Language of document : ECLI:EU:T:2013:335

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

27 juin 2013(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative R – Marque nationale figurative antérieure R – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑89/12,

Repsol YPF, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes J. Devaureix et L. Montoya Terán, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Ajuntament de Roses, établie à Roses (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 5 décembre 2011 (affaire R 1815/2010-2), relative à une procédure d’opposition entre Ajuntament de Roses et Repsol YPF, SA,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. M. Prek, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 17 février 2012,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 12 juin 2012,

à la suite de l’audience du 19 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 4 décembre 2008, la requérante, Repsol YPF, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif, reproduit ci-après, représentant la lettre majuscule « R » de couleur blanche placée sur un fond bleu, entouré d’un cercle de couleur blanche, lui-même entouré d’un cercle de couleur rouge :

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3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 25, 35 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie » ;

–        classe 35 : « Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; vente au détail dans le commerce de produits alimentaires de consommation courante, pâtisserie et confiserie, crème glacée, aliments prêts à l’emploi, tabac, presse, livres, guides touristiques, routiers et cartes, piles, jouets, produits pour automobiles, accessoires et pièces détachées pour voitures, lubrifiants, combustibles et carburants pour automobiles, et conseils professionnels d’affaires » ;

–        classe 41 : « Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 18/2009, du 18 mai 2009.

5        Le 31 juillet 2009, Ajuntament de Roses a formé opposition au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009 à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services relevant des classes 25 et 35, visés dans la demande d’enregistrement.

6        L’opposition était fondée sur la marque figurative faisant l’objet de l’enregistrement espagnol n° 2593913, demandé le 29 avril 2004 et accordé le 4 octobre 2004. Cette marque, reproduite ci-après, représente la lettre majuscule « R » de couleur bleue sur un fond blanc et entourée d’un cercle de couleur bleue :

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7        La marque antérieure a été enregistrée, notamment, pour les produits et les services relevant des classes 25 et 35 correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ; ceintures (habillement) ; maillots de bain, bonnets de bain ; peignoirs ; chemises, t-shirts, bonnets, casquettes, visières (chapellerie), tricots, chaussures de plage, articles d’habillement (compris dans cette classe), cravates ; tours de cou (foulards), chandails (sweats), escarpins ; imperméables, vêtements de gymnastique ; uniformes » ;

–        classe 35 : « Services de promotion du tourisme ; services d’organisation de foires et d’expositions à des fins commerciales et publicitaires ; services de promotion et de vente pour des tiers ; services de publicité ; services de vente de produits au détail dans les commerces ».

8        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

9        Par décision du 30 juillet 2010, la division d’opposition a rejeté partiellement l’opposition et a conclu à l’existence d’un risque de confusion pour les produits et les services suivants : « vêtements, chaussures, chapellerie », relevant de la classe 25, et « publicité ; vente au détail dans le commerce de produits alimentaires de consommation courante, pâtisserie et confiserie, crème glacée, aliments prêts à l’emploi, tabac, presse, livres, guides touristiques, routiers et cartes, piles, jouets, produits pour automobiles, accessoires et pièces détachées pour voitures, lubrifiants, combustibles et carburants pour automobiles », relevant de la classe 35 (ci-après les « produits et les services en cause »).

10      Le 21 septembre 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 5 décembre 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. La chambre de recours a indiqué que le public pertinent était composé du consommateur moyen espagnol des produits et des services en cause. Elle a relevé que la partie de la décision de la division d’opposition rejetant l’opposition était devenue définitive. Elle a constaté que l’identité des produits et des services en cause avec les produits et les services couverts par la marque antérieure n’était pas contestée par la requérante. S’agissant de la comparaison des marques en conflit, la chambre de recours a estimé qu’elles présentaient un degré élevé de similitude du fait de leur similitude importante sur le plan visuel et de leur identité sur le plan phonétique. Elle a conclu à l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        accepter les preuves proposées ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        accepter l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services relevant des classes 25 et 35 pour lesquels l’enregistrement a été refusé ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du troisième chef de conclusions

14      Par son troisième chef de conclusions, la requérante demande, en substance, à ce que le Tribunal ordonne à l’OHMI d’accepter l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services en cause.

