Language of document : ECLI:EU:T:1999:331

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

15 décembre 1999 (1)

«Fonctionnaires — Promotion — Examen comparatif des mérites»

Dans l'affaire T-144/98,

Dino Cantoreggi, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles, représenté par Me Éric Boigelot, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Louis Schiltz, 2, rue du Fort Rheinsheim,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. Yannis Pantalis, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Denis Waelbroeck, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenu par

M. N, représenté par Mes Jean-Noël Louis et Greta-Françoise Parmentier, avocats au barreau de Bruxelles, et Me Cathy Arendt, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de cette dernière, 49, boulevard Royal,

partie intervenante,

ayant pour objet l'annulation d'un refus de promotion,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. A. Potocki, président, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 27 octobre 1999,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    Sur le fondement du rapport d'un groupe de travail, le bureau du Parlement a adopté, le 12 mars 1996, une conclusion selon laquelle la direction générale de l'administration (DG VI) devait «nécessairement être renforcée, au niveau de ses divisions, notamment pour tenir compte des charges administratives concernant la gestion des nouveaux bâtiments de l'institution dans les trois lieux de travail».

2.
    Le 3 septembre 1996, a été publié l'avis de vacance d'emploi n° 8045 (ci-après «avis de vacance n° 8045»), relatif au poste de chef de la division «gestion technique des bâtiments» (carrière A 3) de la direction des infrastructures et du service intérieur de la DG VI (ci-après «poste litigieux»).

3.
    La nature des fonctions afférentes au poste litigieux y était ainsi définie:

«Fonctionnaire très qualifié, chargé de diriger et d'organiser les travaux des services de la division comprenant notamment:

—    l'exploitation et la maintenance des installations techniques des bâtiments;

—    le nettoyage et les autres aspects de l'entretien hygiénique des bâtiments, ainsi que l'entretien des espaces verts;

—    les aménagements et réaménagements (y compris bureaux extérieurs);

—    les conditions de confort et d'environnement de travail dans les bâtiments;

—    la gestion des consommations d'énergie;

—    la gestion des postes budgétaires en rapport avec les activités précitées;

—    la supervision et la motivation du personnel de la division, ainsi que les rapports avec les sociétés externes désignées;

—    l'élaboration des rapports et des notes à l'attention des organes politiques, ainsi que l'assistance à leurs réunions.

Ces activités requièrent une expérience spécifique et une très bonne connaissance de la gestion budgétaire.»

4.
    L'avis de vacance n° 8045 exigeait les qualifications et connaissances suivantes:

«—    connaissances de niveau universitaire sanctionnées par un diplôme ou expérience professionnelle garantissant un niveau équivalent;

—    aptitude confirmée à organiser et à diriger efficacement un service aux tâches multiples et variées;

—    connaissances et expérience professionnelle dans des domaines analogues à ceux repris sous 'Nature des fonctions‘;

—    connaissance approfondie d'une des langues officielles de l'Union européenne et très bonne connaissance d'une autre de ces langues».

5.
    Par décision du président du Parlement en date du 19 décembre 1996, M. Cantoreggi, l'un des quatre candidats au poste litigieux, a été appelé à occuper ce poste par intérim à compter du 1er février 1997.

6.
    Par décision du 28 janvier 1997 (ci-après «décision de scission») du directeur général de l'administration, la division «bâtiments» a été scindée, d'une part, en une division «gestion technique des bâtiments», placée sous l'autorité de M. Cantoreggi, en qualité de chef ad intérim, et, d'autre part, en une division «gestion administrative des bâtiments», placée sous l'autorité de M. Glass.

7.
    La décision de scission répartissait, entre les deux divisions, les compétences, les postes budgétaires et les postes fonctionnels de la façon suivante:

«I —    Division '[gestion technique des bâtiments]‘

—    La conduite et la maintenance des infrastructures et de ses installations techniques.

    

—    Le nettoyage et autres aspects de l'entretien hygiénique ainsi que l'entretien des espaces verts.

—    Les travaux d'aménagement et de remises en état (y compris les bureaux d'études et les architectes).

