Language of document : ECLI:EU:T:2005:430

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

29 novembre 2005 (*)

« Concurrence – Article 81 CE – Entente – Marché du phosphate de zinc – Amende – Article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 – Gravité et durée de l’infraction – Principes de proportionnalité et d’égalité de traitement – Recours en annulation »

Dans l’affaire T-62/02,

Union Pigments AS, anciennement Waardals AS, établie à Bergen (Norvège), représentée par Mes J. Magne Langseth et T. Olavson Laake, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. F. Castillo de la Torre, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2003/437/CE de la Commission, du 11 décembre 2001, relative à une procédure engagée au titre de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-1/37.027 – Phosphate de zinc) (JO 2003, L 153, p. 1), ou, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende imposée à la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de Mme P. Lindh, président, MM. R. García-Valdecasas et J. D. Cooke, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 juillet 2004,

rend le présent

Arrêt

 Faits

1        Union Pigments AS (anciennement Waardals AS, ci-après la « requérante » ou « Union Pigments »), société de droit norvégien, produit du phosphate de zinc et des qualités modifiées de phosphate de zinc. En 2000, son chiffre d’affaires mondial était de 7,09 millions d’euros.

2        Bien que leurs formules chimiques puissent varier légèrement, les orthophosphates de zinc constituent un produit chimique homogène, désigné par l’appellation générique « phosphate de zinc ». Le phosphate de zinc, obtenu à partir de l’oxyde de zinc et de l’acide phosphorique, est fréquemment utilisé comme pigment minéral anticorrosion dans l’industrie de la peinture. Il est commercialisé sur le marché soit en tant que phosphate de zinc standard, soit en tant que phosphate de zinc modifié ou « activé ».

3        En 2001, la plus grosse partie du marché mondial de phosphate de zinc était détenue par les cinq producteurs européens suivants : Dr. Hans Heubach GmbH & Co. KG (ci-après « Heubach »), James M. Brown Ltd (ci-après « James Brown »), Société nouvelle des couleurs zinciques SA (ci-après la « SNCZ »), Trident Alloys Ltd (ci-après « Trident ») (anciennement Britannia Alloys & Chemicals Ltd, ci-après « Britannia ») et Union Pigments. Entre 1994 et 1998, la valeur du marché du phosphate de zinc standard s’élevait à environ 22 millions d’euros par an au niveau mondial et à environ 15 à 16 millions d’euros par an au niveau de l’Espace économique européen (EEE). Dans l’EEE, Heubach, la SNCZ, Trident (anciennement Britannia) et Union Pigments détenaient des parts du marché du phosphate de zinc standard assez similaires, de l’ordre de 20 %. James Brown détenait une part de marché nettement inférieure. Les acheteurs de phosphate de zinc sont les grands fabricants de peinture. Le marché de la peinture est dominé par quelques groupes chimiques multinationaux.

4        Les 13 et 14 mai 1998, la Commission a procédé, simultanément et sans préavis, à des vérifications dans les locaux de Heubach, de la SNCZ et de Trident, en vertu de l’article 14, paragraphe 2, du règlement nº 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204). Du 13 au 15 mai 1998, agissant à la suite d’une demande de la Commission en application de l’article 8, paragraphe 3, du protocole 23 de l’accord EEE, l’Autorité de surveillance de l’Association européenne de libre-échange (AELE) a procédé, simultanément et sans préavis, à des vérifications dans les locaux d’Union Pigments, en vertu de l’article 14, paragraphe 2, du chapitre II du protocole 4 de l’accord entre les États de l’AELE relatif à l’institution d’une Autorité de surveillance et d’une Cour de justice.

5        Lors de la procédure administrative, Union Pigments et Trident ont informé la Commission de leur intention de coopérer pleinement avec elle, conformément à la communication du 18 juillet 1996 de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur les ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération ») et ont chacune fait des déclarations au sujet de l’entente (ci-après la « déclaration de Union Pigments » et la « déclaration de Trident »).

6        Le 2 août 2000, la Commission a adopté une communication des griefs à l’encontre des entreprises destinataires de la décision qui fait l’objet du présent recours (voir point 7 ci-après), en ce compris la requérante.

7        Le 11 décembre 2001, la Commission a adopté la décision 2003/437/CE relative à une procédure engagée au titre de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-1/37.027 – Phosphate de zinc) (JO 2003, L 153, p. 1). La décision prise en considération aux fins du présent arrêt est celle qui a été notifiée aux entreprises concernées et qui est annexée à la requête (ci-après la « décision attaquée »). Cette décision est, sous certains aspects, différente de celle qui a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne.

8        Dans la décision attaquée, la Commission indique qu’une entente réunissant Britannia (Trident à compter du 15 mars 1997), Heubach, James Brown, la SNCZ et Union Pigments a existé entre le 24 mars 1994 et le 13 mai 1998. L’entente se serait limitée au phosphate de zinc standard. Premièrement, les membres de l’entente auraient mis en place un accord de partage du marché avec des quotas de vente pour les producteurs. Deuxièmement, ils auraient fixé des prix « planchers » ou « recommandés » à chaque réunion et les auraient généralement suivis. Troisièmement, il y aurait eu, dans une certaine mesure, répartition des clients.

9        Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

Britannia […], […] Hans Heubach […], James […] Brown […], [la SNCZ], Trident […] et [Union Pigments] ont enfreint les dispositions de l’article 81, paragraphe 1, du traité et de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, en participant à un accord continu et/ou une pratique concertée dans le secteur du phosphate de zinc.

La durée de l’infraction a été la suivante :

a)      en ce qui concerne […] Heubach […], James […] Brown […], [la SNCZ] et [Union Pigments] : du 24 mars 1994 au 13 mai 1998 ;

b)      en ce qui concerne Britannia […] : du 24 mars 1994 au 15 mars 1997 ;

c)      en ce qui concerne Trident […] : du 15 mars 1997 au 13 mai 1998.

[…]

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er :

a)      Britannia […] : 3,37 millions d’euros ;

b)      […] Heubach […] : 3,78 millions d’euros ;

c)      James […] Brown […] : 940 000 euros ;

d)      [la SNCZ]: 1,53 million d’euros ;

e)      Trident […]: 1,98 million d’euros ;

f)      [Union Pigments] : 350 000 euros.

[…] »

10      Pour le calcul du montant des amendes, la Commission a mis en œuvre la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices ») et la communication sur la coopération.

11      Ainsi, la Commission a, tout d’abord, fixé un « montant de base », et ce en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction (voir considérants 261 à 313 de la décision attaquée).

12      S’agissant du premier facteur, elle a considéré que l’infraction devait être qualifiée de « très grave », et ce eu égard à la nature du comportement en cause, aux effets réels de celui-ci sur le marché du phosphate de zinc et au fait qu’il avait couvert l’ensemble du marché commun et, après sa création, l’ensemble de l’EEE (considérant 300 de la décision attaquée). Indépendamment de la nature très grave de l’infraction, la Commission a expliqué qu’elle prendrait en considération la taille limitée du marché en cause (considérant 303 de la décision attaquée).

13      La Commission a appliqué un « traitement différencié » aux entreprises concernées afin, d’une part, de tenir compte de la capacité économique effective de celles-ci à porter un préjudice important à la concurrence et, d’autre part, de fixer l’amende à un niveau garantissant un effet dissuasif suffisant (considérant 304 de la décision attaquée). À cette fin, elle a réparti les entreprises concernées en deux catégories, en fonction de leur « importance relative sur le marché en cause ». Elle s’est ainsi appuyée sur le chiffre d’affaires réalisé dans l’EEE au cours de la dernière année de l’infraction avec la vente du produit concerné par chacune de ces entreprises et a tenu compte du fait que la requérante, Britannia (Trident à compte du 15 mars 1997), Heubach et la SNCZ étaient « les principaux producteurs de phosphate de zinc dans l’EEE, avec des parts de marché assez similaires, supérieures ou aux alentours de 20 % » (considérants 307 et 308 de la décision attaquée). La requérante a été classée, ainsi que Britannia, Heubach, la SNCZ et Trident, dans la première catégorie (« point de départ » de 3 millions d’euros). James Brown, dont la part du marché était « nettement inférieure », a été classée dans la seconde catégorie (« point de départ » de 750 000 euros) (considérants 308 et 309 de la décision attaquée).

14      S’agissant du facteur relatif à la durée, la Commission a considéré que l’infraction imputable à la requérante était de « moyenne » durée, s’étant étendue du 24 mars 1994 au 13 mai 1998 (considérant 310 de la décision attaquée). Elle a, en conséquence, augmenté de 40 % le point de départ de la requérante, arrivant ainsi à un « montant de base » de 4,2 millions d’euros (considérants 310 et 313 de la décision attaquée).

15      Ensuite, la Commission a estimé qu’il n’y avait pas lieu de retenir des circonstances aggravantes ou atténuantes en l’espèce (considérants 314 à 336 de la décision attaquée). Elle a, en outre, rejeté les arguments tirés du « mauvais contexte économique » dans lequel l’entente avait eu lieu et des caractéristiques spécifiques des entreprises concernées (considérants 337 à 343 de la décision attaquée). La Commission, a, dès lors, fixé à 4,2 millions d’euros le montant de l’amende « avant application de la communication sur [la coopération] » pour ce qui est de la requérante (considérant 344 de la décision attaquée).

16      Par ailleurs, la Commission a rappelé la limite que, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, l’amende à imposer à chacune des entreprises concernées ne pouvait dépasser. Ainsi, le montant de l’amende avant application de la communication sur la coopération de la requérante a été réduit à 700 000 euros et celui de la SNCZ à 1,7 million d’euros. Les montants de l’amende avant application de la communication sur la coopération des autres entreprises n’ont pas été affectés par ce plafond (considérant 345 de la décision attaquée).

17      Enfin, la Commission a consenti à la requérante une réduction de 50 % au titre de la communication sur la coopération eu égard au fait qu’elle avait fourni à la Commission des informations détaillées concernant les activités de l’entente (considérants 354 à 356 de la décision attaquée). Le montant final de l’amende infligée à la requérante s’est ainsi élevé à 350 000 euros (considérant 370 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er mars 2002, la requérante a introduit le présent recours.

19      Par requête déposée au greffe le même jour, la requérante a introduit une demande en référé visant à ce que soit ordonné le sursis à l’exécution de l’article 3, sous f), et de l’article 4 de la décision attaquée en ce qu’ils lui infligent une amende.

20      Les parties s’étant accordées sur la solution à donner au litige en référé, le président du Tribunal a, par ordonnance du 1er juillet 2002, Waardals/Commission (T‑62/02 R, non publiée au Recueil), ordonné la radiation de l’affaire en référé du registre et a réservé les dépens.

21      Par lettre du 18 novembre 2003, la Commission a informé le Tribunal que Union Pigments faisait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire et qu’elle supposait qu’elle se désisterait de son recours. En réponse à une question du Tribunal, l’administrateur judiciaire de Union Pigments a indiqué, par lettre du 12 décembre 2003, que cette dernière société avait fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire en juin 2003, mais qu’il avait autorisé les avocats de Union Pigments à poursuivre la procédure.

22      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, au titre des mesures d’organisation de la procédure, a invité la Commission à produire certains documents et à répondre à certaines questions écrites. Celle-ci a déféré à ces demandes.

23      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 2 juillet 2004.

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler ou réformer l’article 1er de la décision attaquée en ce qui concerne la durée de l’infraction qui lui a été imputée ;

–        annuler l’article 3, sous f), de la décision attaquée ou réduire le montant de l’amende ;

–        accéder à sa demande de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction, et, notamment, procéder à la citation et à l’audition de témoins, et lui accorder l’accès au rapport de l’audition du 17 janvier 2001 établi par la Commission ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

26      La requérante invoque deux moyens à l’appui de son recours. Le premier est tiré d’erreurs d’appréciation des faits et des éléments de preuve dans l’application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et, le second, d’un calcul erroné du montant de l’amende ainsi que de la violation de principes généraux.

1.      Sur le premier moyen, tiré d’erreurs d’appréciation des faits et des éléments de preuve dans l’application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17

27      La requérante fait valoir que le calcul du montant de l’amende effectué par la Commission repose sur une appréciation erronée des faits et des éléments de preuve. La Commission n’aurait pas suffisamment tenu compte des observations formulées par la requérante à propos des circonstances de la cause et de sa participation à l’entente. Elle reproche à la Commission d’avoir limité l’affaire tant dans le temps qu’en ce qui concerne les faits. Cette approche n’aurait pas permis à la Commission de tenir compte de facteurs pouvant justifier, par exemple, une augmentation du montant de l’amende à infliger à certaines des entreprises concernées, en raison de la gravité de l’infraction et d’autres circonstances, et présenterait ainsi le désavantage de traiter de la même manière toutes ces entreprises et de réduire les possibilités pour la requérante de bénéficier d’une décision plus favorable.

28      Ce moyen se compose de deux branches, dans lesquelles la requérante fait valoir que :

–        la Commission a commis une erreur d’appréciation quant à la durée de sa participation à l’infraction et quant à son retrait de l’entente ;

–        la Commission a fait des erreurs d’appréciation des faits et des éléments de preuve concernant la requérante et son rôle dans l’entente.

 Sur la première branche, relative à la durée de la participation de la requérante à l’infraction et à son retrait de l’entente

 Arguments des parties

29      La requérante soutient que la Commission a commis une erreur d’appréciation quant à la durée de sa participation à l’infraction et à son retrait de celle-ci. Selon une jurisprudence constante, il appartiendrait à la Commission de prouver non seulement l’existence de l’entente, mais aussi sa durée (arrêts du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, Rec. p. II‑441, point 79, et du 13 décembre 2001, Acerinox/Commission, T‑48/98, Rec. p. II‑3859, point 55). La requérante rappelle que la Commission a constaté qu’elle avait participé à l’infraction du 24 mars 1994 au 13 mai 1998, soit durant quatre ans et un mois [décision attaquée, article 1er, sous a)]. La Commission, bien qu’elle ait constaté que la requérante s’était retirée momentanément de l’entente (considérant 125 de la décision attaquée), donnerait toutefois une impression inexacte de ce retrait en mettant en doute « qu’il ait eu lieu » (considérant 130 de la décision attaquée).

