Language of document : ECLI:EU:T:2023:182

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

29 mars 2023 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant une partie des installations pour la distribution de fluides – Motif de nullité – Non-respect des conditions de protection – Article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 – Caractéristiques de l’apparence d’un produit exclusivement imposées par sa fonction technique – Article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑588/21,

Tinnus Enterprises LLC, établie à Plano, Texas (États-Unis), représentée par Mes T. Wuttke et J. Lewandowski, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Ivanauskas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Mystic Products Import & Export, SL, établie à Badalone (Espagne),

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Koopman International BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Mes G. van den Bergh, A. van Hoek et B. Brouwer, avocats,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg (rapporteur) et Mme K. Kowalik‑Bańczyk, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 8 juillet 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Tinnus Enterprises LLC, demande l’annulation et la réformation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 juillet 2021 (affaire R 1008/2018‑3) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 14 juin 2016 et le 19 avril 2017, respectivement, Mystic Products Import & Export, SL et Koopman International BV ont présenté à l’EUIPO des demandes en nullité du dessin ou modèle communautaire enregistré sous le numéro 1431829‑0005 à la suite d’une demande d’enregistrement multiple déposée par la requérante le 10 mars 2015, et qui est représenté dans les vues suivantes :

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3        Le produit auquel le dessin ou modèle dont la nullité a été demandée est destiné à être appliqué relève de la classe 23.01 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et correspond à la description suivante : « Installations pour la distribution de fluides ».

4        La demande d’enregistrement multiple mentionnée au point 2 ci-dessus comprenait neuf autres dessins ou modèles qui s’appliquaient également au produit « installations pour la distribution de fluides » et qui avaient, également, été enregistrés.

5        Les motifs invoqués à l’appui des demandes en nullité étaient notamment ceux visés à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, du même règlement.

6        Les demanderesses en nullité soutenaient notamment que l’ensemble des caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné étaient imposées exclusivement par une fonction technique et, par conséquent, le dessin ou modèle contesté ne pouvait bénéficier d’aucune protection.

7        Le 30 août 2017, l’EUIPO a informé les demanderesses en nullité que leurs demandes seraient examinées dans le cadre d’une procédure unique en vertu de l’article 54 du règlement no 6/2002.

8        Le 30 avril 2018, la division d’annulation a déclaré la nullité du dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement.

9        Le 31 mai 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

10      Le 18 septembre 2019, la troisième chambre de recours de l’EUIPO a adopté une décision provisoire en vertu de laquelle elle a suspendu la procédure jusqu’à ce que le juge de l’Union européenne statue définitivement sur le recours introduit par la requérante contre la décision de la chambre de recours dans une affaire parallèle (R 1002/2018‑3) qui déclarait la nullité du dessin ou modèle enregistré no 1431829‑0001, lequel était compris dans la demande d’enregistrement multiple visée au point 4 ci‑dessus.

11      Par arrêt du 18 novembre 2020, Tinnus Enterprises/EUIPO – Mystic Products et Koopman International (Installations pour la distribution de fluides) (T‑574/19, EU:T:2020:543), le Tribunal a rejeté le recours visé au point 10 ci-dessus.

12      Par ordonnance du 5 mai 2021, Tinnus Enterprises/EUIPO (C‑29/21 P, non publiée, EU:C:2021:357), la Cour n’a pas admis le pourvoi formé par la requérante contre l’arrêt du Tribunal visé au point 11 ci-dessus.

13      Après avoir informé les parties de la reprise de la procédure, la troisième chambre de recours de l’EUIPO, par la décision attaquée, a confirmé la décision de la division d’annulation et rejeté le recours visé au point 9 ci-dessus. Ainsi, elle a accueilli la demande en nullité du dessin ou modèle contesté sur le fondement de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, du même règlement, en constatant que ledit dessin ou modèle conférait des droits sur des caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique (point 51 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        réformer la décision attaquée de sorte qu’il soit fait droit au recours devant la chambre de recours, que les demandes en nullité du dessin ou modèle contesté soient rejetées et que les demanderesses en nullité soient condamnées à supporter les dépens qu’elle a exposés devant la chambre de recours et la division d’annulation ;

–        condamner les demanderesses en nullité aux dépens et aux frais qu’elle a exposés.

15      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      La requérante invoque en substance un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. Ce moyen peut être divisé en quatre branches.

