Language of document : ECLI:EU:T:2009:82

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

25 mars 2009(*)

« Recours en carence – Technologies de stockage souterrain du dioxyde de carbone – Absence de prise de position de la Commission – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑125/07,

Scientific and Technological Committee of AGH University of Science and Technology, établi à Cracovie (Pologne),

Europejskie Stowarzyszenie Ochrony Środowiska, établie à Cracovie,

Przedsiębiorstwo Usług Geologiczno – Wiertniczych Chemkop-Geowiert sp. z o.o., établie à Cracovie,

Stowarzyszenie Obrony Środowiska, établie à Cracovie,

Fundacja Partnerstwo dla Środowiska, établie à Cracovie,

Niezależne Forum Ochrony Biosfery Ziemi, établi à Skawina (Pologne),

Jan Adamczyk, demeurant à Cracovie,

Emanuel Lipartowski, demeurant à Cracovie,

représentés initialement par Me A. Żuraniewski, puis par Mes M. Rogoziński et B. Balcerzak, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme A. Alcover San Pedro et M. M. Kaduczak, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours en carence visant à faire constater la carence de la Commission, au motif que celle-ci s’est abstenue, d’une part, de prendre position sur la problématique des risques pesant sur la population de l’Union européenne et liés au stockage souterrain du dioxyde de carbone et à sa migration depuis les formations géologiques vers la surface de la terre et, d’autre part, de prendre des mesures réelles pour la protection de la vie de la population et de l’environnement,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras, président, M. Prek et V. M. Ciucă (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le 18 janvier 2007, le Scientific and Technological Committee of AGH University of Science and Technology (ci-après le « Scientific and Technological Committee »), établi à Cracovie, en Pologne, a adressé une lettre, pour information, à plusieurs destinataires dont le président de la Commission, M. Barroso, le vice-président de la Commission chargé des entreprises et de l’industrie, M. Verheugen, ainsi que trois membres de la Commission, MM. Dimas, Piebalgs et Potočnik, chargés respectivement de l’environnement, de l’énergie ainsi que de la science et de la recherche.

2        Le 30 janvier 2007, le Scientific and Technological Committee a adressé une lettre à divers destinataires dont MM. Dimas, Piebalgs et Potočnik.

3        Le 28 février 2007, le Scientific and Technological Committee a adressé une lettre ouverte à divers destinataires dont MM. Barroso, Verheugen, Dimas, Piebalgs et Potočnik..

4        Le 23 mars 2007, le Scientific and Technological Committee a adressé une lettre à divers destinataires dont MM. Dimas, Piebalgs et Potočnik.

5        Dans ces quatre lettres des 18 et 30 janvier, 28 février et 23 mars 2007 (ci-après les « quatre lettres »), le Scientific and Technological Committee a souhaité, en substance, informer les destinataires de ces lettres de l’existence de menaces, pesant sur l’environnement et la santé humaine, liées aux technologies de stockage souterrain du dioxyde de carbone et à sa migration depuis les formations géologiques jusqu’à la surface de la terre. En outre, le Scientific and Technological Committee a sollicité, notamment des membres de la Commission, MM. Dimas, Piebalgs et Potočnik, un financement communautaire pour mener des recherches concernant l’état, la dynamique et la migration du dioxyde de carbone stocké dans des formations géologiques souterraines vers la surface de la terre ainsi que les risques engendrés, pour la biosphère terrestre, par ce procédé. Enfin, dans les lettres des 18 et 30 janvier 2007, le Scientific and Technological Committee a proposé aux membres de la Commission, MM. Dimas, Piebalgs et Potočnik, d’arrêter immédiatement les travaux techniques de stockage du dioxyde de carbone.

 Procédure et conclusions des parties

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2007, les requérants, le Scientific and Technological Committee, la Europejskie Stowarzyszenie Ochrony Środowiska, la Przedsiębiorstwo Usług Geologiczno – Wiertniczych Chemkop-Geowiert sp. z o.o., la Stowarzyszenie Obrony Środowiska, la Fundacja Partnerstwo dla Środowiska et le Niezależne Forum Ochrony Biosfery Ziemi ont introduit le présent recours.