30      La requérante rappelle qu’elle a officiellement annoncé son retrait de l’entente par télécopie le 24 avril 1995 en réponse à un rappel envoyé par le conseil européen des fédérations de l’industrie chimique (ci-après le « CEFIC »), concernant les données statistiques pour le mois de mai, et que ce retrait a duré jusqu’au mois d’août 1995. Elle prétend que ledit retrait a duré de cinq à six mois, à savoir de mars 1995, mois pour lequel elle n’a communiqué aucun chiffre concernant le marché, jusqu’à la mi-août 1995. À titre subsidiaire, elle fait valoir qu’elle a pris la décision de se retirer de l’entente « immédiatement après la réunion [du 27 mars 1995] », et ce conformément aux conclusions de la note du 30 mars 1995.

31      La requérante estime que la Commission considère à tort que son retrait de l’entente était un acte dénué d’effets. Elle précise que, sans ses données, les statistiques préparées par le CEFIC ne pouvaient être correctes et qu’elles avaient donc moins de valeur pour l’entente. Elle ajoute qu’elle a obtenu une commande du client Tekno Winter (ci-après « Teknos ») auquel elle a livré un conteneur, après s’être retirée du club en avril 1995, et ce en dehors de l’accord de répartition mis en place par les autres membres de l’entente. En réponse à l’argument avancé par la Commission dans la décision attaquée et selon lequel ledit retrait ne démontre pas un comportement commercial totalement autonome, puisque le fait de savoir que l’entente fonctionnait toujours devait avoir eu une influence sur ses décisions commerciales, la requérante fait valoir que le fait qu’elle n’était plus soumise aux restrictions imposées par le cartel lui a permis d’agir au détriment de celui-ci. Le fait d’obtenir une commande de Teknos ne pourrait être considéré que comme la preuve d’un « comportement commercial totalement autonome ». Quant à l’argument de la Commission selon lequel il y a lieu de présumer que, sauf preuve contraire, une entreprise qui demeure active sur le marché tient compte des informations échangées avec ses concurrents pour déterminer son comportement sur ce marché, la requérante rétorque que la Commission ne peut pas avoir voulu dire qu’elle aurait dû se retirer du marché. Par ailleurs, la requérante prétend qu’elle n’aurait eu aucune raison d’accorder foi aux informations reçues ou d’agir en conséquence, parce que, d’une part, les prix recommandés n’étaient pas respectés dans les pays nordiques et les prix pratiqués étaient inférieurs aux coûts, « lesquels n’étaient, peut-on supposer, pas très inférieurs à ceux de la requérante », et que, d’autre part, les échanges d’informations ont effectivement cessé dès mars 1995.

32      Dans sa réplique, la requérante ajoute qu’elle ne s’est pas limitée à se comporter comme une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique plus ou moins indépendante sur le marché (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T‑327/94, Rec. p. II‑1373, point 142). En effet, elle aurait directement contrarié les effets anticoncurrentiels recherchés par les autres participants (arrêt SCA Holding/Commission, précité, point 143). Le principe de sécurité juridique imposerait à la Commission de prouver que la requérante a pris part à des pratiques restrictives de concurrence pendant cette période (arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Dansk Rørindustri/Commission, T‑21/99, Rec. p. II‑1681, point 62). Or, la Commission n’aurait pas rapporté une telle preuve en l’espèce. En conséquence, il y aurait lieu de conclure que la requérante n’a pas participé à l’entente pendant cette période. S’agissant de l’affirmation de la Commission selon laquelle le caractère continu de l’infraction aurait pu faire défaut si le retrait avait eu pour effet d’ôter toute utilité aux informations échangées, la requérante répond que tel est précisément le cas en l’espèce, puisque les informations échangées entre les autres participants ne présentaient aucune utilité en l’absence de données chiffrées provenant de sa part.

33      La requérante ajoute que la Commission donne une impression incorrecte de ce qui s’est passé lorsqu’elle qualifie son retrait de l’entente de « temporaire ». La requérante prétend que, lorsqu’elle s’est ainsi retirée, elle n’avait pas l’intention de le faire pour une courte période seulement. Le fait qu’elle ait obtenu une commande de Teknos en fournirait notamment la preuve.

34      La requérante fait valoir que la décision attaquée semble présupposer qu’elle a participé à la réunion de l’entente à Londres le 12 juin 1995. Or, lorsque la Commission soulève la question de savoir si elle a participé ou non à cette réunion, mais sans conclure sur ce point, elle fonde sa décision sur une appréciation incorrecte des faits et des éléments de preuve. La requérante rappelle qu’elle a informé la Commission, dans sa déclaration ainsi que dans sa réponse à la communication des griefs, d’une réunion qu’elle avait tenue avec un représentant de Heubach à Heathrow (Londres) le 12 juin 1995. L’objectif et l’ordre du jour de cette réunion n’auraient toutefois rien eu à voir avec l’entente. La requérante admet qu’une réunion du cartel ait pu avoir lieu à Heathrow le même jour, mais elle insiste sur le fait qu’elle n’y était pas présente. Elle considère qu’il ne saurait être spéculé sur les nombreuses raisons qui ont pu pousser Heubach à proposer ce lieu et cette date pour une réunion. Elle avance qu’elle a indiqué dans sa déclaration que Heubach a profité de cette réunion pour lui dire qu’elle devrait réintégrer le club, mais qu’elle a décliné l’invitation de prendre part à la réunion de celui-ci, ce qui a d’ailleurs conduit les autres participants à la considérer comme une « étrangère ».

35      Pour sa part, la Commission conteste que la requérante se soit effectivement retirée de l’entente et qu’elle ait erronément omis de prendre ce fait en considération (considérants 230 à 234 de la décision attaquée). Elle fait notamment valoir que le prétendu retrait de trois mois et six jours doit être apprécié à la lumière du fait que l’infraction en cause consistait en la participation à un accord et/ou une pratique concertée (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, points 164 et 173).

 Appréciation du Tribunal

36      Il ressort de la jurisprudence qu’il appartient à la Commission de prouver non seulement l’existence de l’entente, mais aussi sa durée (arrêts Acerinox/Commission, point 29 supra, point 55, et Dunlop Slazenger/Commission, point 29 supra, point 79). En l’espèce, il est constant que la requérante a participé à l’entente du 24 mars 1994 jusqu’en mars ou avril 1995, et du 1er août 1995 au 13 mai 1998. La requérante fait valoir qu’elle s’est retirée de l’entente du mois de mars 1995 jusqu’au 1er août 1995.

37      Le Tribunal constate qu’il existe effectivement des indices qui tendent à établir que la requérante s’est retirée de l’entente pendant une certaine période. Ainsi, en réponse à une demande du CEFIC de communiquer ses statistiques pour mars 1995, la requérante a indiqué, par télécopie du 24 avril 1995, qu’elle « se retirait du sous-groupe de l’association des producteurs de phosphate de zinc » et que, pour cette raison, elle ne transmettrait plus de statistiques. Cette réponse est conforme à la note interne écrite le 30 mars 1995 par le directeur des ventes aux autres membres de la direction de la requérante (ci-après la « note du 30 mars 1995 ») contenant la recommandation de se retirer de l’entente. De plus, il est constant que la requérante n’a pas communiqué ses statistiques aux autres entreprises concernées entre le 24 avril et le 1er août 1995.

38      Toutefois, le Tribunal considère que la Commission était en droit de conclure que la requérante a participé à l’entente, sans interruption effective, entre le 24 mars 1994 et le 13 mai 1998.

39      Selon la jurisprudence, le comportement du concurrent loyal se caractérise par la manière autonome dont il détermine la politique qu’il entend suivre sur le marché commun (arrêt Suiker Unie e.a./Commission, point 35 supra, point 173). Même en admettant que la requérante s’est abstenue de participer aux activités de l’entente de la fin du mois de mars 1995 jusqu’au 1er août 1995, il y a lieu de considérer qu’elle n’a pas repris de véritable politique autonome sur le marché au cours de cette brève période. Le bénéfice qu’elle tirait de l’accès aux statistiques des autres membres n’a pas cessé d’exister le jour où la requérante s’est retirée de l’entente. Il est permis de supposer qu’elle a tenu compte des informations déjà échangées avec ses concurrents, y compris lors de la réunion du 27 mars 1995, pour déterminer son comportement sur ce marché pendant son prétendu retrait (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 121, et Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 162). Il convient d’ajouter que la requérante admet que, en août 1995, elle s’est de nouveau jointe à l’entente, parce qu’elle avait un besoin urgent d’informations concernant le marché (point 67 de la déclaration de Union Pigments).

40      De plus, il doit être relevé que, lorsqu’elle s’est de nouveau jointe à l’entente, la requérante a fourni aux autres membres des statistiques qui couvraient rétroactivement l’ensemble de la période de son prétendu retrait. En conséquence, la décision de cesser de transmettre des statistiques n’a eu que des effets limités. Il y a lieu d’ajouter que la requérante n’a pas contesté que la part de marché qu’elle détenait en 1995 coïncidait avec celle convenue lors des réunions de l’entente.

41      La requérante fait valoir qu’elle a livré un conteneur à Teknos après qu’elle se soit retirée de l’entente, et ce en dehors de l’accord de répartition. Toutefois, la Commission était en droit de conclure que la requérante avait obtenu cette commande parce qu’elle avait agi sur la base des informations reçues dans le cadre des accords de l’entente (voir, en ce sens, la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus). Selon l’accord d’attribution de Teknos, aucun producteur autre que celui dont c’était le « tour de rôle » ne pouvait facturer un prix inférieur à celui fixé pour Teknos. Il est constant que la requérante a livré la commande concernée à Teknos en avril 1995 (considérant 230 de la décision attaquée). La Commission pouvait légitimement conclure que cette commande avait été obtenue par la requérante parce qu’elle connaissait le prix fixé lors de la réunion précédente, à savoir celle du 27 mars 1995. Le comportement de la requérante à cet égard constitue un exemple classique d’un participant à une entente exploitant celle-ci à son propre profit, circonstance dont il ne peut pas être tenu compte pour atténuer la responsabilité de ce participant (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Cascades/Commission, T‑308/94, Rec. p. II‑925, point 230).

42      Par ailleurs, il doit être observé que la requérante ne s’est pas retirée de l’entente pour dénoncer celle-ci à la Commission ou même pour reprendre un comportement de concurrence loyale et indépendant sur le marché en cause. Au contraire, il ressort de la note du 30 mars 1995 que la requérante a essayé d’utiliser son prétendu retrait pour mieux exploiter l’entente à son propre profit. Selon cette note, elle a considéré que les autres participants avaient mené une coopération interne au sein de l’entente et qu’ils avaient réparti des clients et des marchés à son détriment. Malgré une demande en ce sens faite par la requérante lors de la réunion de l’entente du 27 mars 1995, les autres participants n’étaient pas disposés à envisager un accroissement de sa part du marché. Ce fait est mentionné dans cette note comme une raison de se retirer de l’entente. Cette note établit également que la requérante envisageait expressément la possibilité de se joindre de nouveau à l’entente ultérieurement. La requérante ne s’étant pas retirée de l’entente de manière décisive et ayant de nouveau participé à l’entente seulement quelques mois après son prétendu retrait de celle-ci, le Tribunal considère qu’elle a utilisé ce retrait pour tenter d’obtenir de meilleures conditions au sein de l’entente, ce qui constitue un autre exemple d’un participant exploitant l’entente à son propre profit (voir, en ce sens, la jurisprudence citée au point 41 ci-dessus).

43      Le fait que la requérante n’ait pas assisté à la seule réunion du 12 juin 1995 ne saurait avoir pour effet d’atténuer sa participation à l’entente, celle-ci ayant duré plus de quatre ans. Il convient d’ajouter que la requérante était en contact avec les autres entreprises concernées pendant la période en cause, ainsi qu’il ressort du fait qu’elle a eu une réunion avec Heubach le 12 juin 1995 à l’aéroport d’Heathrow, à savoir le même jour et au même endroit qu’une réunion de l’entente.

44      Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la seconde branche, relative aux erreurs d’appréciation des faits et des éléments de preuve concernant la requérante et son rôle dans l’entente

45      Cette seconde branche du premier moyen comprend cinq griefs dans lesquels la requérante soutient que la Commission a commis des erreurs d’appréciation en ce qui concerne :

–        l’évolution de sa situation depuis le début des vérifications ;

–        son influence sur le marché en cause ;

–        sa participation à l’entente avant 1994 et le fait qu’elle n’a pas été une instigatrice de l’infraction ;

–        le fait qu’elle n’était pas membre à part entière de l’entente ;

–        le fait qu’elle a immédiatement mis un terme à l’infraction.

 Sur le premier grief, relatif à l’évolution de la situation de la requérante depuis le début des vérifications

–       Arguments des parties

46      La requérante affirme que la Commission n’a pas tenu compte de manière appropriée de la dégradation de sa situation financière, alors qu’elle avait mentionné ce fait dans ses communications avec celle-ci avant l’adoption de la décision attaquée. Des développements plus récents devraient également être pris en considération.

47      En premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission constate à tort, dans la décision attaquée, qu’elle « emploie actuellement environ 30 salariés » (considérant 28). Elle prétend avoir indiqué à la Commission qu’elle n’avait que 25 salariés.

