Language of document : ECLI:EU:T:2006:119

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

3 mai 2006 (*)

« Marque communautaire – Marque verbale EUROHYPO – Motifs absolus de refus – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 – Examen d’office des faits – Article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 – Recevabilité des éléments de fait soumis pour la première fois devant le Tribunal »

Dans l’affaire T-439/04,

Eurohypo AG, établie à Eschborn (Allemagne), représentée par Mes M. Kloth et C. Rohnke, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. A. von Mühlendahl et J. Weberndörfer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 6 août 2004 (affaire R 829/2002‑4), concernant l’enregistrement du signe verbal EUROHYPO comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme V. Tiili et M. O. Czúcz, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 novembre 2004,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 23 février 2005,

à la suite de l’audience du 26 octobre 2005,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 avril 2002, la Deutsche Hypothekenbank Frankfurt-Hamburg AG, depuis devenue Eurohypo AG, a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal EUROHYPO.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été sollicité relèvent de la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

« Affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières, services financiers, financements, analyses financières, investissements, assurances ».

4        Par décision du 30 août 2002, l’examinatrice a rejeté la demande en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94.

5        Le 30 septembre 2002, la requérante a introduit un recours contre la décision de l’examinatrice et l’a motivé dans un mémoire déposé le 30 décembre 2002.

6        Par décision du 6 août 2004 (ci-après « la décision attaquée »), la quatrième chambre de recours a partiellement fait droit au recours et a annulé la décision de l’examinatrice en ce qui concernait les services « analyses financières, investissements, assurances ». Le recours a en revanche été rejeté en ce qui concernait les autres services de la classe 36, c’est-à-dire les « affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières, services financiers, financements ». En substance, la chambre de recours a estimé que le signe verbal EUROHYPO était descriptif pour ces derniers services en visant l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Elle a ajouté que cela valait en tout cas dans les pays de langue allemande et que cela suffisait, en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, pour justifier un refus de protection. Elle a considéré en outre que les éléments « euro » et « hypo » comportaient une indication directement compréhensible des caractéristiques des cinq services susmentionnés et que l’association des deux éléments en un seul mot ne rendait pas la marque moins descriptive.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, pour autant qu’elle a rejeté son recours ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        La requérante soulève deux moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 74, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 40/94 et de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 74, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

10      Selon la requérante, l’article 74, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 40/94, qui dispose que « l’[OHMI] procède à l’examen d’office des faits », implique que l’examen des faits doit être suffisamment approfondi pour que l’OHMI puisse déterminer avec certitude si les motifs visés à l’article 7 du règlement n° 40/94 font obstacle à l’enregistrement de la marque. L’OHMI n’aurait aucun pouvoir discrétionnaire en la matière et la décision d’enregistrement procéderait d’une compétence liée. Ainsi, lorsque les motifs de refus sont inexistants, le demandeur aurait un droit à l’enregistrement résultant du fait que la propriété intellectuelle, dont fait aussi partie le droit des marques, est un droit fondamental reconnu par l’article 17, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1) (ci-après la « Charte »).

11      En l’espèce, la chambre de recours se serait uniquement fondée sur sa conception des deux éléments constitutifs de la marque demandée, « euro » et « hypo », et cet examen n’aurait pas été exhaustif, de sorte qu’il n’aurait pas permis d’apprécier correctement la perception par le public du signe verbal EUROHYPO.

12      En outre, la décision attaquée se limiterait à des constatations concernant les éléments séparés « euro » et « hypo », mais ne comporterait aucune constatation de fait sur le caractère descriptif de la dénomination globale « eurohypo ». Selon la requérante, si la chambre de recours avait effectué une recherche sur Internet, elle aurait constaté qu’il n’existait aucune occurrence de cette dénomination globale utilisée comme une désignation descriptive, mais que toutes les occurrences de cette dénomination renvoyaient à son entreprise. Elle produit, en annexe à la requête, les 100 premiers résultats relatifs au terme « eurohypo » sur les 10 000 trouvés sur Internet afin de prouver que ce signe n’est pas employé comme une description des services financiers en cause.

13      Par ailleurs, l’OHMI n’aurait pas non plus établi que le public concerné ne verrait pas dans la marque EUROHYPO une indication de provenance.