15      Il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union européenne contre la décision d’une chambre de recours de l’OHMI, ce dernier est tenu, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’OHMI, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 20, et la jurisprudence citée].

16      Partant, le troisième chef de conclusions de la requérante est irrecevable.

 Sur le premier chef de conclusions

17      Par son premier chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’admettre la recevabilité de tous les documents joints en annexe (4 à 21) à la requête à titre de preuve.

18      En annexe 4 à la requête, la requérante a fourni des copies des pages de son site Internet et, en annexe 6, des copies des pages du site Internet de l’opposante. En annexe 5 à la requête, la requérante a fourni des documents consistant en des photographies de courses automobiles et en des documents attestant qu’elle sponsorisait des manifestations sportives. En annexe 7 à la requête, la requérante a fourni des copies de dossiers d’enregistrement de l’OHMI et de l’Oficina Española de Patentes y Marcas (Office des brevets et des marques espagnol) concernant des marques contenant la lettre majuscule « R » à l’intérieur d’un cercle.

19      Il suffit de constater que ces pièces, produites pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent être prises en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 19, et la jurisprudence citée].

20      Dès lors, les documents produits en annexes 4 à 7 à la requête sont irrecevables.

21      En annexes 8 à 14 et 19 à 21 à la requête, la requérante a fourni des arrêts des tribunaux espagnols et, en annexes 15 à 18, elle a fourni des décisions de la division d’opposition de l’OHMI.

22      Ces annexes, bien qu’elles n’aient été produites pour la première fois que devant le Tribunal, ne sont pas des preuves proprement dites, mais concernent la pratique décisionnelle de l’OHMI et la jurisprudence nationale, à laquelle, même si elle est postérieure à la procédure devant l’OHMI, une partie a le droit de se référer [arrêt ARTHUR ET FELICIE, point 19 supra, point 20, et arrêt du Tribunal du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, Rec. p. II‑5309, point 16]. En effet, ni les parties ni le Tribunal lui-même ne sauraient être empêchés de s’inspirer, dans l’interprétation du droit de l’Union, d’éléments tirés de la jurisprudence communautaire, nationale ou internationale. Une telle possibilité de se référer à des jugements nationaux n’est pas visée par la jurisprudence selon laquelle le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours au regard des éléments présentés par les parties devant celles-ci, dès lors qu’il ne s’agit pas de reprocher aux chambres de recours de ne pas avoir pris en compte des éléments de fait dans un arrêt national précis, mais qu’il s’agit d’invoquer des jugements à l’appui d’un moyen tiré de la violation par les chambres de recours d’une disposition du règlement n° 207/2009 [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 juillet 2006, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Johnson’s Veterinary Products (VITACOAT), T‑277/04, Rec. p. II‑2211, points 70 et 71].

 Sur la demande en annulation

23      À l’appui de sa demande d’annulation, la requérante soulève, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

24      La requérante fait valoir que la chambre de recours a conclu à tort à l’existence d’un risque de confusion, premièrement, en commettant des erreurs dans l’appréciation de la similitude entre les marques en conflit, deuxièmement, en ne prenant pas en compte la priorité d’enregistrement de ses marques nationales et, troisièmement, en ne prenant pas en compte la coexistence de ses marques nationales et de la marque antérieure sur le marché espagnol.

25      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

26      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, en tenant compte de tous les facteurs caractérisant le cas d’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

27      En l’espèce, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas que, la marque antérieure ayant été enregistrée en Espagne, le public pertinent est composé du consommateur moyen espagnol des produits et des services en cause. Elle ne conteste pas non plus la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les produits et les services en cause et les produits et les services couverts par la marque antérieure sont identiques.