 Sur la première branche tirée du défaut de prise en compte de l’ensemble des caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné et de la violation de la règle de répartition de la charge de la preuve

17      La requérante soulève deux griefs.

18      En premier lieu, elle reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte l’ensemble des caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné et d’avoir, ainsi, enfreint l’article 3, sous a), du règlement no 6/2002. La requérante soutient que la chambre de recours a uniquement pris en compte les caractéristiques « essentielles » de l’apparence de la partie du produit concerné, conformément au point 5.5.1 du document de l’EUIPO intitulé « Directives relatives à l’examen des dessins ou modèles communautaires enregistrés ».

19      Selon la requérante, les caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné non prises en compte par la chambre de recours sont les suivantes :

–        la surface lisse du tube creux, du ballon et de l’anneau ;

–        le tube creux droit, la longueur de la tige étant nettement supérieure à celle du ballon ;

–        la forme allongée uniforme du ballon non gonflé ;

–        vu du dessous, le ballon a la forme d’un anneau ;

–        vu du dessus, le produit est constitué de quatre anneaux, les plus petits se situant dans l’anneau plus large correspondant, ce qui crée une image symétrique, réfléchie comme dans un miroir ;

–        le contraste identique du ballon, de l’anneau et du tube.

20      En second lieu, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir enfreint la règle de répartition de la charge de la preuve, selon laquelle il appartient à la demanderesse en nullité d’identifier l’ensemble des caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné et de démontrer qu’elles sont exclusivement imposées par sa fonction technique. Selon la requérante, la chambre de recours n’a pas tenu compte du fait que, en l’espèce, la demanderesse en nullité n’a pas procédé à une telle démonstration.

21      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

22      Concernant le premier grief soulevé par la requérante, il y a lieu de rappeler que l’article 3, sous a), du règlement no 6/2002 définit le terme « dessin ou modèle » comme étant l’« apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation ».

23      L’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 prévoit qu’un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique.

24      Il ressort du considérant 10 du règlement no 6/2002 que l’article 8, paragraphe 1, de celui-ci vise à protéger l’innovation technologique laquelle « ne devrait pas être entravée par l’octroi de la protection des dessins ou modèles à des caractéristiques imposées exclusivement par une fonction technique, étant entendu qu’il n’en résulte pas qu’un dessin ou modèle doit présenter un caractère esthétique ».

25      Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, du considérant 10 dudit règlement et de l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), que l’appréciation d’un dessin ou modèle communautaire au regard de la disposition susvisée comporte les étapes suivantes : en premier lieu, il convient de déterminer la fonction technique du produit concerné, en deuxième lieu, d’analyser les caractéristiques de l’apparence dudit produit au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, ce qui implique l’identification desdites caractéristiques et, en troisième lieu, d’examiner, au regard de toutes les circonstances objectives et pertinentes, si ces caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit concerné, en d’autres termes, si la nécessité de remplir cette fonction technique est le seul facteur ayant déterminé le choix par le créateur de ces caractéristiques, des considérations d’une autre nature, en particulier celles liées à l’aspect visuel dudit produit, n’ayant joué aucun rôle lors du choix de ces caractéristiques [arrêts du 18 novembre 2020, Installations pour la distribution de fluides, T‑574/19, EU:T:2020:543, point 23, et du 24 mars 2021, Lego/EUIPO – Delta Sport Handelskontor (Élément de construction d’une boîte de jeu de construction), T‑515/19, non publié, EU:T:2021:155, point 98].

26      Par ailleurs, il ressort de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et de son considérant 10 qu’un dessin ou modèle doit être déclaré nul si l’ensemble des caractéristiques de son apparence sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit concerné par ledit dessin ou modèle. Il en découle que, si au moins une des caractéristiques de l’apparence du produit concerné par un dessin ou modèle contesté n’est pas exclusivement imposée par la fonction technique de ce produit, le dessin ou modèle en cause ne saurait être annulé en application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 (arrêt du 18 novembre 2020, Installations pour la distribution de fluides, T‑574/19, EU:T:2020:543, point 24 ; voir, également, arrêt du 24 mars 2021, Élément de construction d’une boîte de jeu de construction, T‑515/19, non publié, EU:T:2021:155, point 96 et jurisprudence citée).

27      Le règlement no 6/2002 ne fournit pas de définition précise des « caractéristiques de l’apparence d’un produit ». Dans la définition d’un dessin ou modèle figurant à l’article 3, sous a), dudit règlement, le terme « caractéristiques » est utilisé de manière large, englobant tous les aspects possibles de l’apparence d’un produit, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture ou des matériaux du produit lui-même ou de son ornementation. L’identification de ces caractéristiques doit être effectuée au cas par cas et dépend du produit concerné (arrêt du 18 novembre 2020, Installations pour la distribution de fluides, T‑574/19, EU:T:2020:543, point 41).