—    La gestion des consommations d'énergie.

—    Les conditions de confort et d'environnement de travail dans les bâtiments.

—    L'assistance ponctuelle à la division ['gestion administrative des bâtiments‘] concernant les projets d'aménagement dans les bureaux extérieurs.

—    La gestion des postes budgétaires relatifs aux activités indiquées ci-dessus, à savoir 2020, 2030, 2040, 2090 (partie relative aux bureaux d'études); 2220/3, 2221/3, 2222/2, 2223/3.

II —    Division ['gestion administrative des bâtiments‘]

—    La négociation et la gestion des contrats de bail, des contrats de bail emphytéotiques et des achats immobiliers.

—    La gestion des assurances, des garanties, des taxes et des aspects administratifs/juridiques divers relatifs aux bâtiments.

—    La gestion des espaces (bureaux parlementaires et fonctionnaires).

—    La gestion des contrats des consultants et bureaux d'études, etc.

—    La gestion immobilière des bureaux extérieurs.

—    La coordination de l'établissement du budget pour l'ensemble des postes budgétaires des deux divisions.

—    L'ordonnancement des dépenses et la comptabilité pour les deux divisions.

—    L'assistance ponctuelle à la division ['gestion technique des bâtiments‘] en matière de questions juridiques et comptables.

—    La gestion des postes budgétaires relatifs aux activités indiquées ci-dessus (2000, 2010, 2060, 2070, 2080, 2090, 2800, 2810)».

8.
    Le 17 novembre 1997, le Parlement a publié, en application de l'article 29, paragraphe 1, sous c), du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»), l'avis de transfert interinstitutionnel PE/A/208, en vue de pourvoir à la vacance du poste litigieux (ci-après «avis interinstitutionnel»). La description de la nature des fonctions et la définition des qualifications et connaissances requises étaient identiques à celles qui figuraient dans l'avis de vacance n° 8045.

9.
    Trois fonctionnaires de la Commission ont présenté leur candidature, dont M. N, conseiller à la direction générale Développement (DG VIII).

10.
    Dans une note du 6 janvier 1998, le directeur général de l'administration du Parlement a fait valoir: «[M. N] n'a aucune formation ni expérience dans le cadre spécifique des bâtiments. Ceci est un inconvénient majeur pour occuper le poste de chef de la division 'gestion technique des bâtiments‘, car cette division est précisément responsable de tous les aspects techniques des dossiers, alors que la division 'gestion administrative des bâtiments‘ supporte la charge budgétaire correspondante. Vu l'importance des programmes immobiliers à gérer dans les trois lieux de travail, il apparaît que M. N n'est que partiellement compétent pour occuper les fonctions à pourvoir. Au-delà des aptitudes à gérer administrativement et financièrement une division de ce type, la capacité d'appréciation et la prise de position sur des dossiers techniques impliquent un minimum de connaissances spécifiques.»

11.
    Dans une note à l'intention du président du Parlement, le secrétaire général a toutefois indiqué ce qui suit:

«2.    profil des candidats

M. N est diplômé en sciences politiques et sociales. L'expérience professionnelle de l'intéressé, que ce soit dans le privé puis au sein de la Commission, est principalement orientée vers deux domaines d'activité: l'agriculture et le budget. En effet, après avoir été pendant une dizaine d'années le directeur du Bureau bruxellois des organisations agricoles espagnoles, il est devenu membre du cabinet du commissaire Matutes, en charge notamment des dossiers relatifs au budget, au contrôle budgétaire et à l'agriculture. De 1993 à 1996, il était conseiller à la direction du FEOGA, responsable du secrétariat du comité du FEOGA, des rapports avec la Cour des comptes et le Parlement (COBU, Cocobu). Pendant un an, il a assumé les fonctions de conseiller à la direction des affaires internationales en matière d'agriculture. Il est actuellement conseiller à la [DG VIII]. (Développement).

[...]

