Language of document : ECLI:EU:C:2022:424

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

2 juin 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Transport aérien – Convention de Montréal – Article 17, paragraphe 1 – Responsabilité des transporteurs aériens en cas de mort ou de lésion subie par un passager – Notion d’“accident” ayant causé la mort ou la lésion – Lésion corporelle subie au cours du débarquement – Article 20 – Exonération de la responsabilité du transporteur aérien – Notion de “négligence, d’autre acte ou d’omission préjudiciable du passager lésé ayant causé le dommage subi ou y ayant contribué” – Chute d’un passager ne s’étant pas tenu à la rampe d’un escalier mobile de débarquement »

Dans l’affaire C‑589/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg, Autriche), par décision du 15 septembre 2020, parvenue à la Cour le 10 novembre 2020, dans la procédure

JR

contre

Austrian Airlines AG,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe, présidente de chambre, MM. N. Jääskinen, M. Safjan, N. Piçarra (rapporteur) et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour JR, par Me F. Raffaseder, Rechtsanwalt,

–        pour Austrian Airlines AG, par Me C. Krones, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. J. Möller, M. Hellmann et U. Kühne, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. G. Braun, K. Simonsson et G. Wilms, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 janvier 2022,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 17, paragraphe 1, et de l’article 20 de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, conclue à Montréal le 28 mai 1999, signée par la Communauté européenne le 9 décembre 1999 et approuvée au nom de celle-ci par la décision 2001/539/CE du Conseil, du 5 avril 2001 (JO 2001, L 194, p. 38) (ci‑après la « convention de Montréal »), qui est entrée en vigueur, en ce qui concerne l’Union européenne, le 28 juin 2004.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant JR à Austrian Airlines AG, un transporteur aérien, au sujet d’une demande de dommages et intérêts introduite par JR en raison des lésions corporelles causées par sa chute au cours du débarquement d’un vol opéré par ce transporteur.

 Le cadre juridique

 Le droit international

3        Les troisième et cinquième alinéas du préambule de la convention de Montréal énoncent :

« [Les États parties reconnaissent] l’importance d’assurer la protection des intérêts des consommateurs dans le transport aérien international et la nécessité d’une indemnisation équitable fondée sur le principe de réparation,

[...]

[...] l’adoption de mesures collectives par les États en vue d’harmoniser davantage et de codifier certaines règles régissant le transport aérien international est le meilleur moyen de réaliser un équilibre équitable des intérêts ».

4        L’article 17 de cette convention, intitulé « Mort ou lésion subie par le passager – Dommage causé aux bagages », stipule, à son paragraphe 1 :

« Le transporteur est responsable du préjudice survenu en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager, par cela seul que l’accident qui a causé la mort ou la lésion s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toutes opérations d’embarquement ou de débarquement. »

5        Aux termes de l’article 20 de ladite convention, intitulé « Exonération » :

« Dans le cas où il fait la preuve que la négligence ou un autre acte ou omission préjudiciable de la personne qui demande réparation ou de la personne dont elle tient ses droits a causé le dommage ou y a contribué, le transporteur est exonéré en tout ou en partie de sa responsabilité à l’égard de cette personne, dans la mesure où cette négligence ou cet autre acte ou omission préjudiciable a causé le dommage ou y a contribué. [...] »

 Le droit de l’Union

6        Le considérant 9 du règlement (CE) nº 2027/97 du Conseil, du 9 octobre 1997, relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en ce qui concerne le transport aérien de passagers et de leurs bagages (JO 1997, L 285, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) nº 889/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 13 mai 2002 (JO 2002, L 140, p. 2) (ci‑après le « règlement nº 2027/97 »), est libellé comme suit :

« [...] les transporteurs aériens de [l’Union] peuvent être exonérés de leur responsabilité en cas de faute du passager concerné ».

7        L’article 2, paragraphe 2, de ce règlement prévoit :

« Les notions contenues dans le présent règlement qui ne sont pas définies au paragraphe 1 sont équivalentes à celles utilisées dans la convention de Montréal. »

8        Les considérants 10 et 18 du règlement nº 889/2002 énoncent :

« (10)      Un système de responsabilité illimitée en cas de décès ou de blessure des passagers est approprié dans le cadre d’un système de transport aérien sûr et moderne.

[...]