48      En deuxième lieu, la requérante invoque sa situation financière critique. Son chiffre d’affaires serait passé de 68,7 millions de couronnes norvégiennes (NOK) en 1997 à 57,2 millions de NOK (soit environ 6,92 millions d’euros) en 2001. Ses activités seraient peu rentables, comme le démontreraient les pertes de 317 589 euros et de 310 659 euros qu’elle a subies en 2000 et en 2001, respectivement. La requérante ajoute que, en 1997, elle affichait un résultat net avant impôt de 1 148 837 NOK, mais que, en 2000 et en 2001, ce résultat était, respectivement, de - 3 413 554 et de - 3 496 000 NOK. Par ailleurs, ses fonds propres auraient considérablement diminué en raison principalement des pertes significatives enregistrées en 2000 et en 2001. En 2001, ses fonds propres ne se seraient élevés qu’à 466 095 NOK (soit près de 58 300 euros). Ils représenteraient 15 % de l’amende infligée par la Commission.

49      La requérante rappelle qu’elle n’a pas été en mesure d’obtenir une garantie bancaire pour assurer le paiement de l’amende et qu’elle a, dès lors, introduit une demande en référé devant le Tribunal visant à ce que soit ordonné un sursis pour ledit paiement. Elle ajoute que, récemment, elle n’a pu honorer toutes ses dettes.

50      La Commission considère que ce premier grief n’est pas pertinent pour apprécier la légalité de la décision attaquée.

–       Appréciation du Tribunal

51      Le Tribunal considère que ce grief n’est pas véritablement tiré d’une appréciation erronée des faits et des éléments de preuve. Certes, la Commission a constaté, dans la décision attaquée, que la requérante « emplo[yait] [alors] environ 30 salariés » (considérant 28), alors que cette dernière lui avait indiqué qu’elle n’en avait que 25. Toutefois, cela ne saurait affecter la légalité de la décision attaquée. Par ailleurs, il doit être relevé que la requérante invoque surtout une situation financière critique et qu’elle ne vise pas à démontrer des erreurs de fait à cet égard dans la décision attaquée. En particulier, ses arguments concernant l’évolution de sa situation économique après l’adoption de la décision attaquée ne sont pas pertinents pour une appréciation des erreurs de fait qui seraient contenues dans la décision elle-même.

52      En réalité, les arguments soulevés dans le cadre de ce premier grief de la deuxième branche ne sont pertinents qu’au regard des faits qui pouvaient être pris en compte concernant la dernière branche du second moyen, tiré de l’impossibilité de payer l’amende (voir points 172 à 181 ci-après).

 Sur le deuxième grief, relatif à l’influence de la requérante sur le marché en cause

–       Arguments des parties

53      La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir dûment tenu compte du fait qu’elle n’avait que très peu d’influence sur le marché et que sa marge de manœuvre était limitée à cause de ses relations avec les distributeurs et les clients. En premier lieu, en ce qui concerne son réseau de distribution, elle affirme que, pendant de nombreuses années, elle vendait toute sa production de phosphate de zinc à destination de l’Europe continentale à BASF dans le cadre d’un accord de coproduction. Elle précise qu’elle fabriquait du phosphate de zinc qu’elle emballait dans des sacs ou paquets portant la marque BASF et qui était ensuite vendu comme produit BASF. Au vu de sa dépendance à l’égard de BASF et de la grande différence de taille et de puissance entre cette société et elle-même, la requérante n’aurait eu pratiquement aucune influence quant au prix de ses livraisons à BASF. Malgré l’expiration de l’accord avec BASF en 1997, celle-ci serait restée un client important. Par ailleurs, la requérante fait observer que Wengain Ltd (ci-après « Wengain »), son distributeur exclusif sur le marché britannique pour plusieurs produits, y compris le phosphate de zinc, avait importé et avait vendu d’autres produits provenant de diverses entreprises, de sorte qu’elle pouvait offrir toute une gamme de produits à l’industrie de la peinture. Wengain aurait acheté les produits à la requérante à un prix basé sur une livraison gratuite et les aurait revendus au Royaume-Uni à des prix qu’elle déterminait elle-même. En ce qui concerne les clients importants et les livraisons de plus de dix tonnes, la requérante aurait été en droit de participer aux négociations et de livrer la marchandise directement. Compte tenu de son réseau de distribution, la requérante n’aurait disposé que d’une marge de manœuvre limitée en ce qui concerne les quantités et n’aurait eu que peu de possibilités pour exercer une influence sur les ventes et les prix. Il n’en serait autrement que vis-à-vis des clients directs de la requérante.

54      En deuxième lieu, la requérante allègue que la Commission n’a pas suffisamment tenu compte du fait qu’elle était dans une situation de dépendance par rapport à ses concurrents, lesquels étaient également des clients. La requérante aurait livré du chromate de zinc à Heubach et à la SNCZ. Cette dernière serait le client le plus important de la requérante en ce qui concerne ce produit. Certains des clients et concurrents de la requérante auraient voulu obtenir des prix plus élevés pour le phosphate de zinc afin de rendre plus compétitif le prix du phosphate de zinc modifié. Ne voulant pas nuire aux relations qu’elle entretenait avec ses concurrents, qui étaient aussi ses clients, la requérante affirme qu’elle subissait une forte pression de leur part afin de se joindre à l’entente. Elle précise que, contrairement à ce qu’affirme la Commission, elle ne prétend pas avoir été contrainte de participer à l’infraction, mais avoir subi des pressions de la part de ses concurrents et n’avoir pu envisager d’autre solution à l’époque.

55      La Commission conteste que la requérante n’ait eu qu’une possibilité très limitée d’influencer les prix pratiqués à l’égard des clients et qu’il n’ait pas été dûment tenu compte, dans la décision attaquée, du fait qu’elle dépendait de ses concurrents, qui étaient également ses clients.

56      En réponse à l’affirmation de la requérante selon laquelle elle n’a eu aucune influence, ou peu d’influence, sur les quantités vendues au Royaume-Uni et en Allemagne, la Commission indique que, même si ce fait était exact, il serait dénué de toute pertinence, puisque les parts de marché étaient calculées à l’échelle de l’EEE.

57      La Commission fait également remarquer que les chiffres figurant dans les annexes 23 à 25 de la requête, concernant les ventes de phosphate, ne correspondent pas exactement à ceux qui lui ont été communiqués par lettre du 17 mars 1999. Elle souligne que la requérante n’explique pas ces divergences.

–       Appréciation du Tribunal

58      En premier lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission a commis une erreur d’appréciation concernant l’influence de la requérante sur ses « distributeurs », il y a lieu de relever que, dans le cadre de la présente procédure, la requérante n’a pas apporté la preuve que la Commission a commis de telle erreur.

59      En effet, contrairement à son affirmation selon laquelle elle vendait toutes ses quantités de phosphate de zinc à destination de l’Europe continentale dans le cadre de son accord de coproduction avec BASF, il ressort des annexes à la requête que la requérante a approvisionné en phosphate de zinc d’autres entreprises en Europe continentale. En outre, l’accord de coproduction entre la requérante et BASF s’est terminé en avril 1997. Enfin, la requérante a commencé à entretenir des relations avec les ex-clients de BASF (point 77 de la déclaration de Union Pigments). Même si BASF a eu une influence considérable sur la requérante avant avril 1997, cette influence n’a pas pu être aussi importante pendant la dernière année de l’accord.

60      Quant à Wengain, le distributeur de la requérante au Royaume-Uni, il y a lieu de rappeler que la requérante a participé à l’entente pour mettre fin à la guerre des prix qui était importante au Royaume Uni. Elle a admis elle-même, d’une part, qu’elle avait pu organiser une contre-attaque au Royaume-Uni pendant cette guerre des prix (point 45 de la déclaration de Union Pigments) et, d’autre part, qu’un des avantages de l’entente avait été la fin de la guerre des prix au Royaume-Uni à laquelle elle avait participé (point 49 de la déclaration de Union Pigments et note interne du 30 mars 1995). Ces faits démontrent que la requérante a pu influencer le comportement de Wengain sur le marché britannique en ce qui concerne les prix.

61      En tout état de cause, il est constant que la part de marché de la requérante était très proche de celle qui lui avait été attribuée dans le cadre de l’entente. Il s’ensuit qu’elle a eu suffisamment d’influence sur ses distributeurs pour mettre en œuvre l’accord sur les quotas. De plus, la requérante a admis, dans sa déclaration, que, année après année, l’entente avait pour résultat une meilleure « cohérence » quant aux prix, sauf dans les pays nordiques (point 73 de la déclaration de Union Pigments). Il s’ensuit que la Commission était en droit de conclure que la requérante a eu suffisamment d’influence sur ses distributeurs pour assurer la mise en œuvre de l’accord sur les prix.

62      Il résulte de ce qui précède que le premier argument invoqué au soutien de ce deuxième grief doit être rejeté.

63      S’agissant, en deuxième lieu, de l’argument tiré d’une prétendue dépendance de la requérante par rapport à ses clients et concurrents (voir point 54 ci-dessus), à supposer même que la requérante ait subi des pressions, elle ne saurait se prévaloir de cette circonstance, dès lors qu’elle aurait pu dénoncer lesdites pressions aux autorités compétentes et introduire auprès de la Commission une plainte en application de l’article 3 du règlement n° 17, plutôt que de participer aux activités en question (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, KE KELIT/Commission, T‑17/99, Rec. p. II‑1647, point 50, et la jurisprudence citée). De surcroît, après s’être prétendument retirée de l’entente en 1995, la requérante l’a réintégrée, selon ses propres déclarations, en vue d’obtenir des informations sur le marché (point 67 de la déclaration de Union Pigments) et non en raison des pressions. Il y a lieu d’ajouter que l’argument de la requérante selon lequel elle était obligée de participer à l’infraction n’est pas en cohérence avec son prétendu retrait.

64      Il résulte de tout ce qui précède que ce grief doit être rejeté.

 Sur le troisième grief, relatif au fait que la requérante n’a pas été une instigatrice de l’infraction

–       Arguments des parties

65      La requérante prétend que la Commission a commis des erreurs de fait en ce qui concerne ses contacts avec les membres de l’entente avant mars 1994. Elle relève que, selon la Commission, l’entente dans le secteur en cause a été créée en mars 1994 (considérant 81 de la décision attaquée). Or, l’entente aurait pris naissance avant cette date et avant qu’elle n’ait été invitée à la rejoindre. La requérante soutient que les « autres concurrents » s’étaient déjà entendus sur une forme de répartition des marchés et que ses trois principaux concurrents, la SNCZ, Britannia et Heubach, détenaient, dès lors, la même part de marché, soit 24 %. La requérante indique qu’elle a soupçonné l’existence d’une « entente au sein de l’entente », un « cercle restreint », qui fonctionnait avant qu’elle n’ait été invitée à la réunion du 24 mars 1994. L’existence d’un tel « cercle restreint » serait corroborée par les constatations de la Commission selon lesquelles Trident a déclaré qu’il y avait eu des contacts réguliers entre Pasminco Europe-ISC Alloys (le prédécesseur de Trident) et ses concurrents de 1989 à 1994 et un responsable des ventes était régulièrement en contact avec des concurrents, notamment par une ligne téléphonique directe (considérant 76 de la décision attaquée). Selon la requérante, elle n’a jamais eu de contact avec le responsable en question concernant l’état du marché et le niveau des prix. Le fait que les autres entreprises concernées aient constitué l’entente avant qu’elle n’ait été invitée à se joindre à eux expliquerait, du moins en partie, qu’elle n’ait pas fait partie du cercle restreint formé des membres fondateurs.

66      La requérante ajoute que le fait que l’entente existait avant la réunion du 24 mars 1994 est confirmé par la constatation de la Commission selon laquelle une réunion a eu lieu en octobre 1993, réunion dont l’objectif « était de mettre fin à la guerre des prix et de remettre de l’ordre sur le marché » (considérant 315 de la décision attaquée). La requérante soutient qu’elle n’a pas participé à cette réunion. Bien qu’elle ait expliqué, tant dans sa réponse à la communication des griefs qu’oralement, qu’elle n’avait pas assisté à cette réunion, la Commission n’aurait pas pris position sur cette question et aurait seulement constaté, dans la décision attaquée, qu’elle contestait sa participation à la réunion en cause (considérant 86 de la décision attaquée). Le fait que la Commission n’ait apparemment pas cherché à vérifier les faits concernant cette réunion aurait porté préjudice à la requérante. En réponse à l’argument de la Commission selon lequel, dans ses déclarations du 2 septembre 1998, elle a, elle-même, mentionné la réunion du 24 mars 1994 comme étant une « première réunion du club », la requérante affirme qu’elle entendait manifestement la « première réunion à laquelle [elle] était présente ».

67      Ensuite, la requérante rappelle que, dans la décision attaquée, la Commission conclut qu’elle n’a pas pu identifier un meneur particulier et que l’entente constitue une « initiative commune de la plupart des concurrents du secteur du phosphate de zinc » (considérant 319 de la décision attaquée). Elle reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les autres participants à l’entente avaient pris l’initiative de constituer le cartel et qu’ils avaient déjà tenu une première réunion avant qu’elle n’ait été invitée à le rejoindre. Étant donné qu’elle n’avait pas participé à la réunion de 1993, un événement qui avait été à l’origine de l’entente, il serait injuste de traiter la requérante de la même manière que les autres participants en ce qui concerne la création de l’entente. S’il devait s’avérer exact que la première réunion entre les cinq producteurs a eu lieu au plus tard le 24 mars 1994, la Commission aurait lésé la requérante en ne tenant pas compte du fait que des réunions multilatérales entre les quatre autres producteurs avaient eu lieu avant 1994. Selon la requérante, Heubach s’est comporté comme le meneur de fait du cartel, du moins vis-à-vis d’elle. Elle ajoute qu’il n’est pas nécessaire que l’entente ait été imposée par un de ses participants pour amener la Commission à désigner un meneur.

