Language of document : ECLI:EU:T:2020:621

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

16 décembre 2020 (*)

 « REACH – Évaluation des substances – Uvasorb HEB – Décision de l’ECHA demandant des informations supplémentaires – Article 46, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1907/2006 – Demande visant à identifier les éventuels produits de transformation ou de dégradation de la substance – Proportionnalité – Nécessité de l’étude supplémentaire demandée – Conditions pertinentes et conditions réalistes – Température de l’étude – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑176/19,

3V Sigma SpA, établie à Milan (Italie), représentée par M. C. Bryant, Mme S. Hainsworth, solicitors, et Me D. Anderson, avocat,

partie requérante,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mme A. Hautamäki, MM. J. Alaranta et W. Broere, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. J. Möller, D. Klebs, et Mme S. Heimerl, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision A-004-2017 de la chambre de recours de l’ECHA, du 15 janvier 2019, dans la mesure où elle a rejeté le recours de la requérante contre la décision de l’ECHA du 20 décembre 2016 exigeant des informations supplémentaires sur la substance uvarsorb HEB et où elle a fixé la date limite pour présenter ces informations au 22 octobre 2020,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos, président, Mme I. Reine (rapporteure) et M. M. Sampol Pucurull, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige et décision attaquée

1        La requérante, 3V Sigma SpA, est un producteur de produits chimiques. Elle est le déclarant principal de la substance bis(2-ethylhexyl) 4,4’-{6-[4-tert-butylcarbamoyl) anilino]-1,3,5-triazine-2,4-diyldiimino}dibenzoate, portant le numéro CAS 154702-15-5 (ci-après l’« uvasorb HEB »). Cette substance est utilisée comme filtre ultraviolets (UV) dans les produits cosmétiques.

2        En 2015, l’uvasorb HEB a été inscrit dans le plan d’action continu pour l’évaluation des substances au sens des articles 44 à 48 du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3), en raison de motifs initiaux de préoccupations concernant son caractère potentiellement persistant, bioaccumulable et toxique (PBT), voire très persistant et très bioaccumulable (vPvB).

3        En application de l’article 45 du règlement no 1907/2006, l’autorité compétente de la République fédérale d’Allemagne a été désignée aux fins d’effectuer l’évaluation de l’uvasorb HEB (ci-après l’« autorité compétente »).

4        Le 26 avril 2016, l’autorité compétente a communiqué à la requérante un projet de décision au sens de l’article 46, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, visant à lui demander des informations supplémentaires aux fins de son évaluation. Plus précisément, ce projet de décision imposait à la requérante de fournir les résultats d’une étude réalisée suivant les lignes directrices 309 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour les essais de produits chimiques, ainsi que des informations complémentaires concernant les utilisations de l’uvasorb HEB et les émissions environnementales. La requérante a formulé ses observations sur ce projet de décision le 2 juin 2016.

5        Le 21 juillet 2016, l’autorité compétente a notifié le projet de décision, ainsi que les observations de la requérante, aux autorités compétentes des autres États membres et à l’ECHA, conformément à l’article 52, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006.

6        À la suite des observations reçues sur le projet de décision, et compte tenu des commentaires de la requérante sur ces observations, l’autorité compétente a modifié le projet de décision en remplaçant l’exigence de réaliser l’étude suivant les lignes directrices 309 de l’OCDE par celle consistant à effectuer une étude suivant les lignes directrices 308 de l’OCDE pour les essais de produits chimiques (ci-après les « lignes directrices 308 de l’OCDE »). Elle a ensuite notifié le projet de décision ainsi modifié au comité des États membres conformément à l’article 51, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006.

7        Le 10 octobre 2016, le comité des États membres s’est prononcé à l’unanimité en faveur du projet de décision modifié, ainsi notifié par l’autorité compétente.

8        Le 20 décembre 2016, l’ECHA a adopté une décision au titre de l’évaluation de la substance uvasorb HEB (ci-après la « décision initiale ») par laquelle, en vertu de l’article 46, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, il était fait obligation au(x) déclarant(s), y compris à la requérante, de communiquer :

–        d’une part, les résultats des essais de simulation sur sédiments (transformation aérobie et anaérobie dans les systèmes aquatiques sédimentaires, UE C.24/OCDE 308) avec la substance chimique uvasorb HEB à 20 °C, conformément aux spécifications relatives aux conditions d’essai figurant à l’annexe 1, point 1.1.3, de ladite décision (ci-après l’« étude OCDE TG 308 ») ;

–        d’autre part, des informations supplémentaires sur l’usage et les émissions environnementales, telles qu’elles sont explicitées à l’annexe 1 de cette décision.

9        Il ressort également du point 1.1.3 de l’annexe 1 de la décision initiale que l’étude OCDE TG 308 devait respecter certaines conditions, formulées de la manière suivante :

« L’essai de simulation demandé concernant la dégradation de l’uvasorb HEB dans les sédiments doit permettre i) la détermination des voies de dégradation de l’uvasorb HEB dans les sédiments au regard de la formation de métabolites et ii) l’identification de la formation de métabolites de l’uvasorb HEB. L’[étude] OCDE TG 308 doit être réalisé[e] en utilisant l’uvasorb HEB radiomarqué C. Le radioétiquetage doit être situé dans la partie la plus stable de la molécule, à savoir l’anneau triazine 1,3,5. Le radioétiquetage de la partie la plus stable de la molécule est nécessaire pour identifier les produits de la transformation pertinents dans le cadre de l’évaluation des propriétés PBT (en concentration supérieure ou égale à 0,1 % en poids, à moins qu’il puisse être démontré que cela est techniquement impossible).

