Language of document : ECLI:EU:T:2013:60

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

5 février 2013 (*)

« Recours en annulation – Dumping – Extension du droit antidumping institué sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de Chine aux importations de ces produits expédiés de Malaisie − Importateur indépendant − Article 263, quatrième alinéa, TFUE – Défaut d’affectation individuelle − Acte réglementaire comportant des mesures d’exécution – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑551/11,

Brugola Service International Srl (BSI), établie à Cassano Magnago (Italie), représentée par Mes S. Bariatti et M. Farneti, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.-P. Hix et Mme P. Mahnič Bruni, en qualité d’agents, assistés initialement de Mes G. Berrisch et M. de Morpurgo, puis de MBerrisch, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. M. França et D. Grespan, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement d’exécution (UE) n° 723/2011 du Conseil, du 18 juillet 2011, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement (CE) n° 91/2009 sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine aux importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier expédiés de Malaisie, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays (JO L 194, p. 6),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Brugola Service International Srl (BSI), est une société de droit italien opérant dans le secteur de la distribution de boulonnerie et de visserie. Parmi les produits qu’elle achète sur les marchés national et étranger figurent également des éléments de fixation en fer et en acier autres qu’en acier inoxydable.

2        Le 26 janvier 2009, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) nº 91/2009, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine (JO L 29, p. 1, ci-après le « règlement initial »).

3        À partir du mois de mars 2010, la requérante a entrepris l’importation d’éléments de fixation, tels que des vis et des boulons, provenant de certaines sociétés de droit malaisien.

4        Le 27 octobre 2010, la Commission européenne a adopté le règlement (UE) n° 966/2010, portant ouverture d’une enquête sur le contournement possible des mesures antidumping instituées par le règlement initial par des importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier expédiés de Malaisie, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays, et soumettant ces importations à un enregistrement (JO L 282, p. 29). Ce règlement, qui est entré en vigueur le 29 octobre 2010, a été adopté conformément à l’article 13, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22, ci-après le « règlement de base »).

5        Le 18 juillet 2011, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 723/2011, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement initial aux importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier expédiés de Malaisie, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays (JO L 194, p. 6, ci-après le « règlement attaqué »). Selon l’article 1er, paragraphe 3, de ce règlement, « le droit étendu en vertu du paragraphe 1 du [même] article est perçu sur les importations expédiées de la Malaisie, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de ce pays, enregistrées conformément à l’article 2 du règlement n° 966/2010 […] ».

6        Entre le 3 août et le 5 septembre 2011, la requérante a reçu de la part des autorités douanières italiennes différentes décisions en application du règlement attaqué, à savoir deux avis de recouvrement, un procès-verbal de constatation d’infractions douanières administratives avec avis d’ouverture de la révision de la constatation et de rectification, deux avis de détermination de recouvrement, ainsi que deux procès-verbaux de constatation aux fins de la révision de la constatation pour le recouvrement à titre rétroactif du droit antidumping.

7        Les 17 et 18 août 2011, la requérante a versé aux bureaux des douanes de Varese (Italie) et de Gênes (Italie) un total de 68 029,76 euros correspondant à l’application rétroactive des droits antidumping sur les marchandises visées dans trois déclarations en douane.

8        Le 6 octobre 2011, la requérante a envoyé aux autorités douanières italiennes deux demandes de sursis à l’exécution des avis de recouvrement notifiés par le bureau des douanes de Gênes le 29 août 2011, relatives au paiement des sommes de 44 609,82 euros et de 23 036,08 euros. À l’appui de ces demandes, la requérante a fait valoir l’illégalité du règlement attaqué et les pertes très importantes qu’elle aurait subies.

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 octobre 2011, la requérante a introduit le présent recours.

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 décembre 2011, la Commission a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil. Dans des observations, présentées respectivement les 20 et 22 décembre 2011, le Conseil et la requérante n’ont pas soulevé d’objections à l’encontre de cette intervention.