28      S’agissant de la comparaison des marques, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Matrazen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRAZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 30, et du 10 décembre 2008, MIP Metro/OHMI – Metronia (METRONIA), T‑290/07, non publié au Recueil, point 41].

29      En outre, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

30      En l’espèce, sur le plan visuel, la marque antérieure est composée de la lettre majuscule « R » épaisse, de couleur bleue sur un fond blanc et entourée d’un cercle épais de couleur bleue. La marque demandée est composée de la lettre majuscule « R », de couleur blanche, écrite dans une police de caractères particulière, la partie courbe du « R » étant prolongée et dépassant sa ligne perpendiculaire. Cette lettre est placée sur un fond bleu, entouré d’un cercle de couleur blanche, lui-même entouré d’un cercle de couleur rouge.

31      La chambre de recours a estimé que « les éléments essentiels des deux marques [étaie]nt identiques ou très similaires : identité de la lettre, identité de la police de caractères, similitude importante de l’épaisseur du trait des lettres, similitude importante de l’épaisseur du trait des cercles, identité des couleurs bleue et blanche ». Elle a ajouté que « [t]outes ces identités et similitudes ne p[ouvai]ent être contrebalancées par les différences entre les marques, à savoir le cercle de couleur rouge de la marque demandée, la prolongation du trait courbe de la lettre en question et la répartition différente des couleurs ». Elle a conclu que les marques en conflit étaient très similaires sur le plan visuel.

32      La requérante fait valoir que la chambre de recours a commis des erreurs dans la comparaison des marques en conflit sur le plan visuel. D’une part, la chambre de recours aurait considéré à tort que la lettre majuscule « R » était l’élément dominant des marques en conflit et, d’autre part, elle n’aurait pas tenu compte de plusieurs éléments différenciant les marques en conflit.

33      Il convient de relever que, certes, les marques en conflit représentent la lettre majuscule « R » entourée d’un cercle. Cependant, les différences entre les marques en conflit sur le plan visuel ne sont pas négligeables. La marque antérieure représente simplement la lettre majuscule « R » de couleur bleue entourée d’un seul cercle de même couleur. La marque demandée est d’un dessin plus complexe, la lettre majuscule « R » est écrite dans une police de caractères particulière et est entourée de plusieurs cercles de couleurs différentes.

34      Contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours, d’une part, les lettres majuscules « R » ne sont pas écrites dans des polices de caractères identiques et la lettre majuscule « R » dans la marque demandée présente notamment une originalité due au prolongement de la partie courbe de la lettre. D’autre part, l’épaisseur de ces lettres ne saurait être considérée comme présentant une similitude importante.

35      De plus, la répartition des couleurs dans les marques en conflit crée une impression visuelle d’ensemble différente. Les lettres majuscules « R » sont de couleurs différentes, l’une de couleur bleue sur un fond blanc et l’autre de couleur blanche sur un fond bleu. En outre, les marques en conflit se distinguent par la présence d’un cercle rouge qui entoure la marque demandée.

36      Or, il convient de relever que c’est à tort que la chambre de recours a omis de prendre en considération le fait que les signes à comparer étaient courts et que le public pertinent percevrait donc plus nettement les différences entre les signes en conflit.

37      Il ressort de ce qui précède que, malgré les similitudes entre les signes en conflit, les différences entre ces signes seront plus facilement perçues par le public pertinent et que les marques en conflit sont seulement similaires. Dès lors, c’est à tort que la chambre de recours a conclu que les marques en conflit étaient très similaires sur le plan visuel.

38      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a considéré à tort que la lettre majuscule « R » était l’élément dominant des marques en conflit, il suffit de constater qu’il repose sur une lecture erronée de la décision attaquée.

