Language of document : ECLI:EU:T:2005:169

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

11 mai 2005 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative comprenant l’élément verbal ‘GRUPO SADA’ – Marque nationale antérieure figurative comprenant l’élément verbal ‘sadia’ – Refus partiel d’enregistrement – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T-31/03,

Grupo Sada,  pa, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes A. Aguilar De Armas et J. Marrero Ortega, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme J. García Murillo et M. G. Schneider, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant,

Sadia, SA, établie à Concordia (Brésil), représentée par Mes J. García del Santo et P. García Cabrerizo, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet un recours en annulation formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 20 novembre 2002 (affaire R 567/2001-1), relative à une procédure d’opposition entre Sadia, SA, et Grupo Sada,  pa, SA,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. H. Legal, président,  P. Mengozzi et Mme I. Wiszniewska-Bialecka, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 31 janvier 2003,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 4 juin 2003,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 10 juin 2003,

à la suite de l’audience du 16 décembre 2004,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1       Le 1er avril 1996, la société Grupo Sada, pa, SA, a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2       Le signe dont l’enregistrement a été demandé est reproduit ci-après:

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3       Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29, 31 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent aux descriptions suivantes :

–       classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles » ;

–       classe 31 : « Produits agricoles, horticoles, forestiers et graines, non compris dans d’autres classes ; animaux vivants ; fruits et légumes frais; semences, plantes et fleurs naturelles ; aliments pour les animaux, malt » ;

–       classe 35 : « Publicité; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ».

4       La demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 32/97 du 8 décembre 1997.

5       Le 6 mars 1998, la société Sadia Concordia, SA, Industria e Comercio, devenue Sadia, SA, a formé une opposition à l’enregistrement du signe en invoquant le risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, avec une marque figurative antérieure dont elle est titulaire. Cette marque, reproduite ci-après, a été enregistrée en Espagne sous le n° 1 919 773 pour des produits de la classe 29 :

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6       Les produits de la classe 29 pour lesquels la marque antérieure de l’intervenante a été enregistrée correspondent à la description suivante : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ».

7       L’opposition a été dirigée contre les produits des classes 29, 31 et 35, tels que spécifiés dans la demande d’enregistrement.

8       Par décision du 3 avril 2001, la division d’opposition a accueilli l’opposition en tant qu’elle était dirigée contre les produits de la classe 29, mais elle a ordonné l’enregistrement pour les produits des classes 31 et 35. S’agissant des produits de la classe 29, la division d’opposition a relevé qu’il existait un haut degré de similitude visuelle et phonétique entre les signes en conflit et que les produits étaient identiques ou similaires, ce qui pouvait donner lieu, dans l’esprit du consommateur espagnol, à un risque de confusion.

9       Le 30 mai 2001, la requérante a introduit un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’opposition, en demandant, d’une part, l’annulation de cette décision en tant qu’elle refusait l’enregistrement pour les produits de la classe 29 et, d’autre part, l’enregistrement de la marque demandée pour ces produits.

10     Ce recours a été rejeté par décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 20 novembre 2002 (ci-après la « décision attaquée »). En substance, la chambre de recours a considéré que l’identité des produits ainsi qu’une similitude phonétique et une certaine similitude visuelle entre les éléments dominants des signes en conflit étaient suffisantes pour conclure à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du consommateur espagnol, susceptible de l’entraîner à croire que les produits désignés par les marques en conflit provenaient de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

 Conclusions des parties

11     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée en tant qu’elle refuse l’enregistrement de la marque demandée pour les produits de la classe 29 ;

–       autoriser l’enregistrement de cette marque pour les produits de la classe 29 ;

–       condamner l’OHMI aux dépens ;

–       faire établir un rapport d’expertise sur le risque de confusion entre les marques en conflit.

12     Il y a lieu de relever que, à l’audience, la requérante a renoncé à se prévaloir de ses deuxième et quatrième chefs de conclusions, ce dont le Tribunal a pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

13     L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14     À l’appui de sa demande en annulation de la décision attaquée, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

15     Ce moyen se subdivise en trois branches. La première branche est prise de la méconnaissance par la chambre de recours du degré élevé de connaissance en Espagne de la marque demandée. La deuxième branche est prise de la violation de l’exigence d’une appréciation globale des marques en conflit. La troisième branche est tirée de la coexistence sur le marché espagnol de trois enregistrements effectués par la requérante antérieurement à la demande de marque communautaire et de la marque antérieure de l’intervenante.

