Language of document : ECLI:EU:T:2003:265

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

14 octobre 2003(1)

«Fonctionnaires - Avis de vacance - Évaluation des mérites des candidats - Erreur manifeste d'appréciation - Détournement de pouvoir»

Dans l'affaire T-174/02,

Micole Wieme, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me É. Boigelot, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme H. Tserepa-Lacombe, en qualité d'agents, assistés de Me D. Waelbroeck, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 13 juillet 2001 portant rejet de la candidature de la requérante au poste de chef de l'unité «Affaires juridiques et contrôle de l'application des dispositions communautaires» de la direction «Affaires générales» de la direction générale «Fiscalité et union douanière»,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme P. Lindh et M. J.D. Cooke, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 20 mai 2003,

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

1.
    Le 8 mars 2001, la direction générale «Personnel et administration» de la Commission a publié l'avis de vacance d'emploi COM/224/00 en vue de pourvoir au poste de grade A 3 de chef de l'unité «Affaires juridiques et contrôle de l'application des dispositions communautaires» (ci-après l'«unité TAXUD/A/3») de la direction «Affaires générales» de la direction générale (DG) «Fiscalité et union douanière». Cet avis était libellé comme suit:

«‘Chef de l'unité TAXUD/A/3' ‘Affaires juridiques et contrôle de l'application des dispositions communautaires'. L'unité est responsable du contrôle de l'application des dispositions communautaires en matière de douane et de fiscalité ainsi que du traitement des questions juridiques se posant au niveau de la direction générale. Elle collabore avec le service juridique dans le cadre de la gestion des affaires contentieuses devant la Cour de justice. Le poste implique une formation juridique, la connaissance de la gestion des infractions et des procédures, le sens de l'initiative et des relations humaines, ainsi qu'une aptitude au management. La connaissance du domaine du marché intérieur et notamment des matières fiscales et douanières serait appréciée.»

2.
    La requérante, fonctionnaire de grade A 4 dans l'unité considérée, ainsi que huit autres personnes se sont portées candidates au poste en cause.

3.
    Le jury de sélection de l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») était composé de M. Komaz, directeur à la DG «Fiscalité et union douanière», d'un membre du service juridique de la Commission, du responsable du personnel dans ladite DG et du chef de l'unité «Gestion des ressources humaines et financières» de ladite DG. Le jury a organisé des entretiens avec six des candidats, le 25 avril 2001, et avec les trois autres candidats, le 4 mai 2001.

4.
    À la suite du retrait de l'une des candidatures, le jury de sélection a retenu trois candidatures, à savoir celles de M. F., de M. V. R. et de la requérante.

5.
    Le 7 mai 2001, le directeur général de la DG «Fiscalité et union douanière», M. Vanden Abeele, s'est entretenu avec chacun des trois candidats.

6.
    Le 17 mai 2001, le comité consultatif des nominations (ci-après le «CCN») a examiné toutes les candidatures et a procédé à l'audition de M. Vanden Abeele. Le CCN a retenu les candidatures de MM. F. et V. R., mais pas celle de la requérante.

7.
    Par lettre du 29 mai 2001, le CCN a informé la requérante de ce qui suit:

«À l'issue des travaux, et sans préjuger les décisions finales prises par l'AIPN pour le pourvoi du poste en question, le [CCN] a émis l'avis suivant:

en ce qui concerne l'examen des candidatures introduites et après examen des mêmes, votre candidature ne devrait pas être prise en considération à cette occasion. Le [CCN] a cependant pris note de vos bonnes qualifications.»

8.
    Le 2 juillet 2001, l'AIPN a nommé M. V. R. au poste de chef de l'unité TAXUD/A/3, avec effet au 1er juillet 2001.

9.
    Le 13 juillet 2001, l'AIPN a informé la requérante du rejet de sa candidature au poste en cause.

10.
    Le 5 octobre 2001, la requérante a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») contre la décision de l'AIPN de ne pas retenir sa candidature et de nommer M. V. R. au poste en cause. Aux termes de cette réclamation, la requérante fait valoir, d'une part, que les qualifications de M. V. R. ne correspondent pas à celles requises par l'avis de vacance et, en particulier, qu'il ne peut pas se prévaloir d'une expérience en matière de gestion des infractions et des procédures, ce qui constitue l'activité principale de l'unité, et, d'autre part, qu'il a été nommé à compter du 1er juillet 2001 au poste en cause, alors que le comité de direction de la DG «Fiscalité et union douanière» a pris acte de la clôture de la vacance de ce poste le 11 juin 2001.