3.    avis de la dg vi

[...] En résumé, [la DG VI] estime que les trois candidats [au transfert interinstitutionnel] possèdent de bonnes qualifications dans des domaines qui ne correspondent pas précisément à ceux repris sous nature des fonctions mais qui devraient leur permettre, après une certaine période d'adaptation, d'exercer les fonctions. Toutefois, la DG VI relève que les aptitudes et l'expérience de ces

candidats ne sont pas supérieures à celles de M. Cantoreggi qui exerce les fonctions ad intérim depuis le 1er février 1997.

4. proposition

Parmi les candidatures reçues aux différents stades de la procédure, plusieurs remplissent formellement les conditions de l'avis en matière d'expérience professionnelle spécifique. Toutefois, bien que certains postulants disposent de connaissances techniques nécessaires à l'emploi, la plupart de ces candidatures, y compris parmi les candidatures internes, ne me semblent [pas] d'un niveau suffisamment élevé pour assumer les responsabilités afférentes à l'emploi tant dans le domaine technique que dans la direction et l'organisation d'une importante division ayant un budget très considérable à gérer.

Seule la candidature de M. N a le niveau requis. En effet, sa formation en sciences politiques et sociales et en droit comparé et son expérience professionnelle de très haut niveau, aussi bien en dehors des institutions que depuis son entrée à la Commission, l'ont préparé à exercer des fonctions de niveau supérieur. De plus, il est en mesure de maîtriser parfaitement les aspects budgétaires de la fonction.

Pour ces raisons, je vous propose la candidature, au titre du transfert, de:

— M. N.»

12.
    Par décision du 9 janvier 1998, le président du Parlement a mis fin, au 31 janvier 1998, aux fonctions du requérant exercées par intérim.

13.
    Par décision du président du Parlement du 12 février 1998, M. N a été transféré au secrétariat général du Parlement et promu au poste litigieux.

14.
    La candidature du requérant a été écartée par décision du 25 février 1998.

15.
    La réclamation du requérant dirigée contre ces deux dernières décisions a été rejetée le 22 juin 1998, au motif qu'«[avait] été nommé un fonctionnaire disposant de qualifications très élevées pour diriger la division au niveau approprié, en privilégiant l'aptitude à organiser, diriger et représenter une unité importante aux tâches multiples et variées régulièrement confrontée à une gestion financière particulièrement complexe».

Procédure

16.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 septembre 1998, M. Cantoreggi a demandé l'annulation de la nomination de M. N et des décisions rejetant, respectivement, sa candidature et sa réclamation.

17.
    Par ordonnance du 22 mars 1999, M. N a été admis à intervenir au litige au soutien des conclusions du Parlement. Toutefois, l'intéressé n'a pas déposé de mémoire en intervention dans le délai imparti.

Conclusions des parties

18.
    Le requérant conclut à:

—    l'annulation de la décision du 12 février 1998 portant nomination de M. N au poste litigieux;

—    l'annulation de la décision du 25 février 1998 rejetant la candidature du requérant à ce poste;

—    l'annulation de la décision du 22 juin 1998 rejetant la réclamation du requérant;

—    la condamnation du Parlement aux entiers dépens.

19.
    Le Parlement conclut:

—    au rejet du recours comme non fondé dans son ensemble;

—    à ce qu'il soit statué comme de droit sur les dépens.

Sur le fond

20.
    Au soutien de son recours, le requérant invoque plusieurs moyens d'annulation, dont celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation. Il convient d'examiner d'abord ce moyen.

Arguments des parties

    

21.
    Le requérant soutient que les qualifications exigées par l'avis interinstitutionnel pour le pourvoi du poste litigieux ne se réduisaient pas à l'aptitude à la gestion financière, à l'organisation et à la direction d'une unité importante, retenue en faveur de M. N. Au contraire, l'aspect technique de la gestion de la division, domaine dans lequel M. N n'a aucune formation ni expérience professionnelle, aurait été prépondérant.

22.
    Le Parlement, soutenu, en substance, à l'audience de plaidoiries par la partie intervenante, estime qu'il était en droit de retenir l'aptitude que M. N paraissait présenter à organiser, diriger et représenter une division importante d'une cinquantaine de personnes, aux tâches multiples et variées et confrontée à une gestion budgétaire particulièrement complexe.