 Sur la première branche, prise de la méconnaissance par la chambre de recours du degré élevé de connaissance en Espagne de la marque demandée

 Arguments des parties

16     La requérante souligne que, avant même le dépôt de sa demande d’enregistrement à l’OHMI, elle a utilisé, dans la vie des affaires, pendant plusieurs années, un symbole exactement identique à la marque demandée. Elle indique que, ainsi qu’il ressort des offres de preuve qui sont annexées à la requête, elle regroupe huit sociétés réparties sur tout le territoire espagnol, distribuant toutes leurs produits sous le signe GRUPO SADA. Elle ajoute que ce signe figure sur des cartes de service de ses salariés, sur des enveloppes, des notes de communication, sur des factures, feuilles de livraison et bulletins de commande, sur des panneaux posés au siège social de la société, ainsi que dans diverses publications. La requérante en conclut que la marque demandée jouit sur le marché espagnol d’une notoriété évidente résultant de l’usage qui en a été fait et des investissements effectués dans la publicité. En outre, la requérante relève que cette marque, qui inclut l’élément verbal « GRUPO SADA », coïncide avec sa dénomination sociale : cette coïncidence permet donc au consommateur d’associer beaucoup plus facilement à cette entreprise les produits désignés par cette marque.

17     À cet égard, la requérante indique que, sur la base des offres de preuve annexées à la requête, le degré élevé de connaissance de sa marque serait avérée auprès des deux catégories de destinataires des produits qu’elle commercialise, à savoir, d’une part, les grossistes et les grandes surfaces répartis sur le territoire espagnol, qui lui passeraient directement commande et, d’autre part, les consommateurs finals, clients des grandes surfaces.

18     Dans ces conditions, la requérante soutient que c’est à tort que la chambre de recours n’a pas tenu compte du degré élevé de connaissance que le public pertinent a de la marque demandée. Elle se réfère à cet effet aux arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon (C‑39/97, Rec. p. I‑5507), et du 11 novembre 1997, SABEL (C‑251/95, Rec. p. I‑6191), dont il résulterait qu’un degré de connaissance élevé d’une marque écarte tout risque de confusion.

19     L’OHMI rétorque que, ayant été soulevé pour la première fois devant le Tribunal, l’argument tiré du degré élevé de connaissance en Espagne de la marque demandée constitue une modification de l’objet du litige interdite par l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal. En conséquence, l’OHMI invite le Tribunal à ne pas examiner l’argument tiré de l’absence d’appréciation par la chambre de recours du prétendu degré de connaissance élevé de la marque demandée. De plus, selon l’OHMI, les éléments de preuve annexés à la requête sont irrecevables.

20     Sur la recevabilité de l’argument et des éléments de preuve avancés par la requérante, l’intervenante se rallie à la position de l’OHMI. Elle ajoute, sur le fond, que la notoriété de la marque demandée n’exclut pas à elle seule l’existence d’un risque de confusion. En effet, la marque de l’intervenante serait, elle aussi, bien connue des consommateurs espagnols. À cet égard, l’intervenante relève qu’elle est la première exportatrice de produits à base de viande du Brésil et qu’elle est présente sur de nombreux marchés nationaux, notamment au Royaume-Uni et en Italie. À titre de preuve de l’importance de son activité commerciale, l’intervenante produit, en annexe à son mémoire, diverses brochures et revues, ainsi que des emballages et sachets qu’elle utilise et qui établiraient l’usage continu qu’elle fait de sa marque.

 Appréciation du Tribunal

21     L’article 74, paragraphe 1, in fine, du règlement n° 40/94 précise que, « dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen [effectué par l’OHMI] est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties ». Le Tribunal a jugé que cette disposition impose à une chambre de recours, statuant sur un recours contre une décision mettant fin à une procédure d’opposition, de fonder sa décision uniquement sur les motifs relatifs de refus que la partie concernée a invoqués ainsi que sur les faits et preuves s’y rapportant présentés par cette partie [arrêt du Tribunal du 23 septembre 2003, Henkel/OHMI – LHS (UK) (KLEENCARE), T‑308/01, Rec. p. II-3253, point 32].

22     En l’espèce, il est constant que le prétendu degré élevé de connaissance de la marque demandée, qui aurait été acquis par l’utilisation d’un signe identique dans la vie des affaires en Espagne, a été invoqué pour la première fois dans le cadre de la procédure devant le Tribunal.

23     En outre, il n’incombait ni à la division d’opposition ni à la chambre de recours de relever d’office le prétendu degré de connaissance élevé qu’aurait acquise la marque demandée. Il s’ensuit que cet argument est irrecevable.

24     Il y a également lieu, pour les mêmes motifs, d’écarter du débat les éléments de preuve produits par l’intervenante pour la première fois dans le cadre de la procédure devant le Tribunal qui tendraient à démontrer la prétendue notoriété de sa marque antérieure, sans qu’il soit besoin d’examiner leur valeur probante [voir arrêts du Tribunal du 12 décembre 2002, eCOPY/OHMI (ECOPY), T-247/01, Rec. p. II-5301, point 49, et du 3 juillet 2003, Alejandro/OHMI – Anheuser-Busch (BUDMEN), T‑129/01, Rec. p. II‑2251, point 67].