39      En effet, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a indiqué que les identités et les similitudes entre les marques en conflit « repos[ai]ent sur des éléments essentiels et dominants tels que la lettre majuscule ‘R’ et le cadre qui l’entoure et la configure ». Il ne ressort donc pas de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que la lettre majuscule « R » était l’élément dominant des marques en conflit.

40      Sur le plan phonétique, il y a lieu de relever que, le seul élément verbal des marques en conflit étant la lettre majuscule « R », elles seront prononcées de la même manière. La chambre de recours a donc conclu à juste titre que les marques en conflit étaient identiques.

41      La requérante ne saurait affirmer, sans justification, qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une comparaison des marques en conflit sur le plan phonétique.

42      Sur le plan conceptuel, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que les lettres de l’alphabet n’ont pas de signification sémantique. Ainsi, une comparaison des marques en conflit sur le plan conceptuel n’est pas possible.

43      Il ressort de ce qui précède que les marques en conflit sont similaires sur le plan visuel, et non très similaires comme l’a estimé la chambre de recours, et identiques sur le plan phonétique. Par conséquent, il y a lieu de considérer que les marques en conflit présentent globalement un degré moyen de similitude et non une similitude importante comme l’a constaté la chambre de recours.

44      Aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion, le consommateur moyen des produits concernés est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Par ailleurs, il convient de tenir compte du fait que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, point 28, et du 30 juin 2004, BMI Bertollo/OHMI – Diesel (DIESELIT), T‑186/02, Rec. p. II‑1887, point 38 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26].

45      Le caractère distinctif de la marque antérieure est l’un des facteurs à prendre en compte pour apprécier le risque de confusion [arrêt du Tribunal du 16 mars 2005, L’Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03, Rec. p. II‑949, point 61; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 24].

46      Selon la jurisprudence, comme le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance de celles-ci sur le marché, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I-6191, point 24 ; Canon, point 45 supra, point 18, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 44 supra, point 20).

47      En l’espèce, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion, compte tenu de l’identité des produits et des services couverts par les marques en conflit et de la similitude importante entre les marques en conflit. Elle a considéré que cette conclusion n’était pas remise en cause par les arguments de la requérante relatifs au faible caractère distinctif de la marque antérieure.

48      La requérante fait valoir que la chambre de recours a conclu à tort à l’existence d’un risque de confusion. Elle soutient que la marque antérieure dispose d’un faible caractère distinctif dans la mesure où elle est une représentation graphique du symbole « ® » habituellement utilisé par les titulaires de marques pour désigner une marque déposée. Son caractère distinctif serait limité à sa couleur bleu clair.

49      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté cet argument de la requérante au motif que « le signe [étai]t clairement utilisé comme marque par l’opposante et non comme le symbole [‘®’ (marque déposée)], ce qu’attest[ai]ent la taille de la marque en question et les différences graphiques évidentes entre les deux signes ».

50      Un tel raisonnement de la chambre de recours ne saurait être approuvé. En effet, premièrement, le fait que la marque antérieure soit utilisée comme une marque, c’est-à-dire qu’elle figure directement sur le produit, et non comme le symbole signifiant « marque déposée », qui est nécessairement accolé à une marque, n’est pas de nature à remettre en cause la constatation que cette marque a une représentation graphique proche de celle du symbole « ® ». Deuxièmement, la chambre de recours ne saurait faire référence à la taille de la marque dans la mesure où il est impossible de connaître la taille de la marque antérieure lorsqu’elle est utilisée pour les produits ou les services qu’elle vise. Troisièmement, la chambre de recours fait référence à des différences graphiques évidentes entre la marque antérieure et le symbole « ® » sans préciser quelles sont ces différences. Or, il y a lieu de constater que la marque antérieure se distingue du symbole « ® » uniquement par sa couleur bleue et par son épaisseur.

