Language of document : ECLI:EU:T:2021:614

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

22 septembre 2021 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un scooter – Dessin ou modèle antérieur – Motif de nullité – Divulgation du dessin ou modèle antérieur – Article 7 du règlement (CE) no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑685/20,

Asian Gear BV, établie à Pijnacker (Pays-Bas), représentée par Me B. Gravendeel, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Multimox Holding BV, établie à Rijen (Pays-Bas), représentée par Me J. Schmidt, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 3 septembre 2020 (affaire R 1042/2018-3), relative à une procédure de nullité entre Asian Gear et Multimox Holding,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg et D. Petrlík (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 novembre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 26 février 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 4 mars 2021,

vu la demande de suspension de la procédure déposée au greffe du Tribunal par la requérante le 9 septembre 2021,

vu les observations sur la demande de suspension déposées au greffe du Tribunal par l’EUIPO et par l’intervenante le 16 septembre 2021,

vu la décision du 20 septembre 2021, rejetant la demande de suspension de la procédure introduite par la requérante,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 19 novembre 2006, l’intervenante, Multimox Holding BV, a présenté une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

2        Le dessin ou modèle communautaire dont l’enregistrement a été demandé et qui est contesté en l’espèce est représenté dans la vue suivante :Image not found

3        Les produits auxquels le dessin ou modèle contesté sont destinés à être appliqués relèvent de la classe 12.11 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et correspondent à la description suivante : « Cycles et motocycles ».

4        Le dessin ou modèle contesté a été enregistré sous le numéro 607155‑0002, accompagné de l’indication de produit « scooter », et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires no 131/2006, du 21 novembre 2006.

5        Le 12 septembre 2016, la requérante, Asian Gear BV, a introduit, en vertu de l’article 52 du règlement no 6/2002, une demande de nullité du dessin ou modèle contesté.

6        Le motif invoqué à l’appui de la demande en nullité était celui visé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002.

7        La demande en nullité était fondée sur l’existence d’un dessin ou modèle antérieur, enregistré en Chine sous le numéro no CN3568787 (ci-après le « dessin ou modèle chinois »).

8        Par décision du 30 avril 2018, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité présentée par la requérante en considérant, notamment, que celle‑ci avait démontré à suffisance de droit une divulgation antérieure du dessin ou modèle chinois.

9        Le 6 juin 2018, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 55 et 60 du règlement no 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

10      Par décision datée du 3 septembre 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours. Elle a donc annulé la décision de la division d’annulation et a rejeté la demande en nullité. En particulier, la chambre de recours a considéré que la requérante n’était pas parvenue à démontrer une divulgation antérieure du dessin ou modèle chinois.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler ou réformer la décision attaquée, de telle manière que le dessin ou modèle contesté soit déclaré nul ;

–        à titre subsidiaire, confirmer la décision de la division d’annulation et annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris les frais exposés par elle au titre de la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO.

 En droit

 Sur la compétence du Tribunal

14      L’EUIPO considère que le Tribunal ne peut se prononcer sur la première branche du deuxième chef de conclusions tendant à la confirmation de la décision de la division d’annulation, puisque celle-ci tend à inviter le Tribunal à rendre un jugement confirmatif ou déclaratoire.

15      Certes, conformément à l’article 61, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, le Tribunal n’a compétence que pour annuler ou réformer les décisions des chambres de recours et, partant, il n’est pas compétent pour rendre des jugements déclaratoires [voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2020, Gamma-A/EUIPO – Zivju pārstrādes uzņēmumu serviss (Emballage pour aliments), T‑352/19, non publié, EU:T:2020:94, point 11 et jurisprudence citée].

16      Cependant, dans l’exercice de son pouvoir de réformation, le Tribunal peut, après avoir annulé la décision de la chambre de recours, exercer les compétences de cette chambre. Or, cette dernière peut, quant à elle, rejeter le recours formé devant elle, en confirmant ainsi, en substance, la décision de la division d’annulation prononçant la nullité du dessin ou modèle en cause. Dans ces conditions, le Tribunal est habilité à exercer cette même compétence en constatant, le cas échéant, la nullité du dessin ou modèle en cause et en confirmant ainsi la décision de ladite division [voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2020, L. Oliva Torras/EUIPO – Mecánica del Frío (Attelages pour véhicules), T‑100/19, EU:T:2020:255, point 29 et jurisprudence citée].