[…]

L’essai concernant la biodégradation immédiate montre que l’uvasorb HEB se dégrade lentement. Pour augmenter au maximum la probabilité de formation et d’identification de métabolites de l’uvasorb HEB dans l’étude OCDE TG 308 demandé, la température a été fixée à 20 °C. »

10      Le 20 mars 2017, la requérante a introduit un recours devant la chambre de recours de l’ECHA contre la décision initiale, sur le fondement de l’article 51, paragraphe 8, du règlement no 1907/2006, applicable mutatis mutandis en vertu de l’article 52, paragraphe 2, dudit règlement, ainsi que de l’article 91, paragraphe 1, de ce règlement.

11      Conformément à l’article 91, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006, le recours formé devant la chambre de recours de l’ECHA contre la décision initiale a eu un effet suspensif.

12      Le 15 janvier 2019, la chambre de recours de l’ECHA a adopté la décision A-004-2017, relative à l’évaluation de la substance chimique uvasorb HEB (ci-après la « décision attaquée »). Par cette décision, elle a partiellement annulé la décision initiale dans la mesure où celle-ci demandait des informations supplémentaires sur l’usage et les émissions environnementales. Elle a rejeté le recours pour le surplus. En outre, la décision attaquée a fixé au 22 octobre 2020 le délai pour produire les résultats de l’étude OCDE TG 308.

13      En ce qui concerne, plus précisément, la nécessité de mener l’étude OCDE TG 308, la chambre de recours de l’ECHA a écarté chacun des griefs soulevés par la requérante. Premièrement, elle a considéré que la demande d’effectuer un tel essai n’était pas disproportionnée, compte tenu, en substance, des risques potentiels des produits de transformation ou de dégradation de la substance, de la nécessité de clarifier ces risques, de la possibilité d’améliorer les mesures de gestion des risques, et du caractère approprié de la température de 20 °C pour mener l’étude demandée. Deuxièmement, elle a estimé que l’ECHA avait examiné avec soin et impartialité tous les arguments et faits pertinents du dossier, y compris toutes les études et les prédictions fondées sur les modèles de relations quantitatives structure-activité (ci-après les « modèles RQSA ») soumis par la requérante sur les propriétés PBT de l’uvasorb HEB, de sorte que celle-ci n’avait commis aucune erreur manifeste d’appréciation en exigeant l’étude en cause. Troisièmement, elle a confirmé que, comme l’avait concédé l’ECHA, la décision initiale devait être lue en ce sens que le seuil pour l’identification des produits de transformation ou de dégradation correspondait à une concentration supérieure ou égale à 10 % (et non 0,1 % comme cela est indiqué dans cette décision).

II.    Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 mars 2019, la requérante a introduit le présent recours.

15      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 29 mars 2019, la requérante a introduit une demande en référé tendant, notamment, au sursis à l’exécution de la décision attaquée.

16      L’ECHA a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 13 juin 2019.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 juin 2019, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de l’ECHA.

18      Par ordonnance du 15 juillet 2019, 3V Sigma/ECHA (T‑176/19 R, non publiée, EU:T:2019:547), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé introduite par la requérante au motif que celle-ci n’avait pas établi l’urgence. Les dépens afférents à cette procédure ont été réservés.

19      Par décision du 31 juillet 2019, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis la République fédérale d’Allemagne à intervenir au soutien des conclusions de l’ECHA.

20      La requérante a déposé la réplique au greffe du Tribunal le 21 août 2019.

21      L’ECHA a déposé la duplique au greffe du Tribunal le 4 octobre 2019.

22      La République fédérale d’Allemagne a déposé le mémoire en intervention le 11 octobre 2019.

23      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, la juge rapporteure a été affectée à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

24      La requérante et l’ECHA ont déposé leurs observations sur le mémoire en intervention, respectivement, le 25 novembre 2019 et le 21 novembre 2019.

25      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, dans la mesure où celle-ci a rejeté son recours contre la décision initiale et décidé qu’elle devait fournir des informations concernant l’étude OCDE TG 308 le 22 octobre 2020 au plus tard ;

–        condamner l’ECHA aux dépens exposés par elle.

26      L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation ;

–        condamner la requérante aux dépens des « deux parties ».

27      La République fédérale d’Allemagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité du mémoire en défense

28      Dans la réplique, la requérante exprime des doutes sur le dépôt, dans les délais, du mémoire en défense de l’ECHA. Elle relève que, dans son courrier du 28 mars 2019, le Tribunal l’avait informée du fait que la requête avait été signifiée à l’ECHA. Or, le mémoire en défense n’a été déposé que le 13 juin 2019, soit plus de deux mois et dix jours après ce courrier.

29      L’ECHA répond qu’elle n’a accepté la signification de la requête dans le système e-Curia que le 3 avril 2019, de sorte que le mémoire en défense a bien été déposé dans les délais.

30      En l’espèce, l’article 6, troisième alinéa, de la décision du Tribunal, du 11 juillet 2018, relative au dépôt et à la signification d’actes de procédure par la voie de l’application e-Curia (JO L 240, p.72), prévoit qu’un acte de procédure est signifié au moment où le destinataire (représentant ou assistant) demande l’accès à cet acte. En l’espèce, c’est donc à partir du moment où l’ECHA a demandé l’accès au courrier du Tribunal ainsi qu’à la requête et à ses annexes dans le système e-Curia que le délai pour déposer le mémoire en défense a commencé à courir.

