Language of document : ECLI:EU:C:2024:300

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTHONY M. COLLINS

présentées le 11 avril 2024 (1)

Affaire C710/22 P

JCDecaux Street Furniture Belgium

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Aides d’État – Article 107, paragraphe 1, TFUE – Aide mise à exécution par les autorités belges en faveur de JCDecaux Street Furniture Belgium – Non-paiement de loyers et de taxes pour des dispositifs publicitaires installés sur le territoire de la ville de Bruxelles (Belgique) – Avantage économique – Mécanisme de compensation – Décision de la Commission déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Absence de contradiction des motifs – Contrôle par la Cour de l’appréciation des faits et des éléments de preuve – Exclusion sauf cas de dénaturation »






 Introduction

1.        Par le présent pourvoi, JCDecaux Street Furniture Belgium (ci‑après « JCDecaux ») demande l’annulation de l’arrêt rendu par le Tribunal de l’Union européenne dans l’affaire T‑642/19 (2), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision (UE) 2019/2120 de la Commission européenne, du 24 juin 2019, concernant l’aide d’État SA.33078 (2015/C) (ex 2015/NN) mise à exécution par la Belgique en faveur de JCDecaux Belgium Publicité (3). La présente affaire donne notamment à la Cour l’occasion de se prononcer sur la nature et la portée du contrôle juridictionnel qu’elle est appelée à opérer dans le cadre d’un pourvoi.

 Les antécédents du litige

2.        La ville de Bruxelles (Belgique) et JCDecaux ont conclu deux contrats successifs, d’une durée respective de quinze ans, concernant l’installation sur le territoire de cette ville d’abribus publicitaires et d’éléments de mobilier urbain pour l’information (ci-après les « MUPI »), dont une partie pouvait être exploitée à des fins publicitaires (4).

3.        Le premier contrat, datant du 16 juillet 1984 (ci-après le « contrat de 1984 »), portait sur des abribus publicitaires et des MUPI dont JCDecaux restait la propriétaire. Il prévoyait notamment que cette dernière ne s’acquittait d’aucun paiement à la ville de Bruxelles au titre de loyers, de droits d’occupation ou de redevances pour les abribus et les MUPI, mais devait lui fournir un certain nombre d’avantages en nature, à savoir mettre à disposition gratuitement des corbeilles à papier, des sanitaires publics et des journaux électroniques ainsi que réaliser un plan général de la ville, un plan touristique et hôtelier et un plan des voies piétonnes de la ville. En contrepartie, JCDecaux était autorisée à exploiter à des fins publicitaires certains dispositifs intégrés aux, ou dissociés des, abribus et MUPI fournis. Chacun de ces dispositifs pouvait être exploité pour une durée de quinze ans à compter de sa mise en place constatée par un procès-verbal contradictoire (5).

4.        En 1998, la ville de Bruxelles a lancé un appel d’offres ayant pour objet « la fabrication, la fourniture, le placement, la mise en service, l’entretien et la maintenance de [MUPI], d’abris voyageurs et de supports d’affichage dont une partie pourra être utilisée à des fins publicitaires ». Afin de respecter ses engagements contractuels découlant du contrat de 1984 et d’assurer la transparence de l’appel d’offres, la ville de Bruxelles a répertorié, dans l’annexe 10 du cahier spécial des charges de cet appel d’offres (ci-après l’« annexe 10 »), 282 abribus et 198 MUPI relevant du contrat de 1984 (ci-après les « dispositifs inscrits dans l’annexe 10 ») dont le droit d’exploitation de JCDecaux n’était pas encore arrivé à échéance selon les clauses de ce contrat, en indiquant l’emplacement et la date d’échéance de l’exploitation de chacun d’entre eux.

5.        JCDecaux ayant remporté l’appel d’offres, un second contrat a été conclu, le 14 octobre 1999, entre celle-ci et la ville de Bruxelles (ci-après le « contrat de 1999 »). Ce contrat, constitué d’un bon de commande, du cahier spécial des charges et des annexes de ce dernier, y compris l’annexe 10, a remplacé le contrat de 1984. Il prévoyait notamment que la ville de Bruxelles devenait propriétaire des éléments de mobilier urbain mis en place, moyennant le paiement d’un prix net forfaitaire par élément fourni, complètement équipé, installé et opérationnel, et que JCDecaux devait payer un loyer mensuel pour l’utilisation à des fins publicitaires de ces éléments de mobilier urbain.

6.        Lors de la mise en œuvre du contrat de 1999, certains dispositifs inscrits dans l’annexe 10 ont été enlevés avant leurs dates d’échéance respectives prévues à cette annexe, tandis que d’autres parmi ces dispositifs (ci-après les « dispositifs litigieux ») ont été maintenus et ont continué à être exploités par JCDecaux au-delà de ces dates. Pour ces derniers, la ville de Bruxelles n’a réclamé aucun paiement au titre des loyers ou des taxes. Cette situation a pris fin en août 2011, quand les derniers dispositifs inscrits dans l’annexe 10 ont été démantelés.

7.        Le 19 avril 2011, Clear Channel Belgium (ci-après « CCB ») a saisi la Commission d’une plainte dans laquelle elle considérait que, en continuant à exploiter les dispositifs litigieux au-delà des dates d’échéance prévues sans payer ni loyer ni taxe à la ville de Bruxelles, JCDecaux avait bénéficié d’une aide d’État incompatible avec le marché intérieur.

8.        Le 24 mars 2015, la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et a invité le Royaume de Belgique et les autres parties intéressées à présenter leurs observations. La Commission a reçu des observations de la part du Royaume de Belgique, de CCB et de JCDecaux. Des discussions et échanges supplémentaires sont intervenus entre ces derniers et la Commission.

9.        Dans leurs observations, les autorités belges ont notamment indiqué qu’elles avaient accepté le maintien et l’exploitation des dispositifs litigieux au-delà des dates d’échéance prévues à l’annexe 10 afin de préserver l’équilibre économique du contrat de 1984, certains dispositifs inscrits dans cette annexe ayant été retirés de façon anticipée à la demande de la ville de Bruxelles, qui, pour des motifs notamment esthétiques, souhaitait installer d’autres modèles. Selon ces autorités, JCDecaux ayant, du fait de ce retrait anticipé, subi un désavantage, il était acceptable que, pour compenser celui-ci, elle puisse maintenir plus longtemps que prévu d’autres dispositifs et qu’aucun paiement au titre de loyers ou de taxes ne soit exigé de sa part pour ceux-ci (6). Les autorités belges ont reconnu l’existence d’un déséquilibre limité entre le nombre de dispositifs retirés de façon anticipée et le nombre de ceux maintenus au-delà de leurs dates d’échéance respectives. En calculant la différence entre les économies en termes de loyers et de taxes auxquelles JCDecaux aurait renoncé en acceptant ces retraits anticipés et celles en termes de loyers et de taxes qu’elle aurait réalisées en maintenant d’autres dispositifs au-delà de ces dates d’échéance, elle n’aurait bénéficié que d’un avantage financier s’élevant à un maximum de 100 000 à 150 000 euros entre décembre 1999 et 2011 (7). La mesure en cause pourrait donc constituer une aide de minimis au sens du règlement (CE) nº 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles [107 et 108 TFUE] aux aides de minimis (8).

10.      Le 24 juin 2019, la Commission a adopté la décision litigieuse.

11.      Aux considérants 66 à 69 de la décision litigieuse, la Commission a délimité l’objet de son analyse, en précisant notamment que, eu égard aux règles de prescription visées à l’article 17 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (9), cette dernière ne concernait que la mesure dans laquelle le maintien des dispositifs litigieux au-delà des dates d’échéance prévues à l’annexe 10 sans paiement de loyers ni de taxes constituait une aide d’État accordée à JCDecaux après le 15 septembre 2001.

12.      Aux considérants 72 à 81 de la décision litigieuse, la Commission a examiné les conditions relatives à l’imputabilité à l’État et au transfert de ressources d’État. Elle a notamment souligné que les autorités belges ne contestaient pas que la mesure en cause leur était imputable ni que celle-ci avait entraîné un manque à gagner pour la ville de Bruxelles en termes de loyers et de taxes non perçus sur les dispositifs litigieux qui auraient normalement été remplacés par des dispositifs relevant du contrat de 1999.

13.      Aux considérants 82 à 96 de la décision litigieuse, la Commission a analysé la condition relative à l’existence d’un avantage économique.

14.      À cet égard, tout d’abord, la Commission a relevé que, depuis 1999 et au fur et à mesure de l’expiration des autorisations fondées sur le contrat de 1984, JCDecaux avait continué à exploiter des dispositifs publicitaires sur le territoire de la ville de Bruxelles sans s’acquitter de loyers ni de taxes alors que, en vertu du contrat de 1999, ils auraient dû être retirés. En vertu du même contrat, l’exploitation de nouveaux dispositifs publicitaires qui les auraient remplacés impliquait le paiement de loyers et de taxes (10).