17      En l’espèce, la requête contient, sous l’intitulé « Chef de conclusions », deux demandes portant sur le fond de l’affaire. Or, même si la deuxième demande est formulée « à titre subsidiaire », les deux demandes ont, en réalité, la même portée. En effet, elles tendent, d’une part, à l’annulation de la décision attaquée et, d’autre part, à ce que le Tribunal prenne la décision que, selon la requérante, la chambre de recours aurait dû prendre lorsqu’elle a été saisie, à savoir soit constater la nullité du dessin ou modèle contesté soit confirmer la décision de la division d’annulation ayant constaté la nullité de ce dessin ou modèle.

18      Dès lors, il y a lieu de considérer que la requérante demande au Tribunal, d’une part, d’annuler la décision attaquée et, d’autre part, de la réformer, en constatant la nullité du dessin ou modèle contesté, en confirmant ainsi la décision de la division d’annulation. Dans ces conditions, le Tribunal est compétent pour se prononcer au sujet de ces chefs de conclusions.

 Sur le fond

19      À titre liminaire, il convient de relever que certains moyens et arguments invoqués par la requérante se chevauchent, tandis que d’autres manquent de clarté.

20      Il paraît ainsi, que, à l’appui de son recours, la requérante invoque, en réalité, cinq moyens, tirés, en substance, le premier, d’erreurs de fait, le deuxième, d’un vice de procédure, le troisième, d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de l’article 7 du règlement no 6/2002, le quatrième, de l’absence d’examen du motif d’annulation relatif au respect du droit d’auteur et, le cinquième, d’erreurs d’appréciation.

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de fait

21      Au soutien de son premier moyen, en premier lieu, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis des erreurs de fait dans ses constatations, au point 3 de la décision attaquée, relatives à la production par la requérante des traductions de l’enregistrement du dessin ou modèle chinois et d’une capture d’écran « de la banque des données d[e] [l’Office d’État de la propriété intellectuelle de la République populaire de Chine (SIPO)] ».

22      Ce grief manque en fait. Au point 3 de la décision attaquée, il est fait référence, d’une part, au certificat relatif au dessin ou modèle chinois et, d’autre part, à une capture d’écran de la banque des données du SIPO. Dans la mesure où la requérante doit être comprise comme alléguant qu’elle aurait procuré à l’EUIPO une traduction de ce certificat en allemand, force est de constater que la requérante n’est pas parvenue à le démontrer. Dans la mesure où la requérante doit être comprise en ce sens que la chambre de recours aurait constaté à tort qu’elle n’aurait pas apporté une traduction de la capture d’écran, il convient de relever qu’il a été explicitement constaté, au point 3 de la décision attaquée, que la requérante avait joint à sa demande en nullité ladite capture d’écran « avec traduction en allemand ».

23      En second lieu, la requérante soutient que la chambre de recours a estimé à tort, au point 5 de la décision attaquée, que la demanderesse du dessin ou modèle chinois, à savoir Sanyang Motorcycle Industry Co., Ltd., et le titulaire de ce même dessin ou modèle, tel que mentionné au registre des dessins ou modèles chinois, à savoir Zhejiang Sanyang Motorcycle Industry Co., Ltd., n’étaient pas une seule et même entité juridique.

24      À cet égard, il ressort des termes du point 5 de la décision attaquée, ainsi que de la place de ce point dans cette décision, que ledit point contient non des constatations de fait opérées par la chambre de recours, mais une partie du résumé de l’argumentation de l’intervenante, qui débute au point 4 de la décision attaquée et se termine au point 7 avec la mention des documents produits par celle-ci.

25      Par conséquent, le moyen tiré d’erreurs de fait manque en fait, de sorte qu’il convient de le rejeter.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’un vice de procédure

26      Par son deuxième moyen, la requérante considère, en substance, que la chambre de recours a commis un vice de procédure, puisqu’elle aurait dû, avant de pouvoir constater que la requérante n’avait pas apporté la preuve d’une divulgation antérieure du dessin ou modèle chinois, l’inviter à apporter des éléments supplémentaires ou procéder elle‑même à une vérification auprès de l’office chinois de la propriété intellectuelle.