68      Quant au refus de la Commission de lui accorder un traitement différencié au vu du fait que les autres participants avaient créé l’entente avant qu’elle ne soit invitée à y participer, la requérante maintient que ce qui s’est produit avant et après la période concernée ne peut pas être considéré comme totalement dénué de pertinence. Le choix fait par la Commission de prendre certains éléments en compte aurait influencé l’appréciation de la gravité de la participation de la requérante à son détriment. Même si la Commission devait limiter ses vérifications et la décision attaquée à une certaine période qui aurait peu d’effets sur l’importance de l’amende pour les autres, il ne faudrait pas que la requérante en pâtisse par le fait de ne pas bénéficier du traitement différencié dont elle aurait, sans cela, très probablement bénéficié.

69      La Commission rétorque qu’elle n’a jamais affirmé ni que la requérante était une instigatrice de l’entente ni qu’elle avait participé à la réunion d’octobre 1993. Elle se serait bornée à constater l’existence d’une infraction à partir de 1994. Bien qu’il soit possible qu’une entente ait existé avant cette date, il serait clair qu’elle n’est pas couverte par la décision attaquée et il serait donc inutile de poursuivre le débat sur ce point. La Commission fait remarquer que, dans ses déclarations du 2 septembre 1998, la requérante fait référence à la réunion du 24 mars 1994 comme étant une « première réunion du ‘club’ ». Elle renvoie à l’examen de cette question dans la section relative aux éventuelles circonstances atténuantes.

70      En tout état de cause, la requérante ne tirerait aucun avantage d’une constatation selon laquelle les autres destinataires de la décision attaquée étaient des « meneurs », ou selon laquelle ils s’entendaient également sur d’autres marchés ou depuis plus longtemps.

–       Appréciation du Tribunal

71      Tout d’abord, bien que le dossier contienne certaines indications selon lesquelles les producteurs de phosphate de zinc ont entretenu des contacts anticoncurrentiels avant le 24 mars 1994 (voir, par exemple, considérants 76 à 80, 82 à 86 et 225 de la décision attaquée), le Tribunal considère que la Commission pouvait raisonnablement conclure que l’infraction avait seulement commencé avec la réunion tenue à cette date. Il convient de relever, à cet égard, que la requérante a contesté sa participation à une réunion en octobre 1993 (considérant 86 de la décision attaquée), de sorte que la Commission était en droit de conclure que la première réunion à laquelle avaient assisté toutes les entreprises concernées était celle du 24 mars 1994. De plus, cette dernière réunion était la première des réunions régulières de l’entente. Il y a lieu d’ajouter que les premières réunions de l’entente du 24 mars et du 3 mai 1994 coïncident avec la lettre du CEFIC du 26 mai 1994 annonçant la création du groupe de statistique phosphate de zinc (considérants 66, 109 et 112 de la décision attaquée).

72      En tout état de cause, à supposer même que l’infraction ait commencé à une date antérieure, cela ne changerait rien pour la requérante, puisqu’elle n’a participé à l’infraction qu’à partir du 24 mars 1994. L’argument de la requérante selon lequel l’entente a commencé en octobre 1993 est donc dénué de toute pertinence aux fins de la demande en annulation de la décision attaquée.

73      La requérante fait valoir que la Commission aurait dû constater que les autres participants, et notamment Heubach, avaient pris l’initiative de constituer le cartel et que la Commission a méconnu le rôle distinct de la requérante. S’il est vrai que, selon les lignes directrices, le « rôle de meneur ou d’incitateur de l’infraction » peut être une circonstance aggravante qui justifie l’augmentation du montant de base (point 2, troisième tiret), en l’espèce, la Commission a conclu que « l’entente constituait une initiative commune de la plupart des concurrents du secteur du phosphate de zinc et qu’il est donc impossible de désigner un meneur particulier » (considérant 319 de la décision attaquée). Dès lors, contrairement à ce que la requérante semble laisser entendre, la Commission n’a pas majoré les amendes à ce titre. Il s’ensuit que la requérante n’a pas été lésée par la conclusion précitée de la Commission. En outre, le bien-fondé de cette conclusion ne saurait être remis en cause dès lors qu’il ne ressort pas du dossier qu’une entreprise a pris l’initiative de constituer le cartel (voir, par exemple, considérants 314 à 318 de la décision attaquée).

74      Il s’ensuit que ce troisième grief n’est pas fondé.

 Sur le quatrième grief, tiré de ce que la requérante n’était pas membre à part entière de l’entente

–       Arguments des parties

75      La requérante prétend que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait qu’elle n’était pas membre à part entière de l’entente et qu’elle n’était pas considérée comme telle par les autres membres. Elle invoque plusieurs faits à cet égard. En premier lieu, elle n’aurait pas participé à la première réunion, tenue en octobre 1993. En deuxième lieu, et de manière générale, elle n’aurait coopéré qu’avec beaucoup de réticence à l’entente. Elle se réfère ainsi au fait, reconnu par la Commission, que le CEFIC a dû, le 15 juin 1994, lui adresser un rappel pour qu’elle fournisse des informations (considérant 109 de la décision attaquée). En troisième lieu, les constatations de la Commission concernant des notes relatives à une réunion du 27 mars 1995 à Londres démontreraient que la requérante ne bénéficiait pas d’une égalité de traitement en tant que membre. La requérante relève que l’un de ses employés a noté dans son agenda, à la date du 27 mars 1995, qu’elle avait prévu de demander à cette réunion d’être traitée comme un « membre à part entière avec attribution de clients » (considérant 122 de la décision attaquée). Après cette réunion, son directeur des ventes aurait mentionné, dans une note du 30 mars 1995, que les autres participants « n’étaient pas disposés à envisager un accroissement de [sa] part de marché » (considérant 122 de la décision attaquée). La Commission affirmerait également que la requérante pensait que « les autres membres de l’entente la dupaient » (considérant 124 de la décision attaquée).

76      En quatrième lieu, la requérante indique qu’elle n’a pas participé à l’accord de répartition de Teknos. Elle soutient que, comme le relève la Commission (considérant 99 de la décision attaquée), le raison pour laquelle, à une reprise seulement, les trois autres entreprises avaient décidé unilatéralement qu’elle devrait livrer un conteneur à Teknos était d’éviter que cette société soupçonne l’existence d’un accord. Toutefois, cette commande serait intervenue au détriment d’autres affaires en Finlande. La note du 30 mars 1995 est, selon la requérante, la preuve qu’elle n’a pas participé à l’accord de répartition de Teknos. La requérante reproche à la Commission de ne tirer aucune conclusion du fait qu’elle a reçu une commande de Teknos après qu’elle s’était retirée du club en avril 1995 (considérant 131 de la décision attaquée). Or, la seule approche correcte aurait été de conclure que la requérante n’avait pas participé à cet accord, ce qui est une preuve de plus qu’elle n’était pas un membre à part entière de l’entente. En ce qui concerne l’affirmation de la Commission selon laquelle elle « reconnaît elle-même » avoir bénéficié de l’attribution de Teknos pour une durée de six mois, la requérante répète que ce client ne lui a été attribué qu’une fois et non pas pour une durée de six mois.

77      La requérante rejette l’affirmation de la Commission selon laquelle les éléments de preuve démontrent qu’elle n’a pas eu un rôle passif dans l’entente. Elle considère que ces éléments de preuve, s’ils reflètent peut-être une attitude quelque peu naïve en ce qui concerne les activités du club, ne permettent pas de conclure à un rôle actif ou passif. Le fait de rassembler des documents, tels que ceux recueillis par la Commission dans les locaux de la requérante, ne serait pas incompatible avec un rôle passif. En réalité, son rôle aurait été plus actif si elle avait subtilisé ou détruit de tels documents. La requérante ajoute que le fait qu’elle ait réservé des salles de réunion à tour de rôle de temps en temps ne fait que souligner le caractère passif de sa participation. S’agissant des tentatives faites par la Commission pour donner l’impression qu’elle avait omis de révéler l’existence de la réunion du 9 janvier 1995, la requérante prétend qu’elle n’avait pas considéré cette réunion, dont l’objet était de tenter d’améliorer ses relations avec l’une des autres sociétés, comme une « réunion du club ». Cet élément ne devrait pas davantage intervenir dans l’appréciation de sa conduite.

78      La description donnée par la Commission des représentants de la requérante aux réunions de l’entente serait trompeuse et donnerait l’impression incorrecte qu’ils étaient d’un niveau aussi élevé que ceux des autres entreprises concernées. La Commission aurait constaté que les autres entreprises étaient représentées par des membres de la direction au niveau le plus élevé, c’est-à-dire des administrateurs délégués, des directeurs généraux ou des présidents, et que la requérante était représentée par un « administrateur et le directeur des ventes internationales » (considérant 71 de la décision attaquée). Si M. R. portait, en effet, le titre d’« administrateur », ce titre ne constituerait toutefois pas une appellation juridique et ne révélerait rien sur la position, les pouvoirs ou les responsabilités de son titulaire, lesquels étaient plutôt comparables à ceux de M. B., directeur des ventes. En revanche, les autres entreprises avaient choisi des représentants au niveau le plus élevé de leurs directions respectives. M. W. aurait été, au commencement de l’infraction, l’administrateur délégué de la requérante.

79      La Commission conteste l’argumentation de la requérante. Elle souligne que cette dernière n’était pas contrainte de participer à l’entente et affirme qu’il ressort des faits exposés dans la décision attaquée, étayés par de très nombreuses preuves directes recueillies dans les locaux de la requérante, que le rôle de celle-ci ne saurait être qualifié de « passif ». Au contraire, les éléments de preuve établiraient qu’elle a mis en œuvre les accords conclus par l’entente.

80      La Commission avance que la requérante a bénéficié de l’attribution de clients. Dans son mémoire en défense, elle relève qu’en 1997 Teknos a été attribué à la requérante pour une durée de six mois, ce que cette dernière reconnaît elle-même. Dans sa duplique, la Commission admet qu’elle « a fait référence par erreur à une autre attribution de client », mais rappelle que le fait qu’il ait été conclu dans la décision attaquée que Teknos a été attribué à la requérante n’est pas contesté par celle-ci.

–       Appréciation du Tribunal

81      Le Tribunal considère que la Commission était en droit de conclure que la requérante avait participé à part entière à l’entente. En effet, comme il sera démontré ci-après, la requérante a participé à tous les aspects les plus essentiels de l’infraction.

82      En premier lieu, il est constant que la requérante a participé régulièrement aux réunions de l’entente. La Commission a constaté à juste titre qu’elle avait assisté à quinze des seize réunions multilatérales identifiées pendant la durée de l’entente (considérants 102, 107, 112, 116, 120, 132, 133, 137, 151, 157, 168 et 181 de la décision attaquée). En outre, la requérante avait même organisé certaines de ces réunions (considérants 120, 136 et 160 de la décision attaquée). Son affirmation selon laquelle elle n’a pas assisté à la réunion d’octobre 1993 n’est pas pertinente, puisque la Commission a conclu que l’entente n’avait débuté que le 24 mars 1994.

83      L’argument de la requérante selon lequel elle n’était pas représentée par des personnes d’un niveau aussi élevé que les représentants des autres entreprises concernées ne démontre pas qu’elle n’était pas un membre à part entière de l’entente. Contrairement à ce que laisse entendre la requérante, la Commission n’a pas déclaré que les autres entreprises étaient représentées par des membres de la direction au niveau le plus élevé. Elle a simplement identifié les représentants habituels des entreprises lors des réunions de l’entente. En outre, le niveau de représentation de la requérante, même s’il s’agissait seulement du directeur de ventes, était suffisamment important pour démontrer la pleine participation de la requérante à ces réunions.

84      En deuxième lieu, la requérante ne conteste pas qu’elle a pleinement participé à l’accord concernant les quotas (points 51 à 53 de la déclaration de Union Pigments). Par ailleurs, la note interne du 30 mars 1995 démontre qu’elle a même demandé un accroissement de sa part de marché (considérant 122 de la décision attaquée). Comme prévu par l’accord, la requérante a envoyé des informations concernant ses volumes de ventes au CEFIC et, ensuite, à son successeur, la Verband des Mineralfarbenindustrie eV (points 51 à 53 de la déclaration de Union Pigments ; considérants 109, 110, 130, 134, 144, 153 et 184 de la décision attaquée). En retour, la requérante a reçu des informations sur les ventes réalisées par les autres membres du cartel, ce qui était de nature à influer sur son comportement au sein de l’entente et sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 207). Le fait que le CEFIC a dû envoyer un rappel à la requérante pour qu’elle fournisse des informations (considérant 109 de la décision attaquée) n’est pas suffisant pour démontrer que la requérante n’a coopéré qu’avec beaucoup de réticence à l’entente.

85      En troisième lieu, la requérante ne conteste pas, dans sa déclaration, qu’elle a participé à la fixation des prix indicatifs (voir points 49, 60 et 73 de la déclaration de Union Pigments). Elle a même reconnu, dans sa note du 30 mars 1995, qu’elle avait obtenu des prix plus élevés grâce à l’entente (considérant 125 de la décision attaquée ; voir également points 49 et 73 de la déclaration de Union Pigments).

86      En quatrième lieu, la Commission a pu conclure que la requérante avait participé à l’attribution de clients. Cette dernière conteste seulement sa participation à l’accord d’attribution de Teknos et non pas sa participation aux autres attributions visées par la décision attaquée. Quant à Teknos, il est possible qu’il y ait eu une attribution de ce client avant mars 1995 sans la participation de la requérante (considérants 122 à 124 de la décision attaquée). Toutefois, la requérante a admis qu’elle avait livré un conteneur à Teknos (point 69 de la déclaration de Union Pigments). Son explication selon laquelle cette livraison avait été seulement effectuée afin que Teknos ne se doute pas de l’existence de l’accord ne saurait être accueillie. Par ailleurs, selon Trident, le prix à facturer à Teknos faisait l’objet d’un accord et il avait été convenu qu’aucun producteur autre que celui dont c’était le « tour de rôle » ne pouvait facturer un prix inférieur à celui qui avait été convenu (considérant 96 de la décision attaquée). Selon une note de la requérante concernant une réunion du 4 février 1997, cette dernière a apparemment accepté de fixer ses prix au-dessus de ceux de la SNCZ parce que Teknos avait été attribué à cette dernière pour six mois (considérants 138 et 139 de la décision attaquée). Ce fait démontre également la participation de la requérante à l’accord d’attribution de Teknos. De surcroît, cette dernière société était l’un des principaux clients de la requérante (considérants 97 et 270 de la décision attaquée) et, selon Trident, la requérante était prête à prendre l’initiative d’une guerre des prix afin de le conserver (considérant 97 de la décision attaquée). Le Tribunal considère ainsi qu’il n’est pas établi que la requérante n’a pas participé à l’attribution de ce client, au moins après avoir eu connaissance d’une telle attribution.