15.      Ensuite, la Commission a observé que les autorités belges avaient reconnu que, « globalement », JCDecaux avait bénéficié d’un avantage économique et qu’elles en contestaient simplement l’ampleur. S’agissant de leur argument tiré de l’existence du mécanisme de compensation, elle a rappelé, en se référant à l’arrêt Orange/Commission (11), que ce n’était que dans la mesure où une intervention étatique devait être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises chargées d’un service d’intérêt économique général pour exécuter des obligations de service public, selon les critères établis par l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (12), que cette intervention ne relevait pas de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Or, le contrat de 1984 et le contrat de 1999 seraient de purs contrats commerciaux, dont les dispositions ne confieraient pas à JCDecaux une mission de service public. La compensation alléguée, « à supposer qu’elle vise effectivement à compenser le désavantage lié à une potentielle obligation de retirer de façon anticipée certains dispositifs », impliquerait donc un avantage pour JCDecaux. Cette conclusion serait d’autant plus évidente « qu’il est difficile de considérer [que cette dernière] a souffert d’un désavantage structurel car [elle] a de son propre chef accepté de retirer ces dispositifs et que par ailleurs les autorités belges ont reconnu elles-mêmes que la compensation en question était allée au-delà de ce qui était requis par le supposé désavantage » (13). La Commission a également fait valoir qu’aucun des cas de figure visés aux points 69 et 71 de sa communication relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, [TFUE] (14) n’était présent en l’espèce, en répétant notamment que JCDecaux avait « de son propre chef » accepté de retirer certains dispositifs relevant du contrat de 1984 (15). Elle a ajouté qu’il ne pouvait être considéré que la ville de Bruxelles s’était comportée comme un opérateur privé en économie de marché. En effet, le mécanisme de compensation allégué n’aurait fait l’objet d’aucune formalisation et d’aucun suivi, il ne ressortirait d’aucun élément fourni à la Commission qu’une quelconque négociation était intervenue entre la ville de Bruxelles et JCDecaux au sujet de ce mécanisme, et rien n’indiquerait que la ville de Bruxelles ait réalisé une analyse du « manque à gagner effectif de [JCDecaux] lié aux remplacements anticipés de certains dispositifs relevant du contrat de 1984 en comparaison avec le bénéfice tiré du maintien d’autres dispositifs, par ailleurs complètement amortis (le coût de ces panneaux a en effet logiquement été complètement remboursé – incluant la marge de [JCDecaux] – par leur exploitation sur la durée légale du contrat de 1984), relevant du même contrat » (16).

16.      Enfin, la Commission a affirmé que sa position relative à l’existence d’un avantage était confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Bruxelles (Belgique) du 29 avril 2016 (17), dans lequel cette dernière a constaté que JCDecaux n’avait pas respecté les dates d’enlèvement prévues à l’annexe 10 pour les dispositifs litigieux et avait exploité ceux-ci sans titre ni droit sur le domaine public de la ville de Bruxelles. La cour d’appel de Bruxelles a jugé que JCDecaux avait, de la sorte, commis des actes objectivement illicites contraires aux pratiques honnêtes du marché, l’exploitation dans son réseau de dispositifs publicitaires qui ne devraient pas ou plus s’y trouver lui offrant un avantage concurrentiel illicite susceptible de détourner les annonceurs de son concurrent CCB.

17.      La Commission a conclu des considérations qui précèdent que le maintien et l’exploitation par JCDecaux, entre 1999 et 2011, des dispositifs litigieux au-delà des dates d’échéance prévues à l’annexe 10, sans payer ni loyer ni taxe, avait eu pour effet de réduire les charges que cette dernière aurait normalement dû supporter dans l’exercice de son activité et constituait un avantage économique.

18.      Aux considérants 97 à 102 de la décision litigieuse, la Commission a examiné la condition relative à la sélectivité de l’avantage. Elle a notamment relevé que la mesure en cause était, par essence, une mesure individuelle et que, dans ce cas, l’identification de l’avantage permettait, en principe, de présumer de sa sélectivité.

19.      Aux considérants 103 à 121 de la décision litigieuse, la Commission a constaté que la mesure en cause était susceptible de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres. Elle a notamment rejeté l’argument des autorités belges selon lequel cette mesure pourrait constituer une aide de minimis au sens du règlement nº 1998/2006.

20.      Au considérant 122 de la décision litigieuse, la Commission a conclu de l’ensemble des considérations qui précèdent que la mesure en cause constituait une aide, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

21.      Après avoir constaté, aux considérants 123 et 124 de la décision litigieuse, que la mesure en cause constituait une aide d’État illégale puisqu’elle ne lui avait pas été notifiée, et, aux considérants 125 à 130 de cette décision, que cette aide ne pouvait être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur, la Commission, aux considérants 131 à 144 de ladite décision, a examiné la question du montant de l’aide incompatible à récupérer. À cet égard, elle a expliqué que le « principe général » à appliquer pour le calcul de ce montant était d’estimer le montant des loyers et taxes que la ville de Bruxelles aurait dû percevoir en l’absence de la mesure en cause, en précisant que ce calcul devait « s’effectuer pour chaque dispositif relevant du contrat de 1984 maintenu après le 15 septembre 2001 en prenant pour référence les loyers dus au titre du contrat de 1999 et les taxes généralement applicables aux dispositifs publicitaires entre la date initiale prévue pour l’enlèvement (si elle est postérieure au 15 septembre 2001) ou le 15 septembre 2001 (si la date initiale prévue pour l’enlèvement était antérieure au 15 septembre 2001), et la date où l’enlèvement a été effectivement effectué » (18). Après avoir rappelé qu’elle considérait l’argumentation des autorités belges relative au mécanisme de compensation comme étant « infondée », elle a estimé que « l’avantage accordé à JCDecaux [correspondait] à l’ensemble des économies réalisées par l’entreprise en continuant à exploiter les dispositifs relevant du contrat de 1984 au lieu de les remplacer par des dispositifs conformes au contrat de 1999 » (19). Le calcul du montant de l’aide devrait donc s’effectuer « sans appliquer aucune logique de compensation » et en prenant en considération, « pour chaque dispositif concerné et chaque période pertinente, les loyers existants et les taxes découlant des règlements-taxe[s] de 2001 et suivants pour un dispositif de même surface » (20).

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

22.      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 2019, JCDecaux a introduit un recours tendant à l’annulation des articles 1 à 4 de la décision litigieuse. Par ordonnance du 22 avril 2020, le président de la première chambre du Tribunal a admis l’intervention de CCB au soutien des conclusions de la Commission.

23.      À l’appui de son recours, JCDecaux a invoqué quatre moyens, dont le premier à titre principal et les trois autres à titre subsidiaire. Par le premier moyen, qui se divisait en trois branches, elle faisait valoir que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation ainsi qu’une erreur de droit en considérant que l’exploitation des dispositifs litigieux au-delà des dates d’échéance prévues à l’annexe 10 constituait un avantage. Par la première branche, elle faisait grief à la Commission d’avoir écarté à tort le mécanisme de compensation. Par la deuxième branche, elle soutenait que la Commission avait adopté un scénario contrefactuel erroné en considérant que des loyers et des taxes auraient dû être perçus pour les dispositifs litigieux maintenus au-delà de leurs dates d’échéance respectives. Par la troisième branche, elle prétendait que la Commission avait qualifié à tort le contrat de 1984 de « purement commercial », en refusant, dès lors, d’appliquer les critères établis par l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (21). Par le deuxième moyen, elle soutenait qu’une hypothétique aide d’État aurait été compatible avec le marché intérieur en application de la communication de la Commission relative à l’encadrement de l’Union européenne applicable aux aides d’État sous forme de compensations de service public (22) et de la décision 2012/21/UE de la Commission, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, [TFUE] aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (23). Le troisième moyen se divisait en deux branches. Par la première branche, elle faisait grief à la Commission de ne pas avoir répondu à suffisance aux éléments invoqués par les parties, d’avoir préjugé, dans un communiqué de presse, du montant de l’aide à récupérer et d’avoir enfreint ses règles internes de procédure. Par la seconde branche, elle faisait notamment valoir qu’il était impossible de quantifier l’avantage allégué, dès lors que le contrat de 1984 ne prévoyait le paiement d’aucun loyer, droit d’occupation ou redevance. Par le quatrième moyen, elle affirmait que la prétendue aide d’État serait en tout état de cause prescrite.

24.      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ces quatre moyens et, partant, le recours dans son intégralité, a condamné JCDecaux à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et a condamné CCB à supporter ses propres dépens.

25.      Les considérations du Tribunal qui sont pertinentes aux fins du présent pourvoi sont, pour l’essentiel, celles relatives aux première et deuxième branches du premier moyen ainsi qu’à la seconde branche du troisième moyen.

26.      S’agissant de la première branche du premier moyen, le Tribunal a conclu que c’était à juste titre que la Commission avait considéré que le maintien et l’exploitation par JCDecaux des dispositifs litigieux au‑delà des dates d’échéance prévues à l’annexe 10 constituaient un avantage économique au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE « même si ce maintien était un mécanisme de compensation du contrat de 1984 » (24).

