériel ou financier au régime syrien.

136    En outre, force est de constater que, au regard non seulement du montant investi par le requérant, mais également de la contrepartie qu’il recevra, à savoir, selon ses propres termes, quatre appartements occupant quatre étages de l’immeuble d’habitation, que recevra Exceed for Development and Investment, par l’intermédiaire d’Almutaweroun, il convient de qualifier le contrat signé par le requérant comme étant lucratif. Ainsi, il ne saurait non plus soutenir que la définition comme telle de ce contrat donnée par l’article publié sur le site Internet « Atlantic Council » le 7 mars 2018 ne résulterait que de suppositions faites par son auteur.

137    Enfin, s’agissant des raisons ayant conduit le requérant à investir dans le projet Marota City et tenant notamment à son souci de fournir à sa famille et à ses enfants un toit, elles ne sauraient occulter l’importance financière de sa participation et de la contrepartie qu’il recevra, de sorte que, même si ces raisons étaient étayées, elles demeureraient toutefois indifférentes dans l’analyse du statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie du requérant.

138    Par conséquent, il convient de conclure que le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir que le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie en raison de sa détention de 33 % des parts d’Exceed for Development and Investment, par l’intermédiaire de laquelle il participe au projet Marota City, projet immobilier et haut de gamme soutenu, en outre, par le régime syrien. Dès lors, il y a également lieu de rejeter les arguments du requérant selon lesquels le Conseil n’aurait pas satisfait à la charge de la preuve en ce qui concerne ce motif d’inscription.

139    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments du requérant.

140    Premièrement, le requérant fait valoir qu’Haikal Engineering, entreprise familiale qu’il a fondée en 2001, n’est pas prospère, de sorte qu’il ne saurait être considéré comme un homme d’affaires influent.

141    À cet égard, il suffit de constater, à l’instar du Conseil, que cet argument, même à le considérer comme avéré, n’est pas pertinent dans la mesure où, d’une part, Haikal Engineering n’a pas été mentionnée par le Conseil pour démontrer le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et dans la mesure où, d’autre part, la situation financière de cette entreprise est sans incidence sur la participation du requérant dans Exceed for Development and Investment et dans Almutaweroun.

142    Deuxièmement, le requérant soutient que l’absence de définition légale de l’expression « homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie » discréditerait l’inscription de son nom sur les listes en cause. Il en tire la conséquence qu’il ne saurait être considéré comme étant un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie en raison de sa seule participation, à concurrence de 16 %, au projet Marota City.

143    À cet égard, il convient toutefois de relever que le requérant n’a pas contesté la légalité du critère d’inscription prévu à l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, en tant que tel, dans ses écritures. En effet, bien qu’il relève l’absence de définition légale de ce critère, le requérant ne peut être regardé comme ayant, par une telle critique, soulevé une exception d’illégalité à l’encontre de l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836. En effet, il se contente d’en tirer la conclusion que sa seule participation au projet Marota City n’est pas suffisante pour conclure à son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Or, dès lors que, d’une part, il a été établi, au point 133 ci-dessus, que le montant de cette participation ne saurait être considéré comme étant insignifiant et que, d’autre part, il a été conclu, au point 136 ci-dessus, que cet élément faisait partie d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour démontrer le bien-fondé de ce motif d’inscription, cet argument doit être rejeté.

144    Troisièmement, le requérant soutient qu’il ne saurait être considéré comme un homme d’affaires influent dès lors qu’il ne serait pas connu des milieux d’affaires en Syrie, ni ne serait une personnalité publique. À cet égard, il fait encore valoir, en substance, qu’aucun des éléments de preuve fournis par le Conseil ne commente son activité professionnelle ou son importance, ni ne relaye l’information qu’il serait un homme d’affaires influent.

145    À cet égard, il convient de remarquer qu’il ressort des éléments d’information provenant des sites Internet « The Syria Report », « Atlantic Council » et « The Syrian Observer » que le projet Marota City a vu l’émergence de nouveaux femmes et hommes d’affaires jusque-là inconnus de la scène économique syrienne. Or, le requérant est précisément mentionné comme faisant partie de ces nouveaux hommes d’affaires, ce qui démontre que, s’il n’était pas une personnalité publique ou n’était pas connu des milieux d’affaires jusqu’à sa participation au projet Marota City, il l’est devenu en raison précisément de celle-ci. Il est encore mentionné que ces personnes bénéficient de liens avec le régime syrien afin de développer leurs activités. Enfin, en faisant référence au taux de participation du requérant au sein d’Exceed for Development and Investment qui a conclu un accord de coentreprise avec Damascus Cham Holding de près de 17,7 millions d’USD pour la constitution d’Almutaweroun, les éléments de preuve fournis par le Conseil et mentionnés aux points 120 et 124 ci-dessus font état, contrairement à ce que soutient le requérant, de l’importance économique de ce dernier. Par conséquent, il convient de rejeter l’argument du requérant.