11      Le 20 décembre 2011, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

12      Par ordonnance du 18 janvier 2012, le président de la septième chambre du Tribunal a admis l’intervention de la Commission. Le 16 février 2012, la Commission a déposé un mémoire en intervention limité aux questions de recevabilité.

13      Le 16 février 2012, la requérante a déposé des observations sur l’exception d’irrecevabilité du Conseil.

14      Le 12 mars 2012, le Conseil a présenté des observations sur la demande de suspension de la procédure. Respectivement les 16 et 19 mars 2012, le Conseil et la requérante ont présenté des observations sur le mémoire en intervention de la Commission.

15      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

16      Dans l’exception d’irrecevabilité, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par elle du fait de son intervention.

18      Dans les observations sur l’exception d’irrecevabilité du Conseil et sur le mémoire en intervention de la Commission limité à la recevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        à titre subsidiaire, surseoir à statuer dans la présente procédure en attendant la décision du Tribunal sur la question de la recevabilité dans les affaires T‑63/10 à T‑96/10, Bilbaína de Alquitranes e.a. / ECHA ;

–        en tout état de cause, surseoir à statuer dans la procédure jusqu’au 12 octobre 2012, afin de connaître la teneur des mesures que l’Union européenne décidera de prendre pour se conformer à la recommandation de l’organe de règlement des différends (ORD) de l’Organisation mondiale de commerce (OMC) du 28 juillet 2011.

19      Dans les observations relatives à la demande de suspension de l’affaire, le Conseil ne s’est pas opposé à la suspension demandée par la requérante.

 En droit

20      En vertu de l’article 114, paragraphes 1 et 4, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Le Tribunal estime que, en l’espèce, il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

21      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».

22      En l’espèce, le Conseil, soutenu par la Commission, soulève deux fins de non-recevoir, tirées, respectivement, de ce que le règlement attaqué n’affecterait pas individuellement la requérante et de ce que ce dernier comporterait des mesures d’exécution.

 Sur la première fin de non-recevoir, tirée d’un défaut de qualité pour agir en raison de l’absence d’affectation individuelle de la requérante

23      Pour statuer sur le bien-fondé de cette fin de non-recevoir, il convient de rappeler que, s’il est vrai que, au regard des critères de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les règlements instituant des droits antidumping ont, par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu’ils s’appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n’est pas exclu pour autant que certaines dispositions de ces règlements puissent concerner individuellement certains opérateurs économiques (arrêt de la Cour du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission, 239/82 et 275/82, Rec. p. 1005, point 11 ; arrêts du Tribunal du 20 juin 2000, Euromin/Conseil, T‑597/97, Rec. p. II‑2419, point 43, et du 28 février 2002, BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, T‑598/97, Rec. p. II‑1155, point 43).

24      Il en résulte que les actes portant institution de droits antidumping peuvent, sans perdre leur caractère réglementaire, concerner, dans certaines circonstances, individuellement certains opérateurs économiques qui ont, dès lors, qualité pour introduire un recours en annulation de ces actes (arrêt de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, Rec. p. I‑2501, ci-après l’« arrêt Extramet », point 14).

25      En premier lieu, le juge de l’Union a considéré que certaines dispositions des règlements instituant des droits antidumping peuvent concerner individuellement ceux des producteurs et exportateurs du produit en cause auxquels sont imputées les pratiques de dumping sur la base de données relatives à leur activité commerciale. Cela est le cas, en général, des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu’elles ont été identifiées dans les actes de la Commission et du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires (voir, en ce sens, arrêts Allied Corporation e.a./Commission, point 23 supra, points 11 et 12 ; Euromin/Conseil, point 23 supra, point 45, et BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 23 supra, point 45).

26      En deuxième lieu, sont individuellement concernés par certaines des dispositions de règlements instituant des droits antidumping ceux des importateurs du produit en cause dont les prix de revente ont été pris en compte pour la construction des prix à l’exportation et qui sont, dès lors, concernés par les constatations relatives à l’existence d’une pratique de dumping (arrêts de la Cour du 14 mars 1990, Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, C‑133/87 et C‑150/87, Rec. p. I‑719, point 15, et Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C‑156/87, Rec. p. I‑781, point 18 ; arrêt BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 23 supra, point 46).