23.
    Cette pondération en faveur des compétences budgétaires et financières se serait d'autant plus imposée que, ainsi que le requérant le reconnaît lui-même, la division «gestion technique des bâtiments» était en passe d'être supprimée et que les fonctions de gestion technique et de gestion administrative et financière des bâtiments allaient être de nouveau réunies, en raison de l'importance décroissante de la gestion technique des bâtiments au profit des questions budgétaires.

24.
    De plus, le Parlement aurait déjà disposé, à l'époque de la publication de l'avis de vacance n° 8045, de toutes les compétences nécessaires en matière de gestion technique des bâtiments avec quatre administrateurs ayant reçu une formation soit d'architecte, soit d'ingénieur ou de technicien en bâtiments et plusieurs personnes qualifiées sous contrat avec l'institution.

Appréciation du Tribunal

25.
    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence bien établie, l'avis de vacance, de même que l'avis de transfert interinstitutionnel, a, notamment, pour objet de fixer le cadre de légalité de l'examen comparatif des mérites des candidats au poste à pourvoir (arrêts de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec. p. I-225, point 19, et du Tribunal du 12 mai 1998, Wenk/Commission, T-159/96, RecFP p. II-593, point 24).

    

26.
    En vue de contrôler si l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») n'a pas dépassé les limites de ce cadre légal, il appartient au Tribunal d'examiner, tout d'abord, quelles sont les conditions requises pour le pourvoi du poste vacant et de vérifier ensuite si le candidat retenu satisfait effectivement à ces conditions.

27.
    Un tel examen doit cependant se limiter à la question de savoir si, eu égard aux considérations qui ont pu conduire l'administration à son appréciation, celle-ci s'est tenue dans des limites raisonnables et n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait, en effet, substituer son appréciation des qualifications du candidat nommé à celle de l'AIPN (arrêt Wenk/Commission, précité, point 64).

28.
    Il convient de relever, en l'espèce, que les différentes phases de la procédure de pourvoi du poste litigieux avaient pour objet de mettre en oeuvre la décision de scission, elle-même fondée sur le rapport du groupe de travail qui avait fait l'objet de la conclusion du bureau du 12 mars 1996, précitée.

29.
    Aussi, l'examen de la nature des fonctions afférentes au poste litigieux fait-il visiblement ressortir que son titulaire devait nécessairement posséder un niveau de qualification très élevé au regard des différents aspects de la gestion technique des bâtiments énumérés dans l'avis de vacance n° 8045 et repris à l'identique par l'avis interinstitutionnel.

30.
    Cette variété de compétences techniques est clairement confirmée par la nature des tâches attribuées à la division «gestion technique des bâtiments» par la décision de scission, qui lui confie, en substance, la responsabilité de tous les domaines afférents à la gestion technique des bâtiments définis par les deux avis.

31.
    La décision de scission précise même que la division «gestion technique des bâtiments» prête une assistance ponctuelle à la division «gestion administrative des bâtiments» à l'égard des projets d'aménagements dans les bureaux extérieurs.

32.
    Enfin, dans le cadre d'activités circonscrit à ces fonctions techniques, le titulaire du poste litigieux devait être à même de superviser et de motiver le personnel de la division, d'assurer les contacts avec les sociétés prestataires de services et d'élaborer des rapports et des notes destinés aux organes politiques du Parlement aux réunions desquels il était tenu d'assister.

33.
    Toutes ces qualifications techniques devaient, d'une part, procéder de connaissances attestées par un diplôme universitaire ou d'une expérience professionnelle garantissant un niveau équivalent et, d'autre part, se rapporter à des domaines analogues à ceux afférents à la gestion technique des bâtiments énumérés dans les deux avis.

    

34.
    Or, il ressort clairement tant de la note du 6 janvier 1998 du directeur général de l'administration que de celle rédigée par le secrétaire général à l'intention du président du Parlement que M. N ne possédait manifestement pas de telles qualifications.