25     Partant, la première branche du moyen est rejetée comme irrecevable.

 Sur la deuxième branche, tirée de la violation de l’exigence d’une appréciation globale des marques en conflit

 Arguments des parties

26     La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé l’exigence, établie par la jurisprudence, d’une appréciation globale de la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en conflit à plusieurs égards.

27     Premièrement, elle soutient que la chambre de recours, en effectuant, au point 27 de la décision attaquée, des appréciations séparées des aspects visuel, phonétique et conceptuel des marques en conflit, a enfreint l’exigence d’une appréciation globale des marques, en ne comparant pas les résultats de ces différentes appréciations.

28     Deuxièmement, la requérante estime que la chambre de recours a également méconnu l’exigence d’une appréciation globale des marques en conflit, en analysant le seul élément « sada » de la marque demandée, qu’elle a qualifié de dominant, à l’exclusion de l’élément « grupo ». Se référant à l’arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN) (T‑6/01, Rec. p. II‑4335), la requérante considère qu’une appréciation globale exige la prise en considération de tous les éléments des marques et non de leur seul élément dominant. À ce propos, la requérante déclare ne pas comprendre la raison pour laquelle la décision attaquée qualifie le terme « grupo » de faiblement distinctif, alors qu’elle passe sous silence la question du caractère distinctif, pourtant nettement plus faible, de l’élément « sadia » de la marque antérieure de l’intervenante. La chambre de recours aurait donc traité différemment les marques en conflit.

29     Selon la requérante, seul un démembrement artificiel de la marque demandée aurait permis à la chambre de recours de conclure à l’existence d’un risque de confusion. En effet, il serait impossible à un consommateur, dans les quelque dixièmes de seconde qu’il leur consacre, de dépouiller les marques en conflit de leurs éléments figuratifs, de faire abstraction de l’élément « grupo » de la marque demandée et du « i » de la marque antérieure de l’intervenante, et de réduire les deux polices différentes à une simple police, pour constater une ressemblance entre les marques en conflit. Le consommateur qui se livrerait à une telle démarche ne saurait être qualifié de consommateur moyen et ne serait pas induit en erreur par la marque demandée parce qu’il aurait nécessairement conscience du cheminement intellectuel qui l’a amené à constater une ressemblance entre les marques en conflit.

30     Au demeurant, la requérante estime que l’élément dominant de la marque demandée n’est pas l’élément verbal « sada » mais le motif des quatre cercles sur lesquels apparaissent six lignes obliques, qui est notablement plus grand que cet élément et qui attirerait inconsciemment le regard. Quant à la marque de l’intervenante, l’impression d’ensemble qu’elle dégage serait dominée par le grand « s », qui exercerait un effet quasi hypnotique. De l’avis de la requérante, l’appréciation globale de la marque demandée, dont l’impression d’ensemble est dominée par l’élément figuratif, et de la marque antérieure de l’intervenante, dont l’impression d’ensemble est dominée par le « s » initial stylisé, permettrait ainsi d’exclure tout risque de confusion dans l’esprit du consommateur.

31     Troisièmement, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en ne tenant pas compte du fait que l’élément verbal « sadia » est un mot portugais générique qui signifie « santé », ce qui diminuerait le risque de confusion entre les marques en conflit.

32     L’OHMI estime que la chambre de recours n’a commis aucune erreur d’appréciation quant au risque de confusion qui existe entre les marques en conflit.

33     En premier lieu, l’OHMI rappelle qu’il est constant que les produits protégés par les marques en conflit sont identiques.

34     En deuxième lieu, quant à l’argument de la requérante selon lequel les destinataires des produits désignés par la marque demandée seraient les grandes surfaces et les consommateurs finals, l’OHMI souligne que les produits désignés par la marque demandée sont non seulement la viande de poulet et ses dérivés, mais également d’autres produits, comme le lait, les produits lactés, l’huile, les graisses comestibles. Or, ces derniers sont destinés directement aux consommateurs finals, et non principalement aux supermarchés et aux chaînes de distribution. Le consommateur des produits désignés par la marque demandée ne serait donc pas obligatoirement un consommateur spécialisé. En outre, l’OHMI rappelle que les produits en cause, parce que ce sont des produits alimentaires, sont des articles de consommation courante, achetés sans attention particulière.

35     En troisième lieu, s’agissant de la comparaison des signes en conflit, l’OHMI relève tout d’abord que, malgré certaines différences, il existe une similitude visuelle entre les signes en conflit en raison de la place importante de l’élément « sada » dans l’impression d’ensemble produite par la marque demandée, cet élément présentant avec la marque antérieure de l’intervenante la même suite de lettres, à l’exception du « i ». Il conviendrait donc, selon l’OHMI, d’approuver la conclusion à laquelle est parvenue la chambre de recours quant à l’existence d’une « certaine similitude visuelle ».

36     L’OHMI considère ensuite, à l’instar de la décision attaquée, que les signes en conflit sont phonétiquement similaires.

