Language of document : ECLI:EU:T:2005:447

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

13 décembre 2005 (*)

« Fonctionnaires – Rapport de notation – Exercices de notation 1995/1997, 1997/1999 et 1999/2001 – Recours en annulation – Établissement simultané de rapports de notation successifs – Irrégularités de procédure – Tardiveté – Dossier individuel – Erreur manifeste d’appréciation – Détournement de pouvoir – Incohérence de la motivation – Réparation du préjudice subi – Préjudice matériel – Préjudice moral »

Dans les affaires jointes T‑155/03, T‑157/03 et T‑331/03,

Michael Cwik, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Tervuren (Belgique), représenté par Mes N. Lhoëst et E. de Schietere de Lophem, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme L. Lozano Palacios, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, des demandes d’annulation des décisions de la Commission portant établissement définitif des rapports de notation du requérant pour les périodes allant du 1er juillet 1995 au 30 juin 1997, du 1er juillet 1997 au 30 juin 1999 et du 1er juillet 1999 au 30 juin 2001 et, pour autant que de besoin, des décisions de la Commission portant rejet des réclamations du requérant relatives à ces rapports, ainsi que, d’autre part, des demandes d’indemnisation des préjudices matériel et moral allégués,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er mars 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       Aux termes de l’article 26 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut ») :

« Le dossier individuel du fonctionnaire doit contenir :

a)       toutes pièces intéressant sa situation administrative et tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement ;

b)       les observations formulées par le fonctionnaire à l’égard desdites pièces.

Toute pièce doit être enregistrée, numérotée et classée sans discontinuité ; l’institution ne peut opposer à un fonctionnaire ni alléguer contre lui des pièces visées au point a), si elles ne lui ont pas été communiquées avant classement.

[…]

Il ne peut être ouvert qu’un dossier pour chaque fonctionnaire.

[…] »

2       L’article 43 du statut énonce :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, […] font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution […]

Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles. »

3       La décision de la Commission du 15 mai 1997 arrêtant les dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE ») et le guide de la notation adopté par la Commission en vigueur au moment des faits (ci-après le « guide de la notation ») précisent les modalités d’établissement des rapports de notation.

 Antécédents du litige

4       Le 18 septembre 1970, le requérant est entré au service de la Commission, en tant que fonctionnaire de grade A 7. Depuis cette date, il a été affecté à la direction générale (DG) « Affaires économiques et financières », sauf pendant une période d’intérim assurée au sein du groupe du porte-parole entre le 1er février 1978 et le 1er juin 1979.

5       Le 1er août 1982, le requérant a été promu au grade A 5.

6       Pour la période allant du 1er juillet 1989 au 30 juin 1991, le rapport de notation concernant le requérant contenait quatre mentions « excellent », huit mentions « très bien » et deux mentions « bon », à titre d’appréciations analytiques. Ce rapport de notation a été reconduit pour la période allant du 1er juillet 1991 au 30 juin 1993.

7       Le rapport de notation dont a fait l’objet le requérant pour la période allant du 1er juillet 1993 au 30 juin 1995 (ci-après le « rapport 1993/1995 ») comportait, à titre d’appréciations analytiques, quatre mentions « excellent », huit mentions « très bien » et deux mentions « bon ».

8       En 1998, un litige a opposé le requérant à la Commission à la suite de la décision du directeur général de la DG « Affaires économiques et financières », M. R., de ne pas autoriser la publication d’une conférence que le requérant avait donnée à Cordoue en octobre 1997. Faisant droit au recours introduit par le requérant, le Tribunal a annulé la décision litigieuse par arrêt en date du 14 juillet 2000, Cwik/Commission (T‑82/99, RecFP p. I‑A‑155 et II‑713), lequel a ensuite été confirmé par la Cour (arrêt du 13 décembre 2001, Commission/Cwik, C‑340/00 P, Rec. p. I‑10269).

9       Le 7 avril 1999, le requérant a eu un premier entretien avec M. R., pris en sa qualité de notateur, concernant l’exercice de notation allant du 1er juillet 1995 au 30 juin 1997 – période pendant laquelle M. A. avait été le supérieur hiérarchique direct du requérant.

10     Le 22 avril 1999, M. R. a communiqué au requérant le rapport de notation le concernant pour la période allant du 1er juillet 1995 au 30 juin 1997 (ci-après le « rapport 1995/1997 »). Ce rapport comportait, à titre d’appréciations analytiques, dix mentions « normal ».

11     Le 28 juin 2001, le requérant a eu un second entretien au sujet du rapport 1995/1997 avec M. C., le directeur général faisant fonction de la DG « Affaires économiques et financières » à la suite du départ de M. R. Le même jour, M. C. (ci-après le « notateur ») a adressé au requérant une nouvelle version du rapport 1995/1997 identique à celui précédemment établi par M. R.

12     Le même jour, le notateur a communiqué au requérant le rapport de notation le concernant pour la période allant du 1er juillet 1997 au 30 juin 1999 (ci-après le « rapport 1997/1999 ») – période pendant laquelle MM. A. (pour la période allant du 1er juillet au 31 décembre 1997), S. (pour la période allant du 1er janvier au 30 novembre 1998) et B. (pour la période allant du 1er décembre 1998 au 30 juin 1999) avaient été successivement les supérieurs hiérarchiques directs du requérant. Ce rapport comportait, à titre d’appréciations analytiques, une mention « supérieur » sous la rubrique « Conduite dans le service – Relations humaines », huit mentions « normal » et une mention « insuffisant » sous la rubrique « Rendement – Régularité et respect des priorités (et efficacité des choix) ».

13     Toujours le même jour, le notateur a communiqué au requérant une proposition de reconduction du rapport 1997/1999 pour la période allant du 1er juillet 1999 au 30 juin 2001.

14     Le 9 juillet 2001, le requérant a invité le notateur à modifier le rapport 1995/1997 à la lumière d’un contre‑projet de rapport qui avait été établi, à la date du 8 juillet 2001, par son supérieur hiérarchique direct.

15     Le 10 juillet 2001, un premier entretien s’est déroulé entre le requérant et le notateur concernant le rapport 1997/1999. Celui-ci a été suivi d’un second entretien, le 16 juillet 2001.

16     Le 14 septembre 2001, faisant suite au refus opposé par le requérant à la reconduction du rapport 1997/1999 pour l’exercice de notation suivant, le notateur a communiqué à celui-ci le rapport de notation le concernant pour la période allant du 1er juillet 1999 au 30 juin 2001 (ci-après le « rapport 1999/2001 ») – période au cours de laquelle MM. B. (pour la période allant du 1er juillet 1999 au 31 mai 2000) et V. (pour la période allant du 1er juin 2000 au 30 juin 2001) avaient été successivement les supérieurs hiérarchiques directs du requérant. Le rapport 1999/2001 contenait les mêmes appréciations analytiques que le rapport 1997/1999 et les notes de MM. B. et V. y étaient annexées.

17     Le 15 novembre 2001, un premier entretien s’est déroulé entre le requérant et le notateur concernant le rapport 1999/2001. Celui-ci a été suivi d’un second entretien, le 26 février 2002. Faisant suite au second entretien, le notateur a modifié le rapport en remplaçant une mention « normal » par une mention « supérieur » sous la rubrique « Compétence – Connaissances liées à la fonction (et connaissances générales) ».

18     Conformément aux demandes du requérant, M. O., secrétaire général de la Commission et notateur d’appel du requérant (ci-après le « notateur d’appel »), a été saisi des rapports 1995/1997, 1997/1999 et 1999/2001.

19     Le 15 octobre 2001, le notateur d’appel a écrit au nouveau directeur général de la DG « Affaires économiques et financières », M. E., pour lui signaler une irrégularité résultant de ce que le supérieur hiérarchique direct du requérant durant la période 1995/1997 et l’un de ses supérieurs hiérarchiques directs durant la période 1997/1999, M. A., n’avait pas été consulté par le notateur préalablement à l’établissement des rapports 1995/1997 et 1997/1999.

20     Le 7 novembre 2001, le supérieur hiérarchique concerné a été entendu par le notateur et a inscrit ses propres commentaires et appréciations dans les rapports 1995/1997 et 1997/1999.

21     Le 10 décembre 2001, le notateur d’appel a partiellement modifié les appréciations analytiques figurant dans les rapports 1995/1997 et 1997/1999. Concernant le rapport 1995/1997, il a ainsi substitué deux mentions « supérieur » à deux mentions « normal » sous les rubriques « Compétence – Connaissances liées à la fonction (et connaissances générales) » et « Rendement – Régularité et respect des priorités (et efficacité des choix) ». Dans le rapport 1997/1999, il a remplacé la seule mention « insuffisant » par une mention « normal » sous la rubrique « Rendement – Régularité et respect des priorités (et efficacité des choix) ».

22     Le 4 avril 2002, le notateur d’appel a entendu le requérant au sujet du rapport 1999/2001. Le 10 avril 2002, il a communiqué au requérant sa décision de confirmer purement et simplement ledit rapport. Le même jour, il a également adressé un courrier au directeur général de la DG « Affaires économiques et financières », avec copie au requérant, expliquant les raisons de sa décision et recommandant la réaffectation du requérant dans une autre direction générale.

23     Le 2 mai 2002, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), en réponse à la réclamation R/506/01 introduite par le requérant, le 9 novembre 2001, contre son absence de promotion au titre de l’exercice de promotion 2001, a alloué à celui-ci une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait du retard intervenu dans l’établissement des rapports 1995/1997 et 1997/1999.

24     Par avis en date du 4 juin 2002, concernant les rapports 1995/1997 et 1997/1999, et du 18 octobre 2002, concernant le rapport 1999/2001, le comité paritaire des notations (ci-après le « CPN »), saisi à la demande du requérant, a indiqué qu’il manquait d’éléments pour remettre en cause les appréciations du notateur d’appel tout en relevant les retards importants qui étaient intervenus dans les procédures de notation.

25     Les 13 juin et 31 octobre 2002, le notateur d’appel a notifié au requérant ses décisions de maintenir les rapports 1995/1997 et 1997/1999, tels que modifiés le 10 décembre 2001, et le rapport 1999/2001, tel que confirmé le 10 avril 2002.

26     Le 12 septembre 2002, concernant les rapports 1995/1997 et 1997/1999, et le 4 février 2003, concernant le rapport 1999/2001, le requérant a introduit des réclamations fondées sur l’article 90, paragraphe 2, du statut à l’encontre des décisions du notateur d’appel portant établissement définitif de sa notation (respectivement les réclamations R/465/02, R/466/02 et R/49/03).

27     Le 16 octobre 2002, une réunion interservices s’est tenue en vue de traiter les réclamations R/465/02 et R/466/02 en présence notamment de deux représentants de la DG « Affaires économiques et financières », du requérant et de son conseil.

28     Par courrier en date du 31 octobre 2002, le requérant a écrit à la DG « Personnel et administration » pour que lui soient transmis les documents qui avaient été cités par les représentants de la DG « Affaires économiques et financières » lors de la réunion interservices.

29     Par courrier en date du 28 novembre 2002, l’unité « Statut » de la direction « Droits et obligations ; politique et actions sociales » de la DG « Personnel et administration » a communiqué au requérant une copie des documents que lui avaient transmis, par courrier en date du 22 novembre 2002, les services de la DG « Affaires économiques et financières ». Le courrier du 22 novembre 2002 indiquait que les documents transmis en copie étaient ceux auxquels les représentants de la DG « Affaires économiques et financières » avaient fait référence lors de la réunion interservices. Il précisait, en outre, que les originaux de ces documents seraient transmis le jour même à l’unité « Gestion des droits individuels » de la direction « Droits et obligations ; politique et actions sociales » de la DG « Personnel et administration » pour dépôt au dossier individuel du requérant.

30     Par courrier en date du 26 décembre 2002, le requérant a demandé à la DG « Personnel et administration » de retirer de son dossier individuel les documents visés dans le courrier de la DG « Affaires économiques et financières » en date du 22 novembre 2002 et de les détruire.

31     Le 13 janvier 2003, l’AIPN a adopté deux décisions portant rejet des réclamations R/465/02 et R/466/02. Ces décisions ont été notifiées au requérant le 20 janvier 2003.

32     Par courrier en date du 31 mars 2003, l’unité « Ressources humaines et administration » de la direction « Ressources » de la DG « Affaires économiques et financières » a répondu officiellement à la demande formulée par le requérant dans son courrier en date du 26 décembre 2002 en précisant que les documents en question ne pouvaient être détruits, mais qu’ils ne seraient pas classés dans son dossier individuel et n’auraient pas d’influence sur la suite de sa carrière.

33     Le 3 juin 2003, l’AIPN a adopté une décision portant rejet de la réclamation R/49/03 du requérant et lui allouant une somme de 1 000 euros pour l’indemniser du préjudice moral subi en raison du retard intervenu dans l’établissement du rapport de notation 1999/2001. Cette décision a été notifiée au requérant le 12 juin 2003.

 Procédure et conclusions des parties

34     Par requêtes déposées au greffe du Tribunal, respectivement, les 24 avril 2003 (T‑155/03), 30 avril 2003 (T‑157/03) et 21 septembre 2003 (T‑331/03), le requérant a introduit les présents recours.

35     Par ordonnance du président de la deuxième chambre en date du 15 septembre 2004, les affaires T‑155/03, T‑157/03 et T‑331/03 ont été jointes pour la procédure orale et l’arrêt.

36     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et d’inviter la Commission à produire un document et à répondre à plusieurs questions écrites du Tribunal. Elle a déféré à ces demandes dans le délai imparti.

37     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l’audience publique du 1er mars 2005.

38     En ce qui concerne l’affaire T‑155/03, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision de la Commission du 13 juin 2002 portant adoption définitive du rapport 1995/1997 ;

–       pour autant que de besoin, annuler la décision de la Commission du 13 janvier 2003 portant rejet de sa réclamation R/465/02 ;

–       condamner la Commission à lui payer une indemnité d’un montant de 15 000 euros, ce montant devant être fixé ex aequo et bono.

39     En ce qui concerne l’affaire T‑157/03, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision de la Commission du 13 juin 2002 portant adoption définitive du rapport 1997/1999 ;

–       pour autant que de besoin, annuler la décision de la Commission du 13 janvier 2003 portant rejet de sa réclamation R/466/02 ;

–       condamner la Commission à lui payer une indemnité d’un montant de 10 000 euros, ce montant devant être fixé ex aequo et bono.