27      La Cour a également jugé que des importateurs associés avec des exportateurs de pays tiers dont les produits sont frappés de droits antidumping peuvent attaquer les règlements instituant lesdits droits, notamment dans le cas où le prix à l’exportation a été calculé à partir des prix de vente sur le marché communautaire pratiqués par lesdits importateurs (voir arrêt BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 23 supra, point 47, et la jurisprudence citée) ainsi que dans le cas où ce n’est pas l’existence d’une pratique de dumping qui est constatée en fonction des prix de revente de ces importateurs, mais le calcul du droit antidumping lui-même (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 juillet 1990, Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, C‑305/86 et C‑160/87, Rec. p. I‑2945, points 19 et 20, et ordonnance du Tribunal du 27 janvier 2006, Van Mannekus/Conseil, T‑278/03, non publiée au Recueil, point 119).

28      En troisième lieu, la Cour a jugé qu’un fabricant d’équipements d’origine (Original Equipment Manufacturer), sans qu’il y eût lieu de le qualifier d’importateur ou d’exportateur, était individuellement concerné par les dispositions du règlement relatives aux pratiques de dumping du producteur auprès duquel il achetait les produits en raison des particularités de ses relations commerciales avec ce producteur. En effet, la Cour a considéré que c’était pour tenir compte de ces particularités que le Conseil avait fixé un certain taux de marge bénéficiaire dans le cadre de la construction de la valeur normale, laquelle avait ensuite été prise en compte dans le calcul de la marge de dumping sur la base de laquelle le droit antidumping avait été fixé, de sorte que le fabricant d’équipements d’origine était concerné par les constatations relatives à l’existence de la pratique de dumping incriminée (voir, en ce sens, arrêts Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, point 26 supra, points 17 à 20, et Gestetner Holdings/Conseil et Commission, point 26 supra, points 20 à 23).

29      Cette reconnaissance du droit de certaines catégories d’opérateurs économiques d’introduire un recours en annulation d’un règlement antidumping ne saurait cependant empêcher que d’autres opérateurs puissent également être individuellement concernés par un tel règlement, en raison de certaines qualités qui leur sont particulières et qui les caractérisent par rapport à toute autre personne (arrêt Extramet, point 24 supra, point 16).

30      La Cour a reconnu que tel était le cas pour un importateur indépendant ayant établi l’existence d’un ensemble d’éléments constitutifs d’une situation particulière le caractérisant, au regard de la mesure en cause, par rapport à tout autre opérateur économique. En particulier, l’importateur indépendant concerné avait prouvé, premièrement, qu’il était l’importateur le plus important du produit faisant l’objet de la mesure antidumping et, en même temps, l’utilisateur final de ce produit, deuxièmement, que ses activités économiques dépendaient, dans une très large mesure, de ces importations et, troisièmement, que ces activités étaient sérieusement affectées par le règlement litigieux, compte tenu du nombre restreint de producteurs du produit concerné et du fait qu’il éprouvait des difficultés à s’approvisionner auprès du seul producteur de l’Union, qui était, au surplus, son principal concurrent pour le produit transformé (arrêts Extramet, point 24 supra, point 17 ; BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, point 23 supra, point 50, et ordonnance Van Mannekus/Conseil, point 27 supra, point 122).

31      En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que la requérante n’appartient à aucune des trois catégories d’opérateurs visées aux points 25 à 28 ci-dessus, auxquels la jurisprudence a reconnu le droit d’introduire un recours direct contre des règlements instituant des droits antidumping.

32      En effet, ainsi qu’elle l’affirme elle-même, la requérante est un importateur indépendant. En outre, elle ne soutient pas avoir participé à la procédure administrative ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué.

33      En second lieu, les autres faits allégués par la requérante ne sauraient davantage suffire pour la faire regarder comme individuellement concernée par le règlement attaqué au sens de l’arrêt Extramet, point 24 supra.