27      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

28      En ce qui concerne la prétendue obligation de la chambre de recours de procéder à une vérification auprès de l’office chinois de la propriété intellectuelle, il ressort de la jurisprudence, d’une part, qu’il appartient à la partie ayant introduit la demande en nullité de fournir à l’EUIPO les indications nécessaires et, en particulier, l’identification et la reproduction précises et complètes du dessin ou modèle dont l’antériorité est alléguée, afin de démontrer que le dessin ou modèle contesté ne peut être valablement enregistré. D’autre part, il n’appartient pas à l’EUIPO, mais au demandeur en nullité, de fournir les éléments de nature à démontrer la réalité de ce motif [voir arrêt du 17 septembre 2019, Aroma Essence/EUIPO – Refan Bulgaria (Éponge de toilette), T‑532/18, non publié, EU:T:2019:609, point 25 et jurisprudence citée].

29      Dans ces conditions, la requérante ne saurait reprocher à la chambre de recours de ne pas avoir procédé, de sa propre initiative, à des vérifications auprès de l’office chinois de la propriété intellectuelle.

30      De même, la requérante a tort de soutenir que la chambre de recours était tenue de l’inviter à apporter des éléments supplémentaires concernant la divulgation antérieure du dessin ou modèle chinois.

31      En effet, dans la mesure où la procédure en nullité est une procédure inter partes, il appartient au demandeur en nullité de s’assurer que tous les dessins ou modèles antérieurs invoqués sont clairement identifiés et reproduits (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2019, Éponge de toilette, T‑532/18, non publié, EU:T:2019:609, point 30).

32      En outre, si l’article 31, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement no 6/2002 (JO 2002, L 341, p. 28) dispose que l’EUIPO communique au demandeur toute observation du titulaire et peut l’inviter à présenter ses observations en réponse dans un délai déterminé, cette disposition n’impose cependant pas à la chambre de recours l’obligation d’inviter les parties à compléter leurs propres écritures et pièces devant elle [voir, par analogie, arrêt du 15 novembre 2007, Enercon/OHMI (Convertisseur d’énergie éolienne), T‑71/06, non publié, EU:T:2007:342, point 35 et jurisprudence citée].

33      Il en va d’autant plus ainsi dans des circonstances telles que celles de la présente affaire dont il ressort du dossier, ainsi qu’il a été constaté au point 27 de la décision attaquée, que l’intervenante, qui est l’autre partie concernée par la procédure inter partes, a soutenu dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO que la requérante n’avait pas établi à suffisance de droit qu’une divulgation antérieure du dessin ou modèle chinois avait eu lieu. Or, malgré cette argumentation, la requérante s’est abstenue d’apporter des éléments supplémentaires concernant cette divulgation.

34      Dans ces conditions, il n’y avait pas lieu pour l’EUIPO d’inviter la requérante à apporter des éléments supplémentaires pour fonder sa demande en nullité.

35      Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le moyen tiré d’un vice de procédure.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de l’article 7 du règlement no 6/2002

36      Par son troisième moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir méconnu l’article 7 du règlement no 6/2002. Ce moyen est divisé en deux branches.

37      Par la première branche, la requérante soutient que c’est à tort que la chambre de recours n’a pas tenu compte de la mauvaise foi de l’intervenante lors de l’examen de sa demande en nullité.

38      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

39      Conformément à la jurisprudence, dans le cadre de l’examen du motif de nullité constitué par l’absence de nouveauté et de caractère individuel du dessin ou modèle en cause, la question de la prétendue mauvaise foi du titulaire de ce dessin ou modèle est dépourvue de pertinence, car il ne s’agit pas de se prononcer sur le comportement de celui-ci [voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), T‑9/07, EU:T:2010:96, point 31].

40      Par ailleurs, bien que la notion de bonne ou de mauvaise foi ait été explicitement mentionnée dans plusieurs articles du règlement no 6/2002, aucune mention de cette notion n’a été faite parmi les motifs de nullité énoncés à l’article 25 du règlement no 6/2002, ni parmi les moyens de défense invocables dans les actions en nullité devant l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2012, Coverpla/OHMI – Heinz-Glas (Flacon), T‑450/08, non publié, EU:T:2012:117, point 48].

41      Partant, il convient d’écarter la première branche du troisième moyen.

42      Par la seconde branche du troisième moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a conclu erronément que, en l’espèce, les milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union européenne ne pouvaient pas avoir raisonnablement pris connaissance de la divulgation antérieure alléguée par la requérante.

43      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

44      Selon l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, aux fins de l’application des articles 5 et 6 de ce même règlement, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié à la suite de l’enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date du dépôt de la demande d’enregistrement, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union.