87      En tout état de cause, même si la requérante n’avait pas participé à l’accord d’attribution de Teknos, la Commission était en droit de décider qu’elle était responsable de l’attribution de clients. Il convient de rappeler, à cet égard, qu’une entreprise ayant participé à une infraction multiforme aux règles de la concurrence par des comportements qui lui sont propres, qui relèvent des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE et qui visent à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction, lorsqu’il est établi que l’entreprise en question connaît les comportements infractionnels des autres participants, ou qu’elle peut raisonnablement les prévoir et qu’elle est prête à en accepter le risque (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 39 supra, point 203, et arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 158).

88      Enfin, la Commission était en droit de ne pas conclure à l’existence de l’« entente au sein de l’entente » invoquée par la requérante (considérants 122 à 125 de la décision attaquée). Cette dernière n’a, en effet, pas apporté de preuve suffisante de l’existence d’un tel cercle restreint. En tout état de cause, cela ne saurait affecter le fait que la requérante a participé pleinement à l’infraction identifiée dans la décision attaquée.

89      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que ce quatrième grief doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le cinquième grief, tiré de ce que la requérante a immédiatement mis un terme à l’infraction

–       Arguments des parties

90      La requérante avance que la Commission n’a pas dûment tenu compte du fait que, à la suite des vérifications opérées auprès des entreprises, elle a immédiatement mis fin à l’infraction. Elle aurait décidé de coopérer pleinement avec la Commission dans le cadre de ces vérifications et resterait déterminée à le faire. À la suite desdites vérifications, la requérante aurait annulé la réunion prévue à Amsterdam sans en donner la raison et aurait clairement indiqué à Heubach qu’elle ne communiquerait plus aucune donnée statistique. Le 15 juillet 1998, la requérante aurait envoyé une télécopie aux participants à l’entente les informant de son retrait de celle-ci. La requérante aurait refusé d’accepter l’invitation de se joindre à la nouvelle association, l’association European Manufacturers of Zinc Phosphates (ci-après l’« EMZP »), et aurait informé la Commission de la création de celle-ci. En fait, le comportement de la requérante en ce qui concerne l’EMZP démontrerait qu’elle a immédiatement pris les mesures que la Commission allait imposer plus tard dans le cadre de la communication des griefs. Ce comportement aurait justifié que la requérante bénéficie d’un traitement différent. La Commission n’aurait toutefois pas dûment tenu compte de ces circonstances. La requérante lui reproche, plus particulièrement, de ne pas avoir fait de distinction nette entre elle-même et les autres entreprises concernées en ce qui concerne l’EMZP. La Commission donnerait une impression incorrecte du comportement de la requérante lorsqu’elle affirme que des informations ont été fournies à cette association par les « membres de l’entente » (considérant 254 de la décision attaquée), sans clairement spécifier que la requérante n’y avait pas pris part.

91      La Commission rappelle qu’elle n’est pas tenue de réduire le montant de l’amende au motif que la requérante a mis fin à l’infraction après sa première intervention (arrêt LR AF 1998/Commission, point 87 supra, point 324) et que le fait de tenir compte d’une circonstance atténuante en l’espèce n’aurait eu aucun effet sur le montant définitif de l’amende.

–       Appréciation du Tribunal

92      Il convient de relever que le point 3, troisième tiret des lignes directrices prévoit une diminution du montant de base en case de « cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission (notamment vérifications) ». La Commission ne saurait toutefois être tenue de considérer, en règle générale, la cessation d’une infraction comme une circonstance atténuante. La réaction d’une entreprise à l’ouverture d’une enquête concernant ses activités ne peut être appréciée qu’en tenant compte du contexte particulier du cas d’espèce (arrêt LR AF 1998/Commission, point 87 supra, point 324).

93      En l’espèce, la Commission a, les 13 et 14 mai 1998, procédé à des vérifications auprès de diverses entreprises, et l’autorité de surveillance de l’AELE a procédé à des vérifications auprès de la requérante du 13 au 15 mai 1998. À l’article 1er de la décision attaquée, la Commission conclut que l’entente a duré du 24 mars 1994 au 13 mai 1998. Il en résulte que le fait que les entreprises aient cessé l’infraction dès les premières interventions de la Commission a été pris en compte.

94      En tout état de cause, la requérante n’a pas démontré avoir cessé sa participation à l’entente dès l’intervention de la Commission. En effet, elle n’a informé les autres participants de son retrait que le 15 juillet 1998 (voir point 90 ci-dessus).

95      En ce qui concerne l’argument de la requérante tiré de ce qu’elle a coopéré pleinement avec la Commission à la suite des vérifications, il y a lieu de noter qu’elle n’a contacté la Commission que le 17 juillet 1998 (considérant 57 de la décision attaquée). En outre, elle a bénéficié de la réduction maximale en vertu du point D de la communication sur la coopération, à savoir 50 %.

96      En ce qui concerne l’EMZP, il suffit de préciser que cette organisation a été créée le 31 juillet 1998 et qu’elle n’est donc pas visée par l’infraction en cause (considérant 42 de la décision attaquée). Dès lors, la non-adhésion de la requérante à cette association est dépourvue de pertinence en l’espèce.

97      Il s’ensuit que ce cinquième grief et, par voie de conséquence, le premier moyen dans son ensemble doivent être rejetés comme non fondés.

2.     Sur le second moyen, tiré d’un calcul erroné du montant de l’amende et de la violation de principes généraux

98      La requérante soutient que, dès lors que la Commission a fondé la décision attaquée sur une appréciation incorrecte des faits et des éléments de preuve, cette décision est également viciée en ce qui concerne le montant de base de l’amende et, partant, méconnaît l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, les principes reconnus par la pratique décisionnelle, les lignes directrices et la communication sur la coopération. Ce moyen se compose de six branches, relatives aux aspects suivants de la décision attaquée :

–        la gravité de l’infraction et le traitement différencié ;

–        la durée de l’infraction ;

–        l’application erronée de circonstances aggravantes et le défaut de prise en compte de circonstances atténuantes ;

–        l’application erronée de la communication sur la coopération ;

–        la violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ;

–        l’inutilité de se montrer plus dissuasif et l’impossibilité de payer l’amende.

 Sur la première branche, relative à la gravité de l’infraction et au traitement différencié

 Arguments des parties

99      Selon la requérante, la Commission ne pouvait qualifier l’infraction qu’elle a commise de « très grave » (considérant 300 de la décision attaquée). Elle soutient que cette infraction aurait dû être considérée comme « moins grave » et qu’elle aurait mérité un traitement différencié si la Commission avait dûment tenu compte des circonstances de la cause, en particulier du fait qu’elle n’avait pas fait partie des instigateurs de l’entente ni du cercle restreint, qu’elle n’avait pas été membre à part entière de l’entente, qu’elle s’en était retirée pendant une période de cinq à six mois, que son retrait a eu un impact négatif sur l’entente et que son rôle n’était que passif, tandis que celui de moteur de l’entente était assumé par d’autres participants. Par ailleurs, l’effet réel de l’infraction qui lui est reprochée aurait été insignifiant, étant donné qu’une large part de sa production a été acquise par BASF ou vendue par l’intermédiaire de ses distributeurs. En effet, les prix qu’elle pratiquait se seraient régulièrement situés sous le « niveau recommandé ».

100    Ensuite, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas tenu compte du poids relatif des entreprises concernées dans son application d’un traitement différencié. Au vu de la différence de taille relativement grande de ces entreprises, reflétée par leurs chiffres d’affaires et le nombre d’employés, et de la capacité effective de la requérante de nuire, le montant de base de cette dernière aurait dû être considérablement moins élevé que celui des autres entreprises. Par ailleurs, la Commission aurait dû tenir compte de l’existence d’une coopération entre les autres participants, en particulier Heubach, la SNCZ et Trident, face à une petite entreprise comme la requérante. Elle souligne que son influence était différente de celle que les autres entreprises concernées exerçaient et était considérablement inférieure à la part de marché qui sert de base au calcul du montant de l’amende par la Commission (voir, à cet égard, point 53 ci-dessus).

101    À la lumière de ce qui précède, la requérante prétend que la Commission a fixé un montant de base excessif en ce qui la concerne.

102    Selon la Commission, la requérante confond la question de la gravité de l’infraction avec celle de sa propre participation à celle-ci. En ce qui concerne les allégations relatives au traitement différencié, elle rappelle qu’elle a réparti les entreprises en deux catégories, la requérante étant classée dans la première avec trois autres entreprises. La part de marché de la requérante, évaluée par elle-même à 30 % environ, étant de loin la plus élevée, il n’y avait, selon la Commission, aucune raison de lui accorder un traitement particulier. Dans sa duplique, la Commission ajoute que la requérante ne fournit aucun élément de preuve pertinent pour démontrer qu’elle ne comptait pas parmi les principaux producteurs de phosphate de zinc de l’EEE et qu’elle avait été classée à tort dans la même catégorie que ceux-ci.

 Appréciation du Tribunal

103    Conformément au point 1 A des lignes directrices, la Commission s’est explicitement engagée à prendre en considération, pour l’évaluation de la gravité de l’infraction, outre la nature propre de celle-ci et l’étendue du marché géographique concerné, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable. Dans le cas présent, tous ces critères sont mentionnés au considérant 300 de la décision attaquée.

104    Il ressort de cette décision, ainsi que des lignes directrices dont les principes sont appliqués dans celle-ci, que, si la gravité de l’infraction est, dans un premier temps, appréciée en fonction des éléments propres à l’infraction tels que sa nature et son impact sur le marché, elle est, dans un second temps, modulée en fonction des circonstances propres à l’entreprise concernée, ce qui amène par ailleurs la Commission a prendre en considération, outre la taille et les capacités de l’entreprise, non seulement des éventuelles circonstances aggravantes, mais également, le cas échéant, des circonstances atténuantes (voir arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, point 1530, et la jurisprudence citée).

105    Les arguments avancés par la requérante dans le cadre de cette première branche concernent sa propre participation à l’infraction, plutôt que des éléments propres à cette infraction. Le Tribunal estime que les arguments tirés de ce que la requérante n’avait pas fait partie des instigateurs de l’entente ni du « cercle restreint », qu’elle n’avait pas été membre à part entière de l’entente et que son rôle n’était que passif doivent être appréciés dans le cadre de l’examen de la question relative aux circonstances aggravantes et atténuantes (voir points 118 à 133 ci-après). Quant au retrait de la requérante de l’entente, cet élément relève de la question de la durée de l’infraction qui sera traitée aux points 111 à 114 ci-après.

106    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel l’effet réel de son infraction a été insignifiant, il suffit de relever que les effets à prendre en considération pour fixer le niveau général des amendes ne sont pas ceux résultant du comportement effectif que prétend avoir adopté une entreprise, mais ceux résultant de l’ensemble de l’infraction à laquelle elle a participé (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 39 supra, point 152, et arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II‑2597, point 160).

107    Quant au grief selon lequel la Commission n’a pas tenu compte du poids relatif des entreprises concernées dans l’application du traitement différencié ni de la capacité effective de la requérante de nuire, il convient de l’examiner dans le cadre du grief tiré d’une violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité (voir points 148 à 165 ci-après).

108    Enfin, le Tribunal a déjà rejeté les autres arguments soulevés par la requérante dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, à savoir le fait qu’il y ait eu un cercle restreint (voir point 88 ci-dessus) et qu’elle ait eu peu d’influence sur le marché (voir points 58 à 62 ci-dessus).

 Sur la deuxième branche, relative à la durée de l’infraction

 Arguments des parties

109    La requérante fait valoir que c’est à tort que la Commission, d’une part, a conclu qu’elle avait commis une infraction de même durée que les autres participants, soit quatre ans et un mois, et, d’autre part, a, dès lors, augmenté de 40 % le point de départ de l’amende retenu au titre de la gravité de l’infraction. La Commission n’aurait pas tenu compte du fait que la requérante s’était retirée de l’entente pendant une période de cinq à six mois. En conséquence, elle aurait méconnu le principe d’égalité de traitement ainsi que sa propre pratique décisionnelle, et aurait mal appliqué les lignes directrices. Selon la requérante, l’augmentation du point de départ pour tenir compte de la durée aurait dû être bien inférieure à 40 %.

110    La Commission renvoie aux arguments qu’elle a fait valoir en réponse à la première branche du premier moyen.

 Appréciation du Tribunal

111    Comme indiqué aux points 36 à 44 ci-dessus, la Commission était en droit de conclure que la requérante avait participé à l’infraction de manière ininterrompue entre le 24 mars 1994 et le 13 mai 1998. Dès lors, la deuxième branche du second moyen ne saurait être retenue.

112    En tout état de cause, même si les arguments de la requérante devaient être fondés, le montant final de l’amende ne serait pas modifié. La Commission serait toujours en droit de conclure que la requérante a commis une infraction de durée moyenne, à savoir s’étendant du 24 mars 1994 jusqu’à mars 1995, et ensuite d’août 1995 jusqu’au 13 mai 1998. Une augmentation pour la durée à concurrence de 35 % serait appropriée. Toutefois, eu égard aux opérations de calcul qui s’imposent en fonction de l’application de la communication sur la coopération ainsi qu’à la limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par l’entreprise concernée, une augmentation d’environ 35 %, au lieu de 40 %, ne modifierait pas le montant final de l’amende de la requérante.