11.
    Le 5 mars 2002, l'AIPN a pris une décision explicite de rejet de la réclamation de la requérante. Aux termes de cette décision, il est notamment indiqué que l'avis de vacance ne requiert aucune expérience en matière de gestion mais une «connaissance de la gestion des infractions et des procédures». En outre, contrairement à ce qu'affirmerait la requérante, M. V. R. disposerait de connaissances en matière d'infractions et de procédures et satisferait également aux autres conditions de l'avis de vacance. Quant à la requérante, rien ne permettrait de conclure qu'elle dispose d'une «aptitude au management».

12.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juin 2002, la requérante a introduit le présent recours.

13.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a, d'une part, décidé d'ouvrir la procédure orale et, d'autre part, invité la Commission à produire certains documents et informations avant l'audience. La Commission a satisfait à ces demandes dans le délai qui lui avait été imparti.

14.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique du 20 mai 2003.

Conclusions des parties

15.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler les décisions de la Commission du 13 juillet 2001 portant rejet de sa candidature au poste de chef de l'unité TAXUD/A/3 et du 5 mars 2002 portant rejet de sa réclamation;

-    annuler la nomination de M. V. R. au poste de chef de l'unité TAXUD/A/3;

-    condamner la Commission aux dépens.

16.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    statuer comme de droit sur les dépens.

En droit

17.
    À l'appui de son recours, la requérante invoque, en substance, trois moyens tirés, premièrement, de la violation de l'article 29, paragraphe 1, sous a), et de l'article 45, paragraphe 1, du statut, deuxièmement, de l'irrégularité de la procédure de nomination et de l'existence d'un détournement de pouvoir et, troisièmement, de la violation du principe d'égalité de traitement.

Sur la recevabilité

18.
    S'agissant du troisième moyen, tiré de la violation du principe d'égalité de traitement, il convient de rappeler que la règle de la concordance entre la réclamation administrative au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut et le recours subséquent exige, sous peine d'irrecevabilité, qu'un moyen soulevé devant le juge communautaire l'ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l'AIPN ait été en mesure de connaître d'une manière suffisamment précise les critiques que l'intéressé formule à l'encontre de la décision attaquée. Si les conclusions présentées devant le juge communautaire ne peuvent contenir que les mêmes «chefs de contestation», reposant sur une cause identique, que ceux invoqués dans la réclamation, ces chefs de contestation peuvent, cependant, devant le juge communautaire, être développés par la présentation de moyens et d'arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s'y rattachant étroitement (arrêts du Tribunal du 9 juillet 1997, S/Cour de justice, T-4/96, Rec. p. II-1125, point 98, et du 3 octobre 2000, Cubero Vermurie/Commission, T-187/98, RecFP p. I-A-195 et II-885, point 35). Il résulte également d'une jurisprudence constante que la question de la concordance entre la réclamation et le recours est une question d'ordre public qui doit être examinée d'office (arrêts du Tribunal du 29 mars 1990, Alexandrakis/Commission, T-57/89, Rec. p. II-143, point 8, et du 30 mars 1993, Vardakas/Commission, T-4/92, Rec. p. II-357, point 16).

19.
    En l'espèce, la réclamation du 5 octobre 2001 ne se réfère pas, tel que l'a admis la requérante lors de l'audience, à une violation du principe d'égalité de traitement et ne contient d'ailleurs aucun élément dont la Commission aurait pu déduire que la requérante entendait invoquer la violation de ce principe.

20.
    Il s'ensuit que ce moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.

Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l'article 29, paragraphe 1, sous a), et de l'article 45, paragraphe 1, du statut

- Arguments des parties

21.
    La requérante soutient que M. V. R. ne remplit pas les conditions exigées par l'avis de vacance.

22.
    L'unité TAXUD/A/3 serait une unité «essentiellement juridique», qui aurait pour tâche principale le traitement de toutes les procédures d'infraction relevant de la direction générale et qui collaborerait avec le service juridique dans le cadre de la gestion des affaires introduites devant la Cour de justice. La fonction de chef de cette unité impliquerait ainsi des connaissances précises en matière procédurale ainsi que sur le mode de rédaction des fiches d'infractions, celles-ci étant essentielles afin de permettre à la Commission d'adopter des décisions. À cet égard, la condition de l'avis de vacance relative à la «connaissance de la gestion des infractions et des procédures» ferait référence à l'activité même de l'unité TAXUD/A/3.