14      Selon l’OHMI, l’article 74, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 40/94 ne spécifie nullement la manière dont il doit procéder à l’examen des faits. Dans le cas de marques verbales, l’OHMI devrait prendre en considération la compréhension habituelle du terme par le public ou une partie du public auquel la marque s’adresse, sans qu’il soit nécessaire de procéder à un examen plus approfondi si le caractère enregistrable de la marque peut être exclu, compte tenu de la compréhension habituelle du terme en cause. Cela aurait manifestement été le cas en l’espèce.

15      De plus, le droit de propriété intellectuelle issu de la Charte ne serait pas un droit absolu et les motifs de refus d’enregistrement énoncés à l’article 7 du règlement n° 40/94 constitueraient des limitations apportées à ce droit.

 Appréciation du Tribunal

16      La requérante allègue, en substance, que la décision attaquée viole l’article 74, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 40/94, aux termes duquel « [a]u cours de la procédure, l’[OHMI] procède à l’examen d’office des faits », parce que l’examen des faits auquel la chambre de recours a procédé n’aurait pas été exhaustif.

17      Selon la jurisprudence, l’examen effectué par l’autorité compétente en matière de marques doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Ainsi, il convient, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, de s’assurer que les marques dont l’usage pourrait être contesté avec succès devant les juridictions ne soient pas enregistrées [voir, s’agissant de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), arrêt de la Cour du 6 mai 2003, Libertel, C‑104/01, Rec. p. I‑3793, point 59, et la jurisprudence citée].

18      Cependant, l’article 74, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 40/94 ne précise pas de quelle manière l’OHMI doit procéder à l’examen des faits.

19      Par ailleurs, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur la base de la réglementation communautaire pertinente, telle qu’interprétée par le juge communautaire. Dès lors, il suffit que la chambre de recours ait appliqué le critère du caractère descriptif, tel qu’interprété par la jurisprudence, pour prendre sa décision sans qu’elle ait à se justifier par la production d’éléments de preuve [arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Telepharmacy Solutions/OHMI (TELEPHARMACY SOLUTIONS), T‑289/02, non encore publié au Recueil, point 54, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, non encore publié au Recueil, point 34].

20      En l’espèce, la chambre de recours a analysé la signification des éléments « euro » et « hypo » pour le consommateur allemand ainsi que les significations possibles du terme composé « eurohypo » (points 13 à 16 de la décision attaquée). La constatation de l’absence de références à des recherches supplémentaires dans la motivation de la décision attaquée, comme un exposé des résultats d’une recherche sur des sites internet, ne saurait suffire pour établir que la chambre de recours a substitué sa propre interprétation du terme en cause à celle du public concerné. Le fait que la chambre de recours, ayant atteint un degré de conviction suffisant quant au caractère descriptif des éléments « euro » et « hypo » et du terme « eurohypo » pour conclure au refus d’enregistrement, ait choisi de ne pas faire de recherches supplémentaires n’est pas contraire à l’article 74, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 40/94.

21      En outre, quant au caractère fondamental du droit de propriété intellectuelle, tel qu’il ressort, selon la requérante, de l’article 17, paragraphe 2, de la Charte qui énonce que « [l]a propriété intellectuelle est protégée », il suffit de constater que ce droit n’est pas absolu et que la marque communautaire existe notamment dans les limites posées par l’article 4, combiné avec les articles 7 et 8 du règlement n° 40/94.

22      Par ailleurs, quant aux résultats d’une recherche sur Internet produits par la requérante à l’annexe de la requête, il y a lieu de rappeler que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière de preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, des éléments de fait invoqués devant le Tribunal sans avoir été portés auparavant devant l’une des instances de l’OHMI doivent être écartés [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 mars 2003, Alcon/OHMI – Dr. Robert Winzer Pharma (BSS), T‑237/01, Rec. p. II‑411, points 61 et 62, confirmé sur pourvoi par l’ordonnance de la Cour du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, Rec. p. I‑8993 ; arrêts du Tribunal du 6 mars 2003, DaimlerChrysler/OHMI (Calandre), T‑128/01, Rec. p. II‑701, point 18 ; du 3 juillet 2003, Alejandro/OHMI – Anheuser-Busch (BUDMEN), T‑129/01, Rec. p. II‑2251, point 67 ; du 4 novembre 2003, Díaz/OHMI – Granjas Castelló (CASTILLO), T‑85/02, Rec. p. II‑4835, point 46, et du 1er février 2005, SPAG/OHMI OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, non encore publié au Recueil, point 20].