34      À cet égard, il convient de rappeler que le recours dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Extramet, point 24 supra, a été déclaré recevable en raison de la situation particulière dans laquelle la requérante se trouvait, notamment du fait qu’elle était l’importateur le plus important et l’utilisateur final du produit faisant l’objet des mesures antidumping et qu’il existait un nombre restreint de producteurs du produit concerné et un seul producteur de l’Union auprès duquel elle éprouvait des difficultés à s’approvisionner (arrêt Extramet, point 24 supra, point 17).

35      Or, la situation de la requérante n’est aucunement semblable à celle de la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Extramet, point 24 supra. D’une part, celle-ci ne prétend pas être l’importateur le plus important des produits concernés par le règlement attaqué.

36      D’autre part, la requérante évoque les coûts relatifs « à la nécessité de s’adresser à d’autres fournisseurs et aux difficultés considérables rencontrées dans la recherche » de ses fournisseurs de produits concernés. Or, premièrement, elle n’exclut pas toute autre source d’approvisionnement et surtout ne fournit pas d’avantage d’explications, ni d’élément de preuve, quant aux difficultés auxquelles elle se serait heurtée dans la recherche de ces autres fournisseurs. Elle indique uniquement que le coût des produits concernés en Italie est supérieur en moyenne de 20 à 30 % à celui des produits importés. Deuxièmement, la requérante n’a fourni aucun élément susceptible d’établir en quoi les prétendues difficultés en ce qui la concerne seraient plus importantes que celles rencontrées par les autres importateurs dans l’Union. En effet, il convient de considérer que ces difficultés, ainsi qu’une éventuelle augmentation des prix en découlant, touchent d’une manière comparable tous les importateurs obligés de se tourner vers d’autres sources d’approvisionnement.

37      La requérante soutient aussi que ses activités économiques dépendent dans une très large mesure des importations des produits concernés, puisque la vente d’éléments de fixation en fer et en acier non inoxydable représenterait presque 88 % de son activité économique totale et puisque 37 % de ses achats totaux de ces produits proviendraient de Malaisie. Or, force est de constater qu’elle n’indique aucunement en quoi cette situation, à supposer qu’elle soit établie à suffisance de droit, suffirait à la caractériser par rapport à tout autre opérateur économique important les produits concernés. La possibilité que d’autres importateurs dans l’Union importent des quantités comparables à celles avancées par la requérante, voire plus importantes, n’est aucunement écartée. En toute hypothèse, l’approvisionnement en produit concerné sur d’autres marchés n’étant pas exclu, les valeurs et les volumes mentionnés ne sauraient, à eux seuls, établir une dépendance à l’importation de Malaisie du produit concerné, mais pourraient, au mieux, conduire à une conclusion sur l’augmentation des coûts liés à une réorganisation nécessaire de la requérante.

38      À cet égard, la requérante soutient qu’elle a subi un très grave préjudice économique de plus de 300 000 euros du fait du règlement attaqué et que son activité économique s’en retrouve si sérieusement compromise que sa survie même serait menacée. D’une part, force est de constater que ces estimations ne sont pas étayées par la requérante. D’autre part, elles ne permettent pas de conclure que les conséquences économiques subies par la requérante sont plus importantes que celles auxquelles sont confrontés les autres importateurs. À cet égard, son argument selon lequel, en appliquant le taux antidumping imposé par le règlement attaqué au coût des produits concernés importés de Malaisie, ces importations représenteraient 52 % du total de ses achats de produits n’apporte pas d’élément supplémentaire dans ce sens.

39      Les mêmes conclusions s’appliquent aux affirmations concernant les « autres dommages patrimoniaux et en termes d’image » prétendument subis par la requérante du fait du règlement attaqué. Ces affirmations ne sont pas étayées et ne sont accompagnées d’aucune comparaison avec les autres importateurs.