23.
    Or, la décision du 5 mars 2002 portant rejet de la réclamation de la requérante serait peu claire et ne démontrerait pas que M. V. R. satisfait à la condition de l'avis de vacance relative à la «connaissance de la gestion des infractions et des procédures». La Commission confondrait en effet le titre de l'unité TAXUD/A/3 «Application du droit communautaire» et la tâche technique qui consiste à gérer les infractions selon des règles de procédure spécifiques lorsqu'elle indique que M. V. R. «a suivi l'application des règlements communautaires en matière de contrôle douanier» et «a rédigé un rapport sur l'application de certaines directives communautaires dans les États membres». Contrairement à ce qu'allèguerait la Commission, la circonstance selon laquelle un fonctionnaire travaillant dans une unité chargée de la législation serait amené à apporter une aide technique ou à donner un avis quant à l'interprétation des textes n'induirait pas nécessairement qu'il ait une connaissance suffisante du domaine concerné pour devenir chef d'une unité spécifiquement chargée de gérer les procédures d'infractions.

24.
    À cet égard, M. V. R. ne disposerait pas des qualifications requises par l'avis de vacance en ce qui concerne la gestion des infractions et des procédures, domaine dans lequel il n'aurait pas d'expérience.

25.
    En revanche, la requérante pourrait se prévaloir d'une bonne connaissance de la gestion des infractions et des procédures. D'ailleurs, seraient employés dans la description de ses fonctions émanant de ses rapports de notation et dans l'avis de vacance les mêmes termes, à savoir «gestion de toutes procédures au titre de la préparation des réunions périodiques de la Commission sur les plaintes et infractions A, B et P, tant pour les dossiers fiscaux (fiscalité directe et indirecte) que pour les dossiers douaniers». Depuis huit ans, elle superviserait et harmoniserait le travail de l'unité TAXUD/A/3 en ce qui concerne les fiches d'infractions. Ainsi, elle effectuerait un premier examen de toutes les fiches avant leur envoi au secrétariat général, elle représenterait la DG «Fiscalité et union douanière» lors des réunions préparatoires «infraction» avec le service juridique et, lors des réunions des chefs de cabinet portant sur les infractions, elle serait présente auprès du membre du cabinet afin de lui prêter éventuellement un soutien logistique en cas de questions techniques sur les dossiers évoqués. La requérante affirme que, en raison de ses connaissances, elle a participé aux travaux de réforme des procédures, aux travaux de «sélectivité des plaintes» ainsi qu'à ceux portant sur la «gouvernance européenne» dans le cadre du sous-groupe «application du droit communautaire».

26.
    Elle estime que sa formation, son parcours professionnel ainsi que ses rapports de notation démontrent qu'elle remplit parfaitement les conditions requises par l'avis de vacance pour être nommée au poste litigieux et se réfère, à cet égard, aux différentes étapes de sa carrière à la Commission.

27.
    Elle se réfère également à ses rapports de notation pour les périodes allant du 1er juillet 1997 au 30 juin 1999 et du 1er juillet 1999 au 30 juin 2001 aux termes desquels elle a obtenu deux cotations «exceptionnel» dans les rubriques «connaissances liées à la fonction» et «sens de l'organisation (capacité de gestion)». Elle souligne que sa cotation «supérieur» lui a été attribuée afin de récompenser son «esprit d'équipe et de collaboration», ce qui attesterait de son sens de l'initiative et des relations humaines.

28.
    La requérante conteste l'affirmation de l'AIPN contenue dans la décision portant rejet de sa réclamation selon laquelle aucun élément de son dossier ne permettrait de considérer qu'elle dispose d'une aptitude au management. En effet, elle relève que la cotation «excellent» lui a été attribuée dans son rapport de notation pour la période 1997/1999 afin de récompenser son sens du management. En outre, dans son rapport de notation pour la période 1999/2001, figurerait le commentaire suivant: «Mme Wieme serait un excellent chef d'unité». Enfin, elle affirme avoir suivi des cours de management en 1984 et en 1986 et avoir fréquemment exercé les fonctions de chef d'unité du fait de la vacance de ce poste.