27.      À cet égard, en premier lieu, le Tribunal a rappelé que la notion d’« aide d’État » est une notion juridique objective définie directement à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lequel ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets, de sorte que le fait que l’objectif de la mesure étatique ait été de préserver l’équilibre économique du contrat de 1984 ou que cet objectif ait été conforme aux principes du droit national ne permet pas d’exclure ab initio la qualification d’« aide d’État » d’une telle mesure (25).

28.      En deuxième lieu, le Tribunal a jugé que le fait que JCDecaux avait continué à exploiter les dispositifs litigieux au-delà des dates d’échéance prévues à l’annexe 10 sans payer ni loyer ni taxe à la ville de Bruxelles avait eu pour effet l’allègement de ces charges qui auraient grevé son budget (26). Il a relevé qu’il était, en effet, constant entre les parties que, après la conclusion du contrat de 1999, JCDecaux ne pouvait installer et exploiter sur le territoire de la ville de Bruxelles des éléments de mobilier urbain que dans les conditions prévues par ce contrat, selon lesquelles elle devait payer un loyer et des taxes. Il a également constaté que, selon l’annexe 10, par dérogation aux clauses du contrat de 1999, les dispositifs inscrits dans cette annexe pouvaient continuer à être exploités par JCDecaux dans les conditions prévues par le contrat de 1984, mais uniquement jusqu’aux dates d’échéance prévues par ladite annexe. Il a ajouté que, après ces dates, ces dispositifs devaient être remplacés par des dispositifs nouveaux relevant du contrat de 1999, et donc soumis à l’obligation de paiement des taxes et du loyer (27). Il a conclu que le fait de continuer à exploiter les dispositifs litigieux dans les conditions établies par le contrat de 1984 après lesdites dates avait permis à JCDecaux d’éviter d’installer et d’exploiter des dispositifs nouveaux relevant du contrat de 1999 et, par voie de conséquence, de payer des loyers et des taxes qu’elle aurait dû payer selon ce dernier contrat (28). Le Tribunal a également rappelé certains constats opérés par la cour d’appel de Bruxelles dans son arrêt du 29 avril 2016 (29).

29.      En troisième lieu (30), le Tribunal a considéré que c’était à juste titre que la Commission avait tiré argument des arrêts Orange/Commission (31) et Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (32).

30.      En quatrième lieu, retenant en substance les considérations exposées à ce sujet par la Commission (33), le Tribunal a validé la conclusion de cette dernière selon laquelle le mécanisme de compensation allégué ne pouvait être considéré comme étant conforme au critère du comportement d’un opérateur privé en économie de marché (34).

31.      En ce qui concerne la deuxième branche du premier moyen, le Tribunal a conclu que la Commission n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que JCDecaux avait bénéficié d’une économie en termes de loyers et de taxes constitutive d’un avantage (35). S’agissant des loyers non perçus, le Tribunal a répété que, après l’entrée en vigueur du contrat de 1999, JCDecaux ne pouvait installer et exploiter sur le territoire de la ville de Bruxelles des éléments de mobilier urbain que dans les conditions prévues par ce contrat, selon lesquelles elle devait payer un loyer et des taxes (36). S’agissant des taxes non perçues, le Tribunal a notamment rejeté l’argument de JCDecaux selon lequel, à défaut d’un régime fiscal uniforme sur le territoire national, voire sur le territoire de la région de Bruxelles-Capitale, les règlements-taxes adoptés par la ville de Bruxelles ne pouvaient pas constituer un système de référence. Il a considéré que, dans l’hypothèse où cet argument devait être interprété comme ayant trait au caractère sélectif de la mesure, il devait être rejeté, étant donné que, lorsqu’il s’agit d’une mesure individuelle, la sélectivité de l’avantage économique est présumée (37). En tout état de cause, pendant la procédure précontentieuse, les autorités belges n’ont pas contesté que ces règlements constituaient le régime fiscal de référence (38). Il a également considéré que c’était à juste titre que la Commission avait conclu que les règlements-taxes adoptés par la ville de Bruxelles à partir de 2001 auraient dû s’appliquer aux dispositifs litigieux maintenus en place au-delà de leurs dates d’échéance respectives et que l’exonération appliquée par la ville de Bruxelles avant l’exercice d’imposition 2009 était une dérogation au système de référence impliquant un avantage au moyen des ressources d’État de la part de cette dernière (39). Il a écarté la pertinence, pour ce qui concerne la qualification d’aide d’État de la mesure en cause, des deux jugements du tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique) du 4 novembre 2016 (40) attestant que JCDecaux n’était pas redevable de taxes communales sur la publicité s’agissant du contrat de 1999 (41).

32.      S’agissant de la seconde branche du troisième moyen, le Tribunal a notamment relevé que la Commission avait expliqué les raisons pour lesquelles, selon elle, l’avantage dont JCDecaux avait bénéficié était supérieur à celui estimé par les autorités belges (42). Par ailleurs, il a rejeté l’argument de JCDecaux tiré de l’impossibilité de quantifier cet avantage et de la violation de ses droits de la défense qui en découlait comme étant fondé sur la prémisse erronée selon laquelle le maintien et l’exploitation des dispositifs litigieux au-delà des dates d’échéance prévues constitueraient un avantage uniquement dans la mesure où ils iraient au-delà de ce que compensait le mécanisme de compensation (43).

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

33.      Par acte déposé au greffe de la Cour le 17 novembre 2022, JCDecaux a introduit le présent pourvoi. Elle demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de faire droit à ses conclusions présentées en première instance en annulant les articles 1 à 4 de la décision litigieuse, et de condamner la Commission aux dépens. Dans son mémoire en réponse, déposé au greffe de la Cour le 1er février 2023, la Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner JCDecaux aux dépens. CCB a renoncé à déposer un mémoire en réponse.

34.      Lors de l’audience du 17 janvier 2024, JCDecaux, la Commission et CCB ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par la Cour. CCB a conclu au rejet du pourvoi, mais ne s’est pas prononcée sur les dépens.

 Analyse

35.      JCDecaux soulève deux moyens à l’appui de son pourvoi, tirés, le premier, d’une motivation contradictoire entachant l’arrêt attaqué ainsi que d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de la notion d’« avantage économique » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et, le second, d’une dénaturation manifeste des faits et du cadre juridique applicable.

 Sur le premier moyen du pourvoi

 Argumentation des parties

36.      Par ce moyen, JCDecaux soutient, à titre principal, que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a adopté une motivation contradictoire et a commis une erreur de droit en concluant à l’existence d’un avantage économique. Elle relève que, aux points 31 et 40 de cet arrêt, le Tribunal a repris les constatations faites par la cour d’appel de Bruxelles dans son arrêt du 29 avril 2016 selon lesquelles « elle n’avait pas obtenu l’autorisation expresse de la ville de Bruxelles » et avait exploité « sans titre ni droit » sur le territoire de cette dernière nombre des dispositifs inscrits dans l’annexe 10. Au point 42 dudit arrêt, le Tribunal aurait conclu, « sur cette seule base », que le maintien et l’exploitation, par JCDecaux, des dispositifs litigieux au-delà des dates d’échéance prévues à l’annexe 10 constituaient un avantage économique. Selon JCDecaux, si la cour d’appel de Bruxelles a constaté que ces dispositifs avaient été maintenus « sans titre ni droit », c’était parce qu’elle avait conclu à l’absence d’autorisation explicite, voire implicite, de la ville de Bruxelles de procéder à une « interversion » (44) des dispositifs publicitaires. Or, en l’absence de décision ou d’intervention des autorités publiques, il ne saurait, par définition, y avoir d’aide d’État puisque celle-ci requerrait « au minimum » un acte positif ou négatif de ces autorités. À supposer que JCDecaux ait bénéficié d’un avantage, celui-ci découlerait du fait qu’elle aurait, de sa propre autorité, exploité les dispositifs litigieux en occupant illégalement le domaine public. Un tel comportement ne saurait, sans contradiction manifeste, servir de fondement à la constatation de l’existence d’un avantage économique accordé par les autorités publiques.

37.      À titre subsidiaire, JCDecaux fait grief au Tribunal d’avoir entaché l’arrêt attaqué d’une seconde contradiction de motifs, en ce que, au point 42 de cet arrêt, il a affirmé que l’avantage qui lui aurait été consenti par la ville de Bruxelles constituait une aide quand bien même le maintien des dispositifs litigieux serait considéré comme « un mécanisme de compensation du contrat de 1984 ». Elle critique le fait que le Tribunal n’ait tiré aucune conséquence de cette affirmation qui remettrait en cause tant la qualification juridique retenue par la Commission que la méthode de calcul du montant de l’aide à récupérer (45). Cet arrêt conduirait, en effet, à la récupération de l’avantage allégué dans son intégralité, à savoir sans tenir compte des coûts supportés par JCDecaux en raison du retrait anticipé de certains dispositifs inscrits dans l’annexe 10 et du préjudice contractuel subi. Selon JCDecaux, si le Tribunal admet que le maintien des dispositifs litigieux pouvait être constitutif d’une compensation, alors l’ensemble de l’avantage économique éventuellement consenti ne saurait automatiquement constituer une aide d’État.