37     Enfin, quant à la comparaison conceptuelle des signes en conflit, l’OHMI approuve la conclusion de la chambre de recours et estime qu’il est impossible d’effectuer une telle comparaison, puisque les éléments verbaux « sada » et « sadia » n’ont aucun contenu conceptuel en langue espagnole. À cet égard, l’OHMI relève que l’argument tiré par la requérante de ce que l’élément verbal « sadia » signifie « santé » en portugais est nouveau. Quant au fond, l’OHMI rétorque que le mot portugais qui signifie « santé » est le terme « saúde » et que « sadia » est, en portugais, un adjectif qui signifie, s’il s’agit d’une personne, « en bonne santé », et s’il s’agit d’un produit, « qui donne la santé ». L’OHMI rappelle encore que l’élément verbal « sadia » n’a aucun sens pour le public pertinent, qui se compose des consommateurs espagnols, parce qu’il n’a aucun sens en espagnol, que cet élément n’est pas habituellement utilisé en Espagne pour désigner les produits de la classe 29, et qu’il n’a pas été établi que les consommateurs espagnols possédaient une connaissance suffisante du portugais pour comprendre le sens que ce mot a dans cette langue.

38     De plus, s’agissant du terme « grupo » de la marque demandée, si l’OHMI admet que ce terme existe en espagnol et désigne un ensemble de sociétés, il considère néanmoins que le contenu conceptuel de cet élément et le fait qu’il soit absent de la marque antérieure de l’intervenante importent peu, parce que le terme « grupo » est habituellement utilisé en Espagne dans le secteur alimentaire pour désigner un groupe de sociétés, ce que plusieurs autres exemples confirmeraient.

39     En quatrième et dernier lieu, quant à l’appréciation du risque de confusion entre les marques, l’OHMI approuve la conclusion de la chambre de recours selon laquelle un tel risque existe. L’OHMI relève que l’identité des produits, le fait que ceux-ci sont achetés sans attention particulière et la circonstance que l’image imparfaite de la marque demandée que le consommateur gardera en mémoire est celle de son élément dominant « sada », lequel présente une grande similitude avec la marque de l’intervenante, amènent à conclure à l’existence d’un risque de confusion. Celui-ci serait par ailleurs renforcé par le fait que le terme « grupo », inclus dans la marque demandée, indique un lien entre des entreprises et pourrait amener les consommateurs à penser que les entreprises Sadia et Grupo Sada appartiennent au même groupe.

40     L’intervenante se rallie, en substance, aux arguments développés par l’OHMI.

 Appréciation du Tribunal

41     Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée.

42     Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

43     Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 31 à 33, et la jurisprudence citée].

44     Ainsi qu’il ressort également de la jurisprudence, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II-4335, point 47, et la jurisprudence citée].

45     En l’espèce, le litige porte sur la comparaison des signes en conflit. L’identité des produits désignés par les marques en conflit n’est pas contestée.

46     La marque antérieure étant enregistrée en Espagne, le public pertinent est constitué par le consommateur moyen espagnol.

47     À cet égard, il y a lieu d’écarter l’argument de la requérante, mentionné dans le cadre de l’examen de la première branche du moyen, selon lequel le public pertinent serait constitué tant par les clients des grandes surfaces que par les grossistes et les grandes surfaces elles-mêmes. En effet, ainsi que l’a fait valoir à juste titre l’OHMI, même à supposer, comme l’affirme la requérante, qu’elle commercialise la viande de poulet revêtue de la marque demandée uniquement aux grandes surfaces, il n’en demeure pas moins que les autres produits de la classe 29 désignés par cette marque, tels que le lait et les produits lactés, sont commercialisés auprès des consommateurs finals. Il s’ensuit que, s’agissant de l’appréciation du risque de confusion entre les marques en conflit, c’est le consommateur moyen espagnol normalement avisé et attentif qu’il convient de prendre en considération, ainsi que la décision attaquée l’a justement retenu.

48     Quant à la comparaison des signes en conflit, il convient tout d’abord de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait, en méconnaissance de l’arrêt MATRATZEN, point 28 supra, uniquement comparé l’élément dominant de la marque demandée, à savoir l’élément verbal « sada », avec la marque antérieure de l’intervenante.

49     Il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il résulte de cet arrêt, une marque complexe ne peut être considérée comme présentant une similitude avec une autre marque, identique ou présentant une similitude avec un des composants de la marque complexe, que si celui-ci constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe. Tel est le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que les autres composants de cette marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci. Cette approche ne revient pas à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer une telle comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble. Cependant, cela n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. De plus, s’agissant de l’appréciation du caractère dominant d’un ou plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe (arrêt MATRATZEN, point 28 supra, points 33 à 35, confirmé par ordonnance de la Cour du 28 avril 2004, Matratzen Concord/OHMI, C‑3/03 P, non encore publiée au Recueil, points 32 et 33).