29.
    M. V. R. ne pourrait pas se prévaloir d'une aptitude au management d'un niveau supérieur à celle de la requérante. À cet égard, quatre mois après son entrée en fonction au poste litigieux, M. V. R. aurait suivi un cours de management destiné aux chefs d'unité. D'ailleurs, un chef d'unité adjoint ne pourrait pas démontrer plus d'aptitude au management qu'une personne remplissant des fonctions similaires sans toutefois disposer du titre de chef d'unité. De surcroît, l'avis de vacance en cause exigerait seulement une «aptitude au management» et non une expérience dans ce domaine.

30.
    La Commission répond qu'il n'y a aucune raison d'interpréter la condition relative à la «connaissance de la gestion des infractions et des procédures» autrement que de manière littérale, à savoir comme pouvant être satisfaite par tout fonctionnaire disposant d'une «connaissance» de la gestion des infractions et des procédures et non nécessairement d'une «expérience professionnelle» dans ce domaine.

31.
    En tout état de cause, M. V. R. pourrait se prévaloir d'une connaissance de la gestion des infractions et des procédures et disposerait d'une expérience professionnelle en la matière. La Commission relève à cet égard que, de 1985, date de son entrée en service, à 1989, M. V. R. a été responsable, au sein de l'unité XXI/B/1, du contrôle de l'application du droit communautaire dans le cadre de l'achèvement du marché intérieur. Il aurait, en particulier, été chargé de la gestion des procédures d'infractions et de l'instruction des plaintes, ainsi que cela résulterait de son curriculum vitae, de ses rapports de notation et d'un ensemble de documents, annexés à la défense, qu'il aurait rédigés entre 1985 et 1989.

32.
    M. V. R. satisferait également aux autres conditions requises par l'avis de vacance, ce que la requérante ne contesterait pas. Ainsi, sa capacité à entretenir de bonnes relations et son sens développé de la négociation constitueraient un atout pour occuper le poste litigieux. La Commission relève, à cet égard, que le rapport de notation pour la période 1999/2001 de M. V. R. indique que celui-ci «réunit toutes les conditions humaines et professionnelles d'un très bon chef d'unité».

33.
    En tout état de cause, la condition relative à la «connaissance de la gestion des infractions et des procédures» ne serait pas plus déterminante que les autres conditions exigées par l'avis de vacance en cause, celles-ci devant toutes être satisfaites par le candidat retenu (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2002, Tilgenkamp/Commission, T-158/01, RecFP p. I-A-111 et II-595).

34.
    En outre, le membre du jury de sélection le plus haut gradé, M. Komaz, aurait eu à sa charge la rédaction d'au moins deux des derniers rapports de notation de M. V. R. et de la requérante. Cette position de notateur de ces deux candidats aurait permis au jury de sélection de bénéficier d'un aperçu fidèle de leurs compétences respectives ainsi que de porter une appréciation précise sur l'adéquation globale de leur profil au poste en cause.

35.
    La Commission relève également qu'il ressort des rapports de notation pour les périodes 1997/1999 et 1999/2001 de M. V. R. qu'il a obtenu des cotations «supérieur» dans les rubriques «sens de l'initiative et relations humaines» et «aptitude au management», alors que la requérante a obtenu des cotations «normal» pour ces mêmes rubriques.

36.
    En conclusion, la Commission fait valoir qu'il n'est pas établi qu'elle a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant la candidature de M. V. R. plutôt que celle de M. F. et, a fortiori, plutôt que celle de la requérante. Ce serait d'ailleurs à tort que la requérante tenterait de renverser la charge de la preuve en affirmant que la Commission ne démontre pas qu'elle a vérifié les aptitudes des candidats par rapport aux exigences de l'avis de vacance.