28      Ainsi, l’identification des caractéristiques de l’apparence d’un produit peut, selon le cas, et en particulier eu égard au degré de complexité de celui-ci, être effectuée par une simple analyse visuelle du dessin ou modèle ou, au contraire, être fondée sur un examen approfondi dans le cadre duquel sont pris en compte des éléments utiles à l’appréciation, tels que des enquêtes et des expertises, ou encore des données relatives à des droits de propriété intellectuelle conférés antérieurement en rapport avec ce produit concerné (voir arrêt du 18 novembre 2020, Installations pour la distribution de fluides, T‑574/19, EU:T:2020:543, point 42 et jurisprudence citée).

29      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’apprécier le premier grief de la requérante.

30      Aux points 39 et 40 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que le produit concerné constituait une partie d’une installation pour la distribution de fluides, composée d’un raccord, de plusieurs tubes et de ballons. L’objet du dessin ou modèle contesté était dès lors une partie d’un produit au sens de l’article 3, sous a), du règlement no 6/2002. La fonction de cette partie de produit était de remplir le ballon d’un fluide.

31      Au point 41 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé « qu’il était constant entre les parties » que le dessin ou modèle contesté présente les caractéristiques d’apparence suivantes :

–        un tube creux ;

–        un ballon gonflable ;

–        une attache fixant le ballon sur le tube.

32      Au point 42 de la décision attaquée, la chambre de recours a noté que les trois caractéristiques susvisées correspondaient aux composants de la partie du produit concerné et a conclu que toutes ces caractéristiques et leur configuration étaient exclusivement imposées par la fonction technique de la partie du produit concerné.

33      Aux fins de l’identification des caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné et de l’appréciation de la question de savoir si elles sont imposées exclusivement par la fonction technique de celui-ci, la chambre de recours s’est référée, au point 43 de la décision attaquée, à la demande de brevet européen EP 3 005 948 A2 déposée au nom de la requérante le 10 mars 2015 et publiée le 13 avril 2016 (ci-après la « demande de brevet européen ») et, au point 44 de la décision attaquée, à l’article intitulé « Bunch O Balloons will revolutionize water fights » (Bunch O Balloons révolutionnera les batailles d’eau), avec le sous-titre « The product fills multiple balloons with water simultaneously » (Le produit remplit d’eau de nombreux ballons simultanément), publié le 27 juillet 2014 sur le site Internet www.arstechnica.com (ci-après l’« article “Bunch O Balloons” »). Ces deux documents avaient été présentés lors de la procédure devant l’EUIPO à l’appui des demandes en nullité.

34      En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas pris en compte, en tant que caractéristique de l’apparence de la partie du produit concerné, la surface « lisse » du tube creux, du ballon et de l’anneau, il convient de constater, ainsi que l’EUIPO le fait valoir à juste titre, que, dans le cas d’une installation pour la distribution de fluides, les tubes, les ballons et les attaches ont normalement des surfaces lisses, de sorte que cette surface « lisse » ne peut pas être considérée comme étant spécifique au produit concerné. Par conséquent, la surface « lisse » ne peut pas être considérée, en l’espèce, comme étant le résultat d’un choix spécifique du créateur du dessin ou modèle contesté. Cette circonstance distingue la présente affaire de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 mars 2021, Élément de construction d’une boîte de jeu de construction (T‑515/19, non publié, EU:T:2021:155), dans lequel le Tribunal a considéré, au point 107, que la surface lisse de la face supérieure du produit en cause (brique de jeu) constituait une caractéristique de l’apparence propre de ce produit et devait, dès lors, être prise en compte par la chambre de recours.

35      Il convient, dès lors, de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en ne mentionnant pas explicitement, dans la décision attaquée, la surface prétendument « lisse » du tube creux, du ballon et de l’anneau.

36      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas pris en compte le « tube creux et droit, la longueur de la tige étant nettement supérieure à celle du ballon », il y a lieu de rappeler que, au point 41 de la décision attaquée, la chambre de recours a identifié le tube creux et, au point 43 de cette décision, elle a indiqué que « le tube creux permet[tait] l’écoulement du fluide, et [que], en tant que partie de l’unité de distribution du fluide, il [était] fixé au raccord à l’un de ses trous ». Par ailleurs, au point 39 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que l’installation pour la distribution de fluides comprenait plusieurs tubes fixés au raccord par des trous. Il apparaît ainsi que la chambre de recours, même si elle ne s’est pas référée explicitement à la longueur du tube qui était « nettement supérieure » à celle du ballon, a pris en compte cette caractéristique de l’apparence et a considéré qu’elle était imposée par la fonction technique de la partie du produit concerné. En particulier, un tube creux qui aurait une longueur inférieure à celle du ballon ne permettrait pas à l’installation de distribution de fluides d’accueillir plusieurs ballons. Par ailleurs, il ne saurait être reproché à la chambre de recours de ne pas avoir identifié l’aspect « droit » du tube creux, dans la mesure où, dans le cas du produit concerné, les tubes sont habituellement « droits », afin de permettre au fluide de circuler et gonfler rapidement les ballons. Il s’ensuit que le caractère « droit » du tube creux ne peut pas être considéré, en l’espèce, comme étant le résultat d’un choix spécifique du créateur du dessin ou modèle contesté.

