Language of document : ECLI:EU:T:2021:223

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

28 avril 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale ACCUSÌ – Marque de l’Union européenne verbale antérieure ACÚSTIC – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑300/20,

Nosio SpA, établie à Mezzocorona (Italie), représentée par Mes J. Graffer, G. Rubino et A. Ottolini, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Söder et M. V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Tros del Beto, SLU, établie à Marçà (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 13 mars 2020 (affaire R 871/2019-1), relative à une procédure d’opposition entre Tros del Belo et Nosio,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg (rapporteur) et R. Mastroianni, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 mai 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 4 septembre 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 8 novembre 2016, la requérante, Nosio SpA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], pour la marque verbale ACCUSÌ.

2        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 32 : « Bières ; eaux minérales, naturelles et gazeuses ; boissons à base de fruits et jus de fruits ; apéritifs sans alcool ; cocktails sans alcool » ;

–        classe 33 : « Boissons alcooliques, en particulier vins et vins mousseux ».

3        Le 20 mars 2017, l’opposante, Tros del Beto, SLU, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 2 ci-dessus.

4        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque espagnole verbale ACÚSTIC, déposée le 27 juillet 2005 et enregistrée le 1er février 2006 sous le numéro 2664091, désignant des produits relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) » ;

–        l’enregistrement international désignant le Royaume-Uni de la marque figurative ci-après, enregistré le 17 août 2006 sous le numéro 901514, désignant les produits de la classe 33 mentionnés au point 4, premier tiret, ci-dessus :

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–        la marque de l’Union européenne verbale ACÚSTIC, déposée le 19 novembre 2009 et enregistrée le 18 mars 2010 sous le numéro 8696908, désignant des produits relevant des classes 29, 30, 32 et 33 et correspondant, pour chacune d’entre elles, à la description suivante :

–        classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, surgelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir » ;

–        classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

–        classe 33 : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) » ;

–        la marque de l’Union européenne figurative ci-après, déposée le 25 février 2013 et enregistrée le 27 juin 2013 sous le numéro 11600053, désignant les produits de la classe 33 mentionnés au point 4, premier tiret, ci-dessus :

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5        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], en ce sens que, selon l’opposante, il existait un risque de confusion entre les signes en conflit.

6        Le 6 décembre 2017, la requérante a demandé la preuve de l’usage des marques et enregistrements antérieurs mentionnés au point 4, premier, deuxième et troisième tirets, ci-dessus. Le 16 avril 2018, dans le délai imparti, l’opposante a produit diverses preuves d’usage.

7        Le 20 février 2019, la division d’opposition, après avoir indiqué que l’opposition serait examinée par rapport à la marque de l’Union européenne verbale antérieure, hypothèse la plus favorable pour l’opposante, a considéré que, compte tenu des différences entre les signes en conflit, il n’existait aucun risque de confusion entre ceux-ci dans l’esprit du public pertinent. Ayant ainsi rejeté l’opposition, la division d’opposition a précisé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la preuve de l’usage de la marque antérieure. Elle a ensuite étendu le rejet de l’opposition aux autres marques et enregistrements antérieurs.

8        Le 18 avril 2019, l’opposante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 13 mars 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a annulé la décision de la division d’opposition. À titre liminaire, la chambre de recours a indiqué procéder à l’examen de l’opposition par rapport à l’enregistrement de la marque antérieure. Tout d’abord, la chambre de recours a considéré qu’il n’était pas possible d’apprécier le niveau d’attention du public pertinent sans avoir préalablement examiné la preuve de l’usage de la marque antérieure, cette appréciation dépendant, notamment, de la nature des produits à l’égard desquels cette preuve pouvait être rapportée. Ensuite, la chambre de recours a indiqué que les signes en conflit présentaient un caractère distinctif moyen ainsi qu’un degré de similitude moyen sur les plans visuel et phonétique et que la comparaison conceptuelle n’avait aucune incidence sur l’appréciation globale de leur similitude. S’agissant de la comparaison des produits, la chambre de recours a indiqué que celle-ci ne pouvait avoir lieu qu’après la détermination des produits à l’égard desquels la preuve de l’usage de la marque antérieure avait été rapportée. Enfin, la chambre de recours, ayant rectifié l’appréciation de la similitude des signes en conflit effectuée par la division d’opposition et conclu qu’un risque de confusion ne pouvait être exclu, a renvoyé l’affaire devant cette dernière afin qu’elle examine la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure et statue à nouveau sur l’existence du risque de confusion.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer que, lorsque la preuve de l’usage est demandée par le demandeur de la marque de l’Union européenne et que l’opposant a produit des preuves de l’usage, il convient d’examiner la preuve de l’usage avant d’apprécier le risque de confusion ;