- Appréciation du Tribunal

37.
    Selon une jurisprudence constante, l'exercice du large pouvoir d'appréciation dont dispose l'AIPN en matière de nomination suppose un examen scrupuleux des dossiers de candidature et une observation consciencieuse des exigences énoncées dans l'avis de vacance, de sorte que celle-ci est tenue d'écarter tout candidat qui ne répond pas à ces exigences. L'avis de vacance constitue, en effet, un cadre légal que l'AIPN s'impose à elle-même et qu'elle doit respecter scrupuleusement (arrêts du Tribunal du 2 octobre 1996, Vecchi/Commission, T-356/94, RecFP p. I-A-437 et II-1251, points 53 et 54, et du 12 mai 1998, Wenk/Commission, T-159/96, RecFP p. I-A-193 et II-593, point 63).

38.
    En vue de contrôler si l'AIPN n'a pas dépassé les limites de ce cadre légal et a agi dans le seul intérêt du service au sens de l'article 7 du statut, il appartient au Tribunal d'examiner tout d'abord quelles étaient les conditions requises par l'avis de vacance et de vérifier ensuite si le candidat choisi par l'AIPN pour occuper le poste vacant satisfait effectivement à ces conditions. Un tel examen doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux considérations qui ont pu conduire l'administration à son appréciation, celle-ci s'est tenue dans des limites raisonnables et n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait à cet égard substituer son appréciation des qualifications des candidats à celle de l'AIPN (arrêt Wenk/Commission, précité, point 64, et jurisprudence citée).

39.
    La requérante fait valoir, à titre principal, que M. V. R. ne satisfait pas à la condition de l'avis de vacance relative à la «connaissance de la gestion des infractions et des procédures» et considère, s'agissant des autres conditions de l'avis de vacance, qu'elle les satisfait mieux que lui.

40.
    En ce qui concerne la condition relative à la «connaissance de la gestion des infractions et des procédures», il y a lieu de rappeler qu'il est loisible à la Commission de préciser, dans l'avis de vacance, au titre des critères spécifiques de sélection à un emploi, tant le niveau des qualifications requises que le degré de leur pertinence matérielle ou fonctionnelle au regard des tâches à exercer (arrêts du Tribunal du 19 septembre 2001, E/Commission, T-152/00, RecFP p. I-A-179 et II-813, point 31, et Tilgenkamp/Commission, précité, point 55).

41.
    En l'espèce, la Commission ayant libellé les conditions spécifiques de l'avis de vacance dans des termes distincts en exigeant, tour à tour, la possession d'une formation, d'une connaissance et d'une aptitude en rapport avec les fonctions liées à l'emploi à pourvoir, il y a lieu de s'attacher au libellé précis de chacune de ces conditions. Or, s'agissant de la condition relative à la gestion des infractions et des procédures, une expérience professionnelle dans ce domaine ne constitue pas une exigence de l'avis de vacance, seule une connaissance de ce domaine ayant été requise.

42.
    Il importe ensuite de relever que la notion de «gestion des infractions et des procédures» doit être comprise en rapport avec les fonctions liées à l'emploi à pourvoir. À cet égard, il est indiqué dans l'avis de vacance en cause que l'unité TAXUD/A/3 est responsable du contrôle de l'application des dispositions communautaires en matière de douane et de fiscalité et qu'elle collabore avec le service juridique de la Commission dans le cadre de la gestion des affaires contentieuses devant la Cour de justice.

43.
    Or, d'une part, il ressort du curriculum vitae et des rapports de notation de M. V. R. dont l'AIPN disposait lors de la procédure de pourvoi du poste litigieux qu'il a, au sein de la DG «Union douanière et fiscalité indirecte», suivi l'application des règlements communautaires en matière de contrôle douanier, rédigé un rapport sur l'application par les États membres de diverses directives communautaires et, plus particulièrement, suivi le déroulement de certains dossiers d'infractions.

44.
    À cet égard, la Commission a transmis, au cours de la procédure contentieuse, plusieurs documents rédigés entre l'année 1986 et l'année 1989 établissant que M. V. R. dispose d'une «connaissance de la gestion des infractions et des procédures». En effet, ces documents, sur lesquels figurent en en-tête les initiales de M. V. R., concernent des procédures d'infractions introduites par la Commission contre les États membres ayant méconnu les obligations qui leur incombent en vertu du droit communautaire.