38.      La Commission, tout d’abord, fait valoir que, par ses arguments, JCDecaux cherche, en substance, à obtenir une nouvelle appréciation des faits, et plus spécialement de sa théorie du mécanisme de compensation, qui avait été rejetée aussi bien par le juge national que par le Tribunal. Or, une telle nouvelle appréciation des faits échapperait à la compétence de la Cour au stade du pourvoi.

39.      Ensuite, reprenant certaines des considérations exposées dans l’arrêt attaqué et résumées aux points 27 à 30 des présentes conclusions, la Commission soutient que c’est à bon droit que ce dernier a écarté la pertinence du mécanisme de compensation.

40.      Par ailleurs, s’agissant du renvoi fait par JCDecaux à l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 29 avril 2016, la Commission relève que les appréciations du Tribunal à l’égard du droit national sont des appréciations de fait qui, sauf en cas de dénaturation du droit national, échappent au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi. Or, JCDecaux se bornerait à contester le contenu et la portée de cet arrêt. En outre, il serait inexact de prétendre que le Tribunal s’est fondé uniquement sur ledit arrêt pour établir l’existence d’un avantage. Quant à l’argument que JCDecaux tire de la prétendue inexistence d’un acte des autorités publiques, il serait irrecevable, au motif qu’il se rapporte à la condition tenant à l’imputabilité de la mesure en cause à l’État, laquelle condition n’aurait pas été contestée en première instance. En tout état de cause, cet argument serait manifestement non fondé, dès lors que le cas d’espèce concerne un acte négatif de la ville de Bruxelles consistant à laisser perdurer l’exploitation des dispositifs litigieux sans chercher à percevoir des loyers et des taxes.

41.      Enfin, la Commission souligne que la qualification d’une mesure d’aide d’État et la quantification de son montant sont deux questions distinctes. Elle considère que la prise en compte de la théorie de la compensation ne saurait avoir pour effet d’entraîner une « réévaluation du mécanisme de calcul de la récupération de l’aide » établi dans la décision litigieuse. Elle ajoute que, pour que la mesure en cause échappe à la qualification d’aide d’État, la ville de Bruxelles aurait dû procéder à une évaluation du préjudice prétendument subi par JCDecaux. La ville de Bruxelles n’ayant pas réalisé une telle évaluation, le montant de l’aide à récupérer correspondrait aux loyers et taxes que JCDecaux aurait dû payer pendant la durée de l’exploitation des dispositifs litigieux au-delà des dates d’échéance prévues jusqu’à leur enlèvement effectif. Dès lors, même si le mécanisme de compensation existait, quod non, il ne saurait remettre en cause ni la qualification juridique de l’avantage dont avait bénéficié JCDecaux ni le calcul du montant de l’aide à récupérer.

 Appréciation

42.      Je rappelle que, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Cette appréciation ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié des faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (46).

43.      Contrairement à ce qu’avance la Commission, je considère que les arguments que JCDecaux invoque au soutien du premier moyen ne visent pas à obtenir de la Cour une nouvelle appréciation des faits concernant le mécanisme de compensation ou la jurisprudence nationale. Ainsi que JCDecaux le souligne dans son mémoire en réplique, l’« objection fondamentale » qu’elle formule ne porte ni sur l’évaluation des faits ni sur l’interprétation du droit national effectuées par le Tribunal, mais est tirée de l’existence d’une prétendue « contradiction fondamentale » dont serait entachée la motivation de l’arrêt attaqué. À cet égard, je rappelle que, selon une jurisprudence constante, la question de savoir si la motivation d’un arrêt du Tribunal est contradictoire constitue une question de droit pouvant être invoquée dans le cadre d’un pourvoi (47).

44.      La contradiction de motifs invoquée à titre principal par JCDecaux résiderait dans le fait que le Tribunal ne saurait simultanément relever, en prenant appui sur l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 29 avril 2016, qu’elle avait exploité sans titre ni droit les dispositifs litigieux et confirmer la conclusion de la Commission relative à l’existence d’une aide d’État, laquelle impliquerait par définition une décision ou intervention des autorités publiques conférant un avantage. Quant à la contradiction de motifs invoquée à titre subsidiaire par JCDecaux, elle est tirée de ce que, au point 42 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait considéré que l’avantage allégué constituait une aide tout en admettant que le maintien des dispositifs litigieux pouvait être un mécanisme de compensation du contrat de 1984. Selon moi, par ces arguments, JCDecaux ne remet en cause ni le contenu ni la portée de l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 29 avril 2016, tels que constatés par le Tribunal. Au contraire, elle fait siennes ces constatations pour appuyer son argumentation invoquée à titre principal. Par ailleurs, j’observe que, dans ses écritures, JCDecaux, si elle réaffirme l’existence du mécanisme de compensation, ne conteste toutefois aucunement les appréciations qui sont énoncées aux points 25, 26 et 34 à 41 de l’arrêt attaqué et qui valident la conclusion de la Commission selon laquelle ce mécanisme, à le supposer établi, n’exclut pas qu’un avantage ait été conféré à JCDecaux.

45.      Selon moi, il convient également d’écarter l’autre motif d’irrecevabilité opposé par la Commission, selon lequel, par son argument tiré de la prétendue absence d’un acte des autorités publiques, JCDecaux contesterait pour la première fois au stade du pourvoi la condition relative à l’imputabilité de la mesure en cause à l’État. S’il est vrai que cet argument ne semble pas avoir été soulevé en ces termes par JCDecaux devant le Tribunal, toutefois, il ressort de la requête en pourvoi qu’il constitue, non un moyen de droit autonome et nouveau devant être déclaré irrecevable, car soulevé pour la première fois, mais simplement un argument articulé à l’appui du moyen de droit tiré d’une prétendue contradiction dans le raisonnement ayant amené le Tribunal à confirmer l’existence d’une aide d’État.

46.      Cela étant dit, je ne partage pas l’affirmation de JCDecaux selon laquelle c’est « sur la seule base » des constatations en cause de la cour d’appel de Bruxelles que le Tribunal a conclu à l’existence d’un avantage économique en l’espèce. Il ressort d’un examen de l’appréciation du premier moyen soulevé devant le Tribunal (48) que ce dernier a considéré que le fait que JCDecaux avait maintenu et continué à exploiter les dispositifs litigieux au-delà de leurs dates d’échéance respectives prévues à l’annexe 10 sans payer de loyers ni de taxes avait eu pour conséquence un allègement des charges grevant normalement son budget. Cette appréciation était fondée notamment sur un examen des stipulations du contrat de 1984 et du contrat de 1999, dont l’annexe 10, des dispositions pertinentes des règlements-taxes de la ville de Bruxelles cités dans la décision litigieuse ainsi que des observations présentées par les autorités belges lors de la procédure précontentieuse. Par ailleurs, le Tribunal a considéré que le mécanisme de compensation allégué par ces autorités et JCDecaux n’excluait pas la présence d’un avantage, et ce pour les différents motifs résumés aux points 27 à 30 des présentes conclusions. Les références faites dans ce contexte par le Tribunal aux constatations de la cour d’appel de Bruxelles ne constituent donc qu’un élément parmi d’autres dont il a tenu compte pour conclure à l’existence d’un tel avantage.

47.      Je suis d’avis qu’aucune des deux contradictions de motifs invoquées par JCDecaux n’est fondée.

48.      Ainsi, d’une part, il est vrai que, dans l’arrêt du 29 avril 2016, la cour d’appel de Bruxelles a constaté que JCDecaux n’avait pas obtenu « l’autorisation expresse de la ville de Bruxelles de procéder à une “interversion” des dispositifs publicitaires » et que « [l]’absence de réaction de [cette dernière] quant au maintien en place de [MUPI] au-delà de la date autorisée pour chacun ne [pouvait] s’interpréter comme emportant un accord implicite et certain de l’autorité publique de déroger aux échéances convenues pour chaque dispositif ». Toutefois, il convient de garder à l’esprit que, dans cet arrêt, la cour d’appel statuait exclusivement au regard de la loi sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur, du 14 juillet 1991 (49), étant appelée à juger si le fait pour JCDecaux d’avoir maintenu en place et continué à exploiter certains dispositifs sans disposer des autorisations nécessaires constituait, au sens de l’article 94 de cette loi, un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale susceptible de porter atteinte aux intérêts professionnels de son concurrent CCB. Dans ce contexte, selon moi, les constats de la cour d’appel de Bruxelles doivent s’entendre comme renvoyant à une absence d’autorisation au sens du droit administratif belge (50). Cela n’exclut en aucune façon que, sous l’angle des règles de l’Union en matière d’aides d’État (51), l’attitude négative, ou à tout le moins passive, de la ville de Bruxelles, consistant, en toute connaissance de cause, à ne pas s’opposer au maintien et à l’exploitation, sur son territoire, d’un certain nombre de dispositifs publicitaires par JCDecaux au-delà des dates d’échéance prévues et, surtout, à s’abstenir de percevoir les loyers et taxes normalement dus puisse être constitutive d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (52). J’ajouterais que JCDecaux ne saurait soutenir, comme elle fait dans la réplique, que la Commission, en qualifiant, dans le mémoire en réponse, un tel comportement de la part de la ville de Bruxelles d’« acte négatif », introduit un argument nouveau au stade du pourvoi. En effet, la Commission ne fait là que répondre à un argument soulevé par JCDecaux à l’appui du grief principal de son premier moyen.