113    Enfin, en ce qui concerne l’argument avancé par la requérante lors de l’audience et selon lequel la Commission n’aurait pas dû augmenter les amendes de 10 % par an, il suffit de constater qu’il n’a pas été soulevé dans la requête introductive d’instance et qu’il constitue un moyen nouveau, irrecevable en application de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

114    Pour ces différentes raisons, la deuxième branche du second moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche, relative à l’application erronée de circonstances aggravantes et au défaut de prise en compte de circonstances atténuantes

 Arguments des parties

115    En premier lieu, la requérante prétend qu’il n’est pas justifié que la Commission retienne des circonstances aggravantes à son égard en l’incluant parmi les participants qui avaient pris l’« initiative commune » de créer l’entente. Elle ajoute que la Commission n’a pas suffisamment pris en compte le fait que les autres entreprises avaient été à l’origine de l’entente et avaient constitué un « cercle restreint », alors qu’elle ne s’était jointe à l’entente que plus tard et qu’elle n’en avait jamais été un membre à part entière. En n’accordant pas un traitement plus favorable à la requérante pour ces raisons, la Commission aurait méconnu les lignes directrices.

116    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que, en considérant qu’aucune circonstance atténuante ne devait être retenue en l’espèce, la Commission a commis une erreur et a méconnu sa pratique décisionnelle, ainsi que les lignes directrices. Renvoyant à ses arguments exposés ci-dessus, elle affirme que la Commission a omis de tenir compte du fait qu’elle avait été invitée à se joindre à une entente qui existait déjà, qu’elle n’avait jamais fait partie du « cercle restreint » et qu’elle ne s’était jamais vu attribuer aucun client, sauf dans un cas, afin de protéger les autres membres de l’entente. La Commission n’aurait pas non plus pris en considération le fait que, en pratique, la requérante n’avait exécuté les accords litigieux que de manière très limitée, ainsi que le démontrent son retrait de l’entente, les prix moins élevés qu’elle pratiquait sur le marché nordique et le fait, constaté par la Commission (considérant 118 de la décision attaquée), qu’elle était souvent, lors des réunions, en conflit avec d’autres participants, notamment avec Britannia en ce qui concerne les ventes au Royaume-Uni et la guerre des prix. Par ailleurs, la requérante considère que la Commission n’a pas tenu compte du fait qu’elle avait été, dans une certaine mesure, contrainte de se joindre à l’entente parce que, d’une part, certains des participants à celle-ci étaient aussi d’importants clients, et d’autre part, elle était en train de perdre son plus important client et distributeur sur le continent, à savoir BASF.

117    La Commission considère, d’une part, qu’il suffit de relever que la décision attaquée n’a pas retenu de circonstances aggravantes à l’égard de la requérante. D’autre part, elle considère que les arguments de cette dernière relatifs aux prétendues circonstances atténuantes doivent être rejetés.

 Appréciation du Tribunal

118    Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, lorsqu’une infraction est commise par plusieurs entreprises, il y a lieu d’examiner la gravité relative de la participation à l’infraction de chacune d’entre elles (arrêts Suiker Unie e.a./Commission, point 35 supra, point 623, et Commission/Anic Partecipazioni, point 39 supra, point 150), afin de déterminer s’il existe, à leur égard, des circonstances aggravantes ou atténuantes.

119    Cette conclusion constitue la conséquence logique du principe d’individualité des peines et des sanctions en vertu duquel une entreprise ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés, principe qui est applicable dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en vertu des règles communautaires de concurrence (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II‑3757, point 63).

120    Les points 2 et 3 des lignes directrices prévoient une modulation du montant de base de l’amende en fonction de certaines circonstances aggravantes et atténuantes, qui sont propres à chaque entreprise concernée.

121    Tout d’abord, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la Commission a retenu une circonstance aggravante à son égard en l’incluant parmi les participants qui avaient pris l’initiative commune de créer l’entente, il suffit d’observer qu’il n’est pas fondé en fait. La Commission n’a, en effet, retenu aucune circonstance aggravante à l’égard de la requérante (considérants 314 à 319 de la décision attaquée). En tout état de cause, si la Commission avait conclu à l’existence d’une circonstance aggravante en ce qui concerne les autres entreprises concernées, eu égard au fait qu’ils étaient les meneurs ou les instigateurs de l’infraction, cela n’aurait modifié en rien le montant de l’amende imposée à la requérante.

122    Pour les mêmes raisons, l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû constater l’existence d’une circonstance aggravante du fait que les autres entreprises avaient constitué un cercle restreint, ne saurait être retenu (voir, à cet égard, point 88 ci-dessus).

123    Ensuite, il y a également lieu de rejeter la demande tendant à la réduction du montant de l’amende au titre de circonstances atténuantes.

124    En premier lieu, la requérante invoque le fait qu’elle a été invitée à se joindre à une entente qui existait déjà, qu’elle ne faisait pas partie du cercle restreint et qu’elle ne s’était jamais vu attribuer un client. Comme indiqué au point 71 ci-dessus, la Commission était en droit de ne pas conclure que l’entente existait avant le 24 mars 1994. Par ailleurs, aucun élément du dossier ne démontre l’existence du cercle restreint invoqué par la requérante (voir, à cet égard, point 88 ci-dessus). Enfin, la Commission était en droit de conclure que la requérante avait participé à l’accord d’attribution des clients, y compris Teknos (voir point 86 ci-dessus).

125    En outre, le Tribunal considère que, par principe, le participant à une infraction ne saurait invoquer une circonstance atténuante tirée du comportement des autres participants à cette infraction. En l’espèce, le fait que les autres membres de l’entente s’étaient engagés plus tôt, ou plus radicalement, dans celle-ci pourrait constituer, le cas échéant, une circonstance aggravante à retenir à leur égard, mais non une circonstance atténuante en faveur de la requérante.

126    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel son rôle dans l’entente n’était que passif, il convient de relever que le « rôle exclusivement passif ou suiviste » d’une entreprise dans la réalisation de l’infraction constitue effectivement, s’il est établi, une circonstance atténuante, conformément au point 3, premier tiret, des lignes directrices. Ce rôle passif implique l’adoption par l’entreprise concernée d’un « profil bas », c’est-à-dire une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels. Il ressort de la jurisprudence que, parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l’entente, de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l’objet de l’infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l’existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction (voir arrêt Cheil Jedang/Commission, point 84 supra, points 167 et 168, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, non encore publié au Recueil, point 331). Toutefois, ainsi qu’il a déjà été constaté aux points 82 à 87 ci-dessus, la requérante n’a pas établi l’existence d’un tel « profil bas » en l’espèce.

127    En deuxième lieu, la requérante estime qu’elle aurait dû bénéficier d’une réduction du montant de l’amende en raison du fait qu’elle n’avait « exécuté les accords litigieux que dans une mesure très restreinte ». Elle semble reprocher de la sorte à la Commission de ne pas avoir retenu une circonstance atténuante tirée de la non-application effective des accords infractionnels, conformément au point 3, deuxième tiret, des lignes directrices.

128    À cette fin, il importe de vérifier si les circonstances avancées par la requérante sont de nature à établir que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords infractionnels, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché (voir, en ce sens, arrêts Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 106 supra, point 268, et la jurisprudence citée).

129    La requérante ayant pleinement participé à l’entente (voir points 81 à 87 ci-dessus), le Tribunal considère qu’elle n’a pas adopté un comportement concurrentiel sur le marché au sens de la jurisprudence citée au point 128 ci-dessus. Il convient de souligner, à cet égard, que la requérante a admis qu’elle avait mis fin à son prétendu retrait en août 1995 afin de bénéficier de l’infraction (point 67 de la déclaration de Union Pigments). Ainsi, elle a manifestement rejeté la possibilité d’adopter un comportement concurrentiel sur le marché et a préféré tirer avantage de l’entente.

130    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel elle a vendu des produits en deçà du prix recommandé, il convient de noter que le fait qu’une entreprise, dont la participation à une concertation avec ses concurrents en matière de prix est établie, ne se soit pas comportée sur le marché d’une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte, en tant que circonstance atténuante. En effet, une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique qui déroge de celle convenue peut simplement tenter d’utiliser l’entente à son profit (voir, en ce sens, arrêt Cascades/Commission, point 41 supra, point 230).

131    Quant à l’argument de la requérante selon lequel elle était en concurrence avec Britannia malgré l’entente, il doit être relevé qu’il est constant que ces entreprises ont essayé de détourner des clients des autres entreprises en 1994 et que, le 9 janvier 1995, James Brown a organisé une réunion avec Britannia et la requérante pour essayer d’améliorer la situation (considérant 117 de la décision attaquée). Il semble que les parties n’aient pas pu conclure un accord pour résoudre les difficultés de la situation en cours. Certes, ce conflit démontre un certain niveau de concurrence entre les entreprises en question. Cependant, la Commission n’a pas affirmé, dans la décision attaquée, que l’entente avait empêché toute concurrence sur le marché. De plus, la requérante n’a pas avancé d’élément de preuve démontrant que son conflit avec Britannia avait continué pendant toute la durée de l’infraction.

132    En tout état de cause, il est clair que la requérante a participé à la réunion du 9 janvier 1995, parce qu’elle s’estimait affectée par la concurrence et qu’elle entendait donc conclure un nouvel accord.

133    En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission aurait dû tenir compte du fait qu’elle avait été contrainte de se joindre à l’entente. Ainsi que le Tribunal l’a déjà constaté, cet argument doit être rejeté (voir point 63 ci-dessus).

134    Il s’ensuit que la troisième branche du second moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la quatrième branche, relative à l’application erronée de la communication sur la coopération

 Arguments des parties

135    La requérante considère que la réduction de 50 % que la Commission lui a accordée au titre de la communication sur la coopération est insuffisante. Elle relève que la nouvelle communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « nouvelle communication ») se distingue de la communication sur la coopération en ce que cette dernière exige qu’une entreprise apporte des éléments de preuve « déterminants » et ne prévoit pas d’immunité complète pour les entreprises ayant joué un rôle d’initiation ou déterminant dans l’activité illicite. La requérante avance que, bien que la décision attaquée donne l’impression que l’entente était le résultat d’une initiative commune, la Commission reconnaît maintenant n’avoir jamais prétendu qu’elle avait été une instigatrice ou avait joué un rôle déterminant dans l’entente. Par ailleurs, la requérante soutient avoir transmis à la Commission des informations qui lui ont permis d’avoir connaissance du fait que les autres participants avaient décidé, après les vérifications, de créer l’EMZP. La requérante fait observer que, dans la décision 1999/60/CE de la Commission, du 21 octobre 1998, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CE (IV/35.691/E-4 – Conduites précalorifugées) (JO 1999, L 24, p. 1), Løgstør, une des entreprises qui avaient bénéficié d’une réduction, avait prévenu la Commission que les membres du cartel avaient décidé de continuer les activités de celui-ci après les vérifications. La requérante ajoute qu’elle a donné des explications orales et des listes de réunions à la Commission. Enfin, la requérante conteste avoir indiqué que l’enquête menée dans les locaux des parties à l’entente n’avait pas fourni de motifs suffisants d’engager la procédure.

136    La Commission soutient que la distinction invoquée par la requérante entre la communication sur la coopération et la nouvelle communication est dénuée de toute pertinence, puisqu’elle n’a jamais prétendu qu’elle avait été une instigatrice ou qu’elle avait joué un rôle déterminant dans l’entente. Quant à l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas correctement appliqué, en l’espèce, la communication sur la coopération, il serait dénué de tout fondement.

 Appréciation du Tribunal

137    À titre liminaire, il importe de relever que, ainsi qu’il a été constaté aux considérants 351 à 353 de la décision attaquée, aucune des entreprises concernées ne remplissait les conditions d’application du point B ou du point C de la communication sur la coopération. Le comportement de ces entreprises devait donc être apprécié au titre du point D de ladite communication intitulé « Réduction significative du montant de l’amende ».

138    Aux termes du point D, paragraphe 1, « [l]orsqu’une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux [points] B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d’une réduction de 10 à 50 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération ».

139    En l’espèce, la Commission a consenti à la requérante une réduction d’amende de 50 %, à savoir la réduction maximale que la Commission pouvait accorder sur la base du point D, paragraphe 1, de la communication sur la coopération (considérants 354 à 356 de la décision attaquée). La requérante soutient que la Commission aurait dû lui accorder une réduction plus importante encore. Toutefois, elle ne conteste pas l’application du point D, paragraphe 1, en l’espèce. De plus, elle ne conteste pas que la Commission a réuni des preuves décisives et directes de l’infraction lors des vérifications effectuées dans ses locaux et qu’elle ne remplit donc pas les conditions pour l’application du titres B et C. La Commission ayant accordé à la requérante la réduction maximale de 50 %, conformément au point D, paragraphe 1, de la communication sur la coopération, le Tribunal considère que l’argument de la requérante à cet égard est totalement dénué de fondement.

140    Quant à la nouvelle communication, elle n’a été publiée au Journal officiel que le 19 février 2002 et ne remplace, en vertu de son point 28, la communication sur la coopération que depuis le 14 février 2002. Dans ces circonstances, la nouvelle communication n’est pas pertinente en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 126 supra, point 273). De surcroît, l’argument que fait valoir la requérante à cet égard (voir point 135 ci-dessus) est dénué de pertinence en ce que la Commission n’a jamais prétendu qu’elle était une instigatrice ou qu’elle avait joué un rôle déterminant dans l’entente.

141    Il résulte de ce qui précède que la quatrième branche du second moyen doit être rejetée.

 Sur la cinquième branche, tirée de la violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité

 Arguments des parties

142    La requérante prétend qu’elle a été sanctionnée de manière relativement plus sévère que les « membres du cercle restreint », qui ont pourtant joué un rôle plus actif dans la création et la conduite de l’entente et qui ont participé à celle-ci de façon ininterrompue. En conséquence, la Commission aurait violé les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité et aurait méconnu les lignes directrices.