45.
    Bien que la requérante n'ait pas contesté la production de ces documents, il importe de relever que l'AIPN n'en a pas disposé lors de l'examen de la candidature de M. V. R. Ces pièces ont toutefois été produites au cours de la présente procédure dans le cadre de l'exercice par la Commission de ses droits de la défense, lesquels constituent l'une des expressions du principe du contradictoire. Elles tendent à préciser la réalité et la portée des informations contenues dans le dossier de candidature de M. V. R. en ce qu'elles sont destinées à répondre aux doutes émis par la requérante quant à la satisfaction par M. V. R. de la condition relative à la «connaissance de la gestion des infractions et des procédures» et sont, dans ce contexte, recevables (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 juin 2003, O'Hannrachain/Parlement, C-121/01 P, non encore publié au Recueil, points 29 et 30, et arrêt du Tribunal du 16 janvier 2001, Chamier et O'Hannrachain/Parlement, T-97/99 et T-99/99, RecFP p. I-A-1 et II-1, point 58).

46.
    D'autre part, en conclusion de la grille d'appréciation de M. V. R. pour les entretiens du CCN, préparée par le jury de sélection, il est indiqué qu'il dispose d'une «connaissance de la matière» mais pas d'«expérience directe des procédures d'infractions». Aussi, bien que l'administration ait relevé son absence d'expérience pratique dans ce domaine, elle a pu considérer, eu égard au niveau de qualification exigé, que M. V. R. satisfaisait à la condition relative à la «connaissance de la gestion des infractions et des procédures».

47.
    Il s'ensuit qu'il ne saurait être considéré que l'AIPN a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que M. V. R. satisfaisait à la condition relative à la «connaissance de la gestion des infractions et procédures».

48.
    La circonstance selon laquelle la requérante répondait pleinement à cette condition, ainsi qu'il ressort de son curriculum vitae, de ses rapports de notation et de sa grille d'appréciation pour les entretiens du CCN, ne saurait, en elle-même, établir que la Commission a commis une telle erreur. En effet, la Commission dispose d'une large marge d'appréciation dans la comparaison des candidatures satisfaisant aux conditions de l'avis de vacance et dans le choix du candidat retenu. Ne constitue pas non plus une telle preuve le fait que l'acquisition par M. V. R. de la «connaissance de la gestion des infractions et des procédures» datait des années 1986 à 1989.

49.
    En ce qui concerne la condition de l'avis de vacance relative au «sens de l'initiative et des relations humaines», il ressort des rapports de notation de la requérante et de M. V. R., dont l'AIPN disposait, qu'ils satisfont tous les deux à cette condition.

50.
    Quant à la condition de l'avis de vacance aux termes de laquelle est exigée une «aptitude au management», il convient de relever qu'il est indiqué dans la grille d'appréciation de M. V. R. pour les entretiens du CCN qu'il dispose d'une expérience de chef d'unité adjoint et d'une capacité à gérer l'unité en cause.

51.
    Or, ces éléments ressortent du curriculum vitae de M. V. R. et de son rapport de notation pour la période 1997/1999 dans lequel il est indiqué que «[ses] qualités ont [finalement] été reconnues et qu'il a [récemment] été nommé chef d'unité adjoint». Dès lors, l'AIPN a, juste titre, considéré qu'il satisfaisait à la condition de l'avis de vacance relative à l'aptitude au management.

52.
    La requérante fait toutefois valoir qu'elle satisfaisait tout autant à cette condition et que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en alléguant, dans la décision portant rejet de sa réclamation, qu'«aucune indication ne permet de conclure, après réexamen du dossier de la [requérante], que celle-ci disposait d'une [.] aptitude [au management]».

53.
    À cet égard, il y a lieu de relever que, aux termes de la grille d'appréciation de la requérante pour les entretiens avec le CCN, des doutes ont été émis quant à sa capacité de s'imposer et de gérer l'unité en cause. Or, la Commission a fait valoir, lors de l'audience, sans être contredite par la requérante, que c'est lors de l'entretien de la requérante avec le jury de sélection que ses aptitudes dans le domaine considéré ont été appréciées.

54.
    En outre, il importe de relever que ni le curriculum vitae de la requérante ni ses rapports de notation, dont l'AIPN disposait lors de la procédure de pourvoi du poste litigieux, ne contiennent d'éléments de nature à démontrer qu'elle pouvait se prévaloir, lors du dépôt de sa candidature, d'une aptitude au management d'une unité.