37      En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas pris en compte la « forme allongée uniforme du ballon non gonflé », il convient de constater que la chambre de recours a pris en compte, aux points 41 et 43 de la décision attaquée, le ballon « gonflable » fixé à l’extrémité du tube en tant que caractéristique de l’apparence de la partie du produit concerné. Il convient en outre de noter que la forme « allongée » du ballon non gonflé, mentionnée par la requérante, est le résultat de l’état normal d’un ballon non gonflé et non pas le résultat d’un choix spécifique du créateur du dessin ou modèle contesté. Dès lors, il n’était pas nécessaire que la chambre de recours se réfère explicitement à cette forme « allongée » pour identifier une caractéristique de l’apparence de la partie du produit concerné relative au ballon, la référence au ballon « gonflable » étant suffisante à cet égard. L’argument susvisé de la requérante doit, ainsi, être écarté.

38      Par ailleurs, la requérante, en faisant valoir que, « vu du dessous, le ballon a la forme d’un anneau », n’identifie pas une « caractéristique de l’apparence » de la partie du produit concerné, prétendument non prise en compte par la chambre de recours, mais procède à une description subjective du dessin ou modèle contesté.

39      Il en va de même de l’allégation de la requérante selon laquelle, « vu du dessus, le produit est constitué de quatre anneaux, les plus petits se situant dans l’anneau plus large correspondant, ce qui crée une image symétrique, réfléchie comme dans un miroir ». En effet, la requérante n’identifie pas une « caractéristique de l’apparence » de la partie du produit concerné, mais procède à une description subjective des caractéristiques de l’apparence prises en compte par la chambre de recours, à savoir du tube creux, du ballon gonflable fixé à l’extrémité du tube et de l’attache qui fixe le ballon sur le tube.

40      En quatrième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas pris en compte le contraste identique du ballon, de l’anneau et du tube, il convient de noter que le dessin ou modèle contesté a été représenté dans la demande d’enregistrement en noir et blanc, et non pas en couleur, et qu’il n’y avait aucun indice sur cette représentation indiquant que la requérante demandait la protection de la « caractéristique » susvisée. Pour cette raison, l’argument susvisé de la requérante doit être rejeté.

41      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de conclure que la chambre de recours a pris en compte l’ensemble des caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, et de rejeter, ainsi, le premier grief de la requérante.

42      En ce qui concerne le second grief de la requérante selon lequel la chambre de recours a enfreint la règle relative à la répartition de la charge de la preuve, il convient de préciser que, selon cette règle, lorsque le demandeur en nullité invoque le motif de nullité prévu à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, il lui incombe de fournir les éléments de nature à démontrer que le dessin ou modèle contesté ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 de ce règlement (arrêt du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles, C‑361/15 P et C‑405/15 P, EU:C:2017:720, point 60). Cette obligation exécutée, il revient alors au titulaire du dessin ou modèle contesté de produire des contre-arguments et des éléments de preuve démontrant pour quelle raison le dessin ou modèle contesté ne devrait pas être annulé. La conclusion finale dépend d’une évaluation de l’ensemble des faits, des arguments et des preuves présentés par les parties, comme l’exige l’article 63, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

43      Cette règle de répartition de la charge de la preuve a été appliquée correctement par la chambre de recours dans la décision attaquée, ainsi qu’il ressort de son point 38. Dans la mesure où les demanderesses en nullité en l’espèce ont fourni des arguments et des éléments de preuve fiables et solides corroborant leur thèse selon laquelle toutes les caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné étaient imposées par sa fonction technique, il incombait à la requérante, en tant que titulaire du dessin ou modèle contesté, d’apporter des arguments et des preuves afin de démontrer le contraire. En effet, ainsi que l’EUIPO le note à juste titre, le titulaire du dessin ou modèle contesté est le mieux placé pour fournir des informations sur la création du dessin ou modèle contesté et sur les caractéristiques de l’apparence de la partie du produit auquel ce dessin s’applique. Ainsi, si ledit titulaire considère que la demanderesse en nullité n’a pas identifié l’ensemble des caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné, il lui incombe de préciser devant les instances de l’EUIPO les caractéristiques non identifiées dont la protection est sollicitée.