40      Sur un plan plus général, il ne peut, certes, être exclu que le règlement attaqué ait eu un impact négatif sur les importateurs ayant dû procéder à une renégociation des contrats et à une réorganisation et que cet impact négatif dépende de la position particulière que ces importateurs occupent sur le marché. Toutefois, force est de constater que la requérante n’a pas apporté d’éléments permettant d’établir l’existence d’un ensemble d’éléments constitutifs d’une situation particulière de nature à la caractériser, au regard du règlement attaqué, par rapport à tout autre opérateur économique au sens de l’arrêt Extramet, point 24 supra.

41      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante n’est pas individuellement concernée par le règlement attaqué.

 Sur la seconde fin de non-recevoir, tirée de ce que le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution

42      Le Conseil, soutenu par la Commission, fait valoir, en substance, que le recours n’est pas recevable en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dès lors que le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution.

43      À titre liminaire, il convient d’observer que le règlement attaqué, adopté par le Conseil sur la base de l’article 13 du règlement de base, est un acte règlementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En effet, le règlement attaqué a une portée générale, en ce qu’il s’applique à des situations déterminées objectivement et produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir aussi point 23 ci-dessus). En outre, le règlement attaqué ne constitue pas un acte législatif dès lors qu’il n’a été adopté ni selon la procédure législative ordinaire ni selon une procédure législative spéciale au sens de l’article 289, paragraphes 1 à 3, TFUE [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2011, Microban International et Microban (Europe)/Commission, T‑262/10, non encore publié au Recueil, point 21, et ordonnance du Tribunal du 4 juin 2012, Eurofer/Commission, T‑381/11, non encore publiée au Recueil, points 43 et 44].

44      S’agissant, ensuite, de la question de savoir si le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il convient de relever que ce règlement a pour objet l’extension du droit antidumping définitif institué par le règlement initial aux importations de produits concernés expédiés de Malaisie. Ainsi, selon son article 1er, un taux antidumping de 85 % est imposé aux importations des éléments de fixation en fer ou en acier en provenance de ce pays.

45      Il convient de rappeler que, conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié (JO L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes ») : « [t]out montant de droits à l’importation ou de droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière, ci-après dénommé ‘montant de droits’, doit être calculé par les autorités douanières dès qu’elles disposent des éléments nécessaires […] ».

46      À cet égard, la requérante fait valoir que les activités de dédouanement sont habituellement entièrement effectuées par l’opérateur douanier, qui agit comme représentant de l’importateur, et que le calcul des droits de douane est effectué par cet opérateur douanier sur la base d’une déclaration écrite présentée aux autorités douanières pour le compte de l’importateur.

47      Selon les articles 62 et suivants du code des douanes, les marchandises importées font l’objet d’une déclaration en douane. Dans ce cadre, le rôle des autorités douanières se limite à un éventuel contrôle de la documentation et des marchandises en importation et surtout à l’acceptation ou au rejet de cette déclaration en douane.

48      Or, selon l’article 221, paragraphes 1 et 2, du même code :

« 1. Le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu’il a été pris en compte.

2. Lorsque mention du montant des droits à acquitter a été effectuée, à titre indicatif, dans la déclaration en douane, les autorités douanières peuvent prévoir que la communication visée au paragraphe 1 ne sera effectuée que pour autant que le montant des droits indiqué ne correspond pas à celui qu’elle a déterminé.

Sans préjudice de l’application de l’article 218, paragraphe 1, deuxième alinéa, lorsqu’il est fait usage de la possibilité prévue au premier alinéa, l’octroi de la mainlevée des marchandises par les autorités douanières vaut communication au débiteur du montant des droits pris en compte. »

49      Par conséquent, le fait que la procédure régulière de dédouanement à l’importation soit ainsi simplifiée ne signifie pas qu’aucune mesure n’est prise par les autorités douanières.

50      En effet, il y a lieu de rappeler que dans une situation « normale », telle que celle visée à l’article 201 du code des douanes, une dette douanière à l’importation naît au moment de l’acceptation de la déclaration en douane en cause et de la mise en libre pratique de la marchandise en question (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er février 2001, D. Wandel, C‑66/99, Rec. p. I‑873, points 41 et 42).