146    Quatrièmement, le requérant soutient que le projet Marota City ne faisait pas l’objet de sanctions lorsqu’il a décidé d’y participer et qu’il n’avait aucune connaissance des circonstances entourant la réalisation de ce projet relatives, notamment, aux expropriations de populations s’opposant au régime syrien.

147    Il convient de relever, d’une part, que cet argument est inopérant afin de contester le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie dans la mesure où il est indifférent que le projet auquel participe une personne soit sanctionné ou qu’elle ait connaissance des circonstances de sa réalisation pour la considérer comme remplissant le critère établi à l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836. D’autre part, l’affirmation selon laquelle il n’avait pas connaissance de la manière dont le projet Marota City serait réalisé est contradictoire avec l’allégation, cependant non étayée, faite, par ailleurs, par le requérant et visant à indiquer qu’il avait pris soin d’enquêter non seulement sur les personnes avec lesquelles il envisageait de créer Almutaweroun, mais également sur le projet Marota City. Or, dès lors que les informations concernant le projet Marota City étaient publiquement accessibles, comme en témoignent les éléments de preuve produits par le Conseil, le requérant ne saurait sérieusement soutenir ne pas avoir été en mesure de connaître les circonstances de la réalisation de ce projet. S’agissant, par ailleurs, de l’affirmation du requérant selon lequel il aurait procédé à des enquêtes approfondies sur les personnes avec lesquelles il envisageait de fonder Almutaweroun, force est de relever qu’il ne pouvait donc ignorer que le nom de l’ancien gouverneur de Damas, M. Bishr Al-Sabban, président du conseil d’administration de Damascus Cham Holding, était inscrit à la ligne 213 des listes en cause depuis le 28 octobre 2016, autrement dit bien avant la constitution de ladite entreprise.

148    Cinquièmement, le requérant fait valoir, en substance, que, même à supposer que la présomption de lien entre le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et le régime syrien s’applique, il convient néanmoins de remarquer que, dans les faits, les mesures restrictives sont imposées à des hommes d’affaires qui sont associés au régime et à leurs membres ou lorsque l’activité des entreprises détenues par ces hommes se trouve sous la dépendance de ces dirigeants, ce qui ne serait pas son cas.

149    À cet égard, il convient de relever, d’une part, que, pour appuyer son propos, le requérant ne saurait se fonder sur l’arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, EU:C:2012:138, point 55), dans la mesure où cet arrêt portait sur un régime de mesures restrictives différent de celui en cause en l’espèce. En particulier, le règlement (CE) no 194/2008 du Conseil, du 25 février 2008, renouvelant et renforçant les mesures restrictives instituées à l’encontre de la Birmanie/du Myanmar et abrogeant le règlement (CE) no 817/2006 (JO 2008, L 66, p. 1), régime en cause dans l’arrêt du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil (C‑376/10 P, EU:C:2012:138), ne définissait pas, dans sa version applicable au litige, des catégories de personnes à l’égard desquelles des mesures restrictives pouvaient être adoptées, contrairement au régime actuel de mesures restrictives concernant la Syrie. En effet, selon l’ancien article 11, paragraphe 1, du règlement no 194/2008, n’étaient visés que les membres du gouvernement de la Birmanie/du Myanmar et les personnes physiques ou morales, les entités ou les organismes qui leur étaient associés.

150    D’autre part, il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause a eu lieu dans le contexte législatif de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836. À ce titre, la décision 2015/1836 a notamment introduit comme critère d’inscription objectif, autonome et suffisant celui des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie », de sorte que le Conseil n’est plus tenu de démontrer l’existence d’un lien entre cette catégorie de personnes et le régime syrien, au sens où l’entendait la décision 2013/255 avant sa modification, ni non plus entre cette catégorie de personnes et le soutien apporté à ce régime ou le bénéfice tiré de ce dernier, étant donné qu’être une femme ou un homme d’affaires influents exerçant ses activités en Syrie suffit pour l’application des mesures restrictives en cause à une personne [voir, en ce sens, arrêts du 11 septembre 2019, HX/Conseil, C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, point 38 ; du 4 avril 2019, Sharif/Conseil, T‑5/17, EU:T:2019:216, points 55 et 56 (non publiés), et ordonnance du 11 septembre 2019, Haswani/Conseil, T‑231/15 RENV, non publiée, EU:T:2019:589, point 56].