7        Les 3 mai et 14 juin 2007, le greffe du Tribunal a indiqué aux requérants que la requête n’était pas pleinement conforme au règlement de procédure du Tribunal et aux instructions pratiques aux parties (JO 2002, L 87, p. 48) et les a invités à régulariser ladite requête en conséquence, notamment, en communiquant pour les requérants personnes morales de droit privé la preuve de leur existence juridique.

8        À cette occasion, les requérants ont précisé que, le Scientific and Technological Committee et le Niezależne Forum Ochrony Biosfery Ziemi n’ayant pas la personnalité juridique, le présent recours devait être compris comme ayant été introduit par leurs présidents, respectivement M. Jan Adamczyk et M. Emanuel Lipartowski. Les requérants ont également indiqué que le présent recours devait être compris comme étant dirigé contre la Commission.

9        La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à compter du 25 septembre 2007, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

10      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 12 octobre 2007, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure. Les requérants ont déposé leurs observations sur cette exception le 26 novembre 2007.

11      Dans la requête, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que les membres de la Commission, MM. Potočnik, Dimas et Piebalgs, se sont illégalement abstenus de prendre les mesures immédiates de protection de la vie de la population de l’Union européenne, après avoir reçu plusieurs lettres les informant des menaces liées à la technologie de stockage souterrain du dioxyde de carbone, en occasionnant ainsi des risques pour la vie de la population de l’Union européenne, ainsi que de catastrophe écologique ;

–        statuer sur la nécessité de mener des recherches concernant l’état, la dynamique et la migration du dioxyde de carbone stocké dans des formations géologiques souterraines vers la surface de la terre et les risques pour la biosphère terrestre causés par ce procédé ;

–        indiquer les besoins de financement à 100 % desdites recherches, qui ne revêtent pas un caractère commercial, mais qui concernent la sauvegarde de la vie de la population de l’Union européenne ;

–        statuer sur l’arrêt pour l’avenir dans l’Union européenne des processus de stockage de dioxyde de carbone dans le sous‑sol jusqu’à l’achèvement desdites recherches ;

–        désigner des experts.

12      Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

13      Dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        s’agissant des dépens, en cas de rejet du recours, juger que chaque partie supporte ses propres dépens.

 En droit

14      Aux termes de l’article 114 du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par l’examen des pièces du dossier pour statuer sur la demande sans ouvrir la procédure orale.

 Arguments des parties

15      En premier lieu, la Commission fait valoir que le contenu de la requête indique que les requérants dirigent leur recours non pas contre elle, mais contre trois de ses membres, cités nommément et individuellement. Eu égard au principe de la collégialité des décisions de la Commission et en vertu des articles 217 CE et 230 CE, il ne serait pas possible de former devant le Tribunal un recours visant des membres de la Commission.

16      En second lieu, la Commission soutient que les requérants font grief à trois de ses membres de ne pas avoir adopté les mesures qu’ils ont proposées dans des courriers que le Scientific and Technological Committee lui a adressés, entre autres destinataires. Les requérants n’auraient pas qualité pour agir, car les conditions de recevabilité d’un recours en carence, définies à l’article 232 CE, ne seraient pas remplies, la Commission n’étant pas tenue d’adopter les mesures citées et ses membres n’ayant pas le droit de les prendre à titre individuel.

17      Les requérants soutiennent que le recours en carence est dirigé contre la Commission, du fait de son absence de prise de position et de l’abstention de MM. Dimas, Piebalgs et Potočnik, membres de la Commission, chargés respectivement de l’environnement, de l’énergie ainsi que de la science et de la recherche. À cet égard, ils font valoir que la requête a été régularisée et transmise sous cette forme à la Commission. Par ailleurs, ils prétendent qu’une invitation à agir, dont le contenu est explicite, clair et précis, a été adressée à différents membres de la Commission et également à cette dernière, en vue de l’adoption par celle-ci des mesures appropriées.