31      Or, il ressort du rapport d’e-Curia que le courrier du Tribunal ainsi que la requête et les annexes qui l’accompagnent ont été acceptées par l’ECHA le 3 avril 2019. Ainsi, le délai de deux mois pour déposer le mémoire en défense, augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours prévu à l’article 60 du règlement de procédure, expirait le 13 juin 2019, date à laquelle le mémoire en défense a effectivement été déposé. Par conséquent, il ne saurait être reproché à l’ECHA d’avoir soumis ce mémoire hors délai.

B.      Sur le fond

32      À l’appui du recours, la requérante soulève deux moyens tirés, le premier, d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la nécessité d’effectuer l’étude OCDE TG 308 et, le second, d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne le caractère approprié de la température et des conditions d’essai imposées pour ladite étude.

1.      Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la nécessité d’effectuer l’étude OCDE TG 308

33      La requérante conteste l’appréciation de la nécessité de mener l’étude OCDE TG 308, ainsi effectuée par la chambre de recours de l’ECHA dans la décision attaquée. Son argumentation repose, en substance, sur le fait qu’il n’existe pas de produits connus de transformation ou de dégradation de la substance uvasorb HEB, dont les éventuelles propriétés PBT ou vPvB devraient être prises en compte. Les résultats de l’étude menée suivant les lignes directrices 301B de l’OCDE pour les essais de produits chimiques, fournis par la requérante dans le dossier administratif (ci-après l’« étude OCDE RG 301B »), montreraient, en outre, que l’uvasorb HEB n’est pas facilement biodégradable et que la formation de tels produits est improbable en pratique, dans des conditions réalistes.

34      Selon la requérante, à la lumière du quatrième paragraphe introductif de l’annexe XIII du règlement no 1907/2006, il conviendrait d’effectuer une distinction entre, d’une part, les conditions « réalistes » dans lesquelles il y a lieu d’identifier les éventuels produits de transformation ou de dégradation d’une substance, et, d’autre part, les conditions « pertinentes » dans lesquelles il convient d’évaluer les propriétés de ces produits. De tels produits ne constitueraient une source de préoccupation au sens dudit règlement que s’ils sont susceptibles de se former effectivement dans l’environnement, et pas seulement dans des conditions artificielles, ainsi que cela ressortirait, notamment, du chapitre R.11 du guide des exigences d’information et d’évaluation de la sécurité chimique de l’ECHA (ci-après le « guide de l’ECHA »), dans sa version 3.0, du mois de juin 2017.

35      Dans ce contexte, la requérante estime que la chambre de recours de l’ECHA ne pouvait pas se fonder uniquement sur les résultats des modèles RQSA, qui ne montrent que les possibles voies de dégradation pour l’uvasorb HEB, pour conclure que la formation de plusieurs produits de transformation ou de dégradation potentiels pouvait être attendue.

36      Pour ces motifs, et eu égard à la faible incertitude quant à la question de savoir si des produits de transformation ou de dégradation de l’uvasorb HEB sont susceptibles de se former, la requérante considère que la chambre de recours de l’ECHA aurait dû conclure que l’étude OCDE TG 308 était disproportionnée. En décidant de valider la décision initiale sur la nécessité de cet essai, ladite chambre aurait ainsi commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation.

37      L’ECHA et la République fédérale d’Allemagne contestent les arguments de la requérante.

a)      Observations liminaires

38      Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union européenne, exige que les moyens mis en œuvre par une disposition de l’Union soient aptes à réaliser l’objectif visé et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir arrêt du 7 juillet 2009, S.P.C. M. e.a., C‑558/07, EU:C:2009:430, point 41 et jurisprudence citée).

39      En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions mentionnées au point 38 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que, dès lors que les autorités de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60 et jurisprudence citée).

40      Afin d’établir qu’une institution ou un organisme de l’Union a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation d’un acte, les éléments de preuve apportés par le requérant doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cet acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de cette décision (voir arrêt du 9 septembre 2011, France/Commission, T‑257/07, EU:T:2011:444, point 86 et jurisprudence citée).

41      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le premier moyen soulevé par la requérante.

b)      Sur la nécessité d’identifier la formation éventuelle de produits de transformation ou de dégradation de l’uvasorb HEB

42      Ainsi qu’il ressort de la décision initiale, dont le projet de version publique fourni en annexe de la requête est implicitement considéré par les parties comme reflétant le texte définitif de cette décision, il a été demandé à la requérante de mener l’étude OCDE TG 308 afin de clarifier des incertitudes concernant la formation potentielle de métabolites de l’uvasorb HEB. Plus précisément, la demande d’informations supplémentaires reposait sur les motifs suivants :

–        d’une part, les résultats de l’étude OCDE RG 301B soumis par la requérante montrent une dégradation de l’uvasorb HEB de l’ordre de 6 % après 28 jours d’incubation, ainsi que la formation de dioxyde de carbone dans l’eau ;

–        d’autre part, l’uvasorb HEB est une molécule de grande taille, dont les voies de dégradation sont complexes ; à cet égard, les uniques estimations ou prédictions disponibles, à savoir celles fondées sur des modèles RQSA, montrent clairement que plusieurs métabolites de l’uvasorb HEB sont susceptibles de se former et de présenter les caractéristiques de produits PBT ou vPvB.