45      Ainsi, l’examen d’une divulgation d’un dessin ou modèle antérieur implique de procéder à une analyse en deux étapes, consistant à examiner, en premier lieu, si les éléments présentés dans la demande en nullité démontrent, d’une part, des faits constitutifs d’une divulgation d’un dessin ou modèle et, d’autre part, le caractère antérieur de cette divulgation par rapport à la date de dépôt ou de priorité du dessin ou modèle en cause et, en second lieu, dans l’hypothèse où le titulaire du dessin ou modèle contesté aurait allégué le contraire, si lesdits faits pouvaient, dans la pratique normale des affaires, raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union, faute de quoi une divulgation sera considérée comme sans effets et ne sera pas prise en compte [voir arrêt du 8 juillet 2020, Glimarpol/EUIPO – Metar (Outil pneumatique), T‑748/18, non publié, EU:T:2020:321, point 20 et jurisprudence citée].

46      En l’espèce, la chambre de recours a, s’agissant de la première étape de cette analyse, conclu, aux points 25 à 27 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas prouvé les faits constitutifs de la divulgation du dessin ou modèle chinois avant le dépôt du dessin ou modèle contesté.

47      Cette conclusion aurait suffi, à elle seule, pour rejeter la demande en nullité de la requérante, fondée sur une telle divulgation antérieure. En effet, la seconde étape de l’analyse n’intervient que s’il a été conclu, à l’issue de la première étape de l’analyse, qu’une telle divulgation a eu lieu.

48      Ce n’est donc qu’à titre surabondant, que la chambre de recours a procédé, aux points 28 à 34 de la décision attaquée, à la seconde étape de l’analyse, et qu’elle a conclu que, à supposer même que le dessin ou modèle chinois eut été rendu public le 11 octobre 2016, tel que le soutenait la requérante, une telle divulgation ne pouvait être raisonnablement connue des milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans l’Union.

49      Partant, la requérante n’ayant pas réussi à remettre en cause la conclusion de la chambre de recours, relative à la première étape de l’examen, elle ne vise que les motifs surabondants de la décision attaquée qui sont relatifs à la seconde étape de l’examen de l’existence d’une divulgation antérieure.

50      Or, selon une jurisprudence établie, un motif, même dans l’hypothèse où il s’avérerait erroné, ne saurait justifier l’annulation de l’acte qui en est entaché s’il revêt un caractère surabondant et s’il existe d’autres motifs qui suffisent à fonder cet acte, de sorte que les griefs dirigés contre un tel motif sont inopérants [voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2013, Boehringer Ingelheim International/OHMI (RELY-ABLE), T‑640/11, non publié, EU:T:2013:225, point 27 et jurisprudence citée].

51      Dans ces conditions, la seconde branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant inopérante.

52      Par conséquent, il convient d’écarter le troisième moyen dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’absence d’examen du motif d’annulation relatif au respect du droit d’auteur

53      Par son quatrième moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir à tort omis d’examiner le motif de nullité visé à l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002, qui est relatif au non-respect du droit d’auteur.

54      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

55      À cet égard, il ressort de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 que la demande en nullité doit être présentée par écrit et motivée. En outre, l’article 28, paragraphe 1, sous b), i) et vi), du règlement no 2245/2002 dispose qu’une telle demande doit contenir une déclaration précisant les motifs de nullité ainsi que les faits, preuves et observations présentés à l’appui de cette demande.

56      En l’espèce, la requérante elle-même admet qu’elle n’a pas soulevé, dans sa demande en nullité, le motif de nullité tiré de l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement no 6/2002.

57      La requérante soutient toutefois qu’elle avait invoqué ce motif de nullité dans son courrier du 12 octobre 2017.

58      Or, cette affirmation manque en fait.

59      En effet, ainsi qu’il ressort des pages 2 et 3 du courrier du 12 octobre 2017, constituant la réplique de la requérante au mémoire en réponse de l’intervenante du 14 mars 2017, la requérante prend position, par ce courrier, sur l’argument de l’intervenante selon lequel la demande en nullité serait irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée. Dans ce contexte, la requérante a fourni des explications quant à une procédure en référé devant une juridiction néerlandaise. Or, il ne ressort pas de la teneur de ces explications que la requérante aurait invoqué la nullité du dessin ou modèle contesté pour le motif prévu à l’article 25, paragraphe 1, sous f), du règlement n o 6/2002.