44      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le second grief de la requérante et, par voie de conséquence, la première branche du moyen.

 Sur la deuxième branche, tirée de l’application erronée des critères prévus dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C395/16), aux fins de déterminer si les caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné relèvent de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002

45      La requérante soutient que la chambre de recours a commis des erreurs dans l’appréciation des circonstances objectives, identifiées dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, points 36 et 37), qui seraient pertinentes en l’espèce aux fins de déterminer si les caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné sont exclusivement imposées par sa fonction technique au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

46      À cet égard, en premier lieu, la requérante fait valoir que le dessin ou modèle contesté est un jouet et que les ballons décoratifs dégonflés constituent une partie essentielle de celui-ci. La requérante soutient également que le dessin ou modèle contesté a été enregistré à tort dans la classe 23.01 au sens de l’arrangement de Locarno, intitulée « Installations pour la distribution de fluides », alors que la classe 21.01, intitulée « Jeux et jouets » aurait été la classe correcte.

47      En deuxième lieu, la requérante soutient que, dans la mesure où le produit concerné est un jouet, il doit être attrayant aux yeux des enfants et, dès lors, son apparence revêt une importance particulière pour le créateur du dessin ou modèle contesté, supérieure à l’importance attribuée à sa fonction technique. À cet égard, la requérante invoque le témoignage du créateur du dessin ou modèle contesté, joint à la requête. La requérante se réfère également à l’article « Bunch O Balloons » dont il ressortirait que le but de l’utilisation du produit concerné est de faciliter la bataille d’eau entre enfants.

48      En troisième lieu, la requérante invoque l’existence des dessins ou modèles alternatifs au dessin ou modèle contesté et renvoie, notamment, aux dessins ou modèles compris dans la demande d’enregistrement multiple. Elle soutient, à titre plus général, qu’il existe de nombreuses possibilités pour concevoir le produit concerné en l’espèce.

49      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

50      Il convient de rappeler que la Cour, dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, points 36 et 37), a précisé que, afin de déterminer si les caractéristiques concernées de l’apparence d’un produit relevait de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, il convenait de tenir compte de toutes les circonstances objectives et pertinentes de chaque cas d’espèce. Une telle appréciation doit notamment être effectuée au regard du dessin ou modèle en cause, des circonstances objectives révélatrices des motifs qui ont présidé au choix des caractéristiques de l’apparence du produit concerné, des données relatives à son utilisation ou encore de l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser la même fonction technique, pour autant que ces circonstances, ces données ou cette existence sont étayées par des éléments de preuve fiables.

51      En l’espèce, aux points 39 à 50 de la décision attaquée, la chambre de recours a examiné les caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné au regard des circonstances objectives identifiées dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, point 37). En premier lieu, au point 39 de la décision attaquée, la chambre de recours a précisé que le produit correspondant au dessin ou modèle contesté était destiné à être utilisé dans une installation pour la distribution de fluides. Elle a constaté, au point 40 de la décision attaquée, que la fonction de la partie du produit concerné était de remplir le ballon d’un fluide. En deuxième lieu, aux points 41 à 45 notamment de la décision attaquée, la chambre de recours a analysé le dessin ou modèle contesté et ses caractéristiques d’apparence en s’appuyant sur la demande de brevet européen et sur l’article « Bunch O Balloons », à savoir des éléments de preuve fiables. En troisième lieu, aux points 47 à 49 de la décision attaquée, la chambre de recours a examiné et rejeté les arguments de la requérante tirés du fait que le produit concerné serait un produit de consommation, de l’existence de plusieurs formes et configurations possibles du produit concerné et du fait que la division d’annulation avait, à tort, tenu compte des autres dessins ou modèles compris dans la demande d’enregistrement multiple. Dans le cadre de son appréciation, la chambre de recours a également pris en compte, au point 48 de la décision attaquée, le témoignage du créateur du dessin ou modèle contesté.

52      L’argumentation de la requérante ne démontre pas que la chambre de recours a commis des erreurs en ce qui concerne l’application des circonstances objectives en l’espèce.