43      Dans la décision attaquée, la chambre de recours de l’ECHA a confirmé que l’objectif poursuivi par la demande d’informations supplémentaires en l’espèce était de clarifier l’incertitude qui entourait la question de savoir si des produits de transformation ou de dégradation de l’uvasorb HEB étaient susceptibles de se former et, le cas échéant, quels étaient ces produits. À cet égard, elle a souligné que, en vertu du quatrième paragraphe introductif de l’annexe XIII du règlement no 1907/2006, l’évaluation des propriétés d’une substance devait se fonder sur des données obtenues dans des conditions « pertinentes », c’est-à-dire des conditions qui permettent une évaluation objective des propriétés d’une substance, et non dans un environnement particulier ou dans des conditions « réalistes ». Elle a ajouté que les prévisions des modèles RQSA fournies par la requérante elle-même indiquaient que l’uvasorb HEB était susceptible de former des produits de transformation ou de dégradation dans l’environnement.

44      En l’espèce, il convient de rappeler que, pour démontrer qu’une demande d’informations supplémentaires est nécessaire, il incombe à l’ECHA d’établir que la substance en cause présente un risque potentiel pour la santé humaine et l’environnement, qu’il est nécessaire de clarifier ce risque et qu’il existe une possibilité réaliste que les informations demandées permettent de prendre des mesures de gestion des risques améliorées (arrêt du 20 septembre 2019, BASF Grenzach/ECHA, T‑125/17, EU:T:2019:638, point 276).

45      À titre liminaire, il y a lieu de constater que, dans le cadre de son argumentation, la requérante ne soutient pas que la chambre de recours de l’ECHA a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’il existait une possibilité réaliste que les informations demandées permettent de prendre des mesures de gestion des risques améliorées.

46      En ce qui concerne l’existence d’un risque potentiel qu’il est nécessaire de clarifier, le fait que l’uvasorb HEB n’est pas considéré, en tant que substance mère, comme une substance PBT ou vPvB, au sens de l’annexe XIII du règlement no 1907/2006, n’est pas contesté. Néanmoins, ainsi qu’il ressort du cinquième paragraphe introductif de cette annexe, ce seul élément ne suffit pas pour écarter toute qualification d’une substance en tant que substance PBT ou vPvB. En effet, il convient également de tenir compte des propriétés PBT ou vPvB des constituants pertinents de cette substance et des produits de transformation ou de dégradation concernés.

47      Ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, la chambre de recours de l’ECHA s’est fondée à la fois sur les résultats de l’étude OCDE RG 301B ainsi que sur les prédictions des modèles RQSA, fournis tous deux par la requérante, pour conclure que la formation de produits de transformation ou de dégradation de l’uvasorb HEB, dont certains pourraient éventuellement présenter des propriétés PBT, n’était pas exclue et que cette incertitude devait être clarifiée. Il convient donc de vérifier si, en se fondant sur de tels résultats pour justifier l’étude OCDE TG 308, ladite chambre a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation, comme le soutient la requérante.

48      En ce qui concerne, premièrement, les résultats de l’étude OCDE RG 301B, ceux-ci ont montré une faible biodégradabilité de l’uvasorb HEB. Il en résulte que, comme le fait valoir l’ECHA, une dégradation rapide et complète de cette substance dans l’environnement est peu probable, ce que la requérante ne conteste pas.

49      Toutefois, il ressort des lignes directrices 301 de l’OCDE pour les essais de produits chimiques, du 17 juillet 1992, dans leur version jointe par l’ECHA en annexe au mémoire en défense, et en particulier du point 2 du chapitre consacré aux essais 301B (évolution du dioxyde de carbone), que les essais 301B effectués conformément à ces lignes directrices constituent des essais de biodégradabilité facile, qui visent à mesurer le caractère dégradable d’une substance sur la base du dégagement de dioxyde de carbone à partir de la substance concernée.

50      L’ECHA et la République fédérale d’Allemagne soutiennent que les essais 301B ont ainsi pour objectif de déterminer si la substance analysée peut subir une dégradation rapide et ultime dans la plupart des environnements, mais qu’ils ne sont pas conçus pour identifier les voies de dégradation de la substance, ou les produits de transformation ou de dégradation de celle-ci, à l’exception du dioxyde de carbone. La requérante n’a nullement contesté ce point et n’a apporté aucun élément de preuve susceptible de le remettre en cause.

51      Il ressort également de la page 51 du chapitre R.11 du guide de l’ECHA, cité à la page 3 de la décision initiale, qu’un résultat négatif livré par l’étude OCDE RG 301B ne signifie pas nécessairement que la substance ne se dégradera pas dans des conditions environnementales. L’une des raisons de l’absence de biodégradabilité en vertu d’un tel test peut en effet résider dans la faible solubilité de la substance dans l’eau. Or, ainsi qu’il ressort du premier paragraphe du point 1.1.3 de l’annexe 1 de la décision initiale, l’uvasorb HEB présente une telle caractéristique.

52      En outre, même s’il ressort de l’étude OCDE RG 301B que l’uvasorb HEB ne subit qu’une faible dégradation après 28 jours, il n’en demeure pas moins que, compte tenu des valeurs de dioxyde de carbone observées, une telle dégradation de la substance a bien été constatée. En l’occurrence, celle-ci s’élevait à près de 7 % ou 8 % à l’issue de la période concernée, selon la concentration de la substance utilisée, ainsi qu’il ressort du point 3.2 de cette étude, intitulé « Biodégradabilité ». Les résultats de l’étude ne fournissent néanmoins aucune indication quant aux produits de transformation ou de dégradation qui se seraient éventuellement formés, et ne tire pas non plus de conclusion quant à leur absence, le cas échéant.