40     En ce qui concerne l’affaire T‑331/03, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision de la Commission du 31 octobre 2002 portant adoption définitive du rapport 1999/2001 ;

–       pour autant que de besoin, annuler la décision de la Commission du 3 juin 2003 portant rejet de sa réclamation R/49/03, sauf en ce qu’elle lui octroie une indemnité de 1 000 euros ;

–       condamner la Commission à lui payer une indemnité d’un montant de 6 500 euros, ce montant devant être fixé ex aequo et bono.

41     Dans chaque affaire, le requérant demande au Tribunal de condamner la Commission aux entiers dépens.

42     Dans chaque affaire, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       statuer sur les dépens comme de droit.

 Sur les conclusions en annulation dans l’affaire T‑155/03

43     À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque, en substance, un ensemble de moyens tirés, respectivement, d’irrégularités de procédure, d’erreurs manifestes d’appréciation et d’erreurs de fait, d’un détournement de pouvoir, d’un défaut de motivation et d’une incohérence de la motivation.

44     Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner, tout d’abord, le moyen tiré d’une irrégularité de procédure qui résulterait d’une violation de l’article 26 du statut ainsi que le moyen pris d’erreurs de fait.

 Arguments des parties

45     Le requérant estime que le rapport 1995/1997 a été établi en violation de l’article 26 du statut dans la mesure où il s’est appuyé sur des pièces concernant sa compétence, son rendement ou son comportement, qui figuraient non pas dans son dossier individuel, mais dans un « dossier parallèle ». Par ailleurs, le requérant soutient que le rapport 1995/1997 contient des appréciations non fondées en fait dans la mesure où elles s’appuient exclusivement sur des pièces non classées à son dossier individuel.

46     La Commission conteste avoir tenu un « dossier parallèle » concernant le requérant, dont elle se serait servi pour établir le rapport 1995/1997.

47     Selon la Commission, la notion même de « dossier parallèle » doit être limitée aux seules pièces utilisées pour la notation dont le fonctionnaire concerné n’a pu avoir connaissance. À cet égard, elle souligne que le classement ou non d’une pièce dans le dossier individuel n’est pas une fin en soi, mais que cette règle a essentiellement été instituée en vue de garantir les droits de la défense des fonctionnaires et d’éviter que des décisions les concernant ne soient prises sur la base d’éléments dont ils n’ont pu avoir connaissance. La Commission indique que, en l’espèce, les pièces litigieuses ne sont pas constitutives d’un « dossier parallèle » dans la mesure où le requérant en avait nécessairement connaissance soit en tant qu’auteur, soit en tant que destinataire. En tout état de cause, le rapport 1995/1997 ne se fonderait sur aucune pièce dont le requérant n’aurait pas eu connaissance ou au sujet de laquelle il n’aurait pas pu s’exprimer.

48     La Commission conteste ainsi qu’un « dossier parallèle » ait existé à la date de la réunion interservices. Elle précise que le fait que, lors de cette réunion, les représentants de la DG « Affaires économiques et financières » aient fait référence à de nombreux conflits ayant opposé, par le passé, le requérant à sa hiérarchie ne peut être interprété comme la preuve de l’existence d’un « dossier parallèle ». Selon la Commission, la référence aux pièces litigieuses est intervenue dans le cadre d’une discussion d’ensemble et visait à répondre à l’argumentation du requérant selon laquelle le comportement de celui-ci n’aurait jamais été remis en cause par le passé. Elle indique que ce n’est qu’à la suite de cette réunion, en novembre 2002, et en réponse à une demande explicite du requérant, qu’elle a rassemblé les pièces relatives à ces conflits.

49     Enfin, le requérant, qui avait connaissance de ces pièces, mais qui n’a pas jugé opportun de demander à la Commission de les verser à son dossier individuel, serait mal fondé à soutenir que la Commission a commis une irrégularité en ne les versant pas elle-même à son dossier.

 Appréciation du Tribunal

50     Il importe de rappeler, à titre liminaire, que l’article 26, premier alinéa, du statut a pour objectif de garantir les droits de la défense du fonctionnaire, en évitant que des décisions prises par l’administration et affectant sa situation administrative et sa carrière ne soient fondées sur des faits concernant sa compétence, son rendement ou son comportement, non mentionnés dans son dossier individuel (arrêts du Tribunal du 11 octobre 1995, Baltsavias/Commission, T‑39/93 et T‑553/93, RecFP p. I‑A‑233 et II‑695, point 37 ; du 18 juin 1996, Vela Palacios/CES, T‑293/94, RecFP p. I‑A‑305 et II‑893, point 37, et du 5 mars 1997, Rozand‑Lambiotte/Commission, T‑96/95, RecFP p. I‑A‑35 et II‑97, point 42). Il en résulte qu’une décision fondée sur de tels éléments factuels est contraire aux garanties du statut et doit être annulée comme étant intervenue à la suite d’une procédure entachée d’illégalité (arrêt Rozand‑Lambiotte/Commission, précité, point 42).

51     Toutefois, il est de jurisprudence bien établie que le seul fait que des pièces visées à l’article 26 du statut n’aient pas été versées au dossier individuel n’est pas de nature à justifier l’annulation d’une décision si elles ont été effectivement portées à la connaissance de l’intéressé. En effet, l’inopposabilité à l’égard d’un fonctionnaire de pièces concernant sa compétence, son rendement ou son comportement frappe seulement les pièces qui ne lui ont pas été préalablement communiquées. Elle ne vise pas les pièces qui, quoique portées à sa connaissance, n’ont pas encore été versées à son dossier individuel, l’institution ne pouvant pas être empêchée de prendre une décision dans l’intérêt du service sur la base de pièces préalablement communiquées à l’intéressé au seul motif qu’elles n’ont pas été versées à son dossier individuel (arrêt de la Cour du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C‑294/95 P, Rec. p. I‑5863, point 68, et arrêt Rozand‑Lambiotte/Commission, précité, point 43).

52     Il résulte de la jurisprudence précitée qu’une institution commet une violation de l’article 26 du statut et des droits de la défense d’un fonctionnaire lorsqu’elle adopte une décision lui faisant grief sans lui avoir préalablement communiqué les éléments factuels, non mentionnés dans son dossier individuel, qui justifient l’adoption de cette décision. À cet égard, il y a lieu de préciser que la seule connaissance avérée de ces éléments par le fonctionnaire intéressé ne saurait être considérée comme une preuve suffisante de ce que le fonctionnaire concerné a eu la possibilité de défendre utilement ses intérêts préalablement à l’adoption de la décision qui lui fait grief. Pour que le respect des droits de la défense du fonctionnaire soit assuré, encore faut-il que l’institution démontre, par tout moyen, qu’elle avait préalablement mis ledit fonctionnaire en mesure de comprendre que les éléments factuels en question, bien que non versés à son dossier individuel, étaient de nature à justifier la décision lui faisant grief. À défaut, la communication exigée par l’article 26 du statut ne peut être réputée intervenue.

53     En l’espèce, il y a lieu de relever, tout d’abord, que l’article 26 du statut est applicable à la décision de la Commission portant établissement définitif du rapport 1995/1997, qui est la décision attaquée. Une telle décision affecte en effet la carrière du requérant, puisque le rapport de notation constitue un élément d’appréciation indispensable chaque fois que la carrière du fonctionnaire est prise en considération par le pouvoir hiérarchique (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 5 octobre 2000, Rappe/Commission, T‑202/99, RecFP p. I‑A‑201 et II‑911, point 38).

54     Il y a lieu, ensuite, de relever que, parmi les éléments factuels auxquels les fonctionnaires de la DG « Affaires économiques et financières » présents lors de la réunion interservices du 16 octobre 2002 ont fait référence et dont les pièces correspondantes ont été communiquées au requérant par l’unité « Statut » de la DG « Personnel et administration » en annexe à la note du 28 novembre 2002, figurent ceux relatifs à l’affaire « S. » et à l’épisode de l’utilisation d’un titre honorifique vis-à-vis du public allemand.

55     S’agissant de l’affaire « S. », il y a lieu de relever qu’elle concerne un épisode lors duquel un parlementaire européen, M. S., a remis en cause l’attitude du requérant à l’occasion d’une conférence organisée à Suhl (Allemagne), le 20 janvier 1996, au sujet de l’introduction de l’euro, au motif qu’il aurait publiquement critiqué cette dernière. Cette remise en cause résulte du courrier, en date du 9 avril 1996, que M. S. a adressé directement au membre de la Commission en charge la DG « Affaires économiques et financières » et, à ce titre, responsable de la négociation du budget pour la campagne sur l’euro avec le Parlement européen.

56     Il importe en outre de relever que, dans le cadre de l’épisode relatif à l’utilisation d’un titre honorifique vis-à-vis du public allemand, le directeur général adjoint de la DG « Affaires économiques et financières », M. M., avec lequel le requérant n’avait pas de rapport hiérarchique direct, a reproché à ce dernier d’avoir utilisé, sans autorisation officielle de l’autorité publique compétente allemande, un titre qui lui avait été décerné huit ans auparavant par une université américaine avec l’autorisation de la Commission.

57     Or, dans sa décision, en date du 13 janvier 2003, portant réponse à la réclamation R/465/02 du requérant, l’AIPN a reconnu que les documents relatifs à l’affaire « S. » ou à la question de l’utilisation d’un titre honorifique vis-à-vis du public allemand ont été interprétés par le notateur comme des faits illustrant que le requérant « [était] entré en conflit avec d’autres fonctionnaires de sa hiérarchie », ce qui est reflété par certains des commentaires d’ordre général contenus dans le rapport 1995/1997.

58     En outre, dans ses observations en réponse aux questions écrites du Tribunal, la Commission a admis que les faits relatifs à l’affaire « S. » avaient « nécessairement eu une incidence sur les commentaires d’ordre général contenus dans le rapport pour la période 1995/1997 » et que « [c]es circonstances [avaient] notamment été à la base du commentaire selon lequel le requérant avait présenté, à certaines occasions, des points de vue qui [n’auraient pas] correspond[u…] à ceux de la DG ». Elle a en outre précisé, au sujet de l’épisode de l’utilisation d’un titre honorifique vis-à-vis du public allemand, que « cet incident a[vait] révélé les relations conflictuelles entre le requérant et sa hiérarchie » et que les courriers échangés à cet égard entre le requérant et le directeur général adjoint de la DG « Affaires économiques et financières », M. M., « témoign[aient] on ne peut plus clairement de l’attitude irrespectueuse du requérant envers sa hiérarchie, attitude reflétée en effet par certains des commentaires d’ordre général contenus dans le rapport de notation, en particulier celui indiquant que le requérant ‘méconnaît les relations d’autorité’ ».

59     Interrogée à cet égard par le Tribunal, la Commission n’a pu faire état d’aucun autre élément factuel à l’appui des commentaires d’ordre général du rapport 1995/1997 selon lesquels le requérant aurait présenté, à certaines occasions, des points de vue ne correspondant pas à ceux de la DG « Affaires économiques et financières » ou aurait eu des difficultés relationnelles avec sa hiérarchie. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que lesdits commentaires se fondent essentiellement sur les faits relatifs à l’affaire « S. » et à l’épisode de l’utilisation d’un titre honorifique vis-à-vis du public allemand.

60     Il convient de préciser que les commentaires litigieux figurent au point 4, sous b), « Appréciation d’ordre général », du rapport 1995/1997, qui contient la motivation circonstanciée de la notation. Insérés sous la rubrique « Conduite dans le service », ces commentaires ont vocation à expliciter et à commenter les appréciations portées dans la rubrique correspondante de la grille analytique figurant au point 4, sous a), « Appréciation analytique », du rapport 1995/1997 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 juin 2002, Mellone/Commission, T‑187/01, RecFP p. I‑A‑81 et II‑389, point 28, et la jurisprudence citée). Inversement, l’appréciation analytique portée sous la rubrique « Conduite dans le service », soit trois mentions « normal », doit être regardée comme la transcription chiffrée des commentaires insérés sous la rubrique correspondante de l’appréciation d’ordre général.

61     Il n’est pas contesté que les pièces correspondant aux faits susmentionnés n’étaient pas classées au dossier individuel du requérant à la date de la décision portant établissement définitif du rapport 1995/1997, soit le 13 juin 2002. Elles n’ont été transmises à l’unité « Gestion des droits individuels » de la DG « Personnel et administration » que le 22 novembre 2002, pour être insérées dans le dossier personnel du requérant avant d’en être à nouveau retirées, à la demande de l’unité « Ressources humaines et administration » de la DG « Affaires économiques et financières ». Il en résulte que la décision susmentionnée, dont le rapport 1995/1997 est partie intégrante, est fondée sur des pièces qui n’étaient pas classées au dossier individuel du requérant à la date où elle a été adoptée.

62     En application de la jurisprudence précitée, cette manière de procéder est en principe contraire aux garanties du statut et la décision portant établissement définitif du rapport 1995/1997 doit être annulée comme étant intervenue à la suite d’une procédure entachée d’illégalité, sauf démonstration par la Commission de ce que les pièces litigieuses ont été effectivement portées à la connaissance de l’intéressé préalablement à l’adoption de celle-ci.

63     À cet égard, il convient en premier lieu de constater que la Commission a été en mesure de démontrer que le requérant avait bien eu connaissance de l’ensemble des pièces litigieuses avant l’adoption de la décision portant établissement définitif du rapport 1995/1997. En ce qui concerne les pièces relatives à l’épisode de l’utilisation d’un titre honorifique vis-à-vis du public allemand, la connaissance que le requérant a pu en avoir est attestée par le fait qu’il en est soit le signataire, soit le destinataire. En ce qui concerne les documents relatifs à l’affaire « S. », le fait que le requérant est soit le signataire, soit le destinataire de la plupart d’entre eux atteste, là encore, de la connaissance qu’il a pu en avoir. En outre, pour ce qui est du seul document pertinent dont il n’est ni signataire ni destinataire, à savoir la lettre adressée par le parlementaire européen, M. S., au membre de la Commission en charge de la DG « Affaires économiques et financières », M. D., en date du 9 avril 1996, la connaissance que le requérant a pu en avoir est attestée par le fait qu’il a expressément entendu y répondre dans les documents précités dont il est le signataire.