(18)      Il incombe aux États membres de prévoir les dispositions supplémentaires éventuellement nécessaires pour mettre en œuvre la convention de Montréal sur des points qui ne sont pas couverts par le règlement (CE) nº 2027/97. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

9        Le 30 mai 2019, JR, accompagnée de son conjoint et de son fils de deux ans, a voyagé de Thessalonique (Grèce) à Vienne-Schwechat (Autriche) sur un vol opéré par Austrian Airlines.

10      À l’aéroport de Vienne-Schwechat, au moment de descendre de l’aéronef, par un escalier mobile flanqué d’une rampe de chaque côté, le conjoint de JR, qui a précédé celle-ci et tenait dans chaque main un bagage de cabine à roulettes, a manqué de choir dans le dernier tiers de cet escalier. C’est à ce même endroit que JR, qui tenait son sac à main de sa main droite et portait son fils sur son bras gauche, est tombée. Cette chute a notamment entraîné une fracture de l’avant-bras gauche de JR.

11      Celle-ci a saisi le Bezirksgericht Schwechat (tribunal de district de Schwechat, Autriche) d’une action en dommages et intérêts contre Austrian Airlines pour un montant de 4 675 euros, majorés de frais et d’intérêts. Elle a allégué que ledit escalier ne répondait pas à l’obligation contractuelle d’Austrian Airlines d’assurer la protection et la sécurité de ses passagers, dès lors qu’elle a chuté en dépit d’une prudence particulière de sa part lorsqu’elle a descendu l’escalier en cause, après avoir vu son conjoint manquer de choir. Elle serait néanmoins tombée au motif que cet escalier, qui était dépourvu de toit, était devenu trop glissant en raison d’un temps humide accompagné de bruine. JR a ajouté que la marche sur laquelle elle a glissé était huileuse et sale.

12      Pour sa part, Austrian Airlines a fait valoir que la surface des marches de l’escalier en cause disposait de trous ou de rainures permettant un écoulement rapide de l’eau, de telle sorte que cet escalier n’aurait pas été glissant. Elle n’aurait donc pas manqué à ses obligations contractuelles de protection et de diligence, ni agi de manière fautive ou illégale. La chute de JR serait due à son propre comportement, étant donné qu’elle n’aurait utilisé aucune des rampes dudit escalier, même après avoir observé que son conjoint avait manqué de choir. Par ailleurs, malgré le conseil d’un médecin, JR aurait, en violation de son obligation de limiter le préjudice, refusé de recevoir immédiatement des soins dans un hôpital voisin de l’aéroport et ne se serait fait soigner qu’en fin de soirée du 30 mai 2019, ce qui aurait pu aggraver ses lésions.

13      Par un jugement du 15 mars 2020, le Bezirksgericht Schwechat (tribunal de district de Schwechat) a constaté qu’une partie des passagers de l’aéronef en cause avaient, avant JR, emprunté le même escalier mobile que cette dernière et qu’aucun d’entre eux ne s’était plaint d’un endroit glissant de cet escalier ni n’était tombé. Cette juridiction a, en particulier, relevé que ledit escalier était en métal et ne possédait pas de toit, l’aéroport de Vienne-Schwechat ne disposant pas d’escaliers munis d’un toit, que les marches de celui-ci étaient suffisamment larges pour que deux personnes puissent descendre l’une à côté de l’autre, que la surface de ces marches, en tôle gaufrée, rendait celles-ci particulièrement antidérapantes et que cet équipement était certifié et contrôlé par le Technischer Überwachungsverein (centre de contrôle technique, Autriche). Ladite juridiction a constaté que l’escalier en cause ne présentait aucun défaut ou dommage et que, si lesdites marches étaient humides, elles n’étaient pas glissantes, huileuses, grasses ou généralement sales, seules les trois dernières marches présentant quelques saletés de consistance inconnue, en forme de points. Elle en a conclu qu’il n’était pas possible de déterminer les raisons pour lesquelles JR était tombée.

14      La même juridiction a, sur le fondement de l’article 1295, paragraphe 1, de l’Allgemeines Bürgerliches Gesetzbuch (code civil général), rejeté le recours introduit par JR en jugeant, en substance, qu’Austrian Airlines n’avait pas violé son obligation accessoire d’assurer la sécurité de ses passagers et que JR n’avait pris aucune mesure de précaution pour éviter sa chute.