53      Par ailleurs, il ne ressort ni du cinquième paragraphe introductif de l’annexe XIII du règlement no 1907/2006, ni des autres dispositions de cette annexe que seules les substances dont la biodégradabilité excèderait un certain seuil seraient visées par la nécessité d’identifier et de prendre en compte, le cas échéant, les produits de transformation ou de dégradation.

54      De surcroît, bien qu’une dégradation rapide de l’uvasorb HEB soit peu probable, comme le montre l’étude OCDE RG 301B réalisée sur une période de 28 jours, l’ECHA a indiqué, dans la décision initiale, que la substance se dégradait lentement, ce que la requérante a explicitement reconnu dans la requête.

55      Par conséquent, la requérante ne saurait faire valoir que l’étude OCDE RG 301B écartait tout doute quant à l’éventuelle formation de produits de transformation ou de dégradation de l’uvasorb HEB dans l’environnement.

56      S’agissant, deuxièmement, de la prise en compte des résultats des modèles RQSA fournis par la requérante dans le cadre de son évaluation des propriétés PBT ou vPvB de l’uvasorb HEB, tels qu’ils sont reflétés dans le tableau no 1 de la décision initiale, il y a lieu de constater que, au point 28 de la requête, la requérante reconnaît que lesdits résultats identifiaient de potentiels produits de transformation ou de dégradation de la substance en cause. La requérante ne remet pas non plus en cause le fait que ces résultats reposaient sur des données obtenues dans des conditions « pertinentes » au sens du quatrième paragraphe introductif de l’annexe XIII du règlement no 1907/2006.

57      En outre, selon le système instauré par le règlement no 1907/2006, lorsqu’il existe des préoccupations concernant des risques potentiels pour la santé humaine et l’environnement causés par une substance et qu’il n’est pas possible de les réfuter ou de les confirmer sur la base des informations disponibles, une décision au titre de l’évaluation de cette substance peut être adoptée en vue de demander des informations supplémentaires permettant de clarifier ce risque (arrêt du 20 septembre 2019, BASF Grenzach/ECHA, T‑125/17, EU:T:2019:638, point 271).

58      Partant, compte tenu des incertitudes générées par les résultats des modèles RQSA, et en l’absence de données claires permettant d’exclure la formation de produits de transformation ou de dégradation de l’uvasorb HEB, la chambre de recours de l’ECHA pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation ni d’erreur de droit, estimer nécessaire de demander à la requérante de clarifier ces incertitudes et, partant, lui demander des informations supplémentaires.

59      Compte tenu de ce qui précède, les arguments de la requérante relatifs à l’obligation d’appliquer des conditions réalistes pour identifier les produits de transformation ou de dégradation de la substance en cause sont inopérants, dès lors qu’ils ne sont pas de nature à remettre en cause les incertitudes constatées et la nécessité de clarifier celles-ci. Cela étant, dans la mesure où ils se rattachent étroitement aux arguments relatifs aux conditions dans lesquelles l’étude OCDE TG 308 doit être effectuée afin de lever les incertitudes constatées, leur bien-fondé sera examiné dans le cadre du second moyen.

60      Il convient d’ajouter que, au point 1.1.3 de l’annexe 1 de la décision initiale, l’ECHA a indiqué qu’il n’existait pas d’approche alternative appropriée pour obtenir les informations recherchées, qui imposerait une charge moins lourde à la requérante. La requérante n’a pas davantage indiqué qu’une telle alternative était envisageable.

61      Par conséquent, le premier moyen de la requérante, tiré de ce que la chambre de recours de l’ECHA a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation en concluant que l’étude OCDE TG 308 était nécessaire, doit être écarté comme non fondé.

2.      Sur le second moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne le caractère approprié de la température et des conditions d’essai imposées pour l’étude OCDE TG 308

62      La requérante fait valoir que l’étude OCDE TG 308 ne constitue pas un moyen approprié pour atteindre l’objectif recherché, compte tenu du caractère irréaliste de la température à laquelle cet essai devrait être effectué, à savoir 20 °C. Une telle température, bien supérieure à la température moyenne des eaux européennes (12 °C), entraînerait la formation de produits de transformation ou de dégradation en plus grandes quantités et en plus fortes concentrations que dans des conditions réelles, de sorte que l’essai conduirait à des résultats erronés.

63      Dans ce contexte, la requérante souligne, tout d’abord, que l’évaluation des propriétés PBT ou vPvB des produits de transformation ou de dégradation doit être réalisée en ce qui concerne tout produit identifié à des concentrations supérieures ou égales à 10 %, de sorte que des mesures restrictives pourraient être imposées en raison de propriétés PBT ou vPvB de tels produits qui, pourtant, ne se formeraient jamais en pratique. Au stade de la réplique, elle ajoute qu’une concentration de produits inférieure à 10 % doit également être prise en compte, le cas échéant, ainsi qu’il ressortirait du point 41 des lignes directrices 308 de l’OCDE.

64      Ensuite, la requérante estime que, même si la température de 20 °C se situe dans la fourchette prévue par les lignes directrices 308 de l’OCDE, cette fourchette est large, de sorte qu’il appartenait à la chambre de recours de l’ECHA de choisir une température appropriée pour identifier la formation de produits de transformation ou de dégradation.