50     En l’espèce, s’agissant de la marque antérieure de l’intervenante, la chambre de recours a considéré que le graphisme de la lettre « s » de cette marque n’était pas significatif.

51     Cette appréciation ne peut qu’être approuvée. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, le graphisme de la lettre « s » de la marque antérieure de l’intervenante, dont la courbe supérieure est de taille légèrement plus grande que la courbe inférieure, est insignifiant et ne constitue donc pas l’élément dominant de cette marque. Le Tribunal considère que c’est en revanche l’élément verbal de la marque antérieure, à savoir « sadia », en son entier, qui domine l’image que garde en mémoire le consommateur moyen espagnol.

52     En ce qui concerne la marque demandée, il convient de relever que la chambre de recours a considéré que l’élément verbal « sada » en constituait l’élément dominant.

53     Pour ce qui concerne les éléments verbaux de la marque demandée, la chambre de recours a considéré, au point 27 de la décision attaquée, que le terme « grupo », signifiant « ensemble de sociétés », était écrit en caractères plus petits et plus fins que l’élément « sada » et serait relégué au second plan par le consommateur.

54     Cette appréciation est exacte. Sur le plan visuel, force est de constater que tant la police et l’épaisseur des caractères de l’élément verbal « sada » que la position centrale de cet élément dans la configuration de la marque demandée l’emportent, dans l’impression d’ensemble de l’élément verbal, sur l’élément « grupo ». De plus, il est tout à fait correct de considérer que ce dernier terme ne sera pas mémorisé par le consommateur. En effet, le consommateur assignera uniquement à ce terme sa signification générique, à savoir celle d’un ensemble de sociétés. Le consommateur ne retiendra donc pas le terme « grupo » comme le composant principal de la marque demandée et comme un élément qui indiquerait l’origine des produits désignés par cette marque.

55     Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours ne s’est pas limitée, lors de son appréciation des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et sémantique, à une comparaison de l’élément dominant « sada » de la marque demandée avec la marque antérieure de l’intervenante, à l’exclusion du terme « grupo ». Il ressort en effet clairement du point 27 de la décision attaquée que la chambre de recours a pris en considération la présence du terme « grupo » dans la marque demandée lors de la comparaison globale de celle‑ci avec la marque antérieure de l’intervenante.

56     Quant à l’élément figuratif de la marque demandée, composé de quatre cercles de couleur sombre sur lesquels apparaissent six lignes obliques de couleur claire qui semblent converger, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de la lecture conjointe des points 13 et 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a confirmé le raisonnement tenu par la division d’opposition selon lequel l’élément figuratif était simplement de nature décorative et ne pouvait donc être considéré comme l’élément dominant de la marque demandée.

57     Cette appréciation ne saurait être infirmée. Certes, il y a lieu de relever que l’élément figuratif de la marque demandée attire l’attention en raison de sa taille. Toutefois, ce graphisme est difficile à mémoriser et, par voie de conséquence, ne dominera pas l’image de la marque demandée que le public pertinent gardera à l’esprit. En effet, il convient de préciser, premièrement, que ce motif présente une certaine complexité géométrique, en particulier en raison des six lignes obliques qui traversent les quatre cercles, mais qui ne se rencontrent pas toutes en haut du cercle supérieur, alors que deux de ces lignes se fondent en une seule à l’intérieur du cercle le plus haut. Deuxièmement, dans la configuration de la marque demandée, la position de l’élément figuratif est décalée sur la gauche par rapport à l’alignement vertical que forment les deux éléments verbaux « grupo » et « sada », suggérant une importance négligeable, de caractère décoratif, dans l’impression d’ensemble produite par cette marque.

58     Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir établi que l’élément verbal « sada » constituait l’élément dominant de la marque demandée que le public pertinent gardera en mémoire.

59     Ensuite, quant à la similitude des signes retenue par la chambre de recours, le Tribunal considère que cette appréciation doit également être approuvée.

60     Pour ce qui concerne la comparaison visuelle, la chambre de recours a relevé que, malgré les différences entre les marques en conflit – à savoir le motif figuratif des quatre cercles et l’élément « grupo » de la marque demandée –, la marque antérieure et l’élément dominant de la marque demandée, à savoir « sada », présentaient une certaine similitude, en raison de la position de cet élément et de la séquence de lettres communes aux deux marques, à l’exclusion du « i » présent dans la marque antérieure.

61     Il y a effectivement lieu de constater que, sur le plan visuel, même si la similitude des signes n’est pas particulièrement forte, ce que, au demeurant, a admis la chambre de recours, elle est toutefois suffisante pour écarter les différences entre les signes en conflit mentionnées dans la décision attaquée.