–        annuler la décision attaquée, en ce qu’elle déclare que les signes en conflit présentent un degré moyen de similitude visuelle et phonétique et que la similitude sur le plan conceptuel n’a pas d’incidence sur l’appréciation de la similitude, sans examiner préalablement la preuve de l’usage ;

–        constater que les signes en conflit sont différents ;

–        confirmer la décision de la division d’opposition ; et

–        accorder l’enregistrement de la marque demandée.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lequel se divise, en substance, en deux griefs. En premier lieu, la requérante soutient que la chambre de recours se contredit car elle ne saurait conclure à la similitude des signes en conflit sans avoir préalablement procédé à l’examen de la preuve de l’usage de la marque antérieure et que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation à cet égard. En second lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours a erronément conclu à la similitude des signes en conflit.

 Sur l’application ratione temporis des règlements sur la marque de l’Union européenne

13      À titre liminaire, il convient de préciser que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 8 novembre 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

14      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites aux articles du règlement 2017/1001 par la chambre de recours dans la décision attaquée, par la requérante dans l’argumentation soulevée ainsi que par l’EUIPO comme visant les articles, d’une teneur identique, du règlement no 207/2009.

 Sur le fond

 Sur la contradiction alléguée et le défaut de motivation de la décision attaquée

15      La requérante soutient que la chambre de recours a pris une décision contradictoire. En effet, selon la requérante, la chambre de recours ne pouvait, d’une part, affirmer qu’elle ne disposait pas d’informations relatives au public pertinent, à la nature des produits en cause ou à leurs canaux de distribution sans avoir examiné l’usage de la marque antérieure et, d’autre part, tirer des conclusions relatives à la similitude des signes en conflit, ces éléments étant interdépendants.

16      La requérante ajoute que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation, en ce que la chambre de recours ne répondrait pas à la question de savoir si la preuve de l’usage de la marque antérieure devait être examinée avant de procéder à l’analyse de la similitude des signes en conflit.

17      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

18      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

19      En vertu de l’article 42, paragraphe 2, et de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, une opposition formée à l’encontre de l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne est rejetée si le titulaire de la marque antérieure en cause n’apporte pas la preuve que celle-ci a fait l’objet d’un usage sérieux au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque de l’Union européenne. En revanche, si le titulaire de la marque antérieure apporte cette preuve, l’EUIPO procède à l’examen des motifs de refus avancés par la partie opposante. Ainsi, si la marque de l’Union européenne antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle était enregistrée, elle ne sera réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, que pour cette partie des produits ou services.

20      Une fois soulevée par le demandeur de la marque visée par l’opposition, la question portant sur la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure doit être réglée avant qu’il ne soit statué sur l’opposition proprement dite et relève, en ce sens, d’une « question préalable » [voir, en ce sens, arrêts du 28 février 2018, mobile.de/EUIPO, C‑418/16 P, EU:C:2018:128, point 88, et du 22 mars 2007, Saint-Gobain Pam/OHMI – Propamsa (PAM PLUVIAL), T‑364/05, EU:T:2007:96, point 37 et jurisprudence citée].

21      Le caractère spécifique et préalable de cette question découle du fait que l’analyse de l’usage sérieux conduit à déterminer si, aux fins de l’examen de l’opposition, la marque antérieure peut être réputée enregistrée pour les produits ou les services concernés. Cette question ne s’inscrit donc pas dans le cadre de l’examen de l’opposition proprement dite, tirée de l’existence d’un risque de confusion [voir, en ce sens, arrêts du 27 mars 2014, Intesa Sanpaolo/OHMI – equinet Bank (EQUITER), T‑47/12, EU:T:2014:159, point 19, et du 15 février 2017, M. I. Industries/EUIPO – Natural Instinct (Natural Instinct Dog and Cat food as nature intended), T‑30/16, non publié, EU:T:2017:77, point 90].

22      En l’espèce, force est de constater que les parties ne contestent pas que la preuve de l’usage d’une marque antérieure doit être examinée au préalable afin de déterminer une série d’éléments, tels que le public pertinent et son niveau d’attention ainsi que la nature des produits en cause, lesquels ont une incidence sur l’appréciation du risque de confusion entre les signes en conflit.