55.
    La requérante souligne également qu'elle a obtenu une cotation «excellent» dans la rubrique de son rapport de notation pour la période 1997/1999 intitulée «sens de l'organisation (et capacité de gestion/aptitude à la délégation s'il y a responsabilité d'un groupe de personnes ou de biens)», laquelle attesterait de ses compétences en matière de management. Cependant, les compétences visées par cette rubrique devant être comprises au regard des fonctions effectivement exercées par le fonctionnaire concerné, il y a lieu de constater qu'aucun élément de la description des fonctions de la requérante contenue dans ce rapport de notation ne permet d'établir qu'elle avait la responsabilité d'un groupe de personnes. Aussi, la Commission a pu légitimement considérer, comme elle l'a fait valoir lors de l'audience, que cette rubrique ne visait pas en l'occurrence à évaluer les mérites de la requérante en matière de management mais ses compétences dans la coordination et la gestion des tâches qui lui incombait.

56.
    Enfin, la requérante relève qu'il est mentionné dans son rapport de notation pour la période 1999/2001 qu'elle «serait un excellent chef d'unité». Cependant, la légalité d'une décision en matière de recrutement doit être appréciée en fonction des éléments d'information dont l'AIPN disposait au moment où elle a adopté cette décision (arrêt O'Hannrachain/Parlement, précité, point 28). En l'espèce, il y a lieu de constater que l'AIPN ne disposait pas de ce rapport de notation lors de la procédure de pourvoi du poste litigieux, sa rédaction ayant été achevée postérieurement à la clôture de ladite procédure.

57.
    Il s'ensuit que la requérante n'a pas démontré que l'AIPN a dépassé les limites de son large pouvoir d'appréciation en émettant des doutes quant à son aptitude au management.

58.
    Dans ces circonstances, il ne saurait être considéré que l'AIPN a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que M. V. R. satisfaisait à l'ensemble des conditions requises par l'avis de vacance en cause et en décidant de le nommer au poste litigieux.

59.
    Eu égard à ce qui précède, le présent moyen doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré de l'irrégularité de la procédure de nomination et de l'existence d'un détournement de pouvoir

- Arguments des parties

60.
    La requérante fait valoir que la procédure de nomination a été irrégulière, M. V. R. ayant été nommé, à compter du 1er juillet 2001, chef de l'unité TAXUD/A/3, alors que le comité de direction de la DG «Fiscalité et union douanière» a pris acte, le 11 juin 2001, de la clôture de la vacance du poste en cause et d'une nouvelle publication de ce poste suivant les nouvelles dispositions mises en place par la Commission pour le pourvoi des postes de grade A 3. Or, il ressortirait de l'article 29, paragraphe 1, du statut que, en vue de pourvoir à une vacance d'emploi, la procédure doit être ouverte.

61.
    La requérante soutient également que la Commission s'est rendue coupable d'un détournement de pouvoir.

62.
    À cet égard, elle allègue que M. F., chef de l'unité C/2 de la DG «Fiscalité et union douanière», a retiré sa candidature au poste litigieux après que celle-ci a été retenue par le CCN.

63.
    La requérante estime, en outre, qu'en raison de la «cascade» de nominations intervenues à la DG «Fiscalité et union douanière» sur une courte période, le but poursuivi dans le cadre de la nomination de M. V. R. était vraisemblablement étranger à l'objectif d'assurer le recrutement du meilleur candidat dans l'intérêt du service. Ainsi, M. P. F., chef de l'unité 01 de cette DG et membre du jury de sélection, aurait été nommé le 1er juin 2001, sans publication de poste, chef de l'unité A/4. Or, M. V. R., chef d'unité adjoint de cette dernière unité, aurait pu postuler à ce poste s'il avait été publié et si une procédure normale avait été suivie. Le 26 juillet 2001, le comité de direction aurait été informé que M. V., assistant de M. Vanden Abeele, serait nommé, à compter du 1er octobre 2001, chef de l'unité 01. Ce poste aurait été vacant à la suite de la nomination de M. P. F. Or, la décision du CCN quant aux candidats à retenir afin de pourvoir au poste de chef de l'unité TAXUD/A/3 aurait été prise après l'audition de M. Vanden Abeele par le CCN.