64     Toutefois, il y a lieu de rappeler que la simple connaissance que le requérant a pu avoir de l’ensemble des pièces susmentionnées ne permet pas de conclure que, préalablement à l’adoption de la décision portant établissement définitif du rapport 1995/1997, la Commission a mis le requérant en mesure de comprendre que les éléments factuels correspondant à l’épisode de l’utilisation d’un titre honorifique vis-à-vis du public allemand et à l’affaire « S. », dont les pièces correspondantes n’étaient pas classées à son dossier individuel, étaient de nature à être pris en compte pour sa notation au titre de l’exercice 1995/1997 en tant qu’éléments factuels remettant en cause sa conduite dans le service.

65     En ce qui concerne l’affaire « S. », il ressort des pièces du dossier que, à la suite de sa mise en cause dans cette affaire, le requérant a contesté auprès de sa hiérarchie le bien-fondé des reproches formulés à son égard par le parlementaire concerné sur la base d’informations qui lui avaient été indirectement transmises par le représentant du Parlement européen à la conférence. Dans ce cadre, le requérant a notamment produit un courrier, en date du 20 février 1996, émanant de l’un des organisateurs de la conférence, Mme H., dont il résulte que son attitude lors de la conférence aurait été très appréciée du public en ce qu’il aurait accepté de s’engager dans un débat ouvert avec l’opposant à l’introduction de l’euro, contrairement au représentant du Parlement européen, qui aurait adopté une attitude hostile, mal comprise dudit public. Ce document n’a pas été contesté par la Commission.

66     Il ressort également du dossier qu’aucune suite administrative n’a été donnée par la Commission aux allégations du parlementaire concerné et que le requérant n’a donc pas été remis en cause par sa hiérarchie, dans l’exercice de ses fonctions de conférencier, à l’occasion de cette affaire. Lors de l’audience, la Commission a d’ailleurs reconnu ouvertement les qualités du requérant en tant que conférencier, lesquelles sont d’ailleurs corroborées par de nombreuses pièces du dossier d’où il résulte que le requérant recevait régulièrement des lettres élogieuses au sujet de ses présentations et discours sur l’Union économique et monétaire et qu’il était très sollicité pour aller donner de telles conférences à l’extérieur au cours de la période de référence.

67     Enfin, le fait qu’aucune réponse n’a été officiellement adressée par la hiérarchie du requérant au parlementaire concerné ne saurait être interprété comme une reconnaissance implicite par celle-ci du bien-fondé de ses allégations dès lors que, ainsi que la Commission l’a indiqué dans ses observations en réponse aux questions du Tribunal, puis lors de l’audience, cette absence de réponse aurait été justifiée par la volonté d’éviter tout conflit interinstitutionnel sur la question alors controversée de l’introduction de l’euro.

68     Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, si le requérant a eu connaissance des allégations formulées contre lui par un parlementaire et s’il s’en est défendu à l’époque auprès de ses supérieurs hiérarchiques, il est néanmoins fondé à soutenir qu’il a légitimement pu croire, en l’absence de toute réaction identifiable desdits supérieurs hiérarchiques au moment des faits, que ces allégations ne seraient pas considérées comme des éléments factuels susceptibles de remettre en cause sa conduite dans le service au titre de l’exercice de notation 1995/1997.

69      S’agissant de l’épisode relatif à l’utilisation d’un titre honorifique vis-à-vis du public allemand, il y a lieu de relever que, par note en date du 11 juillet 1996, M. M. a indiqué qu’il regrettait l’attitude adoptée par le requérant à son égard mais qu’il allait « laisser à d’autres la décision d’en tirer les conséquences » et que, pour lui, le « dossier [était] clos ». Or, il résulte du dossier qu’aucune réaction de la hiérarchie directe du requérant ne peut être identifiée concernant l’épisode en question. À défaut d’une telle réaction dans un délai raisonnable, le requérant était légitimement fondé à croire que ledit épisode n’aurait pas de conséquences et, notamment, ne serait pas pris en compte pour évaluer sa conduite dans le service au titre de l’exercice de notation 1995/1997.

70     Il y a lieu d’ajouter que le caractère anecdotique ou insignifiant de l’affaire « S. » et de l’épisode relatif à l’utilisation d’un titre honorifique vis-à-vis du public allemand au regard de la notation du requérant est accrédité par le fait que, lorsqu’il a été consulté sur le rapport 1995/1997, le supérieur hiérarchique direct du requérant a fermement contesté le bien-fondé des commentaires selon lesquels l’intéressé aurait, à certaines occasions, présenté des opinions qui ne représentaient pas celles de la DG « Affaires économiques et financières » ou qu’il aurait été en conflit avec sa hiérarchie pendant la période de référence.

71     Il résulte des pièces du dossier que c’est seulement le 20 janvier 2003, lorsque la décision de l’AIPN portant réponse à la réclamation R/465/02 en date du 13 janvier 2003 lui a été notifiée, que le requérant a été formellement mis en mesure de comprendre que les faits relatifs à l’affaire « S. » ou à l’utilisation d’un titre honorifique vis-à-vis du public allemand, dont les pièces correspondantes n’étaient pas classées dans son dossier individuel, étaient considérés comme remettant en cause sa conduite dans le service et, comme tels, avaient servi de fondement à certaines appréciations du rapport 1995/1997.

72     Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la Commission a fondé certaines appréciations du rapport 1995/1997 sur des éléments factuels qui étaient inopposables au requérant en l’absence d’une communication préalable au sens de l’article 26 du statut. Ce faisant, la Commission a violé l’article 26 du statut en adoptant la décision portant établissement définitif du rapport 1995/1997.

73     Cependant, la violation de l’article 26 du statut n’entraîne l’annulation d’un acte que s’il est établi que les pièces en cause ont pu avoir une incidence décisive sur la décision litigieuse (voir arrêt Ojha/Commission, précité, point 67, et la jurisprudence citée). En l’espèce, il est établi que les pièces litigieuses ont eu une incidence décisive sur la notation portée sous la rubrique « Conduite dans le service » du rapport 1995/1997. Il ne peut donc être exclu que, si les pièces litigieuses n’avaient pas été prises en considération, les notateurs auraient attribué au requérant des mentions supérieures aux trois mentions « normal » figurant sous la rubrique « Conduite dans le service ».

74     Au surplus, et dans la mesure où il est établi que les commentaires d’ordre général correspondants du rapport 1995/1997 s’appuient essentiellement sur des éléments factuels inopposables au requérant, il y a lieu de constater que ces commentaires se trouvent privés d’un fondement factuel suffisant. Eu égard au caractère unique et indivisible de la notation figurant dans le rapport 1995/1997, c’est donc à juste titre que le requérant a fait valoir que cette dernière n’était pas fondée en fait.

75     Par conséquent, les moyens tirés d’une violation de l’article 26 du statut et d’erreurs de fait doivent être retenus. Il s’ensuit que le rapport 1995/1997 est entaché d’irrégularités qui justifient l’annulation de la décision portant établissement définitif du rapport 1995/1997, ainsi que de la décision de la Commission rejetant la réclamation dirigée contre ce rapport, sans qu’il soit nécessaire d’examiner à cet égard les autres moyens soulevés par le requérant.

 Sur les conclusions en annulation dans l’affaire T‑157/03

76     À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque en substance un ensemble de moyens tirés, respectivement, d’irrégularités de procédure, d’erreurs manifestes d’appréciation, d’un détournement de pouvoir, d’un défaut de motivation et d’une incohérence de la motivation.

77     Il convient d’examiner, tout d’abord, le moyen tiré d’une incohérence de la motivation.

 Arguments des parties

78     Le requérant conteste la cohérence des appréciations analytiques et des appréciations d’ordre général dans la mesure où le notateur d’appel a relevé les appréciations analytiques sans modifier les appréciations d’ordre général.

79     La Commission rétorque que, en relevant les appréciations analytiques sans modifier les appréciations d’ordre général, le notateur d’appel a, en réalité, corrigé une incohérence préexistante.

 Appréciation du Tribunal

80     Les appréciations d’ordre général figurant dans un rapport de notation ont pour objet de justifier les appréciations analytiques (arrêt du Tribunal du 21 octobre 1992, Maurissen/Cour des comptes, T‑23/91, Rec. p. II‑2377, point 41). Ces appréciations d’ordre général servent d’assise à l’établissement de la notation, qui en constitue la transcription chiffrée, et permettent au fonctionnaire de comprendre la notation obtenue. Par conséquent, au sein d’un rapport de notation, les appréciations d’ordre général doivent être cohérentes avec les appréciations portées dans la grille analytique. Compte tenu du très large pouvoir d’appréciation reconnu aux notateurs dans les jugements relatifs au travail des personnes qu’ils ont la charge de noter (arrêt Mellone/Commission, précité, point 51), une éventuelle incohérence au sein d’un rapport de notation ne peut toutefois justifier l’annulation dudit rapport que si celle-ci est manifeste.

81     Afin d’apprécier la cohérence entre les appréciations analytiques et les appréciations d’ordre général d’un rapport de notation, il y a lieu de se référer aux critères adoptés par la Commission pour définir les diverses appréciations, tels qu’ils résultent du guide de la notation. Ce dernier a en effet valeur de directive interne et s’impose à l’institution, sauf si cette dernière choisit de s’en écarter par une décision motivée et circonstanciée (arrêt Maurissen/Cour des comptes, précité, point 42). En l’espèce, la Commission n’a pas manifesté l’intention de déroger au guide de la notation en adoptant la décision portant établissement définitif du rapport 1997/1999. Dès lors, il doit être tenu compte des critères mentionnés dans le guide de la notation, qui prévoient notamment que l’appréciation analytique « normal » doit être réservée au « fonctionnaire […] dont les qualités relatives à la rubrique concernée se situent autour du niveau élevé requis d’un fonctionnaire de l’institution », alors que l’appréciation analytique « insuffisant » doit être attribuée au « fonctionnaire […] dont les qualités relatives à la rubrique concernée n’atteignent pas le niveau élevé requis d’un fonctionnaire de l’institution ».

82     Il appartient au Tribunal, à la lumière de ces considérations, de contrôler la cohérence entre les appréciations analytiques et les appréciations d’ordre général contenues dans le rapport 1997/1999, tel que définitivement établi par le notateur d’appel. À cet effet, il y a lieu de rappeler que, le 10 décembre 2001, le notateur d’appel a partiellement modifié le rapport 1997/1999 en remplaçant la seule mention « insuffisant » par une mention « normal » au titre de l’appréciation analytique sous la rubrique « Rendement – Régularité et respect des priorités (et efficacité des choix) ». Le 13 juin 2002, le notateur d’appel a notifié au requérant sa décision de maintenir le rapport 1997/1999, ainsi modifié.

83     Il convient de relever, en premier lieu, que le rapport 1997/1999 marque une régression par rapport à l’exercice de notation précédent, notamment en ce qui concerne l’appréciation analytique sous la rubrique « Rendement – Régularité et respect des priorités (et efficacité des choix) », pour laquelle le requérant avait obtenu une mention « supérieur » dans le rapport 1995/1997. En outre, il est constant que ce rapport figure, pour l’exercice de notation considéré, parmi les plus mauvais rapports concernant les fonctionnaires de même grade au sein de la DG « Affaires économiques et financières ».

84     Il convient de relever, en second lieu, que, sous la rubrique « Rendement », au point 4, sous b), « Appréciation d’ordre général », du rapport 1997/1999 figure le commentaire suivant, qui a vocation à expliciter et à commenter les appréciations portées dans la rubrique correspondante de la grille analytique figurant au point 4, sous a), « Appréciation analytique », du rapport 1997/1999 :

« Le respect des priorités est insuffisant. M. Cwik n’accorde d’intérêt qu’à ses propres priorités, et refuse d’accepter celles proposées par les autres, en particulier lorsqu’il s’agit de ses supérieurs hiérarchiques. Il se montre inflexible, voire même intransigeant, sur ce point. Il est par conséquent difficile d’insérer M. Cwik de manière productive dans le travail de l’unité. Le rendement de M. Cwik est inférieur à ce que l’on est en droit d’attendre d’un fonctionnaire de son niveau. La capacité d’adaptation est également à considérer comme limitée. Sur le plan professionnel, les idées et les objectifs de M. Cwik ont peu évolué. Il se montre peu flexible et effectue le même type de tâches depuis 30 ans. Par contre, les missions et les objectifs de sa direction générale ont subi une grande mutation. Malgré ses critiques répétées vis-à-vis de la DG [« Affaires économiques et financières »], à la fois sur le contenu des tâches et des responsabilités qui lui sont assignées et sur les orientations proposées par ses supérieurs, M. Cwik ne semble pouvoir envisager une mobilité vers une autre DG, ni une modification significative de ses activités. »

85     Ce commentaire, traduisant un respect des priorités qui serait insuffisant de la part du requérant et des choix prétendument contre-productifs de celui-ci pour le travail de son unité, est contradictoire avec la mention « normal » qui lui a été attribuée, à titre d’appréciation analytique, sous la rubrique « Rendement – Régularité et respect des priorités (et efficacité des choix) », laquelle indique a priori que les qualités du requérant sous cette rubrique se situent autour du niveau élevé requis d’un fonctionnaire de l’institution. Au surplus, ce commentaire fait état, de manière générale, d’un rendement inférieur à ce que l’on serait en droit d’attendre d’un fonctionnaire du niveau du requérant, ce qui est contradictoire avec le fait que trois mentions « normal » ont finalement été attribuées au requérant au titre de la rubrique « Rendement » de la grille analytique, indiquant a priori que les qualités de celui-ci sous cette rubrique se situent autour du niveau élevé requis d’un fonctionnaire de l’institution. Il y a donc lieu de constater que, à la suite de l’intervention du notateur d’appel, et contrairement à ce que soutient la Commission, le rapport 1997/1999 se trouve entaché d’une incohérence manifeste sous la rubrique « Rendement – Régularité et respect des priorités (et efficacité des choix) ».

86     Il convient d’ajouter que le rapport 1997/1999, tel que définitivement établi par le notateur d’appel, fait apparaître d’autres incohérences manifestes entre les appréciations analytiques et les appréciations d’ordre général.