53      En ce qui concerne les arguments de la requérante présentés aux points 46 et 47 ci-dessus, il convient de noter tout d’abord que, ainsi qu’il ressort du dossier de l’affaire devant l’EUIPO, la requérante avait précisé que le produit concerné était un « système utilisé pour remplir un certain nombre de ballons ou des sacs à partir d’une source unique » et que, selon elle, le dessin ou modèle contesté devait être classé dans la classe 23.01 de l’arrangement de Locarno et le produit devait être décrit comme étant des « installations pour la distribution de fluides ». Partant, il ne peut pas être reproché à l’EUIPO d’avoir classé le dessin ou modèle contesté dans la classe 23.01 de l’arrangement de Locarno et d’avoir marqué comme indication du produit « installations pour la distribution de fluides ».

54      Ensuite, ainsi que l’EUIPO le soutient à juste titre, même si l’indication du produit concerné était « jeux et jouets », comme l’affirme la requérante, cela n’aurait pas d’impact sur l’appréciation du dessin ou modèle contesté au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) no 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement no 6/2002 (JO 2002, L 341, p. 28), la classification des produits selon l’arrangement de Locarno est effectuée à des fins exclusivement administratives et que, ainsi qu’il ressort de l’article 36, paragraphe 6, du règlement no 6/2002, l’indication du produit concerné dans la demande d’enregistrement du dessin ou modèle en cause ne porte pas atteinte à l’étendue de la protection du dessin ou modèle en tant que tel. Ainsi, à partir du moment où il peut être déduit du dessin ou modèle lui-même, ainsi que des éléments de preuve produits, que la fonction technique de celui-ci est de remplir simultanément un certain nombre de ballons gonflables, même à supposer que l’indication du produit concerné soit « jeux et jouets », comme l’affirme la requérante, cela n’aurait pas d’impact sur l’appréciation du dessin ou modèle contesté au titre de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

55      Par ailleurs, le simple fait que le produit concerné soit utilisé en tant que jouet, ainsi qu’il ressort de l’article « Bunch O Balloons », ne suffit pas, en lui seul, à remettre en cause la conclusion selon laquelle toutes les caractéristiques de son apparence sont exclusivement imposées par sa fonction technique. En effet, la requérante ne démontre pas que des considérations esthétiques jouent nécessairement un rôle lors de la conception de jouets ou, plus généralement, des produits destinés au divertissement.

56      S’agissant du témoignage du créateur du dessin ou modèle contesté, invoqué par la requérante, il convient de rappeler que, dans l’arrêt du 18 novembre 2020, Installations pour la distribution de fluides (T‑574/19, EU:T:2020:543, point 100), le Tribunal a déjà considéré que ledit témoignage, lequel était également soumis dans le dossier de cette affaire, avait une force probante limitée, dans la mesure où il présente l’opinion personnelle et subjective du créateur du dessin ou modèle contesté et où ce créateur, en tant que président et propriétaire de la requérante, avait un intérêt personnel à la validité du dessin ou modèle contesté.

57      Indépendamment de la force probante limitée qu’il convient d’attribuer au témoignage susvisé, il convient également de remarquer que celui-ci ne corrobore pas l’argument de la requérante selon lequel, dans la mesure où le produit concerné est un jouet, son apparence revêt une importance particulière, supérieure à sa fonction technique. En effet, dans son témoignage, le créateur ne qualifie pas le produit concerné de « jouet » et ne tire aucun argument de la fonction de ce produit en tant que « jouet ». Le créateur affirme simplement que des considérations esthétiques jouent un rôle pour le « design » des produits destinés à être vendus directement au consommateur final par opposition de ce qui se passe en ce qui concerne les produits qui sont incorporés dans d’autres produits et qui ne sont pas vus par le consommateur final (point 4 du témoignage).

58      Il convient dès lors de rejeter les arguments de la requérante présentés aux points 46 et 47 ci-dessus.

59      En ce qui concerne l’argument de la requérante tiré de l’existence de dessins ou modèles alternatifs (voir point 48 ci‑dessus), il convient de noter que la chambre de recours, au point 47 de la décision attaquée, a indiqué à juste titre, en se référant à l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172, point 32), que le simple fait qu’un dessin ou modèle alternatif existait ne signifiait pas que l’apparence d’un produit avait été imposée par d’autres considérations que des considérations techniques. La chambre de recours a poursuivi en constatant qu’il existait en l’espèce des dessins ou modèles alternatifs en ce qui concerne la taille, la forme et la position de telles caractéristiques, mais que ces modèles alternatifs pouvaient également être exclusivement imposés par une fonction technique. La chambre de recours a conclu que l’existence des dessins ou modèles alternatifs en l’espèce ne remettait pas en cause la conclusion selon laquelle les caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné en l’espèce et la manière dont elles étaient conçues résultaient exclusivement de sa fonction technique.