143    La requérante rappelle qu’elle a bénéficié d’une réduction parce que l’amende dépassait 10 % de son chiffre d’affaires global. Or, le montant de base de la requérante (4,2 millions d’euros) dépasserait 60 % de son chiffre d’affaires global en 2001. En revanche, l’amende imposée à Britannia, à Heubach et à James Brown ne dépasserait pas 10 % de leurs chiffres d’affaires mondiaux respectifs. Le montant final de l’amende imposée à la requérante, après application de la communication sur la coopération, dépasserait 5 % de ce chiffre d’affaires, une amende aussi sévère que celle infligée à Heubach. Bien que, après application de la communication sur la coopération, la requérante ait bénéficié d’une réduction de 50 % et Heubach d’une réduction de 10 %, ce qui indiquerait que cette dernière devait être sanctionnée plus sévèrement, dans un rapport de 80 %, le montant final de l’amende indique que la sanction infligée à Heubach n’aurait été que de 8 % plus sévère que celle de la requérante. En conséquence, la Commission aurait violé les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

144    De plus, la Commission aurait pris comme point de départ du calcul du montant de l’amende le même montant de 3 millions d’euros pour pratiquement toutes les entreprises, indépendamment de leur taille. La requérante relève que, bien que les entreprises concernées aient disposé de parts de marché plus ou moins similaires, leurs tailles respectives étaient, et sont encore, significativement différentes, ainsi qu’en attestent leurs chiffres d’affaires, ce qui est un facteur important pour déterminer leur influence « réelle » sur le marché. En choisissant le même point de départ pour tous les participants, la Commission aurait imposé une sanction bien plus lourde aux entreprises qui, comme la requérante, avaient un chiffre d’affaires moins élevé. La Commission aurait violé le principe de proportionnalité dès lors que les amendes ne sont pas proportionnées à la puissance de chaque entreprise, déterminée par sa part de marché, sa taille et son chiffre d’affaires.

145    La requérante rappelle que les lignes directrices prévoient le classement des infractions en trois catégories et, donc, d’appliquer un traitement différencié aux entreprises concernées selon la nature de l’infraction qui leur est imputée. Ainsi que l’a indiqué le Tribunal dans son arrêt Acerinox/Commission, point 29 supra (point 78), il serait, en outre, « nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif [point 1 A, quatrième alinéa (des lignes directrices)] ». Le Tribunal aurait également jugé que, à l’intérieur de chacune des trois catégories retenues ci-dessus, il peut convenir de « pondérer […] le montant déterminé, afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature et d’adapter en conséquence le point de départ général selon le caractère spécifique de chaque entreprise approuvé [point 1 A, sixième alinéa (des lignes directrices)] ». Le Tribunal aurait conclu, dans la même affaire, que les parts de marché détenues par une entreprise sont pertinentes afin de déterminer l’influence que celle-ci a pu exercer sur le marché, mais qu’elles ne sauraient être déterminantes afin de conclure qu’une entreprise appartient à une entité économique puissante (arrêt Acerinox/Commission, point 29 supra, point 88 ; arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 139). La requérante affirme que, en l’espèce, la Commission n’a pas examiné la question de savoir s’il existait une disparité considérable entre les entreprises ayant participé à l’infraction et a omis de tenir compte de manière appropriée de la taille et de la puissance économique des entreprises concernées et, partant, de leur influence sur le marché. Le principe d’égalité de traitement pour un même type d’infraction aurait dû amener la Commission à infliger aux entreprises concernées des amendes d’un montant différent.

146    La requérante estime que, si la Commission avait correctement fait usage de sa « marge d’appréciation étendue », elle aurait dû prendre en compte les facteurs qui auraient justifié une amende moins élevée à son égard. Elle indique qu’il ressort, par exemple, de l’arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission (100/80 à 103/80, Rec. p. 1825), à laquelle renvoie la Commission dans son mémoire en défense, que cette dernière doit, pour apprécier la gravité d’une infraction, prendre en compte notamment le volume et la valeur des marchandises faisant l’objet de l’infraction ainsi que la taille et la puissance économique de l’entreprise et, partant, l’influence que celle-ci a pu exercer sur le marché (point 120). La requérante réaffirme qu’elle n’avait pas véritablement le pouvoir d’imposer les prix convenus au sein de l’entente. Par ailleurs, sa situation financière aurait été faible en comparaison avec celle des autres entreprises concernées. Ainsi, l’influence qu’elle aurait été en mesure d’exercer sur le marché serait considérablement inférieure à la part de marché qui sert de base au calcul de l’amende par la Commission.

147    La Commission conteste l’argumentation de la requérante. Elle fait notamment observer que cette dernière passe sous silence le fait que l’amende qui lui a été infligée est, de loin, la moins élevée. Cette amende serait dix fois inférieure à celle imposé à Heubach, alors que les deux entreprises avaient des parts de marché similaires et qu’elles ont théoriquement dû tirer le même profit de l’entente.

 Appréciation du Tribunal

148    La requérante fait valoir, essentiellement, que la Commission n’a pas suffisamment pris en considération sa taille et sa propre responsabilité lorsqu’elle a fixé le montant des amendes et qu’elle a, dès lors, violé les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité. Il convient également d’examiner, dans ce contexte, l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas tenu compte du poids relatif des entreprises dans l’application du traitement différencié ni de la capacité effective de la requérante de nuire (voir point 107 ci-dessus).

149    Tout d’abord, il convient de rappeler, d’une part, que la seule référence expresse au chiffre d’affaires contenue dans l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 concerne la limite supérieure que le montant d’une amende ne peut dépasser et, d’autre part, que cette limite s’entend comme étant relative au chiffre d’affaires global (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 146 supra, point 119). Dans le respect de cette limite, la Commission peut, en principe, fixer l’amende à partir du chiffre d’affaires de son choix, en termes d’assiette géographique et de produits concernés (arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 5023), sans être obligée de retenir précisément le chiffre d’affaires global ou celui réalisé sur le marché des produits en cause. Enfin, si les lignes directrices ne prévoient pas le calcul des amendes en fonction d’un chiffre d’affaires déterminé, elles ne s’opposent pas non plus à ce qu’un tel chiffre d’affaires soit pris en compte, à condition que le choix opéré par la Commission ne soit pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation (arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 126 supra, point 195).

150    En l’espèce, il doit être rappelé qu’il ressort de la décision attaquée que la Commission a estimé nécessaire de procéder à un traitement différencié des entreprises afin de tenir compte de la « capacité économique effective des contrevenantes de porter un préjudice important à la concurrence, ainsi que de fixer l’amende à un niveau garantissant un effet dissuasif suffisant » (considérant 304 de la décision attaquée). Elle a ajouté qu’il était nécessaire de « tenir compte du poids particulier de chaque entreprise, et donc de l’effet réel de son comportement illicite sur la concurrence ». Aux fins de l’appréciation de ces éléments, la Commission a choisi de se fonder sur le chiffre d’affaires tiré des ventes de phosphate de zinc standard dans l’EEE au cours de la dernière année de l’infraction. Elle a relevé que la requérante était l’un des principaux producteurs de phosphate de zinc dans l’EEE, en ce qu’elle détenait une part de marché d’environ 20 %, et l’a donc classée dans la première catégorie (considérant 308 de la décision attaquée). Le point de départ de l’amende a été fixé, pour toutes les entreprises de la première catégorie, à 3 millions d’euros. Le point de départ de James Brown, qui avait une part de marché d’environ 5 %, a été fixé à 750 000 euros.

151    Bien que la Commission ait comparé l’importance relative des entreprises concernées sur la base du chiffre d’affaires réalisé avec les ventes de phosphate de zinc dans l’EEE, elle s’est également référée aux parts de marché des entreprises sur le marché en cause pour les classer dans deux catégories différentes. En effet, la Commission a fixé les parts de marché des entreprises concernées en se fondant, d’une part, sur les chiffres d’affaires réalisés sur le marché en cause mentionnés dans le tableau figurant au considérant 50 de la décision attaquée et, d’autre part, sur des informations contenues dans le dossier. Le bien-fondé de cette approche n’a pas été contesté par la requérante.

152    Dans l’analyse de la « capacité économique effective des contrevenantes de porter un préjudice important à la concurrence », qui implique une appréciation de l’importance réelle de ces entreprises sur le marché affecté, c’est-à-dire de leur influence sur celui-ci, le chiffre d’affaires global ne présente qu’une vue incomplète des choses. Il ne saurait être exclu, en effet, qu’une entreprise puissante ayant une multitude d’activités différentes ne soit présente que de manière accessoire sur un marché de produits spécifique. De même, il ne saurait être exclu qu’une entreprise ayant une position importante sur un marché géographique extracommunautaire ne dispose que d’une position faible sur le marché communautaire ou de l’EEE. Dans de tels cas, le seul fait que l’entreprise concernée réalise un chiffre d’affaires global important ne signifie pas nécessairement qu’elle exerce une influence déterminante sur le marché affecté. C’est pourquoi la Cour a souligné, dans son arrêt Baustahlgewebe/Commission, point 145 supra (point 139), que, s’il est vrai que les parts de marché détenues par une entreprise ne sauraient être déterminantes afin de conclure qu’une entreprise appartient à une entité économique puissante, elles sont en revanche pertinentes afin de déterminer l’influence que celle-ci a pu exercer sur le marché (voir arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 106 supra, point 193). En l’espèce, la Commission a tenu compte tant de la part de marché que du chiffre d’affaires des entreprises en cause sur le marché affecté, lesquels auraient permis de déterminer l’importance relative de chaque entreprise sur le marché en cause.

153    Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation dans son analyse de la « capacité économique effective des auteurs d’infraction », au sens du point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices.

154    En outre, il résulte d’une comparaison des chiffres d’affaires réalisés sur le marché par les entreprises relevant de la première catégorie et mentionnés dans le tableau figurant au considérant 50 de la décision attaquée que c’est à juste titre que ces entreprises ont été regroupées et qu’elles se sont vu imposer un point de départ spécifique identique. Ainsi, la requérante a réalisé, en 1998, un chiffre d’affaires sur le marché concerné dans l’EEE de 3,2 millions d’euros. Heubach, Trident et la SNCZ avaient réalisé des chiffres d’affaires de 3,7, de 3,69 et de 3,9 millions d’euros respectivement. Britannia, qui avait cessé d’exercer toute activité économique en 1998, avait réalisé, en 1996, un chiffre d’affaires sur le marché concerné dans l’EEE de 2,78 millions d’euros.

155    Il n’en reste pas moins que la répartition par catégories doit respecter le principe d’égalité de traitement selon lequel il est interdit de traiter des situations comparables de manière différente et des situations différentes de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, ci-après l’« arrêt FETTCSA », point 406). Dans cette même optique, les lignes directrices prévoient, en leur point 1 A, sixième alinéa, qu’une disparité « considérable » dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature est, notamment, de nature à justifier une différenciation aux fins de l’appréciation de la gravité de l’infraction. Par ailleurs, selon la jurisprudence, le montant des amendes doit, au moins, être proportionné par rapport aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission, T‑202/98, T‑204/98 et T‑207/98, Rec. p. II‑2035, point 106).

156    Par conséquent, lorsque la Commission répartit les entreprises concernées dans des catégories aux fins de la fixation du montant des amendes, la détermination des seuils pour chacune des catégories ainsi identifiées doit être cohérente et objectivement justifiée (arrêts FETTCSA, point 416, et LR AF 1998/Commission, point 87 supra, point 298).

157    Certes, en l’espèce, la requérante, bien qu’elle n’ait réalisé qu’un chiffre d’affaires global de 7 millions d’euros en 2000, a été classée dans le même groupe que Britannia, Heubach, Trident et la SNCZ qui avaient respectivement un chiffre d’affaires global de 55,7, de 71, de 76 et de 17 millions d’euros. Toutefois, il ne saurait en être déduit une violation ni du principe de proportionnalité ni du principe d’égalité de traitement. Comme cela est expliqué aux points 150 et 151 ci-dessus, ces différentes entreprises ont été regroupées parce qu’elles avaient des chiffres d’affaires sur le marché concerné et des parts de marché qui étaient très similaires. Il était cohérent et objectivement justifié de regrouper les entreprises sur cette base. En outre, le Tribunal considère que la différence de dimension de la requérante par rapport à celles des autres entreprises en cause n’était pas d’une importance telle qu’elle aurait dû être classée dans un groupe différent (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Daesang et Sewon Europe/Commission, T‑230/00, Rec. p. II‑2733, points 69 à 77).

158    Il convient de relever, à titre surabondant, que, dans les circonstances de la présente affaire, il a été suffisamment tenu compte du chiffre d’affaires global de la requérante lors de l’application du plafond de 10 % prévu par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Ainsi qu’il a été indiqué aux points 16 et 17 ci-dessus, le montant de l’amende de la requérante a été réduit à 700 000 euros en vue de respecter ce plafond, avant d’être encore réduit à 350 000 euros pour coopération. Le plafond de 10 % vise à éviter que les amendes soient disproportionnées par rapport à l’importance de l’entreprise (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 146 supra, point 119). L’application de cette limite maximale en l’espèce a assuré que l’amende infligée à la requérante soit proportionnée à sa taille. Au vu du caractère très grave de l’infraction et du fait que celle-ci a duré pendant plus de quatre ans, le montant de l’amende aurait pu être beaucoup plus élevé si la requérante n’avait pas été une petite entreprise et si elle n’avait pas bénéficié du plafond de 10 %.