65      Enfin, la requérante estime que la chambre de recours de l’ECHA n’a pas démontré qu’une température de 20 °C était une température réaliste pour les eaux de surface dans l’Union. En tout état de cause, le fait qu’une telle température puisse effectivement être atteinte à certaines périodes de l’année et dans certaines régions de l’Union ne suffirait pas pour conclure qu’il s’agit d’une température appropriée pour réaliser l’étude OCDE TG 308. Il ressortirait de la page 206 du chapitre R.7b du guide de l’ECHA, version 4.0, du mois de juin 2017 ainsi que de la page 59 du chapitre R.11 de ce guide, que la température moyenne des eaux de surface dans l’Union s’élève plutôt à 12 °C.

66      L’ECHA et la République fédérale d’Allemagne contestent les arguments de la requérante. L’ECHA considère, notamment, que l’argument, soulevé par la requérante dans la réplique, tiré du point 41 des lignes directrices  308  de l’OCDE, n’a pas été soulevé devant la chambre de recours et est, partant, irrecevable.

67      En l’espèce, il ressort du point 1.1.3 de l’annexe 1 de la décision initiale que, compte tenu de la dégradation lente de l’uvasorb HEB, il convient de mener l’étude OCDE TG 308 à une température de 20 °C afin de maximiser la probabilité de formation et d’identification de métabolites.

68      Aux points 90 à 93 de la décision attaquée, la chambre de recours de l’ECHA a confirmé qu’une température de 20 °C revêtait un caractère approprié pour effectuer l’étude OCDE TG 308, pour quatre motifs. Premièrement, l’objectif de l’étude ne serait pas de reproduire des conditions réelles, mais bien de permettre une évaluation objective des propriétés de la substance uvasorb HEB. Deuxièmement, la température de 20 °C se situerait dans la fourchette des températures prévue au point 33 des lignes directrices 308 de l’OCDE. Troisièmement, une température de 20 °C ne serait pas irréaliste pour les eaux de surface et les sédiments dans certaines parties de l’Union à certaines périodes de l’année. Quatrièmement, conformément à l’objectif de l’étude OCDE TG 308, une température de 20 °C devrait accélérer la formation, le cas échéant, de produits de transformation ou de dégradation, et faciliter ainsi leur identification. Ladite chambre a ajouté qu’il y avait lieu de retenir un taux de concentration de produits de transformation ou de dégradation de 10 %, tel que cela était prévu au point 41 de ces lignes directrices.

69      Il convient d’examiner successivement chacun des motifs invoqués par la chambre de recours de l’ECHA, à la lumière des arguments de la requérante.

70      En ce qui concerne, premièrement, la question de savoir s’il convient de mener l’étude OCDE TG 308 sur la base de conditions « réelles » ou « réalistes », plutôt que sur celle de conditions « pertinentes » devant permettre une évaluation objective, il y a lieu de constater que le quatrième paragraphe introductif de l’annexe XIII du règlement no 1907/2006 prévoit que les informations utilisées aux fins de l’évaluation des propriétés d’une substance doivent se fonder sur des données obtenues dans des conditions « pertinentes ». Ce paragraphe ne fait néanmoins aucune distinction selon la nature des informations visées : il n’indique nullement qu’il y aurait lieu de se fonder sur des conditions de nature différente selon que les informations recherchées concernent les propriétés de la substance mère, l’identification de produits de transformation ou de dégradation de celle-ci, ou encore les propriétés de ces produits de transformation ou de dégradation.

71      Une telle distinction ne ressort pas non plus du cinquième paragraphe introductif de l’annexe XIII du règlement no 1907/2006. Ce paragraphe prévoit uniquement qu’il convient également de tenir compte des propriétés PBT et vPvB des produits de transformation ou de dégradation des substances « concernés » afin d’identifier les substances PBT ou vPvB au sens de ladite annexe, sans apporter la moindre indication quant aux conditions spécifiques dans lesquelles il y a lieu de vérifier la formation de tels produits. Il ne saurait être inféré de l’utilisation du terme « concernés » que la formation de ces produits doit être examinée à la lumière de critères différents de ceux annoncés au quatrième paragraphe introductif de cette annexe, à savoir des critères « pertinents ».

72      Le libellé des quatrième et cinquième paragraphes introductifs de l’annexe XIII du règlement no 1907/2006 ne permet donc pas de conclure que le législateur de l’Union a entendu prévoir des conditions « réalistes » pour identifier des produits de transformation ou de dégradation, et des conditions « pertinentes » aux fins d’examiner leur propriétés PBT ou vPvB. Au contraire, les conditions doivent être « pertinentes » dans un cas comme dans l’autre.

73      En outre, la distinction avancée par la requérante ne trouve aucun appui dans le texte de l’annexe XIII du règlement no 1907/2006 en général. Comme le reconnaît la requérante elle-même, aucune disposition de cette annexe n’impose d’avoir recours à des données obtenues dans des conditions « réalistes » plutôt que « pertinentes » pour identifier les produits de transformation ou de dégradation d’une substance, lorsque celles-ci ne sont pas préalablement connues.

74      Il convient d’ajouter que les méthodes d’essai à appliquer aux fins du règlement no 1907/2006 sont définies à l’annexe du règlement (UE) no 440/2008 de la Commission, du 30 mai 2008, établissant des méthodes d’essai conformément au règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) (JO 2008, L 142, p.1). Notamment, les conditions dans lesquelles il y a lieu de mener un essai tel que l’étude OCDE TG 308 font l’objet d’une description détaillée dans la partie C.24 de ladite annexe. Or, la requérante n’a nullement fait valoir que les conditions d’essai imposées dans la décision initiale, et confirmées dans la décision attaquée, ne respectaient pas les conditions prévues par cette annexe.