62     Sur le plan phonétique, il convient de relever, à l’instar de la décision attaquée, que les signes en conflit sont similaires. En effet, d’une part, même si la marque demandée inclut le terme « grupo », cet élément n’est pas suffisamment important pour compenser la nette similitude phonétique entre l’élément dominant de la marque demandée, à savoir « sada », et la marque antérieure. D’autre part, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que, compte tenu des règles d’accentuation propres à la langue espagnole, la lettre « i », qui forme une diphtongue avec la voyelle forte « a » dans l’élément verbal « sadia », avait une prononciation faible en langue espagnole. Par conséquent, l’élément verbal « sada » de la marque demandée et la marque antérieure de l’intervenante seront prononcés de manière similaire par le public pertinent. Cette circonstance, compte tenu du caractère dominant de l’élément verbal « sada » dans la marque demandée, conduit à constater, dans l’impression d’ensemble des marques en conflit, une similitude phonétique entre les signes en conflit.

63     Quant à la comparaison conceptuelle, c’est également à bon droit que la chambre de recours a considéré que cette comparaison n’était pas pertinente dans la mesure où ni l’élément dominant de la marque demandée ni la marque antérieure n’avaient de signification en langue espagnole.

64     En premier lieu, l’argument de la requérante, tiré de ce que la chambre de recours aurait à tort omis de tenir compte du fait que l’élément verbal « sadia » signifie « santé » en portugais, ne saurait prospérer. Il suffit en effet de constater que, même à supposer que l’une des acceptions de l’élément verbal « sadia » soit celle que lui prête la requérante, celle-ci n’a pas démontré que le public pertinent, à savoir le consommateur espagnol, possédait une connaissance suffisante de la langue portugaise pour associer immédiatement à l’élément verbal « sadia » une telle signification. Dès lors, ainsi que la chambre de recours l’a indiqué à juste titre au point 28 de la décision attaquée, le public pertinent considérera cet élément verbal comme un élément fantaisiste.

65     En second lieu, le fait que l’élément verbal « grupo » possède une signification en langue espagnole ne saurait être considéré comme conduisant à reconnaître un sens à la marque demandée ou à établir une distinction conceptuelle de cette marque dans l’esprit du public pertinent par rapport à la marque antérieure de l’intervenante. En effet, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 54 ci-dessus, le public pertinent assignera au terme « grupo » sa signification générique, à savoir celle d’un « ensemble de sociétés ». Dès lors, du point de vue conceptuel, le terme « grupo » présente une importance mineure par rapport à l’élément dominant « sada » de la marque demandée.

66     Enfin, la requérante ne saurait à bon droit reprocher à la chambre de recours d’avoir violé l’exigence, établie par la jurisprudence, d’une appréciation globale des signes en conflit au motif que les appréciations de la chambre de recours sont trop analytiques et ne correspondraient pas à la démarche qu’aurait un consommateur moyen en présence des deux marques en conflit.

67     En effet, il y a lieu de rappeler que, si le consommateur moyen perçoit normalement la marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir, par analogie, arrêt SABEL, point 18 supra, point 23), ce sont, en général, les caractéristiques dominantes et distinctives d’un signe qui sont plus facilement mémorisées [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, points 47 et 48]. Par conséquent, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir examiné quels sont, dans la perception du consommateur, les éléments distinctifs et dominants des marques, éléments qui lui resteront à l’esprit.

68     De plus, au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a, en préambule à ses développements spécifiques relatifs à la comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en conflit, considéré que les éléments qui différencient les marques en conflit n’étaient pas suffisamment importants pour compenser la similitude de leurs éléments dominants. Il s’ensuit que la chambre de recours a bien procédé à une appréciation globale des signes en conflit.

69     Dans ces conditions, compte tenu de l’identité des produits désignés par les marques en conflit et des similitudes visuelle et phonétique entre l’élément dominant de la marque demandée et la marque antérieure, l’impression globale générée par les marques en conflit conduira le public pertinent à considérer que les produits désignés par ces marques proviennent de la même entreprise ou, à tout le moins, d’entreprises économiquement liées. Au demeurant, l’élément verbal « grupo » de la marque demandée, qui désigne un ensemble de sociétés, même s’il ne possède pas un caractère dominant, est, néanmoins, susceptible d’accréditer l’idée d’une association entre les entreprises en cause sous la forme d’un « groupe » de sociétés et d’accroître ainsi le risque de confusion entre les marques en conflit.

70     Pour l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du moyen.

 Sur la troisième branche, prise de la coexistence sur le marché espagnol de trois enregistrements effectués par la requérante antérieurement à la demande de marque communautaire et de la marque antérieure de l’intervenante

 Arguments des parties

71     La requérante indique qu’elle est titulaire de trois marques espagnoles enregistrées pour les produits compris dans la classe 29, à savoir la marque verbaleSADA SOCIEDAD ANÓNIMA PARA LA DISTRIBUCIÓN ALIMENTARIA, enregistrée le 5 avril 1991 sous le n° 1 311 019, la marque verbale LA DESPENSA DE SADA, enregistrée le 1er mai 1994 sous le n° 1 807 310 et la marque figurative composée de quatre cercles, sur lesquels apparaissent six lignes obliques, enregistrée le 5 juillet 1990 sous le n° 1 311 021.