151    En ce sens, le Tribunal a considéré qu’il pouvait être déduit du critère relatif à la qualité de « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » une présomption réfragable de lien avec le régime syrien (voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2019, Sharif/Conseil, T‑5/17, EU:T:2019:216, point 106, et ordonnance du 11 septembre 2019, Haswani/Conseil, T‑231/15 RENV, non publiée, EU:T:2019:589, point 60). Cette présomption trouve à s’appliquer dès lors que le Conseil a été en mesure de démontrer que la personne est non seulement une femme ou un homme d’affaires exerçant ses activités en Syrie, mais aussi qu’elle peut être qualifiée d’influente. En effet, ainsi qu’il ressort des termes du considérant 6 de la décision 2015/1836, tels que rappelés au point 9 ci-dessus, c’est l’influence que cette catégorie de personnes est susceptible d’exercer sur le régime syrien que le Conseil vise à exploiter en les poussant, par le biais des mesures restrictives qu’il adopte à leur égard, à faire pression sur le régime syrien pour qu’il modifie sa politique de répression. Ainsi, dès lors que le Conseil est parvenu à démontrer l’influence qu’une femme ou un homme d’affaires est susceptible d’exercer sur ledit régime, le lien entre ladite personne et le régime syrien est présumé.

152    En outre, il y a lieu de rappeler que le respect des règles relatives à la charge et à l’administration de la preuve en matière de mesures restrictives par le Tribunal implique que ce dernier respecte le principe énoncé par la jurisprudence constante mentionnée au point 93 ci-dessus et rappelé par la Cour dans l’arrêt du 11 septembre 2019, HX/Conseil (C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, points 48 à 50), selon lequel, en substance, la charge de la preuve incombe à l’institution en cas de contestation du bien-fondé des motifs d’inscription. La Cour a ainsi jugé que la charge de la preuve de l’existence d’informations suffisantes, au sens de l’article 27, paragraphe 3, et de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, indiquant que la partie requérante n’était pas, ou n’était plus, liée au régime syrien, qu’elle n’exerçait aucune influence sur celui-ci et qu’elle n’était pas associée à un risque réel de contournement des mesures restrictives adoptées à l’égard de ce régime n’incombait pas à la partie requérante (voir, en ce sens, arrêts du 14 juin 2018, Makhlouf/Conseil, C‑458/17 P, non publié, EU:C:2018:441, point 86, et du 11 septembre 2019, HX/Conseil, C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, points 50 et 51).

153    Par conséquent, il ne saurait être imposé au requérant un niveau de preuve excessif aux fins de renverser la présomption de lien avec le régime syrien. Ainsi, le requérant doit être considéré comme ayant réussi à renverser ladite présomption s’il fait valoir des arguments ou des éléments susceptibles de remettre sérieusement en cause la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil ou leur appréciation, notamment au regard des conditions posées par l’article 27, paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ou s’il produit devant le juge de l’Union un faisceau d’indices de l’inexistence ou de la disparition du lien avec ledit régime, de l’absence d’influence sur ledit régime, ou de l’absence d’association avec un risque réel de contournement des mesures restrictives, conformément à l’article 27, paragraphe 3, et à l’article 28, paragraphe 3, de cette décision.

154    En l’espèce, il convient de relever, d’une part, que le requérant n’a présenté aucun argument ou élément permettant de douter de la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil ou de l’appréciation qu’il convenait d’en faire.

155    D’autre part, si le requérant soutient que ni lui ni aucun membre de sa famille ne participent à la vie politique du régime syrien ou occupent un poste administratif, il y a lieu de relever qu’un tel argument, formulé de manière aussi générale et déclarative, ne permet pas, à lui seul, de considérer qu’il n’existe pas, ou plus, de lien entre lui et ledit régime, qu’il n’exerce aucune influence sur le régime syrien, ni qu’il est étranger à tout risque réel de contournement des mesures restrictives.