49.      D’autre part, en ce qui concerne la prétendue contradiction de motifs invoquée à titre subsidiaire, il me semble que celle-ci repose sur une lecture erronée par JCDecaux du point 42 de l’arrêt attaqué. Ainsi que la Commission l’a confirmé lors de l’audience en réponse à une question de la Cour, ce que le Tribunal a voulu exprimer à ce point, c’est que, à supposer même que la réalité du mécanisme de compensation et la volonté de la ville de Bruxelles d’y adhérer soient établies à suffisance de droit, cela n’empêcherait pas de conclure que JCDecaux a bénéficié d’un avantage économique, dès lors que, notamment, ce mécanisme ne remplissait pas la première condition de la jurisprudence issue de l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (53) et ne pouvait être considéré comme un comportement normal d’un opérateur en économie de marché. Cela ressort au demeurant clairement d’une lecture conjointe du point 42 de l’arrêt attaqué et des considérations qui le précèdent (54). Ayant rejeté la pertinence du mécanisme de compensation invoqué, il ne saurait non plus être reproché au Tribunal de ne pas avoir réexaminé à l’aune de ce mécanisme la méthode de calcul de l’aide à récupérer établie dans la décision litigieuse.

50.      Eu égard aux considérations qui précèdent, j’estime que le premier moyen du pourvoi est recevable, mais non fondé.

 Sur le second moyen du pourvoi

 Argumentation des parties

51.      Par ce moyen, qui s’articule en deux branches, JCDecaux soutient que le Tribunal a manifestement dénaturé les faits et le cadre juridique applicable en considérant que les dispositifs litigieux qui avaient été maintenus au-delà des dates d’échéance prévues à l’annexe 10 relevaient ipso facto du régime juridique du contrat de 1999 et, partant, étaient soumis au paiement de loyers et de taxes.

52.      Par la première branche, JCDecaux conteste les considérations du Tribunal aux points 29 et 30 de l’arrêt attaqué. À cet égard, tout d’abord, elle fait valoir que, conformément aux « principes de base du droit contractuel », les dispositifs installés en vertu du contrat de 1984 restaient régis par celui-ci jusqu’à leur enlèvement effectif, même si celui-ci intervenait au-delà des dates d’échéance prévues à l’annexe 10, demeuraient sa propriété, et échappaient à toute obligation de paiement de loyers ou de taxes (55). Elle souligne que c’est en contrepartie d’un investissement considérable, consistant en la conception, la fabrication, l’installation et l’entretien des abribus et des MUPI mis à disposition de la ville de Bruxelles, qu’elle a obtenu le droit d’exploiter ceux-ci à des fins publicitaires, et que l’équilibre économique de ce contrat reposait sur des obligations contractuelles précises. Ensuite, JCDecaux expose qu’aucune stipulation du contrat de 1999 ne prévoit l’enlèvement automatique des dispositifs relevant du contrat de 1984 ou de tout autre élément de mobilier urbain existant ; au contraire, le contrat de 1999 prévoirait expressément que les dispositifs installés en 1999 peuvent, et même doivent, coexister avec ceux inscrits dans l’annexe 10 sans que les stipulations contractuelles applicables à ces derniers dispositifs en soient modifiées. Elle ajoute qu’il n’y avait non plus aucune obligation de remplacer, dispositif par dispositif et aux mêmes emplacements (56), les dispositifs relevant du contrat de 1984 par des dispositifs nouveaux relevant du contrat de 1999. Le maintien de certains dispositifs relevant du contrat de 1984 et appartenant à JCDecaux n’aurait, par conséquent, pu éviter à cette dernière d’installer et d’exploiter des dispositifs différents et appartenant à la ville de Bruxelles. Enfin, JCDecaux fait observer que ces contrats présentent des différences fondamentales en ce qui concerne la logique économique qui les sous-tend et leurs conditions respectives. Selon elle, le Tribunal n’était pas fondé à « supposer hypothétiquement » que, si elle avait retiré les dispositifs litigieux aux dates d’échéance prévues à l’annexe 10, elle aurait installé aux mêmes emplacements un nombre identique de dispositifs relevant du contrat de 1999 et aurait payé à la ville de Bruxelles des loyers et des taxes correspondant à des prestations significativement différentes, régies par ce dernier contrat. Dans la réplique, JCDecaux ajoute qu’il ressort de l’argumentation de la Commission dans le mémoire en réponse que l’arrêt attaqué est entaché d’une motivation contradictoire, dans la mesure où il ne saurait simultanément être prétendu que les dispositifs installés en vertu du contrat de 1984 relèvent d’un régime juridique différent de celui du contrat de 1999 et qu’ils auraient dû être assujettis au paiement de loyers et de taxes prévus par ce dernier contrat.

53.      Par la seconde branche, JCDecaux soutient que, aux points 53, 54 et 56 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a procédé à une dénaturation du régime juridique applicable en ce qui concerne la taxation de l’exploitation des dispositifs litigieux maintenus au-delà des dates d’échéance prévues à l’annexe 10.

54.      À cet égard, d’une part, JCDecaux affirme que le Tribunal procède à « une interprétation injustifiée du cadre juridique » pour conclure, au point 54 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en prenant comme système de référence les règlements-taxes de la ville de Bruxelles cités au point 56 de cet arrêt, en fondant cette conclusion sur le fait que, pendant la procédure précontentieuse, les autorités belges n’avaient pas contesté que ces règlements-taxes constituaient le régime fiscal de référence concernant la taxation de l’exploitation de dispositifs publicitaires sur le territoire de la ville de Bruxelles. Le Tribunal aurait ainsi omis de tenir compte du fait que les communes bénéficient d’une autonomie fiscale, consacrée par l’article 170, paragraphe 4, de la Constitution belge (57) et qu’il n’existait donc pas de régime fiscal uniforme sur le territoire national ni même sur le territoire de la région de Bruxelles-Capitale. La ville de Bruxelles n’aurait d’ailleurs adopté des règlements-taxes sur la publicité qu’à partir de 2001. JCDecaux en déduit que le Tribunal ne pouvait considérer que les seuls règlements-taxes de cette ville visés par la Commission constituaient un système de référence, d’autant plus qu’il ressortirait de deux jugements du tribunal de première instance francophone de Bruxelles du 4 novembre 2016 (58) que les dispositifs publicitaires relevant du contrat de 1999 devaient être exonérés de la taxe sur la publicité.

55.      D’autre part, JCDecaux soutient que le fait qu’elle n’ait pas eu à payer de taxes pour les dispositifs qu’elle exploitait à des fins publicitaires sur le territoire de la ville de Bruxelles ne saurait constituer un avantage sélectif puisque, pendant plusieurs années, CCB n’avait pas de dispositifs similaires soumis à une telle taxe. Elle ajoute que, lorsque CCB a ultérieurement exploité pareils dispositifs sur ce territoire, elle a contesté la légalité du règlement-taxe du 15 décembre 2008 devant les juridictions belges, qui l’ont déclaré anticonstitutionnel et ont annulé les taxes prélevées auprès de ce concurrent pour l’année 2009. Elle renvoie, à cet égard, à un arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 4 septembre 2018, dont elle aurait fortuitement découvert l’existence et qui aurait été confirmé sur pourvoi par un arrêt de la Cour de cassation (Belgique) du 1er octobre 2021 (59).