35.
    Certes, M. N pouvait être crédité d'une solide expérience professionnelle dans le domaine budgétaire. Toutefois, celle-ci, acquise essentiellement en matière agricole, ne pouvait être qualifiée de pertinente, au sens des deux avis précités, au regard de la gestion des postes budgétaires se rapportant aux activités afférentes au poste litigieux et auxquelles correspondaient, ainsi qu'il résulte de la décision de scission, les postes budgétaires 2020, 2030, 2040, 2090 (partie relative aux bureaux d'études), 2220/3, 2221/3, 2222/2, 2223/3.

36.
    Il convient, au demeurant, de relativiser l'importance que les compétences budgétaires revêtent au regard de l'accomplissement des tâches correspondant au poste litigieux. En effet, il découle de la description de leurs attributions respectives que la division «gestion administrative des bâtiments» prête à la division «gestion technique des bâtiments» une assistance ponctuelle en matière de questions juridiques et comptables et assure, pour les deux divisions, d'une part, la coordination de l'établissement du budget afférent à l'ensemble des postes budgétaires et, d'autre part, l'ordonnancement des dépenses et de la comptabilité.

37.
    Il s'ensuit que le Parlement a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant comme déterminantes les qualifications budgétaires et financières de M. N

et en faisant totalement abstraction des exigences spécifiques concernant les connaissances et l'expérience professionnelle en matière de gestion technique des bâtiments que contenaient les deux avis.

38.
    Le Parlement ne saurait défendre la décision de nomination attaquée en soutenant qu'il disposait déjà, à l'époque de la publication de l'avis de vacance n° 8045, d'un personnel présentant toutes les compétences nécessaires en matière de gestion technique des bâtiments.

39.
    En effet, même dans ce cas, la capacité d'appréciation du chef de division pour prendre position sur les dossiers techniques implique un minimum de connaissances spécifiques, dont le candidat nommé était visiblement dépourvu.

40.
    A cet égard, il aurait incombé, en tout état de cause, au défendeur de définir différemment, dans l'avis de vacance n° 8045, la nature des fonctions afférentes au poste litigieux, s'il n'avait pas eu besoin d'un chef de division possédant des compétences techniques.

41.
    Le défendeur ne saurait davantage arguer d'un prochain retour à la fusion, au sein d'une même unité, des fonctions de gestion technique et de gestion administrative et financière des bâtiments.

42.
    A supposer qu'une telle éventualité se fût déjà matérialisée ou eût été envisageable au cours de la procédure de pourvoi litigieuse, il aurait alors appartenu au Parlement d'interrompre celle-ci. En effet, aucune disposition du statut n'oblige l'AIPN à donner suite à une procédure de recrutement engagée en pourvoyant au poste vacant, pour autant que puissent être invoquées des raisons légitimes relevant, notamment, des besoins des services de l'institution et des priorités des tâches à remplir (arrêt de la Cour du 2 avril 1981, Pizziolo/Commission, 785/79, Rec. p. 969, point 10).

43.
    Il échet donc d'accueillir le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation et d'annuler la décision portant nomination de M. N au poste litigieux et, par voie de conséquence, celles portant rejet de la candidature et de la réclamation du requérant.

44.
    Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les autres moyens d'annulation invoqués par le requérant, ni sur sa demande tendant à obtenir la production ou l'autorisation de verser au dossier certains documents.

Sur les dépens

45.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Le Parlementayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens, ainsi que ceux du requérant, conformément aux conclusions de ce dernier.

46.
    En vertu de l'article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, la partie intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

1)    Les décisions du Parlement européen, des 12 février, 25 février et 22 juin 1998, portant, respectivement, nomination de M. N au poste de chef de la division «gestion technique des bâtiments», rejet de la candidature du requérant à ce poste et rejet de la réclamation de ce dernier, sont annulées.

2)    Le Parlement européen est condamné à payer ses propres dépens et ceux du requérant.

3)    M. N, partie intervenante, supportera ses propres dépens.

Potocki
Pirrung
Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 décembre 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

A. Potocki


1: Langue de procédure: le français.