156    En particulier, force est de constater que le requérant nie l’existence de son lien avec le régime et son influence sur celui-ci, mais confirme participer au projet Marota City. Or, il ressort des éléments de preuve produits par le Conseil et, en particulier, des éléments d’information provenant des sites Internet « The Syria Report », « Atlantic Council », « Brookings Institution » et « The Syria Observer », que le projet Marota City est soutenu par le régime syrien, ce que le requérant ne conteste pas. De plus, le requérant n’a pas non plus contesté le fait qu’Exceed for Development and Investment a signé un contrat de coentreprise avec Damascus Cham Holding, fondée par le gouvernorat de Damas et dont le président était, à l’époque de la conclusion de celui-ci, le gouverneur de Damas, ainsi qu’il ressort des éléments d’information provenant des sites Internet « The Syria Report », « Syrian Law Journal » et « Brookings Institution », de sorte qu’il ne saurait prétendre ne pas être associé, par le biais de sa participation à Almutaweroun, à des membres du régime syrien.

157    Enfin, l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ne saurait être compris comme exigeant que le Conseil démontre que l’activité des entreprises se trouve sous la dépendance des dirigeants du régime syrien, l’existence d’un lien avec le régime syrien résultant de l’appartenance à la catégorie des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » étant suffisant à cet égard.

158    Ainsi, le requérant ne saurait être considéré comme étant parvenu à renverser la présomption de lien avec le régime syrien.

159    Au vu de tout ce qui précède, il convient de constater que le motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause fondé sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie est suffisamment étayé, de sorte que, au regard de ce critère, ladite inscription est bien fondée.

160    Or, selon la jurisprudence, eu égard à la nature préventive des décisions adoptant des mesures restrictives, si le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72 et jurisprudence citée). Dès lors, il y a lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner les arguments du requérant visant à remettre en cause le second motif d’inscription, de rejeter le quatrième moyen.

 Sur les cinquième, sixième et septième moyens, tirés d’une violation du droit de propriété, du principe de proportionnalité, de la liberté d’exercer une activité économique, du droit à des conditions de vie normales et du droit à la réputation

161    À l’appui de son cinquième moyen, le requérant allègue une violation de son droit de propriété, tel que consacré par l’article 1er du protocole additionnel de la CEDH et par l’article 17 de la Charte, dès lors que l’inscription de son nom sur les listes en cause aurait pour conséquence de le priver du droit de jouir paisiblement de sa propriété. Il fait également valoir que de telles restrictions compromettent de façon injustifiée ses activités commerciales ainsi que l’existence et l’intégrité physique de sa famille et de lui-même.

162    En outre, il considère, en substance, que l’inscription de son nom sur les listes en cause l’assimile à une personne empêchant des propriétaires légitimes de terres expropriées dans le cadre du projet Marota City de regagner leur foyer, ce qui susciterait de l’hostilité à son égard ainsi qu’à l’égard de sa famille, et menacerait sa sécurité.

163    Dans le cadre de son sixième moyen, le requérant considère que les mesures restrictives seraient contraires au droit à la vie de chacun, tel qu’énoncé à l’article 2 de la Charte, et qu’elles violeraient l’interdiction de soumettre à la torture, à des peines ou à des traitements inhumains ou dégradants, prévue à l’article 4 de la Charte, mais également aux droits à la vie et à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, tels que consacrés par les articles 3 et 25 de la déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948. Selon le requérant, la menace pour sa vie et sa santé ainsi que celles de sa famille serait évidente.

164    Le requérant, ainsi que sa famille, serait ainsi confronté à des difficultés de santé, sociales et financières qui l’auraient contraint à vendre son patrimoine et à changer ses enfants d’école, lui causant, ainsi qu’à sa famille, des préjudices qui ne pourront être réparés ultérieurement.

165    Enfin, au soutien de son septième moyen, le requérant évoque une atteinte grave au droit à la réputation tel que prévu par l’article 8 et l’article 10, paragraphe 2, de la CEDH. En effet, l’inscription de son nom sur les listes en cause saperait indûment son autorité dans la société syrienne et dans le monde, auprès de ses amis, dans sa communauté religieuse et auprès de ses partenaires d’affaires. Il estime que les mesures restrictives adoptées à son égard le priveront pour longtemps de la possibilité de travailler normalement et paisiblement, même si lesdites mesures cessaient de s’appliquer.