87     Ainsi, l’appréciation analytique « normal » attribuée au titre de la rubrique « Rendement – Capacité d’adaptation » est motivée de manière contradictoire par le commentaire d’ordre général suivant : « La capacité d’adaptation est également à considérer comme limitée. Sur le plan professionnel, les idées et les objectifs de M. Cwik ont peu évolué. Il se montre peu flexible et effectue le même type de tâches depuis 30 ans. Par contre, les missions et les objectifs de sa direction générale ont subi une grande mutation. Malgré ses critiques répétées vis-à-vis de la DG [« Affaires économiques et financières »], à la fois sur le contenu des tâches et des responsabilités qui lui sont assignées et sur les orientations proposées par ses supérieurs, M. Cwik ne semble pouvoir envisager une mobilité vers une autre DG, ni une modification significative de ses activités. » Ce commentaire, qui fait uniquement état d’importantes limites dans la capacité d’adaptation du requérant, est en contradiction avec la notation attribuée. En outre, et ainsi que le Tribunal l’a déjà relevé, il est incohérent que trois mentions « normal » aient été finalement attribuées au requérant au titre de la rubrique « Rendement » de la grille analytique, alors que le commentaire d’ordre général correspondant fait état d’un rendement inférieur à ce que l’on serait en droit d’attendre d’un fonctionnaire du niveau du requérant.

88     En outre, sous la rubrique « Compétence – Capacité de jugement » du rapport 1997/1999, le requérant fait l’objet d’une appréciation analytique « normal », qui est justifiée par un commentaire d’ordre général contradictoire, rédigé comme suit : « La capacité de jugement de M. Cwik est parfois défaillante. Dans son travail, il lui arrive de privilégier ses opinions personnelles, au[x] dépens de celles de son institution. Il estime par ailleurs que ses difficultés personnelles avec ses supérieurs méritent le temps et l’attention de tous, quel que soit leur niveau hiérarchique. » Ce commentaire, qui fait exclusivement état de défaillances dans la capacité de jugement du requérant, ne permet pas d’expliciter l’appréciation analytique « normal » retenue sous cette rubrique, laquelle indique a priori que les qualités de jugement de celui-ci se situent autour du niveau élevé requis d’un fonctionnaire de l’institution.

89     Eu égard à l’ensemble de ces éléments, le rapport 1997/1999, tel que définitivement établi par décision du notateur d’appel en date du 13 juin 2002, apparaît comme entaché d’une incohérence manifeste dans la mesure où la plupart des commentaires d’ordre général formulés au titre de l’appréciation d’ordre général se trouvent en totale contradiction avec les appréciations analytiques correspondantes, qu’ils ont, en principe, vocation à justifier.

90     Par conséquent, le moyen tiré de l’incohérence de la motivation doit être retenu.

91     Il s’ensuit que la décision de la Commission portant établissement définitif du rapport 1997/1999 ainsi que la décision de la Commission portant rejet de la réclamation dirigée contre ce rapport doivent être annulées, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens soulevés par le requérant.

 Sur les conclusions en annulation dans l’affaire T‑331/03

92     À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque en substance un ensemble de moyens tirés, respectivement, d’irrégularités de procédure, d’erreurs manifestes d’appréciation et d’erreurs de fait ainsi que d’un détournement de pouvoir.

 Sur les moyens tirés d’irrégularités de procédure

 Sur le moyen pris du retard dans la procédure de notation

–       Arguments des parties

93     Le requérant soutient que le rapport 1999/2001 a été établi en violation du devoir impérieux qui s’impose à l’administration de veiller à la rédaction périodique des rapports de notation aux dates imposées par le statut, du fait du retard intervenu dans son établissement. Le requérant reconnaît qu’un rapport de notation ne peut être annulé du seul fait qu’il est tardif, mais il prétend que le retard pris dans l’établissement du rapport en aurait affecté la pertinence, puisqu’il serait à l’origine d’une confusion entre les appréciations formulées dans le rapport et celles figurant dans les rapports précédents.

94     La Commission conclut au rejet du moyen comme non fondé.

–       Appréciation du Tribunal

95     Il est constant que l’article 43 du statut et les articles 5 à 7 des DGE n’ont pas été respectés en l’espèce.

96     Cependant, il est de jurisprudence constante qu’un rapport de notation ne peut être annulé, sauf circonstances exceptionnelles, pour la seule raison qu’il a été établi tardivement. Si le retard dans l’établissement d’un rapport de notation est susceptible d’ouvrir un droit à réparation au profit du fonctionnaire concerné, ce retard ne saurait affecter la validité du rapport de notation ni, par conséquent, en justifier l’annulation (voir arrêt du Tribunal du 7 mai 2003, den Hamer/Commission, T‑278/01, RecFP p. I‑A‑139 et II‑665, point 32, et la jurisprudence citée).

97     En l’espèce, le requérant n’apporte la preuve d’aucune circonstance exceptionnelle qui justifierait l’annulation du rapport 1999/2001.

98     S’agissant de l’argument du requérant selon lequel le retard intervenu dans la procédure de notation a été à l’origine d’une confusion entre les appréciations formulées dans le rapport 1999/2001 et celles figurant dans les rapports précédents, il y a lieu de constater que les seuls éléments que le requérant invoque à l’appui de ses allégations sont, d’une part, l’établissement simultané des rapports et, d’autre part, le fait que la note de l’un des supérieurs hiérarchiques consultés, M. B., couvre deux exercices de notation successifs (1997/1999 et 1999/2001). Or, ces éléments ne sont pas, en eux-mêmes, de nature à démontrer l’existence de la confusion alléguée.

99     Le seul fait que le rapport 1999/2001 ait été rédigé au même moment que les rapports précédents n’est pas de nature à démontrer que les appréciations figurant dans ce rapport ne correspondent pas à un jugement porté sur les compétences, le rendement et la conduite dans le service du requérant au titre de l’exercice de notation 1999/2001.

100   De même, le seul fait que, consulté par le notateur pour l’ensemble de la période durant laquelle il avait été le supérieur hiérarchique direct du requérant, soit la période allant du 1er décembre 1998 au 31 mai 2000, mais couvrant deux exercices de notation successifs, le supérieur hiérarchique du requérant ait choisi de porter des appréciations communes aux deux exercices ne permet pas de conclure que ces appréciations ne correspondent pas à un jugement porté sur les compétences, le rendement et la conduite dans le service du fonctionnaire noté au titre de chacun de ces exercices. Un tel choix peut en effet résulter de ce que le supérieur hiérarchique consulté a estimé que les prestations fournies par le requérant au cours de chaque exercice appelaient les mêmes remarques.

101   Dès lors que les éléments avancés ne démontrent pas l’existence de la confusion alléguée, cette dernière ne saurait être invoquée par le requérant à titre de circonstance exceptionnelle liée à l’établissement tardif du rapport 1999/2001 et justifiant l’annulation de la décision portant établissement définitif de ce dernier. En conséquence, le moyen doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré de l’établissement simultané des rapports

–       Arguments des parties

102   Le requérant allègue qu’une irrégularité de procédure résulte de la rédaction simultanée, par les mêmes notateurs, des rapports 1995/1997, 1997/1999 et 1999/2001. Lorsque, du fait du retard intervenu dans les procédures de notation, les rapports concernant des exercices de notation successifs sont rédigés simultanément par les mêmes notateurs, la valeur de ces rapports serait sérieusement remise en question par la difficulté de porter une appréciation distincte pour chacune des périodes de référence concernées. En l’espèce, la rédaction simultanée des rapports aurait abouti à une certaine confusion entre les périodes de référence dans le chef des notateurs et des personnes consultées. Cette confusion serait confirmée par le fait que la note de l’un des supérieurs hiérarchiques consultés couvre deux exercices de notation successifs.

103   La Commission estime que l’établissement, à la même époque, des rapports 1995/1997, 1997/1999 et 1999/2001 n’est pas de nature à remettre en cause la validité de ceux-ci.

–       Appréciation du Tribunal

104   L’établissement, dans un même laps de temps, de rapports de notation successifs par un même notateur crée un risque de confusion entre les différentes périodes de référence concernées pour l’appréciation des compétences, du rendement et de la conduite dans le service du fonctionnaire noté, lequel peut être préjudiciable au fonctionnaire qui y est exposé (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 mai 1997, Burban/Parlement, T‑59/96, RecFP p. I‑A‑109 et II‑331, point 76). En effet, dans une telle situation, le fonctionnaire peut légitimement penser que le notateur éprouvera des difficultés à évaluer chaque période de manière indépendante et ces doutes légitimes sont, en eux-mêmes, susceptibles d’engendrer en la personne du fonctionnaire concerné une incertitude constitutive d’un préjudice moral.

105   Toutefois, la seule circonstance que des rapports de notation successifs aient été établis à la même époque par un même notateur est insuffisante pour prouver que le risque susmentionné s’est réalisé ou même pour faire présumer la réalisation d’un tel risque. C’est donc à bon droit que la Commission soutient que cette circonstance ne saurait justifier l’annulation du rapport 1999/2001 en l’absence de toute démonstration, par le requérant, de l’existence d’une réelle confusion dans les notations entre les différentes périodes de référence.

106   À cet égard, il y a lieu de relever que le seul élément concret que le requérant invoque à l’appui de ses allégations est le fait que la note de l’un des supérieurs hiérarchiques consultés couvre deux périodes successives. Or, ainsi que le Tribunal l’a déjà relevé (voir point 100 ci-dessus), le simple fait que les commentaires d’ordre général contenus dans ladite note couvrent deux exercices de notation successifs ne permet pas de conclure à l’absence de pertinence de ceux-ci ni, a fortiori, des commentaires d’ordre général correspondants qui figureraient dans le rapport 1999/2001. Dans ces conditions, le moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le moyen tiré de la prise en compte de faits intervenus en dehors de la période de référence

–       Arguments des parties

107   Le requérant soutient que son rapport 1999/2001 a été influencé par la prise en compte de faits survenus en dehors de la période de référence. Ainsi, les remarques émises par l’un de ses supérieurs hiérarchiques, M. V., au sujet de sa gestion de la boîte aux lettres électronique de la DG « Affaires économiques et financières » concerneraient des faits survenus après la période de référence allant du 1er juillet 1999 au 30 juin 2001. Ces remarques résulteraient en effet exclusivement d’une note de M. V. postérieure à la période de référence, puisque datée du 27 juillet 2001. Par ailleurs, dans la réponse à sa réclamation R/49/03, l’AIPN aurait fait référence à un problème relatif à un changement de bureau qui est intervenu après la période de référence (en novembre 2001) et qui, comme tel, ne pouvait être pris en compte dans le cadre du rapport 1999/2001.

108   Selon la Commission, le rapport 1999/2001 n’a pas tenu compte de faits intervenus en dehors de la période de référence. La note de M. V. du 27 juillet 2001 se référerait à des faits relatifs à la gestion de la boîte aux lettres électronique qui sont survenus pendant la période de référence. Par ailleurs, une autre note de M. V., datée du 18 juin 2001, se référerait nécessairement à des événements survenus avant cette date, soit pendant la période de référence. Si le problème relatif au changement de bureau est survenu après cette période, cet épisode, qui n’est cité ni dans le rapport 1999/2001 ni dans les notes établies par les supérieurs hiérarchiques consultés par le notateur, aurait seulement été évoqué par l’AIPN pour illustrer l’attitude générale du requérant vis-à-vis de sa hiérarchie.

–       Appréciation du Tribunal

109   L’article 5, premier alinéa, des DGE dispose que la notation doit porter strictement sur la période de référence.

110   Au cas où il ne pourrait être exclu que le rapport de notation définitif, tel qu’établi par le notateur d’appel, ait été arrêté en prenant en considération des éléments se rapportant à une période postérieure à la période de référence, la procédure de notation serait entachée d’irrégularités et le rapport de notation devrait être annulé (voir arrêt du Tribunal du 9 mars 1999, Hubert/Commission, T‑212/97, RecFP p. I‑A‑41 et II‑185, point 95, et la jurisprudence citée).

111   En l’espèce, il ressort du dossier que le rapport 1999/2001, tel que définitivement établi par le notateur d’appel à la date du 31 octobre 2002, a été influencé par les remarques émises par l’un des supérieurs hiérarchiques du requérant, M. V., au sujet de la gestion par le requérant de la boîte aux lettres électronique de la DG « Affaires économiques et financières ». En effet, il résulte d’une note en date du 10 avril 2002, adressée au directeur général de la DG « Affaires économiques et financières », que le notateur d’appel a justifié sa décision de confirmer l’évaluation et, en particulier, la mention « insuffisant » figurant dans la grille analytique sous la rubrique « Rendement – Régularité et respect des priorités (et efficacité des choix) » en se référant à un échange de courriels attestant de la difficulté, pour le requérant, de reprendre la gestion de la boîte aux lettres électronique de la DG « Affaires économiques et financières ».

112   À cet égard, il y a lieu de relever que les reproches formels qui ont été adressés au requérant au sujet de sa gestion de la boîte aux lettres électronique de la DG « Affaires économiques et financières » figurent dans une note de M. V. en date du 27 juillet 2001. Si cette note est certes postérieure à la période qui est évaluée dans le rapport 1999/2001, elle se réfère néanmoins expressément à des faits qui ont débuté pendant ladite période. En effet, M. V. y déplore expressément que le requérant ait laissé en attente les messages réceptionnés dans la boîte aux lettres électronique de la DG « Affaires économiques et financières » pour la période allant du 13 juin au 20 juillet 2001, y compris un message de protestation en date du 14 juin 2001.

113   En conséquence, il y a lieu de constater que, pour ce qui concerne les messages en attente jusqu’au 30 juin 2001, les faits relatifs à la gestion par le requérant de la boîte aux lettres électronique de la DG « Affaires économiques et financières » ne sont pas intervenus postérieurement à la période de référence, mais pendant celle-ci.

114    S’agissant des faits relatifs à un changement de bureau, dont il n’est pas contesté qu’ils sont intervenus postérieurement à la période de référence, il suffit de relever que le requérant ne démontre pas que ceux‑ci ont été pris en compte dans le cadre de la notation litigieuse. Dans ces conditions, cet argument n’apparaît pas fondé.

115   Il résulte de ce qui précède que le requérant n’a pas établi à suffisance de droit que le rapport 1999/2001 a pris en compte des faits intervenus en dehors de la période de référence. Dans ces conditions, le moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le moyen pris d’une défaillance du CPN

–       Arguments des parties

116   Le requérant dénonce une irrégularité procédurale qui résulterait de l’absence de réponse du CPN à l’ensemble des griefs soulevés à l’encontre du rapport 1999/2001 dans sa note de saisine du 23 avril 2002. Le CPN aurait ainsi failli à sa mission consistant à examiner tous les griefs soulevés par le fonctionnaire noté, à vérifier leur pertinence et à y répondre dans un avis motivé de manière objective et impartiale. La défaillance du CPN serait attestée par l’avis rendu par celui-ci, le 18 octobre 2002, ainsi que par le fait que la Commission n’a pas apporté la preuve contraire.