56.      La Commission, tout d’abord, fait valoir que, par son argumentation, JCDecaux cherche en réalité à obtenir un réexamen des faits, sans démontrer une dénaturation des faits commise par le Tribunal. En tout état de cause, le second moyen serait non fondé en chacune de ses deux branches. Ainsi, s’agissant de la première branche, la Commission reconnaît que le contrat de 1999 ne comporte aucune disposition prévoyant l’enlèvement automatique des dispositifs publicitaires relevant du contrat de 1984. Les dispositifs installés en vertu du contrat de 1984 et inscrits dans l’annexe 10 resteraient soumis aux dispositions de ce contrat, même après l’entrée en vigueur du contrat de 1999, mais seulement jusqu’aux dates d’enlèvement prévues à cette annexe. Ce que le Tribunal aurait fait valoir au point 29 de l’arrêt attaqué, et qui aurait été clarifié aux points 48 et 49 de cet arrêt, est que JCDecaux aurait dû payer des loyers pour l’exploitation de ces derniers dispositifs, comme cela était le cas pour l’exploitation de ceux relevant du contrat de 1999. La conclusion contenue au point 30 de l’arrêt attaqué serait donc bien fondée. Par celle-ci, le Tribunal n’aurait nullement considéré que les dispositifs litigieux maintenus au-delà des dates d’échéance prévues devaient relever ipso facto du régime juridique du contrat de 1999. S’agissant de la seconde branche, la Commission, tout d’abord, soutient que l’argument de JCDecaux tiré de l’article 170, paragraphe 4, de la Constitution belge est irrecevable, dès lors que l’interprétation du droit national constitue une appréciation d’ordre factuel relevant de la seule compétence du Tribunal. En outre, les autorités belges n’auraient pas contesté, lors de la procédure précontentieuse, que les règlements-taxes de la ville de Bruxelles constituaient le système de référence. Ensuite, la Commission, renvoyant au point 63 de l’arrêt attaqué, affirme ne pas avoir omis de tenir compte des deux jugements du tribunal de première instance francophone de Bruxelles du 4 novembre 2016, mais avoir écarté leur pertinence pour l’analyse de la notion d’« aide d’État », dans la mesure où ils portaient sur du mobilier urbain relevant du contrat de 1999 et appartenant à la ville de Bruxelles. Enfin, elle avance que le fait que CCB ait bénéficié d’une exonération fiscale dans d’autres communes de Belgique n’est pas pertinent aux fins de l’analyse de l’avantage économique dont a bénéficié JCDecaux.

 Appréciation

57.      Outre ce qui a déjà été exposé au point 42 des présentes conclusions, la Cour a précisé que l’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi et qu’une telle dénaturation existe lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée. Une telle dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (60). Elle existe également lorsque le Tribunal a manifestement outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable des éléments de preuve (61).

58.      En l’espèce, par sa première branche, JCDecaux soutient que la conclusion du Tribunal, au point 30 de l’arrêt attaqué, selon laquelle « le fait de continuer à exploiter certains dispositifs inscrits dans l’annexe 10 dans les conditions établies par le contrat de 1984 après les dates d’échéance prévues par la même annexe [lui] a permis [...] d’éviter d’installer et d’exploiter des dispositifs nouveaux relevant du contrat de 1999 et, par voie de conséquence, de payer des loyers et des taxes qu’elle aurait dû payer, selon ce dernier contrat », repose sur une dénaturation manifeste des faits et du cadre juridique applicable. Il ressort de ce point 30 que cette conclusion se fonde sur le raisonnement en trois étapes suivi par le Tribunal au point 29 de l’arrêt attaqué.

59.      À cet égard, tout d’abord, je suis d’avis que, contrairement à ce que prétend JCDecaux, le Tribunal n’a pas procédé à une dénaturation des faits en constatant, dans une première étape, au point 29 de l’arrêt attaqué, qu’« il est constant entre les parties que, après la conclusion du contrat de 1999, [elle] ne pouvait installer et exploiter sur le territoire de la ville de Bruxelles des mobiliers urbains que dans les conditions prévues par ledit contrat, selon lesquelles elle devait payer un loyer et des taxes ». Au contraire, différents éléments du dossier démontrent clairement le bien-fondé de cette considération. Ainsi, d’une part, comme je l’exposerai au point 60 des présentes conclusions, après les dates d’échéance prévues à l’annexe 10, le contrat de 1984 cessait d’être applicable. D’autre part, dès 1999, l’installation et l’exploitation de nouveaux dispositifs sur le territoire de la ville de Bruxelles ne pouvaient intervenir que dans le cadre du régime prévu par le contrat de 1999. À ce sujet, il est pertinent de relever que, ainsi que la Commission l’a rappelé lors de l’audience, l’article 1er, sous g), du cahier spécial des charges (62) prévoyait en faveur du soumissionnaire ayant remporté l’appel d’offres – en l’occurrence JCDecaux – une exclusivité pour l’exploitation des dispositifs publicitaires sur le territoire de la ville de Bruxelles pendant toute la durée de ce contrat. Seul le régime prévu par ledit contrat était donc susceptible de s’appliquer.

60.      Ensuite, j’estime que JCDecaux ne démontre pas que la deuxième étape du raisonnement du Tribunal, au point 29 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il ressort de « l’annexe 10 [que], par dérogation aux clauses du contrat de 1999, les dispositifs inscrits dans cette annexe pouvaient continuer à être exploités par [elle] dans les conditions prévues par le contrat de 1984, à savoir sans payer ni loyer ni taxe, mais uniquement jusqu’aux dates d’échéance prévues par la même annexe », se fonde sur une appréciation manifestement erronée des faits ou des éléments de preuve. Il ressort de l’argumentation de JCDecaux qu’elle ne conteste cette considération que dans la mesure où, selon elle, les dispositifs inscrits dans l’annexe 10 restaient soumis au régime du contrat de 1984 jusqu’à leur enlèvement effectif, même si celui-ci intervenait après ces dates d’échéance. Or, ainsi que la Commission le relève à juste titre, aucune pièce du dossier ne vient étayer, et encore moins de manière manifeste, une telle thèse. Bien au contraire, certaines de ces pièces la contredisent directement. Ainsi, dans son arrêt du 29 avril 2016, la cour d’appel de Bruxelles a jugé que l’exploitation, par JCDecaux, des dispositifs litigieux au-delà de leurs dates d’échéance respectives était intervenue sans titre ni droit, ce qui, selon moi, exclut, par principe, que cette exploitation ait pu être régie par le contrat de 1984. Par ailleurs, il me semble que, si l’annexe 10 prévoyait une date d’échéance propre pour chacun des dispositifs y répertoriés, c’est bien parce que, au plus tard pour cette date, chacun des dispositifs concernés devait être retiré de son emplacement et que, dès ce moment, les dispositions du contrat de 1984 ne lui étaient plus applicables. En d’autres termes, ce n’était que jusqu’à ces dates d’échéance que les dispositifs inscrits dans l’annexe 10 pouvaient coexister avec ceux mis en place en vertu du contrat de 1999 sans que les stipulations contractuelles applicables aux premiers dispositifs en soient modifiées. Un tel point de vue, loin d’être contraire aux « principes de base du droit contractuel », comme le fait valoir JCDecaux, me paraît, en réalité, être la seule solution conforme à ces principes.

61.      Enfin, je suis d’avis que JCDecaux n’établit pas davantage que le Tribunal, en exposant, dans une troisième étape, au point 29 de l’arrêt attaqué, que, après les dates d’échéance prévues à l’annexe 10, les dispositifs inscrits dans cette annexe « devaient être remplacés par des dispositifs nouveaux relevant du contrat de 1999, et donc soumis à l’obligation de paiement des taxes et du loyer », aurait procédé à une appréciation manifestement erronée des éléments de preuve. Selon moi, ce que le Tribunal entendait exprimer par ces propos, c’est simplement que, après ces dates, JCDecaux devait, d’une part, avoir retiré les dispositifs inscrits à l’annexe 10 et, d’autre part, avoir installé de nouveaux dispositifs conformément au régime du contrat de 1999. À ce dernier égard, je note qu’il ressort du bon de commande faisant partie du contrat de 1999 que JCDecaux s’était engagée à « respecter scrupuleusement toutes les conditions du marché », dont l’installation de 280 supports d’affichage pour l’ensemble du territoire de la ville de Bruxelles, et ce « endéans les 8 mois de calendrier suite à la réception du bon de commande ». Contrairement à ce qu’affirme JCDecaux, je ne crois pas que le Tribunal ait, pour autant, considéré qu’il existait, dans le chef de cette dernière, une obligation de remplacement « automatique » et « emplacement par emplacement » de chacun des dispositifs litigieux par un nombre équivalent de dispositifs relevant du contrat de 1999 (63). La Commission ne s’est, au demeurant, pas fondée sur une telle hypothèse dans la décision litigieuse.

62.      Je considère que la conclusion du Tribunal figurant au point 30 de l’arrêt attaqué, et reproduite au point 58 des présentes conclusions, n’est que la conséquence logique des considérations développées aux points 59 à 61 des présentes conclusions et ne saurait donc être vue comme reposant sur une appréciation manifestement erronée des faits ou des éléments de preuve. À mon sens, et contrairement à ce qu’affirme JCDecaux, le Tribunal, en déclarant, au point 30 de l’arrêt attaqué, que cette dernière avait ainsi pu éviter de s’acquitter des loyers et des taxes qu’elle aurait dû payer en vertu du contrat de 1999, n’a pas jugé que les dispositifs litigieux maintenus en place et exploités après les dates d’échéance prévues à l’annexe 10 relevaient « ipso facto » du régime du contrat de 1999. Ainsi que la Commission l’a exposé dans ses écritures devant la Cour et lors de l’audience, sur le plan juridique, ces dispositifs ne relevaient ni du contrat de 1984 ni du contrat de 1999. Il n’en reste pas moins que, comme cela a notamment été constaté par les juridictions belges, les dispositifs litigieux qui ont été maintenus et exploités au-delà de leurs dates d’échéance respectives l’ont été de manière illégale. Face à cette situation de fait, qui permettait à JCDecaux de générer d’importants revenus publicitaires sans avoir à s’acquitter de loyers ni de taxes, il appartenait à la Commission, pour évaluer l’existence d’un avantage, d’adopter, pour reprendre l’expression utilisée par celle-ci lors de l’audience, un « scénario contrefactuel » (64). Selon moi, le Tribunal n’a pas manifestement outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable des faits et des éléments de preuve en validant, à cet égard, le « scénario » retenu par la Commission et consistant à appliquer, par référence, la discipline en vigueur à l’époque des faits litigieux, à savoir le régime juridique du contrat de 1999. Je rappelle, en effet, que, eu égard à la clause d’exclusivité contenue dans ce contrat, il s’agissait du seul régime applicable à l’exploitation, à des fins publicitaires, de dispositifs du type de ceux en cause sur le domaine public de la ville de Bruxelles.