15      Le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg, Autriche), saisi par JR d’un appel contre ce jugement, a des doutes quant à la question de savoir, d’une part, si la chute de JR relève de la notion d’« accident », au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal, tel qu’interprété par la Cour dans l’arrêt du 19 décembre 2019, Niki Luftfahrt (C‑532/18, EU:C:2019:1127). Selon cette juridiction, il découle de cet arrêt qu’une telle notion couvre toutes les situations se produisant à bord d’un aéronef, ou au cours de toutes opérations d’embarquement ou de débarquement, dans lesquelles un objet utilisé pour le service aux passagers a causé une lésion corporelle à un passager, sans qu’il soit nécessaire de rechercher si ces situations résultent d’un risque inhérent au transport aérien. Or, la situation en cause au principal se distinguerait de celle qui était en cause dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, dès lors que la chute de JR n’a pas été causée par un tel objet.

16      D’autre part, ladite juridiction considère que JR a, à tout le moins, contribué à sa chute, dès lors qu’elle ne s’est pas tenue à l’une des rampes de l’escalier mobile mis en place pour le débarquement des passagers, et cela après avoir observé que son conjoint avait manqué de choir juste avant elle. Ainsi, la même juridiction se demande si, en vertu de l’article 20 de la convention de Montréal, cette faute concurrente « fait passer [...] au second plan, jusqu’à l’exclure », la responsabilité d’Austrian Airlines, au titre de l’article 17, paragraphe 1, de cette convention.

17      Dans ces conditions, le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 17, paragraphe 1, de la convention [de Montréal] doit‑il être interprété en ce sens que la notion d’“accident”, au sens de cette disposition, couvre une situation dans laquelle un passager, en descendant de l’avion, tombe – sans raison connue – dans le dernier tiers de l’escalier d’embarquement mobile et se blesse, cette blessure n’ayant pas été causée par un objet utilisé pour le service aux passagers[,] au sens de [l’arrêt du 19 décembre 2019, Niki Luftfahrt (C‑532/18, EU:C:2019:1127)], et l’escalier n’étant pas défectueux et, en particulier, pas glissant non plus ?

2)      L’article 20 de la convention [de Montréal] doit‑il être interprété en ce sens qu’une éventuelle responsabilité de la compagnie aérienne est entièrement exclue dans les circonstances décrites [dans la première question] et lorsque le passager ne s’est pas tenu à la rampe de l’escalier au moment de la chute ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

18      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal doit être interprété en ce sens qu’une situation dans laquelle, pour une raison indéterminée, un passager fait une chute dans un escalier mobile mis en place pour le débarquement des passagers d’un aéronef et se blesse relève de la notion d’« accident », au sens de cette disposition, y compris lorsque le transporteur aérien concerné n’a pas manqué à ses obligations de diligence et de sécurité à cet égard.

19      Aux termes de ladite disposition, le transporteur aérien est responsable du préjudice survenu en cas de mort ou de lésion corporelle subie par un passager, par cela seul que l’accident qui a causé la mort ou la lésion s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toutes opérations d’embarquement ou de débarquement.

20      La Cour a déjà jugé que la notion d’« accident », en son sens ordinaire et dans le contexte dans lequel cette notion s’insère, se comprend comme un évènement involontaire, dommageable et imprévu et que ladite notion n’exige pas que le dommage résulte de la matérialisation d’un risque inhérent au transport aérien ou qu’il existe un lien entre l’« accident » et l’exploitation ou le mouvement de l’aéronef (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Niki Luftfahrt, C‑532/18, EU:C:2019:1127, points 34, 35 et 41).

21      Cette interprétation de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal est conforme aux objectifs de celle-ci, consistant, ainsi qu’il découle des troisième et cinquième alinéas du préambule de cette convention, à « assurer la protection des intérêts des consommateurs dans le transport aérien international et la nécessité d’une indemnisation équitable fondée sur le principe de réparation », au moyen d’un régime de responsabilité objective des transporteurs aériens, tout en préservant un « équilibre équitable des intérêts » des transporteurs aériens et des passagers (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Niki Luftfahrt, C‑532/18, EU:C:2019:1127, point 36).