23      Enfin, les arguments de la requérante qui concernent l’appréciation faite par la chambre de recours de l’opinion du public concerné quant au caractère descriptif ou distinctif du signe verbal EUROHYPO sont dirigés contre le bien-fondé des motifs de la décision attaquée. Il convient donc de les analyser dans le cadre de l’examen du second moyen.

24      Il découle de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

25      À titre préliminaire, la requérante fait observer que la chambre de recours a fondé sa décision de rejet uniquement sur l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

26      Selon la requérante, la chambre de recours a considéré à juste titre que les éléments « euro » et « hypo » pouvaient susciter des associations avec la monnaie européenne et avec le mot « Hypothek » (hypothèque), mais a méconnu les autres significations possibles de ces deux éléments. Ainsi, « euro » ne désignerait pas uniquement la devise de l’Union européenne, mais serait aussi l’abréviation du terme « Europe », comme dans le nom de l’avion « Euro-fighter » ou dans la raison sociale d’une des sociétés de la requérante, « Eurohypo Europäische Hypothekenbank der Deutschen Bank AG ». L’élément « hypo » ne serait pas forcément rattaché au terme « Hypothek », mais viendrait du grec, comme en témoigneraient les termes allemands « Hypothese » (hypothèse), « Hypotenuse » (hypoténuse), « Hypochonder » (hypocondriaque) ou « Hypozentrum » (hypocentre). Par ailleurs, la forme plus courante d'une charge réelle grevant un bien foncier serait la « Grundschuld » (dette foncière). L’abréviation « hypo » ne serait pas habituelle pour le public allemand, contrairement à d’autres abréviations telles que « Disco » pour « Discothek » (discothèque) ou « Auto » pour « Automobil » (automobile).

27      La requérante allègue, en outre, que le signe verbal EUROHYPO, envisagé dans son ensemble, ne constitue pas une description des services pour lesquels l’enregistrement a été rejeté. Le signe verbal EUROHYPO ne serait pas utilisé couramment dans la langue allemande pour décrire des services financiers et la recherche sur Internet mentionnée au point 12 ci-dessus démontrerait le caractère inhabituel de l’utilisation de ce mot dans un sens descriptif.

28      Les principes dégagés dans l’arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI (C‑383/99 P, Rec. p. I‑6251, ci-après l’« arrêt BABY-DRY »), seraient entièrement applicables en l’espèce, car le terme « eurohypo » constituerait une « invention lexicale » et non une dénomination usuelle pour les services financiers en cause. En outre, l’absence de tiret entre les éléments « euro » et « hypo » accentuerait la fusion graphique des deux éléments pour former une combinaison de mots très particulière.

29      Le fait que de nombreuses autres banques utilisent l’élément « hypo » dans leur dénomination sociale serait un indice que les combinaisons de termes comprenant l’élément « hypo » auraient pour fonction de désigner l’origine commerciale, en particulier dans le domaine des services financiers en cause. Le signe verbal EUROHYPO aurait donc l’aptitude requise pour être compris comme une indication de la provenance commerciale de ces services.

30      La requérante souligne encore que, pour apprécier si une marque possède un caractère distinctif, il convient d’examiner l’usage qui en a été fait. En raison de l’utilisation intensive du signe EUROHYPO dans le domaine des services en cause et de sa forte présence dans les média, le public concerné se serait habitué à l’emploi de ce signe, lequel aurait donc acquis le caractère distinctif requis en vue de son enregistrement comme marque. Pour illustrer l’utilisation intensive du terme « eurohypo », la requérante produit à l’annexe de la requête, outre les pièces mentionnées au point 12 ci-dessus, le rapport d’activité de son groupe pour l’année 2003, un rapport sur les banques hypothécaires ainsi que des informations tirées de son site Internet.

31      De plus, l’aptitude à l’enregistrement du signe verbal EUROHYPO serait confirmée par l’enregistrement de la marque verbale suisse n° 03932/2002 EUROHYPO et de la marque verbale internationale n° 638974 EUROHYPO, dont la protection s’étendrait à l’Allemagne, à l’Autriche et à la Suisse, ce qui correspondrait à la totalité de l’espace linguistique allemand.

32      Selon l’OHMI, la chambre de recours s’est bien fondée, pour rejeter la demande de la marque EUROHYPO pour les services en cause, sur les dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94, ces deux dispositions étant expressément mentionnées dans la décision attaquée et leur application ressortant également de son contenu. D’ailleurs, la requérante aborderait séparément les deux motifs de refus dans la requête.