72     Or, la requérante souligne que la marque demandée rassemble en un seul signe les éléments constitutifs des trois marques nationales dont elle est titulaire, à savoir l’élément verbal « sada » des marques portant les numéros d’enregistrement 1 311 019 et 1 807 310 et l’élément figuratif composé de quatre cercles, sur lesquels apparaissent six lignes obliques, enregistré sous le n° 1 311 021. La marque demandée ne devrait donc pas désorienter le consommateur qui l’associera aux marques nationales antérieures de la requérante et non à celle de l’intervenante. Il n’existerait donc aucun risque de confusion dans l’esprit du consommateur entre la marque demandée et celle de l’intervenante. D’ailleurs, la coexistence paisible des marques nationales antérieurement au dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire peut également, de l’avis de la requérante, être établie par référence aux sites Internet des deux sociétés.

73     Par conséquent, la requérante soutient que c’est à tort que la chambre de recours a omis de tenir compte de la coexistence paisible sur le marché espagnol, antérieurement au dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire, des trois marques nationales dont elle est titulaire et de la marque antérieure de l’intervenante, qui, au demeurant, a été enregistrée en Espagne postérieurement aux trois marques nationales invoquées par elle.

74     À cet égard, la requérante relève que, lorsque l’intervenante a déposé sa demande de marque nationale en Espagne, nul n’a affirmé que cet enregistrement pouvait engendrer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur espagnol : l’office espagnol des brevets et des marques n’a pas examiné d’office cette question et elle-même ne l’a pas soulevée. En outre, au jour de l’introduction du présent recours, aucune procédure en indemnisation d’un préjudice causé par la confusion des produits de la requérante avec ceux d’une autre entreprise, notamment de l’intervenante, n’aurait été intentée, ni par les concurrents de la requérante ni par des associations de consommateurs ou des particuliers.

75     L’OHMI s’oppose à cette argumentation. L’OHMI rappelle tout d’abord que, au point 29 de la décision attaquée, la chambre de recours conclut que « la simple allégation de la coexistence supposée avec des marques de tiers n’établit pas l’inexistence d’un risque de confusion en l’espèce, étant donné qu’il s’agit de marques qui ne sont pas identiques à celles examinées dans la présente affaire et qu’elles ne couvrent pas des produits présentant une similitude avec ceux désignés par les marques en conflit ».

76     Or, l’OHMI relève que la requérante, si elle a certes cité au cours de la procédure devant lui les enregistrements espagnols n° 1 807 310 de la marque LA DESPENSA DE SADA et n° 1 311 019 de la marque SADA SOCIEDAD ANÓNIMA PARA LA DISTRIBUCIÓN ALIMENTARIA, n’a jamais prétendu qu’elle était titulaire de ces enregistrements et n’a jamais rapporté la preuve de leur existence. En outre, la requérante n’aurait jamais soutenu qu’il existait une coexistence réelle et sérieuse de ces deux marques nationales et de la marque de l’intervenante et n’aurait apporté aucune pièce tendant à établir cette coexistence.

77     Ensuite, l’OHMI souligne que, comme l’a indiqué la chambre de recours, les deux marques nationales mentionnées devant elle par la requérante n’ont en commun avec la marque demandée que l’élément verbal « sada ». Par conséquent, à supposer même que ces deux marques nationales coexistent de manière paisible sur le marché espagnol avec la marque de l’intervenante, l’on ne saurait en déduire une coexistence paisible de la marque demandée et de celle de l’intervenante. L’OHMI estime donc que l’argument tiré de l’absence d’appréciation par la chambre de recours de la coexistence paisible des marques en conflit doit être rejeté.

78     Certes, l’OHMI admet que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que les deux marques nationales comprenant l’élément verbal « sada » ne désignaient pas des produits identiques à ceux concernés par les marques en conflit, alors que la requérante avait indiqué devant elle que ces deux marques nationales étaient enregistrées pour des produits de la classe 29. Néanmoins, cette erreur serait, selon l’OHMI, sans incidence sur la conclusion à laquelle est parvenue la chambre de recours au point 29 de la décision attaquée.

79     Enfin, l’OHMI estime que les offres de preuve produites pour la première fois devant le Tribunal, à l’appui de l’argument de la coexistence paisible des marques nationales antérieures de la requérante et de la marque antérieure de l’intervenante, sont irrecevables.

80     L’intervenante se rallie, en substance, aux arguments exposés par l’OHMI.

 Appréciation du Tribunal

81     Il convient premièrement de relever que, tant devant la division d’opposition que devant la chambre de recours, la requérante a soutenu que « la marque SADIA coexist[ait] sur le marché espagnol depuis plusieurs années avec des signes distinctifs comprenant l’élément verbal ‘sada’ », citant les marques LA DESPENSA DE SADA et SADA SOCIEDAD ANÓNIMA PARA LA DISTRIBUCIÓN ALIMENTARIA désignant des produits de la classe 29.