23      Il convient également de relever que les parties s’accordent sur le fait qu’il existe une exception à cette obligation d’examen préalable de la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, à savoir lorsque les signes en conflit sont différents, selon la requérante, ou lorsque l’existence d’un risque de confusion peut être exclue du point de vue du consommateur moyen des produits et des services en cause, selon l’EUIPO.

24      À cet égard, s’il ressort de la jurisprudence citée au point 20 ci-dessus que l’usage sérieux d’une marque antérieure constitue une question qui, lorsque soulevée de manière expresse, doit en principe être réglée avant qu’il ne soit statué sur l’opposition proprement dite, il a également été jugé que, en l’absence de risque de confusion entre les signes en conflit, il n’est pas nécessaire d’examiner la preuve de l’usage de la marque antérieure [voir, en ce sens, arrêts du 15 février 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (LINDENHOF), T‑296/02, EU:T:2005:49, point 43, et du 4 février 2016, Meica/OHMI – Salumificio Fratelli Beretta (STICK MiniMINI Beretta), T‑247/14, EU:T:2016:64, point 80].

25      Il importe également de préciser qu’il ne ressort ni des dispositions du règlement no 207/2009, ni de la jurisprudence citée aux points 20, 21 et 24 ci-dessus que l’examen de la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure est, en toutes circonstances, un préalable obligatoire à l’analyse de la similitude des signes en conflit.

26      Au contraire, il ressort de la jurisprudence que les instances de l’EUIPO, ainsi que le Tribunal, peuvent procéder à la comparaison des signes en conflit en tenant compte d’une situation fictive mais proche de la réalité, en déterminant un public pertinent hypothétique au vu des produits et des services à l’égard desquels la marque antérieure est susceptible d’être réputée enregistrée [voir, en ce sens, arrêts du 15 février 2005, LINDENHOF, T‑296/02, EU:T:2005:49, points 49 à 68 ; du 26 septembre 2014, Koscher + Würtz/OHMI – Kirchner & Wilhelm (KW SURGICAL INSTRUMENTS), T‑445/12, EU:T:2014:829, points 44 à 68, et du 4 février 2016, STICK MiniMINI Beretta, T‑247/14, EU:T:2016:64, points 42 à 64].

27      Or, en l’espèce, les points 26 à 45 et 49 à 57 de la décision attaquée permettent à la requérante et au Tribunal de comprendre que la comparaison des signes en conflit est fondée sur une définition fictive du public pertinent considéré comme le destinataire des produits visés par lesdits signes. Comme le soulève à juste titre l’EUIPO, il ressort implicitement de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré qu’il convenait d’apprécier la similitude des signes en conflit en se plaçant du point de vue du consommateur moyen, dont le niveau d’attention à l’égard des différents types de produits en cause, tous des boissons, était moyen.

28      Ainsi, c’est sans contradiction que la chambre de recours a pu reconnaître que le public pertinent et son niveau d’attention dépendaient de la nature et des caractéristiques des produits en cause, ces éléments ne pouvant être établis de manière certaine qu’après examen de la preuve de l’usage de la marque antérieure. Dans le cadre de l’analyse de la similitude des signes en conflit, la chambre de recours pouvait également tenir compte d’un public pertinent fictif, au vu du type de produits en cause et à l’égard desquels la marque antérieure était susceptible d’être réputée enregistrée.

29      En outre, en ce que la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé l’obligation de motivation en s’abstenant de se prononcer sur la question de l’examen obligatoire de la preuve de l’usage de la marque antérieure préalablement à l’analyse de la similitude des signes en conflit, il convient d’observer que ce grief de la requérante procède d’une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, au point 19 de ladite décision, la chambre de recours a indiqué examiner si l’approche de la division d’opposition était correcte, à savoir si « un risque de confusion p[ouvait] être exclu sans procéder à l’appréciation des preuves de l’usage ».

30      Or, il ressort des points 61 à 67 de la décision attaquée que la chambre de recours a estimé que, les différences entre les signes en conflit n’étant pas suffisantes pour écarter l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, l’examen préalable de la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure était impératif. La motivation de la décision attaquée est donc, à cet égard, conforme à l’article 94 du règlement 2017/1001.

31      Partant, il convient de rejeter le premier grief de la requérante.

 Sur la comparaison des signes en conflit

32      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

33      En l’espèce, le Tribunal examinera si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient moyennement similaires sur les plans visuel et phonétique et que la perspective conceptuelle n’avait pas d’incidence notable sur la comparaison globale desdits signes.