51      Dès lors, il convient de constater que la marque antérieure dispose d’un faible caractère distinctif dans la mesure où elle est composée de la lettre majuscule « R » entourée d’un cercle, qui est un signe fréquemment utilisé comme symbole signifiant « marque déposée ». Son caractère distinctif ne peut résulter que de sa couleur bleue et de son épaisseur plus importante que dans la représentation du symbole.

52      Il s’ensuit que, en l’espèce, la chambre de recours a commis une erreur dans son appréciation du risque de confusion en ne prenant pas en compte le faible caractère distinctif de la marque antérieure.

53      Toutefois, il convient de rappeler que, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément parmi d’autres pris en considération lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits ou des services visés [voir arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec. p. II‑5213, point 70, et la jurisprudence citée].

54      En outre, retenir cet argument aurait pour effet de neutraliser le facteur tiré de la similitude des marques au profit de celui fondé sur le caractère distinctif de la marque nationale antérieure auquel serait accordé une importance excessive. Il en résulterait que, dès lors que la marque nationale antérieure n’est dotée que d’un faible caractère distinctif, un risque de confusion n’existerait qu’en cas de reproduction complète de celle-ci par la marque dont l’enregistrement est demandé, et ce quel que soit le degré de similitude entre les signes en cause. Un tel résultat ne serait toutefois pas conforme à la nature même de l’appréciation globale que les autorités compétentes sont chargées d’entreprendre en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 (voir arrêt PAGESJAUNES.COM, point 53 supra, point 71, et la jurisprudence citée).

55      Il ressort de ce qui précède que, au vu de l’identité des produits et des services en cause et de la similitude globale des marques en conflit, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant à l’existence d’un risque de confusion, même si elle a conclu à tort à l’existence d’une similitude importante entre les marques en conflit et même si la marque antérieure présente un caractère faiblement distinctif.

56      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments de la requérante.

57      Premièrement, la requérante fait valoir qu’elle bénéficie d’un droit de priorité par rapport à l’opposante, étant donné qu’elle est titulaire d’une marque espagnole identique à la marque demandée depuis une date bien antérieure à l’enregistrement de la marque espagnole de l’opposante. La marque opposée ne pourrait affecter les droits prioritaires de la requérante.

58      À cet égard, il suffit de relever que, aussi longtemps que la marque nationale antérieure est effectivement protégée, l’existence d’un enregistrement ou d’un usage national antérieur à cette dernière n’est pas pertinente dans le cadre d’une opposition contre une demande de marque communautaire, même si la marque communautaire demandée est identique à une marque nationale du requérant antérieure à la marque nationale opposée. En effet, seules peuvent être prises en considération la marque nationale antérieure et la marque communautaire demandée [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 1er mars 2005, Fusco/OHMI – Fusco International (ENZO FUSCO), T‑185/03, Rec. p. II‑715, point 63, et du 13 avril 2010, Esotrade/OHMI – Segura Sánchez (YoKaNa), T‑103/06, non publié au Recueil, point 19].

59      De plus, la requérante ne saurait invoquer la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) reconnaissant l’efficacité des droits prioritaires.

60      En effet, il suffit de rappeler que le régime communautaire des marques est un système juridique autonome poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Par conséquent, le caractère enregistrable ou protégeable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente. Dès lors, l’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue dans un État membre, voire dans un pays tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale. Tel est le cas même si une telle décision a été prise dans un pays appartenant à la zone linguistique dans laquelle la marque verbale en cause trouve son origine [voir arrêts du Tribunal du 22 novembre 2011, LG Electronics/OHMI (DIRECT DRIVE), T‑561/10, non publié au Recueil, point 34, et la jurisprudence citée, et du 29 mars 2012, Kaltenbach & Voigt/OHMI (3D eXam), T‑242/11, non publié au Recueil, point 44].

61      En outre, l’argumentation de la requérante relative à la notoriété sur le marché espagnol de la marque nationale figurative R identique à la marque demandée, dont elle est propriétaire ne saurait prospérer.