75      La requérante fait néanmoins valoir que, à la page 51 du chapitre R.11 du Guide de l’ECHA, sous le titre « Essais de simulation de biodégradation », il est indiqué que les simulations de dégradation réalisées dans des milieux environnementaux appropriés et à des conditions environnementales réalistes sont les seuls essais pouvant fournir une demi-vie de dégradation susceptible d’être comparée directement aux critères de persistance définis à l’annexe XIII du règlement no 1907/2006. À la page 52 de ce chapitre, il serait précisé que les simulations décrites dans les essais OCDE TG 307, 308 et 309 concernent le devenir et le comportement prévisibles d’une substance dans l’environnement, y compris les voies de dégradation, et que les résultants devant être recherchés concernent notamment les voies de dégradation et les métabolites. Selon la requérante, cela fait clairement le lien entre la simulation de la dégradation des substances et la formation et l’identification de métabolites dans des conditions réalistes.

76      À cet égard, il y a lieu de constater que l’argument de la requérante rappelé au point 75 ci-dessus concerne les essais visant à fournir la demi-vie de dégradation d’une substance. Or, l’ECHA a exposé que, si une étude a pour objet de déterminer le taux de dégradation d’une substance, une température d’essai de 12 °C est effectivement plus appropriée. En revanche, lorsqu’une étude vise à identifier les produits de transformation ou de dégradation d’une substance, une température d’essai plus élevée, telle que celle de 20 °C en l’espèce, est plus appropriée, car elle entraîne un taux de dégradation plus rapide et facilite ainsi l’identification de tels produits.

77      Comme l’indique l’ECHA, cette explication est corroborée par le second paragraphe de la page 219 du chapitre R.7b du guide de l’ECHA, dont il ressort que les résultats d’études cinétiques, tels que le taux de dégradation d’une substance, doivent être obtenus à une température « pertinente » pour l’environnement. Cette température est de 12 °C par défaut, mais peut être plus élevée lorsqu’il s’agit de déterminer les produits de transformation ou de dégradation de la substance en cause. Ainsi, ce chapitre impose d’avoir recours à des conditions « pertinentes » et admet, à cet égard, la possibilité d’utiliser une température plus élevée que la température moyenne de 12 °C lorsque l’objectif de l’étude est d’identifier, comme en l’espèce, les produits de transformation ou de dégradation d’une substance.

78      Deuxièmement, s’agissant du motif selon lequel la température de 20 °C se situe dans la fourchette de températures prévue au point 33 des lignes directrices 308 de l’OCDE, concernant la réalisation des essais en cause, il y a lieu de constater que, selon ce point, l’essai doit être effectué dans l’obscurité à une température constante comprise entre 10 °C et 30 °C. Ainsi que l’indique la République fédérale d’Allemagne, ces conditions sont également reprises au point 1.9.1. de la partie C.24 de l’annexe du règlement no 440/2008. Le second paragraphe de ce point précise que, pour mener un essai tel que l’étude OCDE TG 308, la température indiquée est de 20 °C (+/- 2 °C).

79      Ainsi, c’est à bon droit que la chambre de recours de l’ECHA a constaté que la température de 20 °C fixée dans la décision initiale se situait dans les limites prévues par les lignes directrices 308 de l’OCDE.

80      Troisièmement, en ce qui concerne la température des eaux de surface dans l’Union, il convient de rappeler que, en raison du caractère contradictoire de la procédure devant la chambre de recours de l’ECHA, il incombait à la requérante de démontrer que les conclusions de l’ECHA dans la décision initiale étaient entachées d’une erreur (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2019, BASF Grenzach/ECHA, T‑125/17, EU:T:2019:638, point 275). Ainsi, c’est à la requérante qu’il appartenait de prouver qu’une température de 20 °C était irréaliste dans l’Union. De même, il lui appartient de prouver, devant le Tribunal, que les conclusions de ladite chambre sur cette question sont manifestement erronées. En tout état de cause, le simple fait qu’une telle température ne soit pas permanente ni répandue dans l’ensemble des eaux de surface de l’Union tout au long de l’année ne permet pas de considérer que cette température soit irréaliste au point de constituer une erreur manifeste d’appréciation de cette chambre.

81      Certes, comme l’indique la requérante, conformément aux indications figurant à la page 206 du chapitre R.7b du guide de l’ECHA, dans leur version disponible en ligne à l’adresse renseignée par la requérante au point 39 de la requête et non contestée par l’ECHA, la température de 12 °C est actuellement considérée par les autorités comme la température moyenne des eaux de surface européennes et correspond à la température qui, selon le comité des États membres de l’ECHA, doit être utilisée dans les nouveaux essais de simulation de dégradation. Il est également vrai que, à la page 59 du chapitre R.11 de ce guide, dans sa version disponible en ligne à l’adresse renseignée par la requérante au point 27 de la requête et non contestée par l’ECHA, il est mentionné que la température de référence pour fournir des résultats concernant les tests de niveau supérieur (et réaliser les tests le cas échéant) est de 12 °C pour les eaux de surface.