22      Ainsi, lorsque, pour une raison indéterminée, un passager fait une chute dans un escalier mobile mis en place pour le débarquement des passagers d’un aéronef et se blesse, cette chute relève de la notion d’« accident », au sens de l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal. La circonstance que le transporteur aérien concerné n’a pas manqué à ses obligations de diligence et de sécurité à cet égard n’est pas susceptible de remettre en cause cette qualification.

23      En effet, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 40 de ses conclusions, il est suffisant, pour engager la responsabilité de ce transporteur au titre de cette disposition, que l’accident ayant causé la mort ou la lésion corporelle d’un passager se soit produit à bord de l’aéronef ou au cours de toutes opérations d’embarquement ou de débarquement. Cette responsabilité ne saurait ainsi dépendre d’une faute ou d’une négligence de la part dudit transporteur.

24      Partant, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 17, paragraphe 1, de la convention de Montréal doit être interprété en ce sens qu’une situation dans laquelle, pour une raison indéterminée, un passager fait une chute dans un escalier mobile mis en place pour le débarquement des passagers d’un aéronef et se blesse relève de la notion d’« accident », au sens de cette disposition, y compris lorsque le transporteur aérien concerné n’a pas manqué à ses obligations de diligence et de sécurité à cet égard.

 Sur la seconde question

25      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 20 de la convention de Montréal doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un accident, qui a causé un dommage à un passager, consiste en une chute de celui-ci, pour une raison indéterminée, dans un escalier mobile mis en place pour le débarquement des passagers d’un aéronef, la circonstance que ce passager ne se soit pas tenu à la rampe de cet escalier au moment de sa chute peut constituer la preuve d’une négligence, d’un autre acte ou d’une omission préjudiciable de la part dudit passager ayant causé ou contribué au dommage subi par celui-ci, au sens de cette disposition, et, dans cette mesure, exonérer le transporteur aérien concerné de sa responsabilité à l’égard du même passager.

26      Aux termes de l’article 20, première phrase, de la convention de Montréal, dans le cas où le transporteur aérien fait la preuve que la négligence ou un autre acte ou une omission préjudiciable de la personne qui demande réparation ou de la personne dont elle tient ses droits a causé le dommage ou y a contribué, ce transporteur est exonéré, en tout ou en partie, de sa responsabilité à l’égard de cette personne, dans la mesure où cette négligence ou cet autre acte ou cette omission préjudiciable a causé le dommage ou y a contribué.

27      Le principe selon lequel les transporteurs aériens de l’Union peuvent être exonérés de leur responsabilité en cas de faute du passager concerné est également énoncé au considérant 9 du règlement nº 2027/97.

28      Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, la possibilité, prévue à l’article 20 de la convention de Montréal, d’exonérer le transporteur aérien de sa responsabilité ou de limiter l’obligation de réparation lui incombant à l’égard d’un passager qui a subi un dommage résultant d’un « accident », au sens de l’article 17, paragraphe 1, de cette convention, vise à préserver l’« équilibre équitable des intérêts » des transporteurs aériens et des passagers, évoqué au point 21 du présent arrêt (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Niki Luftfahrt, C‑532/18, EU:C:2019:1127, point 39).

29      Étant donné que la convention de Montréal et le règlement nº 2027/97 ne prévoient pas de dispositions spécifiques s’agissant de la preuve, incombant au transporteur aérien, d’une négligence, d’un autre acte ou d’une omission préjudiciable de la personne qui demande réparation ou de la personne dont elle tient ses droits, aux fins de l’application de l’article 20, première phrase, de cette convention, la juridiction de renvoi doit, conformément au principe d’autonomie procédurale, auquel renvoie notamment le considérant 18 du règlement nº 889/2002, appliquer les règles pertinentes du droit national, à la condition, toutefois, que ces règles respectent les principes d’équivalence et d’effectivité, tels que définis par la jurisprudence constante de la Cour (voir, par analogie, arrêt du 9 juillet 2020, Vueling Airlines, C‑86/19, EU:C:2020:538, points 38 à 40 ainsi que jurisprudence citée).

30      Dans ce cadre, il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer si le transporteur aérien concerné a apporté la preuve d’une négligence, d’un acte ou d’une omission préjudiciable de la part du passager concerné et, le cas échéant, d’apprécier dans quelle mesure cette négligence, cet acte ou cette omission a causé ou a contribué au dommage subi par ce passager afin d’exonérer, dans cette mesure, ce transporteur de sa responsabilité à l’égard dudit passager, en tenant compte de l’ensemble des circonstances dans lesquelles ce dommage s’est produit.