51      Il convient aussi de rappeler qu’une éventuelle contestation de l’existence de la dette douanière relève de la compétence exclusive des autorités nationales, sur la base de l’article 236 du code des douanes, dont les décisions peuvent être attaquées devant les juridictions nationales en vertu de l’article 243 du même code (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 16 juillet 1998, Kia Motors et Broekman Motorships/Commission, T‑195/97, Rec. p. II‑2907, point 36, et du 18 juin 2012, Biofrescos/Commission, T‑159/09, non publié au Recueil, point 11).

52      En effet, le droit dérivé de l’Union a expressément prévu la voie de droit ouverte à un débiteur de droits à l’importation qui estime avoir indûment fait l’objet de l’imposition de tels droits de la part des autorités douanières. Cette voie s’exerce au niveau national, selon la procédure de recours mise en place par l’État membre en cause en conformité avec les principes posés aux articles 243 à 246 du code des douanes (voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, T‑429/04, non publié au Recueil, point 43, et la jurisprudence citée).

53      Il convient de conclure de ce qui précède que le système douanier, tel qu’instauré par le code des douanes et dans lequel s’inscrit le règlement attaqué, prévoit que la perception des droits fixés par ce dernier se fait, dans tous les cas de figure, sur la base des mesures adoptées par les autorités nationales.

54      La requérante soutient aussi que le règlement attaqué est directement applicable dans les États membres et qu’il a, par conséquent, une incidence directe sur sa position juridique en la modifiant, sans qu’il soit nécessaire de recourir à des mesures d’exécution nationales ou de l’Union. Par les avis visant le recouvrement des droits antidumping auprès de la requérante mentionnés au point 6 ci-dessus, les autorités italiennes se seraient limitées à informer cette dernière que l’entrée en vigueur du règlement attaqué les autorisait à percevoir le droit prévu par le règlement attaqué.

55      Or, en premier lieu, cette argumentation est pertinente uniquement dans le cadre de l’analyse des conditions de l’affectation directe de la requérante et doit donc être écartée. En effet, selon une jurisprudence constante, l’affectation directe d’un particulier exige, premièrement, que l’acte de l’Union attaqué produise directement des effets sur la situation juridique de ce particulier et, deuxièmement, qu’il n’existe aucun pouvoir d’appréciation laissé aux destinataires de cet acte qui sont chargés de sa mise en œuvre, cette mise en œuvre ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt du Tribunal du 26 septembre 2000, Starway/Conseil, T‑80/97, Rec. p. II‑3099, point 61, et la jurisprudence citée).

56      Toutefois, l’exigence d’un acte ne comportant pas de mesures d’exécution visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE constitue une condition différente de celle tenant à l’affectation directe. Notamment, il y a lieu de relever que la question de savoir si le règlement attaqué laisse ou non un pouvoir d’appréciation aux autorités nationales chargées des mesures d’exécution n’est pas pertinente pour déterminer si le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution (ordonnance Eurofer/Commission, point 43 supra, point 59).

57      En revanche, il convient de prendre en compte, dans le cadre de cette analyse, l’objectif poursuivi par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, qui est de permettre à une personne physique ou morale d’introduire un recours contre les actes règlementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution, en évitant ainsi les cas où une telle personne devrait enfreindre le droit pour avoir accès à un juge (voir, en ce sens, ordonnance Eurofer/Commission, point 43 supra, point 60).

58      En second lieu, et en tout état de cause, les décisions reçues par la requérante de la part des autorités nationales, notamment les avis de recouvrement et de détermination de recouvrement (voir point 6 ci-dessus), doivent aussi être qualifiées de mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

59      En effet, il convient d’observer que ces décisions portent rectifications des déclarations en douane de la requérante présentées pendant la période comprise entre le 29 octobre 2010 (date de l’entrée en vigueur du règlement n° 966/2010 qui a soumis les importations expédiées de Malaisie à un enregistrement à partir de ce jour) et l’entrée en vigueur du règlement attaqué (voir points 4 et 5 ci-dessus). Ainsi, en application du règlement attaqué, les autorités nationales ont appliqué le nouveau taux antidumping de 85 % rétroactivement aux importations enregistrées à partir du 29 octobre 2010. Lesdites décisions ont toutes pour base légale le règlement attaqué.