18      Selon les requérants, la Commission était à tout le moins tenue de prendre position sur la question qui lui a été adressée par le Scientific and Technological Committee, notamment parce que, selon les articles 3 CE, 6 CE, 94 CE, 95 CE, 174 CE et suivants, la protection de l’environnement et l’amélioration de sa qualité relèvent de la compétence de la Commission, qui peut déposer une proposition législative ou prendre position dans une affaire donnée devant le Parlement.

 Appréciation du Tribunal

19      Il convient de relever, à titre liminaire, que, quand bien même la Commission serait compétente pour arrêter les mesures évoquées dans les quatre lettres adressées aux trois membres de la Commission, MM. Dimas, Piebalgs et Potočnik, cette compétence appartiendrait à elle seule, et non à ces derniers. Il doit donc être conclu que c’est la Commission qui doit être considérée comme partie défenderesse en l’espèce, ce que d’ailleurs les requérants eux-mêmes ont confirmé à l’occasion de la régularisation de leur requête (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 16 octobre 2006, Aisne et Nature/Commission, T‑173/06, non publiée au Recueil, points 17 à 21).

20      Par sa seconde fin de non-recevoir, la Commission soutient que les requérants n’ont pas qualité pour agir et former un recours en carence en vertu de l’article 232 CE, car elle n’a pas obligation d’adopter les mesures qu’ils ont proposées.

21      Dans la présente affaire, les requérants tendent à obtenir du Tribunal qu’il constate la carence de la Commission en ce que celle-ci s’est abstenue, d’une part, de prendre position sur la problématique des risques pesant sur la population de l’Union européenne et liés au stockage souterrain du dioxyde de carbone et à sa migration depuis les formations géologiques vers la surface de la terre et, d’autre part, de prendre des mesures réelles pour la protection de la vie de la population et de l’environnement, alors que cette problématique lui a été présentée par le Scientific and Technological Committee dans ses quatre lettres.

22      Selon une jurisprudence constante, une personne physique ou morale ne peut saisir le juge communautaire au titre de l’article 232, troisième alinéa, CE qu’en vue de faire constater que l’une des institutions s’est abstenue, en violation du traité, d’adopter un acte, autre qu’une recommandation ou un avis, dont elle est le destinataire potentiel ou qu’elle pourrait attaquer par la voie d’un recours en annulation (ordonnances du Tribunal du 10 juillet 2001, Edlinger/Commission, T‑191/00, Rec. p. II‑1961, point 20, et du 2 décembre 2003, Viomichania Syskevasias Typopoiisis Kai Syntirisis Agrotikon Proïonton/Commission, T‑334/02, Rec. p. II‑5121, point 44 ; voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 4 juillet 1994, Century Oils Hellas/Commission, T‑13/94, Rec. p. II‑431, points 13 et 14).

23      Dans le cas d’espèce, les omissions reprochées à la Commission, telles que décrites dans la requête et dans les observations des requérants sur l’exception d’irrecevabilité, ne répondent pas à ces conditions.

24      En effet, pour autant que les requérants déclarent avoir invité la Commission à prendre position sur la problématique des risques, présentée dans les quatre lettres du Scientific and Technological Committee, liés au stockage souterrain du dioxyde de carbone et à sa migration depuis les formations géologiques vers la surface de la terre, force est de constater que l’acte dont l’omission est ainsi reprochée à la Commission s’adresserait au public en général. À cet égard, il peut également être relevé que les requérants soulignent eux-mêmes, dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, qu’ils ont agi dans l’intérêt public. Par conséquent, les requérants ne seraient pas les destinataires potentiels de l’acte dont l’omission est ainsi reprochée à la Commission (voir, en ce sens, ordonnance Edlinger/Commission, précitée, point 23). En outre, ledit acte ne concernerait pas individuellement les requérants en raison de qualités qui leur seraient particulières ou d’une situation de fait qui les caractériseraient par rapport à toute autre personne et, ainsi, les individualiseraient d’une manière analogue à celle dont le seraient les destinataires.