159    La requérante avance que, comparée à celles des autres entreprises concernées, son amende n’est pas proportionnée à sa taille. Or, la Commission n’est pas obligée d’effectuer le calcul du montant de l’amende à partir de montants basés sur le chiffre d’affaires des entreprises concernées. De plus, elle n’est pas tenue d’assurer, au cas où des amendes sont imposées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d’affaires global ou à leur chiffre d’affaires sur le marché du produit en cause (arrêt Dansk Rørindustri/Commission, point 32 supra, point 202).

160    Quant à l’argument de la requérante selon lequel, après application de la communication sur la coopération, elle a bénéficié d’une réduction de 50 % et Heubach d’une réduction de 10 %, ce qui indiquerait que cette dernière devait être sanctionnée plus sévèrement, dans un rapport de 80 %, il suffit de constater que la Commission n’est pas obligée de déterminer le montant des amendes en fonction des réductions qu’elle a consenties dans le cadre de la communication sur la coopération.

161    L’argumentation de la requérante selon laquelle le montant de base dépassait 60 % de son chiffre d’affaires global n’est pas pertinente. La limite maximale imposée par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, en exigeant que l’amende qui sera finalement imposée à une entreprise soit réduite au cas où elle dépasse 10 % de son chiffre d’affaires, indépendamment des opérations de calcul intermédiaires destinées à prendre en compte la gravité et la durée de l’infraction, n’interdit pas à la Commission de se référer, au cours de son calcul, à un montant intermédiaire dépassant 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée, pour autant que l’amende finalement imposée à cette entreprise ne dépasse pas cette limite (arrêt Dansk Rørindustri/Commission, point 32 supra, point 205).

162    Par ailleurs, la requérante fait valoir que la Commission a violé les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité et qu’elle n’a pas tenu compte des lignes directrices pour le calcul des amendes, en ce que la requérante a été sanctionnée de manière plus sévère que les « membres du cercle restreint ». Toutefois, comme indiqué au point 88 ci-dessus, l’existence du prétendu « cercle restreint » n’est pas établie.

163    De plus, force est de constater que la requérante n’a pas démontré que son comportement était « moins grave » que celui des autres entreprises concernées.

164    Enfin, il convient de noter, en ce qui concerne le principe d’égalité de traitement, à la lumière de ce qui précède, que l’application des lignes directrices en l’espèce a permis d’assurer que les deux volets de ce principe ont été respectés. D’une part, toutes les entreprises concernées avaient une responsabilité commune et comparable en ce qu’elles ont toute participé à une infraction très grave. Ainsi, dans un premier temps, cette responsabilité à été appréciée en fonction des éléments propres à l’infraction tels que sa nature et son impact sur le marché. D’autre part, dans un second temps, la Commission a modulé cette appréciation en fonction des circonstances propres à chaque entreprise concernée, y compris sa taille et ses capacités, la durée de sa participation et sa coopération.

165    Il résulte de ce qui précède que la cinquième branche du second moyen doit être rejetée.

 Sur la sixième branche, relative à l’inutilité de se montrer plus dissuasif et à l’impossibilité de payer l’amende

 Arguments des parties

166    La requérante fait valoir que la Commission a commis une violation des formes substantielles ainsi que des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement en ne tenant pas compte du fait qu’il n’y avait aucune raison de se montrer plus dissuasif encore et qu’elle n’avait pas les moyens de payer l’amende.

167    En premier lieu, la requérante soutient que la Commission a violé les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement en ce qu’elle ne s’est pas interrogée sur l’opportunité de mesures de dissuasion moins sévères. À l’instar de ce qu’elle a fait dans d’autres affaires, la Commission aurait dû prendre en considération non seulement la part de marché de la requérante, mais également « sa taille générale, afin de garantir que la sanction sera[it] proportionnée et dissuasive » [décision 2002/742/CE de la Commission, du 5 décembre 2001, relative à une procédure au titre de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-1/36.604 – Acide citrique) (JO L 239, p. 18)]. La requérante rappelle qu’elle s’est retirée de l’entente en 1995, qu’elle a immédiatement mis fin à l’infraction lorsque la Commission est intervenue et qu’elle a été la première à coopérer avec cette dernière lors des vérifications. Après cette expérience très coûteuse, la requérante aurait eu la ferme intention de se conformer aux règles de concurrence et il serait dès lors inutile que des mesures de dissuasion sévères soient prises. La requérante estime que la Commission aurait pu, en ce qui la concerne, valablement envisager de ne lui imposer qu’une amende symbolique. Elle soutient que, en conséquence, l’amende doit être réduite. Elle craint d’avoir fait les frais de la volonté de la Commission de diffuser un message, reflété par le communiqué de presse de la Commission (IP/01/1797), que les petites et moyennes entreprises ne devaient pas avoir l’illusion que leur taille leur permettait de bénéficier d’un traitement préférentiel en ce qui concerne les amendes.

168    En deuxième lieu, la requérante allègue que la Commission aurait dû tenir compte de sa capacité contributive réelle conformément au point 5, sous b), des lignes directrices et à la jurisprudence (arrêt LR AF 1998/Commission, point 87 supra, point 308). Elle prétend se trouver dans une situation financière très précaire. Si elle devait payer l’amende, ses chances de se rétablir et de retrouver une position concurrentielle sur le marché seraient tout à fait compromises.

169    La Commission aurait admis, dans son mémoire en défense, que, en réponse à des demandes de sa part, la requérante lui « [avait] fait parvenir des rapports financiers faisant état d’une mauvaise situation financière ». Toutefois, la Commission, d’une part, aurait reproché à la requérante de ne pas manifester « d’inquiétudes sur sa capacité de payer une quelconque amende » et, d’autre part, aurait affirmé qu’elle ne pouvait évaluer la capacité de paiement réelle de la requérante en l’absence de commentaires de cette dernière à ce sujet. La requérante répond que, lorsque la Commission a demandé de tels documents, elle ne l’a pas invitée à lui faire part de ses commentaires sur sa capacité de payer. Par ailleurs, la faiblesse de la situation financière de la requérante et ses tentatives de réduire généralement les coûts en raison de cette situation seraient bien connues de la Commission. Par exemple, le 31 janvier 2001, la requérante aurait envoyé à la Commission les traductions des comptes provisoires pour l’année 2000, qui auraient montré un résultat final négatif, avant impôts, de 417 100 euros. Par lettre du 31 janvier 2001, la Commission aurait remercié la requérante pour les comptes annuels et lui aurait assuré qu’« ils seraient pris en considération dans l’appréciation finale ».

170    En réponse à l’argument de la Commission selon lequel une réduction de l’amende de la requérante justifiée par le fait qu’elle se trouve dans une situation financière difficile reviendrait à lui procurer un avantage concurrentiel injustifié, la requérante avance que cette hypothèse ne se présente pas en l’espèce. En effet, le marché aurait changé. Par ailleurs, elle affirme que ses propriétaires et ses organes de gestion ont changé et que les nouveaux propriétaires et dirigeants, qui ne sont plus entravés par des liens de famille, sont à même de prendre des décisions audacieuses en matière de commercialisation et de restructuration de l’entreprise qui auraient été considérées comme impossibles par les propriétaires et dirigeants précédents.

171    La Commission conteste le bien-fondé de l’argumentation de la requérante. Elle relève, à cet égard, que cette dernière ne fait nullement référence à une incapacité de payer dans un « contexte social particulier » au sens des lignes directrices et qu’elle n’a même pas fourni des informations sur le degré de rentabilité de l’entreprise. En outre, la requérante n’aurait jamais manifesté d’inquiétudes sur sa capacité à payer une quelconque amende.

 Appréciation du Tribunal

172    S’agissant, tout d’abord, du caractère dissuasif de l’amende, il convient de relever que l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 a pour objet de donner à la Commission le pouvoir d’infliger des amendes en vue de lui permettre d’accomplir la mission de surveillance que lui confère le droit communautaire (arrêts Musique diffusion française e.a./Commission, point 146 supra, point 105, et Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 106 supra, point 105). Cette mission comprend la tâche de réprimer des infractions individuelles et le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises. Il s’ensuit que la Commission doit veiller au caractère dissuasif des amendes (arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 106 supra, points 105 et 106). En effet, le caractère dissuasif d’une amende infligée en raison d’une violation des règles de concurrence communautaires ne saurait être déterminé en fonction seulement de la situation particulière de l’entreprise condamnée (arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 106 supra, point 110 ; voir, également, arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, points 170 à 174).

173    En l’espèce, l’amende de 350 000 euros infligée à la requérante représente seulement 4,9 % de son chiffre d’affaires. Une telle amende ne saurait être considérée comme disproportionnée par rapport à la taille de la requérante ni par rapport à la nature de l’infraction. De plus, la requérante n’a pas établi une quelconque violation du principe d’égalité de traitement à cet égard (voir points 149 à 165 ci-dessus).

174    Par ailleurs, s’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle la Commission aurait dû lui infliger une amende « symbolique », il y a lieu de noter que, selon le point 5, sous d), des lignes directrices, la Commission doit « se réserver également la possibilité, dans certains cas, d’infliger une amende dite ‘symbolique’ de 1 000 [euros] qui ne donnerait pas lieu au calcul résultant de la durée, des circonstances aggravantes ou atténuantes ». La requérante n’a pas démontré en quoi une amende symbolique aurait été justifiée en l’espèce. Eu égard au fait qu’elle a participé à une infraction très grave pendant plus de quatre ans, le Tribunal considère qu’une telle justification ne pourrait d’ailleurs que très difficilement être apportée. La coopération de la requérante lors de la procédure ne saurait justifier une telle amende. Comme indiqué au point 139 ci-dessus, la requérante a déjà bénéficié de la réduction maximale de 50 % conformément au point D, paragraphe 1, de la communication sur la coopération. En outre, le fait que la requérante ait eu l’intention de se conformer aux règles de concurrence avant l’adoption de la décision attaquée ne constitue pas une raison suffisante pour que la Commission se limite à lui infliger une amende symbolique. Il convient de rappeler, à cet égard, qu’il ressort de la jurisprudence que la dissuasion des tiers, et non seulement celle de l’entreprise concernée, est un objectif important de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 (voir la jurisprudence citée au point 172 ci-dessus).

175    Quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle la Commission n’a pas suffisamment tenu compte de sa situation financière, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission n’est pas obligée, lors de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire d’une entreprise intéressée, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (voir arrêts du Tribunal LR AF 1998/Commission, point 87 supra, point 308 ; du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, et FETTCSA, point 351, et la jurisprudence citée).

176    Cette jurisprudence ne saurait être remise en cause par le point 5, sous b), des lignes directrices, selon lequel la capacité contributive réelle d’une entreprise doit être prise en considération. En effet, cette capacité ne joue que dans son « contexte social particulier », constitué par les conséquences que le paiement de l’amende aurait, notamment, au niveau d’une augmentation du chômage ou d’une détérioration des secteurs économiques en amont et en aval de l’entreprise concernée (arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 126 supra, point 371). Bien que la requérante ait informé la Commission de sa situation financière lors de la procédure précontentieuse, elle n’a pas invoqué le point 5, sous b), des lignes directrices et elle n’a produit aucun élément susceptible de permettre à la Commission d’apprécier ledit « contexte social particulier ».

177    Par ailleurs, le fait qu’une mesure prise par une autorité communautaire provoque la faillite ou la liquidation d’une entreprise donnée n’est pas interdit, en tant que tel, par le droit communautaire (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 janvier 1986, Commission/Belgique, 52/84, Rec. p. 89, point 14, et du 2 juillet 2002, Commission/Espagne, C‑499/99, Rec. p. I‑6031, point 38). En effet, la liquidation d’une entreprise sous sa forme juridique en cause, si elle peut porter atteinte aux intérêts financiers des propriétaires, actionnaires ou détenteurs de parts, ne signifie pas pour autant que les éléments personnels, matériels et immatériels représentés par l’entreprise perdraient eux aussi leur valeur (arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 126 supra, point 372).

178    À titre surabondant, il doit être constaté que la requérante n’a pas établi de lien de cause à effet entre, d’une part, la décision attaquée et l’imposition de l’amende et, d’autre part, sa faillite. Il ressort du dossier que la requérante a été déclarée en faillite le 2 juin 2003, à savoir près de 18 mois après la date de la décision attaquée et un an après l’accord qu’elle avait passé avec la Commission aux termes duquel elle devait seulement payer 50 000 euros tous les six mois avec effet au 1er juillet 2002 (voir ordonnance Waardals/Commission, point 20 supra). Malgré les questions posées à ce sujet par le Tribunal lors de l’audience, la requérante n’a pas fourni de précisions au sujet de la nature de sa faillite, ni au sujet de ses autres dettes qui avaient joué un rôle dans cette faillite. Il s’ensuit qu’il n’est pas établi que l’amende imposée en l’espèce aurait pour résultat de provoquer la faillite de la requérante.

179    Enfin, la requérante n’a pas établi que la Commission s’était engagée à réduire l’amende au vu de sa situation financière. La Commission a constaté dans sa lettre du 31 janvier 2001 qu’elle prendrait en considération les comptes annuels de la requérante pour l’année 2000 pour déterminer sa responsabilité individuelle. Cela ne traduisait nullement un engagement dans le sens invoqué par la requérante, mais plutôt l’intention de la Commission d’utiliser les comptes annuels pour fixer le plafond de 10 % prévu par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

180    À la lumière de ce qui précède, le dernier moyen de la requérante doit être rejeté.

181    Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les demandes de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction

182    La requérante demande au Tribunal, au titre de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction, de procéder à la citation et à l’audition de témoins et de lui donner accès au rapport de l’audition du 17 janvier 2001 établi par la Commission.

183    La Commission s’oppose à cette demande.

184    Le Tribunal considère que l’affaire ne présentant pas de controverses quant au déroulement des faits, il n’y a pas lieu de donner suite à ladite demande.

185    Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

186    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

Lindh

García-Valdecasas

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 novembre 2005.

Le greffier

 

       Le président


E. Coulon

 

       P. Lindh       

Table des matières



* Langue de procédure : l'anglais.