60      Il convient dès lors de constater que la chambre de recours a pris en compte en l’espèce l’existence des dessins ou modèles alternatifs au dessin ou modèle contesté et que son analyse à cet égard n’est pas entachée d’erreur.

61      Eu égard aux considérations qui précèdent, la deuxième branche du moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche, tirée de l’application d’un critère juridique erroné dans le cadre de l’appréciation du dessin ou modèle contesté à l’égard de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002

62      La requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir validé, dans la décision attaquée, l’analyse de la division d’annulation qui a cherché à déterminer si une caractéristique de l’apparence de la partie du produit concerné « amélior[ait] l’apparence du produit ». Selon la requérante, ce critère d’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 est erroné.

63      La requérante reproche également à la chambre de recours d’avoir concentré son analyse sur les composants de la partie du produit concerné plutôt que sur les caractéristiques de son apparence et d’avoir confirmé la conclusion de la division d’annulation selon laquelle le produit concerné était un produit jetable à usage unique, présentant ainsi une valeur esthétique limitée.

64      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

65      S’agissant du grief présenté au point 62 ci-dessus, il suffit de constater que la chambre de recours applique correctement dans la décision attaquée – qui, elle seule, fait l’objet du contrôle de légalité effectué par le Tribunal – les principes juridiques énoncés dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172). En particulier, il ne ressort nullement de cette décision que la chambre de recours a cherché à déterminer, aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, si une caractéristique donnée de l’apparence de la partie du produit concerné « amélior[ait] son apparence » ou, en d’autres termes, lui conférait un caractère esthétique. De même, il ne ressort nullement de cette décision que la chambre de recours « valide » une telle analyse prétendument effectuée par la division d’annulation. Le grief de la requérante doit, dès lors, être rejeté.

66      Les deux griefs présentés au point 63 ci-dessus ne sauraient non plus être retenus.

67      D’une part, il convient de rappeler que, dans l’arrêt du 18 novembre 2020, Installations pour la distribution de fluides (T‑574/19, EU:T:2020:543, point 47), le Tribunal a conclu que, s’agissant du dessin ou modèle qui était en cause dans cette affaire – lequel était compris dans la demande d’enregistrement multiple évoquée au point 4 ci-dessus –, la coïncidence entre les caractéristiques de l’apparence du produit concerné et les éléments individuels qui le composent ne signifiait pas que la chambre de recours avait commis une erreur dans l’identification desdites caractéristiques. Il convient également de rappeler que, dans le cadre de l’appréciation de la première branche du moyen, il a été conclu que la chambre de recours n’avait pas commis d’erreur concernant l’identification des caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné. Partant, le grief selon lequel la chambre de recours aurait, à tort, focalisé son analyse sur les composants de la partie du produit concerné, et non pas sur ses caractéristiques d’apparence, ne saurait être retenu.

68      D’autre part, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle la chambre de recours a confirmé l’analyse de la division d’annulation indiquant que le produit concerné était un produit à usage unique et présentait ainsi une valeur esthétique limitée, il convient de constater que la décision attaquée n’est nullement fondée sur une telle considération.

69      Sur le fondement des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la troisième branche du moyen.

 Sur la quatrième branche, tirée de l’interprétation erronée de la demande de brevet européen et de la demande d’enregistrement multiple de la requérante

70      Dans le cadre de la quatrième branche du moyen, la requérante soulève deux griefs à l’encontre de la chambre de recours.

71      En premier lieu, la requérante soutient que la chambre de recours a interprété de manière erronée la demande de brevet européen, dans la mesure où cette demande n’identifiait aucune fonction technique potentielle en ce qui concerne plusieurs caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné, telles que la surface lisse du tube creux, du ballon et de l’anneau, la forme allongée uniforme du ballon non gonflé, l’aspect épais de l’anneau, l’éventail hexagonal dans la partie centrale du raccord et le choix des couleurs et des contrastes.

72      Selon la requérante, la demande de brevet européen mentionne même l’existence de diverses variantes concernant certaines caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné, sans identifier la moindre fonction technique de ces variantes. La requérante se réfère, à titre d’exemple, au paragraphe [0121] de la demande de brevet européen où il est indiqué que la forme du raccord peut être conique, cylindrique ou pyramidale.

73      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

74      Il y a lieu de rappeler que, au point 41 de la décision attaquée, la chambre de recours a identifié les caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné comme étant, premièrement, un tube creux, deuxièmement, un ballon gonflable relié à l’une des extrémités du tube et, troisièmement, une attache fixant le ballon sur le tube. Il convient également de rappeler que, dans le cadre de l’appréciation de la première branche du moyen, il a été conclu que la chambre de recours n’avait pas commis d’erreur dans l’identification des caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné.