62      D’une part, c’est la renommée de la marque antérieure qui doit être prise en compte pour apprécier si la similitude entre les produits désignés par deux marques est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion [voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 septembre 2009, Aceites del Sur-Coosur/Koipe, C‑498/07 P, Rec. p. I‑7371, point 84, et arrêt du Tribunal du 13 septembre 2011, Ruiz de la Prada de Sentmenat/OHMI – Quant (AGATHA RUIZ DE LA PRADA), T‑522/08, non publié au Recueil, point 64].

63      D’autre part, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort des points 19 et 20 ci-dessus, les preuves produites par la requérante en annexe 5 de la requête, visant à démontrer la notoriété sur le marché espagnol de sa marque nationale R, identique à la marque demandée, sont irrecevables.

64      Deuxièmement, la requérante fait valoir qu’elle utilise une marque nationale identique à la marque demandée, ainsi que d’autres marques comprenant la lettre majuscule « R », sur le marché espagnol depuis les années 60 et que ces marques coexistent avec la marque antérieure sans que cela ait donné lieu à une confusion.

65      Il suffit de relever que, devant la chambre de recours, la requérante n’a pas contesté la conclusion de la division d’opposition selon laquelle son argument sur la coexistence de marques nationales comprenant la lettre majuscule « R » et de la marque antérieure sur le marché espagnol ne pouvait prospérer faute de moyens convaincants et de preuves qui l’étayent. La requérante n’a pas soulevé d’argument relatif à la coexistence de ces marques devant la chambre de recours, qui ne s’est donc pas prononcée sur ce point.

66      Aux termes de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. En effet, il appartient au Tribunal, dans le cadre du présent litige, de contrôler la légalité des décisions des chambres de recours. Par conséquent, le contrôle exercé par le Tribunal ne peut aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 22 juin 2004, « Drie Mollen sinds 1818 »/OHMI – Nabeiro Silveria (Galáxia), T‑66/03, Rec. p. II‑1765, point 45]. De même, un requérant n’a pas le pouvoir de modifier devant le Tribunal les termes du litige, tels qu’ils résultaient des prétentions et des allégations avancées par lui-même et par l’intervenant [arrêts de la Cour du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec. p. I‑3569, point 43, et du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, Rec. p. I‑10053, point 122 ; arrêt du Tribunal du 28 juin 2012, Basile et I Marchi Italiani/OHMI – Osra (B. Antonio Basile 1952), T‑134/09, non publié au Recueil, point 15].

67      Dès lors, l’argument de la requérante relatif à la coexistence d’une marque nationale dont elle est propriétaire, identique à la marque demandée, et d’autres marques comprenant la lettre majuscule « R » avec la marque antérieure sur le marché espagnol est irrecevable.

68      Troisièmement, s’agissant des décisions des juridictions espagnoles invoquées par la requérante concernant des marques figuratives contenant une lettre de l’alphabet, il suffit de rappeler que le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [voir arrêt du Tribunal du 14 juin 2007, Europig/OHMI (EUROPIG), T‑207/06, Rec. p. II-1961, point 42, et la jurisprudence citée]. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente, et une décision nationale ne saurait en toute hypothèse remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

69      Enfin, s’agissant des décisions de la division d’opposition invoquées par la requérante relatives à des procédures d’opposition entre d’autres marques que les marques en conflit en l’espèce, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les décisions que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 207/2009, concernant l’enregistrement ou la protection d’un signe en tant que marque communautaire, relèvent de l’exercice d’une compétence liée. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, Rec. p. I‑7975, point 47, et arrêt du Tribunal du 29 septembre 2009, The Smiley Company/OHMI (Représentation de la moitié d’un sourire de smiley), T‑139/08, Rec. p. II‑3535, point 36].

70      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, et, partant, de rejeter le recours.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Repsol YPF, SA est condamnée aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 juin 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.