31      En particulier, la circonstance, évoquée par la juridiction de renvoi, que le passager concerné ne s’est pas tenu à l’une des rampes de l’escalier mobile mis en place pour le débarquement des passagers  est certes susceptible de causer ou de contribuer aux lésions corporelles subies par ce passager. Cependant, dans le cadre de cette appréciation, le juge national ne pourra pas ignorer le fait qu’un passager voyageant avec un enfant mineur doit également veiller à la sécurité de celui-ci, ce qui peut conduire ce passager à ne pas se tenir à une telle rampe, ou à cesser de le faire, afin de prendre les mesures nécessaires pour éviter qu’il soit porté atteinte à la sécurité de cet enfant.

32      S’agissant de l’appréciation, en tant que preuve d’une négligence, d’un autre acte ou d’une omission préjudiciable du passager concerné, aux fins de l’application de l’article 20, première phrase, de la convention de Montréal, de la circonstance, également évoquée par la juridiction de renvoi, que ce passager a observé que, juste avant lui, son conjoint a manqué de choir dans l’escalier mobile en cause, il ne devrait pas être ignoré que ledit passager affirme que l’observation d’une telle imminence de chute l’a mené à être particulièrement prudent lorsqu’il a descendu cet escalier. Toutefois, c’est à cette juridiction qu’il échoit de vérifier l’importance d’une telle affirmation au regard des règles de droit national applicables, conformément à la jurisprudence rappelée au point 29 du présent arrêt.

33      De même, il ne saurait être exclu que la circonstance que le passager blessé a renoncé à recevoir des soins immédiatement après que l’accident s’est produit ait contribué à aggraver les lésions corporelles subies par celui-ci. Cependant, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 76 de ses conclusions, il y a lieu, dans ce contexte, de tenir compte également du degré de gravité que ces lésions semblaient avoir immédiatement après la survenance de cet accident ainsi que des informations données à ce passager sur place par le corps médical quant au fait de différer l’administration de soins médicaux et à la possibilité de recevoir de tels soins à proximité.

34      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question que l’article 20, première phrase, de la convention de Montréal doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un accident, qui a causé un dommage à un passager, consiste en une chute de celui-ci, pour une raison indéterminée, dans un escalier mobile mis en place pour le débarquement des passagers d’un aéronef, le transporteur aérien concerné ne saurait être exonéré de sa responsabilité à l’égard de ce passager que dans la mesure où, compte tenu de l’ensemble des circonstances dans lesquelles ce dommage s’est produit, ce transporteur prouve, conformément aux règles de droit national applicables et sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité, qu’une négligence, qu’un autre acte ou qu’une omission préjudiciable dudit passager a causé ou a contribué au dommage subi par celui-ci, au sens de cette disposition.

 Sur les dépens

35      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 17, paragraphe 1, de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, conclue à Montréal le 28 mai 1999, signée par la Communauté européenne le 9 décembre 1999 et approuvée au nom de celle-ci par la décision 2001/539/CE du Conseil, du 5 avril 2001, doit être interprété en ce sens qu’une situation dans laquelle, pour une raison indéterminée, un passager fait une chute dans un escalier mobile mis en place pour le débarquement des passagers d’un aéronef et se blesse relève de la notion d’« accident », au sens de cette disposition, y compris lorsque le transporteur aérien concerné n’a pas manqué à ses obligations de diligence et de sécurité à cet égard.

2)      L’article 20, première phrase, de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, conclue à Montréal le 28 mai 1999, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un accident, qui a causé un dommage à un passager, consiste en une chute de celui-ci, pour une raison indéterminée, dans un escalier mobile mis en place pour le débarquement des passagers d’un aéronef, le transporteur aérien concerné ne saurait être exonéré de sa responsabilité à l’égard de ce passager que dans la mesure où, compte tenu de l’ensemble des circonstances dans lesquelles ce dommage s’est produit, ce transporteur prouve, conformément aux règles de droit national applicables et sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité, qu’une négligence, qu’un autre acte ou qu’une omission préjudiciable dudit passager a causé ou a contribué au dommage subi par celui-ci, au sens de cette disposition.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.