63.      J’ajouterais que, ainsi que la Commission et CCB l’ont relevé lors de l’audience, le fait que, dans le cadre du contrat de 1999, à la différence du contrat de 1984, un transfert de propriété des éléments de mobilier urbain est opéré en faveur de la ville de Bruxelles n’est en soi pas déterminant en ce qui concerne la question du paiement des loyers. En effet, en l’espèce, il s’agit de loyers, non pour la location proprement dite du mobilier urbain, mais pour l’exploitation de supports à des fins publicitaires dans l’espace public (65).

64.      La seconde branche est dirigée contre les points 53, 54 et 56 de l’arrêt attaqué et est tirée de ce que le Tribunal aurait procédé à une dénaturation du régime juridique applicable en ce qui concerne l’établissement du système de référence et la taxation de l’exploitation des dispositifs litigieux.

65.      À titre liminaire, je note que, comme c’était déjà le cas devant le Tribunal, il n’apparaît pas clairement de l’argumentation que JCDecaux développe au soutien de cette seconde branche si elle remet en cause les considérations relatives à l’existence d’un avantage économique ou celles relatives au caractère sélectif de la mesure (66). À supposer qu’il faille retenir la seconde hypothèse, il me semble que la conclusion, au point 53 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’argumentation de JCDecaux doit être rejetée, étant donné que, lorsqu’il s’agit d’une mesure individuelle, la sélectivité de l’avantage économique est présumée, reste pleinement fondée (67). En l’espèce, nous sommes bien en présence d’une aide individuelle, et non d’un régime général d’aide.

66.      En tout état de cause, j’estime que JCDecaux n’a apporté aucun élément faisant apparaître de manière manifeste que, aux points critiqués de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait dénaturé le contenu du droit national pertinent ou se serait livré à des constatations ou appréciations allant à l’encontre du contenu de ce droit.

67.      S’agissant du point 54 de l’arrêt attaqué, il ne semble pas ressortir de l’argumentation de JCDecaux qu’elle remette en cause en tant que tel le constat du Tribunal selon lequel les autorités belges n’ont pas contesté, pendant la procédure précontentieuse, que les règlements‑taxes de la ville de Bruxelles constituaient le régime fiscal de référence. En tout état de cause, je suis d’avis que le Tribunal, en validant la position de la Commission consistant à retenir ces règlements‑taxes en tant que système de référence, ne s’est pas livré à une appréciation allant de manière manifeste à l’encontre du contenu de l’article 170, paragraphe 4, de la Constitution belge. Si, certes, cette disposition consacre l’autonomie fiscale des communes en Belgique, de sorte que le régime de taxation de l’exploitation des dispositifs publicitaires peut varier d’une commune à une autre, je ne vois pas en quoi cela pouvait empêcher la Commission de ne tenir compte, pour établir l’existence d’un avantage en l’espèce, que de la réglementation fiscale applicable sur le territoire de la ville de Bruxelles.

68.      En ce qui concerne l’argument que JCDecaux tire des deux jugements du tribunal de première instance francophone de Bruxelles du 4 novembre 2016, je partage l’avis de la Commission selon lequel, au point 63 de l’arrêt attaqué, le Tribunal ne méconnaît pas ceux-ci, mais écarte leur pertinence pour ce qui est de la qualification d’aide d’État de la mesure en cause. Dans ces jugements, le tribunal de première instance francophone de Bruxelles a considéré que JCDecaux n’était pas redevable de la taxe sur les dispositifs publicitaires prévue par les règlements‑taxes du 20 décembre 2010 et du 5 décembre 2011 dès lors que l’article 9, premier tiret, de ces règlements‑taxes exonérait de cette taxe les dispositifs publicitaires appartenant à la ville de Bruxelles. Or, si les dispositifs relevant du contrat de 1999 étaient effectivement la propriété de la ville de Bruxelles, il n’en allait pas de même pour ceux relevant du contrat de 1984 qui, eux, étaient la propriété de JCDecaux. S’agissant des dispositifs litigieux que cette dernière a maintenus en place et a continué à exploiter après les dates d’échéance prévues à l’annexe 10, ils restaient sa propriété mais, comme cela a été exposé au point 60 des présentes conclusions, leur exploitation n’était plus régie par le contrat de 1984. Dès l’expiration desdites dates d’échéance, ils étaient donc soumis aux règlements‑taxes adoptés par la ville de Bruxelles à partir de l’année 2001. Il ne saurait donc être reproché au Tribunal une quelconque dénaturation manifeste de la réglementation nationale applicable ou de la jurisprudence nationale y relative.

69.      Enfin, je suis également d’accord avec la Commission lorsqu’elle avance que la circonstance que, pendant plusieurs années, CCB n’a pas été assujettie au paiement d’une taxe sur les dispositifs publicitaires qu’elle exploitait sur le territoire d’autres communes est sans pertinence pour l’analyse de l’avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE dont a bénéficié JCDecaux. En d’autres termes, ce n’est pas parce que CCB a, en toute hypothèse, bénéficié d’une exonération fiscale dans d’autres communes que la ville de Bruxelles que l’exonération fiscale accordée à JCDecaux dans cette dernière ville devrait échapper à la qualification d’aide d’État. Le fait que le Tribunal n’ait pas expressément discuté cette question dans l’arrêt attaqué ne suffit pas pour démontrer l’existence d’une dénaturation manifeste des faits ou du cadre juridique applicable. Ne saurait non plus constituer une telle dénaturation le fait que le Tribunal n’ait pas tenu compte de l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 4 septembre 2018, confirmé sur pourvoi par un arrêt de la Cour de cassation du 1er octobre 2021, puisqu’il ne ressort pas du dossier que ces arrêts aient été portés à sa connaissance au cours de la procédure devant lui.

70.      Eu égard à ce qui précède, le second moyen du pourvoi doit, à mon sens, également être rejeté comme étant non fondé.

 Conclusion

71.      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi dans son intégralité et, conformément à l’article 184, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour de justice, de condamner JCDecaux Street Furniture Belgium aux dépens exposés par la Commission européenne. Clear Channel Belgium, partie intervenante en première instance, a participé à la phase orale de la procédure devant la Cour, mais n’a pas demandé la condamnation de JCDecaux aux dépens. Dans ces conditions, conformément à l’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, il conviendrait de décider qu’elle supportera ses propres dépens afférents à la procédure de pourvoi.


1      Langue originale : le français.


2      Arrêt du 7 septembre 2022, JCDecaux Street Furniture Belgium/Commission (T‑642/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:503).


3      JO 2019, L 320, p. 119, ci-après la « décision litigieuse ».


4      Plus précisément, ainsi qu’il ressort du considérant 13 de la décision litigieuse, « [l]es deux contrats portent sur l’installation de mobilier urbain rémunérée par des dispositifs publicitaires d’une taille approximative de 2 m2, lesquels constituent le support pouvant accueillir de la publicité ». Ces dispositifs comportaient généralement deux faces, l’une étant destinée à l’affichage publicitaire et l’autre étant réservée à la ville de Bruxelles pour la fourniture d’informations administratives et socioculturelles.


5      Par conséquent, en 1999, à l’expiration du contrat de 1984, un certain nombre de dispositifs relevant du contrat de 1984 pouvaient encore être exploités jusqu’à la fin de leur période d’exploitation de quinze ans.


6      Il sera fait référence à cet arrangement dans la suite des présentes conclusions par l’expression le « mécanisme de compensation ». JCDecaux s’est prononcée dans le même sens dans ses observations, en soulignant, notamment, que l’exploitation des dispositifs litigieux n’était pas régie par le contrat de 1999 et que le maintien de ceux-ci était intervenu dans le cadre de l’exécution du contrat de 1984 sans le moindre transfert de ressources publiques. Elle a également soutenu que ni les dispositifs relevant du contrat de 1984 ni ceux relevant du contrat de 1999 n’étaient assujettis à une taxe.


7      Dans ses observations écrites, CCB a exposé que l’avantage économique dont JCDecaux aurait bénéficié du fait de l’exploitation des dispositifs litigieux au-delà de leurs dates d’échéance respectives était supérieur à 2 150 000 euros, hors intérêts.