117   La Commission estime que le requérant tente de renverser la charge de la preuve et conclut à l’irrecevabilité du présent moyen faute pour le requérant d’avoir avancé une quelconque argumentation à l’appui de sa thèse. À titre subsidiaire, la Commission fait valoir que le grief n’est pas fondé.

–       Appréciation du Tribunal

118    S’agissant de la recevabilité du présent moyen, il y a lieu de rappeler que, en vertu des dispositions de l’article 21 du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêts du Tribunal du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T‑145/98, Rec. p. II‑387, points 65 et 66, et du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T‑231/99, Rec. p. II‑2085, point 154).

119   En l’espèce, le moyen tiré d’une défaillance du CPN dans le cadre de l’établissement du rapport 1999/2001 a été exposé, fût-ce brièvement, dans le corps même de la requête, dans laquelle le requérant expose que le CPN « n’[aurait…] pas rempli sa mission consistant à examiner tous les griefs soulevés par le noté, à vérifier leur pertinence et à y répondre dans un avis motivé de manière objective et impartiale ». Il en ressort que le rapport 1999/2001 a, selon le requérant, été établi au terme d’une procédure irrégulière, puisque le CPN n’a pas satisfait, en l’espèce, à sa mission de contrôle.

120   Ces indications ont été suffisamment claires et précises pour que la Commission prépare sa défense, puisque, après avoir rappelé les termes de la mission du CPN dans son mémoire en défense, la Commission a conclu :

« Le requérant ne saurait tirer, du fait que l’avis du [CPN] ne contient pas une réponse détaillée à chaque grief soulevé par lui, l’argument selon lequel ce comité n’aurait pas rempli sa mission. Encore une fois, le requérant prétend instaurer, pour les besoins de la cause, une lourde procédure qui n’a pas été prévue par les DGE. »

121   Eu égard à ce qui précède, le grief pris d’une prétendue défaillance du CPN dans le cadre de la procédure qui a conduit à l’adoption du rapport 1999/2001 doit être déclaré recevable.

122   Quant au fond, il convient de rappeler que la mission du CPN en matière de notation est définie à l’article 7 des DGE. Aux termes de cet article, le CPN doit veiller, sans se substituer au notateur dans l’appréciation des qualités professionnelles du fonctionnaire noté, au respect de l’esprit d’équité et d’objectivité qui doit présider à l’établissement de la notation, ainsi qu’à l’application correcte des procédures (notamment entretien, consultations, procédure d’appel, délais). À cet effet, le même article prévoit que le CPN est assisté dans ses travaux par un ou plusieurs rapporteurs chargés d’instruire les procédures et d’en faire rapport au CPN. Le CPN se prononce ensuite par avis qui est transmis au fonctionnaire noté et au notateur d’appel.

123   En l’espèce, l’avis rendu par le CPN, le 18 octobre 2002, expose :

« Lors de sa réunion du 26 septembre 2002, le [CPN] a examiné le dossier et a constaté que la notation 1999/2001 de M. Cwik présente 2 Supérieur, 7 Normal et 1 Insuffisant, le notateur ayant augmenté la rubrique ‘Compétence – Connaissances liées à la fonction’ de Normal vers Supérieur lors du second [entretien]. Le [CPN] considère qu’il n’y a pas dans le dossier d’éléments qui permettent de remettre en question l’appréciation du notateur et du notateur d’appel. »

124   Aucun élément du dossier ne permet de conclure que le CPN aurait ainsi failli à sa mission de veiller au respect de l’esprit d’équité et d’objectivité qui doit présider à l’établissement de la notation, ainsi qu’à l’application correcte des procédures, et ce d’autant moins que les DGE n’imposent pas que l’avis rendu par le CPN reprenne tous les éléments découlant de ses travaux ou contienne une réponse détaillée à chaque grief soulevé par le fonctionnaire noté dans sa saisine.

125    Il y a lieu d’ajouter que, dans sa note au notateur d’appel du 23 avril 2002 en vue de la saisine du CPN, le requérant a demandé au CPN soit de neutraliser les appréciations du rapport 1999/2001, soit de demander qu’une enquête sérieuse et objective soit menée sur d’éventuelles pratiques de harcèlement contre lui par sa hiérarchie. Dans l’avis précité, en refusant de donner suite aux demandes contenues dans la note du 23 avril 2002, le CPN a implicitement répondu aux griefs formulés par le requérant dans cette dernière à l’égard du rapport 1999/2001.

126   Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le moyen tiré de l’utilisation des notes des supérieurs hiérarchiques pour l’établissement du rapport 1999/2001 et de leur annexion audit rapport

–       Arguments des parties

127   Le requérant estime que son rapport 1999/2001 est entaché d’une double irrégularité procédurale en ce que, d’une part, il a été établi sur la base de notes de ses supérieurs hiérarchiques qu’il juge « inapplicables » et que, d’autre part, lesdites notes ont été annexées audit rapport. En ce qui concerne la note de M. B., le requérant estime qu’elle n’aurait pas dû être prise en compte pour établir sa notation en ce que, d’une part, elle couvre indistinctement deux exercices de notation successifs (1997/1999 et 1999/2001), de sorte qu’il n’est pas possible, sauf pour le cas de la divergence de vues relative à la baisse du cours de l’euro, de dire à quelle période de référence se rattachent en réalité les appréciations qu’elle contient et, d’autre part, elle formule des appréciations très générales non étayées par des éléments probants. S’agissant de la note de M. V., le requérant estime qu’elle n’aurait pas dû être prise en compte pour ce qui concerne les appréciations concernant sa gestion de la boîte aux lettres électronique dès lors que celles-ci font référence à des faits intervenus postérieurement à la période de référence concernée et sont, en tout cas, injustifiées.

128   Le requérant estime par ailleurs que l’annexion de ces notes au rapport 1999/2001, impliquant leur classement à son dossier individuel, est illégale. En effet, elle aurait été effectuée en violation des règles du contradictoire, puisque les appréciations contenues dans les notes n’ont jamais pu être explicitées, en l’absence de réponse apportée à ses questions, ou n’ont pas fait l’objet d’un débat critique, en l’absence de reproches précisément formulés à cet égard par sa hiérarchie pendant la période de référence. Le requérant soutient en outre que la procédure de notation ne lui a pas permis de faire valoir utilement ses arguments.

129   La Commission critique le bien-fondé de l’argumentation du requérant et conclut au rejet du moyen.

–       Appréciation du Tribunal

130   Il convient tout d’abord d’examiner la question de savoir si les notes de MM. B. et V. – dont il n’est pas contesté qu’elles ont été prises en considération par les notateurs pour l’établissement du rapport 1999/2001 – pouvaient être régulièrement prises en compte à cet effet.

131   En ce qui concerne la note de M. B., la régularité de sa prise en compte ne saurait être remise en cause du seul fait que les appréciations qui y sont formulées couvrent deux exercices de notation successifs.

132   En premier lieu, ainsi que le Tribunal l’a déjà relevé (voir point 100 ci-dessus), rien ne permet de contester que, consulté par le notateur pour l’ensemble de la période durant laquelle il avait été le supérieur hiérarchique direct du requérant, soit la période allant du 1er décembre 1998 au 31 mai 2000, mais correspondant à deux exercices de notation successifs (1997/1999 et 1999/2001), le supérieur hiérarchique du requérant a effectivement estimé que les compétences, le rendement et la conduite du requérant pendant chaque période de référence appelaient les mêmes remarques. En conséquence, l’argument du requérant selon lequel il ne serait pas possible de dire à quelle période de référence se rattachent en réalité les appréciations contenues dans la note litigieuse s’apparente à une pure affirmation non étayée d’éléments de preuve.

133   En second lieu, il y a lieu de constater que le choix ainsi opéré librement par le supérieur hiérarchique, dans une hypothèse où il était consulté simultanément sur les deux exercices de notation successifs, n’est pas en soi incompatible avec les DGE. Tout au contraire, celles-ci autorisent expressément le notateur qui estime que les compétences, le rendement et la conduite d’un fonctionnaire appellent les mêmes appréciations pour deux périodes de référence successives à reconduire le rapport précédent pour la nouvelle période de référence.

134   Quant à l’argumentation du requérant selon laquelle la note formulerait des appréciations très générales et non étayées de preuves, il suffit de constater que le requérant se borne ainsi à mettre en cause le bien-fondé de la note et, partant, de la notation, et non la régularité même de la procédure de notation. Il n’y a donc pas lieu d’examiner cette argumentation à ce stade de l’examen du recours.

135   Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le requérant n’a pas apporté la preuve d’une quelconque irrégularité dans la prise en compte de la note de M. B. pour l’établissement du rapport 1999/2001.

136   En ce qui concerne la note de M. V., la régularité de sa prise en compte ne peut être remise en cause au motif qu’elle se référerait, en ce qui concerne la gestion de la boîte aux lettres électronique, à des événements survenus postérieurement à la période de référence. En effet, ainsi que le Tribunal l’a déjà relevé (voir points 112 et 113 ci-dessus), s’agissant des messages en attente jusqu’au 30 juin 2001, les faits invoqués ne sont pas intervenus postérieurement à la période de référence, mais pendant celle-ci.

137   Quant à l’argumentation du requérant selon laquelle la note contient des appréciations injustifiées concernant la gestion de la boîte aux lettres électronique, il suffit, là encore, de constater qu’elle se borne à contester le bien-fondé de la note sans alléguer une irrégularité de la procédure qui a abouti à l’établissement du rapport 1999/2001. Il n’y a donc pas lieu d’examiner cette argumentation à ce stade de l’examen du recours.

138   Il résulte des considérations qui précèdent que le requérant n’a pas apporté la preuve d’une quelconque irrégularité dans la prise en compte de la note de M. V. pour l’établissement du rapport 1999/2001.

139   Quant à la question de savoir si l’annexion, par le notateur, des notes précitées au rapport 1999/2001 est constitutive d’une irrégularité de nature à justifier l’annulation dudit rapport, il importe de souligner qu’aucune règle n’impose ou n’interdit expressément au notateur d’annexer au rapport de notation les notes transmises par les supérieurs hiérarchiques consultés au cours de la procédure de notation. L’article 3 des DGE prévoit seulement que les supérieurs hiérarchiques consultés par le notateur peuvent joindre au projet de rapport des observations en cas de désaccord avec le notateur. Dans ce contexte, il semble de bonne pratique d’annexer les notes des personnes consultées en cas de désaccord entre le supérieur hiérarchique consulté et le notateur au sujet de la notation retenue, même si une telle annexion n’est jamais obligatoire.

140   Il résulte de ce qui précède que, en l’absence de règle en ce domaine, l’annexion des notes des supérieurs hiérarchiques consultés au rapport 1999/2001 ne saurait être constitutive d’une irrégularité de nature à justifier l’annulation dudit rapport.

141   Dans la mesure où le requérant soutient en substance que l’annexion de ces notes au rapport 1999/2001, tel que définitivement établi par le notateur d’appel, est illégale en ce qu’elle a opéré, en violation des règles du contradictoire, le classement à son dossier individuel d’éléments qui n’ont pas été explicités ou n’ont pas fait l’objet d’un débat critique, il y a lieu d’observer que le requérant a eu l’occasion de contester les jugements de valeur défavorables de ses supérieurs hiérarchiques directs au cours de la procédure de notation. Ainsi, au point 6 du rapport de notation consacré à l’« évaluation du milieu de travail par le noté », le requérant a répondu de manière détaillée aux remarques formulées contre lui par MM. B. et V. dans leurs notes. En outre, par note du 23 avril 2003, le requérant a pu adresser ses observations sur celles-ci au notateur d’appel. Il en résulte que les notes en question, et les critiques qu’elles contiennent, ont fait l’objet d’un débat contradictoire au cours de la procédure de notation. Dans ces conditions, le requérant n’est pas fondé à soutenir que les notes litigieuses n’auraient pas dû être versées à son dossier individuel, par le biais de leur annexion au rapport 1999/2001.

142   Quant à l’argument du requérant selon lequel le débat contradictoire portant sur les jugements de valeur défavorables de ses supérieurs hiérarchiques directs aurait dû se dérouler au cours de la période de référence concernée, il y a lieu de rappeler que le but même de la procédure de notation est de faire le point sur les prestations et les compétences du fonctionnaire intéressé à chaque échéance prédéterminée. Dès lors que le jugement de son notateur relatif à la période de référence est établi au terme d’une procédure contradictoire, le fonctionnaire intéressé ne saurait invoquer, a posteriori, l’absence de reproches intermédiaires au cours de la période de référence. Il ne saurait donc être exigé que les jugements de valeur émis par les supérieurs hiérarchiques dans le cadre de la consultation organisée au titre de la procédure de notation pour une période donnée soient préalablement débattus entre le fonctionnaire noté et sa hiérarchie ou fassent l’objet d’un avertissement préalable écrit au cours de la période de référence dès lors qu’ils font l’objet d’un véritable débat contradictoire lors de la procédure de notation.

143   Eu égard aux considérations qui précèdent, le moyen doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré de l’absence d’intervention du secrétariat général pour garantir l’objectivité de la notation

–       Arguments des parties

144   Le requérant estime qu’une irrégularité procédurale résulte de ce que le secrétaire général n’a pas adopté toutes mesures pour garantir une notation objective et impartiale en s’abstenant, en toute connaissance de cause, de confier la notation pour la période concernée à des personnes autres que celles avec lesquelles il a été en conflit dans le passé, à savoir le notateur et les personnes consultées par celui-ci. Il soutient en outre que les DGE n’interdisent pas à un notateur de se récuser lorsque son impartialité est en cause.

145   La Commission estime que les personnes responsables de l’établissement du rapport de notation sont désignées par les DGE et qu’elles ne sauraient être remplacées qu’en cas de force majeure. Elle rappelle que, en l’espèce, la notation définitive a été décidée par le notateur d’appel, qui n’était pas en conflit avec le requérant.

–       Appréciation du Tribunal

146   Les articles 2 et 3 des DGE indiquent quelles sont les personnes responsables de l’établissement du rapport de notation ainsi que les personnes qui doivent être consultées par celles-ci. Les DGE ne prévoient pas de faculté de récusation ou d’obligation de mise à l’écart des personnes ainsi désignées lorsque leur impartialité pourrait être en cause.