25      Par ailleurs, pour autant que les requérants reprochent à la Commission de n’avoir pris aucune mesure réelle pour la protection de la vie de la population et de l’environnement, alors que cette problématique lui a été présentée par le Scientific and Technological Committee dans ses quatre lettres, force est de constater que les requérants n’indiquent aucune mesure précise, dans la requête et dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, que la Commission aurait dû prendre.

26      Même à considérer que l’une de ces mesures proposées soit l’arrêt du processus de stockage souterrain de dioxyde de carbone dans l’Union européenne, une telle mesure ne constitue pas à l’évidence un acte dont les requérants seraient le destinataire potentiel ou qui pourrait les concerner individuellement en raison de qualités qui leur seraient particulières ou d’une situation de fait qui les caractériseraient par rapport à toute autre personne et, ainsi, les individualiseraient d’une manière analogue à celle dont le seraient les destinataires.

27      En outre, les requérants citent, dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, certains articles du traité CE sans préciser quelles mesures ils visent et sans que cette liste soit elle-même précise, comme l’indique l’expression « et suivants ». Toutefois, il convient de constater que les requérants n’avancent aucun argument soutenant qu’une disposition des articles cités, soit les articles 3 CE, 6 CE, 94 CE, 95 CE et 174 CE, oblige la Commission à adopter un acte dont ils seraient les destinataires potentiels ou qui pourraient les concerner individuellement en raison de qualités qui leur seraient particulières ou d’une situation de fait qui les caractériseraient par rapport à toute autre personne et, ainsi, les individualiseraient d’une manière analogue à celle dont le seraient les destinataires.

28      Enfin, dans l’hypothèse où il faudrait comprendre que les requérants reprochent à la Commission de ne pas avoir financé des recherches concernant l’état, la dynamique et la migration du dioxyde de carbone stocké dans des formations géologiques souterraines vers la surface de la terre ainsi que les risques pour la biosphère terrestre causés par ce procédé, force est de constater que les requérants n’invoquent aucun argument concernant une obligation pour la Commission de financer lesdites recherches, qui seraient menées par le Scientific and Technological Committee.

29      Par conséquent, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si les requérants ont dûment suivi la procédure préalable à l’introduction du recours prévue à l’article 232 CE et, en particulier, si l’une des quatre lettres du Scientific and Technological Committee peut être considérée comme une invitation à agir au sens de cette même disposition, le présent recours doit, en tout état de cause, être rejeté comme irrecevable (voir, en ce sens, ordonnance Edlinger/Commission, précitée, point 25).

30      Au vu de ce qui précède, le présent recours doit être rejeté comme irrecevable sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’autre fin de non‑recevoir avancée par la Commission.

 Sur les dépens

31      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, aux termes du paragraphe 3, premier alinéa, du même article, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens pour des motifs exceptionnels.

32      Les requérants font valoir que, en introduisant le présent recours, ils ont agi dans l’intérêt public, en ayant pour objectif la prise en compte de la protection de l’environnement, dans la mesure où il n’existait pas de réelle analyse indiquant les effets du stockage souterrain des gaz pour la qualité de l’environnement naturel et la santé humaine. Par conséquent, ils demandent que, même si le recours est rejeté, chaque partie supporte ses propres dépens.

33      Le Tribunal estime que ce motif et ces circonstances, invoquées par les requérants et qui les auraient conduits à introduire le présent recours, ne sauraient à eux seuls être considérés comme constitutifs d’un motif exceptionnel au sens de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure.

34      Par conséquent, les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Scientific and Technological Committee of AGH University of Science and Technology, la Europejskie Stowarzyszenie Ochrony Środowiska, la Przedsiębiorstwo Usług Geologiczno – Wiertniczych Chemkop-Geowiert sp. z o.o., la Stowarzyszenie Obrony Środowiska, la Fundacja Partnerstwo dla Środowiska, le Niezależne Forum Ochrony Biosfery Ziemi, MM. Jan Adamczyk et Emanuel Lipartowski sont condamnés aux dépens.


Fait à Luxembourg, le 25 mars 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Vilaras


* Langue de procédure : le polonais.