–       Sur les éléments distinctifs et dominants des signes en conflit

34      La requérante soutient, en substance, que les signes en conflit sont des marques composées d’un seul mot ne comportant pas nécessairement d’élément dominant ou distinctif.

35      En l’espèce, il ne ressort pas de la décision attaquée que la chambre de recours se serait prononcée sur la présence d’un élément distinctif ou dominant dans les signes en conflit. Elle a, en revanche, considéré que le degré de caractère distinctif des signes en conflit était moyen, ce que les parties ne contestent pas.

36      La marque demandée étant constituée du seul élément verbal « accusì » et la marque antérieure de l’élément verbal « acústic », les signes en conflit consistent en un mot unique qui ne sera pas décomposé par le public pertinent, mais sera perçu par ce dernier comme un ensemble.

–       Sur la comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle

37      La requérante fait valoir que la chambre de recours a erronément conclu à la similitude moyenne des signes en conflit sur les plans visuel et phonétique. En substance, sur le plan visuel, elle soutient que la chambre de recours a arbitrairement et artificiellement disséqué les signes en conflit, en se concentrant sur le nombre de lettres qui coïncide. La chambre de recours n’aurait donc pas procédé à une appréciation globale desdits signes, considérés comme un tout, et n’aurait pas accordé l’importance requise à leurs différences, lesdits signes devant être considérés comme similaires à un faible degré. Pour les mêmes raisons, la requérante soutient que les signes en conflit doivent être considérés comme étant différents sur le plan phonétique. Sur le plan conceptuel, elle fait valoir que, dans la mesure où le public pertinent sera toujours capable d’attribuer une signification à l’élément verbal « acústic » de la marque antérieure, les signes en conflit sont soit différents soit dissemblables, selon que le public pertinent attribue ou non une signification à l’élément verbal « accusì » de la marque demandée.

38      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

39      En premier lieu, s’agissant de la comparaison sur le plan visuel, il convient de constater que les mots qui composent les signes en conflit ont une longueur similaire de, respectivement, six et sept lettres et ont en commun les lettres « a », « c », « u », « s » et « i », les lettres « a » et « c » étant placées en début de signe.

40      Or, s’il a déjà été jugé que la partie initiale d’une marque avait normalement un impact plus fort, sur le plan visuel, que sa partie finale, de sorte que le consommateur prête, en général, plus d’attention à la partie initiale d’une marque qu’à sa fin, une telle considération ne saurait valoir dans tous les cas [voir arrêt du 20 septembre 2018, Kwizda Holding/EUIPO – Dermapharm (UROAKUT), T‑266/17, EU:T:2018:569, point 51 et jurisprudence citée].

41      Par ailleurs, la seule présence des lettres communes ne permet pas en soi de conclure à la similitude visuelle des signes en conflit [voir, en ce sens, arrêts du 22 février 2018, International Gaming Projects/EUIPO – Zitro IP (TRIPLE TURBO), T‑210/17, non publié, EU:T:2018:91, point 51, et du 20 septembre 2018, UROAKUT, T‑266/17, EU:T:2018:569, point 52].

42      Il ressort également de la jurisprudence que le nombre similaire de lettres qui composent deux marques verbales n’a pas, en tant que tel, de signification particulière pour le public visé par ces marques. Dès lors que l’alphabet est composé d’un nombre limité de lettres, lesquelles, au demeurant, ne sont pas toutes utilisées avec la même fréquence, il est inévitable que plusieurs mots se composent du même nombre de lettres et en partagent même certaines, sans qu’ils puissent, de ce seul fait, être qualifiés de similaires sur le plan visuel. En outre, le public n’est pas, en général, conscient du nombre exact de lettres qui composent une marque verbale et, par conséquent, ne se rendra pas compte, dans la plupart des cas, du fait que deux marques en conflit sont composées d’un nombre similaire de lettres [voir, en ce sens, arrêts du 13 juin 2019, Pet King Brands/EUIPO – Virbac (SUIMOX), T‑366/18, non publié, EU:T:2019:410, point 96 et jurisprudence citée, et du 26 mars 2020, Conlance/EUIPO – LG Electronics (SONANCE), T‑343/19, non publié, EU:T:2020:124, point 41].