147   Cependant, face au large pouvoir d’appréciation dont jouissent les notateurs dans les jugements portés sur le travail des personnes qu’ils ont la charge de noter, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique communautaire revêt une importance fondamentale, l’institution compétente étant tenue d’examiner avec impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt Maurissen/Cour des comptes, précité, point 41).

148   De plus, l’article 14 du statut requiert de tout fonctionnaire qu’il informe l’AIPN de l’existence d’un intérêt personnel de nature à compromettre son indépendance dans le traitement ou la solution d’une affaire sur laquelle il est appelé à se prononcer. L’obligation prescrite consiste, pour le fonctionnaire concerné, à informer l’AIPN, à titre préventif, afin que celle-ci puisse prendre les mesures appropriées en fonction du contexte de l’affaire (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2002, Zavvos/Commission, T‑21/01, RecFP p. I‑A‑101 et II‑483, points 37 à 40). Eu égard au caractère fondamental des objectifs d’indépendance et d’intégrité poursuivis par cette disposition, et compte tenu de ce que l’obligation prescrite consiste, pour le fonctionnaire concerné, à informer l’AIPN à titre préventif, l’article 14 du statut a un champ d’application large. Celui-ci couvre toute circonstance dont le fonctionnaire qui est amené à se prononcer sur une affaire doit raisonnablement comprendre qu’elle est de nature à apparaître, aux yeux de tiers, comme une source possible d’affectation de son indépendance en la matière (arrêt du Tribunal du 11 septembre 2002, Willeme/Commission, T‑89/01, RecFP p. I‑A‑153 et II‑803, point 47).

149   En l’occurrence, il n’est pas contesté que le notateur responsable de l’établissement du rapport 1999/2001 et les supérieurs hiérarchiques consultés par celui-ci ont été désignés conformément aux articles 2 et 3 des DGE.

150   Le requérant se borne à affirmer qu’il a été en conflit avec eux et que leur impartialité a ainsi été compromise. Cependant, même si l’on ne peut exclure que des divergences entre un fonctionnaire et son supérieur hiérarchique puissent créer une certaine irritation chez le supérieur hiérarchique, cette éventualité n’implique pas, en tant que telle, que ce dernier ne soit plus en mesure d’apprécier objectivement les mérites de l’intéressé (arrêt du Tribunal du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, RecFP p. I‑A‑49 et II‑185, point 188).

151   Il est constant que les personnes désignées par les DGE pour établir la notation du requérant n’ont pas jugé devoir informer le directeur général, pris en sa qualité d’AIPN, de circonstances qui auraient été de nature à compromettre leur indépendance et leur intégrité pour porter des jugements sur le travail du requérant.

152   De même, il est constant que le requérant n’a jamais remis en cause, en temps utile, l’impartialité des personnes susmentionnées devant le directeur général, par exemple en le saisissant, en sa qualité d’AIPN, d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut l’invitant à confier la notation pour la période concernée à des personnes autres que celles normalement désignées par les DGE.

153   Au vu de ce qui précède, il ne saurait être fait grief au secrétaire général, dont le requérant n’a, au demeurant, pas établi quelle aurait été sa compétence à cet égard, de ne pas être intervenu pour confier la notation pour la période concernée à des personnes autres que celles normalement désignées par les DGE. Il s’ensuit que le moyen doit être rejeté.

 Sur le moyen pris du défaut de consultation préalable du requérant

–       Arguments des parties

154   Le requérant estime que son rapport 1999/2001 a été établi en violation des dispositions de l’article 5 des DGE dès lors que le notateur a omis de le consulter au préalable. Le rapport aurait ainsi reflété une opinion unilatérale d’autant plus difficile à modifier par la suite qu’elle émane de ses supérieurs hiérarchiques. Par la suite, la modification du rapport n’aurait d’ailleurs été que minime et limitée à l’appréciation analytique. Le vice de procédure allégué aurait donc eu de lourdes conséquences quant à la notation pour l’exercice 1999/2001.

155   La Commission conteste, à titre principal, que l’article 5 des DGE ait pu être violé et que le rapport 1999/2001 ait été établi sans entretien préalable. Le notateur aurait remis au requérant, dans un souci de transparence, un projet de rapport de notation devant permettre au requérant de connaître ses appréciations avant même la tenue du premier entretien. Le rapport de notation lui-même n’aurait été établi qu’après le premier entretien du 15 novembre 2001. À la suite du second entretien du 26 février 2002, ce rapport aurait été modifié en faveur du requérant. Le CPN n’aurait d’ailleurs, dans son avis du 18 octobre 2002, relevé aucune irrégularité de procédure à cet égard. À titre subsidiaire, la Commission soutient que l’irrégularité alléguée ne saurait affecter la validité du rapport 1999/2001 dès lors qu’elle a été ensuite corrigée et n’a eu aucune conséquence sur le contenu du rapport et la suite de la procédure.

–       Appréciation du Tribunal

156   Les articles 5 et 6 des DGE prévoient un entretien entre le notateur ou le notateur d’appel, d’une part, et le fonctionnaire noté, d’autre part. Selon le guide de la notation, cet entretien doit notamment permettre au notateur et au fonctionnaire noté de faire le point sur le travail de ce dernier, d’apprécier ses points forts, d’identifier les aspects à améliorer, de déceler les problèmes et de rechercher leurs solutions éventuelles. Il procède des droits de la défense du fonctionnaire dans la procédure d’évaluation qui le concerne (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2004, Ferrer de Moncada/Commission, T‑16/03, non encore publié au Recueil, point 32).

157   Il ressort du dossier que, le 28 juin 2001, le notateur a communiqué au requérant une proposition de reconduction, en date du 26 juin 2001, de ce qui n’était alors qu’un projet de rapport 1997/1999 pour la période 1999/2001. Le 14 septembre 2001, faisant suite au refus opposé par le requérant à une telle reconduction, le notateur a transmis au requérant le rapport de notation 1999/2001. À cette date, aucun entretien n’avait encore eu lieu entre le requérant et le notateur pour l’exercice de notation 1999/2001.

158   Contrairement aux affirmations de la Commission, il résulte de la chronologie des faits ainsi rappelée que le rapport 1999/2001 a été établi par le notateur avant la tenue d’un premier entretien avec le requérant. Cela constitue une irrégularité de procédure au regard de l’article 5 des DGE, qui implique que le premier entretien se déroule avant même l’établissement du rapport par le notateur et sa communication au fonctionnaire noté. Le fait qu’une telle irrégularité n’ait pas été relevée par le CPN, dans son avis en date du 18 octobre 2002, ne saurait lier le Tribunal auquel il appartient d’exercer son contrôle sur les éventuelles irrégularités de forme et de procédure susceptibles d’affecter la validité du rapport de notation en question.

159   Toutefois, il convient de rappeler que, lorsque l’irrégularité commise lors de l’établissement de la première version du rapport est effectivement corrigée par la suite au cours de la procédure de notation, elle ne peut plus être considérée comme susceptible de remettre en cause la validité de la version définitive du rapport, qui fait l’objet du recours introduit par le fonctionnaire concerné (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 novembre 1997, Liao/Conseil, T‑15/96, RecFP p. I‑A‑329 et II‑897, point 45).

160   En l’occurrence, il est constant qu’un premier entretien s’est déroulé avec le notateur, le 15 novembre 2001, puis un second entretien, le 26 février 2002, concernant le rapport 1999/2001. Faisant suite au second entretien, le notateur a remplacé une mention « normal » par une mention « supérieur » dans ledit rapport. Le requérant a également été entendu par le notateur d’appel le 4 avril 2002, à la suite de quoi ce dernier lui a communiqué, le 10 avril 2002, sa décision de confirmer purement et simplement le rapport 1999/2001.

161   En conséquence, les droits de la défense du fonctionnaire dans la procédure d’évaluation ont été respectés et l’irrégularité commise lors de l’établissement de la première version du rapport a été corrigée au cours de la procédure de notation. Cette irrégularité ne peut donc plus être considérée comme susceptible de remettre en cause la validité de la version définitive du rapport 1999/2001. Il s’ensuit que le moyen doit être rejeté.

 Sur les moyens tirés d’erreurs manifestes d’appréciation et d’erreurs de fait

 Sur les erreurs manifestes d’appréciation qui résulteraient de la rédaction simultanée des rapports 1999/2001, 1995/1997 et 1997/1999

–       Arguments des parties

162   Le requérant soutient que le fait que le rapport 1999/2001 ainsi que les rapports 1995/1997 et 1997/1999 ont été rédigés simultanément permet de présumer que le premier est entaché d’erreurs manifestes d’appréciation. Il prétend que, dans un tel cas, les supérieurs hiérarchiques consultés sont exposés à un risque de confusion entre les périodes de référence successives, ce dont témoignerait d’ailleurs la note de M. B.

163   La Commission conteste l’argumentation du requérant sur ce point et conclut au rejet du moyen.

–       Appréciation du Tribunal

164   La circonstance que des rapports de notation successifs ont été rédigés simultanément, avec cette conséquence que le rapport le plus récent est rédigé sans que les précédents soient encore finalisés, n’est pas, en elle-même, de nature à faire présumer l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation qui entacheraient la validité de ces rapports.

165   Quant au simple fait que, consulté par le notateur pour l’ensemble de la période durant laquelle il avait été le supérieur hiérarchique direct du requérant, soit du 1er décembre 1998 au 31 mai 2000, mais correspondant à deux exercices de notation successifs, le supérieur hiérarchique du requérant ait choisi de porter des appréciations communes à l’ensemble de la période, le Tribunal a déjà relevé (voir points 100, 132 et 133 ci-dessus) que cet élément ne permettait pas de conclure que ces appréciations ne correspondaient pas à un jugement porté par ledit supérieur hiérarchique sur les compétences, le rendement et la conduite dans le service du fonctionnaire noté au cours de chacun des exercices de notation concernés.

166   Le requérant n’ayant allégué aucun autre élément précis qui attesterait de l’existence d’une confusion dans les commentaires figurant dans les notes des supérieurs hiérarchiques consultés par le notateur, il y a lieu de conclure que l’existence d’une telle confusion n’a pas été établie à suffisance de droit. En l’absence d’éléments probants, le moyen ne saurait être accueilli.

 Sur les erreurs manifestes d’appréciation ou erreurs de fait qui entacheraient les appréciations d’ordre général

–       Arguments des parties

167   Le requérant estime que, sous la rubrique « Appréciation d’ordre général », le rapport 1999/2001 contient de nombreuses appréciations relatives à sa capacité de jugement ou à son respect des priorités, qu’il conteste fermement, qui n’ont pas été relevées précisément et immédiatement, ni oralement ni par écrit, au moment des faits par les supérieurs hiérarchiques concernés, sur lesquelles il n’a jamais pu obtenir d’explication de ces derniers et qui ne sont pas soutenues par les faits.

168   Il soutient, en particulier, que les appréciations formulées quant à sa compétence, son rendement ou sa conduite dans le service par deux de ses supérieurs hiérarchiques pendant la période de référence, MM. B. et V., sont dépourvues de tout fondement. Concernant les appréciations émises par M. B., le requérant soutient qu’elles font référence à des faits qui sont soit dénaturés (divergence de vues relative à la baisse du cours de l’euro présentée comme un « conflit »), soit imputables à la hiérarchie elle-même (absence d’édition d’un « reader »), soit encore sans fondement (mauvaise présentation de la position de la Commission). En ce qui concerne les appréciations formulées par M. V. relatives à la gestion de la boîte aux lettres électronique de la DG « Affaires économiques et financières », et reprises par le notateur d’appel, le requérant estime qu’elles sont fondées sur des faits postérieurs à la période de référence et, en tout état de cause, sur une appréciation erronée des faits, puisqu’il n’a pas repris ladite gestion spontanément, contrairement à ce qu’affirme l’AIPN dans sa réponse à sa réclamation, mais à la demande de son supérieur hiérarchique et pour lui rendre temporairement service. Il ajoute que la période problématique est extrêmement courte (deux semaines) et que la gestion de la boîte aux lettres électronique s’est détériorée par la suite sans faire l’objet des mêmes critiques.

169   La Commission soutient que le bien-fondé des différentes appréciations figurant dans le rapport 1999/2001 ou dans les notes des supérieurs hiérarchiques consultés ne saurait être remis en cause. Elle estime en outre qu’il ne saurait être tiré argument de ce que les supérieurs hiérarchiques n’ont pas formulé par écrit des reproches formels adressés au requérant au cours de la période de référence ni répondu aux questions de celui-ci.

–       Appréciation du Tribunal

170   Sauf en cas d’erreurs de fait, d’erreurs manifestes d’appréciation ou de détournement de pouvoir, il n’appartient pas au Tribunal de contrôler le bien-fondé de l’appréciation portée par l’administration sur les aptitudes professionnelles d’un fonctionnaire, lorsqu’elle comporte des jugements complexes de valeur qui, par leur nature même, ne sont pas susceptibles d’une vérification objective (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 26 octobre 1994, Marcato/Commission, T‑18/93, RecFP p. I‑A‑215 et II‑681, point 45, et du 20 mai 2003, Pflugradt/BCE, T‑179/02, RecFP p. I‑A‑149 et II‑733, point 46). C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments du requérant.

171   En ce qui concerne les arguments du requérant qui remettent en cause le bien-fondé des commentaires d’ordre général du rapport 1999/2001 selon lesquels, pendant la période de référence, il a eu « une capacité de jugement qui pos[ait] parfois problème » ou une « perte du sens de la mesure » et n’a « pas suffisamment respecté les priorités mais consacré trop de son temps à des querelles avec sa hiérarchie », il suffit de constater que ces arguments ne visent ni des erreurs de fait susceptibles d’une vérification objective, ni des évaluations ou appréciations objectivement contrôlables, mais concernent des jugements de valeur, dont le bien-fondé ne saurait être contrôlé par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 mai 1983, Ditterich/Commission, 207/81, Rec. p. 1359, point 15, et arrêt Hubert/Commission, précité, point 149) sauf en cas d’erreur manifeste d’appréciation.