75      Dès lors, force est de constater que, ainsi que la chambre de recours le note à juste titre au point 43 de la décision attaquée, la demande de brevet européen fournit des informations sur toutes les caractéristiques susvisées de l’apparence de la partie du produit concerné. En particulier, il ressort de cette demande que le tube creux permet l’écoulement du fluide et que la destination finale de celui-ci se trouve dans le ballon gonflable fixé à l’extrémité du tube. La fixation ou bande élastique placée au niveau du col du ballon fixe celui-ci au tube en y enfermant le fluide (point 43 de la décision attaquée).

76      Par ailleurs, la référence de la requérante à la « forme du raccord » n’est pas pertinente en l’espèce, dans la mesure où ledit raccord n’apparaît pas sur les représentations du dessin ou modèle contesté et ne constitue, dès lors, pas une caractéristique de l’apparence de la partie du produit concerné.

77      Le premier grief de la requérante doit, dès lors, être rejeté.

78      En second lieu, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que la demande d’enregistrement multiple démontrait que les caractéristiques de l’apparence de la partie du produit concerné étaient exclusivement imposées par sa fonction technique. Selon la requérante, cette demande d’enregistrement multiple démontrait tout le contraire, à savoir qu’il existait un grand nombre de variantes possibles du dessin ou modèle contesté.

79      La requérante ajoute que l’analyse de la chambre de recours aboutit à une application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 aux demandes d’enregistrement multiple qui ne correspond pas à l’économie de ce règlement. La requérante invoque à cet égard l’article 37, paragraphe 4, dudit règlement qui prévoit que chaque dessin ou modèle compris dans une demande d’enregistrement multiple doit être examiné séparément.

80      La requérante considère que, si l’analyse de la demande d’enregistrement multiple, effectuée par la chambre de recours en l’espèce, était validée, cela signifierait que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 s’appliquerait plus facilement aux dessins ou modèles compris dans des demandes d’enregistrement multiple qu’aux dessins compris dans des demandes individuelles, ce qui désavantagerait les demandeurs d’enregistrement multiple.

81      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

82      Il convient de noter que, au point 49 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que c’était à bon droit que la division d’annulation avait pris en compte les autres dessins ou modèles de la requérante compris dans la demande d’enregistrement multiple, étant donné que les informations qui pouvaient être induites de ces autres dessins ou modèles enregistrés pour le même produit constituaient une circonstance parmi celles objectives et pertinentes en l’espèce qui devaient être prises en compte pour déterminer si l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 s’appliquait.

83      En même temps, il ressort de la décision attaquée que la multitude d’enregistrements effectués par la requérante visant le même produit constituait l’une des circonstances objectives examinées par la chambre de recours, conformément d’ailleurs aux précisions apportées par la Cour dans l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172). En d’autres termes, l’analyse de la chambre de recours ne s’est pas fondée exclusivement sur cette multitude d’enregistrements, comme l’argumentation de la requérante le laisse entendre, et cette circonstance n’était même pas déterminante dans le cadre de cette analyse. En effet, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a, notamment, pris en compte l’apparence du dessin ou modèle contesté (points 39 à 42 de la décision attaquée), la demande de brevet européen (point 43 de la décision attaquée), l’article « Bunch O Balloons » (point 44 de la décision attaquée) et examiné les contre-arguments avancés par la requérante ainsi que le témoignage du créateur du dessin ou modèle contesté (points 47 à 50 de la décision attaquée).

84      Par ailleurs, compte tenu du fait que la multitude d’enregistrements constituait, en l’espèce, une des circonstances objectives prises en compte par la chambre de recours, et pas la plus déterminante, force est de constater que son analyse ne conduit nullement à la conclusion que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 s’appliquerait, par principe, plus facilement aux dessins ou modèles compris dans des demandes d’enregistrement multiple qu’aux dessins ou modèles compris dans des demandes individuelles. L’argument de la requérante présenté au point 80 ci-dessus n’est, dès lors, pas fondé.

85      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le second grief de la requérante et, dès lors, la quatrième branche du moyen. Le présent recours doit, dès lors, être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les objections de l’intervenante relatives à la date de l’audience.

 Sur les dépens

86      En application de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’EUIPO et l’intervenante, conformément à leurs conclusions.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Tinnus Enterprises LLC supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par Koopman International BV.

Kornezov

Buttigieg

Kowalik-Bańczyk

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mars 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.