33      L’OHMI soutient que le public perçoit l’élément « euro » comme la devise de l’Union européenne et que cet élément resterait descriptif, même si on lui prêtait le sens « Europe », car il donnerait une indication du territoire sur lequel les services sont fournis. De même, l’élément « hypo » serait perçu, par le public, comme l’abréviation du mot « hypothèque ». Toute autre signification de l’élément « hypo » avancée par la requérante serait sans pertinence, car dépourvue de lien avec les services financiers concernés. L’ambiguïté des termes « euro » et « hypo », telle qu’alléguée par la requérante, serait également sans conséquence.

34      Pour démontrer que l’élément « hypo » est une abréviation usuelle, l’OHMI produit à l’annexe du mémoire en réponse les résultats d’une recherche sur Internet, qui seraient recevables, car la requérante disposait déjà, au vu des considérations figurant dans la décision attaquée, de toutes les indications utiles pour comprendre ladite décision et en contester la légalité devant le Tribunal [arrêts du Tribunal du 9 octobre 2002, KWS Saat/OHMI (Nuance d’orange), T‑173/00, Rec. p. II‑3843, points 56 et suivants, et du 31 mars 2004, Fieldturf/OHMI (LOOKS LIKE GRASS... FEELS LIKE GRASS... PLAYS LIKE GRASS), T‑216/02, Rec. p. II‑1023, point 41].

35      La chambre de recours aurait aussi constaté à juste titre que l’association des deux éléments « euro » et « hypo » ne rendait pas l’expression d’ensemble moins descriptive. Elle décrirait pour le consommateur moyen, en rapport avec les services concernés, l’offre relative au financement ou à la gestion de prêts hypothécaires payés dans la devise de l’espace monétaire européen.

36      Par ailleurs, l’OHMI précise que les faits de l’arrêt BABY-DRY étaient très différents du cas d’espèce, car, dans cette affaire, il s’agissait d’une association inhabituelle de mots. En revanche, la jurisprudence concernant des demandes d’enregistrement de marques composées du préfixe « euro » serait particulièrement pertinente et confirmerait la pratique de l’OHMI consistant à considérer l’élément « euro » comme étant doté d’un caractère descriptif et non distinctif [arrêt du Tribunal du 7 juin 2001, DKV/OHMI (EuroHealth), T‑359/99, Rec. p. II‑1645, point 27].

37      L’OHMI rappelle qu’une marque verbale qui est descriptive des caractéristiques des produits ou des services concernés, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 est, de ce fait, nécessairement dépourvue de caractère distinctif au regard de ces mêmes produits ou services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement (arrêt TELEPHARMACY SOLUTIONS, point 19 supra, point 24).

38      Quant au caractère distinctif de la marque, le signe EUROHYPO dans son ensemble ne serait pas apte à distinguer, dans l’esprit du public concerné, les services de la requérante de ceux d’autres entreprises, du fait qu’il constituerait une formation ordinaire de mots, composée de deux indications descriptives et dépourvue de surcroît de fantaisie.

39      En ce qui concerne l’utilisation intensive de la marque, l’OHMI fait remarquer que, si la requérante veut ainsi invoquer le caractère distinctif acquis par l’usage en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, il convient de relever que cet argument n’a pas été soulevé en temps utile, seule une mention générale de la position de la requérante sur le marché ayant été faite au cours de la procédure devant l’OHMI sans qu’aucun élément ne vienne établir celle-ci. Les nombreux documents présentés pour la première fois dans le cadre du recours en vue de démontrer l’intensité de l’usage de la marque ne pourraient pas être pris en compte par le Tribunal.

40      Enfin, quant aux enregistrements nationaux antérieurs, la requérante ne les aurait pas fait valoir devant l’examinatrice ni devant la chambre de recours. Par ailleurs, l’OHMI rappelle que le droit communautaire des marques constitue une réglementation autonome et que les enregistrements nationaux constituent, au mieux, des indices de l’absence de motifs de refus à l’enregistrement dans les territoires concernés.

 Appréciation du Tribunal

41      Il convient de relever que, contrairement à ce que prétend l’OHMI, il ressort des points 12 et suivants de la décision attaquée que la décision de rejet de la demande d’enregistrement du signe verbal EUROHYPO pour les services « affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières, services financiers, financements » vise uniquement l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Toutefois, l’analyse effectuée aux points 13 à 16 qui sous-tend ladite décision de rejet concerne le caractère descriptif du signe verbal EUROHYPO.