82      Toutefois, ainsi qu’il ressort des points 76 et 77 ci-dessus, le deuxième paragraphe de la page 219 du chapitre R.7b du guide de l’ECHA n’impose pas l’utilisation d’une température de 12 °C lorsqu’il s’agit d’identifier des produits de transformation ou de dégradation d’une substance. S’il est indiqué que ladite température constitue une température moyenne considérée comme étant raisonnable pour l’Union, il est également précisé que, aux fins de l’identification des produits de dégradation, une température d’essai plus élevée, mais dans le cadre fourni par les lignes directrices de l’étude, pourrait être utilisée pour surmonter les limites analytiques potentielles affectant l’identification et la quantification de ces produits de dégradation.

83      De même, à la page 221 du chapitre R.7b du guide de l’ECHA, sous le titre « Température pour effectuer de nouveaux essais de simulation », il est indiqué que, pour les essais effectués en vertu du règlement no 1907/2006, il est préférable d’utiliser une température de 12 °C lorsque l’objectif principal de l’essai est de déterminer la demi-vie de la molécule mère. En revanche, si l’objet de l’essai de simulation est principalement l’identification des métabolites, c’est-à-dire les produits de transformation ou de dégradation, une température d’essai plus élevée de 20 °C peut être appropriée pour accélérer la formation des produits de dégradation et faciliter ainsi leur identification et leur caractérisation.

84      Or, il n’est pas contesté que l’objectif de l’étude OCDE TG 308 est précisément d’identifier les produits de transformation ou de dégradation de la substance uvasorb HEB et de quantifier ceux-ci, la température de 20 °C ayant été choisie pour accélérer la formation de tels produits et permettre ainsi une identification plus aisée de ceux-ci, compte tenu de la lente dégradation de la substance en cause.

85      Quatrièmement, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de l’augmentation artificielle de la concentration des produits de transformation ou de dégradation de l’uvasorb HEB, il y a lieu de constater que celui-ci repose sur la prémisse selon laquelle la température de 20 °C retenue dans la décision initiale, et confirmée par la décision attaquée, est irréaliste et aboutirait à créer une concentration de produits de transformation ou de dégradation qui, dans des conditions réelles, ne se formeraient probablement pas.

86      Or, d’une part, comme exposé aux points 70 à 73 ci-dessus, il ne ressort nullement de l’annexe XIII du règlement no 1907/2006 qu’une distinction devrait être opérée entre des conditions « pertinentes » appliquées pour l’évaluation des propriétés PBT ou vPvB d’une substance et des conditions « réalistes » retenues pour identifier les produits de transformation ou de dégradation de cette substance. Au contraire, le législateur de l’Union ayant uniquement fait état de conditions « pertinentes » dans ladite annexe, il y a lieu de s’assurer que la température de 20 °C retenue en l’espèce satisfait à cette condition, à la lumière des conditions d’essai décrites dans la partie C.24 de l’annexe du règlement no 440/2008. D’autre part, ainsi qu’il ressort des points 80 à 84 ci-dessus, la requérante n’a pas démontré que la température de 20 °C pour les eaux de surface était irréaliste à certaines périodes de l’année et dans certaines régions de l’Union.

87      En tout état de cause, il n’est pas contesté que la température d’essai n’affecte pas les voies de dégradation de la substance étudiée. Une température plus élevée permet néanmoins d’accélérer la formation des produits de transformation ou de dégradation potentiels de cette substance. Ainsi, à une température de 12 °C, la vitesse de dégradation de l’uvasorb HEB serait plus lente alors que, à une température de 20 °C, les mêmes produits de transformation ou de dégradation potentiels se formeraient plus rapidement.

88      En ce qui concerne le taux de concentration des produits de transformation ou de dégradation potentiels, l’ECHA ne conteste pas que ce taux puisse être plus élevé lorsque la température de l’essai augmente, de sorte que le taux de concentration de 10 % finalement retenu dans la décision attaquée pourrait être plus aisément atteint avec une température de 20 °C. Toutefois, la requérante n’a nullement contesté l’indication de l’ECHA selon laquelle, à une température inférieure, les mêmes produits de transformation ou de dégradation finiraient par se former au fil du temps, à une concentration finale équivalente. La requérante n’a pas non plus apporté d’éléments de preuve susceptibles de remettre cette affirmation en cause.

89      De plus, le point 41 des lignes directrices 308 de l’OCDE indique que l’identification des produits de transformation dont la concentration ne cesse d’augmenter durant l’étude est aussi à envisager, le cas échéant, même si leur concentration ne dépasse pas les limites de 10 %, car cela peut être un indice de persistance.

90      Par conséquent, même si une température inférieure à 20 °C était appliquée pour mener l’étude OCDE TG 308, avec pour conséquence que des éventuels produits de transformation ou de dégradation de l’uvasorb HEB pourraient se former à des taux de concentration moins élevés, cela n’exclurait pas toute prise en compte de ces produits, selon le cas.

91      Il résulte de ce qui précède que le second moyen doit être rejeté comme non-fondé, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la recevabilité des arguments, soulevés par la requérante dans la réplique, tirés de l’interprétation erronée, par l’ECHA, du point 41 des lignes directrices 308 de l’OCDE.

92      Par voie de conséquence, il convient de rejeter le recours comme étant non-fondé.

IV.    Sur les dépens

93      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’ECHA.

94      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. La République fédérale d’Allemagne supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      3V Sigma SpA supportera ses propres dépens ainsi que les dépens exposés par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure de référé.

3)      La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

da Silva Passos

Reine

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.