60      En outre, dans lesdites décisions, les autorités nationales ont informé la requérante qu’elle pouvait introduire un recours contre les décisions en cause devant la Commissione tributaria provinciale (commission provinciale statuant en matière fiscale) compétente ou, alternativement, devant elles dans le cadre d’une procédure administrative. Il ressort aussi du dossier que, le 6 octobre 2011, la requérante a envoyé aux autorités douanières italiennes deux demandes de sursis à l’exécution des avis de recouvrement, à l’appui desquelles elle a fait valoir l’illégalité du règlement attaqué et les pertes très importantes qu’elle aurait subies (voir point 8 ci-dessus). Dans ces demandes, la requérante a également précisé avoir l’intention de contester toutes les mesures mentionnées devant les différentes commissions (Commissioni tributarie provinciali) compétentes.

61      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une Commissione tributaria provinciale peut, au titre de l’article 267 TFUE, demander à la Cour de statuer à titre préjudiciel sur la conformité de ces mesures avec le droit de l’Union (arrêts de la Cour du 17 février 2011, Bolton Alimentari, C‑494/09, Rec. p. I‑647, et du 24 mai 2012, Amia, C‑97/11, non encore publié au Recueil).

62      Au vu de tout ce qui précède, il convient de conclure que le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

63      Contrairement à ce qu’allègue la requérante dans le cadre de l’argumentation liée au droit à une protection juridictionnelle effective, cette conclusion n’est pas remise en cause par l’objectif poursuivi par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En effet, il est vrai que ce dernier est de permettre à une personne physique ou morale d’introduire un recours contre les actes règlementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution, en évitant ainsi les cas où une telle personne devrait enfreindre le droit pour avoir accès à un juge (voir point 57 ci-dessus). Toutefois, la situation de la requérante n’est pas celle visée par ledit objectif. En l’espèce, la requérante peut, en principe, contester les mesures nationales d’exécution du règlement attaqué et, dans ce contexte, exciper de l’illégalité de celui-ci devant les juridictions nationales qui peuvent recourir, avant de statuer, aux dispositions de l’article 267 TFUE, sans avoir préalablement dû enfreindre le règlement attaqué (ordonnance Eurofer/Commission, point 43 supra, point 60).

64      Par ailleurs, la requérante ne conteste pas qu’il existe une voie de recours devant le juge national permettant de mettre en cause la validité du règlement attaqué. Elle fait uniquement valoir que la protection juridictionnelle dont elle bénéficierait au niveau national à travers un renvoi préjudiciel aurait une portée différente et moins large que celle qui serait accordée dans le cadre d’un recours en annulation.

65      S’agissant de cet argument de la requérante pris, en substance, de ce que la protection de ses droits individuels est en pratique exclue, dès lors que la voie préjudicielle, prévue par l’article 267 TFUE, n’assure pas une protection juridictionnelle complète et effective, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union ne peuvent pas, sans excéder leurs compétences, interpréter les conditions selon lesquelles un particulier peut former un recours contre un règlement d’une manière qui aboutit à s’écarter de ces conditions qui sont expressément prévues par le traité, et ce même à la lumière du principe d’une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er avril 2004, Commission/Jégo-Quéré, C‑263/02 P, Rec. p. I‑3425, point 36).

66      Au vu de tout ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable, sans qu’il y ait lieu d’examiner les demandes de surseoir à statuer formulées par la requérante.

 Sur les dépens

67      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

68      Par ailleurs, conformément à l’article 87, paragraphe 4, du même règlement, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Brugola Service International Srl (BSI) est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 5 février 2013.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : l’italien.