64.
    La Commission soutient que les comptes rendus de la DG «Fiscalité et union douanière» ont une portée juridique limitée, que les droits procéduraux de la requérante n'ont pas été violés et que le compte rendu de la réunion de direction du 11 juin 2001 serait, à cet égard, trompeur, puisque la clôture de la procédure et la nouvelle publication du poste litigieux ont, lors de cette réunion, seulement été évoquées. Le cabinet de M. Bolkenstein, membre de la Commission, aurait, dans un premier temps, signalé au directeur général de la DG «Fiscalité et union douanière» qu'il estimait que le choix des candidats était trop restreint. Toutefois, à la suite de nouvelles réflexions intervenues entre les réunions du comité de direction du 11 juin et du 1er juillet 2001, la nomination de M. V. R. aurait reçu l'approbation des trois cabinets concernés, à savoir ceux de MM. Prodi, Kinnock et Bolkenstein, membres de la Commission. Dès lors, la procédure en cause aurait été menée à son terme en s'achevant par la nomination de M. V. R.

65.
    Quant aux allégations de la requérante relatives à un détournement de pouvoir, la Commission fait valoir que le désistement de M. F. et le pourvoi de certains postes de la DG «Fiscalité et union douanière» seraient des circonstances indépendantes.

- Appréciation du Tribunal

66.
    S'agissant de la prétendue clôture de la procédure de nomination en cause, il est effectivement mentionné dans le compte rendu de la réunion de direction du 11 juin 2001 ce qui suit:

«Unité TAXUD/A/3: le comité de direction prend acte de la clôture de l'avis de publication du poste de chef de l'unité TAXUD/A/3. Une nouvelle publication aura lieu, suivant les nouvelles dispositions mises en place par la Commission pour le pourvoi des postes A 3.»

67.
    Il est vrai que cette circonstance est de nature à avoir induit en erreur la requérante quant au déroulement de la procédure de nomination en cause. Il importe toutefois de constater que le troisième considérant de l'acte de nomination de M. V. R. au poste litigieux fait référence à l'avis de vacance COM/224/00, c'est-à-dire à l'avis de vacance en cause. Il peut dès lors en être déduit que la procédure de pourvoi du poste litigieux, engagée par la publication de l'avis de vacance COM/224/00, n'a pas été close et s'est régulièrement achevée par la nomination audit poste de M. V. R.

68.
    En tout état de cause, le caractère erroné du compte rendu de la réunion de direction du 11 juin 2001 n'est pas de nature à avoir affecté les droits de la requérante.

69.
    Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté.

70.
    Quant à l'allégation de la requérante tirée de l'existence d'un détournement de pouvoir, il convient de rappeler que la notion de détournement de pouvoir a une portée précise qui se réfère à l'usage de ses pouvoirs par une autorité administrative dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Un acte n'est entaché de détournement de pouvoir que s'il apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d'atteindre des fins autres que celles excipées ou d'éluder une procédure spécialement prévue par le statut pour parer aux circonstances de l'espèce (arrêt O'Hannrachain/Parlement, précité, point 46).

71.
    Selon la requérante, deux circonstances établissent que la Commission a poursuivi d'autres fins que celle de nommer le meilleur candidat au poste vacant. D'une part, M. F., chef de l'unité C/2 de la DG «Fiscalité et union douanière», se serait désisté de sa candidature au poste litigieux après que celle-ci a été retenue par le CCN. D'autre part, une «cascade» de nominations à la DG «Fiscalité et union douanière» aurait eu lieu.

72.
    À cet égard, il convient de rappeler que la requérante reste en défaut de prouver que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant de nommer M. V. R. au poste litigieux.

73.
    En outre, il ne saurait être considéré que la publication de plusieurs vacances d'emplois au sein de la direction «Affaires générales» de la DG «Fiscalité et union douanière» ait pu être justifiée par la volonté de nommer M. V. R. au poste litigieux.

74.
    En effet, en l'absence d'autres indices concordants, il ne saurait être considéré que l'adoption de ces mesures de nature administrative et que le retrait de la candidature de M. F. ont été liés à la candidature de M. V. R. au poste litigieux et, plus précisément, ont été justifiés par la volonté de l'administration de nommer ce dernier audit poste.

75.
    Il s'ensuit que ce moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

76.
    Eu égard à tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

77.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Chaque partie supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Chacune des parties supportera ses propres dépens.

García-Valdecasas
Lindh

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 octobre 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh


1: Langue de procédure: le français.