8      JO 2006, L 379, p. 5.


9      JO 2015, L 248, p. 9.


10      Considérant 84 de la décision litigieuse


11      Arrêt du 26 octobre 2016 (C‑211/15 P, EU:C:2016:798, points 41 à 44).


12      Arrêt du 24 juillet 2003 (C‑280/00, EU:C:2003:415).


13      Considérant 89 de la décision litigieuse.


14      JO 2016, C 262, p. 1.


15      Considérants 91 et 93 de la décision litigieuse.


16      Considérant 94 de la décision litigieuse.


17      Arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 29 avril 2016 (9e chambre) dans le cadre de l’affaire 2011/AR/140.


18      Considérant 132 de la décision litigieuse.


19      Considérant 134 de la décision litigieuse.


20      Considérant 137 de la décision litigieuse. Les règlements-taxes en question sont mentionnés au considérant 138 de la décision litigieuse ainsi qu’aux notes en bas de page 46 et 49 de cette décision. Voir aussi point 56 de l’arrêt attaqué.


21      Arrêt du 24 juillet 2003 (C‑280/00, EU:C:2003:415).


22      JO 2012, C 8, p. 15.


23      JO 2012, L 7, p. 3.


24      Point 42 de l’arrêt attaqué.


25      Points 24 à 26 de l’arrêt attaqué.


26      Point 28 de l’arrêt attaqué.


27      Point 29 de l’arrêt attaqué.


28      Point 30 de l’arrêt attaqué.


29      Point 31 de l’arrêt attaqué.


30      Points 34 à 36 de l’arrêt attaqué.


31      Arrêt du 26 octobre 2016 (C‑211/15 P, EU:C:2016:798).


32      Arrêt du 24 juillet 2003 (C‑280/00, EU:C:2003:415). Le Tribunal a examiné plus en détail la question des conditions établies par la jurisprudence issue de cet arrêt aux points 66 à 75 de l’arrêt attaqué. Il a jugé que la Commission n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en concluant, au considérant 88 de la décision litigieuse, que le contrat de 1984 était un contrat purement commercial, de sorte que la première de ces conditions n’était pas remplie.


33      Voir point 15 des présentes conclusions.


34      Points 37 à 41 de l’arrêt attaqué.


35      Point 65 de l’arrêt attaqué.


36      Points 48 et 49 de l’arrêt attaqué.


37      Point 53 de l’arrêt attaqué.


38      Point 54 de l’arrêt attaqué.


39      Point 61 de l’arrêt attaqué.


40      Jugements du tribunal de première instance de Bruxelles du 4 novembre 2016 (RG 2012/9807/A + 2012/9808/A et RG 2012/14576/A et 2014/5965/A).


41      Point 63 de l’arrêt attaqué.


42      Point 93 de l’arrêt attaqué.


43      Point 95 de l’arrêt attaqué.


44      Il ressort de l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 29 avril 2016 que, en se référant à la « théorie de l’interversion », JCDecaux entend expliquer qu’elle a « seulement maintenu certains anciens mobiliers au-delà de leur date pour compenser le remplacement prématuré d’anciens mobiliers qui pouvaient rester en place par des nouveaux ».


45      À cet égard, JCDecaux vise, plus particulièrement, les points 83 à 89 de l’arrêt attaqué.


46      Arrêt du 12 mai 2022, Klein/Commission (C‑430/20 P, EU:C:2022:377, point 39 et jurisprudence citée).


47      Arrêt du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission (C‑385/07 P, EU:C:2009:456, point 71 et jurisprudence citée).


48      Points 17 à 76 de l’arrêt attaqué.


49      Moniteur belge du 29 août 1991.


50      Dans son arrêt, la cour d’appel de Bruxelles a notamment relevé que « l’installation de mobilier urbain sur le domaine public et son exploitation à des fins publicitaires requiert l’autorisation de l’autorité publique, laquelle peut revêtir diverses formes ; en l’absence d’autorisation, l’installation et l’exploitation ont lieu sans titre ni droit et sont dès lors illicites ». Elle a également rappelé que « [c]haque dispositif fait l’objet d’une autorisation délivrée pour un emplacement et une durée déterminée » et que « [l]es autorisations et les dispositifs ne sont pas interchangeables à la guise de leur titulaire ». Par ailleurs, la cour d’appel de Bruxelles a fait observer que « CCB [dirigeait] son action contre [JCDecaux], auteur de la pratique litigieuse, et non contre la ville de Bruxelles » et qu’« il ne s’[agissait] pas, en l’espèce, de contrôler la manière dont [cette dernière exécutait] le contrat de 1984 et le marché public de 1999 ».


51      Dans son arrêt du 29 avril 2016, la cour d’appel de Bruxelles souligne qu’elle « n’a pas à examiner si [JCDecaux] a perçu des aides d’État ni à les valoriser ».


52      Arrêt du 12 octobre 2000, Espagne/Commission (C‑480/98, EU:C:2000:559, points 19 à 21). Voir, aussi, point 68 de la communication de la Commission relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE.


53      Arrêt du 24 juillet 2003 (C‑280/00, EU:C:2003:415).


54      Voir points 25, 26, 28 à 41, et 68 à 75 de l’arrêt attaqué. Dans le cadre du présent pourvoi, JCDecaux ne remet pas en cause les considérations par lesquelles le Tribunal a ainsi écarté la pertinence du mécanisme de compensation allégué.


55      Selon JCDecaux, la ville de Bruxelles aurait tout au plus pu demander en justice l’enlèvement des dispositifs litigieux et/ou un dédommagement. En outre, elle aurait pu prélever, à la charge de JCDecaux, la redevance qu’elle a spécifiquement instituée le 17 septembre 2001 en cas d’occupation de son domaine public à des fins commerciales.


56      JCDecaux relève, à cet égard, que l’évolution des lieux sur le plan logistique et la réglementation urbanistique ont fréquemment nécessité de trouver de nouveaux emplacements.


57      Aux termes de cette disposition, « [a]ucune charge, aucune imposition ne peut être établie par l’agglomération, par la fédération de communes et par la commune que par une décision de leur conseil ».


58      Jugements du tribunal de première instance de Bruxelles du 4 novembre 2016 (RG 2012/9807/A + 2012/9808/A et RG 2012/14576/A et 2014/5965/A).


59      Arrêt nº F.19.0012.F de la Cour de cassation du 1er octobre 2021 (BE:CASS:2021:ARR.20211001.1F.7).


60      Arrêt du 23 mars 2023, PV/Commission (C‑640/20 P, EU:C:2023:232, points 77 et 78, ainsi que jurisprudence citée).


61      Arrêts du 2 octobre 2014, Strack/Commission (C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 79), et du 16 février 2017, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission (C‑90/15 P, EU:C:2017:123, point 48).


62      Qui se lit comme suit : « Pendant la période de validité du marché, le pouvoir adjudicateur s’engage à ne pas faire exécuter ni [à] autoriser des prestations portant sur des mobiliers équipés de supports publicitaires, identiques ou analogues à celles décrites dans le présent cahier spécial des charges, par d’autres entrepreneurs ou par ses propres services, et ce pour l’ensemble de son territoire. »


63      Je relève qu’il est également prévu, dans le bon de commande, que « [l]orsqu’il s’agit de remplacer les mobiliers existants par un nouveau modèle d’abris-voyageurs ou par un support d’affichage, [JCDecaux s’est engagée] à effectuer les travaux de remplacement dans un délai de 48 à 72 heures en fonction des conditions climatiques ». Il est joint à ce bon de commande une annexe dans laquelle « figurent les listes détaillées des localisations des abris-voyageurs ainsi que celles des supports d’affichage en place, ce en vue de [...] permettre [à JCDecaux] d’établir [sa] proposition d’installation, tenant compte de la situation des mobiliers existants et des dates d’enlèvement des dispositifs en place ».


64      Voir point 67 de la communication de la Commission relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE : « Pour évaluer l’existence ou non d’un avantage, il convient de comparer la situation financière de l’entreprise après l’introduction de la mesure avec sa situation financière si cette mesure n’avait pas été prise. »


65      Lors de l’audience, CCB a exposé, sans être contredite par JCDecaux, que cette dernière exploitait à des fins publicitaires, sur le territoire de la commune voisine d’Uccle (Belgique), des dispositifs installés sur du mobilier urbain dont elle était propriétaire et s’acquittait, pour cette exploitation, de loyers.


66      Dans son mémoire en défense devant le Tribunal, la Commission avait déjà formulé une telle remarque. JCDecaux avait répondu, dans le mémoire en réplique, que ses arguments n’avaient pas trait au caractère sélectif de la mesure et que, par la requête, elle « [contestait] simplement et clairement la pertinence de l’utilisation par la Commission du règlement-taxe de 2001 sur les dispositifs publicitaires de la ville afin d’établir l’existence d’un avantage en faveur de JCDecaux (quod non) et comme base de calcul du montant d’une éventuelle aide à récupérer par l’État belge ».


67      Arrêt du 4 juin 2015, Commission/MOL (C‑15/14 P, EU:C:2015:362, point 60).