42      Il est de jurisprudence constante que chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 est indépendant et exige un examen séparé. En outre, il convient d’interpréter lesdits motifs de refus à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’entre eux. L’intérêt général pris en considération doit refléter des considérations différentes selon le motif de refus en cause (voir arrêt de la Cour du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, Rec. p. I‑8317, point 25, et la jurisprudence citée).

43      Cependant, il existe un chevauchement évident des champs d’application respectifs des motifs énoncés sous b) à d) de ladite disposition (voir arrêt TELEPHARMACY SOLUTIONS, point 19 supra, point 23, et la jurisprudence citée).

44      Il ressort aussi de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal qu’une marque verbale qui est descriptive des caractéristiques des produits ou des services concernés, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, est, de ce fait, nécessairement dépourvue de caractère distinctif au regard de ces mêmes produits ou services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement (arrêts de la Cour du 12 février 2004, Campina Melkunie, C‑265/00, Rec. p. I‑1699, point 19, et Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, Rec. p. I‑1619, point 86 ; arrêt TELEPHARMACY SOLUTIONS, point 19 supra, point 24).

45      En l’espèce, l’appréciation de la légalité de la décision attaquée implique de vérifier si la chambre de recours a démontré que le signe verbal EUROHYPO était descriptif des services « affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières, services financiers, financements » relevant de la classe 36. Si tel est le cas, le refus d’enregistrement procède d’une juste application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en même temps qu’il procède d’une juste application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement et la décision attaquée doit être confirmée. Si, au contraire, le signe en cause n’est pas descriptif des services visés par la demande d’enregistrement, il convient de vérifier si la chambre de recours a avancé d’autres motifs pour considérer que le signe demandé était dépourvu de caractère distinctif.

46      Il est de jurisprudence constante que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être portée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public ciblé [arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, DaimlerChrysler/OHMI (CARCARD), T‑356/00, Rec. p. II‑1963, point 25].

47      En l’espèce, les services pour lesquels l’enregistrement a été refusé relèvent tous du domaine financier et se définissent comme des « affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières, services financiers, financements ».

48      Quant au public ciblé, la chambre de recours a considéré qu’il s’agissait du consommateur moyen. Les services en cause étant des services financiers destinés à l’ensemble des consommateurs, il y a lieu de confirmer cette analyse, que la requérante ne conteste d’ailleurs pas. Le motif absolu de refus n’ayant été soulevé que par rapport à une des langues parlées dans l’Union européenne, à savoir l’allemand, il y a lieu de considérer que le public pertinent par rapport auquel il faut apprécier le caractère descriptif de la marque est le consommateur moyen germanophone.

49      La chambre de recours a analysé la signification des éléments « euro » et « hypo » pour le public concerné au point 13 de la décision attaquée et a conclu, pour chacun des éléments, qu’il était descriptif des services en cause.

50      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’un signe verbal est descriptif si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou services concernés (arrêt de la Cour du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, Rec. p. I‑12447, point 32, et arrêt PAPERLAB, point 19 supra, point 34).

51      En premier lieu, le Tribunal constate que c’est à juste titre que la chambre de recours a relevé que le public concerné percevait l’élément « euro », dans le domaine financier, comme la devise ayant cours au sein de l’Union européenne et décrivant cet espace monétaire. Cet élément désigne donc, au moins en une de ses significations potentielles, une caractéristique des services financiers en cause. Le fait que l’élément « euro » peut, comme l’allègue la requérante, aussi être compris comme l’abréviation du mot « Europe » n’affecte pas cette conclusion.

52      En outre, la chambre de recours a retenu à bon droit que, dans le cadre de services financiers, l’élément « hypo » était compris par le consommateur moyen comme une abréviation du terme « hypothèque ». Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que, comme l’allègue la requérante, ce terme peut avoir d’autres significations dans le domaine médical ou en grec ancien. L’hypothèque étant une sûreté classique dans le domaine financier, notamment dans le domaine immobilier, la chambre de recours pouvait valablement considérer que l’élément « hypo » désignait en une de ses significations potentielles une caractéristique des services financiers en cause pour le consommateur moyen de langue allemande. À cet égard, l’argument de la requérante selon lequel la forme plus courante d'une charge réelle grevant un bien foncier est la « Grundschuld » est inopérant, car il n’exclut pas que l’élément « hypo » évoque pour le consommateur moyen de langue allemande une hypothèque.