172   Cependant, les éléments invoqués par le requérant à l’appui de son argumentation ne sont pas de nature à établir qu’une erreur manifeste d’appréciation entacherait les jugements de valeur litigieux. D’une part, de tels jugements ne peuvent pas être remis en cause sur la base des simples allégations du requérant selon lesquelles ils ne seraient pas fondés. En outre, c’est à bon droit que la Commission relève qu’il ne saurait être exigé que les jugements de valeur figurant dans le rapport de notation soient préalablement débattus entre le fonctionnaire noté et sa hiérarchie ou fasse l’objet d’un avertissement préalable écrit au cours de la période de référence dès lors qu’ils font l’objet d’un débat contradictoire dans le cadre de la procédure de notation. Dans ces conditions, il convient de relever que les jugements de valeur figurant dans des commentaires d’ordre général ne sauraient être contestés au seul motif que les critiques qu’ils contiennent n’auraient pas été relevées précisément et immédiatement au moment des faits par les supérieurs hiérarchiques concernés ou qu’aucune explication n’aurait ensuite été fournie à cet égard par lesdits supérieurs hiérarchiques.

173   En ce qui concerne les arguments du requérant remettant en cause le bien-fondé de certains commentaires figurant dans les notes des personnes consultées ou les courriers de deux de ses supérieurs hiérarchiques pendant la période de référence, MM. B. et V., il y a lieu d’observer que le requérant n’a pas apporté la preuve qui lui incombe de ce qu’ils reposeraient sur des faits erronés ou appréciés de manière manifestement erronée ou de ce que lesdits commentaires auraient été pris en compte dans le rapport 1999/2001, tel que définitivement établi par le notateur d’appel.

174   Quant à l’argument du requérant selon lequel les commentaires critiques formulés à son égard par M. B., dans sa note du 19 juin 2001, sur sa capacité de mener à bien certaines tâches ou à représenter publiquement la position de la Commission ne sont pas fondés, il suffit de constater que ceux-ci n’ont pas été expressément repris par les notateurs dans le rapport 1999/2001. Le requérant n’a pas, par ailleurs, présenté d’éléments de preuve ou d’indices de nature à démontrer que le rapport de notation définitif aurait implicitement pris en compte les critiques ainsi formulées par M. B. Il n’est donc pas établi que ces commentaires ont eu une influence sur la notation litigieuse. Dans ces conditions, l’argumentation du requérant, qui remet en cause le bien-fondé de ces commentaires, ne saurait conduire à considérer que le rapport 1999/2001 est entaché d’erreurs manifestes d’appréciation ou d’erreurs de fait.

175   Pour ce qui est de l’argument du requérant selon lequel les appréciations critiques de M. V. au sujet de la gestion de la boîte aux lettres électronique de la DG « Affaires économiques et financières » ne sont pas fondées, il ressort de la lettre du notateur d’appel au directeur général de la DG « Affaires économiques et financières » en date du 10 avril 2002 que celles-ci ont eu une influence sur la notation, puisqu’elles ont justifié le maintien de la mention « insuffisant » sous la rubrique « Rendement – Régularité et respect des priorités (et efficacité des choix) » de la grille analytique du rapport. Le Tribunal a déjà relevé que les appréciations litigieuses se fondent sur des éléments factuels intervenus pendant la période de référence (voir points 112 et 113 ci-dessus) En outre, les pièces qui ont été versées au débat par la Commission attestent que, par note en date du 27 juillet 2001, M. V. a reproché au requérant d’avoir laissé sans réponse, depuis le 13 juin 2001 et jusqu’au 20 juillet 2001, 136 messages arrivés dans la boîte aux lettres électronique de la DG « Affaires économiques et financières » alors même que ce travail n’aurait requis du requérant qu’un travail supplémentaire d’environ une heure par jour. Ces pièces attestent également qu’un message électronique a été adressé par un chercheur extérieur, le 14 juin 2001, pour se plaindre de ce que son précédent message, en date du 6 juin 2001, avait été laissé sans réponse et pour demander à nouveau certaines informations sur les programmes d’assistance macrofinancière de la DG « Affaires économiques et financières ». Il est constant que, pendant la période de référence, le requérant a été chargé de la gestion de la boîte aux lettres électronique de la DG « Affaires économiques et financières ». Il est également constant que, pendant cette période, le requérant ne s’est pas acquitté correctement de cette tâche sans que cela puisse être imputé à des raisons impérieuses indépendantes de sa volonté. Il n’est donc pas établi que la note reposerait à cet égard sur une appréciation manifestement erronée des faits de l’espèce. En conséquence, il y a lieu de conclure que les appréciations litigieuses, comme les appréciations correspondantes du rapport 1999/2001, sous la rubrique « Rendement – Régularité et respect des priorités (et efficacité des choix) », ne se fondent pas sur des éléments factuels erronés ou appréciés de manière manifestement erronée.

176   Il résulte de ce qui précède que le requérant n’a pas établi à suffisance de droit l’existence d’une quelconque erreur de fait ou erreur manifeste d’appréciation ayant entaché les appréciations portées par ses notateurs dans le rapport 1999/2001. Le présent moyen doit donc être rejeté.

 Sur le moyen tiré d’un détournement de pouvoir

 Arguments des parties

177   Le requérant estime qu’il existe un faisceau d’indices, lesquels doivent être examinés dans leur globalité et non isolément, qui permet de conclure qu’en lui octroyant une notation aussi négative dans son rapport 1999/2001 la Commission a poursuivi un autre but que celui visé à l’article 43 du statut, à savoir un harcèlement moral. Le requérant soutient que les indices à prendre en compte au titre de ce détournement de pouvoir ou de ce harcèlement moral sont en l’occurrence : le conflit qui l’a opposé à M. R. à l’époque où la notation litigieuse a été établie, ainsi que l’implication de son notateur, qui était hiérarchiquement lié à M. R., dans ce conflit ; la baisse brutale et inexpliquée des appréciations le concernant dans les rapports 1995/1997, 1997/1999 et 1999/2001 en comparaison avec les rapports antérieurs au conflit avec M. R. ; sa réaffectation contre son gré, en juin 2000, dans une unité administrative n’ayant rien à voir avec la communication et où il a été isolé et humilié ; sa non-promotion depuis 1982, alors qu’il a été proposé à la promotion jusqu’en 1996.

178   La Commission conclut au rejet du moyen au motif que le requérant n’a pas fait la preuve du détournement de pouvoir allégué.

 Appréciation du Tribunal

179   Selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir se réfère à l’usage, par une autorité administrative, de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés (voir arrêt du Tribunal du 5 juillet 2000, Samper/Parlement, T‑111/99, RecFP p. I‑A‑135 et II‑611, point 64, et la jurisprudence citée). Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêts du Tribunal Samper/Parlement, précité, point 64, et du 19 septembre 2001, E/Commission, T‑152/00, RecFP p. I‑A‑179 et II‑813, point 68).

180   À cet égard, il ne suffit pas d’invoquer certains faits à l’appui de ses prétentions, il faut encore fournir des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir leur véracité ou, à tout le moins, leur vraisemblance, à défaut de quoi l’exactitude matérielle des affirmations de la Commission ne saurait être remise en cause (voir arrêt E/Commission, précité, point 69, et la jurisprudence citée).

181   S’agissant du conflit ayant opposé le requérant au directeur général de l’époque, M. R., au sujet de la publication d’une conférence, il est exact que le notateur du requérant a également été impliqué dans celui-ci. En effet, il est constant que ce notateur a été consulté sur le projet de publication du texte en cause et a indiqué, à l’époque, que celle-ci « serait inopportune ». C’est notamment au vu de ces éléments que M. R. a ensuite indiqué au requérant, le 20 avril 1998, que « la publication du texte [était] inopportune » (arrêt Cwik/Commission, précité, points 11 et 12). Il résulte de ce qui précède que le notateur du requérant a bien été impliqué dans le conflit en question.

182   Cependant, le requérant n’a pas démontré l’influence que cet événement a pu avoir sur le rapport 1999/2001, tel que définitivement établi par le notateur d’appel. Si l’on peut admettre que les personnes impliquées dans ce conflit en aient éventuellement gardé une certaine amertume sur un plan personnel, il ne peut en être inféré une volonté de ces personnes de détourner le pouvoir qui leur était conféré dans le cadre de la procédure de notation aux fins de harceler le requérant (voir, par analogie, arrêt De Nicola/BEI, précité, point 188). En tout état de cause, il y a lieu d’observer que la version définitive du rapport 1999/2001 a été établie par le notateur d’appel, dont il est constant qu’il n’a pas été impliqué dans le conflit ayant opposé le requérant au directeur général. Le conflit avec M. R. ne saurait, par conséquent, être utilement invoqué au soutien des prétentions du requérant selon lesquelles la décision portant établissement définitif du rapport 1999/2001 poursuivait un but autre que celui assigné en vertu des dispositions statutaires.

183   En ce qui concerne la baisse brutale et inexpliquée qui serait intervenue dans les appréciations contenues dans les rapports 1995/1997, 1997/1999 et 1999/2001 en comparaison avec les rapports antérieurs au conflit avec M. R., il y a lieu de constater que l’argumentation du requérant se résume, en substance, à soutenir qu’une régression importante est intervenue dans sa notation à partir de l’exercice de notation 1995/1997, soit entre les exercices 1993/1995 et 1995/1997.

184   Afin de procéder à la comparaison des rapports 1993/1995 et 1995/1997, il y a lieu de rappeler que le rapport 1993/1995 contient, au titre des appréciations analytiques sous la rubrique 10, quatre mentions « excellent », huit mentions « très bien » et deux mentions « bon », soit un total de 48 points sur un maximum théorique de 70.

185   Il convient en outre de relever que l’exercice de notation 1995/1997 a correspondu au premier exercice de mise en oeuvre d’un nouveau système de notation. Les objectifs du nouveau système étaient notamment de prévenir une utilisation excessive des « exceptionnel » et d’améliorer la comparabilité des notations. Il est généralement admis que la nouvelle grille de notation a eu comme conséquence de niveler vers le bas les appréciations, en limitant notamment l’usage des « exceptionnel ». Les statistiques produites par la Commission attestent d’ailleurs qu’il a résulté de la réforme ainsi intervenue une baisse générale des notations de l’ensemble des fonctionnaires du même grade que celui du requérant de la DG « Affaires économiques et financières ». L’exercice de notation 1995/1997 ayant correspondu à la mise en oeuvre d’un nouveau système de notation, il y a lieu de constater que la correspondance entre l’ancienne et la nouvelle méthode de notation ne peut être effectuée par le biais d’un mécanisme corrélationnel fixe (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 22 février 1990, Turner/Commission, T‑40/89, Rec. p. II‑55, publication sommaire, point 23).

186   Cependant, il y a lieu de préciser que la rupture ainsi intervenue dans le système de notation entre les exercices de notation 1993/1995 et 1995/1997 n’exclut pas que l’on puisse éventuellement recourir à des critères de comparaison relatifs pour faire la preuve d’une régression dans la notation.

187   Force est toutefois de constater que le requérant n’a proposé aucune méthode de comparaison relative susceptible de démontrer la régression alléguée dans la notation. À la supposer pertinente dans les circonstances de l’espèce, la méthode proposée par la Commission, qui repose sur une analyse de l’évolution de la notation du requérant par rapport à celle des autres fonctionnaires de même grade de la DG « Affaires économiques et financières », atteste au contraire d’une stabilité relative de la notation du requérant. En effet, les statistiques de notation de la DG « Affaires économiques et financières » relatives aux fonctionnaires de grade A 5, qui ont été versées aux débats par la Commission, démontrent qu’entre les exercices de notation 1993/1995 et 1995/1997 la notation de l’ensemble des fonctionnaires du même grade que celui du requérant de la DG « Affaires économiques et financières » a baissé, avec une diminution drastique des mentions analytiques « excellent » dans l’ensemble des rapports. Ces statistiques montrent, en outre, que, pour la période 1993/1995, la notation du requérant figurait parmi les deux plus basses (ex aequo) des 18 fonctionnaires de grade A 5 de la DG « Affaires économiques et financières » (le requérant inclus) et que, pour la période 1995/1997, elle demeurait au deuxième rang des notations les plus basses parmi ces mêmes fonctionnaires. Enfin, ces statistiques révèlent que l’écart de notation du requérant par rapport à la moyenne des fonctionnaires de grade A 5 de la DG « Affaires économiques et financières » (le requérant inclus) est resté relativement stable, passant de 16 % pour la période 1993/1995 à 18 % pour la période 1995/1997. Au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer que l’examen de l’évolution de la notation du requérant par rapport à celle des autres fonctionnaires de même grade de la DG « Affaires économiques et financières » entre les exercices de notation 1993/1995 et 1995/1997 ne confirme pas l’existence de la baisse brutale et inexpliquée alléguée par le requérant.

188   Il résulte de l’ensemble de ces considérations que les allégations du requérant selon lesquelles une régression serait intervenue dans sa notation entre les exercices de notation 1993/1995 et 1995/1997 n’ont pas été démontrées et que, partant, la régression alléguée de la notation à partir de l’exercice de notation 1995/1997 ne saurait constituer l’indice d’un détournement de pouvoir.

189   S’agissant de la réaffectation du requérant au sein de la DG « Affaires économiques et financières » décidée par M. R. en 2000 ou de l’absence de promotion du requérant depuis 1982, le requérant ne démontre pas, de manière suffisamment précise et objective, que ces faits traduisent une volonté de lui nuire ou encore de le décourager par l’exercice d’un véritable harcèlement moral, laquelle aurait également animé ses notateurs lors de l’établissement du rapport 1999/2001. Il suffit, à cet égard, de relever que le Tribunal a déjà constaté, par arrêt du 26 novembre 2002, Cwik/Commission (T‑103/01, RecFP p. I‑A‑229 et II‑1137, points 31 à 34), confirmé par la Cour (ordonnance du 1er avril 2004, Cwik/Commission, C‑47/03 P, non publiée au Recueil), que les éléments allégués par le requérant n’étaient pas de nature à établir l’existence d’un détournement de pouvoir ou d’un harcèlement moral entachant la décision de la Commission, du 13 juin 2000, de le transférer au sein de la DG « Affaires économiques et financières » et qu’il n’était pas démontré que ladite décision avait été adoptée pour atteindre des fins autres que celles excipées, c’est-à-dire une restructuration des services reposant sur une séparation des tâches de conception de la politique d’information de celles relatives à la diffusion de l’information.

190   Quant à l’absence de promotion du requérant depuis 1982, elle peut procéder de raisons légitimes et ne saurait donc constituer l’indice d’un détournement de pouvoir au regard de la décision portant établissement définitif du rapport de notation 1999/2001. Le requérant n’a fourni aucun élément qui permettrait de remettre en cause l’exactitude de l’affirmation de la Commission selon laquelle son absence de promotion est objectivement justifiée au vu de ses mérites. Les statistiques de la DG « Affaires économiques et financières » relatives aux notations des fonctionnaires de grade A 5 produites aux débats par la Commission révèlent à cet égard que, pour chacun des exercices de notation 1995/1997, 1997/1999 et 1999/2001, la notation du requérant a été l’une des plus faibles de l’ensemble des notations des fonctionnaires de grade A 5 de la DG « Affaires économiques et financières ».