43      En l’espèce, il y a lieu de relever que les signes en conflit présentent également un certain nombre de différences sur le plan visuel, telles que, pour la marque demandée, une double lettre « cc » ainsi qu’un accent placé sur la lettre « i » et, pour la marque antérieure, un accent placé sur la lettre « u », une lettre « t » placée après une lettre « s » et une lettre « c » placée en fin de signe. Les lettres supplémentaires ainsi que la position différente de certaines lettres communes et les accents placés sur des voyelles différentes dans chacun des signes en conflit ne sont pas négligeables aux fins de la comparaison visuelle et sont susceptibles d’attirer l’attention du public et de mitiger, dans le cadre d’une impression d’ensemble, l’effet produit par les éléments de ressemblance.

44      Dès lors, s’il convient de considérer que les signes en conflit sont partiellement similaires du fait de la concordance des lettres initiales « a » et « c » et de la présence des lettres communes « u », « s » et « i », leurs différences, dues à la présence de lettres supplémentaires, à l’ordre différent de certaines des lettres et aux accents placés sur des voyelles différentes, contribuent dans une large mesure à l’impression globale qu’ils produisent.

45      Au vu de ce qui précède, contrairement à la conclusion de la chambre de recours figurant au point 41 de la décision attaquée, il convient de considérer que les signes en conflit, pris dans leur ensemble, présentent un degré de similitude faible sur le plan visuel, et non moyen.

46      En deuxième lieu, s’agissant de la comparaison sur le plan phonétique, il convient de relever que la marque antérieure se compose des trois syllabes « a », « cú » et « stic » et que la marque demandée se compose quant à elle des trois syllabes « ac », « cu » et « sì ». Cependant, la présence dans la marque antérieure d’un accent sur la lettre « u » ainsi que d’une troisième syllabe « stic », composée de la consonne sifflante « s » et des consonnes occlusives « t » et « c », conduit à une intonation particulière. En outre, la double consonne « cc », l’accent placé sur la dernière lettre « i » et, de ce fait, la possible prononciation de la lettre « s » de la syllabe « sì » de la marque demandée comme une consonne fricative sont de nature à accentuer la différence phonétique entre lesdits signes.

47      Les signes en conflit doivent donc être considérés comme étant faiblement similaires sur le plan phonétique, bien que la chambre de recours conclue, au point 43 de la décision attaquée, qu’ils présentent à cet égard un degré moyen de similitude.

48      En troisième lieu, s’agissant de la comparaison sur le plan conceptuel, il y a lieu de constater que les parties ne contestent pas que l’élément verbal « accusì » de la marque demandée peut renvoyer, pour une partie du public pertinent, au verbe « accuser » et sera dépourvu de signification pour la partie restante dudit public.

49      En revanche, s’agissant de la marque antérieure, il y a lieu de relever que, comme le soulève à juste titre la requérante, le public pertinent comprendra l’élément verbal « acústic » comme renvoyant au domaine du son et plus particulièrement aux sons que fait un instrument de musique acoustique, c’est-à-dire sans amplification électronique. En effet, d’une part, le mot espagnol « acústic » est proche du mot anglais « acoustic », de sorte que la partie du public pertinent ayant une certaine maîtrise de l’anglais comprendra la signification de ce mot. D’autre part, contrairement à ce que soutient l’EUIPO, l’élément verbal « acústic » en espagnol se rapproche des traductions qui peuvent en être faites dans les autres langues de l’Union européenne, telles que, entres autres, « akustisch » en allemand, « акустичен » en bulgare (qui se prononce « akustichen »), « akustična » en croate, « akustisk » en danois et en suédois, « akustiline » en estonien, « akustinen » en finnois, « acoustique » en français, « aκουστικός » en grec (qui se prononce « akoustikós »), « akusztikus » en hongrois, « acustico » en italien, « akustiskā », en letton, « akustinis » en lituanien, « akustiku » en maltais, « akoestisch » en néerlandais, « akustyczny » en polonais, « acústico » en portugais, « acustic » en roumain, « akustický » en slovaque, « akustična » en slovène et « akustický » en tchèque. Dès lors, la partie du public pertinent moins familiarisée avec la langue anglaise sera tout de même susceptible d’attribuer une signification à l’élément verbal « acústic » de la marque antérieure.

50      Les signes en conflit sont donc différents conceptuellement pour la partie du public pertinent qui attribuera une signification au concept « accusì » de la marque demandée. En revanche, ils ne sont pas similaires pour la partie dudit public à l’égard de laquelle le terme « accusì » ne transmet aucune signification [voir, par analogie, arrêts du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, EU:T:2004:189, point 55, et du 19 décembre 2019, Vins el Cep/EUIPO – Rotkäppchen-Mumm Sektkellereien (MIM NATURA), T‑589/18, non publié, EU:T:2019:887, point 56 et jurisprudence citée].