53      Dans ce contexte, il y a lieu néanmoins de déclarer irrecevables les pièces contenant les résultats de la recherche sur Internet produites par l’OHMI à l’annexe du mémoire en réponse. Ainsi qu’il a été relevé au point 22 ci-dessus concernant les résultats d’une recherche sur Internet produite par la requérante à l’annexe de la requête, des éléments de fait invoqués devant le Tribunal sans avoir été portés auparavant devant l’une des instances de l’OHMI doivent être écartés. Il y a lieu de rejeter à cet égard l’argument de l’OHMI selon lequel ces éléments de preuve seraient recevables, car la requérante disposait déjà, au vu des considérations figurant dans la décision attaquée, de toutes les indications utiles pour comprendre ladite décision et en contester la légalité devant le Tribunal. En effet, les arrêts Nuance d’orange et LOOKS LIKE GRASS... FEELS LIKE GRASS... PLAYS LIKE GRASS invoqués par l’OHMI concernaient la question de savoir si le fait, pour une chambre de recours, d’avoir omis de communiquer à une partie les résultats d’une recherche sur Internet évoquée dans sa décision constituait une violation de l’article 73 du règlement nº 40/94. La solution dégagée dans ces arrêts ne saurait donc être transposée, car, en l’espèce, l’OHMI produit des éléments de preuve devant le Tribunal qui n’ont pas été pris en considération par la chambre de recours.

54      Le signe verbal EUROHYPO étant un mot composé, il y a lieu encore d’apprécier si le caractère descriptif, constaté pour les éléments qui le composent, existe aussi pour le mot composé lui-même. En effet, il ressort de la jurisprudence qu’une marque constituée d’un mot composé d’éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou de ces services, sauf s’il existe un écart perceptible entre le mot et la simple somme des éléments qui le composent, ce qui suppose soit que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le mot crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en sorte qu’il prime la somme desdits éléments, soit que le mot est entré dans le langage courant et y a acquis une signification qui lui est propre, en sorte qu’il est désormais autonome par rapport aux éléments qui le composent. Dans ce dernier cas, il y a alors lieu de vérifier si le mot qui a acquis une signification propre n’est pas lui-même descriptif (voir, par analogie, arrêt Koninklijke KPN Nederland, point 44 supra, point 104).

55      En l’espèce, d’une part, le signe verbal EUROHYPO est une simple combinaison de deux éléments descriptifs qui ne crée pas d’impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des éléments qui le composent pour primer sur la somme desdits éléments. D’autre part, la requérante n’a pas démontré que ce mot composé était entré dans le langage courant et qu’il y avait acquis une signification propre. Elle allègue, au contraire, que le signe verbal EUROHYPO n’est pas entré dans l’usage courant de la langue allemande pour décrire des services financiers.

56      Par ailleurs, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la solution dégagée dans l’arrêt BABY-DRY ne saurait être transposée en l’espèce. Le syntagme en cause dans cette affaire était une invention lexicale qui était inhabituelle dans sa structure, ce qui n’est pas le cas du signe verbal EUROHYPO.

57      La chambre de recours a donc légalement considéré que le signe verbal EUROHYPO était descriptif des services « affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières, services financiers et financements » compris dans la classe 36 et était, de ce fait, dépourvu de caractère distinctif. Il s’ensuit que, conformément à ce qui a été énoncé au point 45 ci-dessus, il n’y a pas lieu d’examiner si la chambre de recours a avancé d’autres motifs pour considérer que le signe demandé était dépourvu de caractère distinctif.

58      Quant au grief tiré de l’usage intensif de la marque, la requérante ayant confirmé à l’audience qu’il avait été invoqué pour la première fois devant le Tribunal, il y a lieu de le déclarer irrecevable, ainsi que les pièces produites à son appui (voir point 30 ci-dessus), en application de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure selon lequel les mémoires des parties ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Les arguments tirés des enregistrements nationaux du signe verbal EUROHYPO en Allemagne, en Autriche et en Suisse, également invoqués pour la première fois devant le Tribunal, doivent être déclarés irrecevables pour les mêmes motifs. Au surplus, le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêt du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47].

59      Il résulte de tout ce qui précède que le second moyen de la requérante, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, doit être rejeté.

60      Par conséquent, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée aux dépens.

Jaeger

Tiili

Czúcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mai 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’allemand.