191   Il résulte de ce qui précède que les faits en question, pris séparément ou dans leur ensemble, ne constituent pas des indices établissant que la décision portant établissement définitif du rapport 1999/2001 a été adoptée pour atteindre d’autres fins que celles assignées en vertu de l’article 43 du statut. Il n’a donc pas été démontré à suffisance de droit que la Commission ait commis un détournement de pouvoir en adoptant la décision portant établissement définitif du rapport 1999/2001. Par conséquent, le moyen doit être rejeté.

192   Il résulte des développements qui précèdent que la demande d’annulation dans l’affaire T‑331/03 doit être rejetée dans son intégralité.

 Sur les conclusions en indemnisation dans les affaires T‑155/03, T‑157/03 et T‑331/03

 Arguments des parties

193   Le requérant réclame réparation du préjudice, tant moral que matériel, prétendument subi à la suite de l’adoption tardive des rapports 1995/1997, 1997/1999 et 1999/2001.

194   S’agissant du préjudice moral, le requérant précise qu’il ne cherche pas à obtenir une nouvelle indemnité au titre de l’établissement tardif de chacun de ses rapports ou même au titre de son absence de promotion. Il admet qu’une indemnité de 1 000 euros lui a été allouée en compensation du dommage moral subi à la suite du retard intervenu dans l’établissement des rapports 1995/1997 et 1997/1999 et qu’une indemnité de 1 000 euros lui a également été attribuée en compensation du préjudice moral subi à la suite du retard intervenu dans l’établissement du rapport 1999/2001. Le préjudice moral supplémentaire dont il réclame réparation résulterait de l’absence, à la date d’introduction des réclamations, d’appréciations successives portées sur l’évolution de l’accomplissement de ses fonctions pendant sa carrière au service de la Commission et ne serait pas identique à celui pris en considération par l’AIPN dans sa réponse à sa réclamation R/506/01, lequel ne visait que le préjudice moral résultant de l’absence de rapport de notation pour deux exercices de notation successifs à la date du 9 novembre 2001.

195   En outre, il réclame réparation d’un préjudice moral supplémentaire résultant de l’état d’incertitude et d’inquiétude dans lequel il se serait trouvé quant à sa notation du fait des irrégularités qui viciaient les rapports 1995/1997, 1997/1999 et 1999/2001. Il estime qu’un tel préjudice n’était pas prévisible à la date d’introduction de sa réclamation R/506/01.

196   S’agissant du préjudice matériel, le requérant estime avoir droit à l’indemnisation du préjudice matériel résultant du fait d’avoir été tenu, en raison des irrégularités commises par la Commission, de supporter tous les frais et tracas liés à la contestation des rapports de notation et à l’introduction des procédures précontentieuses (perte de temps, honoraires d’avocat, etc.). Il précise que le préjudice matériel ainsi identifié doit être distingué des dépens liés à la procédure précontentieuse, dont il ne réclame pas le remboursement.

197   En considération de tous ces éléments, le requérant évalue son préjudice ex aequo et bono à 15 000 euros pour l’ensemble du préjudice subi depuis l’exercice de notation 1995/1997, à 10 000 euros pour l’ensemble du préjudice subi depuis l’exercice de notation 1997/1999 et à 7 500 euros pour l’ensemble du préjudice subi depuis l’exercice de notation 1999/2001. À cette dernière indemnité, il conviendrait de déduire les 1 000 euros déjà accordés par l’AIPN.

198   La Commission conclut au rejet des demandes d’indemnisation. Elle estime que les demandes d’indemnisation du préjudice moral supplémentaire qui résulterait du retard dans l’établissement des rapports 1995/1997, 1997/1999 et 1999/2001 sont irrecevables dans la mesure où ce préjudice a déjà été indemnisé par décision de l’AIPN du 2 mai 2002, qui n’a pas été contestée en temps utile par le requérant. Pour le reste, elle soutient que les demandes d’indemnisation ne sont pas fondées.

 Appréciation du Tribunal

 Sur la recevabilité

–       Sur les conclusions en indemnisation d’un prétendu préjudice matériel

199   Dans la mesure où, au titre de la réparation d’un prétendu préjudice matériel, le requérant réclame le remboursement de sommes qui correspondent aux frais qu’il a exposés lors des différentes phases précontentieuses, il s’agit là de conclusions qui concernent en réalité la taxation des dépens. Dans le cadre de la présente procédure au principal, de telles conclusions apparaissent prématurées et doivent, en conséquence, être rejetées comme irrecevables. En tout état de cause, il y a lieu de rappeler, d’ores et déjà, que, selon une jurisprudence constante, pour la période antérieure à la date d’introduction du recours, le requérant ne peut prétendre qu’au remboursement des dépens exposés pour les besoins de la rédaction de la requête, ceux exposés dans le cadre de la phase précontentieuse ne constituant pas des dépens récupérables (ordonnance du Tribunal du 12 juin 2001, Gogos/Commission, T‑95/98 DEP, RecFP p. I‑A‑123 et II‑571, point 27).

–       Sur les conclusions en indemnisation du préjudice moral allégué

200   Il ressort du dossier individuel du requérant que, dans le cadre de sa réclamation R/506/01, en date du 9 novembre 2001, contre la décision de ne pas le promouvoir au titre de l’exercice de promotion 2001, celui-ci a demandé l’octroi d’une indemnité de 25 000 euros au titre de l’ensemble du préjudice moral subi du fait du retard intervenu dans l’établissement des rapports 1995/1997 et 1997/1999 et dans leur insertion dans son dossier individuel. Par décision du 2 mai 2002, notifiée au requérant le 7 mai 2002, l’AIPN a décidé « de faire droit à la demande de dédommagement [du requérant] du fait du retard dans l’établissement des rapports […] 1995/1997 et 1997/1999, tout en fixant les droits à liquider à 1 000 euros ». Or, il n’est pas contesté que le requérant n’a pas attaqué cette décision dans les délais impartis.

201   Il résulte de ce qui précède que le requérant est irrecevable à demander, dans le cadre des présents recours, l’indemnisation d’un préjudice déjà indemnisé par la décision de l’AIPN du 2 mai 2002, soit tous les préjudices moraux liés au retard dans l’établissement des rapports 1995/1997 et 1997/1999, à la date du 9 novembre 2001.

202   Ensuite, il convient de relever que le préjudice moral supplémentaire dont le requérant réclame réparation résulte de l’absence, à la date d’introduction des réclamations, d’appréciations successives portées sur l’évolution de l’accomplissement de ses fonctions pendant sa carrière au service de la Commission. La demande indemnitaire est donc irrecevable dans la mesure où elle porte sur la réparation du préjudice moral prétendument lié à l’absence, en date du 9 novembre 2001, d’appréciations successives portées sur l’évolution de l’accomplissement par le requérant de ses fonctions pendant sa carrière au service de la Commission. Elle est recevable pour le surplus.

 Sur le fond

203   Selon une jurisprudence constante dans le domaine de la fonction publique, l’engagement de la responsabilité de la Communauté est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêts du Tribunal du 17 juillet 1998, Hubert/Commission, T‑28/97, RecFP p. I‑A‑435 et II‑1255, point 101, et du 6 juillet 2004, Huygens/Commission, T‑281/01, non encore publié au Recueil, point 51, et la jurisprudence citée).

204   Quand au préjudice moral supplémentaire qui résulterait de l’absence, à la date d’introduction des réclamations postérieures au 9 novembre 2001, d’appréciations successives portées sur l’évolution de l’accomplissement par le requérant de ses fonctions pendant sa carrière au service de la Commission, le Tribunal a déjà relevé que, lorsque, comme en l’espèce, le retard survenu est tel qu’un même notateur est contraint d’établir simultanément des rapports de notation portant sur des exercices successifs, le fonctionnaire peut légitimement penser que le notateur éprouvera des difficultés à évaluer chaque exercice de manière indépendante. Ces doutes légitimes sont, en eux-mêmes, susceptibles d’engendrer en la personne du fonctionnaire concerné une incertitude constitutive d’un préjudice moral. Le requérant est donc bien fondé à demander l’indemnisation du préjudice supplémentaire lié à une telle situation (voir, en ce sens, arrêt Burban/Parlement, précité, point 76).

205   S’agissant des illégalités viciant les rapports 1995/1997 et 1997/1999, le Tribunal a constaté, lors de l’examen des conclusions en annulation dans les affaires T‑155/03 et T‑157/03, que les rapports 1995/1997 et 1997/1999 étaient entachés de graves irrégularités, puisque le premier avait été établi en violation de l’article 26 du statut et contenait des erreurs de fait et que le second contenait une motivation incohérente. En l’espèce, le requérant demande, en substance, réparation du préjudice moral subi en raison de ces irrégularités. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que l’annulation d’un acte de l’administration attaqué par un fonctionnaire constitue, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral lorsque ledit acte ne comporte pas d’appréciation explicitement négative des capacités du requérant susceptible de le blesser (arrêts du Tribunal du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T‑60/94, RecFP p. I‑A‑23 et II‑77, point 62 ; du 21 janvier 2004, Robinson/Parlement, T‑328/01, non encore publié au Recueil, point 79, et du 8 juillet 2004, Schochaert/Conseil, T‑136/03, non encore publié au Recueil, point 34).

206   En l’espèce, il convient de rappeler que, d’une part, les appréciations négatives relatives à la conduite dans le service du requérant qui sont contenues dans le rapport 1995/1997 n’auraient pas dû y figurer, puisqu’elles reposent sur des éléments factuels qui ont été pris en compte en violation des droits de la défense et se trouvent donc dépourvues de tout fondement en fait, et que, d’autre part, certaines appréciations négatives relatives à la compétence et au rendement du requérant contenues dans le rapport 1997/1999 sont incohérentes avec la notation retenue. Le requérant a fermement contesté ces appréciations comme étant dépourvues de tout fondement. Il résulte des éléments de la cause qu’il a ressenti lesdites appréciations de manière blessante. Il s’ensuit que le requérant est fondé, dans le cadre des affaires T‑155/03 et T‑157/03, à demander l’indemnisation du préjudice moral qu’il a subi de ce chef.

207   Quant au préjudice moral résultant d’illégalités qui entacheraient le rapport 1999/2001, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante en matière de fonction publique, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont elles-mêmes été rejetées soit comme irrecevables soit comme non fondées (arrêts du Tribunal du 16 juillet 1992, Della Pietra/Commission, T‑1/91, Rec. p. II‑2145, point 34 ; du 15 mai 1997, N/Commission, T‑273/94, RecFP p. I‑A‑97 et II‑289, point 159, et du 10 juin 2004, Liakoura/Conseil, T‑330/03, non encore publié au Recueil, point 69). Il suffit à cet égard de rappeler que, dans l’affaire T‑331/03, les conclusions en annulation ont été rejetées comme non fondées. Dans la mesure où l’examen des conclusions en annulation n’a révélé aucune illégalité de nature à engager la responsabilité de la Commission, il y a lieu de rejeter, dans l’affaire T‑331/03, les conclusions en indemnisation.

208   En ce qui concerne le montant de l’indemnisation, et eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal, évaluant le préjudice moral subi ex aequo et bono, estime que l’allocation d’un montant de 2 000 euros constitue une indemnisation adéquate du préjudice moral subi par le requérant du fait de l’absence, à la date d’introduction des réclamations, d’appréciations successives portées sur l’évolution de l’accomplissement de ses fonctions par le requérant pendant sa carrière au service de la Commission et des irrégularités entachant les rapports 1995/1997 et 1997/1999.

 Sur les dépens

209   Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Lorsque les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, le Tribunal peut, en application de l’article 87, paragraphe 3, dudit règlement, répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

210   Dans les affaires T‑155/03 et T‑157/03, la Commission a succombé en ses conclusions. En conséquence, elle supportera l’ensemble des dépens.

211   Dans l’affaire T‑331/03, les parties ont succombé respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans ces conditions, le Tribunal estime qu’il y a lieu de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, la moitié des dépens du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les décisions de la Commission portant établissement définitif des rapports de notation du requérant pour les périodes 1995/1997 et 1997/1999 ainsi que les décisions de la Commission portant rejet des réclamations du requérant relatives à ces rapports de notation sont annulées.

2)      La Commission est condamnée à verser au requérant un montant de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts.

3)      Les recours sont rejetés pour le surplus.

4)      Dans les affaires T‑155/03 et T‑157/03, la Commission est condamnée aux dépens.

5)      Dans l’affaire T‑331/03, la Commission est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens exposés par le requérant.



Pirrung

Meij

Pelikánová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2005.

Le greffier

 

       Le président



E. Coulon

 

      J. Pirrung


Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

Sur les conclusions en annulation dans l’affaire T‑155/03

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les conclusions en annulation dans l’affaire T‑157/03

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les conclusions en annulation dans l’affaire T‑331/03

Sur les moyens tirés d’irrégularités de procédure

Sur le moyen pris du retard dans la procédure de notation

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré de l’établissement simultané des rapports

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré de la prise en compte de faits intervenus en dehors de la période de référence

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le moyen pris d’une défaillance du CPN

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré de l’utilisation des notes des supérieurs hiérarchiques pour l’établissement du rapport 1999/2001 et de leur annexion audit rapport

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré de l’absence d’intervention du secrétariat général pour garantir l’objectivité de la notation

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le moyen pris du défaut de consultation préalable du requérant

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur les moyens tirés d’erreurs manifestes d’appréciation et d’erreurs de fait

Sur les erreurs manifestes d’appréciation qui résulteraient de la rédaction simultanée des rapports 1999/2001, 1995/1997 et 1997/1999

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur les erreurs manifestes d’appréciation ou erreurs de fait qui entacheraient les appréciations d’ordre général

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré d’un détournement de pouvoir

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les conclusions en indemnisation dans les affaires T‑155/03, T‑157/03 et T‑331/03

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la recevabilité

– Sur les conclusions en indemnisation d’un prétendu préjudice matériel

– Sur les conclusions en indemnisation du préjudice moral allégué

Sur le fond

Sur les dépens



* Langue de procédure : le français.