166    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

167    Il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que les droits fondamentaux invoqués par le requérant, à savoir le droit de propriété, consacré par l’article 17 de la Charte, la liberté d’exercer une activité économique, consacrée par les articles 15 et 16 de la Charte, et, en substance, le droit au respect de la vie privée et familiale, tel que prévu par l’article 7 de la Charte, ne sont pas des prérogatives absolues et que leur exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Ainsi, toute mesure restrictive économique ou financière comporte, par définition, des effets qui affectent les droits de propriété, à des conditions de vie normales, et à la réputation ainsi que l’activité économique de la personne ou de l’entité qu’elle vise, causant ainsi des préjudices à cette dernière. L’importance des objectifs poursuivis par les mesures restrictives en cause est toutefois de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour les personnes ou les entités concernées (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 115).

168    En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union et qui est repris à l’article 5, paragraphe 4, TUE, exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre lesdits objectifs [voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 122 ; du 25 juin 2015, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, T‑95/14, EU:T:2015:433, point 60 (non publié), et du 14 mars 2017, Bank Tejarat/Conseil, T‑346/15, non publié, EU:T:2017:164, point 149].

169    De plus, si le respect des droits fondamentaux constitue une condition de la légalité des actes de l’Union, selon une jurisprudence constante, ces droits fondamentaux ne jouissent pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ces droits, à condition qu’elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 97 et jurisprudence citée).

170    En ce qui concerne le droit de propriété et la liberté d’exercer une activité économique du requérant, il convient, certes, de relever que les droits du requérant sont restreints dans une certaine mesure du fait des mesures restrictives prises à son égard, dès lors qu’il ne peut pas, notamment, disposer de ses fonds éventuellement situés sur le territoire de l’Union, ni les transférer vers l’Union, sauf en vertu d’autorisations particulières. Les actes attaqués portent également atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, dès lors qu’ils ont un impact sur ses conditions de vie en lui interdisant d’entrer sur ledit territoire et en limitant l’accès à ses fonds. De même, les mesures visant le requérant peuvent avoir un impact sur sa réputation en raison des mêmes motifs et des limitations prévues quant à l’entrée ou au passage en transit sur le territoire de l’Union.

171    Cependant, en l’occurrence, l’adoption de mesures restrictives à l’encontre du requérant revêt un caractère adéquat, dans la mesure où elle s’inscrit dans un objectif d’intérêt général aussi fondamental pour la communauté internationale que la protection des populations civiles. En effet, le gel de fonds, d’avoirs financiers et d’autres ressources économiques ainsi que l’interdiction d’entrer sur le territoire de l’Union concernant des personnes identifiées comme étant impliquées dans le soutien du régime syrien ne sauraient, en tant que tels, passer pour inadéquats (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 100 et jurisprudence citée).

172    Quant au caractère prétendument disproportionné de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, il convient de rappeler que l’article 28, paragraphe 6, de la décision 2013/255, dans sa version modifiée, prévoit la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques (voir, par analogie, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 364, et du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 127). Ainsi, au regard, en particulier, des difficultés financières que le requérant rencontrerait en raison des mesures restrictives adoptées à son égard et qui auraient un impact sur la scolarisation de ses enfants ou même sur sa santé et celle de sa famille, il y a lieu de relever que le requérant n’a pas fait valoir avoir présenté une demande afin de pouvoir utiliser ses biens et fonds dans ces objectifs, demande qui aurait été rejetée.

173    De surcroît, en ce qui concerne l’hostilité dont le requérant et sa famille seraient l’objet et l’insécurité dans laquelle ils se trouveraient, de même que les menaces à leur vie et à leur santé auxquelles ils devraient faire face, force est de constater que le requérant n’a apporté aucun élément de nature à démontrer que les mesures prises à son égard ont eu de telles conséquences.

174    Quant aux préjudices allégués par le requérant qui auraient été causés à la suite de l’inscription de son nom sur les listes en cause, il y a lieu de relever que le requérant n’a présenté aucun élément permettant de démontrer l’existence desdits préjudices.

175    Enfin, il convient de rappeler que l’importance des objectifs poursuivis par les actes attaqués est de nature à justifier que ceux-ci aient pu avoir des conséquences négatives, même considérables, pour le requérant sans que cela affecte leur légalité (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 191).

176    Il en résulte que, étant donné l’importance primordiale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, les restrictions aux droits du requérant éventuellement causées par les actes attaqués sont justifiées par un objectif d’intérêt général et ne sont pas disproportionnées au regard des buts visés.

177    Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les cinquième, sixième et septième moyens et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

178    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Maen Haikal est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

Gervasoni

Madise

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : le bulgare.