60      Cette conclusion n’est pas non plus remise en cause par l’arrêt du rechtbank Den Haag (Tribunal de La Haye, Pays-Bas) du 11 août 2021, joint à la lettre de la requérante du 9 septembre 2021, dans laquelle ladite juridiction se serait prononcée sur le droit d’auteur du dessin ou modèle en cause. En effet, outre le fait que cet arrêt est postérieur à la décision attaquée, il échet de constater que la requérante n’a pas invoqué devant l’EUIPO les motifs de nullité tirés de l’article 25, paragraphe 1, sous c) ou sous f), du règlement no 6/2002, de sorte que cet arrêt s’avère sans pertinence pour le contrôle de la légalité de la décision attaquée.

61      Dans ces conditions, il convient d’écarter le quatrième moyen, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le point de savoir si, comme le soutient l’EUIPO, le motif de nullité tiré de la violation du droit d’auteur aurait dû être invoqué, pour être recevable, dans la demande en nullité elle‑même.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs d’appréciation

62      Par son cinquième moyen, dirigé contre le point 36 de la décision attaquée, la requérante soutient que la chambre de recours n’a pas, à tort, tenu compte du fait qu’un scooter correspondant au dessin ou modèle contesté a été présenté en 2004 et 2005 aux autorités en charge de l’homologation des véhicules du Royaume des Pays-Bas et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord dans des demandes d’immatriculation aux fins de sa commercialisation dans ces pays.

63      L’intervenante conteste les arguments de la requérante.

64      Dans la mesure où le point 36 de la décision attaquée ne porte pas sur une éventuelle divulgation antérieure par rapport au dessin ou modèle contesté en vertu de ces demandes d’immatriculation, tandis que tel est le cas pour le point 37 de cette même décision, il convient de comprendre le grief de la requérante comme étant dirigé contre les constatations faites à ce sujet au point 37 de la décision attaquée.

65      Au point 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté l’argument de la requérante tiré des demandes d’immatriculation susmentionnées. Premièrement, elle a estimé que les certificats d’immatriculation ne montraient pas une illustration du dessin ou modèle chinois sur lequel la requérante s’appuyait pour fonder sa demande en nullité, mais uniquement des dessins techniques d’un scooter et qu’aucun lien entre ces dessins et le dessin ou modèle chinois n’avait été démontré par la requérante. Deuxièmement, elle a considéré que les certificats fournis par la requérante ne contenaient aucune indication quant à la date à laquelle les modèles de scooter concernés avaient été mis en circulation. Troisièmement, la chambre de recours a retenu que la requérante n’avait pas établi de lien entre l’entreprise « Taizhou Zhongneng Motorcyle Co. Ltd. », en tant que constructeur des scooters mentionnés dans ces certificats et l’entreprise « Zhejiang Sanyang Motorcycle Industry Co., Ltd. », en tant que titulaire du dessin ou modèle chinois.

66      La requérante conteste ces appréciations en se bornant à affirmer, dans sa requête, qu’il « existe une correspondance évidente entre les documents graphiques fournis [à l’autorité néerlandaise en charge de l’homologation des véhicules] et à son homologue [du Royaume-Uni] », que « [l]’EUIPO n’explique pas pour quelle raison il ne perçoit pas cette similitude » et que, « s’agissant d’une appréciation matérielle, pour l’interpréter ainsi, l’EUIPO a pourtant appliqué un critère erroné, d’autant que le nom Taizhou apparaît dans ces documents ».

67      À cet égard, il suffit de constater que, par cette argumentation, la requérante, qui se borne à effectuer de simples affirmations, aucunement étayées ou appuyées par des éléments de preuve, n’apporte ainsi pas, ni dans le texte même de la requête ni par un renvoi aux pièces annexées, d’éléments susceptibles de démontrer que l’appréciation effectuée par la chambre de recours serait entachée d’erreurs.

68      Par conséquent, le cinquième moyen doit être rejeté.

69      Aucun des moyens invoqués par la requérante au soutien de ses conclusions ne devant être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

71      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

72      En outre, l’intervenante a conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’elle a exposés devant la chambre de recours. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Partant, il y a également lieu de condamner la requérante aux dépens indispensables exposés par l’intervenante aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Asian Gear BV est condamnée aux dépens, y compris les dépens indispensables exposés par Multimox Holding BV aux fins de la procédure devant la chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

Kornezov

Buttigieg

Petrlík

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.