51      Partant, les signes en conflit doivent être considérés comme étant différents, ou non similaires, sur le plan conceptuel, selon que le public pertinent attribue une signification à l’élément verbal « accusì » de la marque demandée ou non, et c’est à tort que la chambre de recours a affirmé, au point 44 de la décision attaquée, que la comparaison conceptuelle demeurait neutre pour une partie du public pertinent.

52      En outre, c’est à tort que la chambre de recours a, au stade de l’analyse de la similitude des signes en conflit, considéré que la comparaison conceptuelle n’avait aucune incidence notable sur les similitudes ou les différences visuelles et phonétiques desdits signes.

53      En effet, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, les aspects visuel, phonétique ou conceptuel des signes en conflit n’ont pas toujours le même poids et l’importance des éléments de similitude ou de différence entre lesdits signes peut dépendre de leurs caractéristiques intrinsèques [voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, EU:T:2004:293, point 49 et jurisprudence citée].

54      Il résulte également de la jurisprudence de la Cour que l’appréciation globale du risque de confusion implique que les différences conceptuelles entre les signes en conflit peuvent neutraliser des similitudes phonétique et visuelle entre ces deux signes, pour autant qu’au moins l’un de ceux-ci ait, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de telle sorte que ce public soit susceptible de la saisir directement (voir arrêt du 4 mars 2020, EUIPO/Equivalenza Manufactory, C‑328/18 P, EU:C:2020:156, point 74 et jurisprudence citée).

55      Il ressort de la jurisprudence citée aux points 53 et 54 ci-dessus que l’importance des éléments de similitude ou de différence entre les signes en conflit et la possible neutralisation des similitudes doivent être examinées au stade de l’appréciation globale du risque de confusion.

56      Or, en l’espèce, la chambre de recours a expressément indiqué ne pas procéder à une telle appréciation du risque de confusion, celle-ci n’étant possible, selon elle, qu’après examen de l’usage sérieux de la marque antérieure pour l’ensemble des produits visés. Elle ne pouvait donc, au stade de la comparaison des signes en conflit, conclure à l’absence d’incidence de la perspective conceptuelle.

57      Néanmoins, les erreurs commises par la chambre de recours dans le cadre de l’analyse de la similitude des signes en conflit ne sont pas de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée.

58      En effet, ces erreurs ne sauraient en soi affaiblir l’importance de la constatation de la chambre de recours selon laquelle, au vu des similitudes entre les signes en conflit, il n’était pas possible de statuer sur l’existence d’un risque de confusion sans procéder au préalable à l’examen de la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, un tel examen pouvant être effectué par la division d’opposition.

59      À cet égard, d’une part, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, ce n’est qu’en l’absence de risque de confusion entre les signes en conflit qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la preuve de l’usage de la marque antérieure.

60      Or, les différences entre les signes en conflit constatées aux points 43, 46 et 50 ci-dessus ne sont pas nécessairement telles qu’elles excluent, à elles seules, la possibilité d’un risque de confusion, notamment dans l’hypothèse où le caractère distinctif de la marque antérieure est fort et où les dissimilitudes entre les signes en conflit ne l’emportent pas sur la similitude ou l’identité éventuelle des produits en cause, de sorte que le public pertinent pourra croire que lesdits produits proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

61      C’est donc sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit dans l’esprit du public pertinent ne pouvait être écartée.

62      D’autre part, aux termes de l’article 71, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, la chambre de recours peut soit exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision litigieuse, soit renvoyer l’affaire à ladite instance en vue de la poursuite de la procédure, de sorte que, en l’espèce, elle n’a pas commis d’erreur en décidant de renvoyer l’affaire à la division d’opposition.

63      Il résulte de ce qui précède que le second grief de la requérante doit être écarté tout comme, par conséquent, le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions de la requérante.

64      Il y a lieu de préciser qu’il appartiendra à l’EUIPO, en exécution du présent arrêt, de se prononcer à nouveau, le cas échéant, sur le risque de confusion entre les signes en conflit. Il lui appartiendra alors de tirer les conséquences, pour la comparaison entre ces signes, d’une éventuelle absence d’usage sérieux de la marque antérieure pour certains des produits visés par celle-ci.

 Sur les dépens

65      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce.

66      En l’espèce, au vu des erreurs ayant entaché la décision attaquée, et bien que celle-ci ne soit pas annulée, le Tribunal décide que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Spielmann

Öberg

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 avril 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.