82     Or, dans la mesure où il ne ressort d’aucune pièce du dossier de la procédure devant l’OHMI que la requérante ait mentionné, au cours de cette procédure, l’existence de la marque espagnole figurative enregistrée sous le nº 1 311 021 – ni a fortiori démontré en être titulaire –, cet enregistrement, invoqué pour la première fois dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, ne saurait être pris en considération [voir arrêt du Tribunal du 4 novembre 2003, Díaz/OHMI – Granias Castelló (CASTILLO), T‑85/02, non encore publié au Recueil, point 46].

83     Deuxièmement, s’agissant des marques nationales LA DESPENSA DE SADA et SADA SOCIEDAD ANÓNIMA PARA LA DISTRIBUCIÓN ALIMENTARIA, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours, après avoir conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit, a affirmé, au point 29 de la décision attaquée, que la coexistence alléguée de la marque antérieure de l’intervenante et des marques espagnoles détenues par des tiers et comprenant l’élément verbal « sada » ne permettait pas d’exclure l’existence d’un risque de confusion, dans la mesure où ces marques n’étaient pas identiques aux marques en conflit et ne couvraient pas des produits similaires.

84     D’une manière générale, il y a lieu de rappeler, d’une part, que le régime communautaire des marques est un système autonome constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 47], et, d’autre part, que la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base du règlement nº 40/94, tel qu’interprété par le juge communautaire (arrêt CASTILLO, point 82 supra, point 37].

85     Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, le fait que l’office espagnol des brevets et des marques ait admis l’enregistrement des deux marques antérieures précitées de la requérante et de la marque antérieure de l’intervenante est dépourvu de pertinence quant à la question de savoir s’il existe un risque de confusion, au sens du règlement nº 40/94, entre les marques en conflit. En particulier, la requérante ne saurait se prévaloir du fait qu’elle ne s’est pas opposée, en son temps, à l’enregistrement de la marque antérieure de l’intervenante en Espagne, sur le fondement de ses propres marques antérieures. En effet, cette circonstance ne signifie pas que tout risque de confusion entre les marques en conflit est écarté.

86     Certes, il n’est pas entièrement exclu que, dans certains cas, la coexistence de marques antérieures sur le marché puisse éventuellement amoindrir le risque de confusion constaté par les instances de l’OHMI entre deux marques en conflit. Néanmoins, une telle éventualité ne saurait être prise en considération que si, à tout le moins, au cours de la procédure concernant des motifs relatifs de refus devant l’OHMI, le demandeur de la marque communautaire a dûment démontré que ladite coexistence reposait sur l’absence d’un risque de confusion, dans l’esprit du public pertinent, entre les marques antérieures dont il se prévaut et la marque antérieure de l’intervenante qui fonde l’opposition et sous réserve que les marques antérieures en cause et les marques en conflit soient identiques.

87     En l’espèce, le Tribunal constate que, au cours de la procédure administrative, la requérante n’a apporté aucun élément autre qu’une liste dans laquelle figurent les deux marques antérieures précitées à l’appui de l’allégation selon laquelle ces enregistrements coexistaient sur le marché avec la marque antérieure de l’intervenante. Or, ces informations sont insuffisantes pour démontrer que le risque de confusion entre les marques en conflit est amoindri et, a fortiori, écarté. Quant aux autres pièces invoquées par la requérante qui viseraient à prouver ladite coexistence, celles-ci, étant présentées pour la première fois dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, sont irrecevables (arrêt BUDMEN, point 24 supra, point 67).

88     De plus, c’est à juste titre que la chambre de recours a indiqué que les marques antérieures dont se prévaut la requérante – dont elle n’avait d’ailleurs pas, au cours de la procédure devant l’OHMI, rapporté la preuve qu’elle en était titulaire – n’étaient pas identiques à la marque demandée.

89     En outre, il est constant que la requérante n’a jamais prétendu ni a fortiori démontré que les marques SADA SOCIEDAD ANÓNIMA PARA LA DISTRIBUCIÓN ALIMENTARIA et LA DESPENSA DE SADA jouissaient d’un caractère distinctif élevé qui permettrait éventuellement d’amoindrir le risque de confusion entre la marque antérieure de l’intervenante et la marque demandée.

90     C’est donc à bon droit que la chambre de recours a constaté l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit et qu’elle a maintenu cette conclusion au vu des autres marques invoquées devant elle.

91     Partant, la troisième branche du moyen est rejetée, ainsi que le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

92     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La partie requérante est condamnée aux dépens.

Legal

Mengozzi

Wiszniewska-Białecka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 mai 2005.

Le greffier

 

       Le président

H. Jung

 

       H. Legal


* Langue de procédure : l'espagnol.